Bandiagara : insécurité accrue

Après une relative accalmie ces derniers mois, la région de Bandiagara, au centre du pays, fait face à une nouvelle montée de l’insécurité depuis quelques semaines. Elle se caractérise par des enlèvements ciblés de bus et des prises d’otages sur l’axe Bandiagara – Bankass.

Selon des sources locales, depuis le début du mois de novembre, au moins 7 véhicules ont été enlevés sur l’axe Bandiagara – Bankass. En plus de ces enlèvements, des villages de la région sont également pris pour cibles. Le 11 décembre 2023, le village de Barassoro, dans le cercle de Bankass, a été attaqué. Bilan : 3 morts et des dégâts matériels importants. Moins d’un mois plus tôt, le 25 novembre, 6 personnes ont été tuées, des biens emportés, des boutiques incendiées et des motos brûlées lors d’une attaque perpétrée contre le village d’Allaye Kokola, dans le cercle de Bandiagara.

« On peut dire que du mois de juin à maintenant il y a eu plus de 17 villages attaqués, pas moins de 50 morts et une cinquantaine de personnes enlevées », affirme Adama Diongo, Porte-parole du Collectif des associations de jeunes du pays dogon.

« Depuis un moment, la région de Bandiagara est secouée », a reconnu à la télévision nationale le 5 décembre dernier Sidi Mohamed El Béchir, Gouverneur de la région, lors de la visite de terrain dans la localité du Commandant de la Zone de défense N°6. Le même jour, un minibus avait sauté sur une mine dans le cercle de Bankass, entre Garou et Doundé, faisant 2 blessés.

Quête de financements

Les enlèvements répétés de bus et les prises d’otages sur l’axe Bandiagara – Bankass suscitent des interrogations sur une éventuelle nouvelle stratégie adoptée par les groupes armés terroristes dans la zone. Selon Adama Diongo, c’est clairement une « nouvelle stratégie pour se faire financer ». « D’après nos informations, depuis plus d’une année, les financements extérieurs ne viennent plus. Le fait aussi d’enlever le bétail et de le vendre ne donne plus satisfaction comme avant. Pour ces groupes armés terroristes, une autre façon de se financer est d’enlever des personnes et de demander aux parents de payer pour renflouer leurs caisses », explique-t-il. « Les enlèvements se font de façon ciblée. Ils ont des informations sur le visage de certaines personnes, soit des personnes importantes dans leurs communautés, soit des jeunes influents, soit des grands commerçants, entre autres. Derrière, ils demandent des rançons », poursuit-il.

Une population excédée

Face à la résurgence de l’insécurité dans la région, une marche des femmes et des enfants a eu lieu le 5 décembre 2023 dans la commune de Dimball, dans le cercle de Bankass, aboutissant à un blocus de la RN15 dans les deux sens, Bandiagara – Bankass et Koro – Bankass.

Dans un mémorandum adressé au ministre de la Sécurité et de la protection civile, les responsables de la société civile ont demandé la libération des otages, l’arrestation des hostilités et l’installation « dans un bref délai » d’un poste de sécurité permanant entre Songobia et Parou pour protéger les personnes et leurs biens. Le blocus a été suspendu 2 jours après suite à des négociations entamées par les autorités locales.

Pont dynamité

Le 11 décembre, le Gouverneur de la région a été reçu par le ministre de la Défense et des Anciens Combattants, pour discuter des mesures « rapides et efficaces » à prendre pour restaurer la sécurité et amener la reprise normale des activités dans la région. La veille, dans la nuit du 9 au 10 décembre, le pont de Parou, qui se trouve sur l’axe Bandiagara – Bankass, ciblé à plusieurs reprises par les groupes armés terroriste depuis le début de la crise au Centre, avait été de nouveau dynamité, coupant les localités de Koro, Bankass et Bandiagara du reste du pays.

« Nous avons pris des dispositions et nous sommes en train de tout faire pour que les gens puissent circuler. Pour le moment, beaucoup empruntent la route des falaises. Pour le reste, nous sommes en train de voir avec les plus hautes autorités comment trouver les solutions adéquates pour que la population soit soulagée », assure le Colonel Aly Sidibé, Préfet du cercle de Bankass.

