13ème conférence ministérielle : l’OMC joue les prolongations

Alors que la cérémonie de clôture était prévue hier jeudi 29 février à 20h (locale-16h GMT), l’organisation mondiale du commerce joue les prolongations afin que les membres parviennent à un accord. Ainsi, la clôture de la conférence ministérielle a été repoussée une première fois à minuit, heure des Emirats Arabes Unis. Les traits déjà tirés face à l’intensité des négociations, délégués et journalistes ont été informés quelques heures avant minuit d’un nouveau report pour le vendredi 1er mars à 14h locale. « Les ministres continuent d’être engagés dans d’intenses discussions sur un ensemble d’accords à adopter lors de la CM13. En conséquence, afin de donner plus de temps aux négociations, la séance de clôture officielle de la CM13 a été reportée au vendredi 1er mars à 17 heures (heure des Émirats arabes unis) » a déclaré durant la journée Ismaila Dieng, le porte-parole de l’OMC. Deux autres reports ont suivi cette annonce, la cérémonie est pour l’heure programmée à 22h locale. Si ces reports incessants en déconcertent plus d’un, d’après des responsables de l’OMC qui rappellent que les précédentes conférences se sont poursuivies au-delà de la date de clôture convenue, c’est le « fonctionnement » normal. Les positions divergentes, le manque d’accord expliquent en grande partie les reports. Les négociations se poursuivent entre les délégations. D’après un expert « les thématiques sont liées. Si un Etat est prêt à lâcher du lest sur un dossier, il veut une garantie sur un autre » ce qui complexifie les discussions. L’Inde par exemple dont la présence est très remarquée durant cette conférence a fait savoir par la voix de son ministre du Commerce, Piyush Goyal, son pays n’envisage pas de « finaliser » de nouveaux accords tant que les Etats-Unis bloquent l’organe d’appel du mécanisme de règlement des différends. Washington est également pointé du doigt pour bloquer des accords sur l’agriculture, notamment le coton. Les pays du C4+ (Mali, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire) militent pour réforme des subventions de l’or blanc. Ces subventions accordées en « masse » par les Etats-Unis, ou encore la Chine permettent à ces derniers de proposer des prix plus bas sur le marché ce qui plombe le groupe du C4+ qui dénonce une distorsion et une concurrence déloyale. En cette année électorale, de l’analyse d’un des experts qui prend part aux discussions, il semble peu probable que les Etats-Unis acceptent un compromis sur une fin des subventions. « Le lobby des farmers est très puissant » aux Etats-Unis, précise-t-il. A défaut donc d’un abandon, les pays du C4+ seraient dans la dynamique de proposer aux Américains de réduire les subventions. Mais, pour l’heure, rien n’est encore gagné.

Coton : Le Mali plaide à l’OMC pour une fin des subventions

Alors qu’il ne reste que quelques heures avant la clôture de  la 13ème Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Abu Dhabi du 26 au 29 février, le C4+, groupe dont fait partie le Mali continue à plaider pour une fin des subventions. Mais, les négociations sont très difficiles. 

« La question du coton est l’un des dossiers chauds ». Présent à la 13ème Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Moussa Alassane Diallo, ministre de l’Industrie et du commerce du Mali, a planté le décor. Alors que la conférence n’a officiellement débuté que le 26 février, lui se trouvait à Abu Dhabi, ville hôte, depuis une semaine. Il a participé le 24 février à une session spéciale organisée par l’OMC et la FIFA sur le secteur de l’or blanc pour le compte du groupe Coton4+ (C4+). Composé de 4 pays producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) et mis en place en 2003, il a été rejoint par la Côte d’Ivoire pour devenir le C4+. Ces pays militent depuis 20 ans pour une réforme des subventions, qui entraînent selon eux une distorsion des marchés mondiaux. En effet, la Chine et les États-Unis, ainsi que des pays européens tels que la Grèce et l’Espagne, allouent des subventions importantes à leurs producteurs. Grâce à ces aides, le coton provenant de ces pays est vendu moins cher sur le marché. À la Conférence ministérielle de Nairobi, en 2015, le secteur du coton avait bénéficié de l’accord visant à éliminer les subventions à l’exportation de produits agricoles, mais les lignes n’ont toujours pas bougé. Ahmat Abdelkerim Ahmat, ministre du Commerce et de l’industrie du Tchad et Coordonnateur du C4+, a lors de la Conférence plaidé pour ne plus « diluer » le coton dans le « paquet de l’agriculture ». En sus, il a affirmé que le groupe avait soumis un projet de décision ministérielle, avec des « modalités réalistes pour plafonner et éliminer progressivement les subventions », mais « qui n’a pas été pris en compte », selon lui. Face aux positions tranchées, le C4+ a proposé aux États concernés d’adopter une flexibilité qui permettrait au groupe d’avoir un meilleur accès au marché, un soutien interne et une concurrence à l’exportation plus avantageuse.

