Gilles Yabi : « La CEDEAO doit saisir cette crise comme une opportunité de réforme »

Gilles Yabi, chercheur et fondateur de WATHI, analyse les défis actuels en Afrique de l’Ouest. Dans cet entretien exclusif, il évoque l’avenir de la CEDEAO après le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la lutte contre le terrorisme sans les forces occidentales, l’impact des régimes militaires sur la sécurité, la crise sahélienne et l’immigration clandestine, ainsi que l’influence croissante de nouveaux partenaires comme la Russie, la Chine et la Turquie. Propos recueillis par Massiré Diop

Quel avenir pour la CEDEAO après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger ?

La CEDEAO reste économiquement puissante grâce à des pays comme le Nigeria, qui représente plus de 60% du PIB régional, mais son affaiblissement politique est indéniable. Ce départ compromet l’intégration régionale et accentue les tensions. Toutefois, cette crise peut être une opportunité pour réformer l’organisation et renforcer son efficacité.

Comment les États sahéliens peuvent-ils faire face à la menace terroriste sans les forces occidentales ?

L’instabilité politique causée par les coups d’État fragilise la lutte contre le terrorisme. Bien que les militaires au pouvoir promettent une meilleure réponse sécuritaire, l’absence de coordination avec des experts civils limite leur efficacité. Une stratégie intégrée, impliquant civils et militaires, est essentielle pour stabiliser durablement la région.

Les changements de régimes successifs au Sahel ont-ils renforcé ou affaibli la lutte contre le terrorisme ?

Les coups d’État perturbent la continuité des politiques sécuritaires. Si un gouvernement militaire peut théoriquement être plus efficace qu’un régime civil défaillant, la marginalisation des experts et l’absence d’une vision globale affaiblissent la réponse sécuritaire. Une gouvernance inclusive reste indispensable.

Quels sont les effets de la crise sahélienne sur l’immigration clandestine vers l’Europe ?

L’insécurité pousse les populations à se déplacer, mais majoritairement à l’intérieur de leur pays ou vers des États voisins. L’immigration vers l’Europe est surtout liée aux difficultés économiques et aux réseaux de migrants établis. Réduire ce phénomène nécessite une approche globale, au-delà des seuls enjeux sécuritaires.

Comment la montée en puissance de nouveaux partenaires redéfinit-elle l’équilibre géopolitique au Sahel ?

La Russie, la Chine et la Turquie ne sont pas de nouveaux acteurs en Afrique, mais leur influence croissante reconfigure les rapports de force. Leur présence offre des alternatives aux pays sahéliens, mais accroît aussi les rivalités géopolitiques. Sans vision stratégique propre, ces nations risquent de rester dépendantes d’intérêts étrangers plutôt que de renforcer leur souveraineté et leur développement.

Avortement médicalisé : Un droit reconnu mais peu appliqué au Mali

Le 26 octobre 2004, le Mali a ratifié le Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes. Aussi appelé Protocole de Maputo, ce texte reconnaît des droits spécifiques aux femmes, dont celui « à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction ». Il autorise notamment l’avortement médicalisé, mais la mise en application de plusieurs dispositions de ce texte continue d’être un défi majeur.

La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples est entrée en vigueur le 27 juin 1986. Le 11 juillet 2003, les pays africains ont adopté un Protocole additionnel à la Charte africaine relatif aux droits de la femme. Sur les 55 pays africains, 44 l’ont ratifié jusqu’en juin 2023. Ce protocole compte 32 articles et consacre 24 droits spécifiques des femmes, notamment le droit à la vie, à la dignité, le droit de vivre à l’abri de la violence sexuelle et le droit au divorce.

Parmi les innovations, le texte reconnaît en son article 14 le « droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction ». Il engage les États à assurer le respect et la promotion de ces droits, qui comprennent le droit d’exercer un contrôle sur la fécondité, le libre choix des méthodes contraceptives ou encore le droit d’être informée de son état de santé, ainsi que de celui de son partenaire, en particulier en cas d’infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA.

Le Protocole de Maputo invite les États à protéger notamment « les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus ».

Le principe énoncé à l’article 14 du Protocole de Maputo institue un « avortement sécurisé » et vise à combattre l’avortement clandestin. Il obéit à des conditions de fond et de forme. L’article 14 évoque des conditions limitatives et admet l’avortement dans ces cas. Sur la forme, pour procéder à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) médicalisée, il faut un personnel formé dans le cadre du protocole. L’avortement doit être pratiqué par un personnel qualifié (médecin, sage-femme, infirmier) et doit se faire selon les normes et les directives imposées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le gouvernement. Cependant, l’autre aspect qui n’est pas explicitement mentionné par le Protocole de Maputo est l’âge de la grossesse.

Selon certains chercheurs, l’avortement sécurisé peut intervenir dans un délai de 3 à 5 mois. L’âge de la grossesse pour un avortement sécurisé varie de 3 à 5 mois (entre 12 et 20 semaines). Un débat qui n’est pas tranché par le protocole mais qui est pris en charge par la législation malienne, qui interdit l’avortement quel que soit l’âge de la grossesse.

Application incomplète

En ratifiant le Protocole de Maputo, le Mali s’est engagé à protéger les droits des femmes, y compris en matière de santé reproductive. Cependant, la mise en œuvre de ces engagements reste incomplète.

En 2016, l’Association malienne pour le progrès et la défense des droits des femmes (APDF) et l’Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) ont saisi la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, estimant que le Code malien des personnes et de la famille de 2011 violait plusieurs dispositions du Protocole de Maputo, notamment concernant l’âge minimum du mariage, le consentement au mariage et le droit à l’héritage. En 2018, la Cour a ordonné au Mali de réviser ce code pour le conformer à ses obligations internationales. À ce jour, cette révision n’a pas été effectuée.

Concernant les mutilations génitales féminines (MGF), bien que le Protocole de Maputo appelle à leur interdiction, le Mali n’a pas encore adopté de législation nationale prohibant explicitement cette pratique. Selon l’Enquête Démographique et de Santé au Mali 2012-2013, 88,1% des femmes âgées de 15 à 49 ans ont été excisées par des praticiens traditionnels, et 71,9% des femmes et 79,1% des hommes pensent que les MGF doivent perdurer.

En matière de santé reproductive, le Protocole de Maputo prévoit l’accès à l’avortement médicalisé dans certaines situations, telles que le viol, l’inceste ou lorsque la poursuite de la grossesse met en danger la santé de la mère ou du fœtus. Cependant, au Mali, l’avortement reste largement criminalisé et les services d’avortement sécurisé sont limités, contribuant à un taux élevé d’avortements non sécurisés.

Malgré la ratification du protocole, le Mali n’a pas pleinement aligné sa législation nationale sur ses engagements internationaux et des efforts supplémentaires sont nécessaires pour protéger efficacement les droits des femmes.

Dépénaliser ?

Le nouveau Code pénal malien, adopté en décembre 2024, interdit l’avortement « quel que soit le moment de la grossesse », « hormis pour des motifs thérapeutiques » ou de « mise en danger de la santé et de la vie de la mère ou du fœtus ». Comme le Protocole de Maputo, il envisage l’avortement sécurisé et médicalisé. Cependant, on peut noter une divergence dans les deux approches. Alors que le protocole envisage une dépénalisation, la législation malienne maintient l’avortement comme une infraction.

Le Code pénal malien, dans ses articles 321-19 à 321-21 et le Protocole de Maputo en son article 14 abordent la question de l’avortement sous des angles différents. Bien qu’une convergence partielle se dessine avec la prise en compte de la santé physique et mentale de la femme, des écarts notables subsistent, notamment concernant l’accès élargi à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et l’approche juridique adoptée.

Le Code pénal malien (Loi n° 2024-027) prohibe l’avortement en règle générale, sauf dans des cas exceptionnels définis à l’article 321-19. L’interruption volontaire de grossesse n’est autorisée que lorsque la vie de la femme est en danger, que la grossesse est issue d’un viol ou d’un inceste, ou lorsque la santé physique ou mentale de la femme est menacée (article 321-20).

Toute interruption de grossesse pratiquée en dehors de ces cas est passible de sanctions. L’article 321-20 prévoit cinq ans d’emprisonnement, une amende d’un million de francs et une interdiction de séjour de dix ans pour toute personne pratiquant un avortement illégal. En cas d’usage de fraude, de contrainte ou de violence, la peine est portée à dix ans de réclusion. Si l’avortement entraîne le décès de la femme, la sanction peut aller jusqu’à vingt ans d’emprisonnement.

Les professionnels de santé sont particulièrement visés par la législation. L’article 321-21 punit les médecins, sage-femmes et autres praticiens qui pratiqueraient un avortement hors du cadre légal, avec des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une interdiction d’exercer.

Le rapport alternatif sur les droits de l’enfant, produit par le Centre pour le droit et les politiques en matière de santé reproductive (CRLP) et l’Association des juristes maliennes (AJM), révèle que 46% de la population malienne a moins de 15 ans et que les adolescentes âgées de 15 à 19 ans contribuent pour près de 14% à la fécondité totale des femmes. De plus, 42% des adolescentes ont commencé leur vie féconde, avec 34% ayant déjà eu un enfant et 8% étant enceintes pour la première fois. Le taux de fécondité des adolescentes de 15 à 19 ans est de 199 pour 1 000, tandis que 94% des femmes en âge de procréer ont été victimes de mutilations génitales. Ces chiffres soulignent l’importance de la santé sexuelle et reproductive dans cette tranche d’âge. D’autant que, comme l’ajoute le rapport, la sexualité des mineures se déroule de façon clandestine : lorsqu’elles contractent une grossesse, une grande majorité a recours à l’avortement clandestin, pratiqué dans des conditions sanitaires et hygiéniques inappropriées.

Dans une approche plus permissive, le Protocole de Maputo, texte juridiquement contraignant adopté sous l’égide de l’Union africaine et ratifié par le Mali, pose une vision plus ouverte et protectrice des droits des femmes à son article 14. Il reconnaît aux femmes le droit de contrôle sur leur santé reproductive et demande aux États d’assurer un accès sécurisé à l’avortement dans les cas suivants : mise en danger de la vie de la femme, atteinte à la santé physique ou mentale de la femme, grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste, malformation grave du fœtus.

