Auteur/autrice : Boubacar Haïdara
Un monde à l’envers
Les principaux moteurs de croissance du monde sont sur le point de se mettre à tourner à l’envers. Les politiques et les incertitudes de la deuxième administration du président américain Donald Trump ont frappé une économie mondiale léthargique d’un choc exogène transformationnel. Les risques sont particulièrement inquiétants aux États-Unis et en Chine, qui ont représenté collectivement un peu plus de 40 % de la croissance cumulée du PIB mondial depuis 2010.
L’Amérique est désormais le problème, et non la solution. Longtemps le point d’ancrage d’un ordre international fondé sur des règles, les États-Unis sont devenus protectionnistes, ce qui fait peser des risques majeurs sur un cycle commercial mondial déjà fragile. Dans le même temps, le mouvement Maga (« Make America Great Again ») de Trump a creusé un fossé profond entre les États-Unis et l’Europe et divisé l’Amérique du Nord : l’indépendance même du Canada se retrouve dans la ligne de mire de Trump. Le rôle central des États-Unis dans le maintien de la stabilité géostratégique post-Seconde Guerre mondiale a été brisé.
Les États-Unis ne seront pas en mesure de remettre le génie dans la lampe. Les actions choquantes de Trump ont érodé la confiance qui sous-tendait le leadership mondial de l’Amérique, et les dommages se manifesteront longtemps après que Trump ait quitté la scène. L’Amérique ayant déjà abdiqué son autorité morale en tant que point d’ancrage du monde libre une fois, qui peut dire que cela ne pourra pas se reproduire ?
Cette rupture de confiance jette une ombre durable sur les performances économiques, notamment aux États-Unis, où elle affecte la prise de décision des entreprises, en particulier les engagements coûteux à long terme associés à l’embauche et aux dépenses d’investissement. Les entreprises doivent adapter leurs activités futures aux prévisions de croissance – une perspective de plus en plus incertaine à l’heure actuelle. La valeur des actifs et la confiance des consommateurs ont également été ébranlées. L’incertitude, ennemie de la prise de décision, risque de geler les segments les plus dynamiques de l’économie américaine.
En ce qui concerne la Chine, les orientations politiques données par l’État pourraient atténuer le choc initial de la politique de Trump. Mais les pressions exercées par l’escalade des droits de douane de Trump saperont toutefois le modèle de croissance de la Chine fondé sur les exportations. Cela est particulièrement problématique pour la croissance économique, compte tenu de la faiblesse persistante de la demande intérieure chinoise.
Le rééquilibrage de l’économie axé sur la consommation, promis depuis longtemps, reste davantage un slogan qu’un véritable changement dans les sources de la croissance chinoise – en particulier avec un filet de sécurité sociale déficient qui continue d’encourager une épargne de précaution motivée par la peur. Le plan d’action en 30 points que la Chine vient d’annoncer pour stimuler la demande des ménages attire l’attention sur la situation apparemment difficile du consommateur chinois. Mais il n’apporte qu’un soutien modeste à un filet de sécurité sociale inadapté.
Le choc Trump risque non seulement d’exacerber le conflit sino-américain, mais aussi d’affaiblir considérablement les perspectives de croissance des deux pays. Ne comptez pas sur d’autres économies pour combler ce vide. À terme, l’Inde pourrait être en mesure de le faire, en partie du moins. Mais sa part relativement faible dans le PIB mondial – actuellement 8,5 % (en parité de pouvoir d’achat), contre 34 % pour la Chine et les États-Unis réunis – signifie que ce jour est encore lointain.
Il en va de même pour l’Europe. Alors que la part de l’Union européenne dans le PIB mondial (14 %) est presque le double de celle de l’Inde, l’Europe reste confrontée à une croissance anémique, aggravée par les pressions commerciales croissantes liées à l’escalade de la guerre tarifaire mondiale.
Si l’effondrement apparent de l’alliance transatlantique a un côté positif, c’est que les incitations à la cohésion stratégique devraient avoir un impact considérable sur les dépenses européennes en matière de défense. Mais cela prendra du temps. Entre-temps, l’Europe sera également exposée aux effets négatifs sur les attentes et les décisions des entreprises et des consommateurs, comparables à ceux qui affectent les États-Unis.
Qu’est-ce que tout cela signifie pour les perspectives économiques mondiales dans les années à venir ? La prévision de base actuelle d’une croissance du PIB mondial d’environ 3,3 % pour 2025-2026, selon les récentes prévisions du Fonds monétaire international (FMI), est beaucoup trop optimiste. Bien qu’il puisse y avoir une certaine accélération de la dynamique de croissance au début de cette année – illustrée par l’accélération des expéditions d’exportations chinoises avant les hausses tarifaires de Trump – je soupçonne que les risques de baisse vont progressivement s’accumuler.
Cela laisse présager une réduction fractionnée des prévisions de croissance économique mondiale pour 2025, le ralentissement devenant considérablement plus prononcé à partir de 2026. Cela pourrait facilement pousser une économie mondiale de plus en plus fragile vers le seuil de croissance de 2,5 %, généralement associé à une récession mondiale pure et simple.
Il ne s’agira probablement pas non plus d’un déficit habituel de la croissance mondiale. Dans la mesure où la guerre tarifaire vise à promouvoir le « friendshoring » et à renforcer la résistance de la chaîne d’approvisionnement, l’offre de l’économie mondiale est susceptible d’être mise à rude épreuve. Une nouvelle couche de coûts d’ajustement est imposée à un monde autrefois globalisé. La délocalisation vers des producteurs locaux à coûts plus élevés prend non seulement beaucoup de temps, mais érode également les gains d’efficacité en matière de production, d’assemblage et de livraison qui ont soutenu la désinflation mondiale au cours des trois dernières décennies.
Il y a près de cinq ans, au plus profond du choc Covid-19, j’avais prévenu que la stagflation n’était qu’à « une rupture de chaîne d’approvisionnement » près. L’expérience et les recherches qui ont suivi ont confirmé que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement durant la pandémie et ses suites immédiates ont exercé une forte pression à la hausse sur les prix.
Un conflit commercial mondial implique une dynamique similaire. Les coûts plus élevés associés à l’escalade « réciproque » des tarifs multilatéraux de Trump, qui doit être annoncée le 2 avril, sont particulièrement problématiques. Face à une croissance économique probablement insuffisante, les coûts supplémentaires et les pressions sur les prix risquent de faire pencher la balance vers une stagflation mondiale.
En bref, le choc Trump est l’équivalent fonctionnel d’une crise à part entière. Il est susceptible d’avoir un impact durable sur les économies américaine et chinoise, et la contagion est presque certaine de se propager dans le monde entier par le biais du commerce transfrontalier et des flux de capitaux. Plus important encore, il s’agit d’une crise géostratégique, qui reflète un renversement du rôle de leader mondial de l’Amérique. En l’espace d’un peu plus de deux mois, Trump a mis le monde sens dessus dessous. Si mon évaluation de ce choc est proche de la réalité, les inquiétudes concernant les prévisions économiques mondiales semblent presque insignifiantes.
Stephen S. Roach, membre de la faculté de l’université de Yale et ancien président de Morgan Stanley Asia, est l’auteur de Unbalanced: The Codependency of America and China(Yale University Press, 2014) et Accidental Conflict: America, China, and the Clash of False Narratives (Yale University Press, 2022).
Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org
BAL 2025 : Le Stade malien vise le sommet
Pour sa 2ème participation à la Basketball Africa League (BAL), le Stade Malien de Bamako a de grandes ambitions. Les représentants du Mali visent les finales.
La nouvelle aventure du Stade malien dans la BAL démarre avec les rencontres de la Conférence du Kalahari, qui se dérouleront du 5 au 13 avril 2025 au complexe sportif Prince Moulay Abdellah à Rabat, au Maroc.
Lors de cette phase, les champions du Mali en titre vont s’opposer aux Rivers Hoopers du Nigeria, à Al Ittihad d’Alexandrie en Égypte et au FUS de Rabat. Les Blancs de Bamako entreront en lice dès ce samedi 5 avril face aux Nigérians, puis enchaîneront dès le lendemain contre les Égyptiens, avant de rencontrer les Marocains le 8 avril. Les matchs retour de ces différentes affiches auront lieu du 10 au 13 avril.
Pour se qualifier pour le tour suivant, le Stade Malien doit terminer parmi les 2 premiers de cette Conférence ou au moins figurer parmi les 2 meilleurs deuxièmes à l’issue des matchs des deux autres Conférences, celles du Sahara et du Nil.
Objectif play-offs
Absent lors de la saison 4, après une première participation réussie à la saison 3, où le club s’était hissé jusqu’en demi-finales, le Stade Malien souhaite à nouveau se classer parmi les meilleurs clubs du continent.
En préparation à Bamako depuis deux semaines, les poulains de Boubacar Kanouté affûtent leurs armes. « L’équipe se porte bien. Nous avons un bon état d’esprit et nous nous préparons sereinement. Nous visons un des deux tickets pour les play-offs. Les joueurs en sont capables et nous avons confiance en eux », assure le technicien.
Le Président de la section Basketball du Stade Malien de Bamako partage cet optimisme. Pour Moustapha Touré, l’objectif principal du club est d’abord de se qualifier pour les play-offs et ensuite de viser les finales. « Nous allons aborder la compétition avec toutes nos valeurs et toutes nos chances », déclare-t-il.
Cependant, le chemin vers le sommet continental est long. Si le Stade Malien assure sa qualification à l’issue de la Conférence du Kalahari, il retrouvera les 7 autres meilleures équipes issues des autres Conférences pour 4 matchs de classement, suivis d’une phase à élimination directe de 8 rencontres et des finales, qui se dérouleront du 6 au 14 juin prochain à Pretoria, en Afrique du Sud.
Mohamed Kenouvi
Production d’or : Vers un rebond en 2025 ?
Le gouvernement malien table sur une production industrielle d’or de 54,7 tonnes en 2025, contre 51,7 tonnes en 2024, soit une hausse de 6%. Cette projection, révélée dans un document du ministère des Mines, marque un tournant stratégique après une chute brutale de 23% l’an dernier.
Deux événements majeurs nourrissent cet optimisme. Il s’agit de la reprise annoncée des activités de Barrick Gold et du retrait de plus de 300 permis d’exploitation artisanale à des acteurs étrangers.
Barrick Gold, acteur important avec une contribution annuelle habituelle de plus de 12 tonnes, a suspendu ses activités à Loulo-Gounkoto début 2025, après la saisie de 3 tonnes d’or par les autorités. En janvier, la compagnie n’a extrait que 0,63 tonne et aucune en février. Sa production reste en deçà des prévisions, mais un scénario de redémarrage au 1er avril est envisagé, selon son rapport annuel. En mars, une reprise partielle devait générer 1,1 tonne, mais cet objectif n’a pas été atteint.
Pour Aliou Traoré, Président de l’ACPM (Association des commerçants et prestataires miniers) la reprise ne pèsera pas sur les prix. « Le marché de l’or est mondial. Son prix, qui a récemment franchi les 3 000 dollars l’once, est dicté par les tensions géopolitiques internationales, pas locales », explique-t-il.
Le retrait des permis miniers à des exploitants étrangers libère un potentiel considérable. L’artisanat aurifère représenterait environ 15 à 20 tonnes par an, souvent mal déclarées. « Si on encadre cette production et qu’on la canalise vers les collecteurs agréés et les raffineries locales, cela pourrait augmenter le PIB, renforcer la balance commerciale et offrir à l’État des marges nouvelles pour négocier à l’international », affirme Aliou Traoré. Il plaide pour un « encadrement national prioritaire et structuré ».