La FIFA comme alternative

Alors qu’en coulisses les délégués et experts ne sont pas enthousiastes sur un hypothétique accord sur les subventions au coton, l’OMC essaye de trouver une alternative auprès de la FIFA. Les deux institutions ont signé en septembre 2022 un protocole d’accord portant sur une réflexion sur les moyens de faire du football un outil au service de l’inclusion économique et du développement. Le Président de la FIFA, Gianni Infantino, a participé à la session spéciale du 24 février, au cours de laquelle le groupe C4+ a présenté ses opportunités d’affaires en lien avec le coton. Le Président de la FIFA avait expliqué un peu plus tôt que le football représentait un marché de près de 270 milliards de dollars, dont 70% générés en Europe. En développant l’économie du football sur d’autres continents, cette valeur pourrait augmenter de près de 500 milliards de dollars et profiter à d’autres pays, notamment ceux du C4+. « Le Mali accueille favorablement l’accord OMC – FIFA. Le développement durable et inclusif se fera avec le coton », a affirmé Moussa Alassane Diallo. Ce développement, selon le chef du département du Commerce, passera par l’accroissement du taux de transformation sur place alors que 98% du coton malien est exporté, ce qui soumet les producteurs maliens aux risques de fluctuation des cours du produit sur le marché mondial. De leur côté, La FIFA et l’OMC veulent contribuer à créer et à améliorer la chaîne de valeurs du coton. « Les grands pays et les grands clubs ont leurs propres producteurs d’équipements, mais beaucoup d’autres à travers le monde ont du mal à trouver des acteurs économiques pour produire leurs maillots. Nous pensons que ce partenariat avec l’OMC peut les intéresser », a assuré le Président de la FIFA, avant d’ajouter « nous avons aussi de nombreux projets à travers le monde. Football for Schools est un projet éducatif qui constitue un débouché pour les équipements sportifs que nous commanderons aux pays du C4+ ».

Le blocage des États-Unis

Cet accord OMC-FIFA se présente pour l’heure comme la meilleure option des pays du C4+ vu l’évolution des négociations. Le porte-parole de l’OMC, Ismaïla Dieng, a confié que les discussions, qui se sont prolongées tard dans la soirée, ont été difficiles. Si difficiles que celui qui pilote le dossier de l’agriculture a proposé de « réduire la voilure » du texte. Selon l’un des experts du C4+ qui participent aux échanges, ce n’est pas lors des rencontres formelles que les lignes « bougent » mais plutôt durant les échanges bilatéraux. « Les pays peuvent se parler directement, faire des propositions concrètes, pour aboutir à des concessions ».

Dans ce sens, le groupe C4+ a rencontré des délégations de la Nouvelle-Zélande, des États-Unis et du Pakistan. Selon l’expert, ce sont les États-Unis qui bloquent pour l’heure tout accord, alors que la Chine et l’Union européenne, qui accordent également des subventions à leurs producteurs, seraient prêtes à faire des concessions. Pour la suite des négociations, le C4+ devra faire sans son Coordonnateur, le ministre du Commerce et de l’industrie du Tchad Ahmat Abdelkerim Ahmat, qui devait quitter Abu Dhabi ce mercredi, à la veille de clôture de la Conférence ministérielle, qui pourrait être prolongée. Les échanges continueront en présence de la délégation malienne, pour laquelle le coton est plus qu’une priorité.

Pour la CMDT, « le coton contribue à lui seul pour 15% du PIB national et fait vivre directement ou indirectement 4 millions de personnes ». Et selon les dernières prévisions du Comité de pilotage du Programme régional de production intégrée du coton en Afrique (PR-PICA), la plus haute instance sous-régionale de gestion des questions liées à la filière coton, la production du Mali est estimée en 2024 à 690 000 tonnes de coton graine, contre 480 000 pour la campagne précédente. Si ces chiffres se confirment, ils relègueraient le Bénin, avec 553 787 tonnes, en deuxième position.

OMC : au dernier jour de la conférence ministérielle, l’organisation appelle les membres à rapprocher leurs positions

Le temps presse. 24h après avoir lancé cet appel aux chefs de délégation, la directrice générale de l’organisation mondiale du commerce, Dr Ngozi Okonjo-Iweala, l’a de nouveau retirée ce jeudi matin, dernier jour de la 13ème conférence ministérielle de l’OMC qui se tient à Abu Dhabi. Lors d’une rencontre avec les organisations de la société civile, elle a exhorté les différents membres de l’organisation à avancer sur les dossiers pour un avoir un résultat positif. Si, sur certains dossiers, les négociateurs se montrent optimistes notamment celui sur les subventions à la pêche, sur d’autres, les négociations sont beaucoup plus dures. Depuis maintenant plusieurs années, l’agriculture fait partie des épineuses questions. Rebecca Miano, secrétaire de cabinet au ministère des Investissements, du Commerce et de l’Industrie du Kenya, facilitatrice des négociations sur l’agriculture a assuré que les membres étaient conscients de la nécessité de produire des résultats lors de cette conférence, alors que lors des deux dernières, les positions tranchées des différents avaient bloqué les différentes initiatives. « Cela fait plus de deux décennies que les discussions sur l’agriculture sont difficiles, elles le sont de nouveau cette année » a reconnu la Directrice de l’OMC. « Mais, les échanges se poursuivent, mon travail est de créer une balance » a-t-elle ajouté. Pour l’heure, selon des experts engagés dans les négociations, les positions des Etats-Unis ou encore l’Inde empêchent tout accord sur le commerce. D’après un responsable de l’OMC, le dernier jour est souvent mis à profit pour mettre un peu de pression afin d’obtenir des accords. La Directrice générale a toutefois précisé qu’elle « n’interfère » en rien dans les discussions. « Nous aidons les délégations à se parler ». Outre le commerce, plusieurs pays ont fait part de leur déception sur le peu de progrès réalisés sur la réforme de l’OMC, une des thématiques phares de cette 13ème conférence ministérielle. Espen Barth Eide, ministre des Affaires étrangères de la Norvège qui a animé une séance thématique sur la question a confié que les membres pourraient ne pas être en mesure de terminer les travaux sur la réforme du règlement des différends lors de cette conférence. L’organe de règlement des différends de l’OMC permet à un Etat se sentant lésé par un autre de porter plainte, en cas de litige, sur des subventions ou des obstacles techniques au commerce. Ce mécanisme est en suspens depuis plusieurs années parce que les Etats-Unis bloquent la nomination des membres de l’organe d’appel. « Il y a trois ans, nous n’avions aucune discussion sur cette réforme, les Etats ne se parlaient pas, mais des discussions sont engagées cette fois-ci, c’est déjà à souligner » a-t-elle commenté. Cette dernière journée de conférence s’annonce longue, les discussions pourraient durer jusqu’à tard dans la soirée. Dans les coulisses, certains évoquent qu’en cas de désaccord trop flagrant, la conférence pourrait être prolongée de quelques jours afin d’aplanir les angles, mais rien n’est encore acté.

