Sidi Brahim Ould Sidati : « C’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester derrière »

La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a remporté, ces dernières semaines, des victoires décisives sur son adversaire, la Plateforme, dans le conflit de position qui les oppose depuis le 6 juillet dernier. Avec la reprise de Ménaka, vendredi 28 juillet, la CMA confirme sa domination. Reste maintenant à mettre en œuvre un processus de paix que ces différents conflits violents ont considérablement mis à mal. C’est dans ce contexte que l’actuel président de la CMA, Sidi Brahim Ould Sidati, nous a reçu dimanche 30 juillet à Bamako, pour une discussion à bâtons rompus sur les tenants et aboutissants d’une crise dont personne ne peut dire pour le moment quand et comment elle sera réglée.

Depuis le 6 juillet, la mise en œuvre de l’Accord est bloquée et les affrontements entre la Plateforme et la CMA ont repris. Pourquoi ce recours aux armes ?

Vous savez, les populations ont vu la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord. Elles ont aussi vu les exactions que faisait le GATIA sur les populations civiles, malgré plusieurs interpellations adressées à la MINUSMA, aux droits de l’Homme, à tout le monde. Tous ont été indifférents à ce qui se passait en dehors de Kidal, les spoliations, les enlèvements de biens, les exécutions. Ils sont allé jusqu’à brûler des civils dans des puits. La CMA a été acculée par ses propres populations. Nous avons fait face à une crise interne. La population de Kidal a failli marcher contre nous pour dire on est plus d’accord avec cette inaction. Nous avons  été obligés de réagir. C’est pour cela qu’il y a eu des actions le 6 et le 12 juillet, pour attaquer les patrouilles du GATIA et défendre les territoires que la CMA devait occuper à la signature du cessez-le-feu.

Plusieurs tentatives de parvenir à un cessez-le-feu ont échoué. Pour quelles raisons ?

Quand nous avons repris Anefif et que le GATIA en est sorti, nous avons demandé un cessez-le-feu, pour obliger chacun à rester sur ses positions, et pour qu’on relance la mise en œuvre du chronogramme, l’arrivée des Famas et du MOC à Kidal. Le 18 juillet, les 3 parties maliennes, avec l’aide de la Commission de bons offices dirigée par l’imam Dicko, sont tombées d’accord sur un texte consensuel et se sont engagées à l’arrêt des hostilités. A notre grande surprise, le 19 juillet, la Plateforme n’est pas venue signer. Ils ont refusé de signer pour récupérer de nouvelles positions sur le terrain, parce que la conservation des positions de chaque partie en cas de cessez-le-feu les dérangeait. Tant qu’on attend un cessez-le-feu que les autres refusent, on ne peut pas avancer et rentrer dans la dynamique d’un chronogramme réalisable. Nous avons donc décidé d’avancer. Quand on sera parvenu à mettre sur pied l’embryon du MOC, quand ils seront prêts à faire le cessez-le-feu et à travailler sur des mesures de confiance, ils prendront le train en marche. Nous avons déjà connu cela, notamment à la CEN. Dans le processus de paix on a suffisamment pris le train en marche, aujourd’hui c’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester en arrière.

 Votre entrée à Ménaka a surpris tout le monde. Les autorités maliennes ont dit que c’était « contraire à l’Accord de paix ». Pourquoi avoir pris la ville ?

