Liberté de la presse en Afrique de l’Ouest : Entre espoirs et reculs

Le dernier classement de Reporters Sans Frontières (RSF) révèle une situation contrastée en Afrique de l’Ouest. Si certains pays enregistrent des avancées notables, d’autres connaissent des reculs préoccupants.

Au Burkina Faso, la situation s’est nettement détériorée. Le pays, confronté à une explosion de la désinformation alimentée par la menace sécuritaire, a chuté de 19 places, passant de la 86ème position en 2024 à la 119ème dans le nouveau classement.

RSF impute cette dégringolade à la montée de l’insécurité et à l’instabilité politique, liée aux deux coups d’État, survenus en janvier et en septembre 2022, qui ont « considérablement dégradé les conditions d’accès à une information plurielle et l’exercice d’un journalisme libre ».

L’autre pays membre de la Confédération AES, le Niger, a également régressé en matière de liberté de la presse. Cependant, ce recul de 3 places (de la 80ème en 2024 à la 83ème en 2025) est le moins important au sein de l’AES.

Cette disparité dans l’AES se retrouve également dans la CEDEAO, l’autre organisation sous-régionale. La Côte d’Ivoire a perdu 11 places et est désormais classée 64ème, tandis que le Sénégal continue de progresser dans ses efforts pour garantir une liberté de presse accrue dans le pays.

Avec 20 places gagnées par rapport au classement 2024, le pays de la Téranga se positionne comme l’un des plus sûrs pour l’exercice du journalisme et le travail des médias en Afrique occidentale.

Cependant, c’est le Cap-Vert (30ème), 3ème en Afrique derrière l’Afrique du Sud et la Namibie, qui vient en tête du classement RSF pour la région ouest-africaine. « Le pays se distingue dans la région par un cadre de travail favorable pour les journalistes. La liberté de la presse est garantie par la Constitution », souligne le rapport.

Même si, de son côté, la Gambie n’a pas progressé et a conservé sa place de 58ème du classement précédent de 2024, le pays montre des signes positifs en matière de liberté de la presse depuis quelques années.

Des avancées telles que des réformes législatives, notamment l’adoption d’une loi d’accès à l’information et la dépénalisation de la diffamation, ont contribué à une baisse des attaques visant les journalistes et à une amélioration du climat médiatique.

Mohamed Kenouvi

Playoffs NBA 2025 : Surprises et nouveaux équilibres

Les demi-finales de Conférences des playoffs NBA 2025 ont démarré le 4 mai 2025 sur les chapeaux de roue, avec des résultats inattendus qui redessinent déjà la hiérarchie habituelle.

À l’Est, les Cleveland Cavaliers ont été cueillis à froid le 4 mai à domicile par les Indiana Pacers (121-112). Portée par Tyrese Haliburton, l’équipe de l’Indiana confirme son excellente dynamique après avoir éliminé les Bucks et met les Cavs sous pression dès le début de la série.

De leur côté, les Boston Celtics, favoris et champions en titre, ont également chuté à domicile face aux New York Knicks lors du premier match de la série, disputé lundi. Menés de 20 points, les Knicks ont renversé la situation grâce à une défense intense et à un Jalen Brunson exceptionnel, l’emportant en prolongation 108-105.

À l’Ouest, la surprise est venue des Denver Nuggets, qui ont battu les Oklahoma City Thunder mardi sur leur terrain. Le tir décisif d’Aaron Gordon dans les dernières secondes a permis aux champions de 2023 de prendre un avantage psychologique dans une série qui s’annonce disputée. Face à eux, OKC devra rapidement faire preuve de maturité pour ne pas laisser filer une saison prometteuse. Le 2ème match de la série est prévu ce jeudi 8 mai.

Enfin, le duel entre Minnesota et Golden State, attendu comme le choc générationnel de ces playoffs, a tenu ses promesses lors du premier match, disputé dans la nuit de mardi à mercredi. Les jeunes Timberwolves, emmenés par Anthony Edwards, défient les vétérans des Warriors et l’inoxydable Stephen Curry. Au-delà du spectacle, cette série incarne une possible transition dans la NBA, entre l’ère des dynasties passées et celle des nouvelles ambitions.

