Fleuve Niger : Une richesse vitale menacée par la pollution

Le fleuve Niger, principale source d’eau potable de Bamako, est menacé par les rejets massifs d’eaux usées, les déchets plastiques et les activités de dragage. Cette pollution croissante fragilise la santé publique et ruine la pêche et l’agriculture, au-delà de la problématique de gestion collective d’une ressource vitale qui irrigue tout le bassin ouest-africain.

Environ 611 548 m³ d’eaux usées, soit plus de 600 millions de litres, sont déversés chaque jour dans le fleuve à Bamako, selon une étude du projet Cart’Eau. À ces rejets s’ajoutent l’invasion des sachets plastiques et les activités de dragage, en violation du Code minier, qui menacent la faune aquatique et la santé des populations.

Long de 1 700 kilomètres au Mali, le fleuve traverse la capitale mais perd sa vitalité. Sa couleur jaunâtre témoigne de la contamination causée par le déversement anarchique de déchets domestiques et industriels. Sur les berges, les plastiques s’accumulent et des tonnes de détritus s’entassent dans ses fonds, augmentant le risque de débordement pendant l’hivernage. La fermeture du site de Noumoubougou, seul espace d’enfouissement final des ordures, aggrave encore la situation.

L’absence de station de traitement des boues de vidange contribue au problème. Les eaux usées sont déversées à ciel ouvert avant de rejoindre le Niger par ruissellement. La ville compte 94 collecteurs d’eau, dont plus de la moitié se jettent directement dans le fleuve. Conçus pour évacuer les pluies, ils servent désormais d’égouts et de dépotoirs, provoquant une raréfaction des poissons et menaçant le revenu de centaines de pêcheurs.

Les conséquences sanitaires sont lourdes. Une étude de 2023 souligne que l’eau non traitée favorise choléra, bilharziose, typhoïde et diarrhées, tandis que le paludisme est aggravé par la stagnation des eaux polluées. Le fleuve, censé être une source de vie, devient un vecteur de maladies.

Sur le plan économique, la riziculture irriguée et le maraîchage autour de Bamako sont affectés par la baisse de qualité de l’eau. La pêche décline, privant des familles de leur revenu principal, tandis que le traitement de l’eau potable devient plus coûteux.

Ressource transfrontalière, le Niger traverse six pays. Sa dégradation à Bamako a des répercussions en aval. L’Autorité du Bassin du Niger (ABN), basée à Niamey, appelle régulièrement à une gestion concertée, mais ses recommandations peinent à s’imposer.

Adopté en août 2023, le nouveau Code minier interdit le dragage aurifère, mais son application reste difficile. L’Agence du Bassin du Fleuve Niger (ABFN), qui sensibilise et alerte, n’a aucun pouvoir de sanction. Son Directeur général adjoint, Moussa Diamoye, plaide pour une taxe « pollueur-payeur » et un plan d’aménagement des berges, rappelant que malgré son interdiction le dragage continue de menacer la ressource.

Joseph Amara Dembélé

Inondations et pollution : La crainte d’une crise environnementale majeure en 2025

Le Mali fait face à deux crises environnementales majeures : des inondations historiques qui continuent de dévaster des régions entières malgré la fin de l’hivernage et une pollution atmosphérique croissante, à Bamako notamment. Ces phénomènes, aggravés par les pratiques humaines et le manque d’application des politiques environnementales, posent des défis colossaux pour l’avenir.

Depuis juillet 2024, des inondations d’une ampleur exceptionnelle ravagent le pays, causant des dégâts considérables. Près de 259 795 personnes ont été touchées, avec un bilan d’une centaine de décès et 148 blessés. Les régions de Ségou, Gao et Tombouctou sont parmi les plus durement affectées. À Gao, plus de 1 990 maisons se sont effondrées sous l’effet de précipitations intenses. Malgré la fin de l’hivernage en octobre 2024, les niveaux d’eau restent critiques, détruisant des infrastructures et exposant les populations à des déplacements et risques sanitaires tels que le choléra et le paludisme.

Parallèlement, la capitale, Bamako, est confrontée à une pollution atmosphérique alarmante. Selon l’Indice de Qualité de l’Air (IQA), les concentrations de particules fines dépassent largement les normes recommandées par l’OMS, classant l’air de la ville comme « nocif ». Le Pr Yacouba Toloba, pneumologue, a alerté sur l’augmentation des maladies respiratoires et cardiovasculaires. En 2024, 83 décès liés aux maladies respiratoires, dont une part significative attribuable à la mauvaise qualité de l’air, ont été dénombrés. La même étude a également indiqué que plus de 260 000 personnes fréquentent les hôpitaux chaque année pour bénéficier de soins contre les pathologies respiratoires.

La Pr Fatoumata Maïga, spécialiste des questions environnementales, attribue cette pollution à plusieurs facteurs : les véhicules de seconde main, souvent mal entretenus, les activités industrielles et artisanales, ainsi que les pratiques agricoles et minières. Des pratiques qui libèrent des fumées toxiques et des particules de poussière dans l’atmosphère. Même l’élevage intensif contribue à ce problème par le dégagement de gaz issus des mélanges de bouses et d’urines.

Pour réduire cette crise, elle recommande de restreindre l’importation de véhicules trop âgés, de diminuer l’utilisation de moteurs diesel et de réguler strictement les activités industrielles. Cependant, elle souligne que l’application des politiques publiques reste un défi majeur, malgré l’existence de textes. Une situation qu’elle attribue à des pratiques sociales néfastes, comme le favoritisme et l’impunité.

Ainsi, l’année 2025 s’annonce déterminante pour le pays, où des actions concrètes et une sensibilisation accrue sont nécessaires pour faire face à des crises environnementales aux conséquences imprévisibles.