SENARE : Quatre éditions sans réconciliation réelle

La 4ème édition de la Semaine Nationale de la Réconciliation se déroule du 15 au 21 septembre 2025 à Bamako. Trois ans après sa création, ce rendez-vous, voulu comme un temps fort pour panser les plaies du Mali, peine encore à traduire ses promesses en résultats concrets.

Instituée par la Loi d’Entente Nationale de 2019, la SENARE a été lancée pour la première fois en 2022. Elle devait servir de cadre symbolique et pédagogique pour sensibiliser les citoyens aux valeurs de paix, de cohésion et de vivre-ensemble. Chaque année, la semaine est marquée par des conférences, des débats, des émissions en langues nationales, des expositions artistiques, des prières collectives, des campagnes de reboisement et des panels sur le rôle des femmes. L’édition 2025, ouverte au Centre international de conférences de Bamako, a pour thème « Héritage culturel : facteur de paix et de cohésion sociale dans l’espace AES », dans une volonté affichée de puiser dans les ressources culturelles pour renforcer l’unité.

Au fil des quatre éditions, les organisateurs ont multiplié les activités de sensibilisation et les symboles de rassemblement. Pourtant, les résultats tangibles restent limités. Aucun élément ne montre que la SENARE ait permis de renouer un dialogue direct avec les groupes armés hostiles à l’État. Ni le Front de libération de l’Azawad, ni les organisations jihadistes comme le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM), lié à Al-Qaïda, ou la branche sahélienne de l’État islamique n’ont pris part au processus. Tous, qui se combattaient parfois entre eux, semblent désormais considérer l’État comme leur adversaire commun. Le dialogue reste donc rompu et les lignes de fracture demeurent inchangées.

L’insécurité monte en flèche

La situation sécuritaire illustre cette impasse. Plusieurs axes stratégiques restent sous la menace de blocus imposés par les groupes armés. La route Bamako – Diéma – Kayes, celle de Nioro, la RN16 reliant Sévaré à Gao, la RN17 menant vers le Niger ou encore la RN20 en direction de Koutiala, Sikasso et Bougouni, sont régulièrement citées parmi les corridors les plus exposés. Les opérations militaires menées par l’armée, appuyées par des couvre-feux locaux, témoignent de la gravité des menaces. Mais la violence n’a pas été circonscrite et la libre circulation reste compromise dans plusieurs régions.

Tensions politiques

Le contexte politique ajoute à la complexité. La dissolution de tous les partis, la détention de figures politiques et l’exil de leaders d’opinion pèsent sur le climat national. Dans ces conditions, la réconciliation prônée pendant la SENARE peine à trouver un écho concret. D’ailleurs, la remise en juillet 2025 de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation, texte de 16 titres, 39 chapitres et 106 articles, devait offrir un cadre de référence. Mais une interrogation demeure : combien d’opposants ou de groupes hostiles à l’État se reconnaissent dans ce document ? À ce jour, aucun indicateur ne permet de confirmer son appropriation réelle.

La SENARE a donc mis en avant des initiatives de sensibilisation, des activités culturelles et des gestes symboliques, mais elle n’a pas encore permis de réduire les violences ni de poser les bases d’un dialogue politique inclusif. Elle a surtout fonctionné comme un instrument de communication nationale, sans créer l’espace attendu de médiation entre l’État et les groupes armés.

Des succès

Des comparaisons internationales offrent des points de repère. En Côte d’Ivoire, après la crise de 2010 – 2011, le Dialogue politique avait intégré des représentants d’anciens groupes armés et abouti à des libérations conditionnelles. Au Rwanda, les juridictions communautaires Gacaca ont été instaurées après le génocide pour favoriser une justice de proximité et une réconciliation enracinée dans les communautés. Ces expériences montrent que la réconciliation durable exige des mécanismes inclusifs, continus et institutionnalisés, allant au-delà d’une simple semaine commémorative.

Après quatre éditions, la SENARE demeure un espace de sensibilisation utile, mais elle n’a pas encore produit les résultats attendus en termes de paix et de cohésion nationale. Le risque est que cette initiative devienne une cérémonie parmi d’autres, sans la portée particulière qu’elle mérite. L’urgence, pour l’État comme pour les acteurs de la société, est de transformer cette semaine en un véritable levier de dialogue et d’actions concrètes afin qu’elle s’inscrive dans le quotidien des Maliens bien au-delà de ses dates officielles.