Entre confirmations et surprises, ces demi-finales dévoilent trois enjeux majeurs : la capacité des favoris à réagir, l’émergence d’outsiders solides et le choc entre l’expérience et la jeunesse. Rien n’est joué et chaque match pourrait s’avérer décisif dans la course au titre.

Ces matchs suivent un format classique, au meilleur des sept confrontations (Best-of-seven). Chaque série oppose deux équipes et la première qui remporte quatre matchs se qualifie pour la finale de Conférence. En d’autres termes, le vainqueur est simplement l’équipe qui atteint quatre victoires en premier, peu importe l’écart de points cumulés. Chaque match compte individuellement et la série peut durer de 4 à  7 matchs.

Mohamed Kenouvi

Tabaski 2025 : Le Mali riche en moutons difficiles d’accès

Chaque année à l’approche de la Tabaski, les marchés à bétail s’emplissent d’effervescence. Pourtant, l’accès à un mouton est un luxe pour une majorité de Maliens. À quelques semaines de l’Aïd el Adha, les indicateurs économiques et les tensions régionales font craindre une nouvelle fête inégalitaire.

Le Mali, avec un cheptel estimé à 19,2 millions de moutons en 2020, reste un acteur majeur de l’élevage en Afrique de l’Ouest. Pourtant, cette abondance ne se traduit pas par une accessibilité pour les populations locales. En 2024, sur les marchés de Bamako, un mouton moyen coûtait entre 75 000 et 250 000 francs CFA, avec des spécimens dépassant souvent 350 000 francs. Pour beaucoup, ces prix sont inatteignables.

Malgré cela, le Mali continue de jouer un rôle central dans l’approvisionnement régional. En 2024, le pays a exporté près de 110 000 moutons vers le Sénégal, soit  37% des importations sénégalaises pour la Tabaski. Ce commerce transfrontalier illustre un paradoxe. Alors que des moutons quittent le Mali en masse, les familles maliennes peinent à s’en procurer un. En valeur, les exportations de bétail, estimées à 140 milliards de francs CFA en 2021, ont chuté à 62 milliards en 2022, impactées par l’insécurité croissante dans les zones pastorales, la flambée des prix du transport, la cherté des aliments bétail et les prélèvements illégaux orchestrés par des groupes armés sur les routes commerciales.

Les éleveurs doivent également composer avec un accès difficile au financement. Les crédits d’accompagnement promis par les autorités arrivent souvent trop tard pour être utiles ou ne sont pas renouvelés. Le coût de production augmente alors que les débouchés se réduisent. Les petits exploitants n’ont d’autre choix que de vendre à perte ou de se retirer temporairement du marché.

Le paradoxe est d’autant plus criant que le secteur bénéficie officiellement d’un cadre juridique clair. La Loi d’Orientation Agricole (LOA), adoptée en 2006, reconnaît la place stratégique de l’élevage dans le développement rural et la sécurité alimentaire. Mais, entre le texte et sa mise en œuvre, l’écart est béant. Le Projet de Développement Durable des Exploitations Pastorales au Sahel (PDDES), lancé en 2023, ambitionnait pourtant de renforcer la résilience des éleveurs face aux chocs climatiques et sécuritaires. Sa portée sur le terrain, toutefois, est difficile à évaluer. De plus, depuis trois ans, les autorités de la Transition ont décidé d’octroyer 10% des recettes issues du coton aux éleveurs et acteurs du secteur. Un geste politique fort, mais dont les effets concrets sont encore peu mesurables à l’échelle nationale.

Frontières fermées, circuits cassés

Le commerce régional du bétail, longtemps vital pour les éleveurs maliens, traverse une période trouble. En avril 2025, le Gouverneur de Kankan, en Guinée, a ordonné l’expulsion de tous les troupeaux maliens présents dans sa région, en invoquant les règles de la CEDEAO sur la transhumance. Si le nombre de bêtes refoulées n’a pas été officiellement communiqué, la mesure a frappé durement les éleveurs, déjà éprouvés par des mois d’insécurité. En Côte d’Ivoire, un an plus tôt, 150 Maliens vivant du commerce du bétail avaient été expulsés du quartier Abattoir de Port-Bouët, à Abidjan, dans le cadre d’un programme d’aménagement urbain. Ce déguerpissement a mis fin à des années de présence économique et sociale des éleveurs maliens sur l’un des marchés les plus stratégiques de la région.

