Attaques terroristes en hausse : Le Mali étranglé sur ses routes

Depuis un certain temps, les attaques terroristes se multiplient au Mali, ciblant de plus en plus délibérément les principales routes, bureaux des douanes et infrastructures économiques vitales. Cette stratégie d’asphyxie économique et logistique menace l’approvisionnement du pays et fragilise ses régions les plus exposées.

Le 1er juillet 2025 restera gravé dans la mémoire des Maliens comme un jour où plusieurs routes stratégiques ont été piégées. Dès l’aube, des combattants armés, se réclamant de la filiale sahélienne d’Al-Qaïda, ont attaqué simultanément plusieurs points dans la région de Kayes. Il s’agit entre autres du poste frontalier de Diboli sur la RN1, de la douane de Gogui sur la RN3, ainsi que de Nioro du Sahel, de Diéma, de Bafoulabé et de sites industriels à Gangontéry, Karaga et Gouroundapé. Selon l’UNHCR, cette violence s’inscrit dans une escalade inquiétante. L’agence onusienne relève que 242 incidents sécuritaires ont été enregistrés à Kayes au premier semestre 2025, contre 46 en 2024, faisant 222 victimes civiles. À Sikasso, Ségou et Tombouctou, les chiffres sont tout aussi sombres avec respectivement 194, 736 et 394 victimes civiles, totalisant au moins 1 546 morts ou blessés dans ces quatre régions en six mois.

Quand les routes deviennent des cibles

Le choix des cibles est stratégique. Pour le chercheur Bréhima Ely Dicko, cette stratégie vise également à asphyxier l’économie nationale en contrôlant les principaux axes routiers, en imposant des taxes et des blocus et en instaurant la peur pour contraindre les communautés locales à se soumettre.

Le Mali, pays enclavé, dépend de ses frontières terrestres pour ses importations. La RN1, reliant Bamako à Dakar via Diboli, assure près de 30% des importations terrestres, avec près de 39 milliards de francs CFA de recettes en 2024. La RN3, par Gogui vers Nouakchott, a rapporté 48 milliards de francs CFA en 2023. Ces deux axes traversent Kayes, qui concentre plus de 40% du trafic terrestre malien. Ulf Laessing, de la Fondation Konrad Adenauer, le souligne : « la région frontalière avec le Sénégal est une porte d’entrée majeure pour le commerce et les importations depuis Dakar, longtemps stable, aujourd’hui vulnérable ».

Près de 4 500 camions traversent la frontière à Diboli chaque mois, acheminant carburants, céréales, ciment et produits de première nécessité. Après les attaques, l’Union des transporteurs routiers du Sénégal (UTRS) a suspendu les trajets vers le Mali dès le 3 juillet, pour protéger la sécurité des chauffeurs. Ce corridor Dakar – Bamako, avec environ 400 camions par jour et 2,7 millions de tonnes de marchandises annuelles, représente plus de 60% du tonnage régional. Cette paralysie menace importations, exportations et plusieurs milliers d’emplois sénégalais liés au fret.

Par ailleurs, le 1er juillet, les assaillants ont aussi incendié trois sites industriels : la Carrières et Chaux du Mali (CCM) à Karaga, la cimenterie Diamond Cement Mali (DCM‑SA) à Gangontéry et l’usine Stones à Gouroundapé. Ces entreprises, situées sur la RN22, exportent vers le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Burkina Faso. Leur destruction prive des centaines de familles de revenus et paralyse des secteurs clés. Quatre expatriés – trois Indiens et un Chinois – ont été enlevés. Des villageois affirmaient que la présence des assaillants avait été signalée plusieurs semaines auparavant.

Des voix étouffées sous les balles

Pour les habitants, la peur est quotidienne. Kayes, Sikasso, Ségou et Tombouctou ne sont pas que des zones de passage : ce sont les poumons économiques du pays. Entre janvier et mars 2025, près de 2 000 écoles ont été fermées pour raisons de sécurité, privant d’éducation un grand nombre d’enfants dans les zones de Kayes et Ségou.