MD

Lancement du programme DDR-I : une relance sous haute surveillance  

Le gouvernement a officiellement lancé le programme de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion et Intégration (DDR-I), visant à intégrer 2 000 ex-combattants au sein des Forces armées maliennes (FAMa) et à réinsérer 1 000 autres dans la vie civile. Cette annonce a été faite par le ministre de la Réconciliation nationale, le général Ismaël Wagué, qui a souligné l’importance de cette initiative dans le cadre du processus de stabilisation et de réconciliation nationale.

Lors de son intervention, le ministre a déclaré :  » Notre objectif est clair : faire du DDR-I un modèle de réussite en matière de stabilisation et de réconciliation nationale. C’est pourquoi nous devons œuvrer ensemble, dans un esprit de dialogue et de confiance mutuelle, pour garantir le succès de ce processus « . Il a insisté sur la nécessité d’un cadre structuré garantissant une réintégration efficace et durable des ex-combattants dans la société.
Toutefois, cette relance du DDR-I intervient alors que le précédent programme, sous l’Accord d’Alger et la MINUSMA, prévoyait lui aussi 3 000 bénéficiaires mais n’avait pas atteint les 2 000 intégrations effectives. Plusieurs obstacles avaient compromis son exécution, notamment un financement incertain, un manque de critères clairs pour la sélection des bénéficiaires et un suivi insuffisant des ex-combattants intégrés ou réinsérés.
Si le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) est censé veiller à l’application rigoureuse des critères d’éligibilité, des doutes subsistent quant à la transparence et l’efficacité du processus. L’intégration des 2 000 recrues dans l’armée pose également des questions : quelles seront leurs perspectives de carrière et leur niveau de formation ? De même, les 1 000 ex-combattants destinés à la réinsertion socio-économique auront-ils accès à des opportunités viables ou seront-ils livrés à eux-mêmes après quelques aides ponctuelles ?
Le Président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Assimi Goïta, a affirmé que ce programme constitue une priorité stratégique pour la sécurisation du pays, comme il l’a rappelé lors de son allocution du 31 décembre 2024. Pourtant, sans un financement garanti, une gestion rigoureuse et un encadrement efficace, le DDR-I risque de répéter les erreurs du passé. Cette relance tiendra-t-elle ses promesses, ou s’ajoutera-t-elle à la liste des engagements non tenus ? Seuls les mois à venir permettront de trancher.

Paix et Réconciliation Nationale : Où en est l’avant-projet de Charte ?

La Commission de rédaction de l’avant-projet de Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale avait été mise en place en juillet pour une durée de deux mois. Elle a achevé son travail début octobre. Selon nos informations, le document final de l’avant-projet a été remis au Président de la Transition, auquel il revient de décider de la suite du processus.

Le Président de la Transition avait prolongé jusqu’au 30 septembre dernier le mandat initial de la Commission pour élargir les consultations aux Institutions de la République ainsi qu’aux anciens Présidents et Premiers ministres.

« Ce travail a été fait. Nous avons ajouté à l’avant-projet à la fois les éléments nouveaux proposés par les Chefs des différentes institutions, les anciens Présidents et anciens Premiers ministres, mais aussi une synthèse des propositions des forces vives de la Nation », affirme Dr. Ely Bréhima Dicko, membre de la Commission. Il  affirme que le document finalisé a déjà été remis au Président de la Transition, même s’il n’y a pas eu de cérémonie solennelle pour l’occasion.

Concernant la suite du processus d’élaboration de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale, plusieurs options s’offrent au Président de la Transition, selon Dr. Ely Bréhima Dicko. Comme pour l’élaboration de la Constitution du 22 juillet 2023, le Général d’armée Assimi Goïta peut mettre en place une Commission de finalisation de l’avant-projet élargie aux forces vives et aux institutions. Cette Commission aura un délai maximum d’un mois pour cette mission.

Le Président de la Transition pourrait aussi décider de faire passer le document final au Secrétariat général du gouvernement avant de le faire examiner et adopter par le Conseil des ministres. Par la suite, ce projet de loi pourrait être envoyé sur la table du Conseil national de transition (CNT), qui devra se prononcer sur son adoption finale pour en faire une loi.

Mais pour l’heure aucune information ne filtre sur le timing de la suite du processus. « Je pense que les autorités sont en train de se pencher sur ces différentes options afin de choisir la bonne approche. Et on sait également qu’il y a eu dernièrement des soubresauts politiques. Tout cela peut impacter l’agenda », confie Dr. Dicko.

Mohamed Kenouvi