Allons-nous gâcher l’opportunité de l’IA ?

J’ai eu la chance de participer au récent Sommet de Paris pour l’action sur l’IA, au cours duquel de nombreuses discussions ont placé l’accent sur la nécessité d’orienter l’IA dans une direction plus bénéfique pour la société. À l’heure où les appels à l’accélération de l’IA se font de plus en plus bruyants en provenance de la Silicon Valley – et désormais du gouvernement des États-Unis – l’opportunité offerte par cet événement de nous concentrer sur ce que nous attendons réellement de cette technologie a constitué une véritable bouffée d’air frais.

 

Comme je l’ai indiqué dans l’un de mes discours, nous devrions commencer par nous interroger sur ce qui est précieux et mérite d’être amplifié dans les sociétés humaines. Ce qui nous rend si particuliers, ou à tout le moins performants sur le plan de l’évolution, c’est notre capacité à élaborer des solutions face aux petits et grands problèmes, à essayer de nouvelles choses, ainsi qu’à trouver du sens dans ces efforts. Nous sommes capables non seulement de créer des connaissances, mais également de les partager. Le parcours de l’humanité n’a pas toujours été facile – nos capacités, machines et connaissances provoquant parfois des maux profonds – mais la recherche constante et le partage prolifique d’informations sont essentiels à ce que nous sommes.

 

Depuis plus de 200 000 ans, la technologie s’inscrit au cœur de l’histoire humaine. Depuis l’époque des premiers outils en pierre jusqu’à aujourd’hui, nous avons créé des solutions face à nos difficultés. Transmission orale des savoirs, puis invention de l’écriture, de l’imprimerie et d’Internet, nous avons élaboré de nouveaux moyens plus efficaces de partager nos connaissances. Ces deux derniers siècles, nous avons également découvert comment expérimenter plus intelligemment, plus librement, et avons de nouveau transmis ces savoirs. Le progrès scientifique nous a fourni des données factuelles établies, qui ont permis à chaque génération de s’appuyer sur les connaissances des précédentes.

 

Ce progrès a également permis une croissance spectaculaire dans les plupart des pays au cours des deux derniers siècles. Bien que le développement économique ait créé des inégalités considérables entre les pays et en leur sein, les êtres humains sont aujourd’hui quasiment partout en meilleure santé et plus prospères qu’ils ne l’auraient été au XVIIIsiècle. L’IA pourrait renforcer cette tendance, en venant compléter les compétences, les talents et les savoirs humains, ainsi qu’en améliorant nos décisions, expérimentations et applications de connaissances utiles.

 

« Avons-nous pour cela réellement besoin de l’IA ? », s’interrogeront peut-être certains. Après tout, nous vivons déjà une ère d’abondance informationnelle, tout ce dont vous pourriez avoir besoin – ou pas – étant techniquement accessible grâce à Internet. Seulement voilà, les informations utiles se font rares. Pas facile en effet de trouver ce dont vous avez besoin pour résoudre un problème spécifique, dans un contexte particulier, dans un temps donné.

 

Ce sont bel et bien des connaissances pratiques pertinentes, pas de simples informations, qui permettent aux ouvriers d’être plus productifs, aux électriciens de maîtriser de nouveaux équipements pour effectuer des tâches plus complexes, aux infirmières de jouer un rôle plus actif dans les décisions de santé, et plus généralement aux travailleurs de tous horizons et compétences d’occuper des postes nouveaux et plus productifs.

 

Correctement développée et utilisée, l’IA peut en effet nous rendre meilleurs – pas seulement en nous servant de « bicyclette pour l’esprit », mais en enrichissant réellement notre capacité à raisonner et à agir avec davantage de compréhension, indépendamment de toute coercition ou manipulation.

 

Seulement voilà, en raison de son immense potentiel, l’IA représente également l’une des plus grandes menaces auxquelles l’humanité ait jamais été confrontée. Le risque ne réside pas tant (ni même significativement) dans la possibilité que des machines superintelligentes nous dominent un jour, mais plutôt dans la possibilité que l’IA mette à mal notre capacité à apprendre, à expérimenter, à partager nos connaissances et à donner un sens à nos activités. L’IA nous affaiblirait considérablement si elle se contentait de faire disparaître des emplois et des tâches, de centraliser excessivement les informations jusqu’à décourager la recherche humaine et l’apprentissage par l’expérimentation, de conférer à une poignée de grandes entreprises le pouvoir de régir notre existence, ou encore de créer une société à deux vitesses, caractérisée par les inégalités et les différences de statut. Elle pourrait même anéantir la démocratie et la civilisation humaine telles que nous les connaissons.

 

Je crains malheureusement que nous en prenions la direction. Rien n’est cependant joué d’avance. Nous pouvons encore élaborer de nouvelles règles pour nos sociétés, et fixer un cap technologique qui maximise l’acquisition de savoirs ainsi que l’épanouissement humain. Nous pouvons faire en sorte que l’IA crée davantage d’emplois de qualité, et qu’elle améliore les capacités de tous – quel que soit leur niveau d’éducation et de revenus.

 

Il va néanmoins falloir dans un premier temps que l’opinion publique prenne conscience que cette trajectoire souhaitable est techniquement possible. L’IA n’évoluera dans une direction favorable à l’être humain que si les technologues, ingénieurs et dirigeants du secteur travaillent aux côtés des institutions démocratiques, et uniquement si les États-Unis, l’Europe et la Chine écoutent les cinq milliards de personnes qui vivent ailleurs dans le monde. Nous avons désespérément besoin de conseils plus avisés de la part d’experts, ainsi que d’un leadership inspirant de la part des dirigeants politiques, qui doivent placer l’accent sur l’incitation à une IA pro-humaine, au moyen de cadres politiques et réglementaires.

 

Les réglementations ne suffiront pas pour autant. Espérons que les chercheurs et entreprises d’IA en Europe parviendront à démontrer l’existence d’alternatives au modèle de la Silicon Valley. Il est pour cela nécessaire que la société européenne encourage l’orientation la plus socialement bénéfique de l’IA, et que les dirigeants du continent investissent dans les infrastructures numériques qui s’imposent, élaborent des réglementations qui ne découragent pas les investissements ou ne conduisent pas les talentueux chercheurs en IA à partir, et créent le type de mécanismes financiers dont les startups efficaces ont besoin pour se développer à plus grande échelle. Sans une solide industrie de l’IA, l’Europe ne pourra exercer qu’une influence minime voire insignifiante sur la direction prise par l’IA au niveau mondial.