Quand Ménaka a été repris à la CMA, en violation de tous les arrangements sécuritaires, nous n’avons pas vu un communiqué ou une déclaration du ministère de la Défense, disant que l’action menée par les troupes de la Plateforme contre la CMA était une violation de l’accord. Nous considérons que nous avons juste repris notre dû. Le gouvernement ne peut pas accepter le MSA et Ganda Koy à Ménaka et dire non à la CMA. Nos gens sur place ce sont des Maliens, des gens de Ménaka qui ont leurs familles là-bas. Cette politique de deux poids deux mesures doit cesser si le gouvernement veut se comporter comme tel. Toutes les manipulations, toutes les manigances pour reprendre Kidal ont échoué. Vu que cette milice, qui entravait l’Accord, a été mise en déroute, le gouvernement devrait en profiter pour relancer sa mise en œuvre. Aujourd’hui, à Ménaka les Famas et la CMA, les belligérants d’hier, se parlent, participent à la sécurisation des populations ensemble. C’est donc déjà quelque chose de positif. On est entré sans tirer une balle, on s’est compris avec les différentes forces sur le terrain, on n’est pas venu prendre des positions à qui que ce soit. Nous occupons notre place en tant que ressortissants de Ménaka. La place du GATIA n’a pas été prise. Le jour où il sera disposé à faire la paix, il pourra venir la prendre. La CMA est là et est toujours disponible pour aller de l’avant. Nous sommes prêts à mettre ça derrière nous.

 Cette crise de confiance entre le gouvernement et la CMA est aussi une entrave à la mise en œuvre de l’Accord ?

Le GATIA est à la base de cette crise de confiance depuis l’accord de juin 2015 avec le gouvernement. On signe un accord, la cessation des hostilités, et au même moment vous avez un bras armé qui vous harcèle. Tout ce qu’il fait est autorisé par le gouvernement malien, il est applaudi et même encouragé. Le GATIA n’a jamais été dénoncé par le gouvernement, pourtant il a violé l’accord plusieurs fois en s’attaquant à la CMA. Cette crise de confiance nous empêche d’avancer. Dans le raisonnement du gouvernement, tant qu’il n’y a pas le GATIA à Kidal, cela veut dire qu’il n’y a rien à Kidal. Le GATIA est une partie de l’armée malienne, on l’a dit au ministre de la Défense. On lui a demandé de rappeler à l’ordre son Géneral (Gamou – ndlr), d’arrêter tout ça. Tant qu’une situation de confiance ne se créée pas, on ne pourra pas avancer.

 Donc, vous pensez que le gouvernement est aussi responsable de l’instabilité qui sévit dans la région de Kidal ?

Nous savons qu’il y a des officiers de l’armée malienne qui sont pris dans les combats, leur matériel est sur le terrain. L’Accord est un cadre où tout est à discuter. Pour eux, la seule partie belligérante c’est la CMA. Il faut l’affaiblir pour que le gouvernement ne mette pas en œuvre l’Accord tel qu’il est écrit dans les textes. Pour cela, ils ont créé le MSA, ils ont divisé la CJA, créé le MPCA, la Plateforme. Ils pensent que la CMA est devenue faible et qu’elle se limite à Kidal. Ils se rendent compte aujourd’hui qu’ils se sont trompés. L’objectif n’est pas seulement d’arriver à Kidal, mais de savoir combien de temps ils vont pouvoir y rester, surtout s’ils n’ont pas l’adhésion de la population. C’est pour cela qu’ils ont appelé l’imam Dicko. Il faut vraiment créer un dialogue malien, il faut que les Maliens s’acceptent entre eux. Dicko voit plus loin que les composantes CMA – Plateforme, il touche le fond même du problème : le fait que les Maliens s’acceptent entre eux, que l’essence de la population malienne de Kidal accepte le gouvernement, accepte les Famas, dans une acceptation au sens africain, malien du mot, pas seulement dans les écrits.

Sidi Brahim Ould Sidati, Me Harouna Toureh et le Général Elhadji Gamou à Ménaka, pour l’installation des autorités intérimaires.

 Le GATIA affirme que des renforts djihadistes ont aidé la CMA durant les affrontements. Pouvez-vous clarifier cette affirmation ?