OMC: Grâce au cadre intégré renforcé, le Mali veut améliorer ses filières porteuses

Au troisième jour de la conférence ministérielle de l’OMC qui se tient à Abu Dhabi, les négociations se poursuivent et sur certains dossiers les positions sont toujours tranchées. En outre du coton qui constitue l’épine dorsale de sa présence, le Mali participe à d’autres échanges notamment ceux sur le cadre intégré renforcé (CIR). Ce programme d’aide a été mis en place en 1997 et élargi en 2006. Il est destiné aux pays les moins avancés (PMA) afin d’utiliser le commerce comme moteur de développement et de réduction de la pauvreté. Le CIR est présent au Mali depuis 2005 où les autorités se sont engagées dans une dynamique de valorisation des produits locaux.  Parmi elles, la mangue, la gomme arabique, le sésame et le karité, ou encore la filière bétail-viande. Chacune étant capable d’apporter un plus au développement économique. La mise en œuvre du CIR est assurée par l’Unité de mise en œuvre du Cadre intégré (UMOCI). Actuellement, elle est sur 3 projets dont le lancement a été effectué le 27 septembre 2022 : le projet de soutien à la durabilité, le projet de développement de la filière karité et le projet de développement des capacités productives et commerciales de la filière gomme arabique.

L’objectif du premier est d’améliorer les offres des produits maliens sur les marchés internationaux afin d’en tirer le meilleur parti. Quelques actions ont été menées, dont l’accompagnement d’acteurs privés pour des manifestations commerciales et la formation en qualité en 2022.

Pour le développement de la filière karité, dont l’objectif est l’amélioration des conditions de vie des acteurs, l’exportation des produits et l’exploitation rationnelle des ressources, des actions ont été entreprises pour renforcer les compétences des acteurs et les soutenir grâce à la construction de magasins de stockage et d’entrepôts. Selon le coordinateur national du CIR Dansiré Coulibaly, 3 millions de femmes maliennes interviennent dans la filière karité, le Mali est le deuxième producteur au monde derrière le Nigéria. « Avec le CIR, nous avons voulu organiser et améliorer des secteurs qui ne l’étaient pas avant » explique M.Coulibaly. Ainsi, selon un document officiel, le soutien du CIR a contribué à l’augmentation des exportations de mangues fraîches et transformées, qui ont atteint 28 983 tonnes en 2017, pour un total d’environ 13 millions de dollars américains. La filière gomme arabique, qui vise les mêmes objectifs, a permis notamment d’augmenter les exportations de 2 475 tonnes en 2015 à 11 870 en 2020. Le Mali est l’un des bons exemples selon les responsables du CIR où le gouvernement injecte de l’argent dans les projets. Une contribution à hauteur de 2 millions de dollars par an est apportée notamment à la filière gomme arabique. Les discussions du CIR se tiennent alors que l’Union européenne menace de suspendre ses financements, mais rien n’est encore acté. D’un autre côté, d’autres pays ont promis plus d’argent, le Royaume-Uni s’est engagé sur 1 million de dollars alors que les Émirats Arabes Unis ont évoqué trois millions de dollars lors d’échanges hier mardi.

OMC : un accord sur la facilitation de l’investissement pour le développement qui va bénéficier aux pays les moins avancés

En 2017 à Buenos Aires en Argentine, 70 pays membres de l’OMC ont approuvé une Déclaration ministérielle conjointe sur la facilitation de l’investissement pour le développement lors de la 11ème conférence ministérielle de l’organisation. En marge de l’ouverture officielle des travaux de la 13ème conférence ministérielle à Abu Dhabi, ce sont 123 Etats membres sur les 164 de l’OMC dont le Mali qui adhèrent à l’initiative. Cet accord vise à accroître la participation des pays en développement et des pays les moins avancés aux flux d’investissement mondiaux afin de promouvoir un développement économique durable. Selon un document de l’OMC, l’accord peut permettre de générer au niveau mondial, des gains compris entre 295 et 1041 milliards de dollars dont l’essentiel reviendrait aux pays à faible revenu. Les améliorations induites par l’accord pourraient atteindre jusqu’à plus de 130% pour les pays africains à faible revenu d’après l’OMC. Plus concrètement, l’accord vise à créer un cadre réglementaire plus transparent, plus efficace au niveau national en vue d’encourager l’investissement. L’accord exclut toutefois l’accès aux marchés, la protection de l’investissement et le règlement des différends entre investisseurs. La délégation malienne présente à Abu Dhabi, conduite par le ministre du Commerce, Moussa Alassane Diallo enchaîne les réunions avec de potentiels investisseurs et différentes entités de financement afin de présenter la destination Mali et les opportunités d’affaires qu’elle offre. Le ministre sud-coréen du Commerce Inkyo Cheong a qualifié l’accord d’historique. « Lorsqu’il sera mis en œuvre, il apportera de nombreux avantages notamment aux pays en développement » a-t-il ajouté. Même si 75% des membres de l’OMC dont la Chine, la Russie ou encore l’Arabie Saoudite souscrivent à l’accord d’autres pays restent encore à convaincre, les Etats-Unis et l’Inde notamment. « L’accord ne force pas à investir, il facilite plutôt. Les objections reposent sur une compréhension erronée de l’accord, nous allons nous atteler à convaincre les autres membres » a ajouté le ministre sud-coréen. La prochaine étape des discussions est d’intégrer cet accord à l’annexe 4 de l’accord de Marrakech instituant l’OMC, ce qui permettrait que les procédures d’acceptation suivent leur cours en vue d’assurer son entrée en vigueur en temps voulu. Bien que l’accord sur la facilitation de l’investissement pour le développement soit plurilatéral (il ne lie que les membres qui l’acceptent), il est ouvert à l’adhésion de tous les membres de l’OMC.