Adama Diongo : « ce n’est pas une trêve déjà décrétée mais une recommandation »

Dans la région de Bandiagara, les différents groupes armés pourraient observer une trêve de 3 mois à partir du 1er octobre prochain, à la demande des populations locales. Entretien avec Adama Diongo, Porte-parole du Collectif des associations de jeunes du pays dogon.

Une trêve de 3 mois pourrait être observée dans la région à partir du 1er octobre prochain. Qu’en est-il exactement ?

Nous l’avons appris dans les recommandations d’une rencontre qui s’est tenue à Bandiagara entre les populations elles-mêmes. Ce n’est pas une trêve qui a été déjà décrétée, mais c’est une recommandation des populations. Elles ont demandé aux différents groupes armés qui sont dans la zone, que ce soit les chasseurs ou les terroristes, que chacun observe une trêve de 3 mois. Certains pensent que les groupes armés se sont assis, ont négocié et signé un accord, mais ce n’est pas le cas. Ce sont les légitimités traditionnelles, accompagnées de toutes les autres forces vives, qui ont tenu une rencontre et qui ont fait une doléance.

Cela ne signifie donc pas qu’il n’y aura plus d’incidents sécuritaires pendant les 3 prochains mois…

Non, en rien. Lors de la rencontre, Da Na Ambassagou était dans la salle et ils ont reçu le message de façon directe. Au niveau des groupes terroristes, personne n’était représenté. La question s’est posée sur la façon de leur transmettre cette doléance. Il a été recommandé de trouver des émissaires et d’aller les rencontrer pour leur expliquer la volonté des populations de les voir s’inscrire dans ce cessez-le-feu.

Parmi les recommandations, il y a également l’accélération du processus du DDR en faveur des groupes d’auto-défense. Qu’est-ce qui bloque ?

C’est toujours le manque d’assurance qu’ils ne seront pas attaqués qui fait que les chasseurs n’ont pas adhéré au processus. Aller vers le DDR signifie mobiliser ses combattants, les cantonner et les mettre à la disposition d’une commission qui va les désarmer et les mettre dans un processus de récupération. Ce qui veut dire qu’ils seront immobilisés. Entre temps,  si leurs villages sont attaqués, comment pourront-ils se défendre ? C’est cette question qui les amène à ne pas adhérer au processus. Je pense que plus la sécurité sera de retour, plus les groupes d’auto-défense seront favorables au processus de DDR. Je crois que tout dépendra du degré de stabilisation de la zone.

Comment décririez-vous la situation sécuritaire actuelle dans la région de Bandiagara ?

C’est le statu quo. Les gens sont dans l’expectative. La population est toujours apeurée, même si ces derniers temps il y a eu des démarches pour relancer un peu les initiatives de stabilisation. Mais la confiance n’est pas encore revenue.

Bandiagara : les attaques meurtrières se multiplient

A Bandiagara, les jours se suivent et se ressemblent. Depuis le début de l’hivernage, les populations font face à une série de violence meurtrière. Ce 18 août 2023, c’est le village de Yarou qui a subi une attaque par des hommes armés, ayant fait 22 morts, suivi le 20 août 2023 d’une autre dans le village d’Idiely, ayant fait 1 mort. Face à la situation, la société civile exprime sa préoccupation et sollicite un changement de stratégie.

Les assassinats ou attaques ciblées contre des villages qui se vident de leurs habitants, les vols de bétail sont devenus le lot quotidien des habitants de Bandiagara. Les communes alentour de la région sont devenues les cibles d’attaques récurrentes suscitant la colère des populations. Le 9 août 2023, les forces vives de la région avaient organisé une marche et annoncé une journée ville morte.

Depuis le 5 aout 2023 où l’attaque de Bodio avait fait 15 morts, celle de Gari le 7 août 12 morts, un attentat à la bombe à Dianwéli qui a causé 5 morts et l’attaque à Yarou le 18 août où 22 personnes ont été tuées et des bétails emportés, le climat d’insécurité s’accroît et inquiète les populations.