L’ACPM, forte de plus de 2 000 membres, a lancé des études sur les sites d’orpaillage et engagé des négociations avec les banques pour appuyer les prestataires locaux. Elle appelle à un quota minimum de 70% des permis miniers réservés aux opérateurs nationaux.
Avec un or représentant 75% des exportations du pays, 2025 pourrait marquer un tournant vers une souveraineté minière mieux assumée et plus profitable aux Maliens. L’avenir nous en dira davantage.
Massiré diop
Hivernage 2025 : Un plan pour éviter le pire
Les inondations de 2024 au Mali ont causé la mort de près d’une centaine de personnes et fait des milliers de sinistrés. L’une des principales causes de ces drames humains et matériels est l’occupation illicite des voies d’écoulement des eaux. Pour prévenir de nouveaux risques, les autorités ont lancé une vaste opération de libération de ces voies, principalement dans le District de Bamako. Et ce programme d’envergure doit être exécuté avant le début de l’hivernage prochain.
« Les occupations illicites des domaines publics et privés de l’État sont devenues un phénomène courant. Elles ont atteint des proportions inquiétantes. (…) C’est ainsi qu’il a été créé une Commission nationale de libération des servitudes et lits des marigots dans le district de Bamako », a déclaré le Directeur national de l’Urbanisme le 16 mars 2025.
Créée par la décision n°2025-0052/MUHDATP du 3 mars 2025, cette Commission nationale de pilotage est subdivisée en cinq sous-commissions : communication et sensibilisation, balisage et collecte de données, gestion sociale, démolition et juridique. Les autorités déplorent que les emprises des fleuves et marigots aient été envahies par des constructions anarchiques ne respectant pas les Schémas directeurs d’urbanisme. Ces installations illégales, allant des habitations aux branchements électriques frauduleux, augmentent considérablement les risques d’effondrement, d’électrocution et d’inondation, tout en favorisant la propagation de maladies telles que le paludisme, les maladies hydriques ou la fièvre typhoïde. Ces zones, censées être protégées, sont devenues de véritables bombes à retardement, alerte le Directeur de l’Urbanisme.
Une opération de grande ampleur
Plus de 700 édifices et infrastructures doivent être démolis dans le cadre de cette opération, qui revêt une triple portée : sociale, sécuritaire et environnementale. Si le phénomène de l’occupation illégale s’est amplifié au fil des ans, les alertes ne datent pourtant pas d’aujourd’hui. En 2009 déjà, les États généraux du foncier dénonçaient la violation croissante des domaines publics et privés par des particuliers. Mais ce sont sans doute les inondations meurtrières de 2013, 2019 et 2024 qui ont achevé de convaincre les autorités de passer à l’action.
L’objectif est de réduire de manière significative les risques d’inondation dans la capitale, où chaque saison pluvieuse entraîne des pertes en vies humaines et des dégâts matériels considérables. Une telle opération nécessite cependant d’importants moyens. Les fonds requis — soit 3,9 milliards de francs CFA — ont été notifiés par le ministère des Finances. Cette enveloppe couvre les travaux de démolition, les indemnisations des propriétaires ainsi qu’une aide au logement temporaire pour les locataires évacués. Une campagne de sensibilisation est en cours de préparation, avec un spot déjà validé. Le lancement des opérations est prévu pour avril, avant le début de l’hivernage prochain, annoncé autour de juin 2025. Les zones libérées seront transformées en espaces piétons, en pistes cyclables ou en aires de jeux pour enfants.
Soutenir les victimes
L’année 2024 a laissé un souvenir douloureux à de nombreux citoyens. Les pluies torrentielles ont fait des ravages, causant des pertes en vies humaines, des destructions massives et le déplacement de nombreuses familles.
Le ministère de la Santé et du Développement social rapporte que la pluviométrie extrême de 2024 a entraîné 729 inondations, causé l’effondrement de 47 306 maisons et la destruction de 2 915 greniers et magasins, emporté des milliers de têtes de bétail et ravagé des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles, affectant 88 083 ménages. À cela s’ajoutent l’effondrement ou l’inaccessibilité de nombreuses écoles, ce qui a perturbé la scolarité de 4 millions d’élèves et forcé le report de la rentrée scolaire au 4 novembre 2024, soit un mois après la date initiale prévue.
Face à l’ampleur de la catastrophe, l’État a déclaré l’état de catastrophe nationale le 23 août 2024. Un plan d’action estimé à 73 millions de dollars (soit 43 milliards de francs CFA) a été mis en œuvre avec l’appui de la Banque mondiale afin de restaurer les infrastructures et les services urbains touchés dans les secteurs de l’assainissement, de la santé, des transports, de l’éducation et de l’agriculture. Le plan prévoit également le renforcement des capacités de réponse aux urgences.
Parmi les interventions d’urgence figurent la distribution de moyens de subsistance et de kits scolaires et la mise à disposition de logements temporaires. Des campagnes de vaccination et l’envoi d’équipements médicaux ont aussi été entrepris. La Composante d’intervention d’urgence (CERC), activée dans le cadre du Projet de résilience urbaine de Bamako (PRUBA), accompagnera d’autres volets du Plan d’action qui s’étendra au total sur 14 mois.
Anticiper et s’adapter
Même si les prévisions pour la saison pluvieuse de 2025 sont moins alarmantes que celles de l’an dernier, la prudence reste de mise. Les systèmes d’évacuation des eaux demeurent fragiles et les tâches à accomplir sont considérables. Les premières données météorologiques annoncent une saison humide, avec des précipitations dans la moyenne. Contrairement à 2024, marquée par le phénomène El Niño, l’année 2025 se déroulera sous une phase « neutre ». Ce contexte n’exclut toutefois pas des épisodes extrêmes, tant la crise climatique mondiale s’intensifie.
La Journée mondiale des forêts, célébrée le 21 mars 2025, a mis en lumière les enjeux environnementaux actuels. La couverture forestière du pays est passée de 32 millions d’hectares en 2002 à près de 17 millions en 2025. Pour renforcer sa protection, le gouvernement a adopté des réformes législatives plus contraignantes : confiscation des produits illégalement exploités, formation des agents de protection, etc.
Dans cette dynamique, une Stratégie nationale de sécurité climatique a été adoptée pour répondre aux défis croissants liés au changement climatique : désertification, raréfaction de l’eau, perte de la biodiversité, insécurité alimentaire, migrations forcées, tensions autour des ressources naturelles…
Prévue sur cinq ans, cette stratégie vise à établir une approche intégrée, concertée et proactive entre l’État, les collectivités, la société civile et les partenaires au développement. Elle doit permettre une action cohérente pour anticiper et répondre aux impacts du climat sur la stabilité sociale.
La libération des servitudes et des lits des cours d’eau qui démarre dès ce mois d’avril s’inscrit dans une volonté plus large : prévenir les inondations, renforcer la résilience urbaine et imposer le respect des Schémas directeurs d’urbanisme. Car les occupations illicites ne sont pas seulement illégales. Elles sont aussi incompatibles avec toute politique sérieuse de développement durable et de maîtrise urbaine.
Sky Mali relie désormais Bamako à Niamey via Gao : une ambition régionale affirmée
Dans un contexte régional en pleine mutation, la compagnie aérienne Sky Mali franchit un nouveau cap en lançant officiellement sa liaison Bamako-Gao-Niamey. Le premier vol commercial est prévu pour le 8 avril 2025, avec une desserte bihebdomadaire les mardis et samedis. Cette décision stratégique intervient alors que les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) cherchent à renforcer leurs synergies économiques et à bâtir une souveraineté logistique sur fond d’isolement diplomatique croissant.
Le projet ne date pas d’hier. « Cette initiative n’est pas le fruit du hasard », a rappelé la Directrice Générale de Sky Mali, Aïcha Doucouré Haïdara, à l’ouverture d’un atelier organisé à Bamako à l’intention des agences de voyages partenaires. « Elle est née d’une analyse de terrain, de l’écoute des attentes des voyageurs et de notre volonté de relier les peuples, au-delà des frontières », a-t-elle insisté. La ligne, qui inclut une escale à Gao, entend désenclaver le nord du Mal.
Le choix de relier Bamako à Niamey en passant par Gao n’est pas anodin. Selon Sky Mali, il répond à trois objectifs : structurer un réseau aérien régional viable, offrir une alternative rapide aux trajets terrestres longs et dangereux, et renforcer la coopération économique dans l’espace AES. À terme, la compagnie envisage même de faire de Gao une plateforme de correspondance pour les régions du Liptako-Gourma, aujourd’hui peu ou pas desservies par voie aérienne.
En matière de services, Sky Mali met en avant une expérience de voyage repensée, avec une attention particulière portée à la ponctualité, au confort à bord et à l’accompagnement des partenaires commerciaux. Pour le mois d’avril, une grille tarifaire promotionnelle a été dévoilée, avec des commissions attractives destinées aux agences de voyages. Ces dernières bénéficieront également d’outils de réservation optimisés et d’un accompagnement personnalisé, selon les précisions données par l’équipe commerciale.
Ce lancement intervient dans un contexte où la connectivité aérienne entre États africains reste l’un des défis majeurs du secteur. D’après l’Union africaine, plus de 80 % des vols entre pays africains nécessitent encore une escale hors du continent. À ce titre, le Directeur Général de la compagnie ASKY, Esayas Woldemariam, a salué cette initiative : « Sky Mali montre la voie. Nos États doivent soutenir ce type d’ambition, car une Afrique plus connectée est une Afrique plus souveraine ». La compagnie togolaise, considérée comme un acteur-clé de la connectivité régionale ouest-africaine, a récemment renforcé sa propre coopération avec plusieurs compagnies nationales, dont Sky Mali, dans une logique de complémentarité plutôt que de concurrence.
En arrière-plan, le lancement de cette ligne s’inscrit aussi dans une politique de recentrage stratégique de Sky Mali sur l’AES. Après avoir suspendu ses liaisons vers Dakar en 2023 pour des raisons opérationnelles, la compagnie semble désormais miser sur l’intégration sous-régionale et sur le renforcement des flux internes. Gao, capitale culturelle du Sahel et nœud historique des routes transsahariennes, pourrait ainsi redevenir un point de passage incontournable, pour peu que la stabilité sécuritaire suive.
Avec cette nouvelle liaison, Sky Mali s’impose non seulement comme un transporteur national, mais comme un acteur stratégique de la recomposition du ciel ouest-africain. Une ambition en phase avec l’esprit du temps, entre résilience, souveraineté et intégration régionale.
Modibo Sidibé : « La démocratie ne se décrète pas, elle s’organise et se nourrit de participation »
Président du parti Les Fare Anka Wili et du Comité stratégique du M5-RFP Malikura, Modibo Sidibé aborde les enjeux de la Transition au Mali : gouvernance, sécurité, libertés, services sociaux, intégration régionale… Il appelle à un sursaut démocratique fondé sur l’inclusivité, la responsabilité et la transparence. Propos recueillis par Massiré Diop.
Pensez-vous que les conditions actuelles permettent l’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles au Mali ?
Le mouvement de l’Appel du 31 mars, dont le M5-RFP Mali Kura est membre, s’est exprimé à ce sujet. Nous sommes dans une période transitoire qui, comme toute transition, doit impérativement aboutir à un retour à l’ordre constitutionnel à travers des élections. Cela implique un dialogue ouvert et inclusif entre les autorités, les acteurs politiques, la société civile et les forces vives du pays pour convenir d’un calendrier électoral clair, assorti de garanties sur les conditions d’organisation.
