Plastique : Le paradoxe malien face à une urgence mondiale

La Journée mondiale de l’Environnement 2025 est consacrée à la lutte contre la pollution plastique. Celle-ci alimente la crise climatique, dégrade les écosystèmes et fragilise les moyens de subsistance. Pourtant les réponses politiques restent insuffisantes, malgré l’urgence reconnue par les scientifiques et les institutions internationales.

La production mondiale de plastique dépasse 450 millions de tonnes par an, mais moins de 10% sont recyclées. Environ 11 millions de tonnes finissent chaque année dans les écosystèmes aquatiques, aggravant la pollution marine. Plus de la moitié de ces déchets ne sont ni traités ni récupérés. Le coût global de cette pollution est estimé entre 300 et 600 milliards de dollars par an, en tenant compte de ses impacts sur la santé, les écosystèmes et les économies locales, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement.

L’Afrique génère 5% des déchets plastiques mondiaux, mais est le deuxième continent le plus affecté. La moitié finit dans les eaux, menaçant biodiversité et économies locales. La pollution plastique est devenue une crise environnementale majeure. Face à cela, seuls 30% des pays disposent aujourd’hui de politiques publiques pour réduire son impact sur l’environnement et la santé.

Le phénomène contribue également à la crise climatique à travers son processus de production, qui génère des gaz à effet de serre. Le plastique contribue à 3,4% des émissions mondiales. Plus d’un tiers à des emballages jetables est majoritairement mal traité. L’agriculture, la pêche et la mode figurent parmi les secteurs les plus polluants, utilisant massivement des matières plastiques, parfois jusqu’à 60% de leur composition.

Mesures insuffisantes

En 2022, les États membres des Nations unies ont adopté une résolution visant à mettre fin à la pollution plastique. À travers un instrument juridique contraignant, le Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique (CIN) travaille à l’élaboration d’un texte. Les négociations portent sur des mesures couvrant l’intégralité du cycle de vie des plastiques. La cinquième session s’est tenue à Busan en décembre 2024, sans aboutir à un consensus sur les mesures de réduction de la production. La sixième et dernière phase de cette session est prévue pour août 2025.

Parmi les alternatives discutées, il est prévu de promouvoir l’innovation par des incitations aux entreprises pour abandonner le plastique, d’introduire des taxes visant à dissuader la production et l’utilisation de plastique à usage unique, de proposer des subventions et des avantages fiscaux pour favoriser les produits réutilisables et d’améliorer les infrastructures de gestion des déchets.

Situation au Mali

La Quinzaine de l’Environnement, du 5 au 17 juin, est célébrée cette année dans la région de San, à 425 km de Bamako. L’utilisation des sachets plastiques s’est généralisée à travers le pays. En 2014, le Mali a adopté la Loi N°2014-024 interdisant leur production, importation et commercialisation. Dix ans après, son application demeure très limitée. Un moratoire de six mois avait été prévu pour faciliter la transition, mais aucune réelle mesure n’a suivi. Le plastique est aujourd’hui omniprésent dans les marchés, les quartiers et les campagnes. Les données fiables manquent pour évaluer le volume en circulation, mais certains spécialistes estiment que plusieurs millions de tonnes échappent chaque année à toute gestion structurée.

Des initiatives privées s’engagent dans la lutte et tentent de mettre en place des structures de recyclage. Créée en 2017, DGB Plastique Mali collecte jusqu’à 12 tonnes de déchets plastiques par jour, mais reste une initiative isolée.

La capitale malienne produit en moyenne 4 050 m³ de déchets chaque jour, dont une grande quantité de sachets plastiques. Pour certains acteurs, il devient urgent d’améliorer la collecte en instaurant le tri à la source des déchets, de développer les unités de recyclage et de mettre en place une véritable politique de pollueur – payeur.

Outre les défis sanitaires, les solutions envisagées proposent une évolution vers une économie circulaire du plastique. Il s’agirait de mettre en place un cadre réglementaire adapté, grâce à des investissements du secteur privé et à la création de marchés dynamiques pour les plastiques recyclés et les substituts au plastique.

C’est autour d’un dialogue constructif entre l’État, le secteur privé et la société civile que la lutte contre la pollution plastique pourrait aboutir, selon les acteurs. Il s’agit de créer un espace de concertation entre les acteurs publics et privés pour faciliter l’adoption d’alternatives durables aux sachets plastiques.

Rwanda – RDC : Une rupture qui fissure la sécurité africaine

Le Rwanda quitte la CEEAC dans un contexte de tensions persistantes avec la RDC. Ce retrait s’ajoute aux départs des États sahéliens de la CEDEAO, révélant une fragilité grandissante des organisations régionales chargées de la sécurité collective. Pendant ce temps, les groupes armés progressent, dans un silence institutionnel préoccupant.

Le 7 juin 2025, Kigali a annoncé son retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Officiellement, la décision découle d’un désaccord avec la République démocratique du Congo, accusée de bloquer la présidence tournante que devait exercer le Rwanda. Mais, au-delà du conflit bilatéral, cette sortie révèle une crise plus profonde de l’architecture sécuritaire régionale.

Depuis plusieurs années, la CEEAC peine à jouer son rôle face à la multiplication des conflits frontaliers, des incursions armées et de la montée des groupes terroristes, notamment dans les zones instables du Nord-Kivu et de l’Ituri. Le retrait du Rwanda fragilise davantage cette structure, déjà minée par les rivalités entre États.

En Afrique de l’Ouest, la CEDEAO vit une implosion parallèle. En janvier 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont claqué la porte pour former l’Alliance des États du Sahel (AES), dénonçant une incompréhension stratégique de leur lutte contre les groupes jihadistes. Là encore, l’enjeu n’est pas seulement institutionnel, il est vital, dans la mesure où ces désengagements désarticulent les mécanismes d’alerte, de coordination militaire et de réponse rapide.

Face à ces fractures, l’Union africaine reste curieusement effacée. Son Conseil de Paix et de Sécurité ne parvient pas à enrayer la dynamique de fragmentation. Quant à l’ONU, son rôle semble cantonné à des déclarations de principe, sans réel levier dissuasif.

Pourtant, les menaces sont partagées, les frontières poreuses et les crises de plus en plus transnationales. Le désengagement des États des cadres multilatéraux revient à affaiblir l’unique rempart collectif face à des ennemis mobiles, armés et coordonnés.

La perte de coordination affaiblit aussi les efforts de partage de renseignements, de patrouilles conjointes et de médiations régionales. Chaque pays tente désormais de bâtir son propre système de défense, souvent au détriment d’une vision collective. Les conséquences dépassent le continent, puisque les failles régionales deviennent des brèches internationales.

Comme le rappelait récemment un diplomate africain, on peut se retirer d’une organisation, mais on ne peut ni effacer une frontière ni déménager un pays. La sécurité, elle, ne connaît pas de rupture administrative.

Festi’Vert 2025 : Quand l’agroécologie devient culture à Bamako

Les 14 et 15 juin 2025, le quartier de Bamako-Coura accueillera la deuxième édition de Festi’Vert, un festival atypique où l’environnement, l’agriculture et la culture populaire se rejoignent. Porté par l’entité du même nom, cet événement veut inscrire l’agroécologie dans le quotidien culturel des Maliens.

Loin d’être un simple rassemblement technique, Festi’Vert se vit comme l’expression vivante d’un art de vivre écologique. L’événement met en scène des savoirs agricoles ancestraux, des créations artisanales issues de la nature, des danses traditionnelles inspirées des saisons, des contes autour de la terre et des ateliers interactifs avec de jeunes artistes. C’est toute une écologie culturelle qui se déploie dans les rues de Bamako-Coura. À l’image d’initiatives similaires à Dakar, Ouagadougou ou même Recife au Brésil, Festi’Vert inscrit Bamako dans le réseau grandissant des villes africaines qui associent art, écologie et engagement communautaire.

Le festival, lancé en juillet 2024, est né du constat que pour réussir la transition écologique, il faut d’abord la faire aimer, la faire comprendre, la faire vivre. En cela, Festi’Vert choisit la voie du sensible, celle des arts et des récits locaux. Des animations musicales, des démonstrations de transformation agroalimentaire et des stands d’expression libre y côtoient des espaces d’exposition sur les semences traditionnelles et les cosmétiques naturels. Les organisateurs espèrent ainsi accueillir plusieurs centaines de visiteurs par jour.

L’édition 2025 entend renforcer cette dynamique en valorisant le rôle des femmes et des jeunes dans la création culturelle autour de la terre. Des associations comme Caritas Bamako ou des initiatives de jardinage urbain y seront présentées pour rappeler que l’agroécologie au Mali se vit autant dans les quartiers que dans les champs.

Forts de la réussite de la première édition en 2024, les organisateurs de Festi’Vert reconduisent l’événement avec une ambition renouvelée. La dynamique collective initiée dès le lancement du festival, combinée à l’engagement de partenaires locaux et d’acteurs culturels, a permis de bâtir une édition 2025 plus structurée, tournée vers une plus large participation populaire et une mise en valeur des savoirs agroécologiques à travers l’art et la transmission intergénérationnelle.

Cette hybridation entre culture et écologie semble rencontrer un écho fort, en phase avec les aspirations de nombreux Maliens à renouer avec des pratiques durables ancrées dans leur héritage.

Plus qu’un festival, Festi’Vert devient un laboratoire vivant où l’on cultive la terre autant que les esprits. En plaçant la culture au centre de l’écologie, les organisateurs rappellent qu’il ne peut y avoir de transition durable sans transformation des imaginaires.

Vers une justice sahélienne commune : Les premiers jalons posés à Bamako

Les ministres de la Justice du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont entamé un processus ambitieux d’unification de leurs systèmes judiciaires. Ce projet vise à créer des institutions juridiques et pénitentiaires confédérales, à harmoniser les législations et à renforcer la coopération face aux défis transnationaux.

Les autorités judiciaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont engagé un processus inédit de rapprochement législatif et institutionnel dans le cadre de la Confédération des États du Sahel (AES). L’initiative, conduite dans la continuité des piliers « Défense, Diplomatie et Développement » de la feuille de route malienne, entend désormais faire de la justice un levier central de souveraineté collective.

Au cœur des discussions figure la volonté d’inscrire la justice parmi les compétences officiellement déléguées à la Confédération. Les ministres ont validé la proposition de modification de l’article 4 du Traité fondateur, ce qui permettra à terme d’asseoir la légitimité d’un système juridique commun et cohérent. Dans son prolongement, un cadre de concertation permanent entre ministres de la Justice a été instauré et des Comités techniques nationaux devront veiller à la mise en œuvre progressive de l’agenda commun, avec pour visée une meilleure coordination, une standardisation des pratiques et l’interopérabilité des procédures.

L’ambition affichée est de bâtir un socle juridique harmonisé, allant des textes de droit pénal à l’organisation des professions judiciaires en passant par la coopération interétatique sur les procédures, les standards et les sanctions. Ce chantier traduit une volonté d’adapter les outils juridiques aux réalités sahéliennes en privilégiant l’harmonisation et l’efficacité.

Des institutions confédérales en gestation

La principale innovation portée par ce chantier est la création annoncée d’une Cour pénale et des droits de l’Homme sahélienne, compétente en matière de crimes de guerre, de blanchiment, de financement du terrorisme, ainsi que pour le contentieux interconfédéral. Cette juridiction, inédite dans l’espace sahélien, sera appuyée par une prison de haute sécurité dont la construction a été validée.

Ces mécanismes viendront renforcer une réponse judiciaire adaptée aux formes nouvelles de criminalité transfrontalière et aux défis liés à la lutte contre l’impunité, dans une zone où les juridictions nationales seules ne suffisent plus. Dans l’attente de leur mise en service, les États membres se réservent la possibilité de saisir toute instance régionale ou internationale existante pour poursuivre les auteurs d’actes graves.

Le projet repose également sur des outils numériques concrets. C’est ainsi qu’une plateforme de coopération judiciaire et un fichier unique des personnes recherchées ont été validés. Leur objectif est de garantir l’interopérabilité des systèmes nationaux et de faciliter les extraditions, transferts de détenus ou exécution des mandats d’arrêt entre les trois pays.

Le volet pénitentiaire n’est pas en reste, puisque la sécurité des établissements, la prévention de la radicalisation, le respect des droits humains, la réinsertion et la mutualisation des formations sont inscrits à l’agenda. Un Centre régional de formation judiciaire et pénitentiaire verra le jour, assurant une standardisation des profils et pratiques.

Contraintes nationales

En dépit de l’élan affiché, la mise en œuvre de ces décisions est conditionnée à plusieurs facteurs. D’abord, une série d’adaptations législatives devront être opérées dans chacun des pays, notamment pour garantir la compatibilité entre les textes de la Confédération et les droits nationaux existants, en particulier les Codes pénaux et de procédure pénale.

La question du financement, également importante, reste en suspens. La construction des infrastructures prévues, le développement des plateformes numériques ou la formation conjointe du personnel nécessiteront des budgets importants, encore non précisés. Les États espèrent l’appui de partenaires techniques ou financiers, mais affichent leur volonté d’autonomie.

Sur le plan politique, une attention particulière sera portée à la répartition des compétences, à la souveraineté des juridictions nationales et à l’acceptabilité du mécanisme par les Parlements. La diversité des pratiques judiciaires, des traditions juridiques et des cadres institutionnels est aussi un obstacle à surmonter.

Au-delà de ces contraintes, l’orientation prise est tout de même une première. Dans un espace longtemps fragmenté, ces États cherchent à construire une justice collective, cohérente, respectueuse des droits fondamentaux, capable de répondre aux attentes de leurs citoyens et aux exigences contemporaines de sécurité et de gouvernance.

Mamadou Ben Chérif Diabaté : « Sans synergie, il manque quelque chose à la sécurité »

Griot, penseur malien et homme de tradition, Mamadou Ben Chérif Diabaté nous livre ici une réflexion profonde sur la protection des civils, le rôle des savoirs anciens et la nécessité d’une approche collective et inclusive de la sécurité nationale.

Vous insistez sur le recours aux valeurs anciennes. Pourquoi est-ce important aujourd’hui ?

Je vois une grande différence entre ce qui se faisait avant et ce que l’on vit aujourd’hui. En 1236 déjà, il y avait une Charte. Les textes étaient très clairs. Donc aujourd’hui, si on veut évoluer positivement, on doit faire recours à ces valeurs. Je ne dis pas d’y retourner, mais d’y faire appel. On a des professeurs, des chercheurs, des magistrats… Il faut relire ces textes et voir comment les adapter à notre époque. Il ne s’agit pas d’idéaliser le passé, mais d’en tirer les principes solides que nous pouvons intégrer dans notre contexte institutionnel. Et y aller avec une nouvelle loi et une nouvelle valeur. C’est ce qui va être le salut pour nous.