Alors que les attentes étaient grandes en termes de changement dans la situation sécuritaire, « les résultats sont en deçà de ceux espérés », déplore le président des organisations de jeunes de la région, Adama Djongo. Il appelle donc les autorités à un « changement de stratégie », afin d’associer les populations pleinement à la prise en charge de leur sécurité.  Conscient que l’Armée ne peut atteindre l’intégralité du territoire en même temps, il invite les autorités à mettre à profit l’expérience des groupes d’auto défense, pour contribuer à la sécurisation de leur terroir.

Une population traumatisée qui demande à l’Etat de prendre des mesures urgentes afin de les « rassurer », témoigne un habitant. En attendant et par crainte de représailles, plusieurs habitants des localités visées fuient en direction de la région.

Bandiagara : face à la recrudescence des attaques, le ras-le-bol de la population

Bodio, un village situé dans la commune rurale de Doucombo, cercle de Bandiagara, a été la victime d’une attaque terroriste le 5 août 2023. Bilan : 15 tués, 2 blessés, des dégâts matériels importants et une population traumatisée qui fuit la localité. Une énième attaque qui suscite la colère dans le Pays dogon. Pour manifester leur mécontentement, les « Forces vives » de la zone ont organisé une marche et décrété une journée Ville morte le 9 août 2023 à Badiangara. Ces attaques, devenues récurrentes, sont le symbole d’une insécurité qui gangrène le Pays dogon et au-delà et nécessite une analyse approfondie pour des solutions pérennes.

Le lendemain de l’attaque, entre Bodio et une localité voisine, un tricycle transportant deux chasseurs explose sur un engin explosif, causant la mort de ses deux occupants. Pour exprimer leur désarroi, « toutes les forces vives du Pays dogon, jeunes, femmes, commerçants, chefs de village et élus locaux, ont manifesté pour attirer l’attention des plus hautes autorités sur l’insécurité grandissante ». À l’issue de la marche, qui a dégénéré suite aux échauffourées entre manifestants et forces de l’ordre, faisant des blessés, un mémorandum a été remis aux autorités. 

Ce regain de violence était prévisible, selon Adama Djongo, Président du Collectif des associations de jeunes du Pays dogon. À l’approche de chaque hivernage, il s’agit d’un moyen pour les « terroristes de maintenir les populations dans la famine en les empêchant de cultiver ». Malgré les différentes alertes, M. Djongo déplore l’insuffisance des actions et demande à l’État « de mobiliser tous ses moyens pour sécuriser les populations ». Les Forces vives ont donc remis dans ce cadre un mémorandum aux autorités. Elles ne veulent plus se contenter des « décomptes macabres », promettant de se faire entendre si rien n’est fait. La population a décidé mercredi 9 août d’une journée ville morte. Une manifestation a également été organisée. Pacifique au début, elle a par la suite dégénéré. Les forces de l’ordre ont effectué des tirs de sommation selon des témoins faisant 11 blessés dont quatre parmi les forces de l’ordre et sept parmi les manifestants dont un grave. Ce dernier a succombé à ses blessures dans la soirée du 10 août. Les forces vives de la région de Bandiagara ont donc décidé de poursuivre la journée ville morte jusqu’à nouvel ordre. Une mesure qui touche tous les secteurs d’activité hormis les services de santé ; l’EDM ; la SOMAGEP et le transport terrestre et aérien.

Les limites du tout sécuritaire

L’absence des autorités dans les localités reculées et la perte des moyens des milices d’autodéfense, qui assuraient leur propre sécurité, constituent pour certains observateurs les causes de cette insécurité persistante. Il faut donc que l’État analyse cette question sécuritaire complexe en redéfinissant « les paradigmes du conflit malien ».