Il ne suffit pas d’organiser des élections, encore faut-il qu’elles soient crédibles, transparentes et conformes à l’esprit de la nouvelle Constitution. Cela suppose aussi une volonté politique affirmée de mettre en place les dispositifs techniques, logistiques et institutionnels adaptés. La Transition n’a de sens que si elle permet une refondation du système, une réforme du cadre électoral et un retour durable à une gouvernance démocratique.
Le M5-RFP Malikura envisage-t-il de désigner un candidat unique pour la prochaine présidentielle ?
Depuis plusieurs mois, le M5-RFP Malikura a clairement exprimé son engagement dans une troisième phase de son combat : la conquête du pouvoir à travers les urnes, pour mettre en œuvre les valeurs et objectifs du Mali Kura. Nous travaillons à la construction d’un projet politique partagé, autour duquel nous pourrons rassembler nos forces et les élargir à tous ceux qui partagent nos valeurs et notre projet. L’idée d’un candidat unique est bien actée : il portera en toute légitimité ce projet collectif. C’est dans ce cadre que les procédures internes seront définies afin de désigner un candidat qui incarne les principes de refondation, de souveraineté et de justice sociale que nous défendons.
Quelle est votre position sur la réforme de la Charte des partis visant à réorganiser le paysage politique ?
Il est indéniable que notre système politique souffre de nombreux dysfonctionnements : prolifération de partis sans projet réel, nomadisme politique, manque d’éthique. Mais une simple réforme technique ne suffira pas. Le véritable enjeu, c’est la refondation du politique autour de quatre axes : un renouveau de la démocratie, de la gouvernance, du politique lui-même et surtout du citoyen. La classe politique doit faire son introspection, scruter les pratiques politiques négatives, afin de redonner du sens à l’engagement politique et de recentrer l’action publique sur les valeurs de servir, d’être au service, d’intérêt général et de responsabilité. Ce n’est pas tant le nombre de partis qui pose problème, mais la qualité de leur engagement. La réforme doit donc être accompagnée d’un véritable dialogue politique, d’un Code d’éthique partagé et d’une politique d’appui aux partis politiques basée sur des critères d’information et d’éducation citoyenne, de représentativité et de transparence.
S’agissant du mode de « financement » des partis politiques, le M5-RFP MaliKura propose le décrochage des recettes fiscales annuelles (0,25%) dont la hausse constante provoque une croissance automatique de l’appui aux partis sans raison aucune et de convenir plutôt d’un montant révisable périodiquement, de moduler les critères en ajoutant à l’existence légale un élu au moins et davantage d’équité dans la répartition.
La Confédération AES peut-elle, selon vous, jouer un rôle moteur dans l’intégration régionale ?
La CEDEAO est une construction régionale importante, issue d’une vision historique d’intégration ouest-africaine que les peuples ont soutenue dès les années 1990. Le Mali y a longtemps joué un rôle actif. Cela dit, les décisions récentes, notamment en matière de sanctions, ont mis en lumière ses limites et suscité de profondes interrogations. La Confédération AES, en tant qu’espace de coopération sécuritaire et politique, peut représenter une dynamique complémentaire si elle est portée par une vision stratégique claire. Mais l’objectif ne doit pas être de fragmenter la région. Il faut travailler à une CEDEAO refondée, au service des peuples, intégrant les aspirations légitimes des États membres à plus de souveraineté et d’efficacité. L’intégration régionale ne doit pas être sacrifiée mais repensée, pour devenir plus juste, plus solidaire et plus respectueuse des réalités de chaque nation.
Quels avantages concrets le Mali peut-il espérer de l’AES sur les plans économique, sécuritaire et monétaire ?
L’AES peut constituer dans la CEDEAO un pôle de stabilité et de développement, une plate-forme pertinente pour renforcer la coopération en matière de sécurité, de lutte contre le terrorisme. Elle y trouvera la profondeur stratégique utile.
La CEDEAO a engrangé des acquis importants en matière d’intégration régionale et il ne faut ni l’oublier ni vouloir en déprécier la portée. C’est le cas de la liberté de circulation au sein de l’espace communautaire, du droit d’établissement, de certains projets d’infrastructures, de corridors économiques, d’interconnexions énergétiques, d’une monnaie commune en gestation, pour ne citer que cela.
L’AES, comme pôle de stabilité et de développement, peut être un levier pour nos pays, qui partagent des défis communs en matière notamment de sécurité, de développement économique et d’aménagement du territoire. Cette alliance ne doit pas être guidée par l’isolement, mais par une vision d’intégration régionale et continentale au service des citoyens.
Comment soulager les Maliens face à la pression fiscale croissante, notamment avec les taxes sur les télécommunications ?
Nous avons exprimé notre désaccord dans un communiqué conjoint du M5-RFP Malikura et du parti YÉLÉMA, sur la taxe imposée aux usagers des télécommunications. Non seulement elle pèse lourdement sur les citoyens, déjà éprouvés, mais nous avons aussi dénoncé le fait que les fonds issus de cette taxe soient logés à la Présidence, sans mécanisme clair de transparence ni de redevabilité.
La mobilisation des ressources publiques est légitime, mais elle doit reposer sur une gouvernance éthique, équitable et responsable. C’est pourquoi nous appelons à un véritable choc de gouvernance, fondé sur l’utilité de la dépense publique, le respect du citoyen et la traçabilité des fonds collectés.
Si des sacrifices sont nécessaires, alors ils doivent être partagés et orientés vers des résultats tangibles pour la population, en matière notamment d’infrastructures économiques et d’accès aux services sociaux de base.
La crise entre le SYNABEF et EDM-SA illustre les tensions sociales dans les entreprises publiques. Quelles solutions proposez-vous pour renforcer le dialogue social ?
Le dialogue social doit être une constante, pas une option. Trop souvent, les conflits éclatent parce que les mécanismes de concertation ne sont pas respectés ou sont instrumentalisés. Il est urgent d’institutionnaliser un cadre de négociation permanent entre les syndicats, les directions d’entreprises publiques et l’État. Les partenaires sociaux doivent être considérés comme des acteurs à part entière du développement. Il faut restaurer la confiance à travers la transparence, l’écoute, la recherche de compromis durables, et, surtout, l’implication des travailleurs dans la gouvernance des entreprises. La paix sociale est un pilier de la performance économique et de la stabilité nationale.
Une Charte nationale pour la paix et la réconciliation est en cours d’élaboration. Est-il possible de bâtir une paix durable sans inclure toutes les parties prenantes ?
Une paix durable ne peut se construire sans un dialogue inclusif, franc et structuré. La méthode employée aujourd’hui pour la Charte nationale nous interpelle. Il ne suffit pas d’écrire un texte et de le proclamer au nom de la paix. Il faut construire une adhésion nationale autour des principes, des objectifs et des mécanismes de réconciliation. Le dialogue, même difficile, est la seule voie pour fonder une paix authentique. Le Mali que nous avons en commun a besoin d’une démarche qui respecte les sensibilités, implique toutes les composantes de la Nation, y compris celles qui sont critiques ou marginalisées, et s’ancre dans les principes républicains et démocratiques consacrés par notre Constitution. Nous l’avons toujours dit, il nous faut un Agenda consensuel de sortie de crise du Mali.
L’insécurité persiste malgré le renforcement des FAMAs. Quelle stratégie complémentaire proposez-vous pour restaurer la sécurité ?
Je salue d’abord les FAMAs et je rends hommage à leur bravoure, à leur engagement et aux sacrifices qu’ils consentent quotidiennement pour assurer la sécurité du territoire national et des populations maliennes, souvent au prix de leur propre vie.
La réponse à la crise ne peut pas être uniquement militaire. Il faut un véritable triptyque Sécurité, Développement et Gouvernance locale. Les populations doivent sentir la présence de l’État, non seulement à travers les forces armées, mais aussi par l’accès aux services publics, à la justice, à l’éducation et à la santé. Il faut associer les communautés aux stratégies locales de sécurité, renforcer la cohésion sociale et donner aux collectivités les moyens d’agir. Il est également essentiel de refonder notre système de défense pour l’adapter aux réalités, actuelles et futures. La sécurité durable repose sur la confiance entre l’État et les citoyens.
La lutte contre la corruption reste une priorité nationale. Qu’en pensez-vous ?
Il faut passer des discours aux actes. Faut-il rappeler ici les recommandations pertinentes des États généraux sur la Corruption et la délinquance financière? La lutte contre la corruption doit devenir une politique d’État, avec des institutions fortes, indépendantes et crédibles. Nous proposons de renforcer les organes de contrôle (BVG, OCLEI, Justice) en leur garantissant autonomie et protection, tout en instaurant un système de redevabilité citoyenne, à travers la publication systématique des rapports de gestion, de contrôle et de suivi des recommandations. Il faut aussi renforcer la formation éthique dans l’administration, instaurer des sanctions exemplaires et revoir les circuits de dépenses pour réduire les zones d’opacité. Enfin, nous militons pour l’adoption d’un Pacte de gouvernance éthique signé par tous les dirigeants publics, engageant leur responsabilité personnelle.
Face à l’immigration clandestine, notamment des jeunes, quelles réponses structurelles envisagez-vous ?
L’immigration clandestine est un drame révélateur de l’ampleur de la crise. Elle traduit l’absence de perspectives, la perte d’espoir. Quand les jeunes prennent la mer au péril de leur vie, c’est un cri. Ce que nous devons faire, c’est de recréer l’espérance ici. Cela passe par l’éducation, la formation professionnelle, l’emploi, l’inclusion économique et sociale. Il faut aussi que l’État montre qu’il est là pour eux. Si un jeune se sent utile chez lui, il ne partira pas. Il faut faire du territoire national un espace d’opportunités, pas de survie.
Si vous deviez choisir une priorité pour le Mali, laquelle serait-ce ?
La priorité, c’est de rétablir la confiance. Cela commence par une gouvernance exemplaire, un État juste, éthique et efficace. Ensuite, il faut remettre l’éducation et la santé au cœur de la République. Investir dans les services de base, les infrastructures et réorganiser notre économie pour qu’elle crée de la valeur et de l’emploi. Il faut aussi réconcilier les Maliens entre eux et avec leurs institutions. Le pays a besoin de paix, de justice et d’un projet fédérateur. C’est cette vision que je défends, dans la fidélité aux idéaux du MaliKura.
Le retrait du Mali de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) suscite le débat. Quelle est votre lecture de cette décision ?
Il faut replacer cette décision dans son contexte historique. Le Mali a été à l’initiative de la tenue à Bamako du Symposium francophone sur le bilan des pratiques démocratiques, qui a adopté la Déclaration de Bamako de 2000, qui posait les fondements démocratiques que les États membres devaient respecter. Cette déclaration engageait l’OIF à défendre la démocratie, l’État de droit et les droits de l’Homme. Bamako a abrité en 2005 les travaux d’évaluation de cette Déclaration.
L’OIF ne se résume pas au partage d’une langue, c’est aussi un cadre de coopération en matière d’éducation, de culture et d’économie.
La refondation est au cœur du discours politique. Que signifie-t-elle concrètement pour vous ?
La refondation ne peut être un simple slogan. Elle doit se traduire par des transformations concrètes dans la manière de gouverner, d’éduquer, de rendre justice, de répartir les ressources. Refonder, c’est reconstruire le contrat social entre l’État et les citoyens. Cela implique des institutions légitimes, une démocratie vivante, une économie au service du peuple. C’est aussi refonder l’éthique publique et la responsabilité individuelle. Ce n’est ni un repli identitaire ni un rejet du monde, mais une exigence de dignité, d’efficacité et de souveraineté bien assumée.