Qu’est-ce qui empêche selon vous ce retour aux fondements ?

Le blocage, c’est la volonté politique. Je ne parle ni de Jean ni de Paul. Il faut que le gouvernement en place réfléchisse à cette question et qu’il l’intègre. Il faut organiser le débat autour de cette problématique. À ce moment-là, cela deviendra une vraie préoccupation nationale. Et on pourra aboutir à une solution nationale. Parce que c’est un problème qui mine notre sécurité.

Vous parlez d’une synergie d’actions. Que signifie-t-elle pour vous ?

Sans une synergie d’actions, ce n’est pas possible. Les femmes jouent un rôle-clé dans la sécurité. Les jeunes aussi ont leur importance. Les griots, les vieilles personnes, les légitimités traditionnelles, religieuses… Chacun a sa place.  Même les enfants dans les écoles, dès le bas âge, doivent apprendre les bases de la vigilance, de la paix et du vivre ensemble. Ce ne sont pas seulement les « corps habillés ». Ils doivent s’appuyer sur le reste de la société. Mais sans ça, sans ce maillage, sans cette synergie, il y a quelque chose qui manque justement à la sécurité.

Quelle serait la première étape pour enclencher ce processus ?

J’ai fait appel aux plus hautes autorités du Mali pour organiser des journées de dialogue, d’échange et de réflexion sur la problématique de la prise en compte de la protection de la société civile. Il faut former les femmes, les jeunes, les religieux, même les enfants à l’école. Que chaque Malien soit formé aux techniques de sécurisation de la Nation. C’est un tout. Nous sommes complémentaires.

Sécurité : Vague coordonnée d’attaques terroristes inquiétantes

Depuis quelques semaines, le Mali est de nouveau confronté à une série d’attaques terroristes coordonnées qui ont ciblé principalement des positions militaires. Face à cette recrudescence des violences, l’armée malienne a lancé une vaste contre-offensive.

Le Global Terrorism Index 2025 révèle que le Sahel concentre désormais plus de 51% des décès liés au terrorisme dans le monde, soit environ 4 794 morts en 2024. Ce phénomène place le Mali au cœur d’un fléau sécuritaire global, au-delà des seuls incidents mentionnés.

Lorsque l’attaque du camp militaire de Dioura, dans la région de Mopti, s’est déclenchée, le 23 mai 2025, nombreux sont ceux qui y ont vu un épisode isolé. Pourtant, cet assaut, qui selon des sources sécuritaires aurait fait des dizaines de victimes dans les rangs de l’armée, s’est vite révélé n’être que le premier acte d’une nouvelle poussée terroriste coordonnée qui allait secouer plusieurs régions du Mali.

Le 1er juin, c’est le camp stratégique de Boulkessi, près de la frontière burkinabè, qui est pris pour cible. Cette localité, déjà attaquée dans le passé, a été frappée avec une rare violence. Les terroristes du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM), lourdement armés et visiblement bien renseignés, ont lancé une opération éclair. L’armée malienne, bien que résistante, a dû procéder à un repli tactique pour éviter un carnage dans un premier temps, avant de mener des opérations pour détruire plusieurs terroristes regroupés dans des lieux de repli.

Dans le même temps, au nord, Tombouctou s’embrasait à son tour. Le 2 juin, une attaque coordonnée mêlant explosion d’un véhicule piégé et assaut d’hommes armés visait à la fois le camp militaire et l’aéroport. Ce mode opératoire des grandes offensives du JNIM laisse supposer une volonté de frapper fort et symboliquement. L’armée a répliqué immédiatement, affirmant avoir neutralisé 14 terroristes, interpellé 31 autres présumés et repris la maîtrise du terrain.

Les jours suivants ont confirmé l’installation d’un front mouvant et étendu. Le 4 juin, Tessit, dans la région de Gao, est visée. Là, la riposte des FAMa a été plus préparée. Grâce à l’appui de l’aviation, les FAMa affirment avoir tué plus de quarante terroristes, dont un chef terroriste nigérien connu sous le nom de Mamoudou Akilou.

Le 5 juin, à Mahou, dans la région de Sikasso, un groupe d’hommes à motos attaque un poste militaire, causant la mort de cinq soldats et plusieurs blessés, selon une source militaire, bien que l’État-major général des FAMa n’ait pas communiqué sur les victimes dans les rangs de l’armée. Cette dernière, une fois encore, a engagé une poursuite aérienne appuyée par des commandos déployés au sol. Bilan : au moins 40 terroristes tués, 16 motos, 4 PM, une arme 12,7, plusieurs chargeurs, une importante quantité de munitions et de nombreux autres effets abandonnés par les terroristes.

Une campagne préparée en amont

Selon l’armée malienne, ces attaques sont le reflet d’un « sursaut d’une bête qui, déjà terrassée, est en train d’être ressuscitée et maintenue en vie par des forces désormais identifiées ».

Certains spécialistes notent une réorganisation tactique visible chez les groupes terroristes, notamment le JNIM. Après une période de relative accalmie dans certaines zones, ces groupes semblent avoir opéré une montée en puissance discrète, appuyée par un travail de fond sur leurs bases arrière, leur recrutement local et leur mobilité.

Des rapports indiquent que le JNIM revendique des milliers de combattants actifs au Sahel, avec une influence croissante dans la région, notamment dans des pays tels que le Burkina Faso, le Niger et même le Bénin et le Togo. Le groupe mise sur des réseaux clandestins et une gouvernance locale souterraine pour renforcer son emprise.

« Ces récentes attaques jihadistes au Mali témoignent de la volonté de certains groupes armés de maintenir une pression sur l’État et les populations, même face aux efforts importants engagés par les autorités pour restaurer la sécurité », explique Mohamed Maiga, analyste et consultant en Politiques sociales et territoriales.

« Ils sont dans une dynamique d’infiltrations simultanées dans plusieurs régions pour instaurer la peur et les conditions d’une insécurité chronique », appuie pour sa part Boubacar Ba, Directeur du Centre d’analyses sur la gouvernance et la sécurité au Sahel.

D’autres facteurs peuvent expliquer cette récente recrudescence des attaques terroristes dans plusieurs régions. Le réajustement interne au sein des forces armées maliennes et de leurs alliés constitue un élément de contexte particulièrement important.

Depuis fin mai, le groupe Wagner a annoncé son retrait du Mali, dans un contexte de réorganisation du soutien militaire russe en Afrique. Ce retrait s’effectue au profit du déploiement de l’Afrika Corps, une nouvelle structure militaire russe officiellement axée sur la formation, le soutien logistique et le renseignement plutôt que sur les opérations de terrain.

Selon le Council on Foreign Relations, la diminution de la présence occidentale, notamment le retrait des forces françaises et américaines, combinée à l’influence intermittente du groupe Wagner suivi de l’Afrika Corps, a créé un vide sécuritaire favorable aux groupes jihadistes. Ce repositionnement international ralentit la réactivité tactique de l’armée malienne.

Cette transition a entraîné, selon certains observateurs, un moment de flottement dans l’appui tactique immédiat dont bénéficiait l’armée malienne dans certaines zones sensibles. Les groupes armés auraient alors profité de cette brève période d’ajustement pour frapper vite et fort, avant que le nouveau dispositif ne soit totalement opérationnel.

Par ailleurs, la saison des pluies, qui débute progressivement dans certaines régions du pays, représente traditionnellement une contrainte pour les mouvements armés. Certains experts estiment que les groupes terroristes ont voulu devancer cette période difficile en multipliant les attaques avant l’arrivée effective de l’hivernage. Il s’agirait donc d’une campagne de pression, tactiquement opportuniste, menée dans une fenêtre logistique favorable.

Réponse militaire d’envergure

Face à cette vague de violences, l’armée malienne a opté pour une réaction immédiate et musclée. Des frappes aériennes ont été menées dans plusieurs zones supposées abriter des bases terroristes, notamment le 3 juin 2025 à Diafarabé, dans la région de Mopti, et à Niagassadiou, dans la région de Douentza. « Ces actions ont permis de désorganiser les planifications des groupes terroristes tout en leur infligeant de lourdes pertes », souligne l’armée.

À Tessit et à Tombouctou, des raids ciblés ont aussi permis de neutraliser plusieurs combattants ennemis. Des unités d’élite ont été redéployées sur les axes jugés sensibles et des patrouilles renforcées sillonnent les environs des camps récemment attaqués.

Le 4 juin, l’armée malienne a mené une série d’opérations offensives ayant permis de détruire des plots logistiques et de neutraliser plusieurs terroristes dans les régions de Ménaka, Douentza, Koulikoro et Kidal.

Dans un communiqué en date du 7 juin 2025, l’armée affirme avoir déjoué, à l’approche de la fête de Tabaski, plusieurs complots et projets d’attentats terroristes dont le but était de semer la panique au sein des populations et de déstabiliser les Institutions de la République, en coordination avec des relais financiers et médiatiques prêts à exploiter leurs actions.

Ainsi, le 6 juin, les FAMa ont débusqué et détruit le plot logistique terroriste de Kardjiba, à l’est de Gourma Rharous, dans la région de Tombouctou, ainsi qu’un autre dans les secteurs de Boulkessi et Douna, dans la région de Bandiagara.

Le jour suivant, l’armée a annoncé avoir détruit « suite aux renseignements précis et de longues heures de surveillance », une importante base terroriste à l’est de Zarho, dans la localité de Gourma Rharous, incluant un poste de commandement contenant des équipements et des moyens de transmission et 3 véhicules embarquant des combattants terroristes et d’importants stocks logistiques.

Adapter la stratégie

Pour éviter que cette vague d’attaques ne précède un hivernage meurtrier, les experts recommandent une stratégie combinant renforcement du renseignement, surveillance radar et déploiement rapide de forces mobiles. Sans cette anticipation, après l’hivernage la pression terroriste pourrait se transformer en insurrection prolongée.

Cependant, malgré ces nombreux résultats de la contre-offensive des FAMa, les défis restent nombreux. L’étendue du territoire national, la porosité des frontières et la complexité sociopolitique locale freinent encore la consolidation des victoires militaires.

« Il est possible que des camps militaires puissent empêcher les infiltrations, mais lorsque ces camps militaires stratégiques sont attaqués, le reste du pays devient vulnérable », alerte Boubacar Ba.

Pour le chercheur, la contre-offensive menée par l’armée peut atténuer les velléités terroristes, mais face à cette guerre hybride, de dissimulation et d’infiltration, conclut-il, l’armée malienne doit aussi développer une stratégie adaptée du point de vue des matériels et équipements, du renseignement et de l’action militaire même sur le terrain.

Mohamed Kenouvi

Inde : un avion d’Air India s’écrase à Ahmedabad avec 242 personnes à bord

L’avion Boeing 787‑8 Dreamliner d’Air India assurant le vol AI171, en route vers Londres depuis Ahmedabad, s’est écrasé ce jeudi peu après décollage. Selon les autorités, l’appareil transportait 242 personnes à bord, dont 169 Indiens, 53 Britanniques, 7 Portugais, 1 Canadien, ainsi que 12 membres d’équipage, dont deux pilotes.

Alors qu’un mayday a été émis, le signal de l’avion a été perdu à une altitude d’environ 625 pieds (190 mètres), environ 30 à 50 secondes après le décollage.
Dans les instants suivant l’impact, la carcasse a pris feu en touchant le sol, provoquant une énorme boule de feu et une colonne de fumée épaisse, visibles à plusieurs kilomètres. Ce crash s’est produit dans un quartier résidentiel adjacent au BJ Medical College, percutant un bâtiment utilisé notamment comme internat pour étudiants en médecine. Parmi les victimes au sol figurent au moins cinq étudiants, selon des responsables universitaires.
À l’heure actuelle, les secours ont récupéré au minimum 204 corps sur le site du crash, et au moins 41 blessés ont été pris en charge localement. Le chiffre total des victimes pourrait s’élever à plus de 290, en incluant à la fois les passagers et les personnes restées au sol.
Dans un contexte exceptionnel, un seul passager a survécu à l’accident, identifié comme Vishwashkumar Ramesh, actuellement hospitalisé dans un état stable.
Réactions et enquête
Le gouvernement indien a réagi immédiatement. Le Premier ministre Modi a exprimé sa tristesse sur les réseaux sociaux, tandis que le ministre de l’Intérieur Amit Shah évoque des conditions extrêmes, avec un incendie alimenté par environ 125 000 litres de carburant, rendant les opérations de secours quasi impossibles malgré le déploiement d’au moins sept camions de pompiers et de nombreuses ambulances.
Air India a confirmé la mise en place d’une cellule de crise et une ligne d’assistance aux familles. Le constructeur Boeing, dont l’action a chuté de 4,7 % en Bourse, enverra un groupe d’experts pour soutenir l’enquête, conjointement avec les autorités américaines (NTSB) et britanniques.
Ce drame représente le premier accident mortel impliquant un Boeing 787 Dreamliner depuis son entrée en service en 2011. Il survient alors qu’Air India poursuit une profonde modernisation de sa flotte sous l’égide du groupe Tata, avec des enjeux importants de sécurité et de réputation.
Les investigations, menées selon le protocole international, devront identifier les causes – mécanique, humaine ou liée à la procédure de décollage, notamment la rétractation du train d’atterrissage – afin de prévenir de nouvelles tragédies.

Insécurité alimentaire : Le Royaume d’Espagne appuie le PAM pour l’assistance des personnes vulnérables au Mali

Le Commissariat à la sécurité alimentaire et le Programme Alimentaire mondial (PAM) au Mali ont organisé, ce jeudi 12 juin 2025, une cérémonie de remerciements à l’endroit du gouvernement du Royaume d’Espagne pour sa nouvelle contribution financière à l’exécution du programme alimentaire d’urgence du PAM en faveur des populations maliennes nécessiteuses.

