Pénurie de carburant : Bamako en panne sèche

Depuis plusieurs semaines, les stations-service maliennes tournent à vide. Dans la capitale comme à l’intérieur du pays, les files s’allongent, les prix flambent et la colère gronde. Entre perturbations sécuritaires et faibles capacités de stockage, la crise du carburant met à genoux une économie déjà fragilisée.

Plusieurs localités du pays sont confrontées depuis quelques semaines à une pénurie de carburant. Des difficultés d’approvisionnement perturbent fortement la distribution de l’essence et du gasoil. L’insuffisance de ces produits, indispensables à la vie économique et sociale, conduit à une flambée des prix et à une forte affluence dans les points de vente. En attendant une sécurisation de l’approvisionnement, les populations craignent une nouvelle crise.

Selon les chiffres de l’Office malien des produits pétroliers (OMAP), la consommation quotidienne moyenne du pays est estimée à 3,5 millions de litres, dont près de 60% destinés à la seule capitale. Cette dépendance logistique accrue explique la rapidité avec laquelle la moindre rupture d’approvisionnement se répercute sur l’ensemble du territoire.

Le 7 octobre 2025, plusieurs stations-service et points informels de vente de carburant sont pris d’assaut par des centaines de citoyens. L’attente est interminable et certains s’impatientent. Écoliers, commerçants ou conducteurs de moto-taxis, ils ont besoin de carburant pour se rendre à l’école, au travail ou pour exercer leur activité. Pendant ce temps, le circuit parallèle fonctionne à plein régime : ceux qui ont flairé une opportunité achètent du carburant pour le revendre plus cher à des usagers sans alternative. Dans certains quartiers de Bamako, notamment à Faladié et à Magnambougou, des revendeurs clandestins exposent désormais leurs bidons à la vue de tous. Les ventes se font à la sauvette, parfois à proximité immédiate des stations-service, sans contrôle ni mesures de sécurité.

Médecin au centre de santé de référence de Kalaban Coro, le Dr Assitan Sidibé observe avec inquiétude le tableau de bord de son véhicule. « la quantité de carburant que j’ai peut m’amener au service. Au retour, si je n’ai pas de carburant, je prendrai si possible un transport en commun », se résigne-t-elle. Comme elle, des dizaines de travailleurs ne savent pas s’ils auront le lendemain de quoi se déplacer. Certains étaient déjà en panne sèche faute d’avoir pu s’approvisionner.

Les hôpitaux et les centres de santé sont parmi les premiers touchés par cette pénurie. Certains établissements ont dû réduire les services de nuit ou recourir à des générateurs alimentés par des réserves limitées.

« Il n’y a plus d’essence », c’est la réponse la plus courante que l’on entend dans les quelques stations encore ouvertes. « Nous attendons du carburant d’ici ce soir », espère un pompiste. Dans celles qui disposent encore de carburant, les files d’attente s’allongent, créant une certaine tension et obligeant les gérants à faire appel aux forces de l’ordre pour éviter les débordements.

Des affrontements ont d’ailleurs été signalés dans plusieurs stations de la rive droite, où des automobilistes, excédés par les longues files, ont exprimé leur colère. Les forces de sécurité ont dû intervenir à plusieurs reprises pour disperser des attroupements.

Cette situation, qui risque de durer encore quelques semaines, impacte fortement la vie des citoyens, déjà éprouvés par la cherté de la vie. Par un effet domino, le prix de certains produits a grimpé en flèche, à l’image du gaz butane, dont la bouteille de 6 kilos revient désormais à 10 000 francs CFA contre 6 000 auparavant. Selon certaines sources, cette flambée pourrait se prolonger si les flux d’importation ne reprennent pas rapidement.

Tension palpable

« C’est seulement ces derniers jours que les citoyens ont touché du doigt le manque. Nous, nous le vivons depuis des semaines » estime un acteur du secteur des hydrocarbures. Depuis les attaques de camions-citernes sur l’axe Kayes – Bamako en septembre 2025, l’approvisionnement du pays est gravement perturbé. Des centaines de camions, bloqués aux frontières, n’entrent plus qu’au compte-goutte et  sous escorte. La faiblesse du stock, qui ne couvre qu’une courte période de consommation, met le marché sous pression.

Pour remédier à la situation, les autorités ont annoncé leur volonté de tout mettre en œuvre pour éviter la rupture. Mais, malgré les assurances, la pénurie redoutée a gagné la capitale. Lors d’un point de presse, le 7 octobre, la Direction générale du Commerce et de la Concurrence a dénoncé les acteurs ne respectant pas les prix plafonds et promis des sanctions. Sur le terrain, cependant, les spéculations persistent. Selon les zones, le bidon d’un litre et demi se négocie entre 2 000 et 4 000 francs CFA.

Conséquence immédiate, les transports en commun – notamment les moto-taxis, très sollicités à Bamako – ont révisé leurs tarifs. Des trajets habituellement facturés 1 000 francs CFA coûtent désormais entre 1 500 et 2 000 francs. « L’essence coûte cher », ses justifient les conducteurs.

Environ 300 camions-citernes sont arrivés en fin de journée le 7 octobre, selon la télévision nationale. Une arrivée qui n’a pas mis fin aux longues files d’attente, visibles dès le lendemain matin dans les stations approvisionnées.

Effets redoutés

Les attaques de citernes ont occasionné des pertes considérables en carburant et en matériel, estimées à plusieurs centaines de millions de francs CFA. À cela s’ajoutent les frais liés aux escortes sécurisées, qui alourdissent encore les coûts de distribution et risquent de provoquer une hausse générale des prix.

Pour l’heure, les tarifs officiels restent fixés à 775 francs CFA le litre de super et 725 francs CFA pour le gasoil, mais le marché informel fait déjà grimper le litre d’essence à plus de 1 300 francs CFA à Bamako. Une nouvelle pression sur le pouvoir d’achat d’une population déjà éprouvée.

Rationnement nécessaire

Dans ce contexte de pénurie, chaque litre de carburant est devenu vital. Le fonctionnement de plusieurs services essentiels, notamment la santé et l’énergie, dépend directement de sa disponibilité. En 2024, les besoins du Mali en carburant avaient été estimés à 500 millions de litres, soit 309 milliards de francs CFA.

Depuis plusieurs semaines, les clients d’Énergie du Mali (EDM) subissent une chute brutale de la fourniture d’électricité : de 12 heures quotidiennes, la moyenne est passée à 6, voire 4 heures, rappelant les lourds délestages du début d’année. Cette absence d’énergie pénalise directement les entreprises et l’économie urbaine.

Pour répartir équitablement les quantités disponibles, les distributeurs s’efforcent de servir d’abord les secteurs prioritaires comme la santé, l’énergie ou les administrations publiques. Une rationalisation rendue difficile par la spéculation. « Le pire, c’est le comportement de certains spéculateurs », déplore un distributeur. « Ils achètent un bidon de 20 litres 15 000 francs CFA en station et le revendent aussitôt  30 000 francs ».

Renforcer le stockage

Avec une consommation annuelle estimée à 1,3 million de m³, le Mali ne dispose que d’une capacité de stockage de 53 853 m³, soit à peine l’équivalent d’un mois de consommation. Cette insuffisance structurelle et les perturbations logistiques expliquent la tension actuelle.

Pour pallier ces difficultés, les autorités envisagent de créer un stock national de sécurité, projet déjà à l’étude depuis plusieurs années. Son objectif : garantir une autonomie minimale de deux à trois mois en cas de crise régionale. Parmi les mesures prioritaires figurent l’élargissement des dépôts de stockage dans les zones stratégiques et la diversification des corridors d’importation, notamment via la Mauritanie.

L’axe Kayes – Bamako, qui représente plus de 50% du trafic national de carburant, reste le principal cordon d’approvisionnement du pays. De sa vitalité dépend la stabilité de toute l’économie.

Fatoumata Maguiraga

Bamako : Les divorces en hausse

Le divorce est devenu très fréquent à Bamako, particulièrement chez les jeunes couples, malgré les efforts de médiation de certaines structures d’accueil. Autrefois perçu comme rare et socialement mal accepté, il tend aujourd’hui à se banaliser pour des raisons multiples.

Longtemps le divorce a été mal vu dans la société malienne. Il était peu courant de rencontrer un couple séparé. Les données disponibles montrent désormais une hausse continue des ruptures dans le District de Bamako. Selon des statistiques officielles, plus de 8 130 divorces ont été enregistrés en 2022 dans les 6 communes, contre 6 950 mariages la même année. D’après certaines sources, les tribunaux de la capitale traiteraient plus de 150 dossiers de divorce par semaine. Ces évolutions concernent notamment les jeunes ménages.

