Tombouctou : des villages submergés par la crue du Niger

Plusieurs localités de la 6ème région font face à des inondations dues à une forte montée des eaux du fleuve Niger. Une situation à multiples conséquences pour les populations.

Ibrahim Boubacar Yoro Maïga ne se lasse pas. Publication après publication, depuis novembre dernier, le leader politique, originaire du cercle de Diré, ne cesse d’attirer « l’attention des plus hautes autorités » sur la montée du fleuve Niger dans sa localité.

« Depuis quelques semaines, plusieurs villages de toutes les communes du cercle de Diré sont menacés et les dégâts commencent à être insupportables pour des centaines de familles, qui sont obligées d’abandonner leurs maisons, dans une insécurité totale. En plus des familles sans abri, les champs d’oignons de certaines localités sont abandonnés », explique-t-il.

Sareyamou, Binga, Haibongo, Tienkour, Gari, Bourem, Kirchamba, Dangha, Garbakoira… Plusieurs villages du cercle aux abords du fleuve sont en effet submergés par la montée des eaux. Le 3 décembre, les maisons en banco de la bourgade de Cinem Barmey, dans la commune rurale de Tienkou, ont été englouties par l’eau. Les 6 et 7 décembre, « ce sont les habitants des villages de Kondi et Dangha qui n’ont pas fermé les yeux passant nuit et jour à vouloir faire des barrages pour bloquer l’avancée de l’eau », explique un habitant. De même que ces villages, la ville de Diré, située au bord du fleuve Niger, est en alerte rouge depuis le 5 décembre après que l’eau du fleuve s’est propagée dans les rues du quartier Millionki.

« L’ensemble des 13 communes, sans exception, du cercle a été touché. C’est du jamais vu : des villages entiers ont été envahis par l’eau, obligeant les populations à quitter leurs maisons. Et, même après la décrue, les gens vont avoir des problèmes car les maisons vont s’effondrer », explique M. Maïga.

Outre l’effondrement des habitations et le déplacement de leurs occupants, les populations de la zone assistent à la détérioration de leurs récoltes. Ainsi, le cercle de Diré, réputé être l’un des premiers producteurs d’oignons du Mali, selon l’estimation des cultivateurs de la région, verra son taux de production ne pas dépasser cette saison 15 à 20% du taux habituel.

De même que Diré, ce sont toutes les localités de la région de Tombouctou se trouvant aux abords du fleuve Niger qui « sont menacées par la montée des eaux », alertait le Gouverneur de la région, Mamadou Tembely, via un communiqué le 30 novembre dernier.

« Le 28 novembre 2022, les hauteurs d’eau observées à Diré et Koriomé sur le Niger sont supérieures à celles de l’année dernière à la même période et à celles d’une année moyenne à la même période, excepté le marigot de Goundam. En perspective, la montée du niveau d’eau se poursuivra jusqu’à la mi-décembre sur le fleuve Niger et ses affluents dans la région de Tombouctou », affirme le Gouverneur. Dans son communiqué, il invite les populations riveraines des cours d’eau des communes de Diré, Tienkour, Tinguereguif, Kirchamba, Garbakoira, Dangha (cercle de Diré), Alafia, Lafia et Bourem-Inaly (cercle de Tombouctou) ainsi que les communes de Hamzakoma, Rharouss et Séréré (cercle de Gourma-Rharous), à s’éloigner des zones à risque d’inondation « le plus tôt possible ».

« Comment le Gouverneur peut-il demander aux populations de quitter leurs maisons sans aucune mesure d’accompagnement de la part de l’État ? » s’interroge Ibrahim Boubacar Yoro Maïga. « Ce sont quand même des chefs de familles qui vont se retrouver sous des arbres en brousse avec leurs femmes et leurs enfants, en plus de l’insécurité qui inquiète dans ces zones », fustige-t-il.

Dans l’optique de « s’imprégner de la situation » et « d’apporter le soutien de l’État aux sinistrés », le ministre délégué chargé de l’Action humanitaire, de la solidarité, des réfugiés et des déplacés, l’Imam Oumar Diarra, effectue une mission dans la région de Tombouctou depuis mardi dernier.

Inondations de 2013 : que sont devenus les sinistrés ?

