COP 28 : le Mali cherche la bonne température

Le Mali fait partie des 20 pays les plus vulnérables au changement climatique, selon l’index Notre Dame Global Adaptation Initiative (ND-Gain). Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), en Afrique de l’Ouest, il est prévu une augmentation de la température moyenne de 3,3°C d’ici 2 100. Elle pourrait atteindre 4,7°C dans la moitié nord du Mali. Le changement climatique frappe donc durement les plus pauvres et les plus vulnérables. C’est pourquoi il est attendu des décideurs réunis à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023, pour la COP 28, des mesures concrètes pour répondre à la menace immédiate.

Canicules, sécheresses, inondations, pluies torrentielles ou tempêtes, les phénomènes extrêmes dus au changement climatique se sont multipliés par 5 dans le monde entre 1970 et 2019, selon l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM). Outre les dégâts environnementaux, ces catastrophes ont négativement impacté le taux de mortalité et l’économie. Environ 2 millions de décès dus à ces catastrophes ont été enregistrés en 50 ans. Des chiffres qui ont évolué d’environ 170 morts par jour au début des années 1970 à 40 aujourd’hui.

Sur le plan économique, les pertes liées au changement climatique ont été multipliées par 7 les 50 dernières années dans le monde. Aux États-Unis, ces évènements ont coûté plus de 2 000 milliards de dollars pour la même période. Un coût qui, selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), pourrait atteindre entre 140 et 300 milliards de dollars par an pour les pays en développement dans les prochaines années.

Vulnérabilité accrue

Le Mali fait face depuis plusieurs décennies aux impacts de la dégradation des conditions climatiques. Désertique sur une large partie de son territoire, il compte 124 millions d’hectares, dont 60% de désert, 4% de forêts potentielles et 36% de terres utilisables pour l’agriculture et l’élevage. Estimée à plus de 22 millions d’habitants en 2022, sa population vit principalement en milieu rural et enregistre un taux de croissance annuelle de 3,3%. L’économie, essentiellement basée sur l’exploitation des ressources naturelles, accroît la dépendance aux aléas du climat. L’agriculture et l’élevage représentent respectivement 16,2% et 15,2% du PIB, le sous-secteur forêt 7,2% et la pêche 5%, selon les données de l’INSTAT.

La hausse de températures, les sécheresses, les inondations, les vents forts et les vents de sable sont des manifestations visibles de l’impact négatif du changement climatique sur l’environnement au Mali. Selon l’Évaluation environnementale intégrée au Mali (EEI), réalisée en 2022 conjointement par le PNUD et le PNUE en collaboration avec le gouvernement, les parties prenantes onusiennes et la société civile, les projections montrent que la température de l’air au Mali pourrait augmenter de 2,0°C à 4,6°C d’ici 2080 par rapport aux niveaux préindustriels. D’après les mêmes constats, le pays connaît depuis 2005 une période relativement riche en pluies. Mais celles-ci sont plus irrégulières et respectent moins la saisonnalité. En outre, elles s’accompagnent généralement d’inondations qui causent d’énormes dégâts et font des victimes. Même s’il demeure des incertitudes quant à l’évolution de la pluviométrie, en raison de sa grande variabilité, les estimations de Mali Météo font état d’une diminution de la pluviométrie de 22% sur la période 1950 – 1970 et entre 1971 et 2000, d’après une étude réalisée en 2011. « Depuis 10 à 15 ans, l’isohyète 1 500 mm a disparu, Bamako et ses environs ont connu une sahélisation et les zones désertiques et semi-désertiques ont progressé jusqu’à la latitude de Mopti (14°31’N) ».

La croissance démographique et l’augmentation de la pression sur les ressources naturelles accentuent la dégradation de l’environnement au Mali. Les superficies agricoles ont connu une augmentation annuelle de 8% entre 1984 et 2020. Le système, essentiellement extensif, se fait donc au détriment des espaces forestiers et des pâturages. Les faibles rendements ne permettent pas de couvrir tous les besoins et l’utilisation de produits phytosanitaires contribue non seulement à dégrader la santé humaine mais constitue un facteur supplémentaire d’érosion des sols, de pollution des eaux et de destruction de l’écosystème. L’agriculture irriguée est la principale consommatrice d’eau, avec 97%.