OMC : lors de la 13ème conférence ministérielle, la question des subventions divise les membres

Plusieurs questions vont occuper les discussions lors de la 13ème conférence ministérielle de l’organisation mondiale du commerce qui se tient à Abu Dhabi du 26 au 29 février. Parmi ces questions, celle sur les subventions oppose les membres.

Alors que les délégués des différents pays enchaînent les réunions et les négociations lors de la 13ème conférence ministérielle de l’OMC ouverte hier lundi à Abu Dhabi, la question des subventions divise les Etats. Ce mardi, l’OMC a organisé trois conférences sur l’environnement, et la dernière consacrée à la réforme des subventions des combustibles fossiles a mis en évidence une partie du fossé entre les membres. Todd McClay, ministre du commerce de la Nouvelle-Zélande dont le pays fait partie des co-parrains de cette initiative espère qu’une partie de ce fossé sera réduit à l’issue de la conférence. 48 pays sur les 164 de l’OMC sont membres de cette initiative. « 24 trillions de dollars ont été dépensés ces dernières années pour subventionner les énergies fossiles. Éliminer ces subventions pourraient permettre de réduire de 3% les émissions de gaz à effet de serre » a affirmé M. McClay. Comme très souvent, ces textes peinent à avancer, bloqués par des pays qui se sentent menacés. La Chine ainsi que les Etats Unis, les deux plus grands pollueurs de la planète ne souscrivent pas à l’initiative d’une réforme des subventions des combustibles fossiles. Selon un délégué rencontré dans les coulisses, une telle réforme « voudrait dire pour la Chine qui est l’usine du monde devra réduire sa capacité de production, ce qui pour l’heure n’est pas encore envisageable ».

Lors de la cérémonie d’ouverture de la 13ème conférence le 26 février, la Directrice générale de l’OMC, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala s’est réjouie qu’un accord soit proche sur les subventions à la pêche alors que la question est débattue depuis 2001.  Un accord a déjà été adopté par consensus lors de la 12ème conférence ministérielle de l’OMC (CM12), tenue à Genève du 12 au 17 juin 2022 qui fixe de nouvelles règles multilatérales contraignantes pour lutter contre les subventions préjudiciables. Les membres s’étaient entendus en outre pour poursuivre les discussions lors de la 13ème conférence en vue de faire des recommandations. La Directrice générale a formulé le vœu d’une entrée en vigueur de cet accord d’ici son anniversaire le 13 juin prochain. « Lorsque nous y parviendrons, ce sera l’entrée en vigueur la plus rapide de tous les accords de l’OMC et je sais que nous y parviendrons », a-t-elle ajouté.

Une autre question de subvention à laquelle le Mali est directement concerné est également débattue durant cette semaine. Le groupe du Coton-4+ (Mali, Tchad, Bénin, Burkina Faso) ainsi que la Côte d’Ivoire militent pour une réforme des subventions qui entraînent selon eux une distorsion des marchés mondiaux depuis 20 ans. La Chine et les Etats-Unis ainsi que des pays européens tels la Grèce et l’Espagne allouent des subventions importantes à leurs producteurs. Grâce à ces subventions, le coton provenant de ces pays est vendu moins cher sur le marché. Ahmat Abdelkerim Ahmat, ministre du Commerce et de l’industrie du Tchad et coordinateur du C4+ a assuré que le groupe a soumis un projet de décision ministérielle pour cette conférence  « qui n’a pas été pris en compte » selon lui.

OMC : l’organisation veut des résultats probants à l’issue de sa 13ème conférence ministérielle

« A la croisée des chemins ». Le Dr Thani Bin Ahmed Al Zeyoudi, ministre du commerce extérieur des Emirats Arabes Unis n’aurait pas pu trouver meilleure formule pour décrire la situation de l’organisation mondiale du commerce. Celui qui est également président de la 13ème conférence ministérielle de l’OMC qui s’est ouverte à Abu Dhabi ce lundi et se tiendra jusqu’au jeudi 29 février a exhorté à l’issue des travaux à montrer au monde « que l’OMC est vivante et pleinement capable de produire des résultats ». Cette semaine de négociations qui démarre s’annonce difficile pour les délégués des plus de 160 pays membres de l’OMC présents à Abu Dhabi. Dans un contexte géopolitique très tendu, les délégués devront s’entendre afin de dégager un consensus pour adopter les décisions. « Que ce soit le pays le moins avancé ou le plus puissant, chacun à son mot à dire, c’est ce qui fait le charme de l’OMC et rend aussi complexe les négociations » a reconnu la Directrice générale de l’organisation, la Nigériane, Ngozi Okonjo-Iweala, première femme et première africaine à occuper ce poste.  Agriculture, commerce électronique, environnement ou encore l’épineux dossier de la réforme de l’OMC pour le règlement des différends sont entre autres au menu de cette conférence. Les pays étalent pour l’heure leurs différences.  L’organe de règlement des différends de l’OMC est en panne. Ce dernier permet à un Etat se sentant lésé par un autre de porter plainte, en cas de litige, sur des subventions ou des obstacles techniques au commerce. Ce mécanisme est en suspens parce que les Etats-Unis bloquent la nomination des membres de l’organe d’appel.