Là où le Code pénal malien limite les conditions d’accès à l’IVG, le Protocole de Maputo élargit la liste des motifs légitimes en y incluant les malformations graves du fœtus, critère absent de la loi malienne. De plus, ce texte encourage les États à garantir un accès sécurisé à l’IVG, ce qui vise à lutter contre les avortements clandestins et leurs conséquences sanitaires.

Fatoumata Maguiraga

FIGIC-AES : La première édition prévue du 25 au 28 février 2025 à Ouagadougou

La première édition du Festival international de la gastronomie et de l’identité culturelle des pays de l’AES (FIGIC-AES) se tiendra du 25 au 28 février 2025 à Ouagadougou au Burkina Faso. Pour annoncer les couleurs de l’évènement, le comité d’organisation du Festival a tenu une conférence de presse le 24 janvier dernier  à Bamako.

Avec pour objectif global de promouvoir la richesse culinaire et culturelle des pays de l’AES afin de stimuler le développement économique et renforcer la cohésion sociale et améliorer l’attractivité touristique de la région, le FIGIC-AES vise également à mettre en valeur les traditions culinaires des pays de l’AES pour leur reconnaissance internationale,  sensibiliser les professionnels de la restauration aux pratiques durables et écoresponsables et positionner la cuisine de l’ AES comme un atout majeur  de l’offre touristique régionale.

Le Festival veut par ailleurs  renforcer les compétences des acteurs locaux du secteur de la gastronomie, promouvoir la « parenté à plaisanterie » en tant que pratique culturelle pour la paix et la cohésion sociale et stimuler l’excellence et la créativité culinaire à travers une compétition dédiée.

Placée sous le thème : « Gastronomie et traditions : vecteurs de cohésion et de développement durable dans l’espace AES », cette première édition du FIGIC-AES prévoit des compétitions  culinaires, des ateliers de formation ainsi que des rencontres culturelles et artistiques.

« Le FIGIC-AES 2025 est bien plus qu’un simple rendez-vous gastronomique  et culturel . Il constitue un véritable carrefour d’échanges et de rencontres, un creuset où se tissent les liens de fraternité et de coopération à travers notre héritage culinaire et culturel commun », a indiqué Olivia Bayala, Coordinatrice du comité d’organisation du Festival qui avait à ses côtés, Mme Oumou Traoré, initiatrice du Festival international de la cuisine africaine de Bamako (FICAB) et Mme Iro Sadia Maiga, promotrice du Festival des grillades de Niamey.

Après les échanges avec la presse, le Comité d’organisation a convié les hommes de média à la dégustation de différents mets des 3 pays de l’AES, un avant-goût des plats qui seront au rendez-vous  lors du festival à Ouagadougou.

Le FIGIC-AES est né de la fusion des expertises et expériences de plusieurs évènements emblématiques tels que le Festival international de la gastronomie de Ouagadougou (FIGO), célébrant l’art culinaire burkinabé, le Festival international de la cuisine africaine de Bamako (FICAB) mettant en avant les traditions culinaires maliennes et le Festival des grillades de Niamey, soulignant la richesse des saveurs nigériennes.

Mohamed Kenouvi

Processus DDR : Une nouvelle phase pleine d’enjeux

Lors de son discours de Nouvel An, le 31 décembre 2024, le Président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta, a annoncé une initiative majeure visant le désarmement de 3 000 miliciens d’autodéfense. Cette démarche s’inscrit dans le cadre des efforts continus pour renforcer la sécurité et promouvoir la réconciliation nationale, même si sa mise en œuvre parait très compliquée.

L’annonce du Président Goïta intervient dans un contexte où le Mali cherche à consolider la paix et à restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire. Le processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) est une composante essentielle de cette stratégie, visant à intégrer d’anciens combattants dans les structures étatiques ou à faciliter leur réinsertion socio-économique.

Selon les détails fournis, sur les 3 000 miliciens concernés, 2 000 seront intégrés au sein des Forces Armées Maliennes (FAMa) après une formation adéquate, tandis que les 1 000 restants bénéficieront de programmes de réinsertion dans la vie civile, avec un accompagnement pour la mise en place de projets facilitant leur intégration socio-économique.

Il est à noter que le chiffre de 3 000 miliciens correspond à celui annoncé lors de l’opération de DDR – Intégration accélérée mise en œuvre dans le cadre de l’Accord issu du processus d’Alger. Lors de cette précédente initiative, près de 1 800 ex-combattants issus des mouvements armés signataires de l’Accord avaient été intégrés dans les rangs des FAMa. Cette similitude numérique soulève des questions quant à la nouveauté de l’actuelle initiative et à la possibilité qu’il s’agisse d’une reconduction des objectifs précédents.

Composition et efficacité des nouvelles Commissions DDR

La mise en place de nouvelles Commissions DDR et d’intégration héritées de celles établies pour l’application de l’Accord, dénoncé par les autorités maliennes fin janvier 2024, suscite des interrogations. Le remplacement de la plupart des anciens membres, souvent expérimentés et issus des FAMa et des ex-combattants, par de nouveaux commissaires considérés comme novices dans le domaine, pose la question de l’efficacité de ces structures. Les anciens membres, ayant une meilleure connaissance du terrain et des acteurs, étaient perçus comme capables de mener à bien une mission aussi complexe.

Identification des groupes concernés

Un autre point d’interrogation concerne la nature et l’identité des groupes armés désignés comme « milices » sélectionnés. Aucune précision n’a été apportée quant à savoir s’il s’agit de groupes d’autodéfense tels que Dan Na Ambassagou, de terroristes, de mouvements armés de l’ex-Accord restés fidèles à l’État, ou encore de jeunes de Gao ayant accepté en 2013 de remettre leurs armes à l’opération Serval en son temps, moyennant une intégration dans le processus DDR, ce qui n’est jamais arrivé jusqu’ici, causant une grande frustration parmi ces jeunes. Cette absence de clarté alimente les spéculations et les inquiétudes quant à l’efficacité et à l’équité du processus.

Quid de l’accompagnement des partenaires?

Par ailleurs, la conduite d’un processus DDR est notoirement coûteuse et contraignante, comme en témoignent les expériences d’autres pays confrontés à des situations similaires. L’ancienne opération bénéficiait de l’accompagnement de partenaires internationaux tels que la MINUSMA. Le nouveau processus semble être conduit exclusivement par les autorités maliennes, ce qui pose la question des moyens financiers et logistiques disponibles pour mener à bien cette initiative, surtout dans un contexte où le pays fait face à de nombreux défis et priorités.

L’annonce du désarmement des milices a suscité des réactions mitigées au sein de la population et des observateurs. Certains saluent l’initiative comme un pas important vers la paix et la stabilité, tandis que d’autres expriment des réserves quant à sa mise en œuvre effective et à son impact réel sur le terrain. La réussite de ce processus dépendra en effet en grande partie de la transparence dans l’identification des groupes concernés, de la compétence des nouvelles Commissions DDR, de la disponibilité des ressources nécessaires et de la capacité des autorités à instaurer un climat de confiance avec l’ensemble des parties prenantes.

Plus qu’un défi logistique, ce processus représente une occasion unique de réinventer les fondements de la paix et de la réconciliation nationale. Pour qu’il soit couronné de succès, il faudra transformer cette vision en réalité, en tenant compte des leçons du passé et des attentes de l’ensemble des parties prenantes.

Massiré Diop

Donatien Kanga : « La lutte contre la désinformation, un défi urgent à relever »

Donatien Kanga, expert en fact-checking et Président du Cadre de concertation entre organisations de la société civile et médias en Afrique de l’Ouest, a partagé son analyse sur les défis posés par la désinformation à l’ère numérique. Propos recueillis par Massiré Diop

Comment évaluez-vous la lutte contre ce qu’on appelle le « Triptyque MDM »  ( Mésinformation, Désinformation et Malinformation) ?

C’est un combat complexe et de longue haleine. La technologie a transformé l’écosystème informationnel, facilitant la diffusion de l’information tout autant que celle de la désinformation. Cette lutte est devenue une urgence internationale, nécessitant des actions à tous les niveaux : individuel, communautaire, national, régional et international.

Pourquoi observe-t-on parfois une certaine réserve de la part des États dans cette lutte ?

Il ne s’agit pas de réserve, mais plutôt de prudence. Les États réagissent activement lorsque la désinformation menace leur stabilité. Cependant, il est nécessaire d’élever la prise de conscience générale pour considérer ce phénomène comme une priorité nationale indépendamment des menaces immédiates.

Quels facteurs favorisent la propagation de la désinformation dans notre environnement ?

Plusieurs facteurs contribuent à cette propagation. D’abord les évolutions technologiques rendent la création et la diffusion de contenus accessibles à tous, même sans formation journalistique. Ensuite, la viralité des réseaux sociaux permet une diffusion rapide et massive de l’information, rendant difficile la distinction entre le vrai et le faux. Enfin, dans des contextes où l’oralité prédomine et où le taux d’analphabétisme est élevé, la distinction entre information vérifiée et rumeur est souvent floue.

Quel est l’impact de la culture de l’oralité et de l’analphabétisme sur la désinformation ?

Dans des sociétés à tradition orale et au taux d’analphabétisme élevé, les individus ont tendance à considérer toute information provenant d’un écran comme véridique, sans esprit critique. Cette situation est exacerbée par l’accès généralisé aux technologies numériques.

Quelles sont les principales stratégies de lutte ?

La lutte repose sur trois axes principaux : développer des outils technologiques pour détecter la désinformation, former les citoyens à l’esprit critique et aux compétences numériques et établir des lois équilibrées qui protègent contre la désinformation tout en préservant la liberté d’expression.

Y a-t-il de l’espoir face à ce fléau ?

Malgré les défis, il y a de l’espoir grâce à l’engagement des acteurs nationaux et régionaux. Des initiatives collaboratives, comme le Cadre de consultation entre organisations de la société civile et médias, montrent que des actions concertées peuvent renforcer l’intégrité de l’information.