À Sikasso, la RN7 et les routes vers la Guinée assurent l’importation de pétrole et de denrées. En 2023, la Côte d’Ivoire a exporté pour 1,59 milliard de dollars vers le Mali, majoritairement via Sikasso. Plus à l’ouest, le poste frontalier de Kouremalé, à la frontière guinéenne, est un point important pour l’approvisionnement en produits agricoles et manufacturés depuis le port de Conakry. Fréquenté par des milliers de camions chaque mois, il reste sous pression sécuritaire à cause de trafics et de  violences dans la zone de Kangaba.

À Ségou, les axes vers le Burkina Faso, notamment Bobo Dioulasso et Ouagadougou, sont vitaux. Tombouctou ouvre vers l’Algérie, avec un commerce informel estimé entre 30 et 85 millions de dollars par an. À l’est, la région de Ménaka, malgré son instabilité chronique, est une porte vers le Niger. Elle sert de passage pour convois humanitaires, bétail, carburant et médicaments, mais est aussi l’un des corridors les plus dangereux, sous la menace constante du JNIM et de l’EIGS.

Arthur Banga, chercheur ivoirien, analyse : « ces attaques sont plus qu’une démonstration de force, elles envoient un message politique au pouvoir malien en ciblant des symboles économiques et militaires ».

Une stratégie d’asphyxie

Les conséquences sont déjà visibles : prix en hausse, ruptures d’approvisionnement, pertes douanières, destruction des infrastructures et exode des populations. Selon Bréhima Ely Dicko, cette stratégie s’inscrit dans une logique insidieuse d’occupation de l’espace par étapes, depuis le Nord, vers le Centre, puis l’Ouest et le Sud, visant à pousser les populations à tourner le dos à l’État et à conclure des « pactes de reddition » avec les groupes armés, qui imposent ensuite leur propre gouvernance et prélèvent la zakat.

En juin 2025, le PAM relevait une augmentation de 26% du prix du mil à Kayes et Tombouctou. Les douanes perdent des milliards et les transporteurs désertent les routes. Selon la Matrice de Suivi des Déplacements (DTM) de juin 2025, 402 167 personnes déplacées internes (PDI) étaient recensées, dont 58% d’enfants et 38% d’adultes, majoritairement dans les régions les plus touchées par l’insécurité : Gao, Ménaka, Mopti, Bandiagara, Ségou et Tombouctou.

La FAO signale une hausse des prix du mil et du sorgho entre 15% et 30% entre janvier et mai 2025. OCHA rapporte que des centaines de tonnes de marchandises sont bloquées aux frontières suite aux attaques.

Bakary Samb, Directeur du Timbuktu Institute, explique : « le JNIM a accru ses activités dans la région de Kayes, infiltrant illégalement des secteurs économiques clés pour faciliter le mouvement de ses affiliés vers la Mauritanie et le Sénégal ». Il estime que ces attaques s’inscrivent dans une stratégie visant à isoler Bamako et à étendre l’influence jihadiste vers l’ouest.

Quand le pays suffoque

Pourtant, Kayes incarne le paradoxe malien. Générant plus de 800 milliards de francs CFA d’or en 2024 et couvrant 40% des besoins électriques grâce à ses barrages, Kayes connaît également un taux de pauvreté de 71% et un chômage des jeunes dépassant 60%. Dans ce contexte, les routes du Mali sont devenues des lignes de front. Les convois humanitaires doivent être escortés, les commerçants hésitent et les villages se vident.

La FAO estime que 1,52 million de personnes souffriront d’insécurité alimentaire à Ménaka pendant la saison sèche, dont environ 2 600 en phase « catastrophe ». Pour beaucoup, la stratégie du JNIM consiste à frapper les artères vitales du pays pour le paralyser.

Dicko note aussi que les groupes n’ont pas besoin de rester en permanence dans les villes. Ils maintiennent leur emprise grâce à des indicateurs, aux marchés hebdomadaires et à la peur qu’ils inspirent, tout en infiltrant les activités économiques locales et en se présentant comme une alternative à l’État.

Perspectives

Face à cette menace, experts et populations s’accordent à reconnaître que la seule réponse militaire ne suffira pas. Il faut sécuriser les axes, reconstruire, mais aussi engager des réformes sociales et économiques. Pour Bakary Samb, « ces routes ne sont pas seulement des axes économiques, ce sont des lignes de vie pour les populations ». Ulf Laessing avertit : « la stabilité de ces corridors est la clé pour éviter une paralysie économique. » Arthur Banga conclut : « ces attaques sont autant un défi militaire qu’un défi politique ».