Optimisme modéré 

Face à ces écueils, la directrice de l’OMC est d’un « optimisme modéré », même si elle assure être confiante en la capacité des pays à faire « les bons choix ».  Motif de satisfaction pour elle, durant la conférence, les ministres ont approuvé l’accession à l’OMC des Comores et du Timor-Leste, un État insulaire d’Asie. Les chefs d’Etat de ces pays ont salué cette décision. Les Comores ont déposé leur demande d’adhésion en 2007 alors que  le Timor Leste a attendu huit ans pour voir sa demande approuvée. 22 autres pays tapent à la porte pour intégrer l’organisation, une preuve selon Ngozi Okonjo-Iweala que l’OMC fonctionne et est résiliente. En sus, elle s’est réjouie qu’un accord soit proche sur les subventions à la pêche alors que la question est débattue depuis 2001.

Le Coton 4 veut des résultats

Le coton occupe une place importante dans les négociations de l’OMC depuis 2003. Le groupe Coton-4 composé du Mali, du Burkina Faso, du Tchad, du Bénin, auxquels s’est ajoutée la Côte d’Ivoire militent pour réformer les subventions au coton qui entraînent une distorsion des marchés mondiaux selon eux. La délégation malienne qui comprend le directeur commercial de la CMDT, des conseillers techniques est conduite par le ministre du Commerce, Moussa Alassane Diallo. Un événement spécial regroupant le Coton-4, l’OMC, la FIFA a été organisé le 24 février dernier autour du « Partenariat pour le coton ». Un appel a été lancé à de nouveaux investissements des secteurs public et privé dans le coton africain pour améliorer la chaine de valeur de l’or blanc. Le C4 qui a qualifié ce partenariat de mariage de raison s’est toutefois désoler des progrès lents réalisés dans l’atteinte de leurs objectifs à appeler à plus de soutiens internes.

Commerce mondial : à la croisée des chemins

Mis à mal par les effets de la pandémie de covid 19, la guerre en Ukraine et le renchérissement du coût de plusieurs produits de base, le commerce mondial doit se relancer dans un contexte difficile où la solidarité internationale et la résilience des acteurs seront déterminants.

« Nous espérons qu’il y aura quelques améliorations à apporter », s’est notamment exprimée la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Dr Ngozi Okonjo- Iweala, dans un échange par vidéoconférence avec des journalistes francophones le 15 décembre 2022. Evoquant le changement climatique, les sécheresses dans beaucoup de parties du monde sans occulter les tensions géopolitiques qui ont un effet sur le commerce, elle est revenue sur les discussions avec certains membres de l’OMC quand à la relocalisation des chaînes de production et la fragmentation.  Même si les discussions ne sont pas encore abouties, elle espère que le recours à ces pratiques qui ne favorisent pas la résilience, ne sera pas effectif.

Renforcer les accords régionaux

Abordant la zone de libre échange du continent africain (Zlecaf), elle estime que c’est « un accord extrêmement prometteur qui pourrait faire la différence quand à la participation et à la place de l’Afrique dans le commerce mondial ».

Pour cela, le Continent doit élever au-delà du niveau actuel de 15%, les échanges interafricains. Mais surtout avoir de la valeur ajoutée sur les produits à exporter. Entre pays africains d’abord, puis entre ceux-ci et le reste du monde. Parce que le constat que les exportations concernent essentiellement des matières brutes et des produits de base. Car développer le commerce, suppose ajouter de la valeur.

Et c’est possible, parce que l’Afrique dispose d’atouts pour transformer et fabriquer d’autres produits. Comme les produits pharmaceutiques que nous importons en grande masse. A l’image des vaccins à 99% et tous les produits pharmaceutiques à 95%. Il faut à présent convaincre davantage d’industriels africains à investir sur le Continent.

Surtout qu’à l’issue d’intenses négociations une dérogation à l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, a permis « la fabrication et l’exportation rapide de vaccins contre la covid 19 sans le consentement du titulaire du brevet », s’était réjoui un acteur à l’issue de la CM12.

Quelques pays du continent ont une capacité plus ou moins faible et d’autres espèrent la mettre en place très bientôt. L’Afrique du sud est bien positionnée, le Sénégal avec une moindre capacité. Et d’autres comme la Tunisie, le Nigeria, le Rwanda ou encore le Ghana veulent emboîter le pas. L’objectif étant que d’ici à 2 ans, le ccntinent puisse acquérir une capacité à produire et à utiliser les vaccins.

Revenant sur les conclusions de la CM12, la directrice générale de l’OMC a salué le premier accord de pêche sur la durabilité qui doit être ratifié par 2/3 des membres, et qui sera crucial pour sauvegarder les poissons des côtes africaines.

Alors que le système des règlements des différends où il n’y a pas eu d’accord, doit être reformé d’ici 2024.

Commerce mondial : l’Afrique jouera-t-elle sa partition ?

Malgré une croissance importante du secteur des services, l’Afrique, qui compte 14% de la population mondiale, ne représente que 2,3% du commerce import et export. Avec une faible performance des investissements et des exportations basées sur des matières premières, dont il ne contrôle pas le prix, le continent doit imaginer une stratégie plus cohérente et plus globale afin de relever les défis face à des partenaires plus solides.

La nécessité d’une adaptation du commerce africain est d’autant plus cruciale que les investissements pour rendre ce secteur plus performant ont encore baissé. Avec des exportations de combustibles fossiles dont le monde « ne veut plus » et une faible offre de produits manufacturés, qu’elle importe majoritairement, l’Afrique reste exposée aux aléas des crises qui touchent le commerce mondial.

Les investissements sur le continent, qui constituent le « miroir » du commerce, sont centrés sur les mines et, dans ce domaine, les investissements directs étrangers (IDE) provenant d’Europe en direction de l’Afrique ont représenté 47%, les produits manufacturés 41% et les finances 11% entre 2013 et 2020.