Ces facteurs climatiques, combinés à un contexte sécuritaire dégradé depuis 10 ans, contribuent à une forte urbanisation et à ses conséquences sur la diminution des espaces naturels autour des villes, ainsi qu’aux insuffisances dans la gestion des déchets solides et liquides. De 600 000 en 1960, la population urbaine est passée à 9 millions en 2020 et représente 44% de la population totale.

Solutions collectives

Même si les plus touchés ne sont pas les plus grands pollueurs, nous sommes « tous responsables, même à des degrés divers », de la planète qui souffre, explique Berthé Minian Bengaly, Directrice du Centre international pour le conseil (CICF), spécialisé en accompagnement et formation dans les domaines de la finance durable, de la sécurité et du changement climatique au Mali depuis 2010.

Puisque « les conséquences concernent tout le monde », les solutions doivent être globales. L’une des raisons de la COP, qui réunit les acteurs publics et privés. Engagée dans la sensibilisation, surtout du secteur privé, pour la prise en compte de la pertinence du changement climatique, l’organisation s’attèle à accompagner les « entreprises à changer de modèle économique » pour s’approprier des innovations liées au changement et les mettre en œuvre dans les chaînes de production.

Pour la Présidente du CICF, la COP 28 est surtout l’opportunité pour les pays en développement de se faire entendre et de mettre en œuvre la responsabilité collective. Il s’agit de nouer des contacts afin que le secteur privé puisse bénéficier des fonds disponibles, dont souvent il n’a pas connaissance ou ne sait pas comment y accéder. L’occasion est bonne pour « faire des prospections, voir le bon créneau pour être éligible et préparer l’adaptation. Car on ne peut plus évoluer de manière classique », conclut-elle.

Également présente à la COP 28, Fatoumata Boubou Koita est la Présidente du Mouvement Mali Propre (MMP), fondé en 2018. L’organisation évolue dans les domaines de la sensibilisation et de l’éducation environnementale, la communication et l’entrepreneuriat vert.

Faisant le constat qu’au Mali l’insalubrité, avec une prédominance des déchets plastiques, est un fléau qui contribue à cette dégradation de l’environnement et menace la vie des animaux, elle ne se contente d’un rôle d’observatrice. Le mouvement prépare 3 activités et envisage des projets capables d’aider les jeunes et les entreprises afin de créer une synergie d’action avec le Sahel et le monde. Le « Green circle » est destiné à faire partager les expériences et à proposer des solutions vertes. Le MMP prévoit aussi une mobilisation éducative pour participer au renforcement de capacités, parce qu’en la manière les innovations sont permanentes et qu’il faut s’en inspirer pour les adapter à notre contexte. Le film « Gnaman », « Des ordures en or ou comment transformer les déchets en richesse », sera présenté au public. Une manière d’envisager la création d’une chaîne de valeur et de réunir les acteurs « pour faire des déchets une nouvelle alternative pour créer des emplois ».

Investissements durables

Les banques multilatérales de développement ont souscrit à une déclaration commune le 3 décembre 2023 lors de la COP 28 à Dubaï. Elles se sont engagées à renforcer leur collaboration avec leurs clients, partenaires au développement, société civile et secteur privé, afin de réduire la pauvreté et les inégalités et de faire face aux crises. Déterminées à renforcer leur « ambition climatique », les banques se disent « prêtes » à « consolider les progrès et les résultats majeurs obtenus au cours de l’année écoulée ». Ainsi, en 2022, elles ont conjointement engagé 61 milliards de dollars de financement climatique pour les économies à revenu faible et intermédiaire, soit une hausse de 18% par rapport à 2021, et près de 100 milliards de dollars dans toutes les économies où elles opèrent.

Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, le financement de l’adaptation représente 37% de cette somme et le cofinancement climatique a atteint 46 milliards de dollars, dont 15 milliards provenant de la mobilisation de financements privés.