Selon Bréhima Ely Dicko, l’objectif ultime est d’instaurer une forme de califat local, avec une gouvernance islamique et des qadis chargés de rendre la justice, remplaçant progressivement l’État malien. Un chef de village de la région déclarait : « on ne peut pas vivre sans ces routes. Les terroristes le savent mieux que nous ». Un avertissement que le pays ne peut plus ignorer.

MD

Kayes sous pression : les djihadistes frappent COVEC et paralysent un axe stratégique

Ce samedi 24 mai dans l’après-midi, un groupe armé a attaqué les travaux de réhabilitation de la RN1 à Tirena‑Marena, exploités par la société chinoise COVEC. Les assaillants, visiblement coordonnés, ont incendié grues, camions-citernes, entrepôts et matériaux avant de disparaître. Cet événement met un coup d’arrêt brutal à un projet crucial visant à relier Kayes à la frontière sénégalaise.

Loin d’être un acte isolé, cette attaque s’inscrit dans un schéma d’agressions successives contre des intérêts étrangers dans l’ouest malien. Le 4 mai, une société chinoise liée à l’orpaillage à Laghamané a été visée, puis le 17 mai un convoi logistique entre Diéma et Sandaré a été attaqué, causant la destruction de deux camions, d’un excavateur et la mort de plusieurs soldats selon des sources locales. Deux pick‑ups et du matériel militaire ont également été saisis.
Cette montée en puissance des attaques, notamment dans des zones périphériques jusqu’alors relativement épargnées comme Kayes, illustre un déplacement stratégique des groupes djihadistes affiliés au JNIM. Selon un rapport de l’Africa Center, les incidents violents dans la région de Koulikoro et Kayes ont presque triplé depuis le coup d’État de 2020. En 2023, près de 924 civils ont été tués dans tout le Mali dans le cadre d’opérations militaires et djihadistes, contre 84 en 2019, avec une progression particulièrement forte dans le sud-ouest .
ACLED relève quant à lui que le JNIM a étendu ses actions vers l’ouest malien au début de 2025, multipliant les attaques visant routes et sites économiques étrangers, notamment dans la région de Kayes .
Du point de vue socio-économique, le contexte local est particulièrement fragile : le PIB par habitant du Mali est d’environ 912 USD en 2023, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, et le chômage des jeunes reste endémique. La région de Kayes souffre aussi de discriminations persistantes, y compris l’esclavage par ascendance touchant environ 12 à 15 % de la population, qui alimente l’exclusion et la radicalisation latente .
L’arrêt des travaux de COVEC, financés à hauteur de 50 à 80 millions USD par la Banque africaine de développement et la Coopération chinoise, pourrait isoler davantage la région, fragiliser les perspectives économiques et détourner les investisseurs étrangers. Par ailleurs, l’armée malienne, concentrée sur les zones du centre (Ségou, Mopti) et du nord (Tombouctou, Gao), peine à sécuriser Kayes et ses axes stratégiques, laissant des poches urbaines et rurales sans couverture militaire suffisante. D’où la nécessité de revoir la stratégie.

 

Immigration irrégulière : Un mal qui ronge la jeunesse malienne

Confrontés à plusieurs problèmes socio-économiques, beaucoup de jeunes Maliens choisissent de migrer dans la clandestinité vers d’autres horizons, jugés plus prometteurs, avec des conséquences souvent dramatiques.

L’expulsion début mars de la Mauritanie de plus de 500 Maliens en situation irrégulière dans le pays a remis sous les projecteurs la lancinante question de la migration des jeunes Maliens hors du continent africain, à partir des pays voisins et de l’Afrique du Nord.

Dirigés vers Gogui, une localité de la région de Kayes située à la frontière entre le Mali et la Mauritanie, ces expulsés maliens, pour la plupart en transit en Mauritanie, qui n’ont pas pu renouveler ou obtenir des cartes de résidents, étaient en situation illégale, selon les autorités mauritaniennes. Ces dernières ont justifié ces expulsions en soulignant que la migration irrégulière posait des défis sécuritaires et favorisait divers trafics, y compris celui des êtres humains.

La localité de Gogui est l’un des points de suivi des flux migratoires (Flow Monitoring Points, FMP) au Mali, mis en œuvre par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) à travers la Matrice de suivi des déplacements (Displacement Tracking Matrix, DTM).