Huit mois après sa dernière contribution, le Royaume d’Espagne octroie à nouveau une importante aide financière d’une valeur de 3 millions d’euros (1,9 milliard de FCFA) au PAM, en faveur des populations maliennes vulnérables.
La cérémonie de remerciements et de remise symbolique de ce nouveau financement s’est tenue au siège du Commissariat à la Sécurité alimentaire à Bamako, en présence du ministre Commissaire à la Sécurité alimentaire, de l’ambassadeur du Royaume d’Espagne au Mali et de la Directrice adjointe du PAM au Mali.
Grâce à ce geste de solidarité et d’amitié entre le Royaume d’Espagne et la République du Mali, le PAM, à travers son programme d’aide alimentaire d’urgence, disposera de moyens adéquats pour soutenir, pendant une année, plus de 65 000 personnes les plus touchées par l’insécurité alimentaire et les conflits dans les régions de Kayes, Ségou, Mopti, Tombouctou, Taoudéni, Kidal, Ménaka, Gao, Koulikoro et Sikasso.
« Cette contribution permettra de répondre aux besoins immédiats et de renforcer la résilience des populations touchées à travers une intervention intégrée couplant la réponse d’urgence et le renforcement de la résilience des communautés vulnérables à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle », a indiqué Jacqueline Flentge, Directrice adjointe du PAM au Mali.
« Le soutien de nos partenaires est absolument vital pour apporter une réponse plus efficace et durable aux besoins des personnes qui comptent sur l’assistance alimentaire du PAM », a-t-elle rappelé.
En effet, selon Mme Flentge, le PAM a urgemment besoin de 91,4 millions de dollars, soit plus de 50 milliards de FCFA, d’ici la fin décembre 2025 afin de couvrir les besoins essentiels des communautés vulnérables au cours des six prochains mois.
Par ailleurs, près de 1,5 million de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë durant cette période de soudure agro-pastorale, a-t-elle indiqué.
Le ministre Commissaire à la Sécurité alimentaire, Redouwane Ag Mohamed Ali, a pour sa part salué la nouvelle contribution financière du Royaume d’Espagne, qui, selon lui, témoigne de l’engagement du gouvernement espagnol à accompagner le Mali dans la préservation de sa souveraineté alimentaire, à travers le renforcement de la capacité de résilience des communautés vulnérables.
C’est la deuxième fois en moins d’un an que le Royaume d’Espagne appuie le PAM en faveur des populations maliennes. Grâce à sa contribution en 2024, le PAM a pu apporter une aide vitale à plus de 50 000 personnes vulnérables à travers le Mali.
Mohamed Kenouvi

Dengue au Mali : plus de 336 cas confirmés, le président appelle à la vigilance

Le Mali, confronté à une recrudescence inquiétante de la dengue, totalise 336 cas confirmés sur 2 406 suspicions recensées à la mi-avril. Les foyers les plus touchés se trouvent dans les régions de Bamako et Sikasso, d’après le rapport du 16 avril de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique (AFRO‑WHO).

Dans un contexte marqué par la confusion persistante entre dengue et paludisme, le Président de la Transition a prié les citoyens de respecter rigoureusement les mesures de prévention : éliminer les eaux stagnantes, utiliser systématiquement moustiquaires imprégnées et répulsifs, et consulter rapidement un centre de santé en cas de fièvre.

Selon le dernier bulletin hebdomadaire de l’OMS couvrant la période du 1er janvier au 13 avril, 253 cas de dengue ont été confirmés dans quatre districts, avec huit décès, soit un taux de létalité de 3,2 % . Ces données confirment l’urgence de renforcer la surveillance et les soins médicaux spécialisés.

Le malentendu autour des symptômes de la dengue et du paludisme persiste. Les autorités sanitaires rapportent que cette confusion complique la prévention et retarde la prise en charge adaptée des patients. De plus, la circulation de conseils inappropriés sur les réseaux sociaux, incluant l’usage de remèdes traditionnels, accentue ce phénomène.

Dans la lutte contre cette épidémie, la mobilisation communautaire est jugée cruciale. Le ministère de la Santé a intensifié les campagnes publiques, multiplié les messages de sensibilisation sur les ondes et WhatsApp, et organisé des sessions d’information dans les écoles. Les citoyens sont sensibilisés à l’importance d’assainir leur environnement et de solliciter un diagnostic médical en présence de fièvre ou de douleurs inhabituelles .

Comparativement aux données de 2024, où l’Afrique subsaharienne avait enregistré plus de 14 000 cas et 505 décès entre janvier et avril, notamment au Mali (8 709 cas et 39 décès) , la situation de 2025 révèle une dynamique différente, mais reste préoccupante. L’épidémie actuelle s’inscrit dans une évolution globale de la fièvre denguée, particulièrement dans les grandes villes comme Bamako, épicentre de l’épidémie.

Face à cette crise de santé publique, les efforts collectifs sont essentiels. Le Président a rappelé que chaque citoyen a un rôle à jouer : le moindre dépôt d’eau stagnante, la moindre négligence dans l’utilisation des protections individuelles peuvent contribuer à étendre l’épidémie.

Interview de Me Fatoumata Diatigui Diarra, conseil fiscal agréé 

Dans un contexte marqué par la recrudescence des saisies de devises à l’aéroport de Bamako, Me Fatoumata Diatigui Diarra, conseil fiscal agréé, décrypte pour nous le cadre juridique encadrant l’exportation physique de devises au Mali. Elle souligne le déficit d’information du public, rappelle les obligations déclaratives prévues par les textes communautaires, et appelle à une meilleure accessibilité des outils bancaires pour freiner les flux illicites.

1. Quel est le cadre juridique malien encadrant l’exportation de devises par voie physique ?

L’exportation de devises par voie physique est encadrée par un corpus de textes communautaires constitué du Règlement n°06/2024/CM/UEMOA relatif aux relations financières extérieures des États membres de l’UEMOA, de l’Ordonnance n°2024-011/PT-RM du 30 août 2024 portant lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive (BC/FT/FP), telle que modifiée, ainsi que de ses textes d’application, fixant le seuil pour la déclaration des transports physiques intracommunautaires et internationaux d’espèces et d’instruments négociables au porteur (instructions BCEAO n°231/07/2024 et n°002-02-2025).

Cette réglementation met notamment en place une obligation déclarative à la charge des personnes transportant des espèces ou des instruments négociables au porteur, à partir d’un certain seuil.

L’obligation déclarative est catégorisée parmi les mesures préventives relatives à l’utilisation des espèces. Il s’agit de s’assurer de l’origine et de la destination de ces espèces ou instruments au porteur, et ainsi, de lutter contre le BC/FT/FP.

2. Quels sont les montants soumis à déclaration et quelles sont les sanctions en cas de non-déclaration ?

Aux termes des instructions précitées, toute personne à destination ou en provenance d’un pays tiers de la Zone UEMOA est tenue d’effectuer une déclaration de transport physique d’espèces et d’instruments négociables au porteur auprès de l’Administration des Douanes, à partir d’un seuil de 5 millions de francs CFA.

Le seuil est relevé à 10 millions de francs CFA pour les transports intracommunautaires d’espèces et d’instruments négociables au porteur.

À l’issue de la déclaration, l’Administration des Douanes peut bloquer ou retenir, pour une période n’excédant pas soixante-douze heures, les espèces ou instruments susceptibles d’être liés au BC/FT/FP. Un récépissé est délivré à l’intéressé. Passé ce délai, les fonds sont restitués en l’absence d’infraction constatée.

En cas de non-déclaration, de fausse déclaration, de déclaration incomplète, ou s’il y a suspicion de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de prolifération, l’Administration des Douanes saisit la totalité des espèces retrouvées et dresse un procès-verbal.

Les espèces saisies et une copie du procès-verbal sont transmises au Trésor, à la structure nationale chargée de la gestion des avoirs criminels gelés, saisis ou confisqués, ou à l’organisme en tenant lieu. Le dossier est également envoyé à la Cellule nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF), dans un délai de huit jours calendaires.

Il s’agit là de mesures conservatoires, avant toute procédure judiciaire.

3. À votre connaissance, ces règles sont-elles effectivement appliquées sur le terrain, ou souffrent-elles de failles ?

La presse a récemment fait état de saisies à plusieurs reprises, mais n’étant partie à aucune de ces procédures, je ne saurais dire si les dispositions mentionnées ci-dessus ont été rigoureusement suivies.

4. Peut-on considérer que ces flux de cash traduisent un affaiblissement de la fiscalisation et de la confiance dans le système bancaire ?

Ces flux me semblent plutôt refléter nos habitudes culturelles. Les difficultés de mobilisation des recettes fiscales, notamment du fait de l’importance de l’informel dans nos économies, ne sont plus à démontrer. De même, l’inclusion financière, dont un élément essentiel est la bancarisation, demeure au cœur des politiques de la BCEAO, qui consacre chaque année un rapport à ce sujet. C’est dire qu’il s’agit d’une problématique structurelle et toujours d’actualité.

À cela s’ajoute sans doute un déficit de communication autour des réglementations.

5. Quels dispositifs pourraient être renforcés pour lutter efficacement contre les sorties illégales de capitaux et la fraude fiscale transfrontalière ?

À mon avis, l’Administration des Douanes gagnerait à mener une vaste campagne de communication sur ce sujet, compte tenu de notre culture du voyage. Ces sorties illégales de capitaux sont manifestement, d’abord, le résultat de l’ignorance de la réglementation en la matière, et peut-être également du coût élevé des services bancaires.

La mise à disposition de cartes bancaires prépayées constitue une avancée notable, d’ailleurs largement prise en compte par le Règlement UEMOA. Celui-ci précise que les sommes excédant le plafond fixé par la BCEAO peuvent être emportées sous forme de cartes de retrait et de paiement, prépayées ou classiques.

Ces instruments gagneraient à être davantage utilisés, à condition d’être rendus plus accessibles.

Bamako Sénou : Les dessous du trafic silencieux de devises

Des valises remplies d’euros. Des passagers profilés. Des saisies qui se répètent à l’Aéroport international Modibo Keita de Bamako. Ce phénomène discret mais préoccupant traduit une fracture profonde entre l’économie réelle et le système financier formel.

En une semaine, près de 630 000 euros ont tenté de franchir les frontières maliennes, dissimulés non pas dans des circuits financiers, mais dans les bagages de passagers ordinaires. Le 26 mai 2025, les douaniers découvrent 580 150 euros dans les bagages d’un passager en partance pour l’Afrique centrale. Le lendemain, cinq autres voyageurs embarquant pour La Mecque via Istanbul sont interceptés. À eux cinq ils transportent 50 000 euros, répartis pour contourner les limites autorisées. L’argent, remis par un agent de voyage, était destiné à être convoyé discrètement hors du pays. Ces saisies ne sont pas isolées. En novembre 2024, 1,27 million d’euros avaient été confisqués. En août de la même année, 500 000 euros. À cela s’ajoutent plusieurs interpellations sur des vols à destination de Dubaï, du Maghreb ou d’Istanbul. Le montant global des devises interceptées n’est pas officiellement publié, mais les chiffres partiels révèlent un phénomène régulier, étendu et préoccupant.

« L’aéroport de Bamako est devenu un point de sortie stratégique pour des liquidités en espèces », analyse Dr Étienne Fakaba Sissoko, économiste et professeur à l’Université des Sciences sociales et de gestion de Bamako. Selon lui, ces flux ne sont pas anecdotiques mais traduisent un changement profond dans les comportements économiques.

Un cadre légal contourné

En théorie, le transport de devises est strictement encadré par la réglementation malienne et communautaire. Maître Fatoumata Diatigui Diarra, Conseil Fiscal Agréé, précise que le corpus juridique repose notamment sur le Règlement N°06/2024/CM/UEMOA, l’Ordonnance N°2024-011/PT-RM sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, ainsi que sur les instructions BCEAO du 7 juillet 2024 et du 2 février 2025.

Toute personne transportant plus de 5 millions de francs CFA en espèces vers un pays hors de l’UEMOA doit effectuer une déclaration préalable auprès de l’administration des douanes. Ce seuil passe à 10 millions pour les transferts à l’intérieur de la zone communautaire. L’origine des fonds doit être justifiée. En cas de non-déclaration, les espèces peuvent être saisies à titre conservatoire pendant soixante-douze heures, puis transférées au Trésor si une infraction est suspectée. Le dossier est ensuite transmis à la CENTIF.

« Ces mécanismes existent, mais encore faut-il qu’ils soient rigoureusement appliqués », souligne Me Diarra. Elle observe que la presse signale régulièrement des saisies, mais qu’il est difficile de savoir dans quelle mesure les procédures sont suivies à la lettre. Ce flou illustre une autre réalité. En effet, une partie des voyageurs ignore ou feint d’ignorer l’existence même de ces règles.

Le poids du cash

Le recours massif aux espèces n’est pas nouveau, mais de nos jours il s’amplifie. Pour le Dr Sissoko, ce basculement s’explique d’abord par une méfiance envers les banques. « Le taux de bancarisation est faible. En 2022, seule une personne adulte sur quatre disposait d’un compte formel. Cela signifie que la majorité des Maliens n’interagit jamais avec une banque » souligne-t-il.

Les sanctions régionales de 2022 ont également laissé des traces. Durant plusieurs mois, les comptes publics ont été gelés, les transferts suspendus et les paiements internationaux bloqués. Cet épisode a convaincu de nombreux acteurs économiques que la détention physique d’espèces était plus sûre que l’épargne sur un compte bancaire. L’argument de la rapidité revient aussi souvent. Un entrepreneur sous anonymat confie : « pour envoyer 10 000 euros par virement, il faut justifier, attendre, expliquer. En cash, je sors avec et je les remets en mains propres ».

Des scandales impliquant certaines institutions financières ont accentué la suspicion. Plusieurs dirigeants de banques privées ont été poursuivis ces dernières années. Cette instabilité perçue affaiblit la confiance et pousse vers des solutions pensées  comme moins risquées, bien qu’illégales.

Une économie parallèle s’installe

Les effets dépassent le simple transport illégal d’argent liquide. Dr Sissoko évoque une dérive plus globale : celle d’une économie qui se recompose en marge des institutions. Le cash devient le support d’une activité économique parallèle, non tracée, souvent transfrontalière. Il cite les transferts informels de type hawala, les achats de biens à l’étranger, les circuits d’or ou de devises et même les transactions foncières.

Cette économie parallèle affaiblit la base fiscale. Elle échappe à la statistique, complique les prévisions, empêche la mobilisation des ressources internes. Le capital ne reste plus dans les banques, mais sort du territoire ou circule en dehors de tout radar. Cette situation entraîne moins de crédits, moins d’investissements locaux et plus de dépendance aux emprunts d’État.

Selon les estimations évoquées par l’économiste, le taux d’investissement privé aurait chuté d’environ 3,7% en 2022. La BCEAO, pour sa part, observe une baisse des réserves de change, passées de 5,8 mois d’importations en 2021 à 4,4 mois en 2022. Ces chiffres traduisent un déséquilibre inquiétant.

Risques sécuritaires

Le départ massif de devises nuit à la stabilité du franc CFA. Il amplifie les pressions sur le taux de change, favorise l’inflation importée et complique la conduite de la politique monétaire. À cela s’ajoutent des inquiétudes d’ordre sécuritaire.