Les causes invoquées sont diverses. Des observateurs citent en premier lieu les difficultés financières des foyers, mais aussi les problèmes de communication, les violences conjugales, les incompatibilités durables et les tensions avec la belle-famille. Le sociologue Hama Yalcoye souligne que la transformation des normes sociales a modifié les dynamiques conjugales : « depuis que les parents se sont déchargés du choix de la personne pour leurs enfants, la durée du mariage équivaut à la durée d’un feu d’artifice », estime-t-il. Les mésententes entre belle-fille et beaux-parents alimentent également de nombreux conflits.

Multiples médiations

Malgré la hausse des chiffres, beaucoup de couples tentent d’éviter la séparation en recourant à une médiation avant de saisir la justice. Les centres d’accueil, les services de police, certaines associations et même les parquets privilégient d’abord la conciliation. Deme So, qui offre une assistance juridique gratuite, dit accompagner environ 200 femmes par an et constate une augmentation annuelle de 15 à 20% des demandes liées au divorce. Les femmes sont majoritaires parmi les requérants, selon les structures d’appui. L’Association pour le progrès et le droit des femmes, qui suit des dizaines de cas chaque mois, rappelle que son rôle premier est la médiation. Sa Présidente, Bintou Coulibaly, souligne que l’organisation n’encourage pas d’emblée une action en justice et cherche d’abord à préserver le couple lorsque cela est possible.

Au plan juridique, le Code des personnes et de la famille (2011) encadre les procédures, notamment le consentement mutuel et le divorce pour faute. À Bamako, la hausse des saisines et le recours croissant aux dispositifs d’accompagnement témoignent d’une réalité familiale en évolution. Les acteurs de terrain mettent l’accent sur la prévention, l’information et l’orientation des couples vers des solutions de médiation avant toute décision de dissolution.

Joseph Amara Dembélé

Braquage sur l’axe Ansongo–Labbezanga : des passagers pris pour cibles

Dans la matinée du mardi, la route reliant Ansongo à Labbezanga a de nouveau été le théâtre d’une attaque armée. Des véhicules de transport ont été interceptés par des hommes armés qui ont dépouillé les passagers de tous leurs biens.

Le pont de Kamgala, non loin du village de Bentia dans le cercle d’Ouattagouna, a été le point d’embuscade. Plusieurs cars des compagnies Salim et Sonef Transport, ainsi qu’un minibus assurant la liaison entre le Niger et Gao, ont été arrêtés par un groupe d’hommes lourdement armés.
Les assaillants, organisés et déterminés, ont contraint chauffeurs et passagers à descendre avant de les délester de tout ce qu’ils possédaient. Argent, téléphones, bagages, rien n’a été épargné.
Aucun blessé grave n’a pour l’instant été signalé, mais la peur et le traumatisme restent vifs parmi les victimes. Selon plusieurs témoins, l’attaque a duré quelques minutes seulement, preuve du professionnalisme des assaillants.
Ce nouvel incident rappelle la fragilité de cet axe vital pour les échanges commerciaux et les déplacements entre le Mali et le Niger. Malgré la présence ponctuelle des forces de sécurité, les convois restent vulnérables à ces opérations de pillage.
Les populations locales appellent à un renforcement urgent des patrouilles et à une sécurisation permanente de cette route, considérée comme un poumon économique pour toute la région de Gao.

Tournoi UFOA-A : Le Mali écrase le Libéria 6-0 pour son entrée en lice

Les Aiglonnets ont parfaitement lancé leur aventure continentale. Devant leur public, ils ont surclassé le Libéria pour débuter la compétition sur les chapeaux de roues.

Le tournoi qualificatif de la zone UFOA-A U17 a démarré sur un véritable festival offensif du Mali. Opposée au Libéria le dimanche 5 octobre au Stade Mamadou-Konaté de Bamako, la sélection malienne a livré une prestation magistrale conclue par une victoire éclatante six buts à zéro. Dès les premiers instants, les jeunes Aiglonnets ont imposé une domination sans partage, confisquant le ballon et dictant le rythme du jeu face à un adversaire dépassé. L’efficacité offensive s’est illustrée par des enchaînements précis et une finition clinique, traduisant la qualité du travail réalisé en amont de la compétition.

Ce succès inaugural permet aux Maliens de prendre la tête du groupe A et d’envoyer un signal fort à leurs futurs adversaires, la Gambie et la Guinée-Bissau, également engagées dans cette poule. Organisée à Bamako du 3 au 18 octobre, cette phase zonale revêt une importance capitale puisqu’elle offre aux deux finalistes un ticket pour la prochaine Coupe d’Afrique des nations U17. Portée par le soutien de son public et une génération particulièrement talentueuse, la sélection malienne confirme ainsi ses ambitions de qualification tout en affirmant son statut de favorite à domicile.

France : Nouvelle déconvenue pour Macron après la démission de Lecornu

Emmanuel Macron fait face à une nouvelle crise politique. Moins d’un mois après sa nomination, Sébastien Lecornu a présenté sa démission ce lundi 6 octobre, plongeant l’exécutif dans une nouvelle phase d’incertitude.

À seulement vingt-sept jours de son arrivée à Matignon, Lecornu tire déjà sa révérence, incapable de surmonter les obstacles politiques qui bloquent l’action gouvernementale. Sa nomination, intervenue le 9 septembre pour succéder à François Bayrou, devait incarner un nouveau souffle après une succession de chefs de gouvernement depuis 2017 : Édouard Philippe, Jean Castex, Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Michel Barnier puis Bayrou lui-même. Mais cette démission express vient s’ajouter à la longue liste des déconvenues d’Emmanuel Macron, désormais confronté à une instabilité chronique au sommet de l’État.

Lecornu a invoqué l’absence de conditions politiques favorables et l’impossibilité de construire une majorité stable dans un Parlement fragmenté. Sa volonté de gouverner sans recourir systématiquement à l’article 49.3, censée favoriser le dialogue, s’est heurtée à l’intransigeance de plusieurs groupes d’opposition. Le manque de renouvellement de son équipe gouvernementale, trop proche de la majorité présidentielle, a également suscité de vives critiques. Les Républicains ont menacé de retirer leur soutien, tandis que d’autres partenaires politiques ont dénoncé l’absence de vision claire.

Cette démission, survenue ce lundi 6 octobre, est un revers majeur pour Emmanuel Macron qui voit s’effriter, une fois de plus, l’autorité de son exécutif. Elle souligne l’incapacité de l’Élysée à maintenir la stabilité gouvernementale et pose la question de la stratégie à adopter pour sauver la fin du quinquennat. À l’heure où les réformes majeures sur les retraites, la transition énergétique ou la politique migratoire sont encore sur la table, le chef de l’État se retrouve contraint de repenser en urgence son dispositif politique, alors même que l’hypothèse d’un nouveau remaniement se profile déjà.

Deux personnalités majeures disparaissent le même jour

Le jeudi 2 octobre 2025, deux figures de premier plan de la vie publique malienne sont décédées à quelques heures d’intervalle. Il s’agit de Me Hassane Barry, avocat de renom, ancien ministre et acteur influent de la communauté peule, et de Cheikh Abdoul Djalil Haïdara, guide spirituel, ancien député de Ségou et promoteur de la chaîne Ségou-TV.

Selon un communiqué du Barreau du Mali, Me Hassane Barry est décédé à son domicile à Bamako. Juriste reconnu, il a marqué plusieurs décennies par son expertise et son rôle actif dans la défense des droits. Il a occupé des fonctions ministérielles sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré (1992-2002), avant d’être nommé ambassadeur du Mali en Angola, fonction qu’il a exercée du 12 mars 2012 au 2 septembre 2014. Son parcours ne s’est pas limité aux sphères gouvernementales : il a été un acteur clé de l’association Tabital Pulaku, dédiée à la promotion de la culture et de la solidarité peule. Son décès représente une perte importante pour le monde juridique et pour l’ensemble de la communauté nationale.
Le même jour, Cheikh Abdoul Djalil Haïdara a trouvé la mort lors d’une attaque armée sur l’axe Tigui–Konobougou, alors qu’il se rendait de Ségou vers Fana. L’incident s’est produit aux environs de 16 heures, lorsqu’il a tenté de dépasser un véhicule intercepté par des assaillants. Son véhicule a été la cible de tirs à bout portant, et il est décédé sur place. L’information a été confirmée par plusieurs sources locales ainsi que par un communiqué officiel du ministère des Affaires religieuses, publié le 3 octobre.
Cheikh Abdoul Djalil Haïdara était une personnalité influente dans les domaines religieux et politique. Fils du respecté Cheikh Mansour Haïdara, il avait consacré sa vie à la transmission des valeurs spirituelles et à la promotion de la paix et de la cohésion sociale. Il a également siégé à l’Assemblée nationale durant la 5e législature (2013-2018), après avoir été élu député sous les couleurs du RPM, avant d’être réélu en 2020 lors des élections législatives de la 6e législature. Son action ne se limitait pas à la politique et à la religion : il avait fondé Ségou-TV, une chaîne régionale destinée à valoriser les initiatives locales et à donner une tribune aux acteurs communautaires. Il s’était aussi distingué par des investissements significatifs dans des projets sociaux, humanitaires et religieux.
Les deux décès ont suscité une onde d’émotion dans tout le pays. Le Barreau du Mali a rendu hommage à Me Hassane Barry, saluant « une vie dédiée à la justice, à la défense des droits et au service de l’État ». Le ministère des Affaires religieuses a, pour sa part, salué « un homme dont l’existence fut consacrée à la foi, à la cohésion et à la paix sociale ». Plusieurs organisations politiques, associations communautaires et institutions religieuses ont présenté leurs condoléances aux familles endeuillées.
Ces disparitions marquent la fin du parcours de deux hommes dont les contributions ont profondément marqué l’histoire récente du Mali. Leur héritage politique, juridique, religieux et social continuera d’inspirer les générations à venir.