Selon le rapport trimestriel, de juillet à septembre 2024, du suivi des flux des populations, le dernier en date, le FMP de Gogui a enregistré une baisse de 8% concernant les flux entrants au Mali, traduisant une baisse des expulsés de 50%.

En revanche, par rapport au trimestre précédent, les FMP de Hèrèmakono, dans la région de Sikasso, et de Place Kidal, dans la région de Gao, ont respectivement connu une hausse de 23 et 16%, concernant principalement les flux sortants vers le Burkina Faso pour le FMP de Hèrèmakono et vers l’Algérie pour celui de Place Kidal.

Sur l’ensemble des FMP du Mali (Kayes, Sikasso, Tombouctou et Gao), environ 127 927 flux migratoires ont été observés du 1er juillet au 30 septembre 2024, soit une hausse de 14% de la moyenne journalière par rapport au trimestre d’avril à juin 2024.

À noter qu’entre janvier et mi-juin 2024, les autorités maliennes ont rapatrié 4 577 migrants maliens volontaires en détresse à l’étranger, principalement en provenance de l’Algérie, du Niger, de la Libye, de la Côte d’Ivoire et de la Mauritanie.

Un phénomène, plusieurs facteurs

Une enquête menée auprès des migrants enregistrés par l’OIM sur la même période a révélé que 73% des hommes et 82% des femmes interrogés étaient situés dans la tranche d’âge comprise entre 20 et 30 ans, la plus représentée. Ceux et celles ayant entre 31 et 40 ans représentent la deuxième tranche la plus élevée, tandis que seulement 4% des hommes enquêtés et 1% des femmes avaient entre 41 et 60 ans.

Plusieurs raisons expliquent la décision de partir « à l’aventure » chez ces jeunes. La principale, selon le rapport susmentionné, est la recherche d’emplois ou de moyens de subsistance. 53% des migrants partent en quête de meilleurs emplois et d’opportunités pour assurer leur survie et celle de leurs familles.

En plus de ce facteur principal, d’autres raisons telles que, entre autres, les travaux saisonniers, notamment l’orpaillage (15%), les mariages ou la réunification familiale (1%), les guerres ou conflits (1%) et les études ou formations (1%) ressortent du rapport.

La plupart des migrants ont un niveau d’étude primaire (27% chez les hommes et 7% chez les femmes) et du collège (19% chez les hommes et 8% chez les femmes). 14% des migrants et 4% des migrantes n’ont aucun niveau d’éducation, tandis que seulement 1% des hommes et moins de 1% des femmes ont un niveau d’études supérieures.

Conséquences dramatiques

Le 2 février 2025, 9 migrants, dont 8 présumés Maliens, sont morts au large des côtes mauritaniennes à la suite du naufrage de leur embarcation. Cette embarcation de fortune avait quitté Nouadhibou le 26 janvier et s’était perdue en mer, selon le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur, qui a précisé que 28 autres Maliens figuraient parmi les rescapés de l’accident.

En décembre 2024, rien qu’au large des côtes mauritaniennes, de plus en plus prisées par les candidats au départ, au moins 6 migrants maliens ont perdu la vie dans un autre naufrage et 31 autres ont également péri dans les eaux territoriales marocaines. Un autre naufrage survenu en décembre 2024 a causé la mort de près de 70 migrants, dont au moins 25 jeunes Maliens identifiés.

Plus tôt, en juillet 2022, 22 migrants maliens, dont 3 enfants, ont perdu la vie au large des côtes libyennes. Selon le ministère des Maliens établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, ces disparus faisaient partie d’un groupe de 83 migrants qui étaient en détresse au large de ces côtes depuis le 22 juin 2022.

Les drames migratoires impliquant des Maliens se sont multipliés ces dernières années, même si le nombre exact de personnes ayant perdu la vie reste difficile à déterminer, en raison du manque de données exhaustives et de la nature clandestine de ces migrations. Toutefois, à en croire des estimations globales, depuis 2014, environ 67 000 personnes, toutes nationalités confondues, ont perdu la vie ou ont disparu dans leur quête de départ.

Selon un rapport de ReliefWeb, un service d’information humanitaire fourni par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), en 2024, environ 16 500 Maliens ont migré de manière irrégulière vers l’Europe, faisant du Mali le principal pays d’origine des migrants pour l’année écoulée.