Ces événements marquent un tournant dans les relations économiques régionales et révèlent la précarité structurelle d’un secteur vital. Privés d’accès à des circuits commerciaux stables, les éleveurs se retrouvent piégés dans une spirale de vulnérabilité économique. Les marchés de substitution sont rares, les débouchés se réduisent et les coûts explosent. Le manque d’infrastructures, combiné à l’absence de politiques d’intégration régionale efficaces, fragilise davantage les réseaux d’échange traditionnels. Une étude du CILSS note que plus de 60% des flux commerciaux pastoraux de l’espace ouest-africain sont informels.

À l’intérieur du Mali, les difficultés s’additionnent. Faute d’infrastructures adéquates pour la vente, d’accès aux crédits à temps ou de régulation efficace des marchés, les éleveurs sont à la merci des spéculateurs.

Pourtant, une opération structurée existe. La vente promotionnelle de moutons mise en place par la Direction Nationale des Productions et des Industries Animales (DNPIA), en collaboration avec la DRPIA de Bamako, remonte à 2009. Son objectif était de proposer des moutons de qualité à moindre coût à la population et de réduire la pression spéculative sur les marchés traditionnels. En 2024, l’opération a porté sur un total de 32 000 têtes dans tout le pays, dont 22 000 destinées à Bamako. Les communes de Kayes, Sikasso, Ségou, Koutiala, Mopti, San et Tombouctou, ainsi que plusieurs sites de la capitale (Terrain de Lafiabougou, Commune III, Sogoniko, Hippodrome) ont accueilli ces points de vente.

Les animaux étaient répartis selon trois catégories identifiables par un code couleur : vert (1er choix), jaune (2ème choix) et rouge (3ème choix). À titre d’exemple, en  Commune III, 1 616 moutons ont été acheminés depuis Nioro du Sahel et répartis ainsi : 900 têtes de 100 000 à 140 000 francs CFA (1er choix), 566 entre 75 000 et 100 000 francs (2ème choix) et seulement 150 de 60 000 à 75 000 francs CFA (3ème choix) soulignant l’insuffisance de l’offre dans les catégories les plus accessibles.

Des mesures d’encadrement ont été prises : marquage des animaux, surveillance policière rotative à neuf jours de l’ouverture, contrôle vétérinaire par la DNPIA et la DRPIA, campagnes de sensibilisation sur les axes Nioro – Bamako. Plusieurs réunions préparatoires ont été tenues en amont avec les acteurs de la filière pour assurer la fluidité du dispositif.

Malgré cette organisation, la couverture est insuffisante. L’offre ne répond pas à la demande massive, en particulier dans les zones périphériques. De nombreux ménages se retrouvent encore contraints de recourir à l’endettement ou à la solidarité de quartier. Des collectes communautaires permettent parfois d’offrir un mouton aux familles les plus pauvres, mais ces élans de solidarité ne suffisent pas à pallier l’ampleur des besoins.

Le poids de l’insécurité est renforcé par une réalité peu connue mais documentée. Le bétail volé sert aussi de levier de financement pour les groupes armés terroristes. Selon des sources nationales, les pertes liées au vol organisé de bétail s’élèveraient à plus de 36 milliards de francs CFA par an. Cette manne illégale alimente les circuits du crime organisé et renforce les capacités logistiques des groupes djihadistes dans le centre et le nord du pays. Les éleveurs, extorqués ou menacés, voient non seulement leurs troupeaux disparaître mais aussi leur survie être compromise.

La décision des autorités maliennes de fermer sept marchés à bétail à Bamako, en septembre 2024, à la suite d’attaques terroristes, a marqué un tournant dans la gestion sécuritaire de la capitale. Les marchés de Lafiabougou-Koda, Sabalibougou, Faladié-Solola, Faladié-Zone Aéroportuaire, Niamana, Djélibougou et de la Zone Industrielle ont été fermés pour raisons d’ordre public. Si cette mesure visait à prévenir d’éventuelles infiltrations, elle a eu pour effet immédiat de désorganiser l’approvisionnement local et d’exacerber la flambée des prix dans les quartiers périphériques.