 

Daron Acemoglu, lauréat du prix Nobel d’économie en 2024 et professeur d’économie au MIT, est coauteur (avec Simon Johnson) de l’ouvrage intitulé Power and Progress : Our Thousand-Year Struggle Over Technology and Prosperity (PublicAffairs, 2023).

 

Project Syndicate, 2025.
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La révolution culturelle trumpienne

 Lorsque le bras droit du président américain Donald Trump, J.D. Vance, s’est exprimé sur la « menace intérieure » de l’Europe lors de la récente conférence de Munich sur la sécurité, son auditoire a éprouvé quelques difficultés à comprendre la nouvelle approche déconcertante des États-Unis en matière de politique étrangère. Le président chinois Xi Jinping se montre pour sa part relativement silencieux depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il soit moins contrarié par ce qu’implique ce deuxième mandat. Le dirigeant chinois n’est pas non plus rassuré par l’insolente réponse formulée par Trump à une question posée en octobre dernier sur ce qu’il ferait si Xi établissait un blocus autour de Taïwan : « Xi sait qu’il ne faut pas déconner avec moi ! ».

 

Le coordinateur de la majorité au Sénat, John Barrasso, l’a exprimé plus élégamment : « Le président Trump s’est clairement présenté aux élections pour être un perturbateur, et il continuera de l’être ». Barrasso n’a pas tort. Au cours des dix premiers jours de son second mandat, Trump a signé plus de 50 décrets, proposé une indemnité de départ à tous les employés fédéraux, tenté de geler des financements pourtant déjà alloués par le Congrès, menacé de nombreux pays de leur imposer des droits de douane, et déstabilisé ses alliés en multipliant les décisions unilatérales insultantes.

 

Il existe un précédent historique au blitzkrieg politique mené par Trump : Mao Zedong. Sur les plans géographique, idéologique et capillaire, Trump partage peu de choses avec Mao, l’initiateur de la violente Révolution culturelle chinoise. Il n’en demeure pas moins que tous deux peuvent être décrits comme des acteurs de l’insurrection.

 

Le penchant de Mao pour le désordre était profondément enraciné dans la relation troublée du dirigeant chinois avec son père, qu’il décrivait à l’écrivain Edgar Snow comme « un maître sévère », un « homme colérique », qui battait son fils si brutalement que celui-ci s’enfuyait souvent de la maison. Cette « guerre » a appris à Mao à se défendre : « Lorsque je défendais mes droits en me révoltant ouvertement, mon père cédait. En revanche, lorsque je restais docile et soumis, il ne faisait que jurer et me battre davantage ».

 

Cette expérience formatrice durant l’enfance a façonné la personnalité de Mao, et l’a attiré vers une politique de l’opposition à l’origine du chaos et du désordre qui ont marqué la Chine durant plusieurs décennies. Comme l’a écrit l’universitaire et diplomate américain Richard Solomon à l’époque de la Révolution culturelle, « Les efforts d’un seul individu pour briser les liens de la subordination personnelle ont trouvé un sens plus large dans la lutte d’une nation tout entière contre la subordination politique ». Or, il convient de rappeler que durant sa jeunesse, Donald Trump a lui aussi connu un père brutal, qui n’avait de cesse de répéter à ses fils qu’ils ne pourraient devenir des « rois » qu’à la condition d’être des « tueurs ».

 

Durant ses jeunes années, Mao devient un grand admirateur du Roi-Singe, Sun Wukong, du roman classique chinois La Pérégrination vers l’Ouest (西游记). Mao est tellement épris du Roi-Singe, qui a pour mantra « Créer un grand désordre sous les cieux » (大闹天宫), qu’il achèvera l’un de ses propres poèmes par « Nous saluons Sun Wukong, le faiseur de miracles ! ».

 

L’insurrection paysanne lancée par Mao contre le gouvernement nationaliste de Chang Kaï-chek dans les années 1920 constitue seulement la première étape de sa « révolution permanente » (不断革命). De nombreuses campagnes politiques et luttes de pouvoir ruineuses suivront la création par Mao de la République populaire de Chine en 1949. En 1957, la campagne anti-droitiste sera marquée par la persécution de plusieurs centaines de milliers d’intellectuels. De même, entre 1958 et 1962, le « Grand Bond en avant » (大跃进) visant à collectiviser l’agriculture fera plus de 30 millions de morts, en raison de la famine et des maladies associées à celle-ci.

 

Le plus grand bouleversement politique opéré par Mao réside néanmoins dans la Grande Révolution culturelle prolétarienne de 1966, amorcée en réponse à ce qu’il considère à l’époque comme une résistance bureaucratique de la part de ses collaborateurs face à son absolutisme. Mao fera installer la toute première affiche en caractères imposants (大字报), appelant la jeunesse chinoise à se soulever ainsi qu’à « bombarder le siège » (炮打司令部) du parti qu’il avait lui-même contribué à fonder. Dans le contexte de violence et de chaos qui en résultera, de nombreux dirigeants, parmi lesquels le président Liu Shaoqi et le secrétaire général du PCC, Deng Xiaoping, feront l’objet d’une purge, tandis que d’autres – dont le vice-Premier ministre Xi Zhongxun, le propre père de Xi – subiront des séances d’humiliation, seront envoyés dans les « Écoles du 7 mai » (五七干校) à des fins de « rééducation idéologique » (思想改造), ou seront emprisonnés, voire exécutés.

 

Convaincu de la justesse de sa croisade contre ce que les partisans de Trump appelleraient aujourd’hui « l’État profond », Mao publiera une tribune dans le Quotidien du peuple, appelant à « ne pas avoir peur des raz-de-marée, car c’est grâce à eux que la société humaine évolue ».

 

La foi inébranlable de Mao dans le pouvoir de la résistance le conduira à célébrer le conflit. « Sans destruction, il ne peut y avoir de construction » (不破不立), considère-t-il. « Un monde en grand désordre est une excellente nouvelle ! » (天下大乱形势大好), énonce un autre de ses slogans. Cette volonté de bouleverser la structure de classe en Chine, voire de la « renverser » (翻身), se révélera extrêmement destructrice. Mao justifiera néanmoins la violence et les troubles qui en résulteront comme des éléments essentiels pour « faire la révolution » (搞革命) et bâtir une « Chine nouvelle ».

 

On retrouve dans l’administration Trump ce désir insatiable de perturbation et de chaos. Alex Karp, PDG de la société Palantir, dont le cofondateur Peter Thiel est un proche de Trump, a récemment décrit la refonte du gouvernement américain décidée par le nouveau président comme une « révolution », qui consistera notamment à « couper des têtes ». Dans cette révolution, le bourreau en chef n’est autre que l’individu le plus riche de la planète, Elon Musk.