En ce qui concerne le commerce intra africain, les exportations de matières premières ont représenté 36%, les produits manufacturés 45% et les produits alimentaires 19%. Les importations ont quant à elles représenté pour les matières première 68%, pour les produits manufacturés 20% et pour les produits alimentaires  12% des échanges. Les produits échangés à l’intérieur du continent sont principalement les céréales, fruits et légumes.

Prises individuellement, les économies sont relativement petites et donc, pour développer le commerce, le marché unique est une opportunité importante. « Le profil commercial du continent est risqué », estime le Professeur David Luke, Professeur en pratique et Directeur stratégique du Firoz Lalji Institute pour l’Afrique.  « Construire des économies résistantes ne peut se faire en ne comptant que sur les produits de base », ajoute-t-il. L’exemple de la crise de la Covid-19 doit à cet égard servir de leçon. En effet, alors que le reste du monde amorçait sa remontée, l’Afrique devait envisager sa résilience.

Meilleure structuration

Dans le domaine des exportations, l’Union européenne est le premier partenaire du continent avec 26%, suivie de la Chine 15%. Le commerce intra africain représente 18%, les États Unis 5%, le Royaume Uni 3% et les autres partenaires 34%. L’Afrique étant un partenaire avec plusieurs spécificités, cela peut compliquer sa situation. Le partenaire européen doit donc être « considéré comme une entité économique ».

À l’OMC, « on doit imaginer l’interaction devant exister avec l’Afrique. Et les décideurs africains doivent être précis sur la manière de rendre les règles flexibles pour le continent ». Les pays africains doivent au-delà de parler d’une voix et avoir une stratégie bien pensée de la manière de traiter avec les autres.

Mali Trade Portal : Mieux appréhender les procédures commerciales

Pour permettre aux opérateurs du Mali et de l’extérieur de connaître les démarches nécessaires, les structures impliquées ainsi que les coûts de chaque acte, Mali Trade Portal a été lancé ce 27 mai dans la capitale. C’est un portail d’informations en ligne qui présente les procédures du commerce extérieur, dont il décrit toutes les étapes. Destiné à simplifier les démarches, c’est aussi un outil de transparence.

Pour le moment, ce sont quelques produits (le lait, le coton, la mangue) qui ont été certifiés. C’est-à-dire que pour l’importation de ces produits, toutes les administrations concernées ont « validé » les différentes étapes du processus à suivre par l’opérateur économique. En décrivant les procédures et en les documentant, cela permet aux administrations de détecter facilement les étapes et les informations inutiles (soit par ce qu’elles sont redondantes, soit parce qu’elles ne sont pas exigées par la loi), selon le guide des procédures.

Ceci permet également de savoir « quel document est payant et quel est son coût, ou lequel ne l’est pas », précise M. Boubacar Sidiki Samaké, chef de division administration système de la base de données statistiques.

La dématérialisation du circuit du commerce extérieur, accessible à tous sur internet est aussi une réponse à l’Accord sur la facilitation des échanges de l’OMC ratifié par le Mali en janvier 2016, qui demande à chaque pays de publier en ligne ses procédures d’importation, d’exportation et de transit. Il s’agit aussi d’un outil de coordination pour les réformes au niveau de chaque comité national.

Fluidifier les échanges

Il s’agit pour les autorités d’un gage de compétitivité pour le secteur privé national et pour l’attractivité du pays. Cet outil, qui offre un accès simple aux informations sur les formalités aux frontières, les documents requis, le cadre juridique et les délais de traitement, permettra aux entreprises de planifier et d’exécuter leurs opérations commerciales internationales avec une compréhension claire et précise des exigences. Ce qui peut contribuer à réduire les délais et les coûts des opérations aux frontières et aider le pays à s’insérer de manière durable dans le commerce international.

La Direction générale du Commerce et de la concurrence(DGCC), qui est chargée de la mise en œuvre, a déjà échangé avec les acteurs concernés, à savoir les opérateurs, pour une meilleure implication dans le processus.

En offrant une vision plus claire des procédures, cet outil vise également à «  diminuer les tracasseries », selon M. Samaké.

Transformer l’Afrique de l’Ouest à travers « l’or blanc »

Au fil des années, les économies d’Afrique de l’ouest sont devenues une force incontournable sur tout le continent. Une grande partie de la tendance ascendante de ces économies a été alimentée par des facteurs clés tels que la liberté de circulation dans la région et le commerce transfrontalier. L’impact a été considérable ; des pays comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal, par exemple, devraient connaître une croissance de 7% et d’autres comme le Ghana, de 9%.

Dans certains pays, l’industrie cotonnière est déjà en plein essor et il est significatif de noter que sur les 12 principaux pays africains producteurs de coton, 8 sont situés en Afrique de l’Ouest. En novembre 2017, les 4 principaux pays producteurs de coton de la région, co-auteurs de l’initiative sectorielle en faveur du coton également appelés « C4 » (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad), ont demandé à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) d’accroître son aide pour améliorer la production de coton. Le C4 a spécifiquement demandé un soutien pour augmenter sa capacité de transformation locale et développer les chaînes de valeur (du coton au textile) dans la région.

 

Cela a suscité un regain d’intérêt de la part d’acteurs internationaux tels que la Société internationale islamique pour le financement du commerce (ITFC), notamment pour développer des interventions clés visant à améliorer la productivité du coton et à valoriser la production cotonnière par le renforcement des capacités, le transfert des connaissances et le commerce des collaborations.

Depuis une décennie, ITFC intervient activement pour soutenir la transformation et la fabrication du coton sur ces marchés en finançant la fourniture des intrants agricoles nécessaires et en achetant le coton graine (ou « coton brut ») directement auprès des agriculteurs et des coopératives pour le transformer en fibre avant l’exportation. Ce faisant, les producteurs de coton sont en mesure de réduire plus rapidement leurs bénéfices. À ce jour, l’ITFC a approuvé 21 opérations de financement d’une valeur de 1,4 milliard de dollars US dans le secteur du coton en Afrique de l’Ouest. Il a également mis en place des programmes visant à développer des liens commerciaux directs entre les pays exportateurs de coton, en particulier entre les pays producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest et les pays importateurs de coton du Sud-Est.