Une fête en sursis

La Tabaski n’est pas seulement un moment religieux. C’est aussi un révélateur social. Pour de nombreuses familles maliennes, ne pas pouvoir s’offrir un mouton à sacrifier est vécu comme une blessure, une humiliation silencieuse. Le Mali, pays d’éleveurs, ne parvient encore pas à organiser une Tabaski pour ses propres citoyens sans les mettre en difficulté.

Par ailleurs, les autorités sont critiquées pour leur manque d’anticipation et leur incapacité à réformer les filières d’élevage et à protéger les acteurs les plus vulnérables. Les organisations paysannes, quant à elles, réclament une meilleure représentativité et des mécanismes durables pour faire entendre leur voix. Le débat sur le modèle pastoral malien, longtemps reporté, s’impose aujourd’hui avec urgence. Il soulève des interrogations sur l’équité, la résilience face aux crises et le rôle de l’État dans la régulation de cette filière cruciale. À quelques semaines de la « Grande fête » de 2025, rien n’indique que la situation va s’améliorer.

À des milliers de kilomètres de là, le Maroc, lui aussi frappé par la cherté du mouton et la sécheresse, a décidé de renoncer au sacrifice rituel pour 2025. Une mesure radicale justifiée par la rareté des bêtes, leur coût prohibitif et la volonté d’éviter une inégalité flagrante entre les fidèles. Le contraste est saisissant. Tandis que certains pays optent pour des ruptures symboliques fortes, le Mali, riche en bétail mais en mal d’organisation, laisse ses citoyens se débrouiller seuls face à une fête de plus en plus coûteuse.

MD

Mamadou Oumar Sidibé : « Je crois toujours en un Mali prospère et émergent »

Dans l’entretien exclusif qu’il a bien voulu nous accorder, le Président du Parti pour la restauration des valeurs du Mali (PRVM-FASOKO) et de la plateforme ANW KO FASOKO, Mamadou Oumar Sidibé, répond sans détours à nos interrogations sur plusieurs sujets. Le PRVM-FASOKO, son parcours personnel et son engagement, la marche de la Transition et la probable dissolution des partis politiques sont, entre autres, les aspects évoqués. Propos recueillis par Mohamed Kenouvi

Le PRVM-FASOKO a été fondé en 2013. Quel bilan faites-vous de ces 12 années d’existence, en termes d’implantation et d’activités politiques ?

Après douze années d’existence, le PRVM-FASOKO se porte bien. Notre parti est implanté sur l’ensemble du territoire national, avec des structures de base solides et actives : comités, sous-sections et sections. Nos activités s’inscrivent pleinement dans l’objectif principal de tout parti politique, la conquête et l’exercice du pouvoir. Mais, au-delà, nous accordons une importance particulière à la formation citoyenne de nos militants, fondée sur des valeurs cardinales des Dambé, Danaya et Ladiriya, pour marquer notre présence sur l’ensemble du territoire.

Actuellement, on traite injustement les partis politiques de tous les maux. Une propagande inédite a souillé les hommes et les formations politiques. Je déplore cette stigmatisation croissante dont elles font l’objet. Pourtant, selon l’actuelle Constitution en vigueur, ce sont bien les partis politiques qui concourent à l’expression du suffrage universel et à la gestion de la Cité. C’est pourquoi je suis et reste convaincu que ce sont les acteurs politiques qui doivent bâtir la 4ème République à laquelle nous aspirons.

Comment évaluez-vous la représentativité du PRVM-FASOKO dans les instances de gouvernance locale, régionale et nationale depuis sa création ?

Depuis sa création, le PRVM-FASOKO a participé à toutes les élections. À ce jour, il dispose de près de 400 élus communaux. Aux législatives de 2016, nous avons obtenu 2 députés. En 2018, j’ai été candidat à l’élection présidentielle et me suis classé au rang de 10ème sur 24 candidats. Lors des législatives de 2020, nous avons obtenu 5 sièges à l’Assemblée nationale, dont 3 ont été spoliés. À ce jour, le parti continue de recevoir des adhésions et poursuit sa dynamique d’expansion.