 

Malgré des différences évidentes, Elon Musk n’est pas sans rappeler Kuai Dafu, qui sera chargé par Mao lui-même de diriger le mouvement des gardes rouges de l’Université Tsinghua. Kuai ne sèmera pas seulement le chaos sur son campus, mais conduira également 5 000 gardes rouges sur la place Tiananmen, au cri de slogans hostiles à Liu et Deng, avant de tenter d’assiéger le bâtiment gouvernemental situé à proximité, le complexe de Zhongnanhai. Difficile de ne pas songer ici aux gardes rouges version Trump qui ont pris d’assaut le Capitole des États-Unis en 2021.

 

Xi ayant grandi pendant la Révolution culturelle de Mao, et ayant été lui-même envoyé à la campagne pour « endurer la souffrance » (吃苦) pendant sept ans durant sa jeunesse, il a sans aucun doute appris deux ou trois choses sur la manière de faire face au chaos. Il n’est toutefois pas impossible que Xi éprouve des difficultés à comprendre comment les États-Unis – pays admiré depuis longtemps par de nombreux Chinois, comme en témoigne l’expression « La lune est plus ronde en Amérique qu’en Chine » (美国的月亮比中国的月亮圆) – ont pu en arriver à porter au pouvoir leur propre artisan d’un chaos en provenance d’en haut.

 

Si Trump ne possède pas les mêmes talents d’écrivain et de théoricien que ceux de Mao, il est animé par le même instinct animal consistant à déstabiliser ses opposants ainsi qu’à asseoir son autorité en se montrant imprévisible, jusqu’au stade de la quasi-folie. Mao, qui aurait probablement salué le désastre actuellement en cours aux États-Unis, sourit sans doute du haut de son paradis marxiste-léniniste, car le vent d’est pourrait finalement l’emporter sur le vent d’ouest – un rêve si cher à son cœur.

 

Orville Schell, directeur du Centre des relations États-Unis-Chine de l’Asia Society, est coauteur (avec Larry Diamond) de l’ouvrage intitulé Chinese Influence and American Interests : Promoting Constructive Engagement.

 

Project Syndicate, 2025.
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Crise dans l’Enseignement catholique : Une grève pour salaires impayés

Le Syndicat national des travailleurs de l’Enseignement privé catholique (Syntec) a décidé d’observer un arrêt de travail à compter de ce 20 février 2025. Motif : le non-paiement du salaire du mois de janvier. Cette situation pose avec acuité les difficultés de cet ordre d’enseignement, sous la menace de la fin de la subvention de l’État.

Le mot d’ordre d’arrêt de travail lancé ce 20 février est maintenu, explique M. David Togo, le Secrétaire général du Syntec. Même si l’employeur a fait des efforts, le syndicat réclame l’effectivité du paiement pour tous les enseignants concernés. C’est déjà la seconde fois qu’une telle situation se présente cette année. En janvier 2025, les enseignants avaient observé une grève pour le retard de paiement du salaire du mois de décembre 2024.

Cette situation, selon l’employeur, est due au non-versement de la subvention de l’État, dont dépend 80% de la masse salariale de cet ordre d’enseignement. Lorsque l’État malien a annoncé l’arrêt de cette subvention en 2024, l’Église catholique avait menacé de fermer les écoles sous sa responsabilité, compromettant le travail de près de 1 500 enseignants. Les autorités s’étaient alors engagées à assurer la subvention durant l’année scolaire 2024 – 2025. C’est cet engagement que l’État a du mal à tenir et les retards de salaires deviennent récurrents.

« Nous n’avons plus la possibilité de nous rendre sur nos lieux de travail. Ce n’est donc pas de gaité de cœur que nous observons cet arrêt de travail », explique le Secrétaire général du Syntec, Diocèse de Bamako.

Dans le Diocèse de Bamako, ce sont près de 1 500 enseignants, à part l’Université, qui ont posé la craie. Un arrêt de travail qui court jusqu’au paiement total des salaires. Les pourparlers se poursuivent et un début de solution a été trouvé avec le paiement de certains à partir du 21 février.

Sursis

La situation est inquiétante pour l’Église, qui doit désormais travailler sur une nouvelle base dont les enseignants ignorent les impacts éventuels. Elle avait envisagé purement et simplement un licenciement. À la place de l’espoir, qu’il dit ne plus avoir, c’est donc une inquiétude palpable et une sollicitation que le syndicat adresse à son employeur. Au lieu d’un licenciement, il souhaite que l’État revienne sur la convention, qui date de plusieurs décennies. Avant de se retirer, il lui demande  d’accorder un délai plus long pour permettre à l’Église de se préparer.

Fatoumata Maguiraga

Électricité : Trop de promesses, pas assez d’actes !

À l’approche du Ramadan, le ministre de l’Énergie promet une fourniture d’électricité de 19 heures sur 24. Une annonce qui aurait pu rassurer si les Maliens n’avaient pas déjà entendu de multiples promesses non tenues.

L’histoire récente en témoigne. Un ancien ministre de l’Énergie s’était déplacé à EDM-SA, déclarant que les coupures étaient terminées, sans effet visible. Une autre ministre, en direct sur l’ORTM, assurait que la crise serait résolue avec la construction d’une centrale solaire en quatre mois. Résultat : les délestages continuent, plongeant le pays dans l’incertitude. Même le Premier ministre, le Général Abdoulaye Maïga, en intégrant la résolution de cette crise dans sa lettre de cadrage, n’a pas encore apporté la solution attendue. Pourtant, mars 2025 approche et les coupures persistent.

Pendant ce temps, les conséquences sont désastreuses. Des entreprises ferment leurs portes ou réduisent leurs activités, aggravant chômage et précarité. Même les hôpitaux sont touchés, compromettant la prise en charge des patients. Quant aux promesses d’un approvisionnement en carburants russe et nigérien, elles restent floues, sans impact concret sur le terrain.

Les Maliens, résilients par nécessité plus que par choix, méritent mieux. Il est temps que les autorités comprennent que l’action doit précéder la parole. Les coupures d’électricité ne sont pas qu’un inconfort. Elles freinent l’économie, mettent des vies en danger et minent la confiance. Plutôt que d’annoncer, il faut agir maintenant avant qu’il ne soit trop tard.

Massiré Diop

Moussa Touré, Spécialiste en gouvernance locale

Quelles solutions pour stopper l’exploitation illégale du bois par les groupes armés ?