2025 : Le Mali en quête de renouveau culturel

Lors de son discours à la Nation à la veille du Nouvel an, le Président de la Transition, le Général Assimi Goïta, a décidé de faire de 2025 « l’année de la Culture ». Une initiative saluée par de nombreux acteurs qui espèrent ainsi faire sortir ce secteur de l’ombre.

Placée sous le signe du « Mali Kura », cette démarche entend renforcer l’unité nationale en valorisant le patrimoine culturel, facteur-clé de cohésion et de résilience face aux crises. C’est ainsi que deux activités-phares, les États généraux de la Culture et la 3ème Journée de la souveraineté retrouvée, ont été organisées. Les autorités voulaient ainsi afficher leur volonté de replacer la culture au cœur de l’identité nationale.

Cependant, pour transformer ce symbole en réalité tangible, des efforts plus audacieux sont nécessaires. Déclarer 2025 « année de la Culture » est un premier pas, mais il doit s’accompagner d’un programme culturel structuré et porté par le ministère de la Culture en étroite collaboration avec les opérateurs et acteurs culturels. Ce programme ne peut se limiter à des manifestations ponctuelles ou à des annonces médiatiques. Il doit intégrer tous les secteurs, du tourisme à l’éducation, en passant par la diplomatie et l’économie.

De plus, la culture doit devenir une priorité transversale dans les politiques publiques. Chaque département ministériel doit incorporer cette ambition dans ses actions quotidiennes. Les dirigeants doivent montrer l’exemple en adoptant un comportement qui reflète les valeurs et traditions qu’ils souhaitent promouvoir. Il s’agira ainsi d’insuffler un véritable renouveau, où la culture ne sera pas une thématique isolée, mais un moteur de transformation sociale et économique.

Si les autorités veulent que cette année soit gravée dans l’histoire, elle devra être portée par des actes forts, qui marqueront l’esprit et le cœur de chaque Malien. Pour le moment, nous n’en sommes pas encore là.

Massiré Diop

Compétitions CAF 2024-2025 : Le piètre bilan des clubs maliens

C’est une campagne africaine à oublier pour le Djoliba AC et le Stade malien de Bamako. Éliminés dès la 5ème  et avant-dernière journée, les deux représentants du Mali ont tous terminé à la dernière place de leur groupe, en Ligue des Champions et en Coupe CAF.

Dur apprentissage pour le Djoliba AC en Ligue des Champions. Pour leur toute première participation à la phase finale de cette compétition continentale, les Rouges de Hèrèmakono sont complètement passés à côté du tournoi. 2 matchs nuls, 4 défaites, aucune victoire et aucun but marqué en 6 rencontres, avec 12 buts encaissés. Tel est le bilan statistique du Djoliba AC. Largement battus lors de leur entrée en lice face à l’Espérance de Tunis (4-0), les Champions du Mali en titre ont ensuite enchainé deux matchs nuls (0-0) à domicile face au Pyramyds FC et à Sagrada. Après 2 nouvelles défaites lors des 3ème et 4ème journées, les protégés du coach Mamadou Demba Traoré ont été éliminés. Alors qu’il était attendu pour sauver l’honneur, ne serait-ce qu’en inscrivant 1 but dans la compétition, le Djoliba AC a sombré lors du dernier match, étrillé 6-0 par les Égyptiens de Pyramids FC.

Contrairement au Djoliba AC, le Stade malien de Bamako avait bien débuté sa campagne en Coupe CAF en s’imposant (2-0) devant les Sud-africains de Stellenbosch. Mais les Blancs de Bamako ont déçu lors du reste du parcours. Match nul en déplacement (1-1) face au CD Lunda Sull et défaite (0-1) à domicile contre le même adversaire, pourtant largement à leur portée. La double confrontation contre la RS Berkane a aussi tourné à l’avantage des Marocains et les Sud-africains ont pris leur revanche à domicile lors de la 5ème journée, synonyme d’élimination du Stade Malien. À l’arrivée, 1 victoire, 1 match nul, 4 défaites, 3 buts marqués et 6 encaissés.

Impréparation

Bien qu’elle soit difficile à digérer, la sortie précoce des clubs maliens des coupes interclubs de la CAF n’est pas surprenante et s’explique par certains facteurs, dont  le manque de préparation des équipes dû à un démarrage très tardif du Championnat national de 1ère division.

Par ailleurs, la différence de niveau entre les clubs maliens et leurs adversaires à l’échelle continentale est très importante. Le chemin semble encore long pour renouer avec le succès dans les compétitions africaines, à l’instar du sacre du Stade malien en Coupe CAF en 2009.

Mohamed Kenouvi

 

Assistance humanitaire : Plus de 6 millions de personnes dans le besoin en 2025

Lancé le 21 janvier 2025, le Plan de réponse humanitaire 2025 pour le Mali vise à fournir une assistance d’urgence à 4,7 millions de personnes ciblées sur les 6,4 millions au total dans le besoin. Pour atteindre cet objectif, la communauté humanitaire et le gouvernement du Mali appellent à la mobilisation de 771,3 millions de dollars.

Le plan cible principalement les personnes les plus touchées par les crises humanitaires et ayant des besoins critiques dans des secteurs-clés tels que la protection, l’éducation, la sécurité alimentaire, la santé, la nutrition, le logement et les articles ménagers de base, ainsi que l’eau, l’assainissement et l’hygiène.

Sur les 6,4 millions de personnes identifiées dans le besoin, 54% sont des enfants, 46% des femmes et 15% des personnes vivant avec un handicap. Les pourcentages sont les mêmes pour les 4,7 millions de personnes ciblées.

Objectifs stratégiques

Le Plan de réponse humanitaire 2025 vise deux principaux objectifs stratégiques. Le premier est de  sauver et de préserver la vie et la dignité des populations ayant des besoins critiques dans les zones touchées par des chocs, à travers une assistance multisectorielle d’urgence adéquate répondant à leurs besoins vitaux, avec une attention particulière aux personnes âgées, handicapées, enfants, femmes et survivants de VBG.

Le 2ème objectif stratégique est de garantir un accès minimal et équitable aux services sociaux de base aux personnes vulnérables, à travers une assistance multisectorielle adaptée à leurs besoins pour renforcer leurs capacités à prévenir, faire face et se relever des chocs.

Pour l’année 2025, les zones géographiques prioritaires pour les interventions humanitaires restent concentrées dans les régions du Centre et du Nord du pays, où la persistance des conflits continue de fragiliser les conditions de vie des populations et de complexifier les opérations d’assistance.

En 2024, seuls 38% du financement requis dans le cadre du Plan de réponse humanitaire ont été mobilisés. Malgré ce manque de financement et les contraintes d’accès, les partenaires humanitaires ont fourni une aide vitale à 1,8 million de personnes parmi les plus vulnérables, y compris celles vivant dans les zones les plus éloignées.

Khassim Diagne, Coordinateur par intérim de l’action humanitaire au Mali, espère un meilleur taux de financement en 2025. « Il est urgent que l’ensemble de la communauté humanitaire et les donateurs renouvellent leur engagement à répondre aux besoins humanitaires fondamentaux », souligne-t-il.

Mohamed Kenouvi

Bekaye Cissé : « La création de contenus numériques en langues locales reste essentielle pour favoriser l’adoption d’Internet par les Maliens ».

Bekaye CISSE est ingénieur Systèmes, Réseaux et Sécurités Informatique. Il est le président de la Commission Technique ISOC Mali. Il nous donne son regard sur la nouvelle Politique Nationale de Développement de l’Economie Numérique (2025-2029), les conditions de sa mise en œuvre et les acquis et perspectives d’internet au Mali.

 

Quel est votre  regard sur la Politique Nationale de Développement de l’Économie Numérique ?

La mise en place d’une Politique Nationale de Développement de l’Économie Numérique au Mali marque une étape importante dans la transformation numérique du pays. Ce document stratégique vise à positionner le Mali comme un hub technologique en Afrique de l’Ouest et à faire du numérique un levier de croissance économique et de développement social dans un environnement de maîtrise de la souveraineté numérique.
La PNDEN 2025-2029 présente une vision modernisée qui intègre des avancées technologiques telles que l’intelligence artificielle et la robotique. Elle met l’accent sur l’innovation, la cybersécurité et la connectivité. Cette nouvelle politique a pour objectif de construire une économie numérique inclusive, en phase avec les réalités du Mali, et de favoriser la création d’un environnement propice à l’émergence de start-ups.
Les objectifs ambitieux de la politique sont alignés avec les défis du développement du Mali et les tendances mondiales en matière de digitalisation.

 

 Quels sont les défis à relever pour sa réalisation ?
Pour que le Mali tire parti de la révolution numérique afin de construire une économie numérique forte et inclusive, la nouvelle politique nationale de développement de l’économie numérique doit être ambitieuse et inclusive, en s’attaquant à des défis clés tels que l’investissement dans les infrastructures, l’accès à l’internet haut débit, le développement du capital humain avec des compétences numériques, l’inclusion numérique avec l’accès universel au haut débit, la gouvernance, la cybersécurité, la protection des données ainsi que l’intelligence artificielle et la robotique.
La réussite de cette politique dépendra également  d’une collaboration étroite entre tous les acteurs du secteur numérique, y compris le gouvernement, le secteur privé, la société civile et les partenaires au développement

 

Quels sont les acquis et les perspectives du développement d’Internet au Mali ?

Le développement de l’internet au Mali a connu une croissance significative ces dernières années, apportant de nombreux avantages. Toutefois, il reste des défis à relever pour tirer pleinement parti de ce potentiel.
Ces dernières années, les taux de pénétration d’Internet ont augmenté régulièrement, offrant à un nombre croissant de Maliens un accès à l’information, y compris aux médias et aux services en ligne. Les réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus important dans la vie sociale et politique des Maliens, facilitant la communication et la mobilisation.
Les investissements dans les infrastructures de télécommunications ont permis d’améliorer la couverture du réseau, en particulier dans les zones urbaines.
Le secteur numérique est en plein essor, créant de nouvelles opportunités d’emploi et stimulant la croissance économique.