Les fonds qui échappent aux circuits formels peuvent être utilisés à des fins criminelles. Me Diarra rappelle que l’un des objectifs du cadre réglementaire est justement d’empêcher que l’argent liquide ne serve à financer le terrorisme, la contrebande ou le trafic de drogue. Sans traçabilité, il devient impossible de garantir que l’origine et la destination des fonds soient licites.

Un analyste régional interrogé sous anonymat évoque le cas de l’or. Officiellement, le pays produit plus de 70 tonnes par an, mais une partie échappe aux circuits officiels. Certaines filières auraient alimenté des financements occultes, y compris à l’international. Les États-Unis ont imposé des sanctions ciblées en 2023 sur des entités soupçonnées de financer des activités armées via l’or exporté depuis le Mali.

Le Hadj : un pic dans les flux

La période du Hadj est souvent marquée par un pic de transferts. L’économiste observe que des agents de voyages sont parfois mandatés pour transporter de l’argent à la place de leurs clients. Ce système de délégation s’explique par la volonté de contourner les plafonds autorisés. Chaque passager peut transporter une somme limitée. En répartissant les montants entre plusieurs personnes, les convoyeurs espèrent échapper au contrôle.

Ce phénomène reste cependant difficile à quantifier. Les saisies douanières ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Personne ne sait combien de devises sortent réellement du territoire chaque semaine sans être interceptées.

Pour Me Diarra, la solution ne réside pas uniquement dans le renforcement des contrôles. « Il y a un déficit de communication. Beaucoup de voyageurs ignorent la réglementation ou la perçoivent comme une contrainte incompréhensible ». Elle  appelle à des campagnes d’information ciblées, notamment dans les gares routières, les agences de voyages et les points de change.

Elle souligne aussi les avancées prévues dans les textes communautaires. Le Règlement UEMOA autorise le port de devises excédentaires sous forme de cartes bancaires prépayées. Ces instruments, plus sûrs, pourraient être développés et démocratisés, en particulier pour les voyageurs fréquents. Cela permettrait de réduire l’usage du cash tout en facilitant les transactions.

Malaise

Au final, les valises pleines qui quittent discrètement Bamako racontent plus qu’un simple phénomène illégal. Elles traduisent un malaise, une rupture silencieuse entre l’État et ses citoyens, entre les institutions et la pratique quotidienne.

Comme le résume si bien Dr Sissoko, « ce n’est pas seulement une affaire de billets. C’est le symptôme d’une économie qui se replie, d’une société qui doute et d’un capital qui préfère fuir plutôt que contribuer ».

Tant que cette confiance ne sera pas restaurée, le Mali continuera d’assister, impuissant, à l’érosion invisible de sa richesse.

Le trône des illusions : « Quand le réel est confisqué, la fiction devient une barricade »

Dans son nouveau roman publié chez L’Harmattan, Étienne Fakaba Sissoko mêle littérature, mémoire et critique politique. À travers Sabu, écrivain rebelle en détention, il explore la parole entravée, la résistance intime et les régimes qui organisent l’oubli. Une œuvre dense, enracinée dans l’urgence de dire.

Pourquoi avoir choisi la fiction pour porter un message aussi politique ?

Parce que la fiction est la dernière barricade quand le réel est confisqué. Dans un contexte où la parole libre peut coûter la liberté, voire la vie, le roman devient un acte d’insubordination douce. Le trône des illusions est une œuvre de fiction, mais profondément ancré dans les réalités que vivent tant de peuples sous des régimes d’apparence transitionnelle et de fond autoritaire. La littérature permet de contourner la censure, de déjouer la peur, de parler haut quand on veut nous faire taire. J’ai choisi la fiction pour dire ce qu’on ne peut plus dire autrement.

Sabu refuse le silence. Est-ce aussi votre manière de continuer à parler ?

Absolument. Sabu, c’est cette part d’humanité qu’on tente d’éteindre chez ceux qu’on enferme, qu’on isole ou qu’on intimide. À travers lui, je continue à écrire pour celles et ceux qu’on réduit au silence. Ce personnage est né de la prison, de l’injustice et du silence imposé. Mais il parle. Il écrit et il résiste avec les mots. Et moi, à travers lui, je continue cette bataille que je mène depuis des années : celle de la conscience critique, de la liberté de pensée, de la vérité contre la peur.

Que représente Kassala dans le roman ?

Kassala est la capitale du pays fictif Gayma où se déroule l’action du roman. Ce n’est pas un simple décor, mais une condensation du réel. Une mise en fiction des dérives observées dans plusieurs pays du Sud et notamment en Afrique de l’Ouest : confiscation du pouvoir, instrumentalisation de la justice, culte de la sécurité au détriment des libertés, élites cooptées, oppositions criminalisées. Kassala, c’est un miroir. Déformant parfois, mais parlant. Ceux qui y voient une allusion reconnaîtront les reflets qu’ils renvoient.

Publier Le Carnet de Sabu par épisodes, c’est aussi de la résistance ?

Oui. Dans un pays où la mémoire devient dangereuse, publier par épisodes, c’est semer des fragments d’insoumission. Chaque épisode est une mèche et une veilleuse contre l’obscurité organisée. Cette forme feuilletonesque s’inscrit dans notre tradition orale. Ce n’est pas un choix marketing, c’est un choix politique. Le récit de Sabu doit s’infiltrer, se transmettre. Comme un murmure entêté là où l’on croit que tout le monde s’est tu.

« Mali Ko… » : Quand le Mali parle, chante et se raconte à sa jeunesse

Sous le sceau de l’Année de la Culture proclamée par les autorités maliennes, le lancement du projet « Mali Ko… (Le Mali dit…) » marque un tournant pour la scène culturelle nationale. Cette initiative ambitieuse, portée conjointement par Africa Scène et l’Espace Culturel Blonba, s’appuie sur une dynamique inédite de création, de diffusion et de mobilisation citoyenne.

Du mois de juin à celui de décembre, elle sillonne onze grandes villes du pays, avec pour ambition de réconcilier la jeunesse malienne avec son histoire, sa mémoire musicale et son avenir collectif.

Abdou Guitteye, directeur d’Africa Scène et coordonnateur général du projet, évoque une nécessité sociale autant qu’un devoir culturel. « Ce projet, nous l’avons pensé comme une grande conversation nationale entre les générations. Le Mali est riche d’une mémoire musicale que nos jeunes n’écoutent plus, parce qu’on ne la leur donne pas à entendre dans leur langue, dans leur époque. Il ne s’agit pas de nostalgie mais de transmission. Le Mali a beaucoup à dire, et il doit le dire avec les voix d’aujourd’hui. »

Pendant sept mois, de Tombouctou à Bamako en passant par Ségou, San, Bougouni, Sikasso ou Kita, chaque ville traversée sera symboliquement élevée au rang de capitale culturelle du Mali. Dans les stades, les quartiers, les plateaux de télévision et les réseaux sociaux, la parole musicale se mêlera à l’image, au récit et au débat. Le projet mobilise un budget prévisionnel de 150 millions de francs CFA, avec le soutien du ministère de la Culture et du programme Donko ni Maaya, mis en œuvre par la GIZ.

Au cœur de Mali Ko…, dix-neuf chansons majeures du patrimoine musical national, des années 1960 aux années 2000, ont été sélectionnées. Des titres comme Mali Twist de Boubacar Traoré, Mali ba de Bazoumana Sissoko, Diadjiri de Fanta Damba, Tassidoni du Super Biton, Kulukutu de l’orchestre Kanaga de Mopti, Bi furu d’Oumou Sangaré, Nyama Toutou de Nahawa Doumbia, Chérie d’Ali Farka Touré, Mamaya d’Ami Koïta ou CAN 2002 de Nyeba Solo seront réinterprétés dans une forme nouvelle, à travers la voix de la jeune scène contemporaine.

Six artistes porteront ces relectures : Malakey, Young BG, Dr KEB, Black AD, Maimouna Soumounou et Mamou Fané. Tous ont été choisis pour leur singularité artistique, leur ancrage local et leur capacité à résonner avec les aspirations urbaines de la jeunesse malienne. Ces jeunes voix ne reprennent pas seulement des titres, elles les revisitent, les réécrivent parfois, pour leur donner une nouvelle vie sans trahir leur âme.

Alioune Ifra Ndiaye, metteur en scène du projet et fondateur de l’Espace Blonba, précise l’intention esthétique et politique. « Il ne s’agissait pas de faire un spectacle patrimonial figé, mais un geste vivant, mobile, populaire. Nous avons voulu que chaque chanson redevienne ce qu’elle était à l’origine : un message, une mémoire, un outil de lien. Dans Mali Ko…, on ne chante pas pour plaire, on chante pour transmettre. Et on le fait avec rigueur, passion et exigence. »

Le projet s’exprime aussi à travers l’image. Une série télévisée de quarante épisodes, mêlant création documentaire, journal de bord et immersion dans les villes traversées, accompagnera la tournée. À cela s’ajouteront dix talk-shows de quatre-vingt-dix minutes, conçus comme des espaces de débat, de témoignage et d’expression populaire. La diffusion est prévue à la fois sur les chaînes publiques et via les réseaux sociaux, avec un objectif cumulé de trois millions de téléspectateurs et un million de vues numériques.

Mali Ko… vise une fréquentation directe de 150 000 spectateurs à travers ses spectacles-concerts. Mais au-delà des chiffres, c’est la portée symbolique qui importe : montrer que la culture malienne peut être à la fois savante et populaire, enracinée et innovante, locale et universelle.

Pour Abdou Guitteye, le choix de villes parfois éloignées des circuits habituels est un acte volontaire. « Ce n’est pas Bamako qui exporte son modèle. Ce sont les villes, les quartiers, les communautés qui deviennent les cœurs battants du projet. Chaque ville accueillera une création, une émission, un moment de partage. Nous voulons créer un effet de chaîne, une onde culturelle qui touche toutes les couches. »

Alioune Ifra Ndiaye insiste quant à lui sur la responsabilité des artistes dans le contexte actuel. « Le Mali traverse des moments complexes. Ce que nous disons avec Mali Ko…, c’est que l’art n’est pas un luxe. C’est un acte de souveraineté. Nous ne racontons pas le Mali pour en faire un folklore, mais pour en faire un projet. »

À travers cette initiative, Africa Scène et Blonba affirment une ligne claire : la culture est un levier de transformation, un facteur de cohésion, une force de projection collective. Mali Ko… n’est pas seulement un programme artistique, c’est un manifeste. Une invitation à dire, à écouter et à rêver un Mali debout, multiple et vivant.

Audiovisuel : Canal+ célèbre ses 30 ans de présence au Mali

Canal+ a célébré en grande pompe ses 30 ans de présence au Mali et les 10 ans de sa filiale locale, à travers un dîner gala organisé le 30 mai 2025 à Bamako. L’événement a réuni des personnalités du monde audiovisuel, des représentants du gouvernement, des partenaires et des collaborateurs de la chaîne.

Dans une ambiance conviviale et festive, la soirée a été marquée par plusieurs temps forts, notamment des prestations artistiques et humoristiques, une projection inédite retraçant l’histoire de Canal+ au Mali depuis 1995, ainsi que des remises de distinctions à des collaborateurs ayant marqué de leur empreinte le parcours de la chaîne dans le pays.

Le Directeur général de Canal+ Mali, M. Idrissa Diallo, a exprimé sa « fierté immense et une profonde gratitude » envers tous ceux qui ont contribué à bâtir cette success story. Il a tenu à saluer l’engagement historique de M. Ibrahima Sow, président du Conseil d’administration de Canal+ Mali, pour avoir introduit l’offre Canal+ au Mali il y a trois décennies, ainsi que M. Aziz Diallo, tout premier directeur général de la filiale, aujourd’hui Directeur Afrique francophone du groupe.

« Canal+, ce n’est pas seulement un opérateur audiovisuel. C’est un acteur culturel, social, économique et technologique profondément ancré dans la société malienne », a-t-il déclaré, avant de rappeler que Canal+ Mali, aujourd’hui forte de milliers d’abonnés à travers le territoire, innove constamment avec des outils comme le décodeur connecté et l’application mobile, qui permettent un accès fluide aux contenus, partout et à tout moment.

Fière de son ancrage local, Canal+ a lancé en 2024 les chaînes Mandeka et Puulagu, diffusant en mandingue et en peulh, deux langues majeures du pays. Une façon pour la chaîne de refléter « la richesse culturelle du Mali » et de renforcer la proximité avec son public. Canal+ Mali soutient aussi les industries créatives locales à travers la production et la diffusion de contenus africains, contribuant à l’émergence d’un vivier de talents maliens.

Au-delà de l’audiovisuel, Canal+ Mali s’illustre également par son engagement citoyen. À travers des initiatives comme l’opération Orphée, la chaîne accompagne les orphelinats par des dons de vivres, la rénovation d’infrastructures, ou encore la distribution de centaines de kits scolaires. Sur le plan économique, sa contribution se chiffre à plus de 5 000 emplois directs et indirects dans le pays.

Représentant le ministre de la Communication, de l’Économie numérique et de la Modernisation de l’Administration, le Chef de Cabinet Mohamed Ag Albachar a, pour sa part, rendu hommage à Canal+ Mali pour sa contribution à la démocratisation de l’accès à l’information, à la culture et au divertissement.

Il a salué la création des chaînes en langues nationales, y voyant un acte fort pour la valorisation de la diversité culturelle malienne, tout en rappelant également les efforts de l’État dans la modernisation des infrastructures numériques et la mise en place d’un cadre réglementaire propice à l’innovation, en phase avec la vision du gouvernement de faire du numérique un levier de transformation économique et sociale.

Pour les prochaines années, Canal+ Mali entend poursuivre sur sa lancée. L’opérateur audiovisuel va renforcer son ancrage local en développant encore plus de contenus africains, en accompagnant les talents locaux et en investissant davantage dans la digitalisation de ses services.

Mohamed Kenouvi

Canal+ a célébré en grande pompe ses 30 ans de présence au Mali et les 10 ans de sa filiale locale, à travers un dîner gala organisé le 30 mai 2025 à Bamako. L’événement a réuni des personnalités du monde audiovisuel, des représentants du gouvernement, des partenaires et des collaborateurs de la chaîne.

Dans une ambiance conviviale et festive, la soirée a été marquée par plusieurs temps forts, notamment des prestations artistiques et humoristiques, une projection inédite retraçant l’histoire de Canal+ au Mali depuis 1995, ainsi que des remises de distinctions à des collaborateurs ayant marqué de leur empreinte le parcours de la chaîne dans le pays.