Reconnaissant que la chaîne de valeur du coton offre d’énormes possibilités pour l’émergence d’un secteur des PME jeune et innovant, l’ITFC a récemment lancé le Programme de développement des PME en Afrique de l’Ouest, destiné à assurer un meilleur accès au financement. Le programme, qui ciblera les pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) – à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo – sera complété par le renforcement des capacités et la formation de PME et banques partenaires pour améliorer la bancabilité de leurs projets. Les implications pour les PME du secteur du coton et de sa chaîne de valeur en particulier devraient être énormes, en raison notamment de la sophistication croissante de l’écosystème cotonnier en Afrique de l’Ouest.

Les investissements dans des secteurs tels que le commerce du coton sont essentiels au développement économique des économies ouest-africaines. Il s’agit d’une industrie gigantesque dont les exportations sont en croissance et qui, en tant que telle, offre d’énormes possibilités dans la chaîne de valeur du coton pour la croissance des PME, la création d’emplois, la source de devises et une économie durable axée sur les exportations dans la région.

Aujourd’hui, la plupart des pays du C4 – le Bénin, le Burkina Faso et le Mali – ont réalisé de réels progrès et représentent l’avenir de la production de coton sur le continent. Bien que le secteur continue à faire face à des défis au niveau des réformes institutionnelles et politiques, on ne peut nier que de grands progrès ont été réalisés grâce à des interventions stratégiques d’entités telles que ITFC.

 

Dr Ayissi Jacques Degbelos « Ce qui manque, c’est la valeur ajoutée locale »

En charge de la section Afrique, le conseiller à la division de l’examen des politiques commerciales de l’OMC livre son analyse sur la question.

Qu’est-ce que c’est qu’une politique commerciale ?

Une politique commerciale, c’est une stratégie que le pays met en place afin d’optimiser sa performance commerciale, c’est-à-dire pour promouvoir ses exportations et rendre plus optimales ses importations. Cela suppose que le pays connaisse bien ce qu’il veut, quels sont ses besoins et qu’il mette en place une panoplie de mesures pour atteindre cet objectif.

On critique souvent la présence « figurative » des pays africains dans les instances internationales. Est-ce à dire qu’ils ne « savent pas ce qu’ils veulent » ?

Tous les pays, y compris les pays africains, savent ce qu’ils veulent, mais ils n’utilisent pas forcément les meilleurs moyens. Notre travail permet d’attirer l’attention des pays sur le fait que certaines mesures peuvent ne pas être les bonnes. Et nous les aidons à les reformuler, à les adapter aux réalités du terrain national, mais aussi du commerce international.

Comment le Mali s’en sort-il ?

J’ai beaucoup travaillé sur le Mali et ai contribué à l’élaboration de toutes les politiques de ces dernières années. C’est un pays qui dispose de beaucoup de cadres, qui ont toujours travaillé beaucoup sur le secteur agricole, même si, ces dernières années, il y a eu un grand focus sur les industries extractives. Ce sur quoi on a travaillé dans le secteur agricole, c’est la transformation. C’est d’ailleurs le cas dans la plupart des pays africains, où ce qui manque, c’est la valeur ajoutée locale. La principale raison de ce retard est l’accès aux ressources énergétiques, à l’électricité. C’est donc sur cet aspect qu’il va falloir que les efforts se focalisent. Par exemple, voyez ce qui se passe dans un secteur comme celui du coton. Les prix du coton non transformé ont chuté alors que les prix des vêtements en coton restent relativement élevés. Si je suis un producteur de vêtements en coton, je suis content quand les prix du coton sont faibles, puisque cela me permet de produire à moindre coût des biens que je vais ensuite exporter. C’est donc vers ces stratégies que les pays africains devraient normalement se tourner. Les pays qui produisent du coton en Afrique de l’Ouest pourraient se mettre ensemble pour créer une chaîne de valeur afin faire de la transformation en chaîne : un pays s’occupera de l’égrenage, dans un autre pays on fera le filage, dans un autre encore le tissage, etc…

Pourquoi n’y arrive-t-on pas ?

C’est d’abord une question de volonté. Il faut pouvoir s’entendre et se coordonner. Ce qui a souvent prévalu dans nos régions, c’est plus la concurrence que la compétitivité. Quand une idée nait, tout le monde fait la même chose, au niveau national comme régional. Or, cela fait qu’au finish personne ne profite de cette innovation. La transformation est dans ce sens également porteuse, puisque les produits agricoles transformés sont plus compétitifs. Par exemple, de la mangue séchée coutera moins cher que le fruit frais et les petites unités agro – industrielles sont faciles à mettre en place. Mise à part la question de l’électricité, dont je vous parlais plus tôt, et qui peut être résolue elle aussi. Il suffit pour cela que les pays s’entendent. Nous avons de nombreux pays qui peuvent alimenter tout le continent avec leur seule production. Il suffit de développer un cadre et une stratégie pour y arriver. Malheureusement, on n’en est pas encore là…

La Zone de libre-échange africaine (ZLECA) a été lancée. Non sans réticences…

Dans la mise en œuvre de cette zone de libre-échange, il y a plusieurs aspects à prendre en compte. D’abord, au niveau continental, c’est une bonne chose, parce que l’intégration permet de faire des économies d’échelle en produisant pour un marché de plus en plus grand. Mais, pour que cela marche, il faut des stratégies. La première est la voix nationale, chaque État devant savoir exactement ce qu’il vient chercher dans la zone. C’est ainsi qu’on peut développer les stratégies pour en tirer le meilleur profit. C’est ce qu’il faut faire avant que la zone ne soit lancée. En général, en Afrique, c’est le contraire. Les gens signent des accords sans chercher à savoir ce qu’ils peuvent en tirer comme avantages. Dans une zone comme la ZLECA, en s’agrandissant on élargit les opportunités, encore faut-il les exploiter. Si vous ne le faites pas, d’autres le feront à votre place. C’est vers ces stratégies que nos pays africains doivent aller, pour tirer meilleur profit des intégrations régionales ou multilatérales.