Nouvelles règles fiscales : l’État mise sur les mines et la consommation

Le Conseil des ministres tenu le 3 octobre 2025 sous la présidence du général d’Armée Assimi Goïta a adopté un projet de décret fixant de nouveaux taux dans le cadre de l’Impôt spécial sur certains produits. Cette décision s’inscrit dans la continuité des réformes engagées depuis 2023 pour moderniser le système fiscal, renforcer les recettes publiques et rendre l’environnement économique plus attractif pour les investisseurs.

 

Le dispositif de l’Impôt spécial sur certains produits, créé par un décret de septembre 2022 et élargi par une ordonnance en mars 2025, voit ainsi son champ d’application étendu et adapté aux évolutions de plusieurs secteurs clés. La révision adoptée concerne notamment les bouillons alimentaires, les produits miniers et le tabac, trois catégories dont l’importance stratégique se traduit à la fois par leur poids économique et leur potentiel de mobilisation de recettes. L’objectif affiché est double : augmenter les ressources budgétaires intérieures et créer un climat fiscal plus favorable à l’investissement dans des domaines considérés comme prioritaires.

 

Le secteur minier se trouve au cœur de cette réforme. Avec plus de 80 % des exportations nationales représentées par l’or et une contribution avoisinant 8 à 10 % du produit intérieur brut, il constitue l’un des piliers de l’économie. Les autorités ont annoncé une ambition claire : porter les recettes minières à environ 1,2 milliard de dollars d’ici mars 2025, notamment grâce à une meilleure taxation des produits extraits et exportés. Cette orientation s’accompagne d’efforts accrus pour recouvrer les arriérés fiscaux, qui ont déjà permis de récupérer près de 500 milliards de francs CFA auprès des compagnies opérant dans le pays.

 

Au-delà des mines, la réforme s’intéresse aussi aux produits de consommation courante. L’introduction de bouillons alimentaires, de cosmétiques et d’autres biens transformés dans le champ d’application de l’impôt vise à élargir l’assiette fiscale tout en garantissant une meilleure régulation du marché. Cette évolution devrait se traduire par une hausse des recettes liées à la consommation intérieure, un levier important dans un contexte où la demande nationale progresse rapidement sous l’effet de la croissance démographique.

 

La révision de la fiscalité minière et de l’Impôt spécial sur certains produits constitue également un signal adressé aux investisseurs. Les autorités souhaitent créer un environnement plus stable, lisible et attractif, tout en renforçant le contrôle sur les filières stratégiques. Dans un contexte marqué par des besoins budgétaires élevés pour financer les politiques publiques et les infrastructures, cette réforme apparaît comme un instrument central de la stratégie économique nationale.

 

L’adaptation du cadre fiscal reflète enfin une volonté plus large de diversification des sources de revenus de l’État et d’autonomisation financière. En misant à la fois sur l’exploitation de ses ressources naturelles et sur la fiscalité de la consommation, le pays cherche à consolider ses finances publiques et à soutenir une croissance plus soutenable, en phase avec ses priorités économiques et sociales.

 

 

Cheick Oumar Diallo : « Mali 3.0 est une rupture nécessaire et non un slogan »

Dans cette interview, Cheick Oumar Diallo, homme politique et auteur du livre Mali 3.0, expose les réformes qu’il propose pour transformer le Mali. Il insiste sur la nécessité d’une rupture avec l’ancien système et sur l’importance d’une responsabilité collective pour le pays. Propos recueillis par Massiré Diop.

Dans Mali 3.0, vous appelez à une rupture avec l’ancien système. Quelles réformes prioritaires proposez-vous ?

La rupture que je propose est une nécessité historique, non un slogan. Elle passe par trois réformes-clés : la gouvernance, pour mettre fin à l’impunité et assurer une gestion transparente des ressources publiques ; la réforme institutionnelle, pour rapprocher l’État des citoyens et soutenir les initiatives locales et la réforme économique, axée sur la souveraineté alimentaire et énergétique, pour réduire notre dépendance extérieure. Ces réformes nécessitent une volonté politique forte et l’implication citoyenne, car aucun changement durable ne peut se faire sans l’adhésion collective.

Vous insistez sur un sursaut citoyen. Comment susciter ce réveil, surtout chez les jeunes, souvent désillusionnés ?

Il faut parler vrai aux jeunes, qui savent que le Mali ne leur offre pas les opportunités qu’ils méritent. Le sursaut citoyen naîtra d’une confiance retrouvée, en les écoutant, en valorisant leurs initiatives et en leur donnant un rôle réel. Leur offrir des perspectives concrètes dans l’emploi, la formation, l’entrepreneuriat ou l’innovation les incitera à s’engager. C’est ce souffle nouveau que Mali 3.0 appelle de ses vœux.

L’éducation occupe une place centrale dans votre vision. Comment en faire un vrai levier de souveraineté et de développement aujourd’hui ?

L’éducation est le socle sans lequel toutes les réformes resteront vaines. Il ne s’agit pas seulement de construire des écoles, mais de repenser les contenus et les objectifs pour former des citoyens conscients de leur histoire, fiers de leur culture et capables d’innover. Investir dans la formation technique, scientifique et numérique est essentiel pour maîtriser nos ressources, créer nos entreprises et sortir de la dépendance. L’éducation doit devenir notre première arme de souveraineté.

Vous évoquez la responsabilité collective. Quel rôle doivent jouer les citoyens, les élites et la diaspora dans ce Mali 3.0 ?

Chacun doit contribuer à la reconstruction nationale. Les citoyens doivent s’engager, défendre l’intérêt commun et refuser la corruption. Les élites doivent donner l’exemple en plaçant le service à la Nation avant les intérêts personnels. La diaspora, force de compétences et de financements, doit être pleinement impliquée comme acteur du changement. Mali 3.0 est une œuvre collective que l’État ne peut mener sans la mobilisation de toutes ses forces vives.

Monétique : Un cadre d’échanges pour relever les défis

Bamako abritera le premier Salon monétique national du Mali (SAMONAM) du 9 au 10 octobre 2025. L’événement réunira les principaux acteurs du secteur autour des enjeux liés aux paiements électroniques dans l’espace UEMOA, dans un contexte d’expansion rapide des transactions numériques.

Ce premier salon réunira non seulement les banquiers, les fintechs, les entreprises et les régulateurs, mais aussi les étudiants et le grand public autour du thème : « La sécurisation des paiements électroniques : enjeux et défis dans l’UEMOA ». Il vise à vulgariser la monétique interbancaire, à favoriser un dialogue entre acteurs autour des nouvelles technologies et à encourager une adoption plus large des moyens de paiement électroniques. Leur utilisation s’inscrit dans une dynamique mondiale de transformation économique, avec pour objectifs la réduction de la circulation du cash, la rapidité des opérations et la sécurisation des transactions.

Dans l’espace UEMOA, le développement de la monétique est également considéré comme un levier d’inclusion financière. Toutefois, sa mise en œuvre reste confrontée à de nombreux défis, que les participants entendent examiner.

Évolution et enjeux

Le tableau de bord du GIM-UEMOA révèle que fin 2023 l’activité monétique concernait 122 établissements connectés à la plateforme interbancaire sur les 128 membres du réseau. Ces établissements ont émis 8 004 173 cartes bancaires en circulation, 79,2% adossées à un compte bancaire et 20,8% prépayées. Toujours selon la BCEAO, 96,7% de ces cartes respectent les normes internationales de sécurité PCI-DSS.

Les infrastructures ont également progressé, puisque le nombre de Guichets automatiques bancaires (GAB) a augmenté de 2,26% pour atteindre 4 214 unités, tandis que les Terminaux de paiement électronique (TPE) ont connu une hausse de 10,46%, passant de 13 814 à 15 259 appareils.