Le Directeur général de Canal+ Mali, M. Idrissa Diallo, a exprimé sa « fierté immense et une profonde gratitude » envers tous ceux qui ont contribué à bâtir cette success story. Il a tenu à saluer l’engagement historique de M. Ibrahima Sow, président du Conseil d’administration de Canal+ Mali, pour avoir introduit l’offre Canal+ au Mali il y a trois décennies, ainsi que M. Aziz Diallo, tout premier directeur général de la filiale, aujourd’hui Directeur Afrique francophone du groupe.

« Canal+, ce n’est pas seulement un opérateur audiovisuel. C’est un acteur culturel, social, économique et technologique profondément ancré dans la société malienne », a-t-il déclaré, avant de rappeler que Canal+ Mali, aujourd’hui forte de milliers d’abonnés à travers le territoire, innove constamment avec des outils comme le décodeur connecté et l’application mobile, qui permettent un accès fluide aux contenus, partout et à tout moment.

Fière de son ancrage local, Canal+ a lancé en 2024 les chaînes Mandeka et Puulagu, diffusant en mandingue et en peulh, deux langues majeures du pays. Une façon pour la chaîne de refléter « la richesse culturelle du Mali » et de renforcer la proximité avec son public. Canal+ Mali soutient aussi les industries créatives locales à travers la production et la diffusion de contenus africains, contribuant à l’émergence d’un vivier de talents maliens.

Au-delà de l’audiovisuel, Canal+ Mali s’illustre également par son engagement citoyen. À travers des initiatives comme l’opération Orphée, la chaîne accompagne les orphelinats par des dons de vivres, la rénovation d’infrastructures, ou encore la distribution de centaines de kits scolaires. Sur le plan économique, sa contribution se chiffre à plus de 5 000 emplois directs et indirects dans le pays.

Représentant le ministre de la Communication, de l’Économie numérique et de la Modernisation de l’Administration, le Chef de Cabinet Mohamed Ag Albachar a, pour sa part, rendu hommage à Canal+ Mali pour sa contribution à la démocratisation de l’accès à l’information, à la culture et au divertissement.

Il a salué la création des chaînes en langues nationales, y voyant un acte fort pour la valorisation de la diversité culturelle malienne, tout en rappelant également les efforts de l’État dans la modernisation des infrastructures numériques et la mise en place d’un cadre réglementaire propice à l’innovation, en phase avec la vision du gouvernement de faire du numérique un levier de transformation économique et sociale.

Pour les prochaines années, Canal+ Mali entend poursuivre sur sa lancée. L’opérateur audiovisuel va renforcer son ancrage local en développant encore plus de contenus africains, en accompagnant les talents locaux et en investissant davantage dans la digitalisation de ses services.

Mohamed Kenouvi

Charte pour la paix : La Commission de rédaction fait le point sur ses travaux

La Commission de rédaction du projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale, présidée par l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga, a animé une conférence de presse le 29 mai 2025 à la Maison de la presse de Bamako.

Cette rencontre avait pour objectif de présenter l’état d’avancement des travaux de la Commission, en prélude à la remise officielle du document au président de la Transition, le général Assimi Goïta, prévue pour la fin du mois de juin.

Le président de la Commission a expliqué que le projet de Charte est structuré en 16 titres, 39 chapitres et 105 articles. Ce texte fondateur repose sur des valeurs fondamentales propres à la société malienne, telles que le respect des parents, l’amour de la patrie, le travail bien fait, le pardon, la solidarité et le vivre-ensemble. Il vise à jeter les bases d’une paix durable, à renforcer la sécurité, à favoriser la cohésion nationale et à reconstruire le tissu social profondément affecté par plus d’une décennie de crise.

Ousmane Issoufi Maïga a insisté sur le caractère inclusif et participatif de l’élaboration de la Charte. Selon lui, la Commission a procédé à de larges consultations avec les forces vives de la nation, les institutions, les anciens chefs d’État, les anciens Premiers ministres, les universitaires, les leaders religieux et traditionnels, ainsi que les Maliens de l’intérieur et de la diaspora. Il a souligné que toutes ces contributions ont enrichi le contenu du texte, le rendant ainsi plus représentatif des attentes profondes du peuple malien.

Répondant aux interrogations de la presse sur la dissolution des partis politiques, Ousmane Issoufi Maïga a été catégorique : « La Commission n’a jamais eu pour mandat de traiter de la question des partis politiques ». Il a précisé que 92 partis ont été consultés au cours du processus et que leurs points de vue ont été intégrés dans la réflexion collective.

Le président de la Commission a lancé un appel solennel à l’unité nationale et au dialogue. Il a exhorté les Maliens à bannir l’individualisme, à combattre l’injustice, l’incivisme et à cultiver les valeurs de respect, de solidarité et de tolérance.

La mission de la Commission s’achèvera officiellement le 30 juin 2025. D’ici là, le document final de la Charte sera remis aux autorités de la Transition. La Maison de la presse, par la voix de son président Bandiougou Danté, a promis de soutenir la vulgarisation du texte auprès de la population, en mettant les médias au service de la paix et de la réconciliation.

Mohamed Kenouvi

Public-Privé au Mali : cap sur l’action concrète  

La sixième réunion mensuelle de concertation entre les secteurs public et privé s’est tenue ce jeudi dans la capitale malienne. Lancé en janvier 2025, ce cadre d’échange régulier vise à instaurer un dialogue stratégique entre l’État et les acteurs économiques autour des priorités nationales.

Au cœur des discussions de cette sixième session figuraient trois axes majeurs : la mise en œuvre d’un plan d’action à court terme pour la satisfaction des besoins fondamentaux de la population, l’adoption d’un plan de réformes structurelles pour l’économie nationale, et la meilleure prise en compte des doléances exprimées par le secteur privé.

Sur les 14 mesures identifiées dans le plan d’action immédiat en faveur des populations, sept ont déjà été mises en œuvre, quatre sont en cours d’exécution, et trois demeurent en attente. Ce tableau d’avancement, présenté à huis clos lors de la réunion, témoigne d’une volonté affichée de résultats, tout en révélant les marges de progrès à combler.

Les mesures exécutées concernent notamment l’accès aux produits de première nécessité à prix modérés dans plusieurs centres urbains, ainsi que la mise en place de mécanismes de distribution d’intrants agricoles à l’approche de l’hivernage. D’autres chantiers, comme la restructuration des mécanismes de soutien aux PME et la facilitation de la circulation des biens dans la région sahélienne, avancent plus lentement.

Dialogue direct avec les ministères sectoriels

Présidée par le Premier ministre, le Général de Division Abdoulaye Maïga, la rencontre a permis un échange direct entre les ministres en charge des secteurs économiques (commerce, agriculture, transports, finances, etc.) et les représentants du secteur privé national. Ces derniers ont exposé les obstacles rencontrés dans leurs filières respectives, allant de la fiscalité à l’accès au crédit, en passant par les tracasseries administratives et les tensions logistiques internes.

« Aucun développement durable ne peut être envisagé sans une union forte au sein des structures représentatives du secteur privé », a déclaré le chef du gouvernement. Il a également exhorté les organisations patronales à renforcer leur cohésion pour mieux porter la voix des entrepreneurs maliens dans ce dialogue mensuel, qui tend à devenir une référence en matière de gouvernance participative.

AES, marchés, et souveraineté alimentaire

Parmi les dossiers jugés prioritaires : la disponibilité et la qualité des denrées alimentaires essentielles, la distribution efficace des engrais et semences agricoles, et la fluidité des échanges dans l’espace de la Confédération des États du Sahel (AES). Le Premier ministre a demandé que ces sujets fassent l’objet d’un suivi rigoureux, notamment en lien avec la campagne agricole qui s’ouvre.

La réunion a également permis de poser les jalons d’un plan de réformes structurelles attendu dans les prochaines semaines. Ce plan, en cours d’élaboration, ambitionne de moderniser l’économie malienne autour de trois piliers : simplification administrative, attractivité des investissements, et renforcement de la production nationale.

Le cadre mensuel de concertation public-privé s’inscrit dans une logique de co-construction des politiques économiques. Il a pour ambition d’assainir le climat des affaires tout en assurant une meilleure redistribution des fruits de la croissance.

Depuis janvier 2025, ces rencontres ont permis de réconcilier les priorités étatiques et les réalités du terrain. La sixième édition confirme que, malgré les lenteurs ou les divergences, un espace de négociation structuré permet de déboucher sur des solutions opérationnelles, si les engagements sont tenus de part et d’autre.

Participation citoyenne et politique : La jeunesse marginalisée malgré son engagement

Bien qu’elle soit suffisamment engagée et qu’elle ait joué un rôle central dans les grandes révoltes qu’a connues le Mali sur le plan sociopolitique, la jeunesse reste structurellement écartée des sphères du pouvoir institutionnel. C’est ce qui ressort d’une étude publiée dans l’édition de mai – juin 2025 de la Revue africaine des sciences politiques et sociales.

La jeunesse malienne, bien que démographiquement majoritaire (plus de 70% de la population), demeure paradoxalement exclue des sphères formelles de décision. Pourtant, elle est au cœur des mobilisations politiques majeures du pays.

Historiquement, les jeunes Maliens ont été des piliers des luttes sociopolitiques. De l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) dans les années 1990 jusqu’au rôle central dans le Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), ils ont souvent été en première ligne de la contestation. Leur engagement s’est manifesté dans les rues, sur les réseaux sociaux et dans les mouvements citoyens, démontrant une volonté forte de transformation démocratique.

Cette étude, menée par le Dr. Abdoul Sogodogo, enseignant-chercheur et Vice-doyen de la Faculté des Sciences politiques et administratives de l’Université Kurukanfuga de Bamako, met en lumière cette contradiction entre engagement citoyen et marginalisation politique.

Les jeunes écartés

Selon le Dr. Abdoul Sogodogo, la mobilisation des jeunes ne trouve que rarement un prolongement institutionnel, leur participation aux organes de décision restant faible. Malgré quelques figures emblématiques, les jeunes sont souvent réduits à des rôles de mobilisation, sans accès réel aux leviers du pouvoir, contrôlés par des élites aînées qui perpétuent une gouvernance gérontocratique.

« La faible présence des jeunes dans les sphères de décision est expliquée par des obstacles structurels tels que le manque de ressources financières et une culture politique dominante qui confie le pouvoir politique aux aînés », explique l’universitaire. « En outre, la culture politique malienne laisse peu de place aux jeunes dans les cercles de décision, car la période de jeunesse est souvent considérée comme une étape d’apprentissage ou une phase charnière de préparation à la gouvernance et à la prise de décisions collectives », poursuit-il.

Le système politique malien semble structuré autour d’une logique de clientélisme dans laquelle les jeunes militants servent de bras d’action aux grands hommes politiques en échange de promesses d’emploi ou de reconnaissance. La précarité socio-économique, avec un taux de chômage élevé chez les jeunes, accentue cette instrumentalisation.

La jeunesse malienne, actrice majeure des bouleversements récents, aspire désormais à plus qu’une simple présence symbolique. La reconnaissance de son rôle passe par une refonte des pratiques politiques et une véritable inclusion dans les mécanismes décisionnels.

Mohamed Kenouvi

Bamako face aux inondations : Sévir ne suffit pas

À Bamako, les autorités ont commencé à détruire plusieurs habitations construites dans les servitudes de marigots. L’objectif est clair : prévenir de nouvelles inondations dramatiques, comme celles de 2024. Pourtant, derrière le bruit des pelleteuses, ce sont aussi des cris étouffés que l’on entend, ceux des familles qui affirment n’avoir reçu ni avertissement, ni accompagnement, ni indemnisation.

Beaucoup découvrent du jour au lendemain que leur maison est devenue illégale. Ils soutiennent n’avoir pas été sensibilisés, encore moins associés à la démarche. Si certaines constructions sont à risque, faut-il pour autant confondre urgence et précipitation ? Démolir sans expliquer, c’est ajouter la douleur à la perte et l’humiliation à la précarité.

Le Mali traverse une période critique. L’insécurité persiste, les services sociaux sont fragilisés, les prix grimpent. Dans ce contexte, chaque décision devrait être pesée à l’aune de son impact humain. Une opération mal préparée, même justifiée, peut déclencher des tensions sociales. À force de frustrations non entendues, c’est la cohésion sociale qui s’érode.

Prévenir les inondations, oui, mais pas à n’importe quel prix. Il faut dialoguer, expliquer, proposer des solutions de relogement dignes. L’État gagnerait en autorité en montrant qu’il sait conjuguer fermeté et compassion. Sinon, ces démolitions risquent d’apparaître comme une punition plutôt qu’une protection.

Rien n’est plus légitime que de vouloir sauver des vies. Mais il faut le faire avec les populations et non contre elles. C’est à cette condition que la prévention deviendra une œuvre de reconstruction et non une source supplémentaire de fractures dont le pays pourrait vraiment se passer.

AES : Vers une union douanière

Le 15 mai 2025, les Directeurs généraux des Douanes des États de l’AES se sont retrouvés à Bamako autour de l’harmonisation des procédures douanières dans l’espace confédéral. Une étape importante destinée à faire le point sur les recommandations antérieures et à progresser vers un espace douanier unifié.

Les États de la Confédération de l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger) sont désormais engagés dans un processus d’unification de leurs procédures et de leurs textes douaniers. Si la construction de cette nouvelle architecture juridique comporte des défis, elle s’inscrit dans la continuité logique du processus enclenché par ces États depuis leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Pour les futures négociations avec la CEDEAO, l’AES souhaite adopter une position commune, exprimée de manière collective et coordonnée, affirmant ainsi son unité. Une telle orientation ne suscite pas de blocages particuliers à ce stade. « En théorie, le retrait des États de l’AES de la CEDEAO ne devrait pas empêcher les pays de la sous-région de négocier des accords de partenariat dans des domaines stratégiques tels que la sécurité transfrontalière, les tarifs extérieurs communs, ainsi que la libre circulation des personnes et des capitaux », expliquait le Dr Abdoul Sogodogo, dans une étude intitulée « AES, Défis et Perspectives », publiée en septembre 2024.

La coexistence de plusieurs organisations dans l’espace sous-régional n’est d’ailleurs pas une réalité nouvelle, poursuit-il. Celle de la CEDEAO et de l’UEMOA en est une illustration. L’avènement de la nouvelle entité, l’AES, pourrait même représenter une opportunité pour attribuer à chaque organisation un mandat spécifique : à l’UEMOA, les questions monétaires ; à la CEDEAO, le développement intégré et la démocratisation ; à l’AES, les questions de sécurité, pour combler les lacunes des initiatives précédentes.