De nombreuses voix s’élèvent contre les restrictions des libertés publiques. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Il ne faut jamais perdre de vue que la Charte de la Transition, la Constitution du 22 juillet 2023 et même la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifiée par notre pays, affirment toutes notre engagement pour les libertés fondamentales. C’est un socle que nul ne devrait piétiner.
Aujourd’hui, nous voyons une montée des atteintes aux libertés : détentions arbitraires, restrictions à la presse, interdictions de manifestations. Cela est contraire à l’esprit même de la Transition. On ne peut pas parler de refondation démocratique tout en restreignant les droits des citoyens. Les libertés publiques sont non négociables. Elles sont le miroir de la vitalité démocratique du pays. Il ne faut jamais perdre de vue le sens du 26 mars et ses acquis. Nous appelons à leur respect strict, sans condition et à la libération des détenus d’opinion, parce que le Mali démocratique ne devrait pas en avoir.
Santé et éducation restent inégalement accessibles, surtout en zones rurales. Comment y remédier ?
L’éducation et la santé sont les deux piliers du développement humain. Des efforts ont été faits, c’est vrai, mais les inégalités persistent, notamment dans les zones rurales. Le problème, ce n’est pas seulement l’existence d’écoles ou de centres de santé, mais leur qualité, leur accessibilité et leur adéquation aux réalités locales.
Dans le domaine de la santé, nous avons trois secteurs : le public, le privé et le communautaire. Il faut les renforcer tous, avec une attention particulière au niveau primaire, souvent le parent pauvre du système. Cela passe par des moyens, des équipements, mais aussi une gouvernance rigoureuse.
Pour l’éducation, il faut une vision claire. Les enfants doivent pouvoir aller à l’école partout, apprendre dans leur langue maternelle si besoin, accéder à des formations techniques, professionnelles et universitaires. Il faut également valoriser les filières courtes, développer des instituts technologiques et ne pas avoir uniquement une vision académique classique. L’éducation doit déboucher sur des compétences utiles à la société, à l’économie, au développement local. C’est une vision intégrée, inclusive et territorialisée que nous portons.
Avec les multiples reports des élections locales et l’installation de délégations spéciales, comment garantir une gouvernance locale représentative ?
Ce qui se passe aujourd’hui est extrêmement préoccupant. Le report des élections locales à répétition et l’installation systématique de délégations spéciales nous éloignent de l’esprit républicain et démocratique de la Décentralisation. On assiste à une mise sous tutelle des collectivités, à une confiscation de la parole des citoyens.
Or la gouvernance locale, c’est le socle de la participation citoyenne. C’est là que les décisions doivent être prises, au plus proche des besoins réels. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est un affaiblissement de l’ancrage local de la démocratie, une rupture du lien de confiance entre élus et populations.
Il faut rétablir l’élection comme mode normal de désignation des responsables locaux et cesser d’improviser des solutions administratives. Il faut aussi repenser les relations entre l’État et les collectivités : redonner les compétences, transférer réellement les ressources et professionnaliser la gestion locale. La démocratie ne se décrète pas, elle s’organise, elle se nourrit de participation, d’échanges, de transparence. Il en va de la stabilité de nos territoires et de la confiance dans nos institutions.
Journée mondiale des forêts : le Mali en alerte
C’est en 2012 que l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 21 mars, journée internationale des forêts. Cette journée offre l’occasion de célébrer les différents types de forêts et incite à une prise de conscience où chaque pays est invité à faire des actions au niveau local, national et international.
Cette année, la journée met l’accent sur le rôle crucial des forêts dans la sécurité alimentaire, la nutrition et les moyens de subsistance.
Au Mali, il existe 105 forêts classés dont la plus ancienne dans le cercle de Bafoulabé depuis 1935. La plus récente existe dans la région de Sikasso et couvre environ 200 hectares. En plus de ces forêts, le domaine classé couvre une superficie d’environ 8 millions d’hectares. Des parcs et des réserves dont celles de Baoulé d’environ 2 millions d’hectares et la réserve des Eléphants du Gourma d’environ 1 million d’hectares. Mais en raison de multiples attaques, ces espaces se réduisent dangereusement.
Selon les statistiques le Mali perd 500 000 hectares de forêts par an. Le pays a perdu environ 3 millions d’hectares au cours des 50 dernières années. Ce qui fait que plusieurs forêts classées n’existent plus que de nom actuellement. Plusieurs phénomènes influencent l’existence de ces forêts parmi lesquelles, l’agriculture intensive et l’exploitation abusive de bois. Les pressions exercées sur le couvert forestier l’ont réduit de façon drastique, passant de 32 millions d’hectares en 2022 à 17 millions d’hectares cette année.
Phénomène mondial
Plus de la moitié de la population trouve dans les forêts de la nourriture et des produits pour se soigner. Les forêts couvrent près du tiers de la surface de la terre, mais chaque année, ce sont des millions d’hectares qui disparaissent. A l’échelle mondiale, les forêts ont perdu 178 millions d’hectares en 30 ans.
Même si ce rythme de disparition a tendance à ralentir, les pertes restent considérables. Entre 1990 et 2 000, le taux de perte forestière par an a été estimé à7,8%. Mais de 2010 à 2020, ce taux a été de 4,7%. Les forêts font cependant face à une autre menace. Des incendies géants, aggravés par l’augmentation des températures ont détruit des milliers d’hectares cette année. Une urgence face à laquelle, des actions concrètes sont attendues.
Révolution du 26 mars 1991 : Que reste-t-il des idéaux ?
Dans quelques jours, le Mali commémorera le 34ème anniversaire de la révolution du 26 mars 1991, qui a mis fin à 23 ans de régime autoritaire de Moussa Traoré, ouvrant la voie à une transition démocratique. Plus d’un quart de siècle après, alors que le pays traverse de nombreuses crises, les idéaux de cette révolution peinent à se concrétiser.
Durant le règne de Moussa Traoré, ancien Général des forces armées, la pauvreté, l’injustice sociale et la répression politique se sont accentuées. Dans les années 1980, la contestation grandira face aux difficultés économiques et aux restrictions des libertés. Les événements de mars 1991 ont été marqués par une contestation massive, sévèrement réprimée, avec des centaines de morts et de blessés.
Le 26 mars, Amadou Toumani Touré (ATT), alors Lieutenant-colonel, renverse Moussa Traoré. Il déclarera : « ce qui a précipité notre décision, c’est de voir cet homme s’enfermer dans un système de répression sanglante contre la population. Mais nous n’avons fait que parachever l’œuvre de notre jeunesse et des organisations démocratiques ».
L’instauration du multipartisme met ainsi fin au régime du parti unique. Un vent de liberté souffle désormais sur le pays. En 1992, Alpha Oumar Konaré est élu Président lors d’un scrutin transparent, la première alternance démocratique du pays. La société civile prend une place centrale dans la vie politique et l’esprit du 26 mars incarne alors l’espoir d’une gouvernance plus juste et plus transparente.
Les promesses trahies ?
Trois décennies plus tard, le bilan est mitigé. La démocratie instaurée s’est heurtée à ses propres limites. L’instabilité politique, avec plusieurs coups d’État, notamment en 2012, 2020 et 2021, a révélé la fragilité des institutions. La corruption et la mauvaise gouvernance ont gangréné le pays. Les détournements de fonds publics massifs ont sapé la confiance des citoyens envers leurs dirigeants. Selon Dr. Mohamed Amara, sociologue, « la démocratie ne se décrète pas, elle se construit ».
Les crises sécuritaires, notamment l’insurrection djihadiste depuis 2012, ont affaibli l’État. Le Nord du Mali a plusieurs fois échappé au contrôle de Bamako et malgré les interventions militaires, la situation demeure préoccupante.
Au plan économique, la promesse d’un développement inclusif reste un mirage. Le chômage des jeunes explose, la pauvreté est endémique et la crise énergétique accentue les inégalités.
Un Mali dans un éternel recommencement ?
Depuis 1991, le pays semble coincé dans un cycle de transitions politiques sans fin. À chaque crise, une nouvelle est instaurée, mais les institutions restent faibles et vulnérables aux jeux de pouvoir. Pour éviter ces crises à répétition, le Mali doit repenser son modèle démocratique. Les aspirations du 26 mars 1991 ne semblent plus servir de boussole.
Si les idéaux de la révolution ne doivent pas mourir dans le désenchantement, des réformes profondes s’imposent. La lutte contre la corruption doit être une priorité absolue. Aucun État ne peut prospérer avec des détournements massifs des deniers publics.
Les institutions doivent être renforcées pour éviter que les alternances politiques ne deviennent des cycles de crise. Une justice indépendante, une armée encadrée et un État garant de la transparence sont nécessaires. Pour ce faire, l’implication de la jeunesse est déterminante. Les nouvelles générations doivent être actrices du changement et non simples spectatrices d’un système qui se répète. De plus, la réconciliation nationale et la stabilisation du pays doivent être au cœur des réformes. L’histoire a démontré que sans un Mali pacifié aucune démocratie ne pourra réellement fonctionner.
L’héritage du 26 mars en suspens
Certes, la révolution du 26 mars 1991 a marqué une rupture historique dans le Mali moderne. Pourtant, son héritage est mis à rude épreuve par les crises successives.
Alors que le pays commémore ce 34ème anniversaire, le véritable défi est de faire vivre ces idéaux au-delà du simple souvenir. Une démocratie ne se limite pas à des élections. Elle repose sur des institutions fortes, une justice impartiale et une gouvernance au service du peuple. Et l’histoire a prouvé que le peuple malien sait se mobiliser lorsque ses droits sont menacés.
Massiré Diop
Moctar Ousmane Sy : « Il faut remettre en cause les acquis pour avancer »
La révision en cours de la Charte des partis politiques du Mali suscite un large débat. Entre le besoin de structurer la vie politique et le risque de restreindre certaines libertés, ces nouvelles règles soulèvent des interrogations. Moctar Sy, Président du Mouvement Génération Engagée, analyse ces réformes et leur impact sur la démocratie malienne. Propos recueillis par Massiré Diop.
La révision de la Charte impose des critères plus stricts pour créer un parti. Cette mesure renforcera-t-elle la démocratie ?
Il était nécessaire d’encadrer davantage la création des partis pour limiter leur prolifération. Il y en a trop, ce qui nuit à la lisibilité politique. Mais cela ne doit pas entraver la liberté d’association, qui est un principe fondamental. Cette révision doit permettre d’avoir des partis mieux structurés et capables de remplir leur rôle. Dans un processus, il faut remettre en cause les acquis, regarder ce qui marche ou non et pouvoir avancer.
Un statut officiel avec plus de prérogatives est aussi demandé pour le Chef de l’opposition. Cela renforcera-t-il réellement son rôle ?
Donner un statut officiel au Chef de file de l’opposition ne peut que renforcer son poids dans la démocratie. Il doit pouvoir analyser, critiquer et proposer face aux décisions de la majorité. Ce statut lui donnera un cadre d’échange institutionnel avec les autorités, ce qui est essentiel.
Le financement public des partis sera désormais placé sous le contrôle de la Cour des Comptes. Ces garanties suffiront-elles pour assurer une gestion transparente ?
Le financement public est important pour soutenir la démocratie, mais il doit être rigoureusement encadré. Par le passé, des abus ont conduit à sa suspension depuis plus de sept ans. Il faut un mécanisme de contrôle efficace et des sanctions en cas de détournement. Cependant, au vu du contexte actuel, il serait préférable d’y renoncer temporairement pour allouer ces fonds aux priorités nationales.
Les élus qui changent de parti pourraient perdre leur mandat. Cette mesure stabilisera-t-elle la vie politique malienne ?
C’est une mesure nécessaire. La transhumance politique affaiblit la confiance des citoyens. Un élu doit respecter l’engagement pris avec sa base. Cette réforme renforcera la responsabilité et limitera les changements dictés par des intérêts personnels.