Pour l’avenir, l’objectif reste d’étendre la couverture Internet à l’ensemble du pays, en particulier dans les zones rurales, afin de réduire la fracture numérique.
Améliorer la qualité des services, en termes de vitesse et de stabilité, pour répondre aux besoins croissants des utilisateurs.
La création de contenus numériques en langues locales reste essentielle pour favoriser l’adoption d’Internet par les Maliens.
Le renforcement de la protection des données personnelles et la lutte contre la cybercriminalité sont des enjeux majeurs pour garantir un développement sûr et durable de l’internet.
Promouvoir l’e-gouvernement pour développer les services administratifs en ligne afin de simplifier les procédures et améliorer l’efficacité de l’administration.
L’accès à une électricité stable et fiable est essentiel au bon fonctionnement des équipements informatiques.
Un cadre réglementaire clair et approprié est nécessaire pour encourager les investissements et promouvoir la concurrence.

 

 

Digitalisation : Une évolution aux multiples enjeux

Annoncée par les autorités en juin 2024, la digitalisation de l’administration constitue un vaste chantier destiné à moderniser l’administration publique et à offrir aux citoyens des services plus accessibles et plus efficaces. Enclenché depuis quelques années, ce processus de transformation numérique vient de se doter d’une Politique nationale et de son Plan d’action « Mali 2029 ». Occasion de faire le point sur les avancées et les défis à relever.

Le 19 juillet 2024, le Programme de digitalisation des moyens de paiement et des services publics a été lancé. Déployé à Bamako pour sa phase pilote, il devrait progressivement s’étendre à toutes les régions et aux représentations diplomatiques. Le programme inclura tous les services de manière progressive. Cette digitalisation vise à améliorer la transparence des processus administratifs et à renforcer la confiance des citoyens. Destinée à lutter contre la fraude et la falsification des documents administratifs, l’initiative doit permettre une amélioration de l’accessibilité des services publics. En outre, la digitalisation doit améliorer la performance de l’administration et permettre à l’État de réaliser des économies d’échelle grâce à la mise en place d’une administration électronique.

L’élaboration de la nouvelle Politique nationale de développement de l’économie numérique s’inscrit dans la continuité de « Mali numérique 2020 », dont l’évaluation a révélé certaines limites. En effet, le taux d’exécution global était de 27,30%, soit 18 actions menées à terme sur les 66 programmées, avec un taux de mobilisation des ressources de 24,24%, soit 54,5 milliards de francs CFA sur les 224,792 prévus. La nouvelle politique vise donc à insuffler une dynamique renouvelée pour répondre aux défis actuels à travers la digitalisation, afin d’assurer transparence, efficience et célérité de l’action publique.

Dès le 22 juillet 2024, le coup d’envoi du paiement digital pour les services de l’état-civil a été donné. Au Mali, l’enregistrement des naissances a connu des progrès significatifs, mais des disparités persistent, nécessitant la poursuite des efforts pour relever les défis. Depuis 2022, les initiatives du gouvernement pour numériser l’enregistrement des naissances sont accompagnées par l’UNICEF. Ce processus s’est concrétisé par la mise en place d’une plateforme regroupant les principaux évènements de l’état-civil (naissance, mariage, décès). La plateforme constitue une première entièrement dédiée répondant aux besoins des usagers, aux normes internationales et au cadre légal. Le système pilote mis en place dans 10 zones regroupe les centres d’état-civil, les structures de santé et les tribunaux. La mise en œuvre effective de cette étape permettra d’accélérer les efforts vers l’enregistrement universel, notent les acteurs.

Le 16 janvier 2025, le Système Intégré de Gestion des Dossiers Judiciaires (SIG-DJ) a été lancé par le ministre en charge de la Justice et celui en charge de l’Économie Numérique. Le SIG-DJ, conçu par l’Agence des Technologies de l’Information et de la Communication (AGETIC), est un outil innovant. Il constitue une étape importante dans la modernisation des services publics pour mieux servir les usagers. La phase pilote de déploiement de cet outil, qui s’étendra sur deux ans, doit aboutir à la délivrance en ligne de documents comme les extraits de casiers judiciaires ou les certificats de nationalité et permettre une gestion optimisée des dossiers judiciaires. Ces services permettront d’alléger les démarches administratives et de renforcer l’accessibilité aux services de la justice, en particulier pour les populations des zones éloignées.

Actuellement, le Mali compte plus de 500 structures interconnectées, avec notamment des applications collaboratives, de visioconférence, de courrier, d’archivage, de e-conseil et de e-cabinet, ainsi que plus de 3 000 km de fibre optique aux niveaux central et déconcentré.

Dans le cadre de la gestion et de la promotion du nom de domaine du Mali (.ml), le département en charge de l’Économie numérique a procédé à l’enregistrement ou au renouvellement de 10 555 noms de domaine, ainsi qu’à la mise en place d’une plateforme d’enregistrement, de renouvellement et de paiement des noms de domaine en ligne.

Perspectives prometteuses

Au début de l’année 2024, le nombre d’utilisateurs d’Internet a été évalué à 7,8 millions de personnes, avec un taux de pénétration d’Internet de 33,1%. Ainsi, malgré des perspectives prometteuses pour le secteur, les investissements dans les infrastructures restent nécessaires pour améliorer la qualité et la couverture des services. Ces investissements doivent également stimuler la croissance économique en facilitant l’accès aux services numériques, à travers une couverture universelle qui est encore un objectif lointain.

Pour 2025, le département de l’Économie numérique annonce plusieurs chantiers. Parmi eux, le renforcement du cadre juridique et règlementaire de la certification et de la signature électronique, l’adoption, la vulgarisation et la mise en œuvre du document de Politique nationale de développement de l’économie numérique, ainsi que l’acquisition de la plateforme de signature électronique. L’adoption de la stratégie nationale de cybersécurité est également envisagée.

La modernisation de l’administration devrait se poursuivre avec l’extension de l’Intranet de l’administration à 15 nouvelles régions administratives. Le développement d’applications et d’interfaces d’accès aux informations sur l’état-civil, la déclaration et le paiement des impôts et la plateforme d’alphabétisation sont également prévues en 2025. La construction d’un centre de données (Data Center tiers 3) et le déploiement de la fibre optique (618 km) entre Niono et Tombouctou et (250 km) entre Gao et Labbezanga sont également à l’ordre du jour.

Combler le gap

La digitalisation a enregistré des acquis, notamment un soutien aux infrastructures et l’existence de plateformes de paiement mobile des services publics, constituant une dynamique d’intégration positive du numérique, estime Mohamed Doumbia, membre du regroupement « Immersia », qui œuvre dans le domaine de l’Intelligence Artificielle (IA).

Cependant, le secteur reste à développer et doit promouvoir le « contenu local ». Il est important de développer les compétences au niveau local afin de répondre aux besoins. Cela signifie que même si le secteur du numérique offre des possibilités importantes, il a également besoin de ressources humaines de qualité pour assurer sa promotion. Ce développement doit s’appuyer sur des infrastructures de pointe  répondant aux normes internationales. Pour asseoir une économie numérique, le financement de la recherche et de l’innovation est indispensable, mais cela demeure un défi majeur.

Le Mali accuse un retard dans ce domaine et pour combler le gap il est nécessaire d’encourager l’investissement à travers un partenariat public-privé, suggère M. Doumbia. Cela pourra permettre d’attirer des capitaux. Étant donné qu’il s’agit d’investissements à risque, il est crucial que l’État offre des garanties au secteur privé pour s’impliquer, d’où l’importance du partenariat. Il faut aussi profiter du boom de l’IA pour réaliser un bond qualitatif. Les retards dans certains domaines comme l’éducation ou la santé peuvent être corrigés grâce au numérique. En termes de recherche et de développement, au-delà de reprendre ce qui a déjà été développé ailleurs, il faut « tropicaliser » les recherches et les adapter à notre contexte grâce à des solutions locales. Pour relever ce défi, les chercheurs doivent collaborer, car cette collaboration est cruciale. « Il y a une révolution qui est en marche et le Mali ne doit pas rester en marge », conclut M. Doumbia.

Fatoumata Maguiraga

Discours religieux : Quand les mots attisent la discorde et menacent la paix sociale

Depuis plusieurs années, le Mali, pays historiquement connu pour sa tolérance interreligieuse, est confronté à une recrudescence de discours religieux polémiques. Ces prêches, souvent amplifiés par les réseaux sociaux, exaspèrent les tensions et fragilisent la cohésion sociale.

Des figures influentes telles que Mahi Ouattara, Abdoulaye Koïta ou le Révérend Michel Samaké ont récemment été convoquées par les juridictions, accusées d’incitation à la haine ou d’avoir tenu des propos offensants envers certaines confessions. Ces affaires reflètent les défis auxquels fait face le pays pour préserver l’harmonie entre ses différentes communautés religieuses.

Selon un document de l’ambassade des États-Unis au Mali publié en 2021, avec une population de plus de 22 millions d’habitants composée à 95% de Musulmans, majoritairement sunnites de rite malékite, et à 5% de Chrétiens (deux tiers catholiques, un tiers protestants), le Mali a toujours misé sur le dialogue interreligieux pour maintenir son unité. Cependant, les récentes dynamiques sociales et politiques, combinées à une utilisation intense des technologies numériques, amplifient les fractures et exacerbent les tensions.

Pourtant, le pays dispose d’un cadre légal robuste pour assurer la coexistence des confessions. La Constitution de 2023 consacre la laïcité de l’État tout en respectant les croyances religieuses. L’article 32 précise que la laïcité « ne s’oppose pas à la religion et aux croyances », mais vise à promouvoir le vivre-ensemble. En parallèle, l’article 1er interdit toute discrimination religieuse, tandis que l’article 14 garantit la liberté de pensée, de conscience et de culte.

Le Code pénal renforce ces principes à travers des dispositions spécifiques. L’article 242-1 punit tout propos ou acte portant atteinte à la liberté de conscience ou incitant à une discrimination religieuse d’un emprisonnement de sept ans et d’une interdiction de séjour de dix ans. L’article 255-1, quant à lui, condamne l’apologie du terrorisme, particulièrement lorsqu’elle attise les tensions interconfessionnelles.