La CMA n’a pas disparu, c’est la même CMA qui occupait les 5 régions du Nord, c’est la même CMA qui est à Kidal, qui a aussi des positions dans la région de Tombouctou, jusqu’à la frontière de la Mauritanie, dans la région de Gao. Ces hommes ne se sont pas volatilisés, les armes qu’ils avaient ne se sont pas volatilisées. Avec la propagande véhiculée par la Plateforme et la presse malienne, les gens ont cru que la CMA n’existait plus. La CMA est à Kidal, elle est avec Barkhane, avec la MINUSMA. Les islamistes ne peuvent pas s’organiser avec la présence de Barkhane sur le terrain,  ses appareils, ses satellites et ses drônes. Ils sont à la recherche des djihadistes tous les jours, c’est impossible qu’il se rassemblent aujourd’hui. Ce qu’ils font, c’est poser des mines ou commettre des attaques à motos, c’est tout.

 Toutes les tentatives pour faire revenir l’administration à Kidal ont toujours été des échecs. Au fond, est-ce possible ?

Aujourd’hui, j’encourage la mission de bons offices, parce qu’ils vont essayer de concilier les positions de la société civile de Kidal et de la CMA pour que les gens soient moins hostiles à l’armée et aux symboles de l’Etat. Nous avons un chronogramme avec le gouvernement. Dès qu’on signera la fin des hostilités, la mise en œuvre du chronogramme sera immédiate. Aujourd’hui, il est très difficile de le faire alors que les gens sont en train de s’affronter. On s’entend avec le gouvernement, avec le MSA, avec le MPCA, avec Ganda Koy, avec le MAA. Il manque seulement une composante à convaincre. Nous sommes aujourd’hui en position d’appliquer l’accord, il s’agit simplement de le vouloir.

 

Al-Sahraoui, auteur des menaces sur Gamou et Acharatoumane ?

C’est un messager qui a remis à un membre du Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), mardi 27 juin, les deux feuillets griffonnés en arabe à l’encre rouge, dont Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, l’émir de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) serait l’auteur et qui promettait, entre autres menaces, aux «Pharaons» Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du MSA et au général Gamou, leader du GATIA, une « guerre d’extermination de votre espèce sur terre par tous les moyens». « La stratégie c’est toujours d’écrire en rouge quand il y a des menaces de mort », confie Daouda Maiga, gouverneur de Ménaka qui malgré la difficulté pour authentifier le message n’exclut pas qu’Al-Sahraoui en soit l’auteur. « C’est peut-être Al-Sahraoui qui a écrit cette lettre ou un de ses lieutenants, en tout cas ça vient de vers chez eux. Ce qui est étrange, bien que les djihadistes sont quand même spécialistes de l’intimidation, c’est qu’il menace d’exterminer les Imghads et les Daoussak les communautés les plus nombreuses, en règle générale les djihadistes ont l’intelligence de ne pas se mettre les communautés à dos », précise-t-il.

Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed, président de la région de Ménaka, si cette information ne peut être démentie à 100 %, rappelle que les ennemis de Ménaka sont nombreux : « Il y a beaucoup de gens, de mouvements armés qui sont contre le système mis en place à Ménaka, contre cette accalmie, cette ambiance de paix. Tous ceux qui veulent nuire à la paix vont toujours créer des troubles sur le terrain », explique-t-il, reconnaissant que la communication de ces ennemis, quels qu’ils soient, peut aussi être une arme redoutable contre ce qui est en train de se construire à Ménaka.

Cette lettre d’Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, fait suite au raid lancé, début juin, par des combattants du MSA et du GATIA épaulé par la force Barkhane contre les éléments terroristes appartenant à l’EIGS qui avaient attaqué une base de l’armée nigérienne à Abala, non loin de la frontière malienne, dans une zone où les attaques djihadistes sont fréquentes. Quinze terroristes auraient été neutralisés lors de cette attaque. « Cela fait des mois qu’on entend parler de menaces sur Ménaka mais ce n’est que maintenant qu’on a un papier écrit et après que les gars des mouvements soient allés se battre au Niger, je pense que c’est quand même à prendre au sérieux», ajoute le gouverneur de Ménaka.

