Financement humanitaire : le Mali face à une baisse historique des contributions

Au 31 octobre 2025, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) constate un effondrement du financement humanitaire au Mali. Moins de 16 % des besoins sont couverts, un recul de plus de moitié par rapport à 2024 alors que la crise s’aggrave dans le pays.

Le Financial Tracking Service (FTS) d’OCHA, plateforme mondiale de suivi des financements, indique que le Plan de réponse humanitaire 2025 du Mali, chiffré à 771,3 millions de dollars — soit environ 468 milliards de francs CFA — n’a mobilisé que 120,5 millions de dollars, soit 73 milliards de francs CFA. Ce taux de couverture de 15,6 % est l’un des plus faibles enregistrés depuis plus de dix ans.

En 2024, le plan d’aide du Mali, évalué à 751 millions de dollars (456 milliards CFA), avait été financé à hauteur de 269 millions (163 milliards CFA), soit 36 % des besoins. En un an, les financements ont donc chuté de plus de 55 %, alors que les besoins ont, eux, légèrement augmenté, traduisant un désintérêt progressif des bailleurs pour les crises prolongées du Sahel.

À l’échelle mondiale, seulement 35 % des besoins humanitaires ont été couverts en 2025, selon OCHA, contre plus de 50 % en moyenne au cours de la décennie précédente. Cette baisse est liée à la multiplication des crises simultanées, au ralentissement économique mondial et à la redirection de l’aide vers l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient.

Sur le terrain, les conséquences sont tangibles et mesurables. Le secteur de la sécurité alimentaire, qui absorbe la plus grande part du plan, n’a reçu que 22,2 millions de dollars, soit environ 13 milliards de francs CFA, sur 423 millions demandés (254 milliards CFA). La nutrition, deuxième priorité, affiche un financement de 16,6 millions de dollars (9,9 milliards CFA) sur 68,6 millions attendus, soit 24 % de couverture. Les programmes de santé, eux, n’ont reçu que 6,3 millions de dollars (3,7 milliards CFA) sur 38,3 millions demandés, tandis que l’éducation d’urgence plafonne à 4,4 millions de dollars, soit à peine 11 % de son objectif.

Le secteur eau, hygiène et assainissement (WASH), pourtant vital dans un contexte de déplacement massif et de contamination des nappes, n’a mobilisé que 3,5 millions de dollars (2,1 milliards CFA) sur 34,5 millions requis. La protection des civils, la réponse aux violences basées sur le genre et l’appui logistique affichent également des niveaux critiques, tous inférieurs à 20 % de couverture.

Les principales zones affectées demeurent les régions du Centre (Mopti, Ségou) et du Nord (Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka), où les organisations signalent des ruptures d’approvisionnement dans les entrepôts du Programme alimentaire mondial (PAM) et des interruptions de programmes communautaires soutenus par l’UNICEF et le HCR.

Les principaux bailleurs — Union européenne, Allemagne, États-Unis, Royaume-Uni, Canada et Italie — maintiennent leurs contributions, mais sans rehaussement. Le PAM, par exemple, n’a pu distribuer que 60 % des rations prévues en octobre, tandis que certaines ONG locales rapportent la suspension de projets d’eau potable dans le delta intérieur du Niger faute de financements supplémentaires.

À deux mois de la clôture budgétaire, les acteurs humanitaires préviennent que plus de la moitié des programmes prévus pour 2025 risquent d’être suspendus, accentuant les vulnérabilités dans un pays où plus de 7 millions de personnes ont besoin d’assistance, dont plus de 400 000 déplacés internes et 250 000 réfugiés étrangers.

 

Accès humanitaire : 58 incidents enregistrés en août

En août 2025, cinquante-huit incidents d’accès humanitaire ont été recensés au Mali selon OCHA, soit une baisse de près d’un tiers par rapport au mois précédent. Derrière cette diminution apparente se cache toutefois une situation fragile, marquée par des violences ciblées, des routes coupées et des restrictions qui continuent de peser sur les opérations de secours.

