CMAS de Mahmoud Dicko : Qu’en pensent les acteurs religieux ?

Coordination des mouvements, associations et sympathisants de Mahmoud Dicko (CMAS). C’est le nom du nouveau mouvement politico-religieux en soutien à l’Imam de Badalabougou dont le lancement officiel est prévu pour le 7 septembre 2019 au Palais de la culture. Parmi les objectifs affichés, « trouver des solutions aux maux qui minent le Mali ». Pour beaucoup, l’Imam Dicko, dont les ambitions politiques vont grandissant, serait en train de se préparer pour les prochaines échéances électorales. Mais du côté des autres acteurs religieux, comment la CMAS est-elle perçue ?

« Si l’État malien trouve que cela ne pose pas de problèmes, qu’on peut être religieux et créer son parti politique religieux en même temps, pourquoi pas ? », s’interroge Thierno Hady Oumar Thiam, 2ème Vice-président du Haut conseil islamique du Mali (HCIM).

« Mais, en toute sincérité, si le gouvernement permet la création de ce mouvement politico-religieux, l’Imam Dicko va se voir à Koulouba. C’est son ambition et s’il peut bâtir ce pays sur des piliers solides, nous lui souhaitons bon vent », ajoute-t-il.

« Je sais que Dicko a des ambitions politiques depuis longtemps, alimentées par les partis politiques eux-mêmes, et qu’il y a même d’autres religieux qui se préparent à lui faire face, mais nous attendons le lancement officiel du mouvement pour nous prononcer », dit sous réserves Macky Bah, Président de l’Union des jeunes musulmans du Mali (UJMMA).

Un contrepoids au HCIM ?

Si l’Imam Dicko a attendu de quitter le HCIM avant de lancer son propre mouvement  politico-religieux, c’est peut-être parce que cette institution a toujours prôné une séparation de la sphère politique et de la sphère religieuse. Certains observateurs craignent que la CMAS ne devienne un contrepoids au HCIM, un avis que les acteurs religieux ne partagent pourtant pas.

« Le mouvement de Dicko ne nous gênera pas. Entre un mouvement politico-religieux et une association purement religieuse, il n’y a normalement pas de querelles. Mais quand les gens vont se mettre à faire des comparaisons entre les personnes de Dicko et de Haidara, il pourra y avoir des couacs entre les deux, mais pas entre les deux organisations », explique M. Thiam.

« La CMAS, au contraire, va renforcer les ambitions du HCIM, qui n’a pas pour mission d’accompagner le pouvoir », soutient pour sa part Mohamed Kimbiri, Président du Collectif des associations musulmanes du Mali.

Ce dernier jette d’ailleurs un regard très positif sur le mouvement, parce que, affirme-t-il, « cela renforce ma position d’engagement dans la politique », lui qui a déjà été plusieurs fois candidat aux élections législatives.

Maouloud : une fête qui s’impose

Le 1er  décembre, qui correspond au douzième jour du mois « Rabi’ Al Awwal » du calendrier lunaire, la communauté musulmane célébrera le Maouloud qui est la célébration de la naissance du Prophète Muhammed. Quasiment méconnue il y a encore quelques années, cette fête connait de plus en plus d’ampleur. Pourquoi un tel engouement ?

 Les milieux religieux de la capitale malienne sont en pleine effervescence depuis une semaine. Des prêches des leaders religieux, des conférences de théoriciens, et des discussions au sein des familles ont lieu autour de la célébration du Maouloud. Il y a encore dix ans, cette célébration était quasi-invisible dans la capitale malienne. « Le Maouloud, c’est la naissance du dernier messager d’Allah, le prophète Mohamed. Le Maouloud doit être célébré et pour cela nous avons deux arguments. Il y a des arguments naturels qui n’ont pas besoin d’être écrit pour exister. C’est simplement la naissance d’un homme qui a changé le cours de l’Histoire. L’autre argument, est ce que les hadiths en disent », affirme Mohamed Macky Bah, Président de l’Union des Jeunes Musulmans du Mali (UJMMA), et secrétaire général du groupement des leaders spirituels du Mali. « Il est important de placer dans le contexte cette naissance du prophète. Nous célébrons la naissance de celui qui a reçu la révélation divine après le Prophète Issa. C’est la grandeur de l’homme qui est célébré », assure t-il.