La valeur des transactions monétiques a atteint 16 886 milliards de francs CFA en 2023 contre 12 432 milliards en 2022. Au Mali, le nombre de cartes en circulation s’est élevé à 529 816, soit 6,62% de l’ensemble de l’UEMOA, avec 537 GAB et 611 TPE recensés. Sur la même période, la valeur totale des transactions monétiques a atteint 1 143 milliards de francs CFA.

Autre avancée majeure, le lancement de la Plateforme interopérable du Système de Paiement Instantané (PI-PSI), le 30 septembre. Elle permettra aux banques, institutions de microfinance et émetteurs de monnaie électronique d’effectuer des opérations instantanées et interopérables. Cependant, la faible connectivité, le manque d’éducation financière ou encore un cadre réglementaire parfois inadapté continuent de freiner l’accès à l’innovation technologique en la matière.

Coupe du Monde U20 2025 : L’Afrique mal embarquée

Le Mondial U20 2025, qui se déroule au Chili depuis le 27 septembre dernier, tourne mal pour les sélections africaines. Après deux défaites consécutives, l’Égypte est quasiment éliminée, tandis que le Nigeria et l’Afrique du Sud, battus d’entrée, jouent déjà leur avenir. Seul le Maroc tire son épingle du jeu.

Le début de la Coupe du monde U20 2025 ne sourit pas au continent africain. L’Égypte, doublement battue, est au bord du gouffre. Les Pharaons juniors ont d’abord chuté face au Japon (2-0) le 27 septembre, avant de s’incliner à nouveau contre la Nouvelle-Zélande (2-1) le 30 septembre. Avec 0 point en 2 sorties, leur troisième match, prévu le 3 octobre contre le Chili, pays hôte, ressemble déjà à une mission impossible. Même en cas de victoire, leurs chances de qualification restent très minces.

Le Nigeria, de son côté, a également mal entamé son tournoi. Opposés à la Norvège pour leur entrée en lice, les Flying Eagles juniors ont concédé un but sur penalty dès la 16ème minute, signé Rasmus Holten, et n’ont jamais réussi à revenir, s’inclinant 1-0. Cette entame complique sérieusement leurs ambitions dans un groupe dense.

L’Afrique du Sud n’a pas été plus chanceuse. Face à une solide équipe de France, les Amajita ont résisté mais ont fini par céder 2-1 lors de leur première sortie.

Deuxième journée sous haute tension

Seul le Maroc a offert un sourire au football africain en battant l’Espagne 2-0 lors de son premier match. Les Lionceaux de l’Atlas jouaient le 1er octobre leur deuxième rencontre face au Brésil, un choc qui faisait office de test grandeur nature. Une victoire pouvait confirmer leur statut de sérieux outsider.

Pendant ce temps, les autres représentants africains n’ont plus droit à l’erreur. L’Égypte joue sa survie contre le Chili et le Nigéria est contraint de relever la tête lors de sa prochaine sortie, le 2 octobre face à l’Arabie saoudite, qui s’est également inclinée face à la Colombie lors de sa première rencontre.

Quant à l’Afrique du Sud, elle doit impérativement réagir après sa défaite contre la France. Les champions d’Afrique en titre affrontaient le 2 octobre la Nouvelle-Calédonie, humiliée 9-1 par les États-Unis lors de la première journée. Sur le papier, l’occasion était belle pour décrocher une première victoire et se relancer dans la course à la qualification.

Mohamed Kenouvi

L’Office du Niger adopte un outil numérique pour une irrigation plus performante

L’Office du Niger (ON) vient de franchir une étape majeure dans la modernisation de la gestion de l’eau et le renforcement de la résilience agricole face au changement climatique. À l’issue de deux jours de formation ayant concerné plus de 40 agents et cadres, l’outil numérique IPON (Irrigation Performante de l’Office du Niger) a été officiellement remis à l’institution, mardi 30 septembre à Ségou.

L’Office du Niger vient d’adopter un outil moderne de gestion de l’eau. Ressource stratégique pour l’ON, la gestion de l’eau est une problématique majeure prise en charge avec l’outil numérique IPON ( Irrigation Performante de l’Office du Niger). L’IPON est le fruit d’un développement conjoint entre l’Institut International de Gestion de l’Eau (IWMI) et l’Office du Niger, avec un appui technique et financier de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le soutien de l’ambassade du royaume des Pays-Bas. Il s’inscrit dans le cadre du projet WaPOR, qui utilise la télédétection satellitaire pour améliorer la productivité de l’eau en agriculture. Basé sur les données satellitaires de la FAO et des technologies avancées de cartographie, l’outil permettra de suivre en temps quasi-réel les superficies cultivées, de mesurer la productivité de l’eau, de diagnostiquer les déficits hydriques et d’estimer les rendements.

« Avancée majeure »

Pour le président directeur général de l’Office du Niger, Badara Aliou Traoré, IPON représente « une avancée majeure qui place l’institution au cœur de l’innovation pour une agriculture irriguée plus performante ».

De son côté, la représentante de la FAO, Dr Virginie Gillet, a rappelé que l’outil est «  bien plus qu’un simple logiciel. Il incarne une volonté commune de renforcer la gestion durable de l’eau agricole et de soutenir la prise de décision sur la base de données fiables ».

L’IWMI, à travers son représentant régional adjoint, Dr Sander Zwart, a pour sa part mis en avant la co-conception avec les institutions nationales, gage de pertinence et d’appropriation locale.

Avec l’introduction de l’IPON, l’Office du Niger dispose désormais d’un instrument stratégique pour améliorer l’efficacité de la gestion de l’eau, soutenir la sécurité alimentaire du Mali et accroître la résilience des systèmes agricoles face aux défis climatiques.

Joseph Amara DEMBELE

 

RDC : Kabila face au poids de la justice congolaise

Le 30 septembre 2025, la Haute Cour militaire de Kinshasa a condamné par contumace l’ancien Président Joseph Kabila à la peine de mort pour trahison, crimes de guerre et violation de son devoir de réserve. Au-delà du verdict, les indemnisations exigées et les interrogations sur le processus de réconciliation placent la RDC au cœur d’un débat continental.

C’est une décision qui a stupéfié autant qu’elle a divisé. La justice congolaise a infligé la peine capitale à Joseph Désiré Kabila, à la tête du pays de 2001 à 2019, l’accusant d’avoir facilité l’action du mouvement rebelle M23, d’avoir couvert des violations graves des droits humains dans l’est du Congo et d’avoir manqué à son devoir de réserve après sa présidence. Le jugement va plus loin encore, imposant au condamné le paiement de plus de 33 milliards de dollars de dommages et intérêts aux victimes.

Pour la première fois, un ancien président congolais est jugé par une juridiction militaire nationale. Ce fait inédit nourrit les débats. Est-ce un signal de rupture avec l’impunité des puissants ou une opération politique destinée à solder un passé encombrant ? Plusieurs ONG saluent le principe de la condamnation, tout en exigeant plus de transparence sur les preuves et sur le respect des droits de la défense.

Ce verdict ne survient pas dans un vide politique. La RDC est encore engagée dans des processus de médiation menés à Doha, aux États-Unis et par d’autres partenaires régionaux, qui visent à ramener une paix durable dans l’est du pays, où les violences continuent de décimer les populations. La condamnation de Kabila risque de redistribuer les cartes de ces négociations. Certains y voient une opportunité de tourner la page en posant les bases d’une justice nationale forte, d’autres redoutent au contraire une crispation des clans et un affaiblissement du fragile processus de réconciliation.

Les Congolais, eux, oscillent entre espoir et doute. Beaucoup saluent une justice qui ose s’attaquer à l’un des symboles d’un système ayant engendré tant de souffrances. Mais d’autres craignent que l’histoire ne se répète et que le procès reste un geste spectaculaire sans suite concrète pour la paix et la réconciliation nationale. Comme l’ont montré les cas d’Hissène Habré, d’Omar el-Béchir ou d’Hosni Moubarak, les anciens dirigeants ne rendent que rarement des comptes de manière complète et transparente. La RDC vient de franchir une étape symbolique. Reste à savoir si cette condamnation sera un levier de vérité et de justice ou une nouvelle source de fractures dans un pays qui peine encore à se reconstruire.

MD

Mali – Algérie : Jusqu’où ira la discorde ?

La tension diplomatique entre Bamako et Alger ne faiblit pas depuis l’incident survenu dans la nuit du 31 mars au 1ᵉʳ avril 2025, lorsqu’un drone de reconnaissance malien a été abattu par les forces algériennes près de Tinzaouaten, une zone frontalière stratégique. Le différend est désormais bloqué par le refus de l’Algérie d’accepter la compétence de la Cour internationale de Justice (CIJ).