Parmi les réformes en discussion, lesquelles vous semblent les plus essentielles ?
L’obligation pour un parti de présenter un projet de société avant d’obtenir son récépissé est essentielle. Cela garantit que chaque formation repose sur une vision claire et non sur des ambitions opportunistes.
Pensez-vous que ces réformes seront réellement appliquées ?
Leur application dépendra du dialogue entre les acteurs politiques et les autorités. Si un consensus est trouvé, ces réformes peuvent améliorer la perception de la politique et restaurer la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants.
Justice/SYNABEF : Bras de fer enclenché
L’affaire défraye la chronique depuis deux semaines. Suite à une plainte d’EDM-SA après des constats d’irrégularités dans l’exécution des marchés relatifs à la construction d’une mini centrale hydroélectrique de 7,5 MW à Djenné et à la mise en place des réseaux de distribution pour l’électrification de 22 villages, 6 personnes, dont 2 employés d’Ecobank Mali, ont été placées sous mandat de dépôt le 7 mars 2025. Face à ces arrestations, le Syndicat national des Assurances, banques, établissements financiers et commerces du Mali (SYNABEF) proteste.
Le 7 mars dernier, après 8 jours de garde à vue à la Brigade spécialisée du Pôle national économique et financier de Bamako, 6 personnes, dont 2 expatriés indiens et 2 banquiers travaillant pour Ecobank Mali, ainsi que le Coordonnateur du Projet de développement des mini centrales hydroélectriques (PDM-HYDRO) et 1 agent d’une société spécialisée en génie civil ont été mises sous les verrous. Elles ont d’abord été placées à la Maison centrale d’arrêt de Bamako, puis transférées 48 heures plus tard à la prison de Kénioroba, située à 70 km de la capitale.
Inculpées de « faux », « usage de faux », « blanchiment de capitaux » et « complicité », ces 6 personnes constituent une partie des 9 initialement entendues par la justice. Elles sont soupçonnées d’être impliquées dans une fraude financière de grande envergure ayant conduit au décaissement de plus de 5 milliards de francs CFA, à l’aide de fausses garanties bancaires, au profit de 2 sociétés indiennes attributaires des contrats de construction de la mini centrale hydroélectrique de Djenné et des réseaux de distribution pour l’électrification des 22 villages avoisinants.
Malgré le paiement de cette avance, les travaux liés aux marchés attribués à deux sociétés indiennes – MECAMIDI HPP / PRIL pour la conception, la fourniture, le montage et l’installation de la mini centrale hydroélectrique de Djenné, pour un montant de 13 078 604 984 francs CFA, et le Groupement AEEPL – NEPL – SUNCITY pour la construction des réseaux de distribution afin d’électrifier les 22 villages avoisinants, pour un contrat de 2 738 190 744 francs CFA – n’ont guère progressé, dépassant largement les délais prévus.
Le SYNABEF soutient « ses » banquiers
Pour le SYNABEF, le placement sous mandat de dépôt des 2 travailleurs d’Ecobank Mali, dont le Chef des opérations, est injustifié. Le syndicat dénonce une détention abusive, affirmant que les agents d’Ecobank mis en cause n’ont enfreint aucune règle du fonctionnement du système bancaire. « Nos camarades ont agi conformément aux procédures bancaires et à la réglementation. Donc, en aucun cas, leur responsabilité ne peut être engagée », clame Hamadoun Bah, Secrétaire général du SYNABEF.
« Le délit qui leur est reproché est d’avoir rédigé et signé des courriers d’accompagnement des messages reçus pour le compte d’EDM-SA et d’avoir osé authentifier les messages SWIFT reçus. Il convient de noter qu’Ecobank n’a aucune connaissance du marché : les garanties ne sont pas domiciliées chez elle, encore moins les fonds », poursuit-il.
Le SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), créé en 1973, est un réseau de messagerie sécurisé utilisé par les banques et les institutions financières du monde entier pour envoyer et recevoir des instructions de paiement internationales de manière rapide et fiable.
Pour protester contre l’arrestation de ses camarades, la Section des Banques du SYNABEF a d’abord suspendu les transferts de garanties concernant EDM-SA et toutes les autres structures publiques et parapubliques du pays, avant de tenir des sit-in devant toutes les banques du Mali du 10 au 12 mars dernier.
Les syndicalistes, qui exigent la libération de leurs camarades, ont annoncé le 16 mars un préavis de grève de 120 heures, reconductible à 120 heures, allant du 7 au 18 avril 2025 et englobant 14 autres points de revendication.
Vers un bras de fer ?
La détermination du SYNABEF à obtenir gain de cause dans sa lutte pour la libération des deux agents d’Ecobank Mali incriminés est grande. « Si ces problèmes ne sont pas réglés, nous préférons abandonner le syndicalisme. Nous sommes là pour défendre certains principes », assure Hamadoun Bah.
Qu’adviendra-t-il si après la grève annoncée les détenus ne sont pas libérés ? Jusqu’où est prêt à aller le SYNABEF pour se faire entendre ? Autant de questions qui, pour l’heure, restent sans réponse.
En juin 2024, le SYNABEF a réussi à faire libérer son Secrétaire général, qui avait été arrêté dans le cadre d’un conflit syndical interne. Ce qui avait ressemblé à un bras de fer entre les banquiers et les magistrats avait alors tourné à l’avantage des premiers. Pour obtenir la libération d’Hamadoun Bah, même l’UNTM (Union nationale des travailleurs du Mali) s’était impliquée, activant des leviers au plus haut sommet de l’État.
Ce précédent assurera-t-il une nouvelle « victoire » du SYNABEF face aux juges du Pôle national économique et financier de Bamako ? « Les deux situations ne sont pas les mêmes. En 2024, Hamadoun Bah avait été arrêté suite à une plainte d’un autre syndicaliste, sur fond de rivalité interne. Sa libération avait été facilitée par le souci des autorités de préserver le climat social. Mais aujourd’hui, dans l’affaire des fausses garanties, la situation est bien plus grave », analyse un observateur qui a requis l’anonymat.
« À mon avis, la justice ira jusqu’au bout, quel que soit le temps qu’il faudra. Si les juges estiment que les deux banquiers incriminés doivent rester écroués pour les besoins de l’avancement de la procédure, la grève du SYNABEF n’y pourra rien », ajoute-t-il.
Il ressort d’ailleurs de nos échanges avec une source interne du bureau du SYNABEF que le syndicat, même après le dépôt de son préavis de grève, s’active toujours pour éviter d’en arriver à la cessation du travail. Selon notre interlocuteur, Hamadoun Bah fait tout pour éviter la grève annoncée et des négociations non officielles sont en cours à différents niveaux pour aboutir à une solution satisfaisante avant les dates prévues pour la grève.
Une affaire complexe
Financé par la Banque africaine de développement (BAD), le projet de construction de la mini centrale de Djenné et de ses réseaux de distribution pour l’électrification de 22 villages avoisinants a débuté en 2020 et a suivi toutes les étapes normales de passation des marchés.
Mais, en octobre 2024, des révélations de fraudes financières initiées par les deux groupements attributaires des contrats, MECAMIDI HPP / PRIL et Groupement AEEPL – NEPL – SUNCITY ont conduit EDM-SA à porter l’affaire en justice. Dans sa lettre de retrait de ses fonctions du projet, l’experte en suivi-évaluation, Mme Ramatoulaye Kanakomo, a accusé les deux sociétés indiennes d’avoir produit de « fausses garanties d’avance de démarrage et de bonne exécution », toutes émises par une fausse banque du nom d’Acumen Bank LTD Londres.
Selon nos investigations, l’attribution de ce marché au groupement MECAMIDI HPP / PRIL avait fait l’objet de contestation. Le 17 février 2021, le groupement d’entreprises GCA / GUGLER / CONSTRONIC, également soumissionnaire de l’appel d’offres, avait saisi l’autorité contractante d’un recours gracieux pour ne pas avoir été attributaire de ce marché, alors que les résultats de l’évaluation avaient retenu que son offre avait été acceptée.
Un recours, resté sans suite, qui a conduit le groupement à saisir le Comité de règlement des différends (CRD) de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public. Le CRD avait déclaré le recours irrecevable pour « prématurité » et s’était abstenu de se prononcer sur le fond, ordonnant la poursuite de la procédure de passation du marché mis en cause.
Mohamed Kenouvi
Amadou Niang : « Autrefois, la famille élargie jouait un rôle crucial dans l’éducation des jeunes, plus aujourd’hui »
Amadou Niang est l’auteur de « Linguère Rokhaya – Le Sago, un super pouvoir ». Il est coach formateur certifié EQ-i 2.0 et EQ 360 en intelligence émotionnelle, spécialisé dans le développement des compétences comportementales et fondateur du cabinet Leadership Academy. Il nous parle des valeurs africaines essentielles pour forger les leaders de demain. Propos recueillis par Fatoumata Maguiraga.
J’ai lu votre livre avec un grand intérêt. Est-ce votre premier ouvrage ?
Je vous remercie pour votre intérêt et pour cette belle opportunité qui me permet de partager ma vision. J’accompagne les leaders et futurs leaders dans le développement de leurs compétences comportementales un peu partout dans la zone Afrique Océan Indien. « Linguère Rokhaya – Le Sago, un super pouvoir » est effectivement mon premier livre, mais je préfère le considérer comme bien plus qu’un simple ouvrage. C’est une boussole pour les futurs leaders africains ambitieux, crédibles, intègres, dignes, courageux, véridiques, respectueux de la parole donnée et outillés pour affronter les défis du monde moderne.
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Deux grandes motivations ont guidé la rédaction de ce livre. Premièrement, mon métier de coach formateur m’a confronté à une réalité qui a attiré toute mon attention : dans le monde de l’entreprise, le leadership ne se limite pas à des titres ou à des compétences techniques. Ce sont les compétences comportementales qui font toute la différence. J’ai vu des managers échouer parce qu’ils n’avaient pas développé la maîtrise de soi, l’empathie, l’assertivité, la confiance en soi, le courage, l’expression émotionnelle, la gestion des relations, etc. Or, ces compétences ne s’acquièrent pas du jour au lendemain : c’est un travail sur soi, jour après jour. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’elles peuvent être développées dès le bas âge. Le livre traite tous ces sujets de manière simple et accessible. Je voulais participer à la préparation d’une génération africaine prête à affronter le monde avec un leadership solide et décomplexé.
Deuxièmement, j’ai observé avec inquiétude la disparition progressive de nos valeurs, remplacées par des contre-valeurs qui gangrènent notre société. La quête effrénée de la richesse facile, l’agressivité verbale exacerbée sur les réseaux sociaux et la raréfaction de modèles inspirants constituent de véritables freins à la transmission intergénérationnelle des valeurs qui ont forgé nos sociétés. Ce livre est une tentative audacieuse de réhabiliter ces dernières, en démontrant qu’elles ne sont ni dépassées ni obsolètes. Bien au contraire, elles constituent les fondations solides sur lesquelles repose un succès durable, tant sur le plan personnel que professionnel. Nous devons nous rappeler que nos grands-parents, avec une sagesse acquise tout au long de leur socialisation, détenaient des clés précieuses pour naviguer avec dignité et intégrité dans un monde en perpétuel changement. Aujourd’hui encore, je crois fermement que ce sont ces enseignements qui doivent nous guider vers une réussite en parfaite harmonie avec notre identité africaine. Dans ce rendez-vous du « donner et du recevoir », le reste du monde a beaucoup à apprendre de l’Afrique. Mais il faudra d’abord que tous les Africains incarnent ces belles compétences comportementales.