Pour lutter contre l’exploitation illégale du bois par les groupes armés, il est essentiel de mettre en place un cadre de dialogue inclusif entre les acteurs de la protection de l’environnement, les communautés locales et les branches politiques des groupes armés. Ce type de cadre permet d’instaurer un espace de sensibilisation, de dialogue et de plaidoyer en faveur de la lutte contre la déforestation et la préservation des ressources naturelles.

Comment accélérer l’adoption des alternatives au bois de chauffe en milieu rural ?

L’adoption des alternatives au bois de chauffe en milieu rural nécessite une approche mixte. Il est crucial de renforcer les campagnes de sensibilisation, tout en adoptant une législation favorable qui encourage l’utilisation d’énergies renouvelables. De plus, il est important de garantir un accès équitable à ces alternatives, en réduisant les coûts et en mettant en place des mécanismes de soutien aux ménages les plus vulnérables.

Quelles stratégies pour rendre le reboisement plus efficace et durable ?

Pour un reboisement durable et efficace, il est essentiel de promouvoir des approches endogènes de préservation de l’environnement, en intégrant les savoirs et pratiques locaux. Par ailleurs, il convient d’encourager et de soutenir les initiatives structurantes, comme la Grande Muraille Verte, qui visent à restaurer les écosystèmes dégradés et à renforcer la résilience des communautés face aux changements climatiques.

EDR : Quel poids sur l’échiquier politique national ?

Créé en mai 2023 suite à une crise profonde au sein de l’URD, le parti Espoir pour la Démocratie et la République (EDR) a tenu son premier Congrès ordinaire les 15 et 16 février 2025. Désormais doté d’un Bureau politique national et enrichi de récentes adhésions à Bamako et à l’intérieur du pays, que vaut ce nouveau parti sur la scène politique nationale ?

Il a fallu du temps, mais près de deux ans après sa création officielle EDR a tenu son tout premier congrès. Exit le Directoire provisoire dirigé par le Pr Salikou Sanogo. Place au tout nouveau Bureau politique national présidé par Me Demba Traoré. Ce congrès constitutif, qui propulse le parti dans l’arène politique nationale, a eu lieu en présence de plus de 1 500 délégués venus des 19 régions du Mali, du District de Bamako et de 39 pays.

Cette mobilisation est le fruit d’une dynamique d’implantation du parti sur toute l’étendue du territoire national enclenchée dès les premiers mois de sa création. À en croire le Président sortant, devenu Président d’honneur du parti, Pr Salikou Sanogo, EDR est déjà présent sur 80% du territoire national.

Adhésions

Bien avant la tenue du congrès, EDR a enregistré de nombreuses adhésions en son sein à travers le pays. Plusieurs cadres des sections et sous-sections de l’URD ont collectivement démissionné pour rejoindre les rangs du nouveau parti, notamment en Commune II du District de Bamako et dans plusieurs autres endroits à l’intérieur du pays.

Fin janvier dernier, le parti a présenté de nouveaux adhérents dans le cercle de Tenenkou et enregistré dans la foulée de nombreuses adhésions dans la ville de Ségou. Cette dynamique d’adhésion à EDR s’est même poursuivie pendant les deux jours du congrès, selon le tout nouveau Président du parti.

« D’hier matin à aujourd’hui (du 15 au 16 février 2025, NDLR), nous avons reçu de nouvelles adhésions », a indiqué Me Demba Traoré lors de son premier discours à la tête du parti, tout en assurant les nouveaux adhérents qu’ils prendront « toute leur place dans la vie du parti ».

Quel poids ?

Bien que nouvellement né, EDR n’a rien d’un parti politique débutant sur la scène nationale. Issu d’une scission au sein de l’URD, le parti est né avec les dents longues et peut se targuer d’avoir regroupé la plupart des fidèles compagnons de l’ancien Chef de file de l’opposition, Feu Soumaila Cissé. Pour autant, EDR pèse-t-il aujourd’hui sur l’échiquier politique national ?

« Il est trop tôt pour pouvoir mesurer le poids réel de EDR. Je pense que tout dépendra du projet de société du parti et de sa structuration. Si EDR s’inscrit dans une bonne organisation politique, cela peut lui permettre d’acquérir au fil du temps un certain poids sur le plan national », estime le Dr Jean-Marie François Camara, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques (FSAP) de Bamako.

Comme lui, l’analyste politique Dr Bréhima Mamadou Koné pense que pour peser sur l’échiquier politique EDR doit d’abord mener un travail de fond sur le terrain. « Il faut une institutionnalisation du parti au niveau local, régional et national. Le parti doit travailler à mettre en place ses démembrements, qui doivent être pleinement opérationnels et actifs à la base », soutient-il.

Mais un autre analyste et observateur de la scène politique attendra les prochaines consultations électorales, notamment les communales et les législatives, pour jauger le véritable poids d’EDR.

« Mais, en attendant ces futures échéances électorales, je pense qu’on peut déjà situer EDR au même niveau sur l’échiquier politique que l’URD, quand on sait que la plupart des proches de Feu Soumaila Cissé s’y retrouvent et que ce parti est, à mon avis, le plus à même de revendiquer l’héritage politique du fondateur de l’URD », glisse cet interlocuteur.

Mohamed Kenouvi

Abdouty Najim « Pour l’ABM, seul le Mali compte »

Abdouty Najim, Porte-parole de l’Alliance des Berabiches du Mali (ABM), expose les actions menées pour la paix et la réconciliation nationale. Il réaffirme l’engagement de son organisation pour un Mali un et indivisible. Propos recueillis par Massiré Diop.

Depuis votre déclaration du 6 janvier 2025, quelles initiatives concrètes avez-vous prises pour favoriser la paix et la réconciliation nationale ?

Après la mise en place de notre Bureau, nous avons initié des médiations communautaires pour résoudre les conflits locaux et renforcer le vivre-ensemble. Notre Plan d’action, qui sera bientôt présenté, repose largement sur la paix, la réconciliation et le retour des réfugiés et déplacés internes. Nous avons lancé des campagnes de sensibilisation impliquant des leaders communautaires, organisé des ateliers de dialogue entre réfugiés et communautés d’accueil et établi des partenariats avec le ministère de la Réconciliation et des ONG. Des événements culturels et sportifs permettent de renforcer la cohésion sociale, tandis que des formations en gestion des conflits outillent les leaders locaux. Nous avons aussi mis en place un accompagnement psychologique et engagé un plaidoyer actif auprès des autorités pour un retour sécurisé des réfugiés.

Comment réagissez-vous aux critiques selon lesquelles votre position servirait davantage le pouvoir en place que la cause de la réconciliation ?