Selon Bamako, le drone Bayraktar Akıncı menait une mission de surveillance contre des groupes armés près de la frontière et n’a jamais quitté l’espace aérien malien. Les autorités affirment que les débris ont été retrouvés à 9,5 kilomètres à l’intérieur du pays et que les données de trajectoire confirment cette version. Alger soutient de son côté que l’appareil a violé son espace aérien et que son interception relevait de la défense de son territoire.

Le différend a pris une dimension juridique le 4 septembre, lorsque Bamako a annoncé son intention de saisir la Cour internationale de Justice pour violation de sa souveraineté. La CIJ a confirmé avoir reçu la requête introductive d’instance le 16 septembre 2025 et rappelé, dans un communiqué publié le 19, qu’elle ne pouvait se prononcer sur le fond qu’avec l’accord des deux États, condition qu’Alger refuse pour l’instant, laissant la procédure suspendue.

Le 26 septembre, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, le Premier ministre Abdoulaye Maïga a dénoncé ce qu’il qualifie « d’ingérences répétées » de l’Algérie dans les affaires internes du Mali. Dans son intervention, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a pour sa part critiqué la conduite des autorités de transition maliennes, mettant en cause leurs choix politiques et leur attitude vis-à-vis des partenaires régionaux. En réaction à ces propos, la Mission permanente du Mali a réaffirmé que le drone abattu n’avait jamais quitté son espace aérien, soulignant que les données de vol et la localisation de l’épave, retrouvée à 9,5 kilomètres à l’intérieur du pays, contredisent les affirmations algériennes. Le gouvernement indique également avoir réclamé des preuves à Alger, sans obtenir de réponse satisfaisante, estimant que ce silence, combiné au refus d’accepter la compétence de la CIJ, reflète un embarras évident. L’Algérie maintient pour sa part que l’appareil a violé son espace aérien et justifie son interception par la défense de sa souveraineté.

Leviers diplomatiques

Face au blocage juridique, Bamako mise désormais sur la diplomatie pour faire avancer son dossier. Il peut mobiliser ses alliés stratégiques, notamment la Russie, dont les relations économiques et sécuritaires étroites avec Alger – ainsi que son statut de membre permanent du Conseil de sécurité – pourraient lui permettre de peser sur les négociations ou de favoriser un dialogue indirect. Le Mali peut aussi s’appuyer sur la Confédération des États du Sahel (AES), qui réunit Bamako, Niamey et Ouagadougou, afin d’exercer une pression collective sur Alger, au-delà de leur coopération sécuritaire.

Parallèlement, Bamako peut saisir des instances régionales telles que l’Union africaine et ses organes, notamment le Conseil de paix et de sécurité ou la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, afin de favoriser une médiation ou d’examiner la situation sous l’angle de la protection des droits garantis par la Charte africaine.

D’autres exemples

L’histoire récente montre d’ailleurs que des refus initiaux d’accepter la compétence de la CIJ n’ont pas toujours mis fin aux procédures. Dans les années 1980, les États-Unis avaient rejeté la compétence de la Cour dans leur différend avec le Nicaragua, mais celle-ci a tout de même rendu un jugement en leur absence. Dans l’affaire de la bande d’Aouzou, la Libye avait d’abord refusé de comparaître, avant de conclure un compromis avec le Tchad, permettant une décision en 1994. De même, le différend frontalier entre le Qatar et Bahreïn s’est soldé par un accord en 1997, après des discussions bilatérales.

Au-delà du cadre africain, d’autres mécanismes pacifiques restent envisageables, comme la médiation ou la conciliation sous l’égide des Nations unies, pour tenter d’aboutir à un règlement sans recourir à une procédure judiciaire classique.

Pour l’heure, le dossier est bloqué puisque, sans l’accord de l’Algérie, la CIJ ne peut se prononcer sur le fond. Bamako devra désormais miser sur la mobilisation de ses alliés et les canaux multilatéraux pour faire avancer le différend et défendre sa position.

MD

Mali – France : Le divorce sécuritaire consommé

La France a annoncé le 19 septembre la suspension de sa coopération antiterroriste avec le Mali, invoquant l’arrestation d’un ressortissant français à Bamako en août. Cette décision marque la fin du dernier canal sécuritaire entre les deux pays, après plus d’une décennie de coopération militaire suivie d’une séparation progressive.

Tout est parti du 14 août 2025, lorsque les autorités maliennes ont annoncé l’arrestation d’un Français soupçonné d’être un agent travaillant pour les services de renseignements de Paris et accusé d’avoir participé à une tentative de déstabilisation des Institutions de la République. Pour Bamako, cette affaire est présentée comme une preuve supplémentaire de l’ingérence étrangère de la France, dans un contexte de défiance déjà très marqué.

La France a immédiatement réagi en dénonçant des « accusations sans fondement » et en rappelant que la personne arrêtée était un membre de son ambassade dûment accrédité par les autorités maliennes. Le Quai d’Orsay a exigé sa libération immédiate et dénoncé une violation flagrante du droit international. « Le Mali viole délibérément une des règles les plus fondamentales du droit international, s’agissant d’un agent diplomatique dûment accrédité par les autorités maliennes », a fustigé une source diplomatique française.

« Face à un acte d’une telle gravité et d’une telle hostilité, la France a décidé de suspendre la coopération avec le Mali dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans ce pays, à laquelle contribuait jusqu’à son arrestation l’agent arbitrairement détenu », a poursuivi cette source.

Dans la foulée, la crise a pris un tour encore plus frontal sur le plan diplomatique. Bamako a déclaré persona non grata cinq employés de l’ambassade de France, les sommant de quitter le pays. En représailles, Paris a expulsé deux diplomates maliens en poste à Paris, identifiés par plusieurs sources comme Ousmane Houmani Camara, Lieutenant-colonel de gendarmerie affecté à la section consulaire et Batné Ould Bouh Coulibaly, Contrôleur général de police. Tous deux sont présentés comme liés aux services de renseignement maliens.

Des conséquences limitées sur le plan opérationnel

L’impact de la suspension de la coopération antiterroriste entre la France et le Mali reste limité sur le terrain. Comme le rappellent plusieurs observateurs, la France n’a plus de présence militaire au Mali depuis 2022. « Cette décision est avant tout symbolique, les deux pays n’ayant plus de collaboration opérationnelle sur le terrain depuis le retrait des forces françaises », explique un analyste sécuritaire.

Depuis plusieurs années déjà, les Forces armées maliennes (FAMa) conduisent seules leurs opérations, appuyées par leurs nouveaux partenaires étrangers, principalement russes. L’acquisition de drones, d’autres matériels militaires de pointe et un appui technique extérieur leur ont permis d’engranger des victoires lors de plusieurs offensives contre les groupes armés terroristes et de reprendre le contrôle de larges zones du territoire national.

Si la suspension française prive Bamako d’un accès à certaines sources de renseignement sophistiquées, elle ne modifie pas fondamentalement la conduite de la guerre contre les groupes terroristes. Selon certains observateurs, cette décision n’affaiblira pas la capacité des FAMa à poursuivre leurs opérations. « La vérité, c’est que cette prétendue coopération n’a jamais été une alliance, mais une tutelle déguisée. Sa fin ne doit pas être perçue comme une perte, mais comme une libération », estime Mohamed Famakan Keïta, analyste politique.

Une décennie de coopération militaire intense

Avant la dégradation continue des relations entre Bamako et Paris depuis 2021, le Mali et la France entretenaient un partenariat sécuritaire stratégique. En janvier 2013, la France déclenche l’opération Serval, sur demande de Bamako, pour empêcher l’effondrement du pays face à l’avancée des groupes terroristes et indépendantistes. En quelques semaines, les troupes françaises, appuyées par des forces africaines, libèrent plusieurs villes du Nord. L’opération est saluée comme un succès militaire, rétablissant provisoirement la stabilité dans le Septentrion malien.

Dès 2014, Serval cède la place à Barkhane, une force régionale élargie à cinq pays du Sahel, avec une forte présence au Mali. La coopération sécuritaire franco-malienne s’organise alors autour d’opérations conjointes, de formations, de l’équipement des forces armées maliennes et du partage de renseignements. Sur le plan tactique, les résultats sont réels, puisque des chefs terroristes sont neutralisés, que les FAMa acquièrent de l’expérience et que les opérations aériennes françaises empêchent de nouvelles percées vers le Sud.

La fin du partenariat de terrain en 2022

Malgré l’engagement massif de la France, l’insécurité ne cesse de s’étendre, notamment dans le centre du pays, où les tensions communautaires se mêlent à l’action des groupes armés. Les critiques se multiplient contre la France, accusée d’inefficacité. Le sentiment populaire se retourne et le coup d’État 2021 accélère la rupture.