Des références internationales pour renforcer la tolérance

Le Mali est également signataire de plusieurs conventions internationales protégeant la liberté religieuse. Parmi celles-ci figurent entre autres la Déclaration universelle des droits de l’Homme (1948), qui consacre la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 18), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), qui réaffirme ce droit en insistant sur la liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion (1981) et la Convention relative aux droits de l’enfant (1989), dont l’article 14 garantit aux enfants la liberté religieuse tout en respectant le rôle des parents.

Ces instruments renforcent les engagements du Mali en faveur d’un climat de tolérance et d’égalité entre toutes les confessions.

Les médersas : un pilier éducatif sous pression

Les médersas, ou écoles coraniques, jouent un rôle central dans l’éducation religieuse au Mali. Elles représentent environ 16% des établissements scolaires, avec plus de 3 000 écoles accueillant environ 400 000 élèves. Ces institutions, bien qu’essentielles pour la transmission des valeurs islamiques, font face à des défis importants. Dans certaines régions, le manque de supervision permet la propagation de discours radicaux ou l’enseignement d’idéologies extrémistes.

Pour y remédier, le ministère des Affaires religieuses a lancé des initiatives visant à mieux encadrer ces écoles. Des formations pour les maîtres coraniques axées sur la tolérance et la coexistence pacifique ont été mises en place. De plus, des modules éducatifs sur la paix et le respect des diversités ont été introduits dans certains programmes scolaires. Ces efforts cherchent à renforcer le rôle positif des médersas dans la société.

Les conséquences de la radicalisation sur les communautés

Entre 2021 et 2024, les activités des groupes armés dans les régions du nord et du centre ont eu des conséquences dramatiques sur l’éducation. Selon le rapport du Cluster Éducation Mali publié fin 2024, l’insécurité persistante a entraîné la fermeture de 1 792 écoles, affectant environ 537 600 élèves et 10 752 enseignants. Cette crise éducative est alimentée par des discours religieux polémiques qui, en déshumanisant ou en diabolisant « l’autre », justifient le recours à la violence contre des groupes perçus comme des menaces. Le rapport « La Fabrique de l’islamisme » et les travaux d’Open Edition Books confirment que ce type de rhétorique, combiné aux tensions sociales et politiques, facilite la montée de l’extrémisme violent. Cette dynamique offre aux groupes radicaux un terreau fertile pour recruter des partisans, exacerbant davantage les tensions et l’instabilité dans le pays.

Selon le Rapport 2021 de l’Aide à l’Église en Détresse (AED), la liberté religieuse est menacée dans un pays sur trois, avec des violations notoires dans 62 pays parmi les 196 étudiés. Le Mali fait partie de ces nations où la liberté religieuse est compromise, principalement en raison de l’expansion du terrorisme et des tensions intercommunautaires. Cette situation illustre les défis auxquels le pays est confronté pour garantir la coexistence pacifique entre les différentes communautés religieuses

Des lieux de culte chrétiens, bien que minoritaires, ont également été pris pour cible. De plus, plusieurs attaques et enlèvements de religieux, Musulmans et Chrétiens, ont été signalés, alimentant un climat de peur et de méfiance entre les communautés. Ces tensions soulignent l’impact direct des discours polarisants sur la cohésion sociale.

Discours de haine en ligne : une menace amplifiée par le numérique

Avec 7,82 millions d’internautes en 2024, soit un taux de pénétration de 33,1%, et 2,15 millions d’utilisateurs de réseaux sociaux, selon DaraReportal, le Mali fait face à une utilisation grandissante des technologies numériques. Cependant, ces plateformes deviennent également des espaces privilégiés pour la diffusion de discours clivants et haineux. Les algorithmes des réseaux sociaux favorisent souvent les contenus polémiques, créant des « chambres d’écho » qui renforcent les croyances extrémistes.

Par ailleurs, le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité s’efforce de réguler ces discours en ligne, mais il manque de moyens techniques et financiers. De plus, des campagnes de sensibilisation, souvent menées par des ONG locales, visent à éduquer les utilisateurs sur les dangers des contenus extrémistes et à promouvoir un usage responsable des plateformes numériques.

Des exemples régionaux pour inspirer le Mali

Certains pays africains offrent des modèles réussis pour encadrer les discours religieux. Au Maroc, le Haut Conseil des Oulémas supervise les prêches et veille à ce qu’ils respectent les principes d’un Islam modéré. Depuis 2005, plus de 12 000 Imams y ont été formés pour diffuser des messages de tolérance. Le Sénégal, quant à lui, dispose du Conseil National des Imams et Oulémas, qui joue un rôle similaire en encourageant des sermons prônant la paix et la coexistence pacifique. À l’international, l’ambassade des États-Unis au Mali soutient des initiatives de dialogue interreligieux et des formations en médiation ayant bénéficié à plus de 500 participants en 2021 pour renforcer la cohésion sociale et contrer l’extrémisme violent. Ces exemples montrent qu’un encadrement institutionnel rigoureux peut prévenir la radicalisation et renforcer la cohésion sociale.

Les initiatives nationales pour promouvoir la paix

Pour contrer les discours haineux et prévenir l’extrémisme, le gouvernement a mis en place plusieurs initiatives. Le Plan d’action national pour la prévention de l’extrémisme violent (2021 – 2025) constitue une réponse stratégique aux causes profondes de la radicalisation. Ce plan s’appuie sur l’éducation, le dialogue interreligieux et le renforcement des institutions locales. Malgré l’énorme travail abattu, cette initiative fait face à plusieurs limites objectives. Le Plan d’action national pour la prévention de l’extrémisme violent au Mali présente plusieurs failles, notamment une coordination insuffisante entre les acteurs impliqués, des ressources financières et humaines limitées et un contexte sécuritaire instable marqué par des violences persistantes. De plus, bien que l’engagement communautaire soit essentiel, la mobilisation effective des populations locales reste un défi. Ces facteurs limitent l’efficacité et la portée du plan dans la lutte contre l’extrémisme violent.

Parallèlement à cette initiative, le Projet Alternatif Redevable pour Lutter contre l’Extrémisme Radical (PARLER), lancé en 2022, forme les leaders religieux à diffuser des prêches modérés. De plus, le Cadre de concertation interreligieux, actif depuis 2021, organise des forums pour désamorcer les tensions et encourager la compréhension mutuelle entre les confessions.

Le Mali dispose d’un cadre juridique solide et de nombreuses initiatives pour faire face aux défis posés par les discours religieux polémiques. Cependant, leur mise en œuvre nécessite une meilleure coordination entre l’État, les institutions religieuses et la société civile. En s’inspirant de modèles régionaux et en mobilisant tous les acteurs, le pays peut renforcer sa résilience et préserver son identité de nation tolérante et inclusive.

Massiré Diop

 

La fintech doit embrasser l’inclusion universelle

Ces dernières années, le monde a réalisé des progrès remarquables en matière d’inclusion financière. Au cours de la décennie qui a débuté en 2011, la proportion d’adultes ayant accès à des services financiers a augmenté de 50 %, pour atteindre plus de trois quarts. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir pour créer un système financier véritablement inclusif. Au-delà de l’élargissement de l’accès aux produits et services financiers, nous devons veiller à ce que ces produits et services conviennent à tous, y compris aux 1,2 milliard de personnes handicapées dans le monde.

 

La première génération de technologies financières a perturbé les services bancaires traditionnels en facilitant l’accès des personnes sous-bancarisées (pensez à l’argent mobile et aux micro-prêts). La prochaine vague d’innovation doit aller plus loin, et adopter l' »inclusion universelle » comme principe de conception de base. L’inclusion universelle traduit l’idée que chacun mérite d’avoir accès à des outils financiers qui répondent réellement à ses besoins et améliorent son bien-être.

 

Nous avons déjà des exemples de ce à quoi cela pourrait ressembler. Prenons l’exemple de la technologie « tap-to-phone », qui permet aux commerçants d’accepter des paiements à l’aide de leur smartphone, sans avoir besoin d’un terminal de paiement. Cette fonctionnalité présente des avantages évidents pour tous les acheteurs et vendeurs, qu’il s’agisse de commodité ou de sécurité. Mais elle permet également aux personnes aveugles ou malvoyantes, qui pourraient avoir du mal à compter l’argent liquide, de participer plus pleinement à l’économie numérique. Les personnes dont la mobilité est affectée, par des maladies comme l’arthrite, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson et l’infirmité motrice cérébrale, peuvent également avoir recours à la technologie « tap-to-phone ».

 

Il en va de même pour les paiements à commande vocale : ils sont pratiques pour tous, mais essentiels pour les personnes souffrant de déficiences visuelles, d’une mobilité limitée ou de problèmes d’alphabétisation. Il s’agit là d’une conception universellement inclusive optimale – si pratique que tout le monde, handicapé ou non, l’utilise. En fait, l’adoption généralisée de ces technologies les rend encore plus faciles à utiliser pour les personnes handicapées. Étant donné que 62 % des handicaps sont invisibles, il peut être très difficile de demander des aménagements. Mais personne ne sourcillera devant un outil « accessible » s’il l’utilise déjà.

 

Malgré quelques succès, l’approche dominante du développement des produits financiers ne met pas suffisamment l’accent sur l’inclusivité. Il s’agit non seulement d’un échec moral, mais aussi d’une opportunité économique manquée. Les personnes handicapées, ainsi que leurs amis et leur famille, représentent un revenu disponible colossal de 13 000 milliards de dollars. Avec l’allongement de l’espérance de vie, le nombre de personnes handicapées – et leur pouvoir d’achat – est appelé à augmenter.

 

Au-delà des bénéfices directs liés à l’exploitation de ce vaste marché mal desservi, les sociétés de services financiers qui s’engagent dans la voie de l’inclusion universelle deviendraient plus attrayantes pour d’autres clients, en particulier les jeunes générations. Une étude de 2018 a montré que 91 % des millennials (nés entre 1980 et 1994) remplaceraient un produit qu’ils achètent habituellement par une alternative provenant d’une entreprise « à mission ». La génération Z (née entre le milieu des années 1990 et le début des années 2010) est également très encline à s’intéresser aux marques qui mettent l’accent sur les valeurs sociales.

