Bandiagara : insécurité accrue

Après une relative accalmie ces derniers mois, la région de Bandiagara, au centre du pays, fait face à une nouvelle montée de l’insécurité depuis quelques semaines. Elle se caractérise par des enlèvements ciblés de bus et des prises d’otages sur l’axe Bandiagara – Bankass.

Selon des sources locales, depuis le début du mois de novembre, au moins 7 véhicules ont été enlevés sur l’axe Bandiagara – Bankass. En plus de ces enlèvements, des villages de la région sont également pris pour cibles. Le 11 décembre 2023, le village de Barassoro, dans le cercle de Bankass, a été attaqué. Bilan : 3 morts et des dégâts matériels importants. Moins d’un mois plus tôt, le 25 novembre, 6 personnes ont été tuées, des biens emportés, des boutiques incendiées et des motos brûlées lors d’une attaque perpétrée contre le village d’Allaye Kokola, dans le cercle de Bandiagara.

« On peut dire que du mois de juin à maintenant il y a eu plus de 17 villages attaqués, pas moins de 50 morts et une cinquantaine de personnes enlevées », affirme Adama Diongo, Porte-parole du Collectif des associations de jeunes du pays dogon.

« Depuis un moment, la région de Bandiagara est secouée », a reconnu à la télévision nationale le 5 décembre dernier Sidi Mohamed El Béchir, Gouverneur de la région, lors de la visite de terrain dans la localité du Commandant de la Zone de défense N°6. Le même jour, un minibus avait sauté sur une mine dans le cercle de Bankass, entre Garou et Doundé, faisant 2 blessés.

Quête de financements

Les enlèvements répétés de bus et les prises d’otages sur l’axe Bandiagara – Bankass suscitent des interrogations sur une éventuelle nouvelle stratégie adoptée par les groupes armés terroristes dans la zone. Selon Adama Diongo, c’est clairement une « nouvelle stratégie pour se faire financer ». « D’après nos informations, depuis plus d’une année, les financements extérieurs ne viennent plus. Le fait aussi d’enlever le bétail et de le vendre ne donne plus satisfaction comme avant. Pour ces groupes armés terroristes, une autre façon de se financer est d’enlever des personnes et de demander aux parents de payer pour renflouer leurs caisses », explique-t-il. « Les enlèvements se font de façon ciblée. Ils ont des informations sur le visage de certaines personnes, soit des personnes importantes dans leurs communautés, soit des jeunes influents, soit des grands commerçants, entre autres. Derrière, ils demandent des rançons », poursuit-il.

Une population excédée

Face à la résurgence de l’insécurité dans la région, une marche des femmes et des enfants a eu lieu le 5 décembre 2023 dans la commune de Dimball, dans le cercle de Bankass, aboutissant à un blocus de la RN15 dans les deux sens, Bandiagara – Bankass et Koro – Bankass.

Dans un mémorandum adressé au ministre de la Sécurité et de la protection civile, les responsables de la société civile ont demandé la libération des otages, l’arrestation des hostilités et l’installation « dans un bref délai » d’un poste de sécurité permanant entre Songobia et Parou pour protéger les personnes et leurs biens. Le blocus a été suspendu 2 jours après suite à des négociations entamées par les autorités locales.

Pont dynamité

Le 11 décembre, le Gouverneur de la région a été reçu par le ministre de la Défense et des Anciens Combattants, pour discuter des mesures « rapides et efficaces » à prendre pour restaurer la sécurité et amener la reprise normale des activités dans la région. La veille, dans la nuit du 9 au 10 décembre, le pont de Parou, qui se trouve sur l’axe Bandiagara – Bankass, ciblé à plusieurs reprises par les groupes armés terroriste depuis le début de la crise au Centre, avait été de nouveau dynamité, coupant les localités de Koro, Bankass et Bandiagara du reste du pays.

« Nous avons pris des dispositions et nous sommes en train de tout faire pour que les gens puissent circuler. Pour le moment, beaucoup empruntent la route des falaises. Pour le reste, nous sommes en train de voir avec les plus hautes autorités comment trouver les solutions adéquates pour que la population soit soulagée », assure le Colonel Aly Sidibé, Préfet du cercle de Bankass.

Bankass : Peuls et sédentaires fument le calumet de la paix

Dans le cercle de Bankass, un forum intercommunautaire qui a eu lieu lundi 06 juin, a permis de dégeler le climat entre les différentes communautés.

Le forum intercommunautaire a réuni plus de 300 personnes à Bankass (cercle de Mopti), où depuis septembre 2015, les Peuls et les communautés Bobo, Dogon, Dafing et Samogo nourrissent des rnacoeurs les uns envers les autres. Avec en toile de fond un climat de suspicion sur les liens supposés entre les Peuls et les djihadistes. Selon Allaye Guindo, maire RPM de Bankass, tout a commencé l’année dernière lorsque les communautés sédentaires ont accusé les Peuls d’héberger les djihadistes se réclamant du Front de Libération du Macina (FLM) d’Amadou Kouffa, sur les collines où ils font le pâturage, notamment pendant l’hivernage. Il n’y a pas eu d’affrontements entre les différentes communautés, mais, si l’on en croit le maire, un chef de village, un gendarme et un garde ont été tués.

Cette année encore, l’hivernage approchant, les Bobo dans le cercle de Tominian, les Dafing et Samogo ont fait part de leur inquiétude de voir les peuls hébergés les djihadistes sur les collines. De leur côté, les Peuls opposent un démenti catégorique. La rencontre du lundi 06 juin, entre les différentes communautés, avec la présence du ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed, de celui du Sport Housseyni Amion Guindo (originaire de Bankass) et du représentant du ministère de l’Administration territoriale, visait surtout à ramener la paix et dégeler le climat dans les communes. Les différentes communautés ont accepté de vivre ensemble, et de dénoncer tout ce qui est suspect. Il a aussi été décidé de la création d’un comité dans chaque commune dont le rôle sera de recueillir les informations reçues des populations, avant de les faire remonter aux maires, préfets et gouverneurs.