Les militaires au pouvoir, portés par un discours souverainiste, dénoncent la tutelle française et cherchent de nouveaux partenaires. L’arrivée d’instructeurs russes dans le pays, présentés par Bamako comme des formateurs officiels mais perçus par Paris comme des membres du groupe paramilitaire Wagner, accentue la fracture.

En juin de la même année, le Président français Emmanuel Macron annonce la réorganisation du dispositif Barkhane, prélude à un retrait progressif. Le départ du dernier soldat français marque la fin de la coopération militaire directe en août 2022.

Malgré ce divorce, un canal discret subsistait, celui du renseignement antiterroriste. Paris et Bamako continuaient d’échanger des informations sensibles, notamment des écoutes téléphoniques sur les communications de groupes armés opérant au Sahel. Cette coopération, quoique discrète, consistait en fournir des renseignements et une assistance technique limitée.

Pour les FAMa, ces informations constituaient un atout, même si elles avaient appris à conduire leurs opérations de manière autonome. Pour Paris, ce partage offrait encore un regard sur une zone toujours stratégique pour ses intérêts.

Un bilan contrasté

Le bilan de la coopération sécuritaire entre le Mali et la France est contrasté. D’un côté, l’intervention française a sauvé le Mali d’un effondrement militaire en 2013 et permis des succès tactiques importants. Les FAMa ont bénéficié d’un renforcement de leurs capacités et d’un accompagnement dans la formation.

De l’autre, l’incapacité à stabiliser durablement le pays et à contenir la progression du terrorisme a nourri le sentiment d’échec. Pour Paris, l’aventure malienne s’est transformée en bourbier, illustrant les limites de son modèle d’intervention au Sahel. Pour Bamako, l’allié d’hier est devenu un symbole de dépendance à dépasser.

Une succession de crises diplomatiques depuis 2022

La suspension de la coopération antiterroriste entre la France et le Mali n’est en réalité que l’ultime épisode d’une série de tensions récurrentes qui ont jalonné les relations entre Bamako et Paris ces dernières années.

Le 31 janvier 2022, le Mali frappe un grand coup diplomatique en expulsant l’ambassadeur de France, Joël Meyer, après des propos jugés « hostiles et condescendants » tenus par des responsables français sur la légitimité des autorités de la Transition. Cette expulsion, rarissime entre deux pays liés par une longue histoire de coopération, marque une rupture symbolique profonde.

Quelques mois plus tard, le 2 mai 2022, Bamako franchit une étape supplémentaire en dénonçant officiellement les accords de défense qui le liaient à la France et à ses partenaires européens, notamment ceux engagés dans la Task Force Takuba. Ce geste traduisait la volonté assumée des autorités maliennes de tourner la page du partenariat militaire occidental et d’affirmer leur souveraineté sécuritaire.

Les tensions se sont poursuivies sur le terrain diplomatique et consulaire. Le 10 août 2023, Paris et Bamako suspendent réciproquement la délivrance de visas pour leurs ressortissants, une mesure, aux importantes conséquences directes pour des milliers de familles et d’étudiants, qui témoigne du niveau de défiance atteint entre les deux capitales. Le 16 septembre 2023, la France va plus loin en suspendant l’octroi de visas étudiants pour les ressortissants du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Ces suspensions ont duré plusieurs mois avant leur levée à partir d’avril 2024.

Avec l’arrestation d’un agent français, les expulsions croisées de diplomates et la suspension de la coopération antiterroriste, le dernier lien sécuritaire entre Bamako et Paris a volé en éclats. Le divorce, désormais consommé, illustre la rupture profonde entre deux pays liés hier par une histoire militaire et diplomatique intense mais aujourd’hui enfermés dans une défiance réciproque.

Mohamed Kenouvi

Rentrée scolaire : Entre difficultés économiques et déficit en enseignants

Le 1er octobre 2025 marque la reprise des cours sur l’ensemble du territoire malien. L’annonce, faite par le ministère de l’Éducation nationale le 3 septembre, intervient dans un contexte tendu, où les familles et les enseignants font face à des obstacles majeurs.

À Bamako comme en régions, les préparatifs sont loin d’être à la hauteur des attentes. Dans plusieurs écoles, l’administration et les Comités de gestion scolaire (CGS) assurent l’essentiel, mais la fréquentation des parents reste faible. Beaucoup retardent l’inscription faute de moyens financiers. Certains recourent même à des crédits bancaires pour payer fournitures et frais scolaires. Dans certaines zones reculées, la situation est encore plus préoccupante, les établissements n’ayant pas reçu à temps les manuels scolaires ni les fournitures pédagogiques de base.

Les difficultés ne s’arrêtent pas là. Le Système intégré de gestion des ressources humaines (SIGRH) a placé en détresse 36 151 fonctionnaires, dont environ 5 000 enseignants concernés par des problèmes d’identification. La fusion de plusieurs directions scolaires dans des établissements, comme le groupe Marie Diarra d’Hamdallaye, a aussi pesé sur les préparatifs. « Avec la démoralisation liée au SIGRH, il y a un vrai risque de perturbations, malgré les compromis entre syndicats et gouvernement », confie Odiouma Sinayoko, professeur dans cet établissement. Les syndicats enseignants ont d’ailleurs réitéré leur appel à une régularisation rapide, soulignant que l’instabilité du personnel compromet directement la qualité de l’enseignement dès les premières semaines.

D’autres responsables affichent néanmoins plus d’optimisme. Aïchatou Camara, Directrice du groupe scolaire Mamou Goundo Simaga à Badalabougou, souligne que son école dispose des outils pédagogiques nécessaires grâce au fonds ADARS et à l’appui du CGS. Le Président du CGS local, Oumar Aboubacar Coulibaly, évoque des efforts d’entretien (désherbage, réparation des bancs, renoircissage des tableaux), mais regrette que « seuls deux à cinq parents par jour viennent inscrire leurs enfants », un chiffre insuffisant à la veille de la rentrée.

Au-delà des difficultés logistiques, l’insécurité continue d’aggraver la crise éducative. De nombreux enfants sont déscolarisés ou réfugiés avec leurs familles. Selon le rapport du Cluster Éducation Mali (juin 2025), 610 800 élèves et 12 216 enseignants restent directement touchés par la fermeture de près de 20% des écoles du pays.

Ce constat illustre un défi de taille, celui de garantir à chaque enfant son droit fondamental à l’éducation malgré la pauvreté et les violences. Comme le rappelait Nelson Mandela, « détruire un pays n’a pas besoin d’utiliser les armes, il suffit de priver ses enfants d’éducation ».

Ali Sankaré

Hausse du prix du carburant : L’insécurité mise en cause

Mahina, Niafunké, Yorosso : plusieurs localités du Mali connaissent une flambée du prix du carburant. Ces hausses, imputables à la situation sécuritaire, varient d’une zone à l’autre. En attendant des mesures durables, les populations s’adaptent, entre inquiétude et résignation.

Le prix du carburant connaît depuis quelques jours une hausse importante dans certaines localités du pays. Cette augmentation est une conséquence directe des difficultés d’approvisionnement, notamment après l’attaque d’un convoi de camions citernes dont certains ont été incendiés.

Selon des médias locaux, le 17 septembre à Mahina, le bidon de 20 litres d’essence est passé de 13 000 à 15 000 francs CFA, soit 850 francs CFA le litre contre 750 francs auparavant. Le détournement d’une citerne, vidée de son contenu, serait à l’origine de cette hausse, selon les acteurs. Ces derniers craignent désormais des difficultés d’approvisionnement dans les semaines à venir, ce qui fait planer un risque de pénurie de carburant dans cette localité.

Si ces localités partagent une augmentation subite et anarchique du prix du carburant, les raisons invoquées diffèrent d’une ville à l’autre. À Niafunké, l’augmentation s’est appliquée de manière anarchique. « Dès que les citernes ont été attaquées sur la route de Kayes, ils ont changé les prix », témoigne un habitant. Le litre est passé de 800 à 1 500 francs CFA, seul un vendeur ayant maintenu ses prix habituels. Pour protester, certains habitants ont arrêté leurs motos. Le 23 septembre, un nouveau ravitaillement a mis fin à la pénurie qui s’installait, offrant un répit aux usagers.

À Yorosso, le litre d’essence est entre 1 500 et 2 000 francs CFA depuis le 22 septembre. En cause, l’insécurité sur la route entre le Burkina Faso et Yorosso, via Kouri. Cet axe est soumis à des braquages et enlèvements, dissuadant les commerçants d’emprunter cette route.

Situation instable

À Bamako, certaines stations-services ont enregistré des hausses de 25 francs CFA à 50 francs CFA, sans dépasser les prix officiels en vigueur depuis mars 2025. En effet, le 26 mars 2025, les prix à la pompe pour le super carburant et le gasoil sont passés respectivement de 800 à 775 francs CFA et de 750 à 725 francs CFA, soit une baisse de 25 francs CFA par litre.