Dès sa création, l’AES s’est positionnée non seulement comme un instrument sécuritaire face aux défis communs, mais aussi comme un levier diplomatique et économique au service des trois États qui la composent.

Un espace intégré en construction

Avant la rencontre des Directeurs généraux des Douanes de l’AES à Bamako, plusieurs réunions avaient jeté les bases d’une coopération douanière plus étroite entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

À Niamey, en juillet 2024, la rencontre des DG des Douanes de l’AES a permis de créer des groupes de travail sur le transit, le Code des douanes, les tarifs communs et les règles d’origine. L’interconnexion des systèmes douaniers est apparue comme une priorité pour répondre aux difficultés d’approvisionnement et sécuriser les recettes douanières.

Ce processus s’est poursuivi lors de la réunion de Lomé, en septembre 2024, avec une recommandation forte en faveur de l’interconnexion des systèmes douaniers, y compris avec le Togo.

En janvier 2025, à Ouagadougou, les autorités douanières des trois pays ont évalué l’état d’avancement de cette interconnexion, notamment avec l’administration douanière togolaise.

La réunion de Bamako visait donc à dresser un état des lieux de l’évolution des chantiers engagés et des projets de textes. Parmi les dossiers examinés figuraient : l’encadrement du métier de Commissionnaire en douanes, l’adoption d’un Code des douanes unifié, l’établissement de règles d’origine spécifiques à l’AES, le régime de transit communautaire et l’élaboration de tarifs extérieurs communs (TEC) et préférentiels.

À l’issue des travaux, les Directeurs généraux ont validé le chronogramme proposé pour la finalisation du Code confédéral des douanes et des TEC entre le 28 et le 31 juillet 2025. Ils ont également fait le point sur les recommandations de Lomé : 7 sur 16 ont été réalisées, 6 sont en cours, et 3 restent à mettre en œuvre.

L’un des objectifs de cette réunion était de formuler des propositions concrètes à transmettre aux autorités de l’AES en vue des prochaines discussions avec la CEDEAO.

Interdépendance et dialogue

Le 22 mai 2025, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’AES ont rencontré à Bamako le Président de la Commission de la CEDEAO. Cette première session de consultations visait à organiser les négociations entre les deux entités, après la formalisation du retrait de l’AES.

Les discussions ont porté sur les aspects politiques, diplomatiques, institutionnels, juridiques et sécuritaires, mais aussi sur le développement économique et social. Les deux parties ont souligné leur volonté de préserver les acquis majeurs de l’intégration régionale, en particulier la libre circulation des personnes et des biens.

La situation sécuritaire, point de friction majeur entre les États du Sahel et la CEDEAO, a également été abordée. Face à la menace persistante du terrorisme, les deux blocs ont réaffirmé leur volonté de coopérer dans ce domaine, essentiel à la stabilité régionale. Un impératif partagé dans un espace où les économies sont étroitement liées.

En 2024, 22,6% des importations du Mali provenaient de la CEDEAO, contre 31,3% pour le Burkina Faso. En 2022, les exportations du Niger vers la France, le Mali et le Burkina Faso représentaient 35,3% de son PIB. Ses importations – évaluées à environ 4 milliards de dollars – provenaient principalement de la France, de la Chine et des États-Unis.

Cadre parallèle avec l’UEMOA

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger restent membres de l’UEMOA. Dans son rapport annuel 2024, l’Union mentionne des progrès en matière d’union douanière, notamment avec l’élaboration d’un avant-projet de règlement sur les procédures simplifiées de dédouanement.

La Commission a poursuivi ses efforts pour dématérialiser l’octroi d’agrément de l’origine et a reconnu l’origine communautaire de 111 produits. Elle a aussi renforcé le système d’alerte contre les entraves à la libre circulation et au droit d’établissement. Toutefois, elle admet que la mise en œuvre de ces dispositifs reste incomplète. Des campagnes de plaidoyer, de sensibilisation et de renforcement des capacités ont été menées dans les postes de contrôle pour améliorer la situation sur les corridors commerciaux.

Trois mois après la sortie formelle de la CEDEAO, les autorités de l’AES se sont réunies à Bamako le 28 mars 2025. Dans une logique d’autofinancement, elles ont adopté un prélèvement communautaire de 0,5% sur les importations provenant de pays tiers non membres de l’AES, à l’exception des États de l’UEMOA, de l’aide humanitaire et des biens diplomatiques. Ce prélèvement (PC-AES) concerne uniquement les pays n’ayant pas d’accord douanier avec l’AES. L’issue des négociations en cours avec la CEDEAO permettra de savoir si cette mesure s’y appliquera.

Vers une Banque confédérale

Le 16 janvier 2025, les États de l’AES ont entamé des discussions sur la création d’une Banque d’investissement. Le 23 mai 2025, les ministres des Finances de l’AES ont adopté les documents fondateurs de la Banque Confédérale pour l’Investissement et le Développement (BCID). Doté d’un capital initial de 500 milliards de francs CFA, cet instrument vise à financer des projets structurants dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, de l’éducation et de l’industrialisation.

Estimée à 6,9% du PIB de la CEDEAO et à 28,4% de celui de l’UEMOA, la production économique de l’AES reste encore modeste, mais ses États membres souhaitent se doter d’un instrument vital pour soutenir leur développement.

Les défis sont immenses pour cette nouvelle institution, pensée pour réduire la dépendance des économies aux financements extérieurs. Elle devra répondre aux nombreuses attentes, notamment en matière de dynamisation des économies locales, de lutte contre le chômage des jeunes, de promotion de l’entrepreneuriat et de modernisation des infrastructures.

CEDEAO : 50e anniversaire sous le signe de la résilience  

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a célébré ce mercredi son cinquantième anniversaire à Lagos, au Nigeria. Fondée en 1975 par 15 États, l’organisation régionale traverse aujourd’hui l’une des périodes les plus sensibles de son histoire, marquée par le retrait officiel du Mali, du Burkina Faso et du Niger — désormais regroupés au sein de la Confédération AES.

La cérémonie, tenue à l’Eko Hotel & Suites en présence de onze chefs d’État, a été présidée par Bola Ahmed Tinubu, président du Nigeria et président en exercice de la CEDEAO. Dans un discours volontariste, il a rappelé que l’intégration régionale restait « une nécessité vitale pour relever les défis sécuritaires, économiques et sociaux ». Avec un PIB cumulé estimé à 761 milliards de dollars et une population dépassant les 400 millions d’habitants, l’espace CEDEAO représente le plus vaste marché régional du continent après la SADC.
Pourtant, l’absence des trois États sahéliens a conféré à l’événement un ton nettement moins consensuel. Le départ formalisé en janvier 2024 par Bamako, Ouagadougou et Niamey a réduit le nombre d’États membres à douze, rompant l’unité politique que l’organisation s’était efforcée de préserver depuis les années 1990.
Le poids croissant de l’AES
Créée officiellement en septembre 2023, puis transformée en Confédération en juillet 2024, l’AES regroupe plus de 70 millions d’habitants sur une superficie équivalente à 2,4 millions de km². L’AES a revendiqué son droit à une intégration alternative, fondée sur « la souveraineté assumée, la coopération de sécurité horizontale et le développement endogène ». Les trois États membres justifient leur départ de la CEDEAO par une série de sanctions jugées injustes, un manque de concertation et un éloignement des priorités sahéliennes.
Depuis leur retrait, l’AES travaille à la mise en place de son propre tarif extérieur commun, d’un passeport confédéral et d’un mécanisme de défense mutuelle. Autant d’initiatives qui résonnent comme une rupture avec les normes communautaires portées par Abuja.
Des signes de dialogue à Bamako
Le 22 mai 2025, dans un geste d’apaisement, le président de la Commission de la CEDEAO, Dr Omar Alieu Touray, a entamé à Bamako une série de consultations discrètes avec les ministres des Affaires étrangères des pays de l’AES. Cette première réunion « historique », visait à définir un cadre de dialogue sur les conséquences juridiques et techniques du retrait de la CEDEAO.
Reçu le lendemain par le général Assimi Goïta, président de la Transition malienne et président en exercice de la Confédération, le chef de la Commission a exprimé son attachement à la stabilité régionale et à la préservation des acquis communs, notamment en matière de libre circulation, d’électricité et d’infrastructures transfrontalières.
Malgré ces signaux d’ouverture, le fossé reste profond. La CEDEAO continue de plaider pour la réintégration à terme des pays sahéliens dans son giron. Mais les capitales de l’AES, elles, semblent vouloir construire une architecture propre, fondée sur une lecture réaliste des alliances militaires et économiques.
Alors que l’organisation célèbre un demi-siècle d’existence, la question de son avenir reste ouverte. Peut-elle encore incarner l’unité ouest-africaine sans ses membres sahéliens historiques ? Ou doit-elle accepter une coexistence institutionnelle, marquée par des pôles d’influence différenciés ?
Une chose est sûre, l’anniversaire des 50 ans de la CEDEAO restera comme celui d’un tournant. Moins festif, plus géopolitique.

Élevage : une nouvelle vision pour sécuriser les troupeaux

Face aux effets conjugués du changement climatique, de la pression foncière et des tensions récurrentes autour des ressources pastorales, le gouvernement malien a validé une nouvelle Stratégie nationale de stabilisation et de sécurisation du bétail. Le texte, pris en compte lors du Conseil des ministres du 28 mai 2025, est accompagné d’un premier plan quinquennal couvrant la période 2025–2029.

Le cheptel national compte environ 12 millions de bovins, 25 millions d’ovins, 26 millions de caprins, 1,3 million de camelins et plus de 35 millions de volailles. L’élevage représente environ 19 % du PIB agricole et mobilise plus de 30 % de la population active. Pourtant, ce socle économique et social est de plus en plus fragilisé. Dans plusieurs zones, les déplacements des éleveurs sont perturbés par l’insécurité, les conflits fonciers ou encore la dégradation des parcours de transhumance. La stratégie adoptée vise à organiser durablement le secteur sur des zones aménagées, tout en assurant la cohabitation pacifique avec les autres usagers des terres.
Structurée autour de quatre axes principaux, cette politique prévoit l’aménagement et la gestion des ressources pastorales, la promotion des cultures fourragères, la valorisation du potentiel économique du cheptel, ainsi que le renforcement du suivi technique et institutionnel. Elle s’inscrit dans les orientations stratégiques du pays, notamment la vision Mali Kura Ɲɛtaasira Ka Bɛn 2063 Ma, la SNEDD 2024–2033 et le Cadre stratégique de la Refondation de l’État.
Parmi les actions prévues figurent la sécurisation des couloirs de transhumance, la création de banques de fourrage, le développement de partenariats public-privé pour les infrastructures pastorales et le renforcement des capacités des éleveurs. L’enjeu est à la fois économique et social : améliorer la productivité, prévenir les conflits, garantir un accès équitable aux ressources et renforcer la résilience des communautés rurales.
Chaque année, les exportations de bétail malien, vivantes ou transformées, génèrent plusieurs dizaines de milliards de FCFA, notamment à destination des marchés ouest-africains comme la Côte d’Ivoire, le Ghana ou le Sénégal. En sécurisant les circuits de production, le Mali entend consolider sa position régionale dans le commerce pastoral tout en créant plus d’emplois dans les zones rurales.

220 000 réfugiés : le Mali en première ligne d’une aide de 100 millions $

Le Premier ministre, le Général de Division Abdoulaye Maïga, a reçu en audience, le mercredi 28 mai 2025, Abdouraouf Gnon-Kondé, Directeur du Bureau régional du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), en visite à Bamako depuis le 26 mai. Cette rencontre s’inscrit dans un contexte de coopération renforcée visant à soutenir les réfugiés et les communautés hôtes au Mali, dans une approche inclusive et durable saluée par les partenaires internationaux.

Le Mali accueille aujourd’hui plus de 220 000 réfugiés, principalement en provenance de pays de la sous-région confrontés à des crises sécuritaires persistantes. Contrairement aux modèles classiques, ces réfugiés ne sont pas regroupés dans des camps mais vivent au sein même des communautés locales maliennes, un choix d’intégration sociale qui témoigne d’une hospitalité remarquable mais qui engendre aussi des pressions importantes sur les ressources et les services de base. C’est dans ce cadre qu’Abdouraouf Gnon-Kondé a tenu à souligner l’importance d’un appui ciblé aux populations hôtes à travers des dispositifs nationaux coordonnés, notamment la Commission nationale chargée des réfugiés.

Au cœur de ces discussions figure une opportunité majeure : un financement de 100 millions de dollars, soit près de 58 milliards de francs CFA, mobilisé par la Banque mondiale au bénéfice conjoint des réfugiés et des communautés qui les accueillent. Le Mali, en raison du nombre de réfugiés présents sur son sol et des efforts déjà entrepris, est éligible à ce mécanisme de soutien. Ce financement vise à consolider les infrastructures, renforcer la résilience des territoires d’accueil et appuyer la mise en œuvre de solutions durables fondées sur le développement local.

Lors de l’audience, le Directeur du Bureau régional du HCR a salué les progrès enregistrés par le Mali en matière de sécurité, un facteur crucial pour envisager des politiques de réinstallation ou d’intégration à long terme. Il a également tenu à féliciter le Premier ministre pour l’adoption de documents stratégiques ambitieux comme la vision « Mali Kura Ɲɛtaasira Ka Bɛn San 2063 Ma » et la Stratégie Nationale pour l’Émergence et le Développement Durable (SNEDD 2024-2033), perçus comme des cadres cohérents et prometteurs face aux attentes des partenaires au développement et aux acteurs humanitaires.

Le Premier ministre Abdoulaye Maïga, pour sa part, s’est félicité de cette dynamique de coopération avec le HCR, qui vient conforter les orientations politiques de la Transition en matière de développement humain, de cohésion sociale et de souveraineté nationale. Il a réaffirmé l’engagement du gouvernement à poursuivre la mise en œuvre de solutions novatrices, adaptées au contexte malien et fondées sur la solidarité, la dignité et le respect des droits fondamentaux des réfugiés.

Par cette audience, le Mali affirme une fois de plus sa capacité à conjuguer impératifs de sécurité, priorités de développement et exigences humanitaires, dans un esprit de responsabilité partagée. Le partenariat avec le HCR s’annonce ainsi comme un levier stratégique dans la construction d’un avenir commun pour les réfugiés et les communautés hôtes, dans un pays qui, malgré les défis, continue de faire le choix de l’humain.