Le PRVM-FASOKO met un accent particulier sur les valeurs traditionnelles maliennes. La Transition actuelle place également la refondation et la promotion des valeurs nationales au cœur de son action. Comment appréciez-vous les efforts en cours pour restaurer ces valeurs ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que depuis sa création le PRVM-FASOKO a inscrit dans sa vision politique la restauration des valeurs sociétales comme fondement de la 4ème République. Nous avons soutenu et accompagné les initiatives dans ce sens et la plus récente est le projet Faso Baro. Je salue les efforts entrepris par la Transition actuelle dans ce domaine, même si des insuffisances subsistent. À mon sens, ces principes doivent se traduire en actions concrètes, pérennes et inclusives.

La plateforme ANW KO FASOKO, que vous présidez, a été créée en 2021. Quels étaient ses objectifs initiaux et quel bilan provisoire tirez-vous après quatre années d’existence ?

La plateforme ANW KO FASOKO a effectivement été fondée en octobre 2021. C’est un regroupement politique et électoral composé de plusieurs partis politiques, mouvements associatifs et personnalités ayant une vision commune, avec des objectifs communs : affronter ensemble les échéances électorales. En quatre ans, nous avons réussi à construire un ancrage institutionnel solide et à mobiliser de nombreux citoyens engagés autour de la refondation de l’État. Le bilan est globalement satisfaisant, même s’il reste encore beaucoup à faire.

Votre parcours initial ne semblait pas orienté vers la politique. Quelles raisons ou circonstances vous ont amené à vous engager dans ce domaine ?

Mon engagement politique est né d’une volonté sincère de servir le Mali autrement. Effectivement, à la base, ingénieur en informatique et inspecteur des Douanes, j’étais apolitique jusqu’à la crise de 2012. Face à la rupture constitutionnelle, j’ai compris qu’il ne suffisait plus d’observer ou de critiquer, mais d’agir. À partir de cet instant, j’ai refusé de laisser la gestion du pays à ceux que l’on qualifie souvent de « politiciens professionnels ». Car lorsqu’on se laisse gouverner par ceux que l’on juge incompétents on finit par subir leurs échecs. Cet état de fait m’a mené vers la politique et amené à m’intéresser à la destinée de ce pays pour faire de la politique autrement.

Vous avez été candidat à l’élection présidentielle de 2018. Quelle vision portiez-vous alors pour l’avenir du Mali ?

Effectivement, j’étais candidat à la présidentielle de 2018. Ma vision reposait sur un nouveau contrat social fondé sur le renouveau politique, pour remettre le Mali sur la voie de l’émergence. Cela passait par une révolution dynamique, des réformes politiques profondes, la reconstruction nationale, la relance économique et la restauration de nos valeurs sociétales dans un environnement apaisé de démocratie et de liberté.

Compte tenu des évolutions politique et sécuritaire de ces dernières années, cette vision a-t-elle évolué ou s’est-elle adaptée à la nouvelle donne nationale et internationale ?

Elle s’est renforcée. Le contexte sécuritaire, géopolitique et sociopolitique que nous connaissons confirme la pertinence de notre projet. Je crois toujours en un Mali souverain, stable, prospère et émergent.

Quel est votre regard sur le bilan de la Transition depuis la « rectification » intervenue en mai 2021 ?

Généralement, je préfère attendre la fin du processus transitoire pour dresser un bilan exhaustif. Néanmoins, de par ce que l’on voit, force est de constater que les mêmes difficultés et défis d’il y a cinq ans demeurent : insécurité, faible pouvoir d’achat, cohésion sociale fragilisée, etc.

La Transition essaie tant bien que mal de relever le défi. Elle a eu le mérite de poser les jalons d’un renouveau institutionnel et géopolitique. Des réformes importantes ont été amorcées, mais des lenteurs persistent, notamment sur les questions de calendrier électoral et de dialogue inclusif. Il faut l’aider à aller vers la 4ème République. Ce n’est pas chose facile.