Le 28 d’août 2013, de fortes pluies causaient la mort à Bamako d’au moins 30 victimes et d’importants dégâts matériels, laissant sans abri des milliers de personnes. Alors que le phénomène météorologique se reproduit et que l’on déplore déjà les mêmes conséquences, les victimes de la précédente catastrophe attendent encore le soutien promis.

Les quartiers des Communes 1 et 4 avaient été particulièrement touchées. À Sikoro, en Commune 1 du district de Bamako, tout comme à Banconi, les pertes ont été considérables. « Notre maison s’est effondrée sur nous », se souvient cette mère de famille. « Nous n’avons rien pu sauver et depuis nous sommes dans la misère », ajoute-t-elle avec amertume. Hébergée pendant des mois dans l’école AB de Sikoro, elle a pu, avec l’aide de la famille, se trouver un petit logement dans les environs avec ses enfants. « On devait nous aider à nous reloger. Jusqu’ici, rien. Nous avons été abandonnés », continue-t-elle, traduisant le point de vue de la majorité des sinistrés. En rendant visite aux victimes de la catastrophe, le ministre de l’Administration territoriale de l’époque, Moussa Sinko Coulibaly, avait en effet annoncé des mesures d’urgence mais surtout une réflexion « afin de définir les solutions sur le long terme ».

Statu quo « Depuis, j’héberge encore des parents», témoigne M. Diallo qui habite lui aussi Sikoro. « Je sais qu’ailleurs dans Bamako, à Banconi comme à Lafiabougou Taliko, la situation est la même. Rien n’a été fait pour venir durablement en aide aux sinistrés. On avait parlé d’assainir la zone avant que les gens ne reviennent. Les gens ont attendu en vain, puis ceux qui n’avaient pas le choix sont revenus s’installer », ajoute le chef de famille pour qui la « même situation est en train de se reproduire ». À l’époque, un plan de réponse avait été mis en œuvre par le gouvernement. Doté d’une enveloppe de 16 800 000 francs CFA, « il n’a permis que des actions de saupoudrage. Ce sont les ONG qui aujourd’hui encore continuent de soutenir les dizaines de familles qui demeurent dans une situation de précarité », explique un responsable communal. C’est ainsi que IFE-Mali a octroyé le 10 août 2016, une aide nutritionnelle à l’endroit des enfants de 16 familles sinistrées à Sikoro. Djelika Sidibé, victime, en a profité pour lancer un appel aux plus hautes autorités : « nous demandons que le gouvernement nous vienne en aide. Nous n’avons jusqu’ici rien vu des promesses faites ! ».

Inondations à Bamako: le relogement des victimes en cours

La chaà®ne de solidarité s’agrandit en faveur des sinistrés des inondations du 28 août dernier. Trois sites de relogement sont aménagés dans des écoles en commune I du district de Bamako. A l’école Bahaben Satara de Korofina, les pouvoirs publics tentent non sans peine de satisfaire les besoins des sinistrés présents sur place. 202 ménages et quelques 964 personnes ont été recensés sur ce site. Chaque famille reçoit un sac de maà¯s, un sac de riz de 50 kilos, une natte et une couverture. Al Masaoud Diallo agent de la division du développement social et de l’économie solidaire en commune 1 du district de Bamako « ces kits de 8 produits sont destinés à  toutes les familles présentes sur ce site. Dès que nous aurons terminé les études ici, l’aménagement effectif du site avec l’installation des bâches seront faits pour abriter les sinistrés » explique-t-il. Certains sinistrés jugent, insuffisantes, les aides qu’ils reçoivent et pensent que la planification est mal faite; « ça ne va pas ici. Nous demandons aux autorités de mieux organiser les distributions de nourriture et de tenir en compte tout le monde? Nous n’avons pas encore eu de satisfaction » s’indigne ce jeune homme d’une trentaine d’années. Reloger les familles et attribuer des parcelles aux propriétaires La direction de la protection civile s’active avec les agents de l’état assure le lieutenant Colonel Djé Dao, sous-directeur des opérateurs de secours et d’assistance à  la direction générale de la protection civile. « Nos agents contribuent à  la distribution des dons. l’approvisionnement en eau potable aussi est assuré car il y a certains endroits o๠il y a eu coupure d’eau » éclaire-t-il. Les sinistrés ne sont pas tous satisfaits des aides qu’ils ont reçu jusque-là . Selon le maire de la commune I, Madame Konté Fatoumata « la mairie est la première interpellée dans des situations comme ça. Nous avons secouru beaucoup de personnes, sans quoi, ils auront pu perdre la vie. Nous avons préparé des centres d’hébergement. l’Etat malien, la mairie, les personnes de volonté ont tous contribué au secours des sinistrés. D’autres partenaires, notamment, l’Unicef, la Croix-Rouge, le PAM (programme alimentaire mondiale), avec des appuis en vivres de première nécessité et de l’argent » explique Mme Konté, maire de la commune 1 de Bamako. En commune 4 du district, des dispositions sont prises par les municipalités pour attribuer des parcelles aux personnes ayant perdu leurs logements.  » Nous sommes en train de discuter avec des bailleurs de fonds pour l’attribution de lots aux sinistrés dont les maisons ont été détruites. Un recensement de ces personnes est en cours. Les services techniques au niveau de la mairie et des domaines sont à  pied d’oeuvre pour y arriver » confie Issa Sidibé, 5e adjoint au maire de la commune 4 et chargé des affaires sociales, président de crise dans l’affaire des inondations du 28 août 2013. Les inondations du 28 août à  Bamako ont fait 37 morts, 4 disparus et 91 blessés ainsi que plus de 19 000 sinistrés en commune 1 et commune 4 du district de Bamako.