Kayes sous pression : les djihadistes frappent COVEC et paralysent un axe stratégique

Ce samedi 24 mai dans l’après-midi, un groupe armé a attaqué les travaux de réhabilitation de la RN1 à Tirena‑Marena, exploités par la société chinoise COVEC. Les assaillants, visiblement coordonnés, ont incendié grues, camions-citernes, entrepôts et matériaux avant de disparaître. Cet événement met un coup d’arrêt brutal à un projet crucial visant à relier Kayes à la frontière sénégalaise.

Loin d’être un acte isolé, cette attaque s’inscrit dans un schéma d’agressions successives contre des intérêts étrangers dans l’ouest malien. Le 4 mai, une société chinoise liée à l’orpaillage à Laghamané a été visée, puis le 17 mai un convoi logistique entre Diéma et Sandaré a été attaqué, causant la destruction de deux camions, d’un excavateur et la mort de plusieurs soldats selon des sources locales. Deux pick‑ups et du matériel militaire ont également été saisis.
Cette montée en puissance des attaques, notamment dans des zones périphériques jusqu’alors relativement épargnées comme Kayes, illustre un déplacement stratégique des groupes djihadistes affiliés au JNIM. Selon un rapport de l’Africa Center, les incidents violents dans la région de Koulikoro et Kayes ont presque triplé depuis le coup d’État de 2020. En 2023, près de 924 civils ont été tués dans tout le Mali dans le cadre d’opérations militaires et djihadistes, contre 84 en 2019, avec une progression particulièrement forte dans le sud-ouest .
ACLED relève quant à lui que le JNIM a étendu ses actions vers l’ouest malien au début de 2025, multipliant les attaques visant routes et sites économiques étrangers, notamment dans la région de Kayes .
Du point de vue socio-économique, le contexte local est particulièrement fragile : le PIB par habitant du Mali est d’environ 912 USD en 2023, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, et le chômage des jeunes reste endémique. La région de Kayes souffre aussi de discriminations persistantes, y compris l’esclavage par ascendance touchant environ 12 à 15 % de la population, qui alimente l’exclusion et la radicalisation latente .
L’arrêt des travaux de COVEC, financés à hauteur de 50 à 80 millions USD par la Banque africaine de développement et la Coopération chinoise, pourrait isoler davantage la région, fragiliser les perspectives économiques et détourner les investisseurs étrangers. Par ailleurs, l’armée malienne, concentrée sur les zones du centre (Ségou, Mopti) et du nord (Tombouctou, Gao), peine à sécuriser Kayes et ses axes stratégiques, laissant des poches urbaines et rurales sans couverture militaire suffisante. D’où la nécessité de revoir la stratégie.

 

Mali : Lancement de la BCID-AES lors de la rencontre consacrée au développement

Le 23 mai 2025 au Centre international de conférences de Bamako (CICB), la première réunion ministérielle de la Confédération des États du Sahel (AES) dédiée au pilier « Développement » a acté la création de la Banque confédérale pour l’investissement et le développement (BCID-AES).

À l’ouverture, les chefs de gouvernement du Mali et du Niger, ainsi que le ministre burkinabè des Finances, ont posé les premiers jalons de cette institution régionale.

La BCID-AES vise à mobiliser des financements autonomes pour financer des infrastructures clés dans les domaines de l’énergie, du transport, de l’agriculture et de l’éducation. Elle devrait disposer d’un capital initial estimé à 10 milliards de dollars, selon les annonces régionales récentes.
La Confédération AES, qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger et compte environ 78 millions d’habitants, entend ainsi s’affranchir des bailleurs traditionnels et développer une intégration économique fondée sur sa propre capacité de financement.
La rencontre s’est inscrite autour de quatre priorités : sécurité collective, intégration économique, souveraineté financière et promotion de l’identité culturelle et éducative. Elle vise à asseoir le financement des infrastructures communes et à traduire les orientations politiques des chefs d’État en actions concrètes.
La Confédération prévoit d’alimenter la BCID-AES via plusieurs mécanismes, notamment un prélèvement confédéral de 0,5 % sur les importations non-AES mis en place en mars 2025. Elle prévoit également une réforme des cadres réglementaires miniers afin de capter jusqu’à 50 % des revenus extractifs d’entreprises étrangères sur son sol.
Les dirigeants ont reconnu que la réussite de la BCID-AES dépendra de la mise en place d’une gouvernance transparente et d’une coopération étroite entre les trois pays. Le ministre malien Alousseni Sanou a insisté sur l’importance de structurer les institutions dès cette phase initiale.
Parmi les défis estimés figurent la capacité à lever les ressources suffisantes dans un contexte marqué par une faible intégration financière et des retombées économiques encore limitées, ainsi que la nécessité d’un cadre juridique unifié. La BCEAO et d’autres institutions régionales et multilatérales (BOAD, FSA) ne sont pas directement associées pour le moment, ce qui limite l’accès à des garanties ou cofinancements externes.
La Banque confédérale doit devenir opérationnelle dans les prochains mois, après adoption finale des statuts et nomination d’un conseil d’administration interétatique. Aucun calendrier précis n’a été encore publié.

Mali–CEDEAO : Bamako relance le dialogue ouest-africain dans un esprit de responsabilité

Bamako a été le théâtre, le 22 mai 2025, d’une rencontre diplomatique d’une portée exceptionnelle. Les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger et du Burkina Faso, regroupés au sein de la Confédération des États du Sahel (AES), ont tenu des consultations directes avec le président de la Commission de la CEDEAO, le Dr Omar Alieu Touray.

Cette initiative intervient à un moment charnière, quelques mois après le retrait officiel des trois États de l’organisation sous-régionale. Elle marque une tentative sérieuse de renouer les fils du dialogue entre deux blocs que tout semblait opposer jusqu’ici.

Les entretiens ont permis l’adoption d’un relevé de conclusions servant de base au lancement de futures négociations. Dans une atmosphère jugée constructive par toutes les parties, les représentants ont convenu de préserver les droits fondamentaux acquis au fil de l’intégration régionale. La libre circulation des personnes et des biens reste garantie jusqu’à la mise en place de nouveaux accords. Loin des déclarations symboliques, ce cadre de discussions pose les fondations d’un mécanisme de coopération qui pourrait s’avérer décisif pour les millions de citoyens concernés.

Le climat sécuritaire a largement orienté les débats. La situation dans le Sahel est critique. Selon le rapport 2024 de l’Index mondial du terrorisme, le Burkina Faso est désormais classé premier pays le plus touché au monde, avec près de deux mille morts et 258 attaques enregistrées en une année. Le Niger connaît une dégradation brutale avec une hausse de 94 % du nombre de décès liés au terrorisme, atteignant 930 victimes. Le Mali occupe la troisième place mondiale du classement, consolidant le triste constat selon lequel les trois pays de l’AES cumulent à eux seuls plus de 4 700 morts liés au terrorisme en 2024. Ces chiffres sont glaçants. Ils confirment que le Sahel central concentre aujourd’hui plus de la moitié des victimes du terrorisme dans le monde. Dans ce contexte, la relance du dialogue initiée à Bamako dépasse le cadre diplomatique pour devenir une nécessité humanitaire et stratégique.

Au-delà de la sécurité, l’économie constitue un autre défi majeur. En 2024, le PIB réel du Mali est estimé à 18,3 milliards de dollars, avec une croissance de 4 % portée par les performances agricoles, malgré des ralentissements dans le secteur industriel. Le Niger a enregistré une croissance remarquable de 9,9 %, grâce à la reprise minière et à la hausse des investissements publics. Le Burkina Faso a, pour sa part, maintenu une croissance de 5,5 %, malgré la pression sécuritaire persistante. L’ensemble de l’espace AES, fort de plus de soixante-dix millions d’habitants, génère un PIB cumulé supérieur à 62 milliards de dollars. Pourtant, les besoins restent immenses et les déséquilibres flagrants. La vulnérabilité alimentaire, la dépendance énergétique et l’accès limité aux services sociaux de base aggravent les fractures.

Nouvelle ère

Les autorités présentes à Bamako ont reconnu l’urgence d’ouvrir une nouvelle ère de coopération, dans le respect des choix souverains et des intérêts des populations. L’idée d’une rupture brutale est désormais dépassée. Le ton, désormais, est à la réinvention. L’avenir dira si cette rencontre constitue une simple trêve diplomatique ou l’amorce d’une nouvelle architecture régionale plus souple, plus réaliste, et centrée sur les besoins concrets des citoyens.

La tenue des consultations du 22 mai 2025 introduit une nouvelle phase dans les relations entre les parties concernées. Dans un environnement régional traversé par des ruptures et des incertitudes, le choix d’un échange direct et structuré témoigne d’un repositionnement stratégique. À mesure que les tensions institutionnelles se recomposent, la mise en place d’un canal de discussion offre une base de travail susceptible de faire évoluer les équilibres. La suite dépendra de la capacité des acteurs à ancrer ce dialogue dans des mécanismes concrets, visibles et durables, au bénéfice des populations sahéliennes.

L’Europe doit changer son approche de l’Afrique

Ces dernières années, la Chine a dépassé l’Europe en termes de commerce avec l’Afrique subsaharienne et d’investissements dans les infrastructures. Les États du Golfe ont remodelé les flux financiers sur le continent, tandis que le Brésil, l’Inde et la Turquie ont également renforcé leurs liens avec les pays africains. Parallèlement, les dirigeants africains ont mis en place la zone de libre-échange continentale africaine (Zleca), qui devrait transformer le commerce intra-africain. Pourtant, l’Union européenne continue de se bercer de l’illusion qu’elle est le principal partenaire de l’Afrique.

 

En conséquence, alors que l’Afrique se repositionne stratégiquement dans le monde multipolaire d’aujourd’hui, l’Europe reste largement complaisante. L’UE se considère également comme une puissance normative, un champion mondial des droits de l’homme, de la gouvernance démocratique et de la durabilité. Si cela est vrai dans certains domaines, les relations commerciales et économiques de l’Europe – en particulier avec l’Afrique – suggèrent le contraire. Et, jusqu’à présent, l’Europe ne s’est pas montrée disposée à changer.

 

En tant que haut représentant de l’Union africaine pour les relations avec l’Europe, j’ai été le témoin direct de cette dynamique. En 2019, j’ai proposé que l’UA reçoive un mandat officiel pour négocier un accord commercial continental avec l’UE. L’idée n’était pas révolutionnaire ; elle reflétait simplement la demande légitime de l’Afrique pour un pouvoir de négociation collective, que l’UA, qui a fait de grands progrès vers la cohérence politique, est bien placée pour exercer.

 

Mais la Commission européenne a plus de poids dans les négociations avec les pays individuels ou les communautés régionales, et les acteurs africains de ce système fragmenté sont réticents à abandonner leur rôle d’intermédiaire. Ma proposition a donc été bloquée et l’UE a continué à contourner les institutions de l’UA en faveur d’accords bilatéraux ou d’initiatives régionales qui ne correspondent pas aux besoins, aux intérêts ou aux priorités de l’Afrique.

 

Les accords de partenariat économique (APE) négociés entre l’UE et les pays (ou groupes de pays) africains ont notamment renforcé la dépendance de l’Afrique à l’égard des exportations de produits de base et limité la marge de manœuvre politique dont les pays africains ont besoin pour s’industrialiser. Ces accords ont largement profité aux exportateurs européens, tout en laissant les pays africains dans l’incapacité de tirer parti du commerce pour développer l’industrie manufacturière nationale ou réorienter leur avantage comparatif vers des activités à plus forte valeur ajoutée.

 

Pendant ce temps, les investissements de l’UE sont largement consacrés aux activités extractives, au contrôle des migrations et aux compensations liées au climat, plutôt qu’au renforcement des chaînes de valeur industrielles ou à la facilitation des transferts de technologie. Si l’on a beaucoup parlé de l’initiative «  Global Gateway «  de l’UE, qui vise à stimuler les liaisons numériques, énergétiques et de transport « intelligentes, propres et sûres » et à renforcer « les systèmes de santé, d’éducation et de recherche », son ambition fait pâle figure par rapport à l’initiative « Belt and Road » de la Chine et même par rapport aux packages de transition verte de l’Amérique.

 

De plus, avec ses investissements en Afrique, l’UE ne partage pas les risques, mais s’en décharge. Les capitaux privés sont censés jouer un rôle moteur, alors que le financement du développement est loin d’être à la hauteur de ce qui est nécessaire pour débloquer la transformation industrielle. On demande à l’Afrique de réduire les risques des investissements pour les autres sans recevoir de garanties structurelles, comme un meilleur accès aux marchés des capitaux, des conditions commerciales favorables ou des engagements à long terme.

 

Toutefois, l’évolution de l’environnement mondial offre à l’Europe une occasion unique de transformer ses relations avec l’Afrique. Tout d’abord, les États-Unis tournent le dos au continent, en imposant des droits de douane élevés, en réduisant l’aide et en diminuant leur présence diplomatique. Plus généralement, l’économie mondiale subit une transformation fondamentale, car le système multilatéral du passé – qui mettait l’accent sur le libre-échange et la libéralisation financière – est remplacé par un nouveau terrain, plus fragmenté. Les nouvelles règles sont rédigées par les plus grandes puissances du monde, qui se soucient peu des besoins et des intérêts des économies en développement.

 

Dans un monde où le commerce est guidé principalement par le pouvoir de marché plutôt que par l’avantage comparatif, l’Afrique doit s’adapter en conséquence. Cela signifie qu’elle doit renforcer ses capacités de production plutôt que d’attendre des concessions. Cela signifie construire un écosystème commercial propre à l’Afrique, plutôt que de s’engager dans des négociations basées sur la conformité. Et cela signifie qu’il faut concevoir des moyens de façonner les chaînes de valeur mondiales en faveur de l’Afrique, plutôt que de chercher des occasions de rejoindre les structures existantes. Pour soutenir ces efforts, l’Afrique n’a pas besoin de mécènes ; elle a besoin de partenaires stratégiques qui reconnaissent son rôle, investissent dans sa capacité de production et s’adaptent à ses priorités.

 

Si l’Europe espère jouer ce rôle, elle doit commencer par abandonner l’idée qu’elle est le partenaire par défaut de l’Afrique. L’influence doit se mériter.

 

En outre, l’engagement de l’UE en Afrique doit s’inscrire dans le cadre de l’architecture institutionnelle africaine, en particulier dans les domaines du commerce, de la gouvernance numérique et de la diplomatie climatique. L’UE doit cesser de contourner l’UA et reconnaître l’organisation comme un interlocuteur légitime pour l’Afrique. Elle doit également fonder son engagement économique avec l’Afrique sur la logique de l’AFCFTA – l’innovation la plus importante en matière de politique économique du continent depuis des décennies – et non pas en contradiction avec elle.