C’est donc une politique à mettre en place et un processus à entretenir. Il faut que l’État soutienne d’abord un plan d’urgence aux populations, nombreuses à se déplacer, et se focalise « sur le dialogue entre les communautés ». Mais les solutions au conflit malien ne peuvent être que communes avec celles du Sahel, indiquent les mêmes analystes. Ces pays doivent se mettre en synergie et « harmoniser leurs stratégies ».

Centre du Mali : huit militaires tués

Huit militaires ont été tués dans la nuit du jeudi 25 février dans l’attaque simultanée d’une base militaire et l’escadron de la gendarmerie de Bandiagara  par des individus lourdement armés non identifiés, informe l’armée malienne. Selon le bilan provisoire, cinq autres personnes ont été blessées.

Centre: Bandiagara isolé et précarisé

Attaques terroristes, violences intercommunautaires, vols de bétail, insécurité alimentaire, voilà le quotidien des habitants du pays dogon depuis l’enlisement du centre du Mali. Esseulés, ils côtoient la précarité.

Le poste de Mandoli, dans le cercle de Bandiagara, a été attaqué le 5 mai dernier par plusieurs personnes armées. Un civil a été tué et quatre gendarmes blessés. La veille, le pont de Songho, sur la RN15 reliant Sévaré à Bandiagara, avait fait l’objet d’un deuxième sabotage à l’aide d’une mine. C’est tout un corridor international, de la frontière burkinabè jusqu’aux ports de Lomé et de Cotonou qui subit un coup dur. Ce cycle de violences rappelle sans cesse le sinistre écosystème dans lequel vivent les habitants du pays dogon depuis 2015.

Avec une population de 430 000 habitants, selon le recensement de 2009, le cercle de Bandiagara est enclavé. Et, avec la destruction du seul pont qui le reliait au reste du pays, les autorités locales craignent de futures attaques. « Avec l’attaque du poste de contrôle de Mandoli à la veille de la destruction du pont, on se demande si quelque chose d’autre ne se prépare pas », s’inquiète un administrateur. « Pour cette pandémie de Covid-19 on n’a pas encore enregistré de cas, mais s’il faut envoyer des véhicules d’urgence à Mopti, cela va poser des problèmes », poursuit-il. Le samedi 9 mai, des travaux de déviation ont été entamés pour la reprise effective de la circulation des personnes et de leurs biens. Une mission de la MINUSMA avait effectué une visite le 8 mai pour évaluer les dégâts et jugé « crucial que cette voie reste ouverte ».

Démunis

« Dans le cercle de Bandiagara seulement 10% des terres sont cultivables. Donc, même en l’absence d’insécurité, Bandiagara n’est pas autosuffisant au plan alimentaire. La population compense cette insuffisance en terres arables par le maraichage », souligne Siriman Kanouté, le Préfet du cercle.

L’État et ses services techniques sont présents, mais environ une cinquantaine d’écoles restent fermées à cause de l’insécurité, selon des chiffres de la préfecture. Le chef-lieu de cercle dispose de trois forages pour 21 000 habitants. La Société malienne de gestion de l’eau potable (SOMAGEP) fournit 80% des besoins en eau de la ville. Dernièrement, les coupures étaient récurrentes à cause de travaux de maintenance et de problèmes d’électricité. Grâce à un partenariat, la Croix Rouge s’est engagée à doter la SOMAGEP de carburant afin de prévenir les coupures d’eau.

Boubacar Diallo

Housseini Saye : « Nous devons tout faire pour empêcher nos frères de partir »

La semaine dernière, des populations peules de Bandiagara ont commencé à quitter la ville suite à une rumeur d’attaque qui les viserait. Une relative accalmie surviendra après une lettre du maire, Housseini Saye, appelant les populations au calme. Il fait le point de la situation pour Journal du Mali.

Quelle est la situation aujourd’hui à Bandiagara ?