L’ABM a des principes clairs : aucune action ne doit compromettre l’unité du Mali. Notre seule priorité est de défendre l’intégrité du pays et de préserver la cohésion nationale. Nous avons nos convictions et une vision précise : servir le Mali. Le soutien aux autorités de la Transition est une conséquence naturelle de notre engagement, car elles œuvrent pour la souveraineté nationale et la paix.

Avez-vous été sollicité par les autorités de la Transition ou d’autres acteurs du processus de paix ?

Nous sommes une organisation rassemblant les principales tribus Berabiches du Mali engagées pour un pays uni et républicain. Nous n’avons pas besoin d’être sollicités pour contribuer à la stabilisation du Mali. Nous entretenons d’excellentes relations avec les autorités, notamment le Général de corps d’armée Ismaël Wagué, ministre de la Réconciliation, dont nous saluons les efforts.

Certaines communautés du Nord restent méfiantes face aux promesses de paix. Comment comptez-vous les rassurer et les intégrer dans votre démarche ?

Les autorités ont démontré que le Mali appartenait à tous ses citoyens. Plusieurs compatriotes ont déjà répondu à l’appel de la Nation et ont été accueillis avec respect. Nous les encourageons à revenir pour bâtir ensemble un pays fort et prospère. L’unité est notre seule voie pour faire face aux défis et contrer les influences extérieures qui cherchent à nous diviser.

31ème FESMAMAS : Markala célèbre son patrimoine culturel

Le Festival des Masques et Marionnettes de Markala (FESMAMAS) revient du 15 au 21 avril 2025 avec une 31ème édition renouvelée, marquant une nouvelle ère pour cet événement majeur du patrimoine malien. Lors de la conférence de presse du 22 février 2025, le Maire de Markala a insisté sur l’importance de cette édition pour le rayonnement de la ville et sa candidature au Réseau international des villes créatives de l’UNESCO.

Créé en 1993 par feu le Professeur Abdoul Diop et le Club de Markala, le FESMAMAS est le premier festival indépendant du Mali. Il met à l’honneur le sógóbó, tradition ancestrale des masques et marionnettes inscrite à l’Inventaire national des biens culturels en 2012 et sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2014.

Rappelons qu’en septembre 2023, la Mairie et le Club de Markala avaient confié à BlonBa la mission de restructurer et de développer le festival pour dix ans renouvelables. Cette collaboration vise à moderniser le festival tout en conservant son authenticité, avec une ambition claire, à savoir inscrire Markala parmi les capitales culturelles africaines.

L’édition 2025 propose une programmation inédite et transdisciplinaire. Parmi les moments forts, trois créations originales se démarquent. « Maa, i tè sabali ! » est une performance immersive mêlant musique électronique, masques géants et danse, interrogeant la relation de l’homme à la nature. « Mali Sadio » revisite la célèbre légende malienne avec une mise en scène mêlant marionnettes, slam, danse et instruments traditionnels. Enfin, un spectacle d’ouverture inédit, mettant en scène 30 marionnettes – chevaux, donnera le ton du festival.

Le programme inclut aussi une exposition des marionnettes du célèbre Yaya Coulibaly, des courses de pirogues et d’ânes, ainsi qu’un bal masqué géant, désormais produit phare du festival. Un centre culturel baptisé « Professeur Diop » verra le jour dans l’ancienne usine Sabé, mise à disposition par la Mairie.

En lien avec le label national « 2025, année de la culture au Mali » décrété par le Président de la Transition, le FESMAMAS ambitionne de renforcer le lien social, de créer une industrie culturelle durable et d’ancrer Markala comme pôle de créativité.

Pour ce faire, Alioune Ifra Ndiaye, Directeur de BlonBa, a souligné l’importance de ce tournant en déclarant « notre ambition est d’inscrire le FESMAMAS dans une modernité culturelle qui respecte les traditions tout en les projetant vers l’avenir ».

Les festivaliers ont rendez-vous du 15 au 21 avril 2025 pour une expérience culturelle inédite alliant tradition et innovation.

Massiré Diop

Trois ans de guerre en Ukraine : L’Afrique en première ligne

Le 24 février 2025 marque le troisième anniversaire du conflit russo-ukrainien, dont les répercussions se font lourdement sentir en Afrique. Parmi les conséquences notables, les importations d’engrais sur le continent ont diminué de 20%, exacerbant les défis agricoles et menaçant la sécurité alimentaire.

Avant le conflit, la Russie et l’Ukraine étaient des fournisseurs majeurs d’engrais et de céréales à l’Afrique. La guerre a perturbé ces chaînes d’approvisionnement, entraînant une hausse des prix et une pénurie d’engrais. Cette situation a conduit à une réduction de 20% des importations d’engrais en Afrique, affectant directement la productivité agricole. Les agriculteurs, confrontés à des coûts prohibitifs, ont réduit l’utilisation d’intrants, ce qui a entraîné une baisse des rendements et une aggravation de l’insécurité alimentaire. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 283 millions de personnes en Afrique souffraient déjà de la faim avant le conflit, un chiffre qui a augmenté en raison de la crise actuelle.

La Russie et l’Ukraine représentaient respectivement 32% et 12% des importations totales de blé en Afrique. La guerre a entraîné une diminution significative de ces approvisionnements, provoquant une flambée des prix des denrées alimentaires de base. Des pays comme l’Égypte, le Nigeria et le Soudan, fortement dépendants de ces importations, ont été particulièrement touchés. Cette situation a exacerbé les tensions sociales et économiques, menaçant la stabilité de plusieurs régions.

Le 24 février 2025, l’Assemblée générale des Nations unies a voté une résolution exigeant le retrait immédiat des forces russes d’Ukraine. Sur les 193 États membres, 93 ont voté en faveur, 18 contre et 65 se sont abstenus. Parmi les opposants, on compte de nombreux pays africains, dont ceux de l’AES, alors que d’autres ont choisi de s’abstenir. Ces positions reflètent les relations diplomatiques et économiques complexes que ces pays entretiennent avec la Russie et l’Ukraine, ainsi que leurs intérêts stratégiques propres.

Parallèlement, la Russie a intensifié ses efforts pour renforcer son influence en Afrique, profitant de la méfiance croissante de certains pays africains envers les puissances occidentales. Cette stratégie inclut des alliances avec des dirigeants militaires et le soutien à des opérations armées visant à contourner les sanctions internationales et à sécuriser des ressources économiques. Cette dynamique a conduit à une fragmentation des alliances traditionnelles et à une redéfinition des relations internationales sur le continent.

