OMC : lors de la 13ème conférence ministérielle, la question des subventions divise les membres

Plusieurs questions vont occuper les discussions lors de la 13ème conférence ministérielle de l’organisation mondiale du commerce qui se tient à Abu Dhabi du 26 au 29 février. Parmi ces questions, celle sur les subventions oppose les membres.

Alors que les délégués des différents pays enchaînent les réunions et les négociations lors de la 13ème conférence ministérielle de l’OMC ouverte hier lundi à Abu Dhabi, la question des subventions divise les Etats. Ce mardi, l’OMC a organisé trois conférences sur l’environnement, et la dernière consacrée à la réforme des subventions des combustibles fossiles a mis en évidence une partie du fossé entre les membres. Todd McClay, ministre du commerce de la Nouvelle-Zélande dont le pays fait partie des co-parrains de cette initiative espère qu’une partie de ce fossé sera réduit à l’issue de la conférence. 48 pays sur les 164 de l’OMC sont membres de cette initiative. « 24 trillions de dollars ont été dépensés ces dernières années pour subventionner les énergies fossiles. Éliminer ces subventions pourraient permettre de réduire de 3% les émissions de gaz à effet de serre » a affirmé M. McClay. Comme très souvent, ces textes peinent à avancer, bloqués par des pays qui se sentent menacés. La Chine ainsi que les Etats Unis, les deux plus grands pollueurs de la planète ne souscrivent pas à l’initiative d’une réforme des subventions des combustibles fossiles. Selon un délégué rencontré dans les coulisses, une telle réforme « voudrait dire pour la Chine qui est l’usine du monde devra réduire sa capacité de production, ce qui pour l’heure n’est pas encore envisageable ».

Lors de la cérémonie d’ouverture de la 13ème conférence le 26 février, la Directrice générale de l’OMC, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala s’est réjouie qu’un accord soit proche sur les subventions à la pêche alors que la question est débattue depuis 2001.  Un accord a déjà été adopté par consensus lors de la 12ème conférence ministérielle de l’OMC (CM12), tenue à Genève du 12 au 17 juin 2022 qui fixe de nouvelles règles multilatérales contraignantes pour lutter contre les subventions préjudiciables. Les membres s’étaient entendus en outre pour poursuivre les discussions lors de la 13ème conférence en vue de faire des recommandations. La Directrice générale a formulé le vœu d’une entrée en vigueur de cet accord d’ici son anniversaire le 13 juin prochain. « Lorsque nous y parviendrons, ce sera l’entrée en vigueur la plus rapide de tous les accords de l’OMC et je sais que nous y parviendrons », a-t-elle ajouté.

Une autre question de subvention à laquelle le Mali est directement concerné est également débattue durant cette semaine. Le groupe du Coton-4+ (Mali, Tchad, Bénin, Burkina Faso) ainsi que la Côte d’Ivoire militent pour une réforme des subventions qui entraînent selon eux une distorsion des marchés mondiaux depuis 20 ans. La Chine et les Etats-Unis ainsi que des pays européens tels la Grèce et l’Espagne allouent des subventions importantes à leurs producteurs. Grâce à ces subventions, le coton provenant de ces pays est vendu moins cher sur le marché. Ahmat Abdelkerim Ahmat, ministre du Commerce et de l’industrie du Tchad et coordinateur du C4+ a assuré que le groupe a soumis un projet de décision ministérielle pour cette conférence  « qui n’a pas été pris en compte » selon lui.

Subventions : une fausse alternative ?

La suspension de la subvention au gaz domestique continue de préoccuper de nombreux consommateurs. À l’instar de ce gaz, les coûts de plusieurs produits alimentaires et pétroliers et de certains services, notamment les transports connaissent des augmentations spectaculaires. Pour certains, ni l’embargo auquel le Mali a été soumis durant six mois, ni la crise en Ukraine ne justifient cette hausse excessive des prix. Pour y remédier, il « faut mettre fin à la spéculation et instaurer la transparence dans la gestion des subventions ».

L’embargo ou la crise en Ukraine ne constituent que des « fausses causes » de la hausse actuelle des prix, estime M. Kassoum Coulibaly, économiste et Président du Think tank Centre Kassoum Coulibaly (CKC). En ce qui concerne l’embargo, levé depuis le 3 juillet, au moment de son entrée en vigueur l’assurance était même donnée concernant l’existence de stocks de sécurité et l’engagement des commerçants à ne pas augmenter les prix. Une série de mesures, dont le respect incombait à des personnes assermentées, avaient aussi été prises. Donc, un mois après la fin de l’embargo, cet argument ne tient plus, soutient-il.

Parlant de la crise en Ukraine, « ce pays n’est pas pourvoyeur de tout ce que nous consommons, le blé étant un produit particulier ». Par exemple, la flambée du prix du  kilogramme de sucre, qui est  passé de 500 francs CFA au mois de mai à 800, voire 1 000 francs par endroits, est le résultat d’une « spéculation commerciale », et même   d’une « fraude commerciale », menée par un certain nombre de commerçants. Il faut donc « démasquer ce réseau » pour mettre fin à cette flambée des prix.

Sauver le pouvoir d’achat

Cette hausse, qui va du simple au double pour certains produits ou services, dont les transports interurbains, affecte indéniablement le pouvoir d’achat. Mais la solution n’est pas le recours systématique aux subventions « irréalistes et irréalisables » qui ne peuvent pas être permanentes, insiste M. Coulibaly. La solution viendra d’abord du consommateur, qui doit se limiter à l’essentiel.

La question du pouvoir d’achat fait directement écho à celle du salaire. Celui-ci correspond-il au coût de la vie ? Pour y répondre, M. Coulibaly suggère une « analyse profonde, à travers des États généraux sur les salaires », pour aboutir à un pouvoir d’achat décent et par conséquent lutter efficacement contre la corruption. Parce que les prix qui grimpent de façon inexpliquée sont un effet de la corruption de certains agents et commerçants, selon lui.

Pour l’économiste, la question des subventions  pose deux problématiques. D’abord l’absence de transparence dans la gestion des subventions, celles-ci ne profitant pas aux citoyens mais à un petit groupe d’opérateurs économiques. L’État doit donc être plus productif en investissant dans des secteurs stratégiques comme l’industrie pharmaceutique et agroalimentaire pour les booster, au lieu de subventionner des produits importés. Des sources alternatives d’énergie doivent aussi être développées et maîtrisées localement afin de moins dépendre des ressources importées.