 

Pour tirer le meilleur parti de l’inclusion universelle, les institutions financières devraient adopter un nouveau cadre d’innovation reposant sur trois piliers. Le premier est une approche de conception universellement inclusive, dans laquelle les considérations d’accessibilité façonnent les solutions dès le départ. Il s’agirait d’un changement important par rapport à l’approche actuelle fondée sur la conformité, dans laquelle les ajustements sont souvent effectués après coup pour répondre aux normes minimales d’accessibilité. Son succès dépendrait en grande partie de la participation des personnes handicapées à toutes les phases du processus de conception.

 

Le deuxième pilier d’un nouveau cadre pour les fintechs est constitué par les données. Il est important de mesurer nos progrès en matière d’inclusion financière globale, mais il est tout aussi important de collecter des données détaillées qui différencient les groupes ou les segments. Ces données devraient aller au-delà de l’accès, pour couvrir la qualité des services et les changements dans le bien-être financier qui résultent des produits de l’industrie.

 

Enfin, il est essentiel d’établir des normes claires en matière de responsabilité et d’information. Les cadres réglementaires doivent prévoir des mesures qui incitent les institutions de services financiers à divulguer leurs progrès en matière d’inclusion universelle, en faisant de ces résultats un élément fondamental de leurs rapports, au même titre que les indicateurs financiers traditionnels.

 

Les avantages de l’inclusion universelle vont au-delà du profit. L’économie devient plus résiliente et plus dynamique lorsque tous les individus peuvent y participer pleinement. Les efforts déployés pour répondre aux besoins d’un groupe mal desservi peuvent déboucher sur des innovations qui profitent à tous – un phénomène connu sous le nom d' »effet de trottoir », en référence aux rampes d’accès aux trottoirs conçues pour les utilisateurs de fauteuils roulants, mais qui ont amélioré la vie de nombreuses autres personnes, qu’il s’agisse de parents avec des poussettes ou de travailleurs de la livraison.

 

Plutôt que de considérer l’accessibilité comme un obstacle à surmonter, nous devons reconnaître son potentiel en tant que catalyseur de l’innovation et de la croissance. L’inclusion universelle dans les services financiers n’est pas seulement une question de bien faire, c’est aussi une question de bien faire des affaires.

 

Carl Manlan est vice-président de l’impact inclusif et de la durabilité chez Visa CEMEA. Adanna Chukwuma, Aspen First Mover Fellow, est directeur principal de la mesure de l’impact mondial chez Visa.

 

Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

Inondations et pollution : La crainte d’une crise environnementale majeure en 2025

Le Mali fait face à deux crises environnementales majeures : des inondations historiques qui continuent de dévaster des régions entières malgré la fin de l’hivernage et une pollution atmosphérique croissante, à Bamako notamment. Ces phénomènes, aggravés par les pratiques humaines et le manque d’application des politiques environnementales, posent des défis colossaux pour l’avenir.

Depuis juillet 2024, des inondations d’une ampleur exceptionnelle ravagent le pays, causant des dégâts considérables. Près de 259 795 personnes ont été touchées, avec un bilan d’une centaine de décès et 148 blessés. Les régions de Ségou, Gao et Tombouctou sont parmi les plus durement affectées. À Gao, plus de 1 990 maisons se sont effondrées sous l’effet de précipitations intenses. Malgré la fin de l’hivernage en octobre 2024, les niveaux d’eau restent critiques, détruisant des infrastructures et exposant les populations à des déplacements et risques sanitaires tels que le choléra et le paludisme.

Parallèlement, la capitale, Bamako, est confrontée à une pollution atmosphérique alarmante. Selon l’Indice de Qualité de l’Air (IQA), les concentrations de particules fines dépassent largement les normes recommandées par l’OMS, classant l’air de la ville comme « nocif ». Le Pr Yacouba Toloba, pneumologue, a alerté sur l’augmentation des maladies respiratoires et cardiovasculaires. En 2024, 83 décès liés aux maladies respiratoires, dont une part significative attribuable à la mauvaise qualité de l’air, ont été dénombrés. La même étude a également indiqué que plus de 260 000 personnes fréquentent les hôpitaux chaque année pour bénéficier de soins contre les pathologies respiratoires.

La Pr Fatoumata Maïga, spécialiste des questions environnementales, attribue cette pollution à plusieurs facteurs : les véhicules de seconde main, souvent mal entretenus, les activités industrielles et artisanales, ainsi que les pratiques agricoles et minières. Des pratiques qui libèrent des fumées toxiques et des particules de poussière dans l’atmosphère. Même l’élevage intensif contribue à ce problème par le dégagement de gaz issus des mélanges de bouses et d’urines.

Pour réduire cette crise, elle recommande de restreindre l’importation de véhicules trop âgés, de diminuer l’utilisation de moteurs diesel et de réguler strictement les activités industrielles. Cependant, elle souligne que l’application des politiques publiques reste un défi majeur, malgré l’existence de textes. Une situation qu’elle attribue à des pratiques sociales néfastes, comme le favoritisme et l’impunité.

Ainsi, l’année 2025 s’annonce déterminante pour le pays, où des actions concrètes et une sensibilisation accrue sont nécessaires pour faire face à des crises environnementales aux conséquences imprévisibles.

Croissance économique : Les chantiers pour une transition énergétique durable

La croissance économique du Mali devrait s’accélérer à 5,3% en 2025, tirée notamment par le secteur minier. Cependant, l’année 2025 s’annonce également avec de nombreux défis, notamment celui de l’accès à l’énergie. Si le démarrage de la production de lithium présente de nouvelles opportunités en matière d’énergies renouvelables, le modèle d’exploitation doit évoluer pour permettre de soutenir d’autres secteurs de l’économie. La relance de l’économie reste en outre confrontée aux conséquences des chocs climatiques et à l’insécurité.

Le lancement des activités de la mine de lithium de Goulamina, le 15 décembre 2024, devrait contribuer à booster la transition énergétique grâce à la fourniture d’équipements utilisés dans l’énergie solaire, espèrent les autorités.

Cependant, pour offrir de nouvelles perspectives dans le secteur des énergies renouvelables, cette opportunité doit, au-delà de l’extraction, permettre au Mali de bénéficier à d’autres niveaux de cette chaîne de valeur. « À défaut d’avoir des usines de transformation sur place, on peut négocier des conditions d’accès plus faciles au produit », explique Abdrahamane Tamboura, économiste. Avec 51% de parts accordées aux entreprises maliennes, les contrats de sous-traitance devraient générer environ 250 milliards de francs CFA. De plus, la mine de Goulamina contribuera au développement local avec un investissement compris entre 20 et 25 milliards.

Le domaine des technologies à base de lithium est en expansion, mais les compétences locales pour répondre à ces besoins sont insuffisantes. Il est donc essentiel de développer ces talents.

Changer de schéma

À terme, il s’agit de changer le modèle d’exploitation de nos matières premières, actuellement basé sur l’exportation de produits bruts. Le chantier de la transformation économique doit être envisagé sur le long terme, sous peine de ne pas obtenir les résultats escomptés.

Le contexte devrait permettre une réflexion approfondie, estime M. Tamboura. Le développement que l’on envisage nécessite de sortir de l’urgence et de trouver un juste milieu entre la satisfaction des besoins pressants et l’exploitation judicieuse des potentialités.

En octobre 2024, le Gouvernement a interdit l’exportation de certains produits, dont l’arachide, la noix de karité et le sésame. Cette mesure vise à booster l’industrie locale, mais elle est redoutée par les producteurs, qui craignent une baisse de revenus, l’industrie locale ne transformant qu’une partie infime de la production. Pour renforcer cette capacité, il est crucial de fournir le secteur agricole en énergie, estime M. Tamboura.

Cela peut se faire à travers le développement du sous-secteur de la bioénergie, par exemple. Le secteur agricole, qui est un bon pourvoyeur de matières premières pour le sous-secteur des bioénergies, a également besoin d’énergie pour son propre développement. Un développement basé sur la valorisation des produits agricoles. Ce modèle, qui combine production et transformation, peut conduire à intensifier la production et à la valoriser.

Aigles du Mali : De nouveaux challenges en 2025

En 2025, les Aigles du Mali se préparent à relever deux défis majeurs : les éliminatoires de la Coupe du Monde 2026 et la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025 au Maroc. Ces compétitions représentent une étape décisive pour le football malien, en quête de renouveau.

Dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du Monde 2026, le Mali se trouve dans le Groupe I, aux côtés du Ghana, de Madagascar, de la République centrafricaine, des Comores et du Tchad. Après quatre journées, les Aigles occupent la quatrième place avec cinq points. Ils sont devancés par les Comores et le Ghana (9 points chacun) et Madagascar (7 points). Le Mali a remporté une victoire contre le Tchad (3-1), concédé un match nul contre la République centrafricaine (1-1), subi une défaite face au Ghana (1-2) et partagé les points avec Madagascar (0-0). Pour espérer une qualification historique au Mondial, les Aigles doivent améliorer leurs performances lors des prochaines journées, à partir de mars, avec des matches importants. Cette compétition, qui se déroulera pour la première fois dans trois pays (États-Unis, Canada et Mexique), est un objectif majeur pour les Maliens, surtout après leur élimination par la Tunisie lors des barrages de 2022.

En parallèle, le Mali a validé sa qualification pour la CAN 2025 en terminant premier de son groupe. Sous la direction de l’entraîneur belge Tom Saintfiet, les Aigles ont affiché des performances solides, totalisant 14 points avec 4 victoires et 10 buts marqués, tout en n’encaissant qu’un seul but. Prévue du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026 au Maroc, la CAN a été décalée pour des raisons climatiques. Le tirage au sort des groupes, le 27 janvier 2025, déterminera les adversaires des Aigles. Cette compétition est une occasion pour le Mali de briller, après avoir atteint les quarts de finale en 2024, éliminés par le pays-hôte, la Côte d’Ivoire (1-0). Fort de cette expérience, il vise les demi-finales, voire le titre.