Ces hausses locales du prix du carburant représentent un défi supplémentaire et sont le reflet des conséquences de la tension sécuritaire, qui cible de plus en plus l’économie malienne.

Fatoumata Maguiraga

Demba Mamadou Traoré : « Il faut aller chercher la qualification et le trophée »

Le Mali abrite du 5 au 18 octobre prochain le tournoi UFOA-A U17 2025, qualificatif pour la CAN de la catégorie, prévue en 2026 au Maroc. À quelques jours du début de la compétition, le sélectionneur national des Aigles U17, Demba Mamadou Traoré, s’est confié à Journal du Mali. Propos recueillis par Mohamed Kenouvi

À une semaine du début du tournoi, où en êtes-vous avec les préparatifs de l’équipe ?

Les préparatifs vont bon train. Il y a d’abord eu la phase de détection, suivie d’une première mise au vert à Kabala. Nous étions rentrés avec 35 joueurs. À l’issue de cette phase, 5 joueurs sont partis et nous avons entamé la seconde phase. Lors de la première phase, nous avons disputé 3 matchs amicaux et, pour la 2ème phase, nous allons jouer 2 autres matchs amicaux pour finir avec 25 joueurs. Je pense que dans l’ensemble la préparation se déroule bien. Nous continuons notre petit bonhomme de chemin.

Qu’est-ce qui est prévu pour la suite d’ici le début du tournoi ?

Nous aurons une troisième phase de préparation, qui sera ponctuée par un match amical qui nous mènera directement au tournoi.

Peut-on avoir une idée du groupe de joueurs disponibles actuellement ?

Nous avons aujourd’hui 30 joueurs sous la main (24 septembre 2025, Ndlr), mais au final nous arrêterons une liste de 28 joueurs, dont 3 réservistes, pour entamer la compétition. La liste définitive sera disponible très bientôt.

Que pensez-vous de la Poule A, où le Mali est logé aux côtés du Libéria, de la Gambie et de la Guinée-Bissau ?

Nous avons deux pays anglophones et un pays lusophone. Les cultures footballistiques diffèrent forcément. Nous allons nous adapter et faire avec. C’est une compétition de jeunes. Le Mali a un rôle à jouer et nous n’allons pas déroger à cette règle. Il faut aussi être conscient que toutes les équipes qui participent à cette compétition ont un bon niveau.

Le Mali abrite le tournoi. Cela met-il un peu plus de pression sur les Aiglonnets ?

Forcément, cela met de la pression. Mais c’est à nous de positiver cette pression. La compétition se joue chez nous. Il faut aller chercher la qualification et faire tout pour aller jusqu’au bout pour le trophée. Nous allons rester très professionnels et travailler dans ce sens.

Au vu de la préparation entamée depuis un moment et qui se poursuit, pensez-vous que vos joueurs seront fin prêts pour la compétition ?

Je pense qu’ils sont prêts. Il y a encore de petits réglages que nous allons continuer à faire jusqu’au début du tournoi, mais globalement l’essentiel est déjà fait.

Retrait de la CPI : Une décision politique aux effets juridiques limités

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé le 22 septembre 2025 leur retrait « avec effet immédiat » de la Cour pénale internationale, dénonçant une justice sélective et néocoloniale. Une décision au fort poids politique, mais dont la portée juridique est encadrée et différée dans le temps.

Les trois pays sahéliens ont adhéré au Statut de Rome peu après son adoption : le Mali en août 2000, le Niger en avril 2002 et le Burkina Faso en avril 2004. Ils avaient alors conclu des accords facilitant l’installation et le travail de la Cour, une coopération qu’ils jugent aujourd’hui devenue une contrainte. Dans leur communiqué, ils accusent la CPI de pratiquer une « justice sélective » et de garder un « mutisme complaisant » face à certains crimes, tout en s’acharnant contre ceux exclus du « cercle fermé des bénéficiaires de l’impunité internationale ». Parmi eux, seul le Mali a formellement déféré une situation à la Cour, en juillet 2012, après la chute du Nord face aux groupes armés. L’enquête avait été ouverte en janvier 2013, sur la base de l’article 13 du Statut, permettant à un État partie de saisir la juridiction pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide.

Deux affaires emblématiques ont suivi. Ahmad Al Faqi Al Mahdi a été condamné le 27 septembre 2016 pour la destruction des mausolées de Tombouctou, sur le fondement de l’article 8-2-e)iv) relatif aux atteintes aux biens culturels. Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud a été reconnu coupable le 26 juin 2024 de crimes de guerre et crimes contre l’humanité et condamné le 20 novembre 2024 à dix ans d’emprisonnement, peine réduite de douze mois le 23 juillet 2025.

Réparations en cours

L’affaire Al Mahdi a marqué un tournant en devenant en 2016 le premier procès pour destruction de biens culturels. En août 2017, la Chambre de première instance a ordonné 2,7 millions d’euros de réparations, financées en partie par le Fonds au profit des victimes, qui a mobilisé 1,35 million d’euros. Près de 989 victimes ont déjà bénéficié de réparations individuelles et une phase collective a été engagée en juillet 2022 à Tombouctou, incluant la réhabilitation de sites et un soutien communautaire.

Dans l’affaire Al Hassan, la décision sur les réparations est toujours attendue. Selon Mme Margo du bureau de l’information de la CPI à Bamako, « l’affaire Al Hassan est au stade des réparations pour les victimes. Nous attendons d’ailleurs une décision prochaine sur le type de réparations », soulignant que le processus reste pleinement en vigueur malgré l’annonce du retrait. Conformément à l’article 127 du Statut de Rome, ce retrait « ne libère pas l’État des obligations contractées » et « n’affecte pas la compétence de la Cour sur les affaires déjà engagées ».

Un retrait juridiquement limité

Le communiqué de l’AES parle d’un retrait « avec effet immédiat », alors que l’article 127-1 prévoit qu’il n’entre en vigueur qu’un an après notification au Secrétaire général de l’ONU. Comme le rappelle Mme Margo, ce délai implique que les obligations de coopération se poursuivent jusqu’en septembre 2026 et que les crimes commis jusque-là restent dans le champ de compétence de la Cour. Amnesty International a également réagi, soulignant que « le retrait du Statut de Rome n’aurait aucune incidence sur l’enquête en cours au Mali ni sur les obligations de coopération de l’État envers la Cour, mais il compromettrait l’accès futur des victimes de crimes graves à la justice internationale », selon Marceau Sivieude, Directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Pour Dr Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques, cette annonce s’inscrit dans la dynamique des retraits précédents mais surprend au moment où le Mali saisit la CIJ. Il avertit que la souveraineté ne doit pas conduire à l’isolement et plaide pour le renforcement de juridictions nationales compétentes et impartiales.

Les précédents du Burundi, sorti en octobre 2017, et des Philippines, en mars 2019, confirment que la CPI conserve sa compétence pour les crimes commis avant le retrait. D’autres pays africains avaient amorcé la même démarche avant de reculer : la Gambie de Yahya Jammeh, dont la notification d’octobre 2016 a été annulée après l’alternance politique, et l’Afrique du Sud, où la justice a jugé la procédure inconstitutionnelle. Ces exemples illustrent que les annonces de dénonciation du Statut de Rome peuvent être réversibles.

Dynamique régionale

Au-delà du droit, l’annonce du 22 septembre 2025 s’inscrit dans le repositionnement politique de l’AES, marqué par le retrait du G5 Sahel en 2022, la sortie de la CEDEAO en janvier 2024, puis la suspension de sa participation à l’Organisation internationale de la Francophonie en 2024. Quelques jours plus tôt, du 15 au 17 septembre 2025 à Niamey, les ministres de la Justice avaient évoqué la création d’une Cour pénale sahélienne des droits de l’Homme pour juger les crimes internationaux, le terrorisme et la criminalité organisée. Présentée comme une justice « endogène », cette initiative reste entourée d’incertitudes, tant sur son financement que sur l’indépendance des juges, les garanties procédurales et le calendrier de sa mise en œuvre.

Relation complexe

L’Afrique compte 33 États parties au Statut de Rome, soit plus d’un quart des membres, mais est la région la plus concernée, avec neuf situations ouvertes depuis 2002. Plusieurs dirigeants africains ont été visés, d’Omar el-Béchir à Uhuru Kenyatta, tandis que Laurent Gbagbo avait été transféré à La Haye avant son acquittement en 2021. Plus récemment, la Cour a émis des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et Benjamin Netanyahu, montrant que sa compétence peut s’étendre à des États non signataires par renvoi du Conseil de sécurité ou selon la reconnaissance territoriale.