D’après Frontex, en 2024, 41 425 migrants ont atteint les Îles Canaries (Espagne), dont une grande part provenait du Mali, du Sénégal et du Maroc. Cette route de l’Atlantique Ouest est devenue l’une des plus meurtrières.

Si les estimations du nombre total de décès enregistrés sur les routes migratoires en Afrique de l’Ouest et du Centre en 2024 ne sont pas encore disponibles, l’OIM a enregistré 811 décès de migrants dans ces régions en 2023, soit une augmentation de 565% par rapport à l’année précédente. À l’échelle mondiale, 2024 a été l’année la plus meurtrière sur les routes migratoires, avec au moins 8 938 décès recensés, selon l’OIM.

Outre les décès, les migrations irrégulières entraînent de lourdes conséquences, souvent même chez les migrants rescapés des accidents sur ces routes migratoires, très dangereuses. En plus des traumatismes liés aux violences vécues, ces jeunes subissent également des stress post-traumatiques pouvant aboutir à la dépression et à la perte d’estime de soi. Leurs familles aussi sont impactées.

« Cela fait des mois que je suis sans nouvelles d’un neveu parti en Mauritanie. Personne ne sait ce qu’il devient et c’est très angoissant pour nous. Le plus dur, c’est de ne pas savoir s’il vit ou s’il est mort. C’est une très grande détresse pour sa femme et ses enfants », témoigne un interlocuteur.

Mobilisation tous azimuts

Pour faire face au phénomène de migration irrégulière, plusieurs acteurs se mobilisent de plus en plus à l’échelle nationale et internationale. Le gouvernement malien a intensifié ses efforts pour décourager les jeunes de prendre les routes de la migration clandestine. En novembre 2024, une campagne de sensibilisation intitulée « Préserve ta vie et refuse l’incertain » a été lancée pour informer la population sur les dangers de la migration irrégulière et promouvoir des voies légales de migration.

Cette campagne, qui a duré un mois, a été déployée dans tout le pays à travers des conférences, débats médiatiques, projections de films, activités culturelles et sportives, ainsi que des affiches de sensibilisation.

L’initiative, cumulée à l’augmentation, financée par l’Union européenne, de la surveillance des côtes ouest-africaines, principaux points de départ des migrants, a contribué à une baisse significative des départs de migrants par des voies irrégulières.

Selon les statistiques mensuelles sur la migration irrégulière de février 2025 publiées le 13 mars 2025 par Frontex, l’Agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes, les détections de franchissements irréguliers des frontières de l’Union européenne ont diminué de 25% au cours des deux premiers mois de 2025, avec environ 25 000 cas enregistrés.

Bien que la route de l’Atlantique Ouest, qui concerne principalement les migrants originaires du Mali, du Sénégal et de la Guinée, ait représenté une part significative des arrivées, elle a connu une diminution de 40% par rapport à l’année précédente, avec 7 200 arrivées enregistrées en janvier et février 2025.

De leur côté, outre les efforts de prévention du phénomène, les autorités maliennes ont annoncé le 22 janvier 2025 avoir rapatrié en 2024 environ 12 300 migrants maliens en situation de détresse à l’étranger, dans le cadre d’opérations de rapatriement et d’assistance. Par ailleurs, selon des informations publiées en décembre 2024, 929 Maliens figuraient également parmi les sans-papiers en attente d’expulsion des États-Unis.

Mohamed Kenouvi

Kayes : un collectif décide de bloquer les axes routiers

La dégradation des routes à Kayes est toujours une préoccupation pour les habitants de la région et ce problème persiste depuis plusieurs années. Le regroupement des organisations de la société civile de la région de Kayes, le mouvement « Je suis les routes de Kayes », a décidé de bloquer toutes les routes pendant 24 heures à partir du 20 mars 2023.

« Je suis les routes de Kayes » et ses alliés se mobiliseront pour bloquer tous les axes routiers du lundi à 00h00mn au mardi 00h00mn, sur toute l’étendue de la région de Kayes, si leurs différentes préoccupations ne sont pas prises en compte concernant les axes indexés à savoir Kayes – Sandaré – Diéma, Kayes – Yélimané, Sadiola – Kénieba, Kayes – Bafoulabé, Kayes – Diboli, Keniéba – Kita – Kati et Baboroto – Oualia – Toukoto – Kita.