Selon vous, les objectifs initiaux ayant motivé la mise en place de cette Transition sont-ils en voie de réalisation ?

Il y a eu partiellement des avancées. On note la promulgation de la nouvelle Constitution par le Chef de l’État et le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité. Mais d’autres objectifs, comme le retour à l’ordre constitutionnel normal, sont en train d’être renvoyés aux calendes grecques et les défis sécuritaires et économiques subsistent toujours de manière persistante.

La dissolution des partis politiques, recommandée par les Forces vives de la Nation, suscite des réactions au sein de la classe politique. Quelles sont les initiatives que vous envisagez de prendre dans ce contexte ?

Nous sommes fermement opposés à toute forme de dissolution brutale. Comme je l’ai dit précédemment, ce sont les partis politiques qui concourent à la quête de la magistrature suprême, donc les acteurs constitutionnels. S’il est nécessaire de rationaliser le paysage politique, cela doit se faire conformément aux lois qui régissent les partis politiques, dans le respect de la Constitution.

Au sein du Forum des Partis et Mouvements Politiques (FPMP), nous avons initié des discussions pour adopter une position commune, c’est-à-dire aller en rangs serrés. Cela a conduit à des séries d’initiatives. Le PRVM-FASOKO, avec d’autres formations politiques, a fait des propositions communes concernant la relecture de la Charte des partis politiques et a saisi officiellement le ministre délégué auprès du Premier ministre, sans réponse. Les 101 partis politiques signataires ont organisé des conférences de presse pour dénoncer la démarche et les méthodes des autorités. La majorité des formations politiques ont boycotté les concertations.

Nous avons suivi les recommandations des Concertations nationales qui demandent, entre autres, la dissolution des partis politiques, le durcissement des conditions de création par le paiement de 100 millions de francs CFA, la suppression du financement des partis politiques et du statut du Chef de file de l’Opposition et l’interdiction du nomadisme politique. Par ailleurs, ces concertations recommandent spécifiquement la révision de la Charte de la transition, tout en donnant au Président de la Transition un nouveau mandat de cinq ans à partir de 2025, renouvelable, à l’instar de ses pairs de l’AES. Elles exigent également le paiement d’une caution de 250 millions de francs CFA pour être candidat à l’élection présidentielle et instaurent un scrutin à seul tour.

À l’analyse, ces recommandations vont bien au-delà des termes de référence initiaux. Comparons ce qui est comparable : le Mali construit encore sa démocratie. Il ne peut être mesuré à l’aune de démocraties centenaires.

Le Président de la Transition a pris des engagements vis-à-vis du processus transitoire. Le respect de la Constitution du 23 juillet et de la Charte de la Transition s’impose à tous les Maliens et Maliennes. Toutes les voies de recours juridictionnel et constitutionnel sont envisageables pour empêcher une dissolution éventuelle des partis politiques sans bases légales.

En dehors des propositions sur la relecture de la Charte des partis politiques, quelles sont les principales actions menées par le FPMP depuis votre prise de fonction en octobre dernier ?

Depuis ma prise de fonction à la tête du Forum des Partis et Mouvements Politiques, plusieurs actions ont été initiées, notamment un atelier pour expliquer le contenu de la nouvelle Constitution et une réflexion sur la révision de la Charte des partis politiques. Aussi, nous avons tenu à trouver des consensus sur des questions d’intérêt national. Aujourd’hui, les partis et mouvements politiques membres du Forum sont plus que jamais déterminés à parler d’une même voix sur les questions d’intérêt national et à défendre la démocratie et le pluralisme politique. D’ailleurs, mon mandat est arrivé à son terme ce mois d’avril et un nouveau Président sera désigné conformément à nos textes.

Le retour à l’ordre constitutionnel apparaît incertain, malgré des perspectives initiales qui laissaient penser à des élections en 2025. Quelle est votre position à ce sujet et envisagez-vous des actions pour encourager une transition vers des institutions élues ?