Le livre est-il un manuel pour le développement personnel ?
Absolument, mais avec une approche unique. « Linguère Rokhaya – Le Sago, un super pouvoir » est un livre de développement personnel enraciné dans la culture africaine. Il ne se contente pas de répéter des principes que l’on retrouve dans les ouvrages occidentaux. Il montre que l’Afrique a toujours possédé ses propres codes de développement personnel et de leadership. Au lieu d’utiliser des références venues d’ailleurs, j’ai voulu mettre en avant des figures africaines inspirantes, comme la Reine Kassa de l’Empire du Mali, la Reine Ndatté Yalla du Sénégal et la Reine Abla Pokou de Côte d’Ivoire. Le livre montre aussi que le leadership féminin n’est pas une nouveauté en Afrique.
Aujourd’hui, nos écoles développent les compétences techniques de nos jeunes, mais elles laissent un grand vide dans le domaine du développement des compétences comportementales. Pourtant, ce sont ces dernières qui feront toute la différence dans leur avenir professionnel et personnel. J’espère que ce livre inspirera nos États africains à intégrer ces enseignements dans l’éducation de nos enfants et adolescents.
Comment les valeurs que vous enseignez dans le livre peuvent-elles nous aider à surmonter les crises que traversent nos sociétés ?
Les valeurs traditionnelles africaines que je promeus dans mon livre, telles que la maîtrise de soi (sago en wolof), le courage (fit), la personnalité (fulė), la dignité (fayda), l’assertivité (dëggu) et le respect de la parole donnée (fonk káddu), offrent des solutions profondes et durables :
– Renforcement du leadership éthique : si ces valeurs sont développées chez les jeunes africains, nous aurons des leaders moins susceptibles de succomber à la corruption ou aux abus de pouvoir, favorisant ainsi une gouvernance stable et juste.
– Promotion de la cohésion sociale : la maîtrise de soi, le respect mutuel, l’empathie garantissent la tolérance et la compréhension entre différentes communautés, réduisant les tensions ethniques et religieuses.
– Résilience face aux défis économiques : la dignité, le respect de la parole donnée, le sens de l’honneur incitent les personnes à rechercher des solutions innovantes et collectives pour surmonter les obstacles économiques.
– Protection de l’environnement : la personnalité, la discipline et la courtoisie, inhérentes à nos traditions, motivent les communautés à préserver leur environnement pour les générations futures. En intégrant ces valeurs dans notre quotidien et en les transmettant aux jeunes générations, nous posons les fondations d’une société plus résiliente, harmonieuse et prospère.
Quels défis faut-il relever pour assurer la transmission de nos valeurs, dans un contexte où les réseaux sociaux dominent ?
Pour assurer une bonne transmission de nos valeurs dans ce contexte où les réseaux sociaux dominent, nous devons relever plusieurs défis, à savoir :
– La perte de l’identité culturelle face à la mondialisation numérique : les réseaux sociaux diffusent massivement des contenus qui sont en contradiction avec nos valeurs. Cette exposition peut entraîner une disparition progressive de ces dernières, surtout chez les jeunes en quête de repères.
– La propagation de contre-valeurs : les réseaux sociaux facilitent la diffusion de comportements contraires à nos valeurs, tels que la discourtoisie, la recherche de gains faciles ou la promotion de modèles superficiels de réussite.
– L’affaiblissement des structures traditionnelles de transmission des valeurs : autrefois, la famille élargie, les aînés, les oncles, les tantes, les cousins, les grands-parents et les voisins jouaient un rôle crucial dans l’éducation des jeunes. Aujourd’hui, leur influence est concurrencée par celle des « influenceurs » et des tendances en ligne. Les jeunes sont connectés au monde et déconnectés de leur environnement immédiat.
Pour relever ces défis, nous devons :
1. Intégrer les compétences comportementales dans l’éducation : nos écoles doivent enseigner non seulement des compétences techniques, mais aussi des compétences comportementales comme l’intelligence émotionnelle, le courage, la dignité, le respect de la parole donnée, l’estime de soi, etc.
2. Intégrer des valeurs culturelles dans les contenus numériques : encourager la création de contenus en ligne mettant en avant nos valeurs, nos héros locaux, notre histoire, etc.
3. Intégrer une éducation numérique responsable : introduire des programmes scolaires qui enseignent une utilisation responsable des réseaux sociaux et sensibiliser les jeunes à l’importance de la réputation numérique.
4. Promouvoir des modèles positifs issus de notre culture : mettre en lumière des personnalités africaines qui incarnent nos valeurs et qui ont réussi dans divers domaines. En adoptant ces approches, nous pouvons transformer les réseaux sociaux en alliés pour la préservation et la transmission de nos valeurs, assurant ainsi leur pérennité dans un monde en constante évolution.
Question subsidiaire : Avez-vous un lien avec « Maam Aminata » ou s’agit-il juste d’un personnage de fiction ?
Maam Aminata est bien plus qu’un simple personnage : c’est un hommage à ma propre mère. Elle est l’incarnation des valeurs que je défends dans ce livre. Je lui souhaite longue vie dans la santé, la paix et la prospérité. À travers son histoire, je rends hommage à toutes ces mères africaines qui ont porté et transmis nos valeurs avec abnégation et amour. Nos mères sont les premières éducatrices, celles qui forgent les caractères et inculquent ces belles valeurs. Sans elles, notre héritage se perdrait. « Linguère Rokhaya – Le Sago, un super pouvoir » est un cadeau pour les jeunes, une ressource pour les parents et un espoir pour l’avenir.
Fonds de Soutien aux Infrastructures : Une gestion sous haute surveillance
Le gouvernement malien a instauré un Fonds de Soutien aux Projets d’Infrastructures de Base et de Développement Social, officialisé par le décret n°2025-0077/PT-RM du 7 février 2025. Ce fonds, financé par des taxes sur les recharges téléphoniques et les transactions Mobile Money, vise à collecter des ressources supplémentaires pour financer des projets essentiels, notamment dans le secteur énergétique en crise.
Son entrée en vigueur, initialement prévue plus tôt, a été reportée à deux reprises avant d’être finalement appliquée depuis le 5 mars 2025. Il est établi pour cinq ans renouvelables et placé sous la Présidence de la République, avec le Secrétaire général de Koulouba comme ordonnateur principal des dépenses. L’argent collecté est déposé dans une banque commerciale et peut être dépensé hors des procédures classiques des marchés publics, ce qui suscite des interrogations sur son contrôle effectif.
La taxe sur les recharges téléphoniques prélève 10% par transaction, soit 500 francs CFA sur une recharge de 5 000 francs. Celle sur les retraits Mobile Money applique un prélèvement de 1%, soit 200 francs CFA sur un retrait de 20 000 francs. En parallèle, une taxe sur les boissons alcoolisées devrait générer annuellement 62 milliards de francs CFA et l’augmentation de la TARTOP, passée de 5% à 7%, rapportera 12 milliards de francs CFA. Au total, ces mesures pourraient mobiliser 214 milliards de francs CFA par an, dont 140 milliards uniquement pour les télécommunications et la Mobile Money.
L’ancien Premier ministre Moussa Mara a critiqué cette initiative, estimant qu’elle affaiblissait les ministères en charge des Infrastructures et manquait de transparence. Selon lui, ces ressources auraient pu être directement versées au Trésor public au lieu d’être centralisées sous le contrôle exclusif de la Présidence. Il s’inquiète également du risque de dépenses excessives dans un contexte où l’État cherche à rationaliser son train de vie.
Il faut noter que les consommateurs subissent déjà l’impact de ces taxes. L’augmentation des coûts des recharges téléphoniques et des transactions Mobile Money alourdit le coût de la vie. Si certains y voient un levier pour financer des infrastructures, d’autres dénoncent une pression fiscale supplémentaire et craignent une diminution de l’accessibilité aux services numériques.
Le gouvernement devra donc garantir une gestion rigoureuse et transparente des fonds. La répartition sectorielle et les premiers projets financés seront déterminants pour l’adhésion de la population, qui attend des retombées concrètes.
Orpaillage illégal : La fin du laisser-aller ?
La multiplication incontrôlée des sites d’orpaillage illégaux à travers le Mali entraîne des conséquences désastreuses sur plusieurs plans. Face aux drames récurrents qui causent des pertes en vies humaines, le gouvernement de transition tape du poing sur la table. Pour atténuer la survenance des accidents sur les sites, de récentes mesures ont été prises suite aux catastrophes de Kokoyo et de Bilalikoto. De quoi entrevoir le bout du tunnel pour ce phénomène multidimensionnel ?
Le bilan est alarmant. En l’espace d’une année, de janvier 2024 à février 2025, plus de 170 personnes, dont plusieurs femmes et enfants, sont mortes dans des accidents survenus sur des sites d’orpaillage illégaux dans diverses localités du sud-ouest du Mali.
Le dernier drame en date, survenu le 17 février, a causé la mort de 48 personnes, majoritairement des femmes, après le renversement d’une machine excavatrice utilisée par des exploitants chinois sur un site minier artisanal à Bilalikoto, un village de la commune de Dabia, dans le cercle de Kéniéba.
Deux semaines plus tôt, le 29 janvier 2025, 13 autres personnes, dont 3 enfants, avaient péri dans un éboulement dans une mine artisanale dans le village de Danga, dans le cercle de Kangaba, région de Koulikoro.
Ces drames récents, qui ont relancé les inquiétudes sur les risques liés à l’exploitation artisanale de l’or dans le pays, ont conduit le gouvernement de transition à prendre des mesures strictes.
L’État sévit
Sur instruction du Président de la Transition, le Conseil des ministres a décidé le 5 mars 2025 d’abroger les actes de nomination des responsables administratifs directement impliqués dans la survenance des derniers incidents. Plusieurs têtes sont tombées dans les rangs des préfets, sous-préfets, responsables des Forces de sécurité, des services locaux des Eaux et forêts, des services d’assainissement, du Contrôle des Pollutions et des nuisances, ainsi que des services subrégionaux de la Géologie et des mines.
Le gouvernement a en outre opté pour la relecture de certains textes juridiques afin, entre autres, de mettre fin aux transactions dans le domaine environnemental, de faciliter la récupération des équipements impliqués dans l’orpaillage et de leur affectation au patrimoine de l’État. Les autorités ont également décidé de suspendre les permis d’exploitation des mines artisanales octroyés à des personnes de nationalité étrangère et de lancer la procédure de dissolution du Conseil communal de Dabia, dont les responsables sont accusés de la gestion défaillante ayant conduit au drame de Bilalikoto.
En début d’année, lors du Conseil des ministres du 22 janvier 2025, le gouvernement de transition avait donné le ton en annonçant le démantèlement en 2024 de 61 sites d’exploitation illégale et la saisie de nombreux équipements, dont 286 pelleteuses et 63 véhicules. « Le gouvernement mènera une lutte implacable contre les exploitations illégales à travers la mise en œuvre d’actions à court, moyen et long termes », avaient averti les autorités, soulignant que ces exploitations illégales étaient à l’origine de nombreuses pertes en vies humaines, suite aux accidents et aux conflits générés entre les exploitants eux-mêmes, entre les exploitants et les populations ou entre les exploitants et les détenteurs de titres miniers.
Quel impact ?
Ces mesures strictes et fermes témoignent d’une volonté du gouvernement de s’impliquer davantage dans le secteur de l’orpaillage, afin d’éviter de futurs drames sur les sites des mines artisanales. Toutefois, au-delà d’un signal fort envoyé à tous les acteurs et à l’opinion nationale, ces mesures gouvernementales sonneront-elles vraiment le glas de l’orpaillage illégal au Mali ?