Le conflit russo-ukrainien a des répercussions profondes et multiples en Afrique, affectant la sécurité alimentaire, les relations diplomatiques et l’équilibre géopolitique du continent.

Massiré Diop

COP16 à Rome : De nouveaux engagements pour la biodiversité, l’Afrique réclame des financements concrets  

La 16ᵉ Conférence des Parties (COP16) sur la biodiversité s’est tenue à Rome du 25 au 27 février 2025, après l’échec des négociations à Cali, en Colombie, en novembre 2024. Cette session a permis de reprendre les discussions sur le financement et la mise en œuvre des objectifs adoptés en 2022 dans le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal.

Les pays se sont accordés sur un objectif de 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour financer la protection des écosystèmes et des espèces menacées. Sur ce montant, les nations développées ont promis de verser 20 milliards de dollars dès 2025, avec une augmentation prévue à 30 milliards en 2030.
Un des points marquants de cette conférence a été la mise en place du « Fonds Cali », qui doit collecter des contributions des entreprises utilisant les ressources naturelles dans des secteurs comme la pharmaceutique, l’agroalimentaire et la cosmétique. L’idée est que ces industries participent financièrement aux efforts de conservation, au lieu de s’appuyer uniquement sur les financements publics.
L’Afrique demande des engagements plus concrets
Les représentants africains ont mis l’accent sur la difficulté d’accéder aux fonds internationaux pour la protection de la biodiversité. Actuellement, moins de 10 % des financements mondiaux pour la nature parviennent aux pays d’Afrique subsaharienne, alors que le continent abrite une part importante de la biodiversité mondiale.
Les discussions ont également porté sur la protection des terres et des océans, avec un objectif de 30 % des surfaces protégées d’ici 2030. Plusieurs pays africains ont insisté sur le fait que ces mesures ne peuvent être appliquées sans prendre en compte les besoins des populations locales, qui dépendent directement des forêts et des réserves naturelles pour leur subsistance.
Des annonces, mais des doutes sur leur mise en œuvre
L’accord final réaffirme des engagements déjà pris lors des précédentes conférences, mais plusieurs délégations ont exprimé des doutes sur la capacité des États à tenir leurs promesses financières. Beaucoup de fonds annoncés lors des COP précédentes restent difficiles à mobiliser sur le terrain.
Pour l’Afrique, la priorité est désormais de garantir que ces financements arrivent rapidement aux projets locaux et bénéficient directement aux communautés qui protègent et gèrent ces écosystèmes.

Insécurité :  Le convoi du ministre de l’Assainissement attaqué par des terroristes

Le jeudi 27 février 2025, au petit matin, le convoi du ministre malien de l’Assainissement a été pris pour cible par des terroristes sur la route reliant Kati à Soribougou. Cette embuscade a causé la mort d’au moins deux personnes, blessé dix autres et endommagé deux véhicules. Les autorités continuent de vérifier les informations pour établir un bilan définitif.

Cette attaque intervient peu de temps après celle du 13 février 2025, où le convoi du ministre de l’Enseignement supérieur, Bouréma Kansaye, a été visé près de Niéna, dans la région de Sikasso. Lors de cette précédente attaque, quatre gendarmes avaient été blessés, soulignant la persistance de la menace sécuritaire envers les représentants de l’État.
Les groupes terroristes, initialement actifs dans le nord et le centre du Mali, étendent désormais leurs opérations à d’autres régions, démontrant qu’aucune zone n’est épargnée. Cette situation met en évidence la nécessité pour les forces de sécurité de renforcer leurs efforts afin de contrer cette menace croissante.
L’attaque du convoi ministériel sur l’axe Kati-Soribougou s’inscrit dans cette tendance préoccupante, illustrant l’audace accrue des terroristes qui n’hésitent plus à frapper diverses régions du pays. Les autorités maliennes sont appelées à redoubler de vigilance pour protéger les représentants de l’État et la population civile face à cette menace persistante.

Aide américaine annulée : Les autorités de transition revendiquent leur souveraineté et recadrent Washington

Le Département de l’efficacité gouvernementale des États-Unis a annoncé, le 15 février 2025, l’annulation d’une subvention de 14 millions de dollars (environ 8,8 milliards de FCFA) destinée à soutenir la cohésion sociale au Mali. Cette décision a suscité une réaction immédiate du gouvernement malien.

Dans un communiqué daté du 24 février 2025, le ministère malien des Affaires étrangères a exprimé sa surprise face à cette annonce, affirmant que le Mali avait, depuis deux ans, choisi de ne pas signer l’« Accord quinquennal de Subvention d’Objectif de Développement » avec l’Agence américaine pour le développement international (USAID). Cette décision visait à préserver la souveraineté nationale et à s’assurer que les priorités et procédures d’exécution locales soient respectées. De ce fait, plusieurs projets, y compris ceux liés à la cohésion sociale, avaient été suspendus bien avant l’annonce américaine.
Le gouvernement malien a également dénoncé l’utilisation détournée de l’aide publique au développement, accusant certaines subventions de financer des réseaux terroristes et de porter atteinte à la souveraineté des États. Dans ce contexte, Bamako a appelé les autorités américaines à engager des poursuites judiciaires contre les individus impliqués dans le détournement de ces fonds à des fins subversives.
Par ailleurs, le Mali a salué la nouvelle orientation des autorités américaines visant à assainir et humaniser leurs subventions, tout en insistant sur la nécessité d’une coopération basée sur le respect mutuel et l’alignement sur les priorités nationales.
Cette situation dévoile les tensions persistantes entre Bamako et Washington concernant l’utilisation et la gestion de l’aide internationale, chaque partie affirmant son engagement envers la stabilité et le développement, mais divergeant sur les modalités et le respect de la souveraineté nationale.

L’AES se dote d’un drapeau : un symbole fort pour l’unité et la souveraineté au Sahel

La Confédération des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a franchi une étape importante dans son processus d’intégration régionale avec la présentation officielle de son drapeau. Cet événement a eu lieu à Bamako les 22 et 23 février 2025, lors d’une réunion ministérielle cruciale consacrée aux enjeux de défense, de sécurité, de diplomatie et de développement.