Il y a une relative accalmie dans la tête des gens, mais personne n’a aucune assurance aujourd’hui compte tenu de tout ce qui prévaut. Mais, depuis notre communiqué et le démenti des chasseurs face à la rumeur disant qu’ils exigeaient des communautés peules de quitter la ville, il y a de quoi se rassurer et avoir un peu confiance. La peur est née du fait qu’on a attribué cette rumeur aux chasseurs dozos, ce qu’ils ont catégoriquement démenti. Où ces populations vont-elles aller ? Elles sont maliennes comme toutes les autres. Elles sont nées et ont grandi ici. Nous, cela nous attriste et nous humilie. On ne doit pas se fier aux rumeurs et se déstabiliser soi-même.

Dans votre lettre, vous avez parlé de négociations en cours pour enrayer la crise. Quels sont ceux qui y prennent part ?

Tout le monde. Nous négocions entre les chasseurs et les autres groupes armés. Il y en a certains qu’on ne connait même pas. Nous faisons de notre mieux pour trouver des intermédiaires et échanger avec eux. Cela donne des prémices, car on parvient à se dire certaines choses, même si ce ne sont pas des éléments sur lesquels on peut asseoir  tout de suite quelque chose. Nous essayons de parler avec ceux qui détiennent les armes mais aussi avec la population civile. C’est une initiative inclusive locale que nous menons depuis un certain temps.

Quel message avez-vous à lancer aux communautés ?

Ici, à Bandiagara, toutes les communautés sont unies. Il n’y a pas de Dogon différent du Peul et vice-versa. À Bandiagara il n’y a que des Bandiagarois. C’est pourquoi j’appelle cette communauté à plus de solidarité. Voir une partie des gens avec qui vous êtes nés et avez grandi partir sous vos yeux, montre une passivité qu’il faut dénoncer. On ne peut pas empêcher les gens de partir, mais nous devons tout faire pour qu’ils restent. Je demande la présence effective de l’armée, car c’est l’absence des forces armées qui crée tout le problème. Quand vous voyez une personne mourir devant vous, un village incendié, à qui pouvez-vous donner l’assurance qu’il y a la paix et qu’il faut rester ? L’État doit s’assumer, ouvrir des enquêtes sur ce qui se passe et lutter contre l’impunité.

Attaque d’un hôtel à Bandiagara : Au moins un assaillant tué

Deux personnes (un assaillant et un garde) ont trouvé la mort et trois autres (un garde et deux employés) ont été blessés dans l’attaque survenue ce 28 mars au soir à l’hôtel « La Falaise », situé à Bandiagara. En attendant de connaître l’identité et la motivation des assaillants, « la situation est sous contrôle », mais les habitants se disent inquiets face à cette première attaque dans la ville de Bandiagara.

« Nous avons entendu des coups de feu au niveau de l’hôtel Falaise, contigu à une banque, aux environs de 20 heures.  Dès lors, on a eu peur et on est rentré », témoigne Tabema Guindo, habitant la ville depuis deux ans et travaillant pour le compte d’un programme d’appui au développement social et sanitaire.

Comme la plupart des habitants, il a attendu le petit matin pour s’enquérir de la situation. « Je suis sorti avant  6 heures pour m’enquérir de la situation, les gens circulaient normalement. Les gens sont inquiets, c’est normal mais la situation est calme », ajoute Guindo. Les activités ont repris normalement dans les services et les structures,  y compris ceux  autour de l’hôtel même, situé non loin du rond-point central, ajoute-t-il.

Ces individus non encore identifiés  seraient arrivés à pied à l’hôtel, selon Oumar Guindo, directeur d’une radio à Bandiagara. « A leur arrivée, ils ont commencé à tirer sur les gardes qui ont riposté. Un assaillant a été tué et 4 personnes ont été blessées dont 2 gardes et deux employés, 1 garde a succombé à ses blessures », précise-t-il. La motivation et l’identité des assaillants n’étant pas encore connues, il n’est pas à écarter qu’ils visaient une autre cible, notamment une agence bancaire, contigu à l’hôtel.

Mais cette attaque, la première, dans la ville, inquiète les habitants sur place.