« Les sanctions peuvent dissuader, mais ne pourront pas résoudre définitivement le problème. Il faut s’attaquer au problème à la racine, s’interroger sur les défaillances aux niveaux de l’exploitation et de la législation et voir ce qu’il faut corriger », estime Djibril Diallo, géologue et consultant minier. « À mon avis, il faudrait essayer de mettre en place une commission qui réfléchira à de bonnes solutions pour l’État, surtout concernant le cas des Chinois. Le gouvernement peut collaborer avec l’ambassade de Chine afin que ses ressortissants puissent travailler dans un cadre légal, en leur facilitant des zones d’exploitation tout en exigeant en retour le respect des mesures environnementales, sécuritaires et sanitaires », poursuit-il.
Cet expert minier, également Président de l’Association pour la promotion et la valorisation des ressources minérales du Mali (APVRM), va plus loin. Il propose l’organisation des États généraux du secteur pour aboutir à des solutions à long terme dans la lutte contre l’orpaillage illégal. De son point de vue, face au constat d’échec des collectivités locales dans la gestion de l’exploitation de l’or, l’État doit mettre en place une Agence nationale de gestion de l’orpaillage, qui travaillera en collaboration avec ces collectivités mais aussi avec la future Chambre des mines et se chargera de tout ce qui relève de cette activité, notamment l’organisation de l’exploitation de l’or et l’octroi des documents administratifs pour que les orpailleurs puissent travailler dans la légalité totale.
Par ailleurs, la suspension des permis d’exploitation des mines artisanales octroyés à des personnes de nationalité étrangère pourrait avoir certaines conséquences économiques et sociales, comme la réduction de la production artisanale de l’or qui impactera directement les revenus locaux, la hausse des tensions entre orpailleurs locaux et étrangers, sans oublier le risque d’augmentation du marché noir, des exploitations clandestines, ainsi que de possibles répercussions sur les investissements étrangers dans le secteur minier.
Un phénomène à la peau dure
Le nombre de sites abritant des mines artisanales, estimé entre 300 et 350 dans le pays, est très largement supérieur à celui des couloirs légaux d’orpaillage. Ces sites d’orpaillage illégaux se répartissent principalement dans trois régions. La région de Kayes, notamment la zone de Keniéba, avec 168 sites recensés, en abrite le plus grand nombre, suivie de la région de Sikasso, zone Kalana – Yanfolila (84 sites recensés) et de la zone de Bagoé – Kékoro, dans la région de Koulikoro, avec 18 sites. Avec une production estimée à environ 30 tonnes d’or par an, soit 6% de la production nationale, l’orpaillage illégal est pratiqué par plus de 400 000 Maliens et les revenus de plus de 2 millions de personnes y sont liés, selon les estimations.
Si l’orpaillage garde une place considérable dans l’économie locale des zones où il est pratiqué, il présente également et surtout de nombreux risques et a de lourdes conséquences sur plusieurs plans. Parmi ces multiples impacts, sur le plan sécuritaire les exploitations des mines artisanales sont dangereuses parce qu’elles se font sans équipements adaptés dans la plupart des cas. En outre, les normes minimales de sécurité ne sont pas respectées, causant très souvent des effondrements sur les différents sites.
Les répercussions environnementales de l’orpaillage illégal sont tout aussi fâcheuses. 33,3 tonnes de mercure sont utilisées annuellement, entraînant la pollution des sols et des cours d’eau. La rivière Falémé, par exemple, principal affluent du fleuve Sénégal, qui arrose plus d’une dizaine de communes de la Guinée, du Mali et du Sénégal, est largement polluée aujourd’hui, renfermant 214% de cyanure déversé par les activités liées à l’orpaillage illégal, soit 209 fois la norme autorisée. Le phénomène est aussi à la base de la déforestation et de la destruction des écosystèmes locaux.
Sur le plan social, l’orpaillage illégal est l’un des secteurs d’activités où persiste le travail des enfants. Selon les estimations, entre 20 000 et 40 000 d’entre eux sont impliqués dans les différentes activités de l’orpaillage à travers les divers sites. Par ailleurs, des conflits éclatent fréquemment entre, d’une part, les orpailleurs locaux et les étrangers, et, d’autre part, entre les orpailleurs (locaux et /ou étrangers) et les populations proches des sites d’exploitation minière artisanale.
Mohamed Kenouvi
Jeûne et sport : Quelles précautions prendre pendant le Ramadan ?
Durant le Ramadan, consacré au jeûne chez les Musulmans, la pratique du sport est soumise à plusieurs précautions, que ce soit chez les sportifs professionnels ou chez ceux qui s’y adonnent simplement pour garder la forme.
Bien que faire du sport pendant le Ramadan ne soit pas nécessairement nocif pour l’organisme, les médecins recommandent de respecter certaines mesures pour éviter tout risque.
Parmi ces mesures, il est essentiel de boire abondamment de l’eau pour éviter le risque de déshydratation, tant avant le début du jeûne qu’après la rupture. Il est également conseillé d’éviter de pratiquer des sports d’endurance, de consommer des boissons contenant de la caféine ou des boissons gazeuses pendant le Sahour et de privilégier des repas équilibrés.
Selon le médecin généraliste Abdrahamane Keita, il est déconseillé de pratiquer du sport pendant les premières heures du jeûne. « Le meilleur moment, c’est soit juste avant la rupture du jeûne, afin que le corps puisse récupérer immédiatement les sels minéraux et l’eau perdus, soit deux heures après la rupture », indique-t-il.
Ce spécialiste de la santé déconseille également de changer d’activité sportive pendant le Ramadan et de commencer un sport auquel le corps n’est pas habitué. « Par exemple, quelqu’un qui n’a jamais couru de sa vie ne devrait pas commencer la course à pied pendant le Ramadan », insiste-t-il.
Sports à privilégier
En plus des précautions à prendre, la pratique du sport pendant le Ramadan est également soumise à une limitation des disciplines sportives auxquelles le jeûneur peut s’adonner. Selon les médecins, les sports d’endurance ne sont pas conseillés, tout comme les sports de combat tels que la boxe, le judo ou le karaté. Il est préférable de choisir des activités comme la marche, le vélo, la natation ou encore le yoga. Les jeux de balle, tels que le football, le basket-ball, le volley-ball et le tennis, sont également de bons moyens de maintenir un bon niveau de forme physique.
Toutefois, selon Dr Abdrahamane Keita, quel que soit le sport choisi pendant le Ramadan, il est recommandé de modérer l’effort et d’éviter de pratiquer de manière régulière durant cette période. « Il est préférable de s’entraîner une à deux fois par semaine et de bien espacer les séances pour laisser le temps au corps de récupérer », conseille le médecin.
Mohamed Kenouvi
Guinée-Bissau : Embaló joue son avenir face à l’opposition et à la CEDEAO
La Guinée-Bissau fait face à une crise politique depuis l’annonce, le 3 mars 2025, du Président Umaro Sissoco Embaló de briguer un second mandat à la présidentielle du 30 novembre 2025, alors qu’il avait promis de ne pas se représenter en septembre 2024.
La Cour Suprême a fixé la présidentielle au 4 septembre 2025, mais l’opposition affirme que le mandat d’Embaló a expiré le 27 février 2025. Initialement prévue en novembre 2024, l’élection avait été repoussée à novembre 2025 par Embaló, qui évoquait des raisons logistiques, mais ses adversaires y ont vu une manœuvre pour prolonger son pouvoir.
Le 21 février 2025, une délégation de la CEDEAO a tenté une médiation à Bissau, mais a quitté le pays le 28 février après des menaces d’Embaló, qui rejette toute ingérence au nom de la « souveraineté nationale ».
Depuis son indépendance, en 1974, la Guinée-Bissau a connu de nombreux coups d’État et Embaló lui-même a survécu à deux tentatives d’assassinat. Le 30 novembre 2023, des affrontements entre la garde nationale et la garde présidentielle avaient conduit à la dissolution du Parlement.
La CEDEAO, déjà affaiblie par le départ des États de l’Alliance des États du Sahel (AES), doit gérer la crise en Guinée-Bissau tout en faisant face à des situations complexes en Guinée et en Côte d’Ivoire, où des candidatures des Présidents en exercice sont envisagées.
Alors que l’opposition menace de paralyser le pays, la CEDEAO, l’ONU et l’Union Africaine surveillent la situation, l’avenir de la Guinée-Bissau dépendant des décisions d’Embaló et d’une armée habituée aux renversements inconstitutionnels.
La CEDEAO avait déployé l’ECOMIB de 2012 à 2020 pour stabiliser le pays après un coup d’État. Après son retrait, une nouvelle force de 600 soldats avait été envoyée en juin 2022, mais son rôle était resté limité face à l’influence des cartels de la drogue, qui avaient transformé la Guinée-Bissau en un « narco-État ».
Festival Ali Farka Touré : Célébrer l’homme au-delà du musicien
La 8ème édition du Festival Ali Farka Touré se tiendra du 7 au 9 mars 2025 à Bamako. En plus de célébrer et de préserver l’héritage musical d’Ali Farka Touré, cette édition, qui coïncide avec le mois du Ramadan, met l’accent sur les valeurs de solidarité et de partage chères à l’illustre musicien.
Le festival, qui honore la mémoire du triple lauréat des Grammy Awards, disparu en 2006, se déroule chaque année à son domicile dans le quartier de Lafiabougou et dans divers lieux emblématiques de Bamako.
Placée sous le thème « Racines, Solidarité et Vivre ensemble », cette 8ème édition, qui se déroulera en plein mois de Ramadan, souhaite allier spiritualité, solidarité, culture, sport et protection de l’environnement. Le festival sera marqué par plusieurs activités telles que des ruptures collectives de jeûne, des dons, des tournois sportifs et d’autres moments de communion.
« Cette année, nous avons choisi de célébrer l’homme au-delà du musicien qu’était Ali Farka Touré. L’homme de partage, humain, qui recevait tout le monde, rassemblait et partageait ses repas et ses biens », explique Levy Togo, Coordinateur général du festival. « Nous aurons également un espace où les gens pourront venir se reposer pendant les deux jours du festival jusqu’à la rupture, pour partager des moments forts ensemble. Il y aura aussi un espace pour les enfants », ajoute-t-il.
Selon Ibrahim Traoré, membre de la Délégation spéciale de la Commune IV du District de Bamako, ce festival est plus qu’un simple rassemblement culturel. Il est le reflet de « notre identité, de notre histoire et de notre engagement envers la préservation de nos valeurs ».
« Ali Farka Touré, ce virtuose du blues malien, a su transcender les frontières avec sa musique, portant haut les couleurs de notre patrimoine culturel sur la scène internationale. Son héritage nous rappelle l’importance de la culture comme vecteur d’unité, de paix et de développement », a-t-il souligné lors d’une conférence de presse le 28 février. « En célébrant sa mémoire, nous honorons non seulement l’artiste, mais aussi l’homme engagé qui a œuvré pour le bien-être de sa communauté », a-t-il poursuivi.
L’ouverture du festival le 7 mars 2025 sera couplée avec l’inauguration du bureau de la Fondation Ali Farka Touré et de l’association Action malienne pour l’humanitaire, la réconciliation et la culture au Sahel (AMAHREC-Sahel), fondée par l’illustre musicien, à Lafiabougou.
Par ailleurs, une exposition suivie d’une conférence-débat sur l’héritage musical d’Ali Farka Touré est prévue au Musée national du Mali après le mois de Ramadan.
Mohamed Kenouvi
EDM : Où en est la mise en œuvre du « Plan unique » de fourniture du courant ?