Depuis sa création, le PRVM-FASOKO œuvre pour un changement profond de la vie publique. Ce qui fait que le parti s’est bien construit et bien installé. Quoi qu’il arrive, nous allons continuer dans la dynamique enclenchée. Nous sommes prêts et nous serons prêts quand les élections seront organisées. Enfin, le retour à l’ordre constitutionnel est un impératif pour la réussite de la Transition. Le Président de la Transition a inscrit au point 8 de la Lettre de cadrage adressée au gouvernement en place l’organisation d’élections transparentes, sécurisées et apaisées.

Grève du SYNABEF : L’économie malienne frôle l’asphyxie

Le Syndicat national des banques et établissements financiers (SYNABEF) a suspendu son mot d’ordre de grève de 72 heures entamée le 17 avril 2025. Un sursis qui devrait permettre d’aplanir les derniers points d’achoppement et d’éviter une crise majeure.

L’affluence devant les banques ce 22 avril en disait long sur les attentes des usagers après la reprise des activités au sein des institutions de financement. Après deux jours de grève et plusieurs médiations, le SYNABEF a décidé de donner une nouvelle chance aux négociations. Saluant « l’attitude constructive » du syndicat, le Premier ministre Abdoulaye Maïga s’est engagé à ne ménager aucun effort pour résoudre les points de blocage qui subsistent dans les revendications lors d’une rencontre tenue le 18 avril. Prévue pour durer 72 heures, la grève menaçait d’être prolongée à partir du 22 avril pour 120 heures supplémentaires, avant d’être suspendue le 19 avril. Ce qui a permis d’éviter un blocage complet en cette fin de mois critique où les salaires sont particulièrement attendus.

Après plusieurs discussions, la grève a été levée temporairement. Sur les quinze points du préavis, douze ont fait l’objet d’un accord. Les trois restants concernent des dossiers judiciaires sensibles. Il s’agit notamment de la détention de deux travailleurs d’Ecobank, dans l’affaire dite des « fausses garanties » avec la société EDM-SA, du licenciement de 158 agents d’UBIPHARM, jugé abusif, et de celui d’un pompiste de Star Oil congédié à la suite de la plainte d’un client. Pour ces dossiers, les médiateurs ont sollicité un délai supplémentaire pour permettre un examen approfondi, invoquant le respect de l’indépendance de la justice. Ces cas, jugés prioritaires par le syndicat, constituent un symbole de la lutte contre les atteintes à la liberté syndicale, selon Mamadou Sékou Traoré, Secrétaire général du Comité syndical de la BNDA.

Le cas UBIPHARM concerne 158 travailleurs licenciés pour avoir réclamé leurs droits et sans emplois depuis 18 mois. Un dossier que le SYNABEF considère comme non négociable. Il est donc prêt à relancer le mouvement si rien n’évolue. Quant au pompiste licencié à Star Oil, le syndicat considère qu’il s’agit d’un licenciement abusif. Enfin, les deux agents d’Ecobank ont été arrêtés dans le cadre d’un contrat litigieux impliquant EDM-SA, un dossier sensible sur lequel le SYNABEF veut des clarifications immédiates.

Les interventions du Haut Conseil Islamique (HCI), du ministre du Travail et de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) ont contribué à convaincre le syndicat de suspendre temporairement son mot d’ordre. Cette suspension ne signifie pas un abandon, mais une porte ouverte à un règlement pacifique.

Parmi les revendications acceptées figurent la signature de la Convention collective des distributeurs de produits pharmaceutiques et la réintégration des travailleurs de Pétro Bama et de Baraka Petrolium licenciés pour avoir observé un arrêt de travail. D’autres points concernent la régularisation des travailleurs intérimaires, la mise en place de commissions pour veiller à l’application des accords, ainsi que l’uniformisation de la gestion du fonds social. Le syndicat tient à rappeler que ces quinze points ne concernent ni augmentations salariales ni primes, mais uniquement des revendications de justice sociale et de respect des libertés syndicales.

Des impacts négatifs

Malgré la suspension de la grève, les impacts économiques ont été notables. Le SYNABEF se félicite du suivi massif du mot d’ordre, qui ne visait que des réparations, mais reconnaît les conséquences négatives sur l’économie nationale. À l’exception de deux établissements, toutes les banques ont respecté la grève. S’y sont ajoutés les institutions de microfinance, les assurances, une grande partie des stations-service ainsi que plusieurs commerces, entraînant un ralentissement brutal de l’activité économique.