Aussi la mesure d’interdiction  de circuler à moto et dans les Pick-up,  censée contribuer à la sécurité, reste pour Tabema Guindo, contre-productive. En effet, l’absence de l’Etat  augmente la vulnérabilité des populations, laissées à elles-mêmes et qui ne peuvent plus recevoir le soutien des organisations ne pouvant plus se rendre auprès d’elle. En outre cette dernière ne peut plus vaquer à l’une de ses principales activités économiques qui sont les foires et autres marchés.

Le lent crépuscule des chasseurs dogons

Les chasseurs, « Donso » en bambara, sont au cœur de l’histoire culturelle malienne. Dans la société dogon, on admire leur bravoure et leur savoir. Les « Danaan » sont les gardiens des rites animistes et n’ont jamais failli à intervenir dans les cas de crise grave ou d’oppression. Mais même s’ils font partie d’une des plus anciennes organisations traditionnelles, leur permanence tant à s’effriter de plus en plus, avec l’usure du temps et les affres du monde moderne.

« Ce sont des gens respectés, détenteurs de savoir. Ils sont les gardiens de la brousse au pays dogon. Ils chassent, mais sont aussi souvent les protecteurs de nos traditions. On leur attribue des pouvoirs un peu surnaturels, des connaissances que le bas peuple n’a pas. Cela inspire le respect ; voire une certaine crainte », confie Ambadio Kassogué, 84 ans, un vénérable dogon ancien ministre et PDG de la SOMAP.

Au pays dogon, la confrérie des chasseurs est une organisation hermétique, avec ses rites, ses codes et ses règles de fonctionnement. Ses membres évoluaient dans la nature et ne craignent pas d’affronter les fauves. Preuve de leur position et de la singularité de ce corps social chez les dogons, dans les manifestations et les fêtes traditionnelles ils dansent ensemble, sur leurs chansons, accompagnés de leurs propres instruments. On les consulte pour connaître l’avenir, se procurer des plantes médicinales ou se faire soigner. « Ce sont des tradithérapeutes. Ils maîtrisent la pharmacopée traditionnelle, ils connaissent parfaitement les propriétés botaniques et les vertus médicinales de la brousse aride du pays dogon,. Si vous avez une maladie, c’est eux qu’il faut aller voir », poursuit Ambadio Kassogué.

Pour entrer dans ces confréries de chasseurs, il faut être initié et suivre des rituels secrets. On devient chasseur généralement de père en fils. Il fallait dix-sept ans pour être initié, mais, au fil du temps, les candidatures ont diminué et aujourd’hui, faute de relève, c’est tout un savoir qui disparaît.

Un lent déclin Depuis la colonisation, une nouvelle société s’est peu à peu dessinée. L’influence du libéralisme économique, du christianisme et de la religion musulmane, qui ont bouleversé les croyances et les rites, l’urbanisation galopante, l’augmentation de la population, qui a réduit des espaces dédiés à la chasse, la raréfaction du gibier du fait de l’avancée du désert, la rareté de l’eau et des déficits pluviométriques, ont entraîné une dénaturation progressive de cette culture et profondément impacté la caste des chasseurs. « Le rôle des chasseurs est en déclin ; c’est clair. Il n’y a plus aujourd’hui la même végétation qu’il y a cinquante ans, le gibier est rare et le chasseur n’a plus grand-chose à traquer. Le métier est plutôt devenu symbolique », explique Oumar Guindo, directeur de radio à Bandiagara.

La chasse ne tenant plus une grande place dans leur vie, les chasseurs deviennent paysans, guides de chasse pour touristes, mécaniciens et policiers ou travaillent dans la sécurité privée. D’autres exploitent leurs savoirs occultes ou médicinaux comme devins ou guérisseurs. « La nouvelle génération a intégré la culture moderne et est moins dans la culture ésotérique d’antan, avec ses mythes et son langage codé. C’est fini ça. La plupart des chasseurs que l’on voit aujourd’hui sont là pour animer les grandes cérémonies. C’est une manière d’amasser des gains. C’est devenu plus folklorique que représentatif », ajoute le vénérable Kassogué.