Le dévoilement du drapeau de l’AES constitue un moment historique pour les trois pays engagés dans cette initiative souverainiste. Arborant un fond vert, il porte en son centre un logo symbolisant l’unité et la résilience des peuples sahéliens. La couleur verte, souvent associée à la prospérité et à l’espoir, reflète aussi la richesse naturelle et l’ambition des États membres de bâtir une économie forte et autonome.
Ce drapeau incarne l’engagement du Burkina Faso, du Mali et du Niger à renforcer leur coopération et à s’affranchir des contraintes géopolitiques extérieures. Il traduit leur volonté de consolider une intégration sous-régionale fondée sur des valeurs communes de solidarité et d’indépendance politique.
Au-delà de la présentation du drapeau, la réunion ministérielle de Bamako a été l’occasion pour les dirigeants des trois pays de faire le point sur les avancées de la Confédération et de coordonner leurs actions face aux défis sécuritaires et économiques.
L’un des sujets centraux des discussions a été la lutte contre le terrorisme, une menace persistante dans la région. Les représentants des ministères de la Défense et de la Sécurité ont salué les succès des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) des trois États, mettant en avant les résultats obtenus par la Force unifiée de l’AES, récemment mise en place pour assurer une meilleure coordination militaire.
Les ministres ont réaffirmé leur détermination à poursuivre cette coopération sécuritaire et à intensifier les efforts pour stabiliser la région. Ils ont rendu hommage aux soldats et aux populations victimes du conflit et ont insisté sur l’importance de renforcer les moyens militaires et logistiques pour faire face aux menaces.
L’AES veut parler d’une seule voix sur les dossiers internationaux. Les ministres ont insisté sur la nécessité de renforcer les consultations politiques et diplomatiques afin de mieux défendre les intérêts de la Confédération sur la scène africaine et mondiale.
Cette approche commune vise notamment à éviter l’isolement politique et à contrer les pressions extérieures. Elle s’inscrit dans une dynamique panafricaniste qui prône une souveraineté renforcée des États du Sahel et une coopération régionale indépendante des ingérences extérieures.
Développement économique : bâtir un avenir prospère
L’un des piliers fondamentaux de cette réunion a été la question du développement économique. Les discussions ont porté sur la mise en place de projets structurants destinés à accélérer la croissance des pays membres. Parmi les initiatives envisagées figurent la création d’une banque confédérale pour financer les grands projets d’infrastructure et d’investissement, ainsi que le lancement d’une compagnie aérienne régionale visant à améliorer la connectivité entre les trois États.
Les ministres ont également abordé les stratégies visant à renforcer les infrastructures, notamment dans les secteurs de l’énergie, des mines et des transports. L’objectif est de créer un environnement économique favorable au développement des entreprises locales et à l’essor de l’industrialisation dans la région.
AES et CEDEAO : vers une nouvelle ère de relations ?
Le retrait officiel du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), acté le 28 janvier 2024, a marqué une rupture dans les relations sous-régionales. Lors de cette réunion ministérielle, les représentants des trois pays ont examiné les prochaines étapes du dialogue avec la CEDEAO.
Ils ont réaffirmé leur attachement aux valeurs de fraternité et de coopération avec les autres États de l’Afrique de l’Ouest, malgré les divergences politiques. L’AES entend mener des négociations avec la CEDEAO dans un esprit constructif, tout en préservant les intérêts de ses populations et en garantissant leur souveraineté politique et économique.
La réunion ministérielle de Bamako a permis de poser des bases solides pour l’avenir de l’AES. Elle a démontré la détermination des trois États membres à renforcer leur intégration et à consolider leur indépendance sur les plans politique, militaire et économique.
Le drapeau de la Confédération devient ainsi le symbole d’une nouvelle ère pour le Sahel, une ère marquée par la résilience, l’unité et l’ambition de bâtir une alliance régionale forte et prospère.

AfroBasket 2025 : Le Mali renverse le Soudan du Sud et se qualifie  

L’équipe nationale de basketball du Mali a réalisé une performance déterminante dans le cadre des qualifications pour l’AfroBasket 2025, qui se tiendra en Angola du 12 au 24 août 2025. Après une défaite contre la République Démocratique du Congo (RDC) le 21 février 2025 sur le score de 65 à 59, les Maliens ont su rebondir dès le lendemain en battant le Soudan du Sud 75 à 72 lors d’un match intense. Cette victoire permet au Mali de maintenir ses chances de qualification et de rester compétitif dans la course au tournoi continental.

Les éliminatoires de l’AfroBasket 2025 ont été un véritable test pour les Aigles du Mali. La défaite contre la RDC a été un coup dur, révélant certaines lacunes dans l’organisation défensive et l’efficacité offensive de l’équipe. Menés par des joueurs expérimentés évoluant en Europe et sur le continent africain, les Maliens ont montré une certaine combativité, mais leur manque de finition leur a coûté la victoire face à une équipe congolaise bien en place.
Cependant, dès le lendemain, le Mali a réussi à créer la surprise contre le Soudan du Sud, une équipe pourtant considérée comme l’une des plus prometteuses du continent. Grâce à une défense resserrée et une meilleure réussite aux tirs à trois points, les Aigles ont pu tenir tête aux Soudanais et arracher une victoire précieuse de 75 à 72.
Quelles perspectives pour la qualification du Mali ?
Avec un bilan de 2 victoires et 3 défaites, le Mali termine parmi les trois premières équipes de son groupe, ce qui lui assure une place pour la phase finale de l’AfroBasket 2025 en Angola. Cette qualification est une excellente nouvelle pour le basketball malien, qui cherche à retrouver son lustre d’antan sur la scène africaine.
Lors de la phase finale en Angola, le Mali devra redoubler d’efforts pour rivaliser avec des nations de premier plan comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou encore l’Angola, hôte du tournoi. Le travail tactique, la cohésion d’équipe et l’amélioration de l’adresse aux tirs seront des éléments clés pour espérer aller loin dans la compétition.
Cette qualification confirme la montée en puissance du basketball malien, qui a vu émerger plusieurs talents ces dernières années. La participation à l’AfroBasket 2025 sera une opportunité précieuse pour ces joueurs de se frotter aux meilleures équipes du continent, d’acquérir de l’expérience et, pourquoi pas, de créer la surprise.
Le Mali a montré qu’il pouvait rivaliser avec des nations solides et, avec une préparation optimale, il pourrait se positionner comme un outsider sérieux pour le tournoi en Angola. Il ne reste plus qu’à peaufiner les derniers ajustements pour que l’équipe nationale puisse représenter dignement le pays sur la scène africaine.

Transition : Choguel Maïga brise le silence 

La Maison de la Presse de Bamako, a servi de cadre, le 22 fevrier dernier, à la tenue d’une conférence de presse animée par l’ancien Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga. Une activité marquant sa première apparition publique depuis son limogeage en novembre 2024. Cette rencontre a été l’occasion pour lui de dresser un bilan détaillé de la Transition malienne, initiée en 2021 et de critiquer ouvertement la junte militaire au pouvoir.