Créé en octobre 2021, le mouvement a pour vocation d’attirer l’attention des autorités administratives et politiques sur le plan régional et national sur l’état de dégradation avancée de certaines routes de la région. Depuis 2019, la région de Kayes est  confrontée à d’énormes problèmes liés aux routes et causant d’énormes dégâts matériels et des pertes en vies humaines, surtout pendant l’hivernage.

Le mouvement avait déjà, par ailleurs, prévu dès 2022 de mener des manifestations dans tous les cercles de la région de Kayes, après plusieurs démarches administratives qui n’ont toujours pas abouti à des résultats satisfaisants, si toutefois ses doléances n’étaient pas suivies d’effets.

Kayes : des « esclavagistes » condamnés à la peine de mort

Un grand pas a été franchi dans la lutte contre l’esclavage dans la région de Kayes. Au cours de la session spéciale de la cour d’Assises de la région au titre de l’année judiciaire 2023, ouverte depuis le 27 février et toujours en cours,au moins sept « esclavagistes » ont été condamnés à mort et à cinq ans de prison  pour les meurtres de Youssouf Cissoko, Mountaga Diarrisso, Gossi Cissoko et Djané Cissoko, quatre militants anti-esclavagistes, qui ont été battus à mort dans le village de Djandjamé le 1er septembre 2020.

Il s’agit de Djibril Badiaga, Moussa Sissoko dit Papi, Ousmane Diarrisso dit Tamba, Hameye Diarrisso, Mohamed Diawara, Mohamed Diaby dit Hameye, tous condamnés à mort et Lamba Cissé qui a écopé de cinq ans.

Si les associations de lutte contre l’esclavage par ascendance se félicitent des verdicts, les charges retenues contre les condamnés (associations de malfaiteurs, assassinats, complicité d’assassinat, coups et blessures volontaires) ne leur convient pas pour autant.

« Nous espérons toujours que le gouvernement va adopter une loi spécifique pour criminaliser l’esclavage par ascendance qui fait des ravages dans nos localités. Elle n’est pas spécifiée actuellement dans les lois existantes », regrette Mikhailou Diallo, le président régional Kayes de la fédération malienne des associations de lutte contre l’exclusion, la discrimination, l’esclavage par ascendance et les inégalités sociales (FMALEDEI).

Selon les organisations, les crimes liés à l’esclavage sont considérés comme des problèmes de terre, des conflits entre clans, des coups et blessures… par la justice.

« Il ne pourrait en être autrement en absence de loi criminalisant la pratique de l’esclavage par ascendance au Mali », atteste Me Lury Nkouessom, chef de file de la composante accès à la justice du projet Mali Justice Project (MJP).

Cependant d’autres mesures sont en vigueur au Mali pour lutter contre la traite des personnes. En février 2011, le gouvernement a créé le Comité national de coordination de la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées (CNLTP). Cela a été suivi par l’adoption de la loi n°2012-023 du 12 juillet 2012, relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées (elle prévoit des sanctions pénales pour les individus coupables de traite des personnes pouvant aller de 5 ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité selon les circonstances), et le lancement d’un Plan d’action national (2018-2022) en février 2019. Le Plan d’action national 2018-2022, qui fait actuellement l’objet d’une révision par les parties prenantes, prévoit, entre autres, de promouvoir la coordination et la coopération des acteurs dans la lutte contre la traite des personnes. Le Ministre de la justice Mamadou Kassogué a, en outre, appelé, en décembre 2021, les procureurs généraux « à prendre des dispositions pour que des poursuites soient engagées pour tous les cas de violences physiques et d’atteintes aux biens exercées contre ces personnes en considération de leur statut ».

Au Mali, l’esclavage a été abolit par l’administration coloniale depuis décembre 1905. Las, il persiste toujours dans le pays notamment dans la région de Kayes où plusieurs cas ont été recensés récemment. Rien qu’en juillet dernier, le cadavre brulé et mutilé de Djogou Sidibé, 71 ans, a été retrouvé près de son champ, non loin de son village, Lany Mody, dans le cercle de Kayes. La raison de l’assassinat, à en croire, plusieurs organisations de lutte contre l’esclavage est liée au refus de la vieille femme de se soumettre au statut d’esclave.