Protecteur des villages Mais ces gardiens de la brousse n’ont pas encore tout à fait disparu. Compte tenu de l’insécurité actuelle au niveau du centre du pays, certains groupes de chasseurs ont pris l’initiative de sécuriser les populations et leurs biens. À l’instar du mouvement dogon « Danaan amba sagou », qui entend protéger, muni de ses armes traditionnelles, les quatre cercles de la zone exondée de la région de Mopti, Bandiagara, Bankass, Koro et Douentza, contre les bandits armés et les djihadistes. « Ils utilisent des vieux fusils indigènes qui ne tirent qu’un coup, ou des couteaux. Face à des agresseurs qui ont des fusils Kalachnikov et qui se déplacent à moto, ce n’est pas facile », explique Oumar Guindo, qui ajoute, « mais ils sont Dogons. Ils sont de ce milieu et connaissent ce territoire comme personne. Ils ont les moyens de disparaître, de se fondre dans la nature. En vertu d’un code d’honneur ancien, qui les pousse à intervenir dans les cas de crise grave ou d’oppression, ils sont déterminés à défendre leurs villages et leurs terres, quelles qu’en soient les conséquences », conclut-il.

 

 

Dan na amba sagou : le rempart Dogon

C’est pour sécuriser la zone du plateau dogon et dissuader d’éventuels assaillants, que des chasseurs dogons ont pris les armes pour former la milice Dan na amba sagou (confier le territoire aux chasseurs). Elle entend rendre au pays dogon sa quiétude d’antan.

Dans la région de Mopti, il n’y a pas que les Peuls qui se plaignent de l’abandon de l’État. « Nous ne sommes pas en sécurité, personne ne dort. À chaque fois, des gens viennent commettre des assassinats en toute impunité et s’en vont sans être inquiétés. Nous avons constaté cela des mois durant à Bankass, à Bandiagara et à Koro », s’insurge Boureima Sagara, coordinateur du mouvement Dan na amba sagou, créé en 2012.

Depuis quelques mois, la recrudescence de la violence les pousse à donner à nouveau de la voix et à reprendre les armes. Le 1er octobre dernier, Théodore Soumbounou, conseiller communal à Bankass, a ainsi été froidement abattu par des bandits armés. Un mois plus tard, le maire du cercle de Koro a échappé de justesse à une tentative d’assassinat. Trois jours avant les élections communales du 20 novembre, la tête de liste du parti PRVM-Fasoko fut kidnappé. Autant de faits qui ont poussé le mouvement Dan na amba sagou à rappeler, dans un communiqué publié mi-décembre 2016, les conditions de sa création il y a quatre ans et à annoncer la reprise des armes pour assurer la défense du territoire. Le mouvement revendique à ce jour un millier de combattants, armés de vieux fusils de chasseurs et résolus à donner leurs vies pour le plateau dogon. Le leader du groupe, Youssouf Tobola, serait un chasseur réputé, natif de Bandiagara. Très déterminé à la protection du terroir dogon, il entend fédérer autour de lui et prévient que « plus rien ne sera comme avant ». Tout adhérant doit prêter serment, « dans le but de fortifier les liens et d’instaurer la confiance entre nos membres », explique Sagara.

Appel à l’État Le mouvement est néanmoins conscient de ses limites. Face à la menace croissante que représente la katiba Macina du prêcheur radical Amadou Koufa, les Dogons ont envoyé une missive au préfet pour demander l’installation de camps dans leur zone. « Nous souhaitons des camps militaires dans les quatre cercles et bien équipés en matériels ou des armements adéquats pour mieux sécuriser nos populations du pays dogon car à chaque réveil, nous retrouvons des personnes tuées par des bandits armés qui sont les djihadistes », peut-on lire dans cette correspondance. Ces camps assureraient la sécurité dans la zone et permettraient au tourisme d’y rayonner de nouveau. « À cause de l’insécurité, nous n’avons plus de touristes, le pays dogon est laissé pour compte, les jeunes ne travaillent pas. C’est aussi pour tout cela que nous voulons rétablir l’ordre sur nos terres », conclut Sagara.