Durant deux jours, l’économie malienne a fonctionné au ralenti. Ce blocage a perturbé les flux monétaires, retardé le paiement des salaires et compliqué les transactions commerciales. Les syndicalistes rappellent que la grève demeure le dernier recours lorsque les autres canaux de négociation échouent. Ils appellent les autorités à assumer leur rôle dans la gestion des conflits sociaux, soulignant que les revendications du SYNABEF ne dépassent pas les moyens de l’État. « Ce sont des cas d’abus que l’on doit juste corriger. On n’aurait pas dû en arriver là », insiste Mamadou Sékou Traoré.

Les répercussions potentielles à moyen terme ne sont pas à négliger. La croissance économique, prévue à 4,4% en 2025, pourrait être revue à la baisse si une grève prolongée venait à perturber durablement les secteurs-clés. Le secteur extractif, en particulier, est très vulnérable. Il représente environ 80% des exportations du pays et dépend fortement des services bancaires pour ses paiements et ses approvisionnements. Déjà fragilisés par des tensions entre l’État et certaines entreprises minières, les acteurs du secteur craignent une nouvelle crise. « Nos commandes ont considérablement diminué avec les tensions entre l’État et certaines sociétés minières. Nous ne voulons pas d’une nouvelle contrainte à nos activités », confie un responsable commercial d’une société fournissant des équipements miniers.

Une crise prolongée dans le secteur bancaire pourrait également provoquer une hausse des prix à la consommation, alors que le taux d’inflation était contenu à 4,9% à la fin 2024. L’interruption des chaînes d’approvisionnement, combinée à une demande stable, risque de créer une situation de pénurie. Celle-ci pourrait générer une pression inflationniste, en particulier sur les biens de première nécessité.

Du côté des finances publiques, les prévisions de la Loi de finances 2025 tablaient sur une augmentation des recettes fiscales de 1,4 point, pour atteindre 16,2% du PIB, contre 14,8% dans la Loi rectifiée de 2024. Les recettes budgétaires devaient s’élever à 2 648,9 milliards de francs CFA, contre 2 387,8 milliards en 2024. Ces objectifs risquent d’être mis à mal si les grèves se multiplient ou se prolongent. Pour rappel, lors du mouvement de l’UNTM de 2020, les pertes quotidiennes avaient été estimées entre 5 et 10 milliards de francs CFA par jour. Un précédent que l’État souhaite éviter à tout prix.

À long terme, la répétition de telles crises pourrait entraîner une récession. En plus des pertes directes, l’instabilité génère de l’incertitude, freine les investissements et pousse les ménages à la prudence, diminuant ainsi la consommation. L’offre de biens et services se contracte, tandis que la demande reste constante, voire augmente, créant un déséquilibre de marché susceptible d’aggraver l’inflation.

Promesses à tenir

Les syndicalistes restent déterminés à obtenir gain de cause. Ils affirment qu’ils ne se contenteront pas de promesses, mais exigeront des résultats concrets. « Nous sommes dans une phase d’attente vigilante », confie une source syndicale. Le SYNABEF insiste sur le respect du calendrier de mise en œuvre des accords, certains devant être appliqués sous quelques jours et d’autres dans un délai plus étendu.

La situation actuelle dévoile les insuffisances du dialogue social. Les grèves à répétition traduisent l’incapacité à instaurer un cadre efficace de concertation entre les acteurs sociaux. Il est urgent d’élaborer un mécanisme permanent de médiation capable de prévenir les crises plutôt que d’intervenir lorsqu’elles sont déjà déclarées.

Si la paix sociale est un levier essentiel pour la croissance et la stabilité économique, elle ne peut être garantie sans justice sociale. Le SYNABEF, en suspendant son mot d’ordre de grève, tend la main au gouvernement. Il revient désormais aux autorités de transformer cet acte d’apaisement en dynamique durable, à travers des engagements tenus, un dialogue sincère et une volonté ferme de réforme.

Fatoumata Maguiraga