Développement véritable: Pour un accord de l’OMC sur la facilitation des échanges

Voilà  quatre ans que nous sommes plongés dans la Grande Récession. Pour l’instant, les pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont résisté à  la tentation d’un protectionnisme généralisé qui aurait aggravé une situation déjà  tendue. Mais la pression augmente alors que les sirènes du nationalisme économique résonnent de plus en plus auprès de dirigeants politiques fatigués. Pour l’OMC, la meilleure défense du marché ouvert, C’’est une bonne attaque. Un nouvel accord sur la facilitation des échanges constituerait un scénario gagnant-gagnant pour tous, qui augmenterait les capacités des pays en développement à  participer aux échanges, renforcerait le mandat de l’OMC en matière de développement et doperait la croissance économique mondiale. Plus d’une décennie après le début des négociations de Doha, cet accord serait une forme d’acompte sur l’engagement des pays de l’OMC à  souder commerce et développement. Les pays en développement en seront les principaux bénéficiaires. Grâce à  une aide adaptée, les négociants des pays pauvres gagneront en compétitivité et intégreront les chaà®nes d’approvisionnement mondiales. Pour ces derniers, qui souffrent d’un handicap concurrentiel dû à  des procédures de traitement et de dédouanement des marchandises défaillantes, les perspectives de gains sont élevées. Obsolescence et inefficience des procédures aux frontières, mais aussi inadéquation des infrastructures riment souvent avec coûts de transaction élevés, délais importants, risques de corruption et surcoût de 10 à  15 % — plus encore pour les pays enclavés — pour l’acheminement des produits sur les marchés. Selon les recherches de la Banque mondiale, pour chaque dollar d’aide à  la réforme de la facilitation du commerce dans les pays en développement, le rendement économique peut monter jusqu’à  70 dollars. l’impact des financements destinés à  optimiser les dispositifs et procédures de gestion aux frontières est considérable, et C’’est ce qui constitue précisément l’enjeu des négociations internationales sur la facilitation des échanges. Les projets d’appui à  la performance et à  la transparence soutenus par les banques de développement et des bailleurs de fonds bilatéraux ont permis d’obtenir des améliorations spectaculaires. En Afrique de l’Est, l’optimisation des procédures a réduit de 48 à  sept heures seulement le temps moyen de dédouanement des cargaisons transitant à  la frontière entre le Kenya et l’Ouganda. Au Cameroun, certaines de nos institutions ont travaillé avec l’Organisation mondiale des douanes pour aider les autorités douanières à  endiguer la corruption et augmenter la perception des recettes (estimées à  plus de 25 millions de dollars par an). à€ la frontière entre le Laos et le Viet Nam, un accord sous-régional sur le transport transfrontalier a permis de réduire le temps de transit des marchandises de quatre heures à  un peu plus d’une heure seulement. En assortissant d’un volet douanier un projet de route entre Phnom Penh et Hô-Chi-Minh-Ville, il a été possible d’augmenter de 40 % en trois ans la valeur totale des échanges au poste frontière de Moc Bai-Bavet. Au Pérou, certaines de nos institutions ont œuvré avec des transitaires internationaux pour permettre aux villages ruraux et isolés et aux petites entreprises d’exporter, grâce aux services postaux locaux ; plus de 300 petites entreprises péruviennes se sont lancées à  l’export — une première pour la plupart d’entre elles. Les contours d’un nouvel accord de l’OMC sur la facilitation des échanges sont déjà  posés, mais il subsiste des divergences techniques quant à  ses clauses spécifiques. Les pays en développement veulent un engagement crédible en faveur d’une assistance technique et du renforcement des capacités notamment, pour pouvoir gérer les coûts d’application. Selon une étude de la Banque mondiale, le coût des mesures concernées par un tel accord serait relativement modéré — entre 7 et 11 millions pour les pays couverts par l’étude, étalés sur plusieurs années —, surtout au regard des bénéfices attendus. Pour les pays disposés à  optimiser leurs systèmes de facilitation des échanges, les programmes de renforcement des capacités et de financement existent déjà . Les principaux pays bailleurs de fonds et organismes internationaux de développement ont fait de cette question leur priorité et ont pour cela accru leurs investissements. Selon l’OCDE, l’aide consentie au titre de la facilitation des échanges a été multipliée par dix en termes réels, pour passer de 40 millions de dollars en 2002 à  près de 400 millions de dollars en 2010. Pour aider les pays en développement à  appliquer pleinement et efficacement l’accord, nous nous tenons prêts — aux côtés de l’OMC — à  les accompagner, au cas par cas, dans l’évaluation de leurs besoins, à  leur allouer les moyens requis et à  organiser des partenariats entre pays bénéficiaires et partenaires au développement pour une délivrance rapide et efficace de l’aide. Dans le champ des négociations internationales, les chances d’aboutir sur un accord sont d’autant plus fortes que les bénéfices à  en tirer sont partagés par tous. Or tous les pays ont quelque chose à  gagner de la facilitation des échanges en termes de développement. Le moment est donc venu pour les pays de l’OMC d’avancer sur les dossiers qui le permettent. Cela équivaudra à  verser un acompte sur un investissement solide.