L’année 2025 représente une véritable opportunité pour le Mali de confirmer sa progression sur la scène continentale et mondiale. Entre la CAN et les éliminatoires du Mondial, les défis sont immenses, mais les Aigles semblent prêts pour les relever. Le soutien des supporters et la rigueur dans la préparation seront essentiels pour atteindre ces ambitions.

 

2025 Année de la Culture : Des opportunités pour les acteurs

L’année 2025 a été déclarée « Année de la Culture » par le Président de la Transition. Creuset de valeurs et de talents, la culture est reconnue par ses acteurs comme un levier de développement. Cependant, pour faire de cet atout un allié capable de résoudre les maux de notre société, il est nécessaire d’élaborer une stratégie, de mobiliser des moyens et, surtout, de montrer une volonté politique.

L’Année de la Culture représente une opportunité pour tous les artistes qui doivent se sentir concernés, soutient Cheick Tidiane Seck, artiste musicien. La culture, en tant que facteur de vivre ensemble, constitue un pont qui doit nous relier sans pour autant nous fermer aux autres. Les artistes sont donc mis à l’honneur et doivent « transformer l’essai » grâce à des projets innovants, destinés à accroître la visibilité de notre culture et à engager un dialogue avec le reste du monde. D’après lui, il est impératif « d’imprégner les jeunes », car toute connaissance débute par la connaissance de soi. En s’appuyant sur la « profondeur des valeurs », M. Seck estime que « nous devons colorer le modernisme avec nos parfums » pour affirmer notre spécificité. Par exemple, en matière de musique, il est essentiel d’être à la fois créatif et éthique, afin de tirer un bon parti de la modernité. On peut harmoniser son identité avec son époque sans perdre son authenticité.

Libérer l’expression

Pour se développer à travers la culture, il est indispensable d’adopter une véritable stratégie et un programme d’action, estime Souleymane Cissé, cinéaste. Cette stratégie doit être conçue en collaboration avec les acteurs, car « c’est à nous de valoriser notre culture, de l’exprimer ».

Si nous consommons des cultures d’ailleurs, c’est parce que ces pays ont travaillé pour se faire connaître à l’échelle mondiale. Aucun pays ne peut se développer sans sa culture, ajoute M. Cissé.

Il est donc crucial « d’obligatoirement écouter les acteurs de la culture ». Pour le cinéaste, chaque acteur de la culture est d’abord un patriote, une personne qui aime profondément son pays. C’est donc à eux d’établir les fondements de la culture,

En ce qui concerne l’industrie cinématographique, elle ne peut prospérer sans une implication effective des autorités, des ressources adéquates et des soutiens. Cependant, « le cinéma cherche toujours du soutien » souligne M. Cissé.

Avant tout, il est primordial de libérer l’expression culturelle, insiste M. Cissé. Sans cela, aucun développement ou épanouissement n’est possible. Il plaide aussi pour que le CNCM (Centre National de la Cinématographie et du Mali) soit doté des moyens de sa politique. Avant d’inviter les autorités à encourager la création et à soutenir les créateurs.

2025 : Entre espoirs et défis

L’année 2024 a été particulièrement éprouvante pour le pays, confronté à des défis majeurs sur plusieurs fronts. Malgré des efforts, la situation sécuritaire demeure préoccupante, avec des attaques récurrentes de groupes armés perturbant la quiétude des populations.

La transition politique, quant à elle, se poursuit sans annonce précise quant à l’organisation de l’élection présidentielle tant attendue. Lors de son discours à la Nation, le 31 décembre 2024, le Président de la Transition n’a pas évoqué de date pour ce scrutin important et attendu, laissant planer l’incertitude sur le retour à un ordre constitutionnel normal.

Les inondations de l’année écoulée ont été particulièrement meurtrières et dévastatrices, causant de nombreuses pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants. Ces catastrophes ont dévoilé la vulnérabilité des infrastructures et l’urgence de mesures préventives pour éviter la répétition de tels drames.

Par ailleurs, force est de reconnaître qu’aujourd’hui les conditions de vie des Maliens ont connu une certaine détérioration, exacerbée par une crise énergétique persistante. Malgré le lancement de projets de centrales solaires, la demande en électricité dépasse largement l’offre, entraînant des coupures fréquentes. En dépit des annonces fortes, le bout du tunnel est encore lointain. Cette situation, combinée à la hausse du coût de la vie, a conduit à des mouvements sociaux et à des annonces de grèves dans divers secteurs.

Ainsi, l’année 2025 s’annonce décisive pour le pays. Les défis à relever incluent l’amélioration de la sécurité, la stabilisation économique, la mise en place d’infrastructures résilientes face aux aléas climatiques et la satisfaction des aspirations démocratiques de la population. La communauté nationale attend avec impatience des actions concrètes pour surmonter ces obstacles et construire un avenir plus serein.

2025 : Année électorale ?

Alors qu’elle était initialement prévue pour février 2024, l’élection présidentielle destinée à mettre fin à la Transition a été reportée sine die en septembre 2023. Plus d’une année après ce « léger report », pour des « raisons techniques », aucune nouvelle date n’a été communiquée par le gouvernement de transition. Cependant, certains signaux laissent à penser que ce scrutin, marquant le retour à l’ordre constitutionnel au Mali, pourrait se tenir au cours de l’année 2025.

Depuis quelques semaines, des évolutions semblent se dessiner concernant l’organisation de cette élection présidentielle dans les mois à venir. Dans une lettre de cadrage remise au Premier ministre Abdoulaye Maïga le 27 novembre 2024, le Président de la Transition a exhorté la nouvelle équipe gouvernementale à créer les conditions nécessaires « pour des élections transparentes et apaisées », lesquelles devront mettre fin à la Transition.

Lors de la cérémonie solennelle de rentrée des cours et tribunaux 2024 – 2025, qu’il a présidée le 26 décembre dernier, le Général d’armée Assimi Goïta a réitéré son appel au gouvernement pour qu’il mobilise les moyens matériels, financiers et humains nécessaires à la bonne organisation des futurs scrutins, seul gage d’un retour apaisé et sécurisé à l’ordre constitutionnel.

Dans cette dynamique, le Premier ministre a relancé le Cadre de concertation entre le gouvernement, les partis politiques et la société civile lors de deux rencontres tenues les 5 et 6 décembre 2024, suite à sa visite à l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) le 2 décembre.

Axées sur la présentation du point d’étape de la révision annuelle des listes électorales de 2024, ces rencontres ont vu plusieurs questions relatives à l’organisation des élections être également abordées lors des échanges.

« Nous allons faire l’effort d’aller vite, mais nous veillerons à ne pas confondre vitesse et précipitation. Nous ne pouvons pas nous permettre d’aller vers une crise post électorale. C’est pourquoi le Chef de l’État insiste sur la création des conditions nécessaires », a déclaré le Chef du gouvernement.

Budget électoral : Un gage ?

Le 19 décembre 2024, le Conseil national de transition (CNT) a adopté la Loi des finances 2025, confirmant les fonds destinés à l’organisation des élections, aux organismes spécialisés et aux départements ministériels, pour un montant de 80,750 milliards de francs CFA, dont 6,093 milliards pour l’AIGE et 17,297 milliards pour les nouveaux organes établis par la Constitution du 22 juillet 2023.

Après un retrait de la Loi des finances en 2024, la réapparition des dépenses électorales dans le budget de 2025 est perçue par plusieurs observateurs comme un signe positif pour la tenue de l’élection présidentielle cette année. Cependant, certains acteurs politiques, bien qu’ils saluent la prévision des dépenses électorales, demeurent prudents.

« Le fait de voir les dépenses relatives à l’organisation des élections mentionnées dans la Loi de finances est une bonne chose, mais ce n’est pas une garantie suffisante », affirme Alhassane Abba, Secrétaire général de la Convergence pour le développement du Mali (CODEM). « Tant que nous ne serons pas convoqués pour échanger en tant que classe politique sur la tenue des élections, nous demeurerons inquiets et sceptiques », poursuit-il.

Hamidou Doumbia, Secrétaire politique du parti Yelema, partage cet avis. Pour lui, au-delà de l’adoption du budget, il faut un chronogramme clair, avec des dates fixées pour les élections et un engagement ferme des autorités de la Transition.

« En 2021, les dépenses électorales étaient déjà inscrites dans le budget. Pourtant, les élections n’ont pas eu lieu. Il y a eu ensuite deux prolongations de la Transition. Cela ne peut donc pas être une garantie », affirme M. Doumbia.

Signaux positifs

En plus de l’adoption par le CNT de la Loi des finances 2025 prévoyant un budget pour les élections, l’AIGE s’active également. L’organe chargé de l’organisation des élections a commencé en décembre une série de formations pour les membres de ses coordinations dans toutes les régions du pays.

L’objectif est de renforcer leurs capacités, notamment en ce qui concerne la centralisation des résultats des scrutins et la collaboration entre l’AIGE, les partis politiques, la société civile et le ministère de l’Administration territoriale.

Déjà en juillet dernier, quelques jours après la levée de la suspension des activités des partis politiques, l’AIGE avait convié la classe politique et les acteurs de la société civile pour faire le point sur ses avancées dans la préparation des futures échéances électorales.

Pour Soumaïla Lah, enseignant-chercheur et analyste politique, l’activité actuelle de l’AIGE sur le terrain et ses contacts réguliers avec les partis politiques pour aborder les questions électorales et trouver un consensus à ce sujet sont des indicateurs de la tenue des élections en 2025.

Deux autres facteurs soutiennent son analyse : la Loi de finances 2025 qui prévoit une enveloppe pour les élections et la création d’un ministère délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et du soutien au processus électoral.

« Je pense que le processus pour l’organisation des élections est enclenché. La grande inconnue reste la participation ou non du Président de la Transition à ces élections », indique M. Lah.

Par ailleurs, la libération le 5 décembre 2024 des 11 leaders politiques issus de la Coalition des partis signataires de la Déclaration du 31 mars 2024, arrêtés en juin dernier, est perçue comme une volonté des autorités de la Transition d’apaiser le climat politique, favorisant ainsi les échanges avec la classe politique pour l’organisation d’élections pacifiques.