Ce même mardi où la lettre parvenait à Ménaka, en soirée aux alentours de 20h, à une cinquantaine de kilomètre de la capitale régionale, le village d’Infoukaretane était attaqué par des hommes en armes arrivés à bord de 3 pickups et de motos, selon des témoignages, qui ont cassé et pillé des boutiques et sont repartis dans la nuit avec le matériel dérobé sans toucher à la population. Pour le Chef d’État-major du MSA, Ehya Ag Jaddi, les terroristes sont responsables. «Cette attaque est liée aux menaces d’Al-Sahraoui, Il faut que nous allions vers la population parce que c’est elle qui est visée », explique-t-il

Une mission de la Minusma et des Fama devrait se rendre sur place, jeudi 29 juin, pour faire toute la lumière sur cette attaque. « À Ménaka, une bonne partie de la population pense que ce ne sont pas les terroristes qui ont fait le coup, certains ont pu profiter de cette menace pour se livrer à des actes de banditisme, d’ailleurs cette attaque n’a pas été revendiquée », temporise Daouda Maiga.

Toujours est-il qu’à Ménaka la sécurité de la ville a été renforcée et les combattants du Gatia et du MSA, en alerte, attendent les décisions du Général Gamou et de Moussa Ag Acharatoumane pour savoir quelle posture adopter face à un ennemi pour le moment mal défini.

Gamou et Acharatoumane à Paris, pour renforcer le dispositif sécuritaire de Ménaka

Face à la recrudescence des attaques dans le Nord, et à la lenteur dans la mise en place de l’accord de paix, les différents mouvements armés de la région de Ménaka ont décidé d’unir leurs forces pour y apporter de la quiétude. Les protagonistes de cette initiative sont en France pour obtenir du soutien de la part des autorités française engagées militairement au Mali depuis 2013.

Le général Ag Gamou chef militaire du groupe d’auto-défense touareg Imghad (Gatia), Moussa Ag acharatoumane, chef du mouvement pour le salut de l’Azawad, l’ancien gouverneur de la région de Kidal aujourd’hui ambassadeur du Mali à Niamey et Abdoul Majid Ag Mohamed Ahmad dit Nasser, chef des Kel Ansar, sont actuellement à Paris pour rencontrer des responsables militaires et politiques afin de demander un plus grand soutien à leurs patrouilles mixtes hybrides. « Nous avons rencontré des agents de la Défense pour des échanges informels, mais aussi des membres des affaires étrangères et tous ceux qui suivent le dossier Mali » affirme Moussa Ag Acharatoumane, chef du MSA. La composition d’un nouveau gouvernement en France ne semble rien changer à la donne. « Il y a des personnes qui ne changent pas dans ces deux ministères et qui suivent toujours le dossier malien » assure Acharatoumane.

Depuis quelques semaines maintenant, les deux mouvements armés et les forces armées maliennes (FAMA) mènent des opérations pour sécuriser la zone de Ménaka et juguler les attaques récurrentes des djihadistes ou des bandits armés. Des mesures ont été prises pour réguler la circulation des véhicules et des engins à deux roues, parfois très utilisés par les malfaiteurs pour commettre leurs exactions. La toute nouvelle région est l’une des rares avec Tombouctou où les autorités intérimaires ont déjà commencé à travailler conformément aux missions qui leurs sont assignées. A deux mois, des élections régionales prévues en juillet 2017, l’aide extérieure ne serait pas de trop face à la menace toujours pressante des djihadistes. Et en particulier, Adnane Abou Walib, ancien membre d’Aqmi qui a depuis prêté allégeance à l’État Islamique, et qui menace de perturber le processus électoral et par extension l’accalmie qui règne à Ménaka.