Mme Margo rappelle que « la CPI est une cour de dernier recours », complémentaire des juridictions nationales, et cite les saisines du Mali, de la RDC, de l’Ouganda ou encore de la Centrafrique. Elle insiste aussi sur le fait que la Cour mène des enquêtes bien au-delà de l’Afrique, « notamment en Palestine, au Venezuela, en Géorgie, en Ukraine, au Bangladesh / Myanmar ou encore en Afghanistan ».

Les victimes, premières concernées

La question des victimes reste centrale. Les réparations de l’affaire Al Mahdi se poursuivent malgré le retrait, mais le Fonds au profit des victimes, qui dépend de contributions volontaires, pourrait être fragilisé par des difficultés d’accès au terrain. Dans l’affaire Al Hassan, la décision sur les réparations est encore attendue et les victimes maliennes resteront sous la compétence de la Cour jusqu’en septembre 2026. « La CPI a permis à de nombreuses victimes de voir les présumés auteurs de crimes jugés et, dans les affaires où des condamnations ont été prononcées, de recevoir des réparations », rappelle Mme Margo.

Aucun impact sur la CIJ

La décision de l’AES n’affecte pas les procédures devant d’autres juridictions internationales, comme la Cour internationale de Justice de La Haye, où le Mali a déposé le 16 septembre une plainte contre l’Algérie pour la destruction d’un drone à Tinzaouaten. La CIJ, qui juge les différends entre États en vertu de son Statut, est une juridiction distincte de la CPI. Le retrait annoncé ne change rien à cette procédure.

En tout état de cause, l’annonce du 22 septembre marque une rupture politique forte, l’AES affirmant sa volonté de se distancier d’une institution jugée partiale et d’envisager une alternative régionale. Sur le plan juridique, l’article 127 du Statut limite toutefois les effets du retrait, puisque les affaires maliennes se poursuivent, que les condamnations et réparations demeurent et que la compétence de la Cour reste valable jusqu’en septembre 2026. Cette tension entre souveraineté et obligations pose la question de savoir si une future Cour sahélienne pourra garantir aux victimes le même niveau de justice que la CPI.

MD

Compétitions CAF : Le Stade Malien et le Djoliba AC prêts pour l’aventure continentale

Le Stade Malien de Bamako et le Djoliba AC représenteront le Mali en Ligue des champions et en Coupe CAF pour la saison 2025 – 2026. Après des semaines de préparation active, les deux clubs entrent en lice ce week-end avec le début des tours préliminaires.

Le premier tour préliminaire des deux compétitions sera joué en matchs aller-retour, qui se tiendront respectivement du 19 au 21 et du 26 au 28 septembre 2025. Les clubs victorieux se qualifieront pour le deuxième tour préliminaire, prévu du 17 au 19 octobre, avec les matchs retour programmés une semaine plus tard, du 24 au 26 octobre.

Objectif : phase de groupes

Pour lancer son aventure en Ligue des champions, le Stade Malien, champion du Mali en titre, se déplace pour affronter en match délocalisé à Douala les Centrafricains de Tempête MOCAF ce dimanche 21 septembre.

Après une mise au vert à Bougouni, suivie de la participation au tournoi de pré-saison à Kankan, en Guinée, du 31 août au 6 septembre, les Blancs de Bamako ont terminé leur préparation en disputant plusieurs matchs amicaux, soldés par des victoires, à Bamako. L’objectif pour les pensionnaires de Sotuba est d’intégrer pour la première fois la phase de groupes de la Ligue des champions et d’y réaliser un parcours honorable.

« Nous avons eu le temps de nous préparer pour la compétition. Avec l’arrivée de nouveaux joueurs qui renforcent l’équipe, nous pouvons affronter n’importe quel adversaire sans crainte », assure le milieu de terrain Haman Mandjan.

De son côté, le Djoliba AC, finaliste de la Coupe du Mali la saison passée et représentant du pays en Coupe CAF, démarre également sa campagne ce 21 septembre, avec un déplacement au Nigéria pour défier Abia Warriors FC.

Les Rouges de Hérèmékono visent aussi une qualification en phase de groupes de cette compétition, après une première historique en Ligue des champions la saison passée, et semblent bien affûtés pour atteindre cet objectif.

En effet, sous la houlette du nouvel entraîneur ivoirien Boudo Mory, après un stage bloqué à Koulikoro, le Djoliba AC a remporté le tournoi de Kankan en Guinée et la West Africa Champions Cup, avec une équipe en reconstruction mais en pleine montée en puissance.

Ali Sankaré

SENARE : Quatre éditions sans réconciliation réelle

La 4ème édition de la Semaine Nationale de la Réconciliation se déroule du 15 au 21 septembre 2025 à Bamako. Trois ans après sa création, ce rendez-vous, voulu comme un temps fort pour panser les plaies du Mali, peine encore à traduire ses promesses en résultats concrets.

Instituée par la Loi d’Entente Nationale de 2019, la SENARE a été lancée pour la première fois en 2022. Elle devait servir de cadre symbolique et pédagogique pour sensibiliser les citoyens aux valeurs de paix, de cohésion et de vivre-ensemble. Chaque année, la semaine est marquée par des conférences, des débats, des émissions en langues nationales, des expositions artistiques, des prières collectives, des campagnes de reboisement et des panels sur le rôle des femmes. L’édition 2025, ouverte au Centre international de conférences de Bamako, a pour thème « Héritage culturel : facteur de paix et de cohésion sociale dans l’espace AES », dans une volonté affichée de puiser dans les ressources culturelles pour renforcer l’unité.

Au fil des quatre éditions, les organisateurs ont multiplié les activités de sensibilisation et les symboles de rassemblement. Pourtant, les résultats tangibles restent limités. Aucun élément ne montre que la SENARE ait permis de renouer un dialogue direct avec les groupes armés hostiles à l’État. Ni le Front de libération de l’Azawad, ni les organisations jihadistes comme le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM), lié à Al-Qaïda, ou la branche sahélienne de l’État islamique n’ont pris part au processus. Tous, qui se combattaient parfois entre eux, semblent désormais considérer l’État comme leur adversaire commun. Le dialogue reste donc rompu et les lignes de fracture demeurent inchangées.

L’insécurité monte en flèche

La situation sécuritaire illustre cette impasse. Plusieurs axes stratégiques restent sous la menace de blocus imposés par les groupes armés. La route Bamako – Diéma – Kayes, celle de Nioro, la RN16 reliant Sévaré à Gao, la RN17 menant vers le Niger ou encore la RN20 en direction de Koutiala, Sikasso et Bougouni, sont régulièrement citées parmi les corridors les plus exposés. Les opérations militaires menées par l’armée, appuyées par des couvre-feux locaux, témoignent de la gravité des menaces. Mais la violence n’a pas été circonscrite et la libre circulation reste compromise dans plusieurs régions.

Tensions politiques

Le contexte politique ajoute à la complexité. La dissolution de tous les partis, la détention de figures politiques et l’exil de leaders d’opinion pèsent sur le climat national. Dans ces conditions, la réconciliation prônée pendant la SENARE peine à trouver un écho concret. D’ailleurs, la remise en juillet 2025 de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation, texte de 16 titres, 39 chapitres et 106 articles, devait offrir un cadre de référence. Mais une interrogation demeure : combien d’opposants ou de groupes hostiles à l’État se reconnaissent dans ce document ? À ce jour, aucun indicateur ne permet de confirmer son appropriation réelle.

La SENARE a donc mis en avant des initiatives de sensibilisation, des activités culturelles et des gestes symboliques, mais elle n’a pas encore permis de réduire les violences ni de poser les bases d’un dialogue politique inclusif. Elle a surtout fonctionné comme un instrument de communication nationale, sans créer l’espace attendu de médiation entre l’État et les groupes armés.

Des succès

Des comparaisons internationales offrent des points de repère. En Côte d’Ivoire, après la crise de 2010 – 2011, le Dialogue politique avait intégré des représentants d’anciens groupes armés et abouti à des libérations conditionnelles. Au Rwanda, les juridictions communautaires Gacaca ont été instaurées après le génocide pour favoriser une justice de proximité et une réconciliation enracinée dans les communautés. Ces expériences montrent que la réconciliation durable exige des mécanismes inclusifs, continus et institutionnalisés, allant au-delà d’une simple semaine commémorative.

Après quatre éditions, la SENARE demeure un espace de sensibilisation utile, mais elle n’a pas encore produit les résultats attendus en termes de paix et de cohésion nationale. Le risque est que cette initiative devienne une cérémonie parmi d’autres, sans la portée particulière qu’elle mérite. L’urgence, pour l’État comme pour les acteurs de la société, est de transformer cette semaine en un véritable levier de dialogue et d’actions concrètes afin qu’elle s’inscrive dans le quotidien des Maliens bien au-delà de ses dates officielles.

MD