Cependant, pour Youssouf Sissoko, journaliste et analyste politique, même si ces signaux montrent que les autorités sont en bonne voie pour organiser les élections en 2025, « rien ne garantit véritablement la tenue de ces élections pour l’heure ». Selon le politologue Bréhima Mamadou Koné, au-delà de la volonté politique apparente des autorités d’aller aux élections, seul un chronogramme électoral clair pourrait dissiper les doutes entourant la tenue du scrutin présidentiel en 2025.

Silence intriguant

Alors que beaucoup s’attendaient à une annonce sur la tenue des élections en 2025 dans son discours de Nouvel an, le Président de la Transition n’a pas abordé la question lors de son adresse à la Nation du 31 décembre 2024.

Ce silence sur la question électorale remet-il en cause tous les autres signaux tendant vers l’organisation de l’élection présidentielle en 2025 ?

« Le fait que rien n’ait été dit à ce sujet laisse perplexe. Il est évident que l’écrasante majorité des Maliens attend la fin de la transition et des élections pour le retour à l’ordre constitutionnel de notre pays », a réagi l’ancien Premier ministre Moussa Mara.

Pour un autre acteur politique qui a requis l’anonymat, cela indique simplement que les militaires au pouvoir ne sont pas prêts à organiser les élections dans les mois à venir.

« Ce silence du Président sur le sujet des élections lors de son discours du Nouvel an est inquiétant. Cela signifie que malgré les signaux envoyés depuis un certain temps pour la tenue des élections, les autorités de la Transition n’ont pas encore réellement tranché sur le timing », conclut notre interlocuteur.

Mohamed Kenouvi

AGEFAU : Le Rapport du BVG dénonce une gestion financière entachée d’irrégularités

Dans son rapport publié en décembre 2024, le Bureau du Vérificateur Général (BVG) révèle des irrégularités significatives dans la gestion de l’Agence de Gestion du Fonds d’Accès Universel (AGEFAU) entre 2020 et 2023. Cette agence, créée en 2016 pour réduire la fracture numérique au Mali, a géré d’importants montants financiers au cours de cette période, mais plusieurs anomalies ont été constatées.

 

Le rapport indique que l’AGEFAU a perçu un total de 49,83 milliards de FCFA entre 2020 et 2023, selon les états financiers. Cependant, les dépenses exécutées durant cette période s’élèvent à seulement 25,29 milliards de FCFA, ce qui soulève des questions sur l’utilisation du reste des fonds.

 

Parmi les irrégularités financières majeures, un prêt de 20 milliards de FCFA a été irrégulièrement octroyé au Trésor Public pour répondre à la pandémie de COVID-19. Ce prêt, utilisé pour payer des salaires et non remboursé à ce jour, dépasse les attributions légales de l’AGEFAU.

 

Le rapport mentionne également des dépenses injustifiées, notamment 12,77 millions de FCFA pour des abonnements téléphoniques, bien que les salariés bénéficient déjà d’indemnités pour téléphone incluses dans leurs salaires. Par ailleurs, une perte de 409,31 millions de FCFA a été constatée en raison d’un taux contractuel non respecté par une banque partenaire. Ce montant a été récupéré après intervention du BVG.

 

Les dépenses de missions officielles ont également fait l’objet de critiques. Deux missions ont donné lieu à des paiements qualifiés d’indus au profit du Président du Conseil d’Administration, pour un total de 34,77 millions de FCFA, largement au-dessus des plafonds autorisés.

 

Enfin, le BVG note un retard dans le reversement de 92,57 millions de FCFA de redevances Radio-TV à l’Office de Radio et Télévision du Mali (ORTM). Ce montant a été régularisé après vérification, mais cette situation reflète un défaut de gestion persistant.

 

Ces irrégularités compromettent la mission fondamentale de l’AGEFAU, qui est de promouvoir l’accès universel aux TIC. Le BVG recommande des réformes urgentes, incluant le renforcement des mécanismes de contrôle et le respect strict des cadres réglementaires en vigueur.

 

 

La crise climatique est aussi une crise inflationniste

Ces dernières années, l’inflation mondiale a poussé les prix des denrées alimentaires, de l’énergie et des produits de base à des niveaux sans précédent. En conséquence, l’augmentation du coût de la vie a dominé les débats politiques dans le monde entier, mais surtout dans les pays du G20. Avant l’élection présidentielle de cette année aux États-Unis, par exemple, 41 % des Américains ont cité l’inflation comme leur principal problème économique.

 

La forte inflation risque d’éclipser une autre crise urgente : le réchauffement climatique. Pourtant, la hausse des prix et le changement climatique sont étroitement liés. Les conditions météorologiques extrêmes endommagent les cultures, gâchent les récoltes et font grimper les prix des denrées alimentaires, et leur impact s’accentue à mesure que les vagues de chaleur, les sécheresses et les inondations deviennent plus fréquentes et plus intenses. Ces événements perturbent également les chaînes d’approvisionnement et la production d’énergie, faisant grimper le prix d’autres biens essentiels.

 

Les pressions inflationnistes induites par le climat sont particulièrement aiguës en Afrique et en Amérique latine, où l’alimentation représente une part importante des dépenses des ménages. Par exemple, une grande sécheresse exacerbée par El Niño a fait grimper le prix des denrées de base au Malawi, au Mozambique, en Zambie et au Zimbabwe au début de cette année, ce qui a provoqué une crise de la faim. En revanche, les ménages des pays plus riches ont tendance à consacrer une part moins importante de leurs revenus à l’alimentation et sont donc mieux protégés.

 

Les discussions sur le changement climatique négligent souvent les conséquences économiques de ce phénomène sur les populations vulnérables et la façon dont il aggrave les inégalités, en se concentrant plutôt sur la croissance verte et les réductions d’émissions. Mais l’inflation perturbant de plus en plus la stabilité économique, ce bilan ne peut plus être ignoré. Les changements climatiques ont fait grimper les prix des oranges au Brésil, du cacao en Afrique de l’Ouest et du café au Viêt Nam. Une étude récente de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact du climat et de la Banque centrale européenne estime que la hausse des températures pourrait entraîner une augmentation de l’inflation alimentaire de 3,2 points de pourcentage par an, l’inflation globale augmentant de 1,18 point de pourcentage par an d’ici à 2035.

 

Plutôt que d’être traité uniquement comme une question environnementale, le changement climatique doit être au cœur de la politique économique. Les autorités fiscales et monétaires devraient intégrer les risques climatiques immédiats et à long terme dans leurs prévisions et politiques d’inflation, comme elles le font déjà pour les « risques de transition » liés au passage à une économie à faible émission de carbone. Certaines institutions ont commencé à s’adapter. La Banque de réserve sud-africaine a reconnu l‘importance de comprendre les risques climatiques. Depuis 2018, la Banque centrale du Costa Rica a intégré l‘impact du réchauffement climatique dans ses modèles économiques.

 

Les banques centrales et les ministères des finances devraient également travailler avec les organisations climatiques pour créer des solutions pratiques qui aident à amortir les économies des chocs interdépendants des conditions météorologiques extrêmes, de l’inflation galopante et de l’insécurité alimentaire. Par exemple, l’African Climate Foundation (où travaille l’un d’entre nous) a développé des plateformes d’investissement dans l’adaptation et la résilience (ARIP), qui utilisent des analyses avancées combinant des données climatiques et météorologiques, des modèles biophysiques et des modèles à l’échelle de l’économie pour faciliter l’investissement et la hiérarchisation des politiques – une approche plus complète pour renforcer la résilience.

 

Le FAC a utilisé un ARIP au Malawi l’année dernière, après que le pays ait été dévasté par le cyclone cyclone tropical le plus long Freddy, le jamais enregistré. L’utilisation de cet outil financier a permis aux décideurs politiques de d’identifier des solutions durables pour atténuer les dommages économiques causés par le cyclone tout en protégeant les industries clés et en renforçant la stabilité financière.

 

D’autres groupes de réflexion sur le climat poursuivent des objectifs similaires. L’Iniciativa Climática de México pousse les décideurs politiques à prendre en compte les risques climatiques dans la planification économique, tandis que l’Institut pour le climat et la société au Brésil a appelé à des plans de protection sociale et à des politiques sensibles au climat pour protéger les communautés à faibles revenus des conséquences économiques des conditions météorologiques extrêmes.

 

La collaboration régionale est tout aussi importante, car elle permettrait aux pays d’Afrique et d’Amérique latine d’élaborer et de partager des politiques économiques spécifiquement adaptées à leurs vulnérabilités climatiques et de soutenir les communautés les plus exposées. Des initiatives telles que la plateforme régionale des ministères de l’économie et des finances sur le changement climatique de la Banque interaméricaine de développement peuvent servir de modèle pour de tels efforts.

 

Au niveau mondial, il est essentiel de renforcer la coordination entre les institutions climatiques et économiques. Des outils tels que le mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone de l’Union européenne soulignent la nécessité d’une conception minutieuse des politiques afin d’atténuer les effets négatifs – dans ce cas, des coûts plus élevés pour les consommateurs des pays en développement. Le Brésil, qui accueillera l’année prochaine le sommet des BRICS et la conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP30), et l’Afrique du Sud, qui préside actuellement le G20, ont une occasion unique de redéfinir l’agenda économique mondial, en défendant des politiques qui s’attaquent à la double crise de l’inflation et du réchauffement climatique.

 

L’absence d’action collective et décisive pourrait aggraver les inégalités, éroder la stabilité économique et mettre en péril les objectifs climatiques. Mais si les décideurs politiques développent des solutions innovantes qui comblent le fossé entre les stratégies climatiques et économiques, ils peuvent réduire les risques immédiats de conditions météorologiques extrêmes et favoriser la stabilité et la résilience à long terme. Alors que l’inflation et la planète se réchauffent, le besoin de politiques intégrées et équitables n’a jamais été aussi urgent.

 

Mónica Araya, Distinguished Fellow chez ClimateWorks, est directrice du conseil d’administration du Natural Resource Governance Institute. Saliem Fakir est fondateur et directeur exécutif de l’African Climate Foundation.

 

Project Syndicate, 2024.
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