 

Quand Kidal se négocie à Niamey et à … Bamako

Les divergences entre les deux mouvements majeurs de la ville de Kidal, le GATIA et le HCUA, sont au menu de la réunion de médiation qui se tient à Niamey, pour tenter d’apaiser les tensions. Mais cette tentative de médiation peut-elle réussir, alors qu’une guerre d’influence se joue à Bamako ?

À Kidal, la tension vive entre GATIA, majoritairement composé de la tribu Imghad, et membre de la Plateforme, et le HCUA composé d’Ifoghas, l’un des 3 acteurs de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), peut s’apprécier au nombre de combattants lourdement armés positionnés en ville. La non-concrétisation de l’accord d’Anéfis, spécifiant que « les deux communautés s’accordent sur la gestion concertée et inclusive des problèmes politiques sur la base du partage équitable des pouvoirs », semble être l’élément qui a mis le feu aux poudres. «  Des accords on en a signé, mais sur le terrain les choses sont souvent très différentes », déclare ce cadre de la Plateforme.

Points de discorde Les relations de « bon voisinage » et de « fraternité », prônée par l’accord, sont maintenant révolues entre les deux mouvements et leurs signataires : le général El hadj Gamou pour le GATIA, en froid avec les autorités de Bamako, et Alghabass Ag  Intallah pour la CMA, actuellement dans les bonnes grâces du gouvernement. Les points de discorde entre eux sont nombreux : partage équitable du pouvoir entre les commissions qui gèrent la vie socio-économique de la ville, mainmise de la CMA sur les check-points stratégiques, nomination d’un gouverneur à Kidal notoirement très proche du HCUA et enfin, le poste de président du conseil régional, dans le viseur des deux mouvements. « Gamou n’était même pas disposé à rencontrer les chefs de la CMA. Il estimait qu’ils ont trahi sa confiance, puis il a accepté à condition que Mahamadou Diagouraga, Haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’accord, soit présent pour garantir les décisions qui seront prises. La CMA, de son côté, voulait rencontrer les chefs de la Plateforme et Gamou en tête à tête sans d’autres parties. Les faire venir à Niamey n’a pas été aisé », explique un officiel proche du dossier.

 Le puissant lobby du HCUA Dans cet optique, c’est en coulisses à Bamako, que depuis des semaines, des jeux d’influence ont lieu, pilotés par le HCUA, dont le lobbying est considérable dans la capitale, s’appuyant sur des députés de l’Assemblée nationale, le ministre de le Réforme de l’État, Mohamed Ag Erlaf, jusqu’aux milieux intellectuels touareg. « Ils ont le bras plus long à Bamako que le GATIA et les forces pro-gouvernementales. Ça va jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir », révèle une source bien informée. « Les lobbyistes du HCUA ont mené beaucoup de tractations pour essayer d’écarter Gamou, puis le GATIA, ce qui a considérablement renforcé les tensions », ajoute cette même source. Pour y parvenir, ils ont pu convaincre Bilal Ag Chérif, chef du MNLA (CMA), de faire le déplacement à Bamako pour l’anniversaire de l’Accord, et la récompense aurait été l’aval du gouvernement pour écarter le GATIA. « Il y a eu des deals secrets car ils veulent s’assurer la gestion totale de la ville, tous les pouvoirs. Le HCUA connait beaucoup d’hommes politiques. Ces derniers ont d’autres calculs, un autre agenda », indique ce proche des mouvements. « Il y a aussi le fait qu’une partie du gouvernement est très loin de la réalité d’ici », indique pour sa part un sympathisant de la Plateforme.

À Kidal, la population est très préoccupée par l’imminence d’un affrontement et espère que la réunion de Niamey pourra régler la situation. Là-bas, ces jeux de pouvoirs fatiguent. « Pour la présidence du conseil régional, ils n’ont qu’à organiser des élections ! », lâche excédé cet habitant, joint par téléphone ce mardi. Comme pour lui répondre, retentissent dans la ville des tirs d’armes lourdes devenus récurrents ces dernières semaines.