COP 28 : un rendez vous crucial pour la planète

La Conférence des Parties à la Convention – Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (COP 28) se tient du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï. Pour les Nations Unies, l’action climatique ne peut plus attendre, car les températures de la planète ont atteint des niveaux records et que les phénomènes météorologiques extrêmes perturbent un peu partout la vie des populations. C’est donc « une opportunité unique de rectifier le tir », en accélérant le rythme des mesures à prendre.

La COP 28 fera le bilan des actions entreprises depuis l’Accord de Paris de 2015 et planifiera les actions à envisager. Selon les données scientifiques, pour préserver un climat vivable, la production de charbon, de pétrole et de gaz doit diminuer rapidement et la capacité mondiale d’énergies renouvelables (éolienne, solaire, hydraulique et géothermique), doit tripler d’ici 2030. Dans le même temps, le financement de l’adaptation et les investissements pour la résilience doivent augmenter.

Rencontre cruciale

La Conférence de Dubaï ne peut pas être une conférence de plus. Elle doit être un tournant où les pays se mettront d’accord sur les mesures strictes à adopter en faveur du climat, mais aussi sur la manière dont ces mesures seront mises en œuvre, et évalueront les progrès réalisés pour l’atteinte des objectifs de Paris en termes d’atténuation, d’adaptation et de financement.

À Dubaï se conclura le premier Bilan mondial, débuté à Glasgow lors de la COP 26. Le processus doit permettre aux pays de mesurer ce qui reste à faire et les inciter à des plans d’action climatique ambitieux et accélérés. Les enjeux sont la santé et le bien-être de notre planète, alerte l’ONU.

« La banquise de l’Antarctique est à son plus bas niveau. De nouveaux chiffres montrent qu’en septembre elle était inférieure de 1,5 millions de kilomètres carrés à la moyenne de la période de l’année, une superficie à peu près égale à la taille du Portugal, de l’Espagne, de la France et de l’Allemagne réunis ». Mais le monde entier  est concerné, « parce que ce qui se passe là-bas a des impacts à des milliers de kilomètres », relève le Secrétaire général de l’ONU. Plus d’un siècle d’utilisation non rationnelle des énergies et des terres a donc entraîné un réchauffement de 1,1°C par rapport aux niveaux préindustriels. Chaque augmentation du réchauffement est susceptible d’aggraver les phénomènes météorologiques extrêmes, comme la chaleur et les inondations, et entraîner des changements climatiques irréversibles.

Sommet africain sur le climat : la déclaration de Nairobi adoptée

Ouvert le lundi, le premier sommet africain sur le climat a pris fin hier mercredi. Il s’est achevé par l’adoption de la déclaration de Nairobi qui est destinée à concrétiser le potentiel du continent dans une croissance verte.         

Ce premier sommet africain sur le climat visait à mettre en valeur les ressources inexploitées pour les énergies renouvelables, afin de permettre aux pays africains de se développer économiquement tout en participant à la lutte contre le réchauffement climatique, dont ils sont une des principales victimes. Les dirigeants africains ont appelé hier mercredi la communauté internationale à les aider à faire fructifier le potentiel du continent dans la lutte contre le réchauffement climatique, via des investissements et une réforme du système financier international, en clôture d’un sommet historique

« L’Afrique possède à la fois le potentiel et l’ambition d’être un élément essentiel de la solution mondiale au changement climatique », affirment les participants dans leur déclaration finale commune, baptisée « Déclaration de Nairobi ». Ils ont ajouté qu’il faudra une nette augmentation des financements pour libérer son potentiel à une échelle susceptible de contribuer de manière significative à la décarbonations de l’économie mondiale. Lesdits participants demandent notamment pour cela une nouvelle architecture de financement adaptée aux besoins de l’Afrique y compris la restructuration et l’allégement de la dette, dont le fardeau pèse lourdement sur leurs économies.

Un total de 23 milliards de dollars d’investissements internationaux ont également été promis durant les trois jours de sommet, a déclaré le président du Kenya, William Ruto, dont 4,5 milliards de dollars (4,1 milliards d’euros) venant des Emirats arabes unis pour les énergies propres en Afrique.

Selon le président de la Commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat, cette déclaration de Nairobi, adoptée à l’unanimité, servira de base à la position commune de l’Afrique dans le processus mondial sur le changement climatique jusqu’à la COP28 et au-delà.