Annoncé le 18 février dernier, le « Plan unique » du gouvernement prévoyait 19 heures de fourniture du courant par jour durant tout le mois de Ramadan. Quelques jours après le début de sa mise en œuvre, ses résultats sont mitigés.
Bien que des améliorations soient constatées depuis le 1er mars dans la fourniture du courant, les 19 heures promises par les autorités sont loin d’être atteintes à plusieurs endroits de la capitale et dans d’autres régions du pays.
Mardi 4 mars 2025, 9h15. Dans son atelier de soudure à Djicoroni Para, Chaka Konaté est en pause forcée. « Même ce matin, le courant n’est pas là. Nous l’attendons pour travailler », glisse-t-il, désabusé. « À notre niveau, il n’y a aucune amélioration. Nous continuons à subir les délestages. Nous avons appris la nouvelle des 19 heures par jour, nous nous en réjouissons, mais à notre niveau nous ne ressentons rien pour le moment », affirme le soudeur.
Cependant, il faut souligner que même en résidant dans une même zone, les populations ne subissent pas le même sort, en fonction des lignes de haute tension qui les alimentent. Ibrahim Diawara, tailleur à Djicoroni Para également, salue une nette amélioration à son niveau. « Avant, nous pouvions passer toute une journée sans travailler à cause des délestages. Maintenant, nous pouvons travailler toute une journée sans connaître de coupure d’électricité », se réjouit-il.
Même son de cloche chez Djemori Sogoré, habitant de Sébenicoro, en Commune IV du District de Bamako. Ce responsable d’une boutique d’alimentation générale constate une « très nette amélioration ». « Je ne saurais dire si nous avons réellement les 19 heures d’électricité par jour, mais très certainement nous en sommes à plus de 10 heures », indique M. Sogoré.
Selon nos propres constats et certains témoignages sur les réseaux sociaux, les 19 heures de courant ont été effectives par endroits à Bamako le week-end du début du Ramadan. Le 2 mars à Sogonigo, en Commune VI du District de Bamako, il n’y a eu que 5 heures de délestage en 24 heures. Mais le compte est loin d’être bon à l’intérieur du pays. À en croire une source à Mopti, la fourniture du courant n’a atteint que 6 heures par jour ces derniers temps.
Mohamed Kenouvi
Droits des femmes : L’autre urgence de la crise malienne
La crise multidimensionnelle que vit le Mali depuis 2012 a gravement exacerbé les violations des droits des femmes. Cela s’est manifesté par une augmentation des violences à l’égard des femmes et une dégradation de leur situation socio-économique. Pour se reconstruire, les femmes ont endossé de nouvelles responsabilités et réclamé une participation effective aux processus de paix, condition essentielle à un retour à la stabilité.
« Il ressort que, depuis 2019, la situation des droits des femmes et des filles au Mali a connu une détérioration flagrante, principalement due à la dégradation du contexte sécuritaire et aux défis liés au genre, aggravant de surcroît les violences basées sur le genre (VBG) ». Selon le plan d’action du projet HYDROMET – Mali, la situation des VBG au Mali présente un tableau peu reluisant. Selon les statistiques, plus de 45% des femmes maliennes sont victimes de violences sexuelles au moins une fois dans leur vie et l’accès à une prise en charge holistique demeure problématique pour un grand nombre de survivantes. D’après le Système de Gestion des Informations sur les Violences Basées sur le Genre (GBVIMS), l’augmentation des VBG prend des proportions inquiétantes. En effet, 36% de ces cas sont des violences sexuelles, 19% des agressions physiques, 16% des dénis de ressources, 21% des violences psychologiques et 8% des mariages précoces. En outre, 97% de ces cas ont été signalés par des femmes, parmi lesquelles 48% sont des filles de moins de 18 ans. Ces données ne sont pas exhaustives et cachent une réalité alarmante : près de 70% des femmes ayant subi des violences n’en ont guère parlé, par crainte de représailles ou de stigmatisation.
La crise a favorisé le déplacement massif des femmes et des enfants, les exposant à divers dangers, y compris les VBG. Parmi ces femmes, plusieurs, devenues veuves, sont contraintes de chercher un peu de réconfort en ville. En plus de l’obligation de s’occuper de leurs enfants, elles sont souvent marginalisées et considérées comme des « porteuses de malheur », explique Mariam Sidibé, Conseillère technique en Genre au Conseil régional de Mopti.
Difficile reconstruction
Ces crises ont également entraîné la perte d’infrastructures sociales de base, ce qui accentue la vulnérabilité des femmes et des enfants, compromettant gravement leur santé et leur éducation.
Pour la prise en charge de ces femmes et de leurs enfants, les collectivités, faute de moyens, se contentent de mener des plaidoyers auprès des ONG afin d’améliorer les secours de tous ordres à ces victimes. Ces déplacés, ayant des besoins variés, sont secourus en fonction des capacités des partenaires, que le Conseil régional appuie pour assurer une synergie d’actions. Il intervient également pour faciliter la réinsertion socio-professionnelle de ces personnes.
Pour aider les personnes déplacées à se reconstruire, plusieurs mécanismes et dispositions ont été mis en place, notamment des séances de sensibilisation généralement menées en milieu urbain. En milieu rural, où il est plus difficile d’accéder à ces femmes, les communautés sont formées pour assurer le relais et sensibiliser les femmes à leur rôle pendant et après le conflit, afin d’apaiser le climat social. C’est un travail de longue haleine, dont les résultats ne sont pas immédiatement visibles, ajoute Mme Sidibé.
La reconstruction est également l’objectif de Hadeye Maïga, Présidente de l’IGDa, qui signifie « ça suffit », et membre du Comité de suivi de l’Accord issu du processus d’Alger, dénoncé par les autorités il y a un an. « Dans un pays en guerre, ce sont les femmes qui souffrent », déplore-t-elle. Épouses et mères, elles sont généralement sans formation et « lorsqu’elles perdent leurs maris, c’est le désespoir ». Grâce à des organisations locales comme Wildaf, ces femmes veuves et déplacées sont formées à des métiers tels que la savonnerie ou la tapisserie. Actuellement, l’organisation soutient une centaine de femmes, des victimes ayant fui Ménaka. En raison de la persistance de la crise, même si certains y retournent, plusieurs habitants des cercles de Ménaka se retrouvent à Bamako et d’autres continuent de quitter cette ville. Les activités de soutien, menées tant dans la capitale que dans la région de Ménaka, sont gravement entravées par l’insécurité et la cherté de la vie.
Faible participation aux processus de paix
L’État a lancé un nouveau processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) dans un contexte sécuritaire marqué par une circulation massive des armes dépassant les frontières nationales. Cette situation impacte tous les secteurs de la vie, notamment la santé, l’éducation et le développement. Déjà critiqué pour son manque d’inclusivité, le processus affecte directement et indirectement les femmes, qui espèrent une meilleure intégration.
La crise a provoqué un bouleversement social dans lequel les femmes, perdant leurs soutiens de familles, se retrouvent dans un rôle qui n’est pas le leur, ce qui pose de nouvelles problématiques et influence l’éducation des enfants ainsi que le bien-être familial.
Sur le plan économique, généralement commerçantes et vivant de la petite agriculture, les femmes sont affectées par les difficultés de déplacement. Les menaces constantes, telles que les attaques armées et les engins explosifs, compromettent leur vie et leurs activités, explique Fatoumata Maïga, Présidente de l’Association des Femmes pour les Initiatives de Paix (AFIP). À cela s’ajoute le manque d’accès aux centres de santé, même pour les véhicules médicaux.
Pour réussir leur intégration dans le processus de paix, les femmes doivent s’unir et dialoguer avec les groupes locaux, suggère Madame Maïga. Les groupes armés s’appuient souvent sur les chefs locaux. Avec la crise internationale et la disparition de certains financements extérieurs, le soutien aux personnes vulnérables se complique, mais les acteurs locaux continuent d’œuvrer pour répondre aux urgences. La constitution de banques de céréales et la facilitation de l’accès à l’eau figurent parmi les priorités, car les « conflits ouverts autour de l’eau » sont une facette de la crise multidimensionnelle.
Malgré un cadre institutionnel et des mécanismes sociaux garantissant la participation des femmes aux processus de paix, ceux-ci restent peu appliqués. « Les femmes ont un rôle clé à jouer dans la paix et la reconstruction du pays, mais elles sont encore trop souvent exclues des prises de décision », estime Aminatou Walet Azarock, Présidente de l’ONG ADSPM.
À commencer par la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité de l’ONU, que le Mali a ratifiée et qui reconnaît leur rôle, demandant qu’elles soient pleinement impliquées dans les processus de paix et de sécurité. Sur le plan national, la Loi 052 instaure un quota d’au moins 30% de représentativité du genre sur les listes électorales et nominatives. Ces outils sont importants pour garantir une meilleure participation des femmes à la gouvernance. Toutefois, au-delà des textes, la Présidente de l’ONG ADSPM souhaite voir des actions concrètes pour former les femmes aux négociations, leur donner des opportunités d’accéder aux instances décisionnelles et soutenir les initiatives qu’elles portent sur le terrain, car une paix durable ne peut se construire sans elles.
Fatoumata Maguiraga
CAN féminine 2026 : Les Aigles Dames en course pour la qualification
Déjà qualifiées pour la CAN féminine 2024, qui se tiendra en juillet prochain au Maroc, les Aigles Dames du Mali sont également en passe de décrocher leur ticket pour le rendez-vous continental de 2026. Elles viennent de se hisser au 2ème tour des éliminatoires en surclassant les Panthères Dames du Gabon.
Pour cette double confrontation entre le Mali et le Gabon, comptant pour le premier tour des éliminatoires de la CAN 2026, les Aigles Dames n’ont pas fait les choses à moitié : 10 – 1 au total sur l’ensemble des deux rencontres.
Lors du match aller, le 20 février, elles se sont largement imposées en terre gabonaise 6 à 0, avec des doublés d’Aïssata Traoré et d’Agueïcha Diarra, ainsi que des buts de l’attaquante du FC Metz Fatoumata Niakaté et de la défenseure de Tenerife Fatou Dembélé.
Largement supérieures dans tous les compartiments du jeu, les Aigles Dames ont maîtrisé de bout en bout la deuxième manche au Stade du 26 mars le 26 février. Elles se sont logiquement imposées de nouveau 4 – 1 devant des Gabonaises dépassées par les événements.
À l’instar du match aller, dès la première mi-temps la rencontre était déjà pliée. Agueïcha Diarra ouvre le score sur pénalty à la 10ème minute avant que Salimata Diarra et Coulouba Sogoré ne corsent l’addition, respectivement aux 35ème et 43ème minutes. Au retour des vestiaires, le Gabon résiste et finit par sauver l’honneur en réduisant l’écart sur pénalty à la 80ème minute. La réaction malienne a été immédiate. Deux minutes après, Aïssata Tapily, entrée en jeu quelques minutes plus tôt, alourdit le score et scelle définitivement la victoire des Aigles Dames.
Avec cette double victoire, le Mali passe le cap du premier tour des éliminatoires de la CAN féminine 2026. Les protégées du coach Mohamed Saloum Hussein sont désormais tournées vers le deuxième et dernier tour de ces éliminatoires, qui aura lieu du 20 au 28 octobre 2025.
Elles seront opposées au Cap-Vert qui s’est qualifié le 26 février en prenant le dessus sur la Guinée (4-1), après un match nul lors de leur première confrontation( 2-2). Les Aigles Dames pourront-elles réussir à arracher leur ticket de qualification pour la CAN 2026 à l’issue de ce second tour ? Une chose est sûre, elles ont toutes les cartes en main.
Mohamed Kenouvi