Remise en question

 Ils sont pourtant nombreux ceux qui, bien que croyant au message du dernier Prophète, ont du mal avec la célébration de sa naissanceAinsi, une branche de l’Islam, les wahhabites, refuse formellement de la célébrer. Selon Abdoul Bakr Haidara, imam et enseignant à la Medersa « Maison de l’Espoir » à Kabala « le prophète n’a jamais célébré son anniversaire. Les compagnons du Prophète Abu Bakr, Usman, Umar et Ali n’ont pas non plus célébré cet anniversaire. Pour moi, c’est une innovation, une « bidah ». « Ce qui importe réellement, c’est la forme de la célébration » selon Chouala Bayaya Haidara, guide spirituel chiite. « C’est évident que si la célébration consiste à faire des choses « haram », c’est-à-dire expressément détestées de Dieu, sa célébration est illégitime. Dieu nous exhorte à faire ce qui est bien justement. Peu importe la manière ».

 

Présidentielle 2018 : la donne religieuse

À moins d’une année de l’élection présidentielle, la campagne semble être déjà officieusement ouverte. Et avec elle, la course aux soutiens. Tout particulièrement ceux des leaders religieux…

« Les musulmans du Mali sont avec toi », a annoncé le guide spirituel d’Ançar Dine International, Chérif Ousmane Madani Haïdara, à l’adresse du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, lors du lancement des travaux de bitumage de la route Barouéli – Tamani, le mercredi 24 mai. En apportant le goudron jusqu’à la ville natale du leader soufi, le chef de l’État tient là une des promesses qu’il lui aurait faite lors de la campagne de 2013. Cette phrase sonne comme une assurance pour le locataire du palais de Koulouba qui entend briguer un nouveau mandat à la tête du pays, comme l’a laissé entendre sa déclaration sur la chaîne Al Jazeera en marge du sommet arabo-islamique à Ryad le 21 mai, et semble vouloir s’allier les même efficaces soutiens d’il y a 4 ans. En effet, ceux de Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique, du chérif de Nioro et la bienveillance de l’incontournable Haïdara ont largement contribué à la victoire d’IBK en 2013, avec plus de 77% des voix à l’issue du deuxième tour face à Soumaïla Cissé.

Recette miracle ? Le chef d’État a compris qu’il lui était nécessaire de reconquérir ses soutiens d’antan. D’autant qu’en 2015, Haïdara avait menacé de porter un imam au pouvoir reprochant au gouvernement son indifférence à l’égard des fêtes religieuses. L’année suivante, le président IBK, accompagné de plusieurs ministres, célébrait le Maouloud avec Haïdara au stade du 26 mars. Un retournement perçu comme un aveu et attestant de l’influence du guide religieux dans le pays, et donc potentiellement dans les urnes. Quant au chérif de Nioro et à Mahmoud Dicko qui reprochent à IBK sa gestion du pouvoir, leur soutien est de plus en plus tiède. Des accusations qui ne découragent pourtant pas le président de la République, disposé à améliorer leurs relations. Le président du Haut conseil islamique et Chérif Madani Ousmane Haïdara était d’ailleurs de la délégation qui a accompagné Ibrahim Boubacar Keïta lors de son voyage en Arabie Saoudite fin avril dernier.

Mais le candidat à sa propre succession en 2018 n’est pas le seul à avoir mesuré tout l’impact du soutien des leaders religieux sur les résultats électoraux. L’ancien Premier ministre Moussa Mara a, depuis son départ du gouvernement en 2015, multiplié les visites et arpenté les mosquées dans la capitale mais aussi à l’intérieur du pays. Un travail de fond qui paye puisqu’il aurait déjà conquis les membres de l’Union des jeunes musulmans du Mali (UJMMA).