 

En outre, l’UE doit dissocier l’aide du patronage moral. L’aide au développement n’est pas un don, mais un outil géopolitique, et une conditionnalité excessive sape souvent les institutions mêmes qu’elle est censée aider. Au lieu de micro-gérer les réformes de gouvernance, l’Europe devrait se concentrer sur le soutien des ambitions de l’Afrique, notamment en ce qui concerne les infrastructures, l’éducation et la transformation industrielle.

 

À cet égard, la meilleure approche consisterait à co-investir avec des partenaires africains dans des chaînes de valeur régionales. Cela signifie qu’il faut soutenir les industries africaines non pas en tant que « bénéficiaires », mais en tant qu’acteurs égaux ; repenser la politique agricole commune de l’UE, qui fausse les systèmes alimentaires africains ; et démanteler les barrières non tarifaires qui pénalisent les exportateurs africains.

 

Enfin, dans les enceintes internationales, l’UE devrait se coordonner avec l’UA sur des questions comme la réforme de la dette, le financement de la lutte contre le changement climatique et la propriété intellectuelle. L’appel de l’Afrique en faveur d’un mécanisme d’apurement de la dette souveraine doit faire l’objet de propositions concrètes, et non d’une multiplication des services de conseil. Le financement de la lutte contre le changement climatique doit refléter les responsabilités historiques et les coûts réels, et non l’opportunisme politique.

 

Quant à l’UA, elle doit faire preuve de plus d’audace en exigeant de véritables changements structurels dans les relations de l’Afrique, plutôt que de se contenter de belles paroles sur la souveraineté du continent. Il s’agit notamment d’affirmer le rôle de l’UA dans tous les partenariats extérieurs, de rejeter l’ingérence extérieure dans les processus d’intégration africains et d’investir dans la capacité à proposer des cadres macroéconomiques alternatifs. En bref, l’UA doit s’engager dans la politique désordonnée mais nécessaire de la réforme multilatérale – non pas en tant que pétitionnaire, mais en tant que responsable de la définition de l’ordre du jour.

 

Carlos Lopes, professeur honoraire à la Nelson Mandela School of Public Governance de l’université du Cap, est professeur invité à Sciences Po, chercheur associé à Chatham House, membre du conseil d’administration du World Resources Institute, président du conseil d’administration de la Fondation africaine pour le climat et haut représentant de l’Union africaine pour les relations avec l’Europe. Il est l’auteur de The Self-Deception Trap : Exploring the Economic Dimensions of Charity Dependency within Africa-Europe Relations (Palgrave Macmillan, 2024).

 

 Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

Ce que la finance islamique apporte à la résilience climatique

En cette période de rassemblement des ministres des 57 États membres du Groupe de la Banque islamique de développement à Alger, dans le cadre de la 51e réunion annuelle de la BID, il n’est plus possible d’ignorer les effets dévastateurs du changement climatique. Les incendies de forêt anéantissent des communautés entières, les inondations entraînent le déplacement des millions de personnes, et les vagues de chaleur font plusieurs centaines de milliers de morts. Ces phénomènes météorologiques extrêmes ne sont plus des anomalies ; ils constituent la nouvelle normalité, menaçant la vie humaine et les moyens de subsistance au sein des régions du monde les plus vulnérables au changement climatique, en particulier dans les pays du Sud.

 

Les réponses traditionnelles se révélant insuffisantes face à cette menace croissante, il est nécessaire que des financements innovants occupent le devant de la scène. D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, pas moins de 3,6 milliards de personnes vivent actuellement dans des régions extrêmement vulnérables au changement climatique. Entre 2010 et 2020, le nombre de décès provoqués par les inondations, les sécheresses et les tempêtes dans ces régions a été 15 fois supérieur à celui observé dans les régions peu vulnérables, ce qui illustre la gravité et l’inégalité des effets de la crise climatique.

 

Selon la pensée dominante, l’action climatique constitue pour les économies dépendantes des ressources une question de survie économique, tandis qu’elle offre un chemin vers une croissance et un développement durables pour les économies en voie de développement. Or, de nombreuses économies s’inscrivent dans ces deux catégories – étant à la fois en voie de développement et dépendantes des ressources – ce qui accentue la difficulté de l’élaboration et de la mise en œuvre de stratégies climatiques efficaces.

 

Bien qu’une stratégie globale de résilience face au climat soit essentielle pour renforcer la capacité des économies en voie de développement à résister aux chocs, la résilience et l’adaptation doivent aller de pair. Pour les pays vulnérables, cela peut signifier consolider les infrastructures de protection contre les inondations, investir dans des variétés agricoles résistantes à la sécheresse, et diversifier les sources de revenus afin de réduire la dépendance aux secteurs sensibles au climat.

 

Les modes de financement conventionnels n’en demeurent pas moins limités, à la fois en termes de sources et de mécanismes de mise en œuvre. Les mesures cruciales de protection sociale et les systèmes de soutien sont par conséquent bien souvent sous-financés ou insuffisants. Vient s’ajouter au problème une incertitude croissante autour de la disponibilité de financements concessionnels en provenance des pays développés.

 

Face à cette réalité, il est nécessaire que l’innovation financière devienne un pilier de la résilience climatique. Institutions financières, gouvernements et autres parties prenantes doivent collaborer afin de mettre au point de nouveaux mécanismes de financement, destinés à protéger les régions vulnérables au climat.

 

Constat encourageant, plusieurs fonds et mécanismes de financement innovants ont vu le jour pour soutenir les efforts de résilience et d’adaptation. Parmi ces avancées figurent le Fonds vert pour le climat, qui fournit une assistance financière aux pays en voie de développement ; la Climate Bonds Initiative, qui favorise la croissance du marché des « obligations climat » ; l’assurance climatique, qui contribue à la gestion et réduction des risques liés au climat ; l’adaptation communautaire, qui permet aux communautés locales d’élaborer et de mettre en œuvre leurs propres stratégies d’adaptation ; ainsi que les solutions fondées sur la nature, qui se concentrent sur la restauration et la protection des écosystèmes naturels. Ces financements sont malheureusement très loin de répondre aux besoins.

 

Les banques multilatérales de développement (BMD) jouent un rôle essentiel dans la fourniture des fonds permettant aux pays vulnérables de réduire leurs émissions et d’investir dans des projets d’adaptation. D’après le plus récent rapport conjoint des banques multilatérales de développement sur le financement climatique, les BMD ont fourni en 2023 un montant record de 125 milliards $ de fonds publics pour l’action climatique. Il convient de souligner que 60 % de ce montant – 74,7 milliards $ – a été dirigé vers des pays à revenu faible et intermédiaire, ce qui illustre l’engagement des BMD à soutenir les pays les plus exposés aux risques climatiques.

 

La Banque islamique de développement fournit des efforts importants dans ce domaine. En novembre 2024, la BID a approuvé un financement de 1,15 milliard $ visant à renforcer la sécurité alimentaire et hydrique au Kazakhstan, grâce à l’irrigation durable de 350 000 hectares de terres. Ce projet a pour objectif d’accroître de 30 % le rendement moyen des cultures, ce qui améliorera la résilience des communautés face aux catastrophes climatiques, ainsi que le bien-être économique de 1,3 million de personnes vulnérables.

 

À l’instar des autres BMD, la BID est confrontée au défi du renforcement de la résilience climatique dans ses 57 États membres, dont plus de la moitié sont plus vulnérables au changement climatique que la moyenne mondiale. Pour remédier à ces vulnérabilités, il est nécessaire, d’après les estimations, que 75 à 90 milliards $ soient investis chaque année jusqu’en 2030 dans des projets d’agriculture durable, d’approvisionnement en eau et d’infrastructure. Les flux financiers en direction de ces pays aux fins de l’adaptation s’élèvent en moyenne à 23,9 milliards $ par an, ce qui signifie un déficit de financement de 68 %, que la BID s’efforce activement de combler.

 

L’offre croissante de financements pour l’adaptation illustre la contribution indispensable des BMD aux efforts mondiaux pour le climat. La réussite ne saurait toutefois se mesurer par les seuls montants déboursés, mais par les résultats tangibles et réels. Bien que le financement de l’action climatique progresse quantitativement, son efficacité dépend d’un suivi rigoureux et d’une évaluation de l’impact. Il est par conséquent essentiel que soient mis en place de solides cadres de reporting, afin de renforcer la confiance des parties prenantes, et de canaliser davantage de financements vers des projets d’adaptation. Pour renforcer leur impact, il est également nécessaire que les BMD adoptent des modèles de financement ciblés, axés sur les résultats et les politiques.

 

Au-delà du renforcement des capacités institutionnelles des emprunteurs ainsi que du développement des financements ciblés, une opportunité s’offre aux BMD de stimuler la mobilisation de ressources en attirant des capitaux en provenance de sources non conventionnelles. Le cadre de durabilité de la BID en constitue l’une des illustrations. Grâce à ce dispositif, la BID a mobilisé plus de 6 milliards $ en émettant des obligations islamiques (sukuk), qui attirent des investisseurs musulmans et non musulmans.

 

Axée sur l’adossement d’actifs et le partage des risques, la finance islamique est intrinsèquement alignée sur les principes de durabilité. Ces dernières années, plusieurs instruments tels que l’assurance coopérative (takaful), les dotations caritatives (waqf) et les plateformes de crowdfunding basées sur la foi religieuse sont apparus comme des sources alternatives de financement climatique dans le monde musulman.

 

Consciente de la nécessité de solutions de financement climatique ciblées, la BID promeut et soutient activement ces mécanismes. En tirant parti d’un secteur de la finance islamique qui représente 4 500 milliards $, ainsi qu’en adoptant son modèle d’adossement d’actifs et de partage des risques, d’autres BMD pourraient élargir et diversifier leurs sources de financement, ce qui leur permettrait de soutenir des initiatives d’adaptation et d’atténuation dans les régions les plus vulnérables du monde.

 

L’époque des projets pilotes et des interventions parcellaires est révolue. Pour bâtir un avenir de durabilité et de résilience face au climat, il est urgent que les BMD développent à plus grande échelle des solutions à fort impact, qu’elles s’ouvrent à l’innovation financière, et qu’elles favorisent la coopération mondiale. Forte de son expérience de plus d’un demi-siècle, la BID est prête à jouer son rôle.

 

Muhammad Al Jasser est président du Groupe de la Banque islamique de développement.

 

 Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

Fin de mandat au BVG : Samba Alhamdou Baby dresse son bilan

Le Président de la Transition a reçu à Koulouba, le jeudi 22 mai 2025, le Vérificateur général sortant, Samba Alhamdou Baby, pour la remise officielle du rapport d’activité couvrant son mandat de 2018 à 2025. Cette rencontre marque la fin d’un cycle de sept années à la tête du Bureau du Vérificateur général (BVG), une institution clef du contrôle des finances publiques au Mali.

Selon les chiffres présentés, le BVG a mené 232 missions de vérification et d’évaluation au cours de cette période. Parmi elles, 140 ont porté sur la conformité et la gestion financière, 29 ont évalué la performance des structures publiques, 56 ont consisté à suivre l’application des recommandations précédentes, et 7 ont ciblé l’évaluation de secteurs spécifiques. Près de 80 % de ces missions, soit 183 au total, ont été conduites pendant la Transition, ce qui traduit un effort accentué de redevabilité sous l’actuel régime.

Le rapport remis au chef de l’État met également en lumière les résultats sur le plan judiciaire. Au total, 158 dossiers ont été transmis aux Procureurs des pôles économiques et financiers de Kayes, Mopti, Bamako ainsi qu’au parquet économique national. À ces dénonciations s’ajoutent 147 dossiers adressés à la Section des comptes de la Cour suprême pour suspicion d’irrégularités budgétaires ou financières.

Ces missions ont permis à l’État de recouvrer ou de régulariser près de 12 milliards de francs CFA, souvent avant même la fin des opérations de vérification. Par ailleurs, les suites judiciaires engagées ont conduit à des récupérations additionnelles estimées à environ 600 millions de F CFA au niveau du Pôle national économique et financier.

Au-delà des chiffres, Samba Alhamdou Baby a insisté sur la portée symbolique de ce rapport. Il a salué la collaboration avec les autorités de la Transition, affirmant que les résultats obtenus témoignent d’une volonté politique de promouvoir la bonne gouvernance et la transparence.

Sous son mandat, le BVG a également renforcé sa communication institutionnelle. Des rapports sectoriels ont été publiés pour la première fois sur son site web, et plusieurs évaluations du secteur public ont été menées afin d’élargir le périmètre du contrôle citoyen.

Le passage de témoin a déjà eu lieu. Le décret présidentiel du 16 mai 2025 a nommé Abdoul Aziz Aguissa au poste de Vérificateur général. Administrateur civil, ancien secrétaire général du BVG, il est titulaire d’un doctorat en droit public obtenu à Grenoble. Sa nomination intervient dans un contexte où les attentes sont élevées en matière de moralisation de la gestion publique et de résultats concrets dans la lutte contre la corruption.

Avec ce changement à la tête de l’institution, la continuité des missions de contrôle est attendue, de même qu’une intensification des efforts pour renforcer la confiance des citoyens dans l’utilisation des ressources publiques.

Sécurité régionale : Le Mali s’engage dans une nouvelle dynamique

Le 22 mai 2025, Bamako a accueilli le lancement de la phase nationale du Programme des États du Sahel, une initiative coordonnée par la Coalition Islamique Militaire Contre le Terrorisme (CIMCT).

Ce programme, financé à hauteur de 100 millions de riyals saoudiens (environ 26,7 millions de dollars), vise à renforcer la coopération régionale dans la lutte contre le terrorisme.
Le programme s’étend sur la période 2024-2029 et concerne plusieurs pays du Sahel, dont le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Tchad. Il repose sur quatre axes principaux : militaire, intellectuel, médiatique et financier. À Bamako, la cérémonie de lancement a réuni des représentants des forces de sécurité maliennes et des membres de la CIMCT, marquant le début d’une série d’ateliers et de formations destinés aux forces armées, aux services de renseignement et aux cellules de lutte contre le blanchiment de capitaux.
Un accent particulier est mis sur la prévention de la radicalisation, avec des sessions de sensibilisation prévues pour les jeunes, les leaders religieux et les médias. Cette approche communautaire, déjà expérimentée en Mauritanie et au Niger, vise à contrer les discours extrémistes et à renforcer l’adhésion des populations aux efforts de stabilisation.
Le Mali, confronté depuis plus d’une décennie à l’expansion des groupes armés, voit dans cette initiative une opportunité de diversifier ses partenariats sécuritaires tout en préservant sa souveraineté. Le pays, membre de l’Alliance des États du Sahel (AES), entend conjuguer indépendance stratégique et coopération régionale