Les chiffres du mois d’août offrent une photographie contrastée. Alors que les incidents d’accès reculent de 29 % par rapport à juillet, passant de 82 à 58, les menaces liées aux engins explosifs restent préoccupantes avec 34 cas enregistrés. Cela représente une légère baisse de 11 %, mais ce type d’incident demeure la principale contrainte pour les humanitaires. Les opérations militaires et les hostilités armées perturbant les activités humanitaires connaissent quant à elles un repli marqué, avec une chute de 61 %. Les incidents de sécurité dans leur ensemble diminuent également, passant de 385 en juillet à 347 en août, soit une réduction de 10 %. Malgré cette tendance à la baisse, les travailleurs humanitaires continuent d’être exposés, avec huit cas de violences recensés au cours du mois, dont l’enlèvement d’un agent et de son véhicule dans la région de Koutiala.
Au-delà des chiffres, le mois d’août révèle une extension progressive des contraintes vers le sud du pays. La région de Sikasso, jusque-là relativement épargnée, a enregistré onze incidents d’accès. Des infrastructures essentielles y ont été délibérément visées, notamment des antennes de téléphonie mobile détruites dans les localités de Doumanani, Tella, Niaradougou et Fonsebougou. Ces sabotages, combinés à des contrôles irréguliers menés par des groupes armés, sont interprétés comme des signaux inquiétants de restrictions imposées dans cette partie du territoire.
Les conditions climatiques ont également contribué à limiter l’accès humanitaire. De fortes pluies ont provoqué d’importants ruissellements dans la région de Douentza et endommagé la route nationale 16, reliant Douentza à Gao. Cette voie, fracturée en plusieurs points, freine considérablement la mobilité et retarde l’acheminement de l’aide. Plus au nord, la situation reste hétérogène. À Tombouctou, les restrictions pesant sur la localité de Gossi ont été levées le 26 août, permettant à la population et aux commerçants de reprendre leurs activités et de réalimenter les marchés. À l’inverse, l’accès à la ville de Kidal demeure entravé. La route reliant Gao à Anefif et Kidal reste très dangereuse, ce qui restreint sévèrement les flux de biens et de personnes et accentue les besoins humanitaires dans la zone.
Le transport aérien, qui constitue souvent une alternative face à l’insécurité routière, est lui aussi fragilisé. Malgré la mise en place de stocks de carburant à Gao et Mopti, les vols humanitaires continuent de subir des perturbations, conséquence directe des difficultés d’approvisionnement liées à l’instabilité sécuritaire.
Ces évolutions montrent que, derrière la baisse des statistiques, le contexte d’accès humanitaire reste extrêmement volatil et imprévisible. Pour les organisations présentes sur le terrain, la nécessité d’adapter les stratégies communautaires, de renforcer les mécanismes sécurisés et de maintenir une coordination de proximité apparaît plus que jamais essentielle afin de garantir la continuité des opérations et de protéger les populations affectées. Au-delà des contraintes opérationnelles, ces chiffres traduisent surtout un impact direct sur les communautés vulnérables, qui voient retarder l’arrivée de vivres, de médicaments et d’autres services de première nécessité.
Le Mali reste ainsi l’un des contextes les plus complexes du Sahel en matière d’accès humanitaire. Les tendances observées en août s’inscrivent dans une dynamique plus large de restrictions qui, depuis plusieurs années, mettent à l’épreuve la capacité des acteurs humanitaires à maintenir leur présence et à répondre aux besoins croissants.

Besoins humanitaires : seulement 13 % couverts au Mali

Le dernier rapport régional de l’OCHA, daté du 8 septembre 2025, révèle que le financement humanitaire au Mali reste largement en deçà des besoins. Le Plan de réponse humanitaire du pays est évalué à 771,3 millions de dollars pour 2025. À ce jour, 100,8 millions ont été mobilisés à l’intérieur du plan, soit 13 % du total requis. S’y ajoutent 26,6 millions de financements extérieurs, portant l’enveloppe globale à 127,4 millions de dollars.

Le déficit atteint 671 millions de dollars. Cette situation place le Mali parmi les pays les moins financés de la région, en proportion de ses besoins. À titre de comparaison, le Tchad affiche une couverture de 20 % avec 291,7 millions mobilisés sur plus de 1,4 milliard requis, tandis que la République centrafricaine atteint 25 %.
L’analyse s’inscrit dans une vue d’ensemble de huit pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Les besoins régionaux s’élèvent à 7,7 milliards de dollars pour 2025, dont seulement 1,3 milliard a été financé dans le cadre des plans de réponse humanitaire, soit une couverture de 17 %. Plus de 6,4 milliards restent à mobiliser. Les financements extérieurs aux plans représentent 322,8 millions de dollars, soit 19 % du total global.
Pour le Mali, la part des financements hors plan représente 21 % des ressources mobilisées, un niveau similaire à celui du Burkina Faso et supérieur à celui du Nigeria, évalué à 14 %. Malgré ces apports complémentaires, la situation demeure critique au regard des besoins non couverts.
Les principaux bailleurs identifiés sont l’Union européenne, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui concentrent la majorité des financements régionaux. Ces contributions bénéficient surtout aux agences des Nations unies, aux ONG internationales et au Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
La faiblesse du financement au Mali intervient alors que le pays fait face à une aggravation des besoins humanitaires, dans un contexte de déplacements massifs et de vulnérabilités accrues. Le rapport souligne l’écart persistant entre les ressources disponibles et les besoins exprimés, limitant la capacité des acteurs humanitaires à répondre efficacement aux urgences.

Assistance humanitaire : un besoin de plus de 454 milliards de francs CFA

À travers le Plan de réponse humanitaire, la communauté internationale envisage apporter une assistance multisectorielle d’urgence répondant aux besoins vitaux et permettant aux populations des zones en crise au Mali de rester dignes, en assurant un accès minimum et équitable aux services sociaux de base et en préparant les bénéficiaires à mieux résister aux chocs. Ce Plan a été présenté le mardi 31 janvier 2023 par le Bureau du Mali de la Coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). Visant à apporter une assistance humanitaire à 5,7 millions de personnes affectées par les conflits et les chocs climatiques, le Plan de réponse humanitaire 2023 pour le Mali nécessite pour sa mise en œuvre la mobilisation de 751,4 millions de dollars américains, soit 454,8 milliards de francs CFA. Malgré les efforts de l’État et de ses partenaires, qui ont assisté plus de 2,9 millions de personnes sur les 5,3 millions ciblées par la réponse humanitaire en 2022, par la mobilisation de 260 millions de dollars sur les 686 millions recherchés, la tendance des besoins est toujours croissante, avec une hausse de 17% par rapport à janvier 2022.