Inondations à Massala : APEDE Bedjigui à la rescousse des sinistrés

Les populations touchées par les inondations attendent toujours de l’aide C’’est une situation très difficile pour les populations riveraines du Djoliba après les pluies abondantes qu’a connu le Mali ces dernières semaines. Samedi à  Massala, APEDE BEDJIGUI, a remis des dons en nature aux populations touchées par les pluies. Au mois d’août, la commune du Méguetan a été très touchée par les fortes pluies. Environs 185 milimètres sont tombés en une précipitation. Près de 123 maisons se sont écroulées exposant les familles au froid et aux pluies. a expliqué Bassin Coulibaly, mère de famille. Massala durement touchéepar les eaux Les villages de Dialakorobougou, de N’Tolomadio et de Massala sont les villages les plus touchés par les inondations. Habits, meubles, vivres…tout est parti dans les courants d’eau. A Massala, la situation est encore très critique. Malgré l’élan de solidarité dans le village, il reste encore 20 familles à  reloger. « Les sinistrés ne pourront jamais reconstituer leurs biens, même en dix ans », s’exprime un responsable communal. Mais quelque soit la gravité de la situation, aucune perte en vie humaine n’a été signalée. En attendant d’être pris en charge par la mairie, ces familles qui ont tout perdu ont trouvé refuge à  l’école. Dans son élan de solidarité, l’APEDE BEDJIGUI a orienté son premier soutien sur cette localité. Mme Aw Adja Mariam Dembélé, Présidente de l’association, s’est dite consciente du désarroi causé par cette calamité naturelle qui a frappé la commune. Avec l’appui du fonds de solidarité et l’ONG Lutheran World Relief, APEDE BEDJIGUI a pu remettre des couvertures et des kits scolaires d’une valeur de 2 millions 850 000FCFA à  la population de Massala. Une rentrée scolaire difficile A quelques semaines de la rentrée scolaire, une vingtaine de familles occupent encore les salles de classes. Avant la reprise des cours, ils devront libérer les locaux de l’école. , a promis Drissa Traoré, premier adjoint au maire de la commune du Méguétan. Avec les kits scolaires remis par l’association de Madame Aw, les enfants dont les parents n’étaient en mesure de payer des fournitures scolaires pour leurs enfants sont désormais à  l’abri de ce besoin. Les donations faites atténueront le choc chez les sinistrés mais jamais elles ne pourront couvrir toutes les charges en cette veille de rentrée des classes. Avant de quitter Massala, la délégation conduite par Madame Aw, a promis de revenir dans l’urgence à  chaque fois que des dons tomberont pour les sinistrés. Mais en attendant, responsables communaux, notables et populations se donnent la main pour venir en aide ceux qui ont tout perdu et qui n’ont aucune lueur d’espoir pour se tirer d’affaire.