Second tour sous haute tension à Ansongo

Après un premier tour entaché d’irrégularités, l’URD et le RPM, qui ont obtenu respectivement 29,92% et 28,46%, s’affronteront au second tour de la législative partielle d’Ansongo le 31 janvier.

C’est dans la commune de Tessit, où 26 bureaux de vote étaient ouverts pour le premier tour, que l’on a constaté le plus de malversations. 98 % des électeurs sur 20 bureaux ont massivement voté pour le candidat RPM. Seules 512 voies sont revenues à l’URD, contre 34 pour l’Adéma. « La dernière fois que je me suis présenté à Tessit, en 2013, j’ai obtenu 4 800 voies. Je ne m’explique pas ce qui s’est passé », déclare Salerhom Talfo Touré, maire de Barra et candidat Adéma. Selon lui, sans les résultats de Tessit, le RPM ne serait pas au second tour, et c’est l’Adéma qui serait opposé à l’URD.

Pour le Dr Beffon Cissé, secrétaire mandataire national pour la liste URD d’Ansongo, preuve est faite qu’il y a eu falsification. « Nous avions des délégués dans cinq bureaux de vote à Tessit. Ils nous ont rapporté que c’est le général El Hadj Gamou et le commandant de brigade de la gendarmerie qui sont allés récupérer les résultats et ont falsifié les comptes pour donner des points au RPM », accuse-t-il. Selon Amadou Cissé, maire d’Ansongo, « la fraude est une chose généralisée et presque cautionnée. On ne vote pas pour le candidat d’un parti et son programme, mais pour un individu et son argent. L’argent et la parenté comptent plus que les partis ». Pourtant, la Cour constitutionnelle a estimé que ces irrégularités n’étaient pas de nature à entacher la régularité du scrutin.

Le second tour aura donc lieu et pour ce scrutin, majorité et opposition se préparent au duel. Adversaires d’hier, les mouvements de la majorité présidentielles devraient faire bloc derrière le candidat RPM. « Si les consignes sont respectées, les 4 partis seront unis derrière le candidat du second tour, mais ça risque d’être faussé par les achats de conscience qui changent la donne», explique encore Amadou Cissé. Du côté de l’URD, la stratégie restera inchangée, « nous proposerons une alternance réelle et constructive », mais on avertit tout de même que si les résultats sont à nouveau falsifiés, « les conséquences seront incalculables » !

Talataye : les groupes armés empêchent l’élection À quelques jours du second tour de la législative partielle d’Ansongo, à Talataye, zone de non-droit, la tenue du scrutin semble inenvisageable. De toutes les communes du Cercle d’Ansongo, seule Talataye n’a pas voté lors du premier tour de la législative partielle. Dans cette localité, des manifestants soutenus par des combattants armés se sont violemment opposés aux élections, du 9 au 10 janvier. Selon une source locale, « il n’y a pas de sécurité à Talataye, seulement le désordre et l’anarchie. Le drapeau malien a disparu au profit de ceux du MNLA et d’Ansar Dine ! » Ces combattants qui se réclament de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) refuseraient l’élection sous prétexte que l’accord de paix issu du processus d’Alger ne serait pas appliqué. Selon la même source, malgré de longues négociations et le versement de fortes sommes d’argent, la tenue du scrutin à Talataye semble inenvisageable. « Ils disent qu’ils ne sont pas maliens, ils ne cachent ça à personne ». Pour le second tour, les 6 autres communes de la circonscription d’Ansongo voteront le 31 janvier, sans qu’on ne sache encore ce qui se passera à Talataye. Du côté des différents partis, on croit en une campagne civilisée, car dit-on : « dans le cercle d’Ansongo, tout ce qui peut-être problème vient d’ailleurs. Entre nous ici, on se connaît…»