Dr Maïga a débuté son allocution en rappelant les objectifs initiaux de la Transition, notamment le renforcement de la sécurité nationale, la mise en œuvre de réformes politiques et institutionnelles, la promotion de la bonne gouvernance et la préparation d’élections crédibles. Il a souligné des avancées notables, telles que l’adoption d’une nouvelle Constitution instaurant la 4ᵉ République, la création de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE) et la reconquête de territoires auparavant contrôlés par des groupes armés, notamment Kidal et Ber. De plus, il a mis en exergue la fin de la présence des forces étrangères, comme la MINUSMA et Barkhane, affirmant que ces actions ont renforcé la souveraineté du Mali.
Cependant, l’ancien Premier ministre a exprimé de vives critiques à l’égard des autorités de la transition, accusant le général Assimi Goïta et son entourage d’avoir trahi les idéaux de la Transition. Il a dénoncé une marginalisation progressive du Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) dans les prises de décisions, ainsi que son propre éloignement des affaires gouvernementales clés. Dr Maïga a également fustigé le report unilatéral des élections initialement prévues en mars 2024, sans consultation préalable, et a mis en garde contre une possible dérive autoritaire.
La conférence de presse a également été l’occasion pour Dr Maïga de revenir sur son limogeage en novembre 2024, qu’il considère comme l’aboutissement d’une série de manœuvres visant à l’écarter du pouvoir. Il a affirmé que cette éviction est le résultat de désaccords profonds avec les autorités concernant la direction de la Transition et a appelé à une mobilisation citoyenne pour préserver les acquis démocratiques et éviter un retour aux pratiques autocratiques du passé.
Dr Choguel Kokalla Maïga a réitéré son engagement envers le peuple malien et a exhorté les forces vives de la nation à rester vigilantes. Il a insisté sur la nécessité d’un dialogue inclusif pour assurer une transition pacifique et le retour à un ordre constitutionnel respectueux des aspirations du peuple.

4ᵉ Édition du Salon International sur la RSE à Bamako : Un engagement renforcé pour une responsabilité sociétale durable  

La capitale malienne a accueilli, les 20 et 21 février 2025, la 4ᵉ édition du Salon International sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), un rendez-vous incontournable pour les acteurs économiques et institutionnels engagés dans le développement durable et la citoyenneté d’entreprise. Organisé à l’Hôtel de l’Azalaï Hôtel Salam, cet événement a réuni des experts, des chefs d’entreprises, des organisations de la société civile et des représentants institutionnels pour débattre des enjeux liés à la RSE et à son intégration effective dans les stratégies d’entreprise.

La cérémonie d’ouverture a été présidée par le ministre de l’Industrie et du Commerce, Moussa Alassane Diallo, qui a rappelé l’importance des normes ISO et de la responsabilité sociétale des entreprises dans la transformation économique du Mali. Dans son allocution, il a affirmé se réjouir de la tenue de cette semaine de la réussite des normes ISO et de leur intégration dans les politiques publiques et les stratégies d’entreprise. Il a expliqué que le Mali a défini un nouveau modèle économique de développement fondé sur l’autosuffisance et l’utilisation des ressources locales.
Le ministre a mis en avant la nécessité pour les entreprises maliennes d’adopter les normes ISO afin de garantir la qualité et la compétitivité sur le marché international. Il a insisté sur le fait qu’aucune entreprise ne peut atteindre un certain niveau de production et de rentabilité sans s’engager dans une démarche RSE et sans adhérer aux normes de qualité internationales. Il a souligné que la transition écologique et économique était une réalité que les entreprises devaient prendre en compte en intégrant des pratiques responsables et durables dans leurs activités.
Le programme du salon a proposé des panels et ateliers sur des thématiques variées, notamment l’intégration de la RSE et des normes ISO, l’impact de ces normes sur la compétitivité et l’innovation, le rôle des entreprises face aux enjeux climatiques, ainsi que les aspects sociaux et de gouvernance. Les échanges ont permis de dresser un état des lieux des initiatives en cours et d’élaborer des recommandations pour encourager leur adoption par les entreprises maliennes et africaines.
Dans son discours, le ministre a rappelé les enjeux économiques, sociaux et environnementaux de la RSE, soulignant que l’adhésion aux normes ISO et la mise en place de politiques RSE fortes permettent aux entreprises de structurer leur développement sur le long terme. Il a notamment évoqué les impacts du changement climatique sur l’économie malienne et appelé les entreprises à intégrer ces enjeux dans leur planification stratégique.
Le ministre a également mis l’accent sur la gouvernance des entreprises, insistant sur l’éthique, la déontologie et la responsabilisation de toutes les parties prenantes. La réussite de la RSE et des normes ISO repose sur la compétence et l’engagement du personnel, ainsi que sur une gouvernance efficace et structurée. Il a souligné que la responsabilisation des employés, des syndicats et des directions générales était cruciale pour assurer une mise en œuvre efficace des engagements RSE.
Plusieurs entreprises ont annoncé de nouveaux engagements en faveur de la durabilité, notamment en matière de réduction des émissions de carbone, d’inclusion sociale et de gouvernance éthique. Elles ont partagé des témoignages et expériences sur la manière dont elles intègrent progressivement les standards ISO et la RSE dans leurs stratégies d’entreprise.
Au terme de cet événement, les organisateurs et participants ont exprimé leur satisfaction quant à la qualité des discussions et aux engagements pris. Le succès de cette édition ouvre la voie à une cinquième rencontre encore plus ambitieuse, avec pour objectif de renforcer l’engagement des entreprises maliennes dans une démarche durable et responsable. Les perspectives qui se dessinent incluent une plus grande implication du secteur privé dans la structuration des politiques de développement économique et environnemental, ainsi qu’un accompagnement accru pour l’adoption des normes internationales.

Côte d’Ivoire : Port-Bouët redevient ivoirien, une page se tourne  

La France a officiellement rétrocédé la base militaire de Port-Bouët aux forces armées ivoiriennes, le 20 février 2025, marquant une étape significative dans les relations franco-ivoiriennes. Cette cérémonie, présidée par le Vice-Président ivoirien Tiémoko Meyliet Koné, en présence du ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, symbolise la fin d’une présence militaire française de plusieurs décennies en Côte d’Ivoire.

La base de Port-Bouët, située à l’entrée est d’Abidjan, a été établie en 1978, succédant au 4ᵉ Bataillon d’Infanterie de Marine (BIMa). Elle a abrité le 43ᵉ BIMa, unité héritière du 43ᵉ Régiment d’Infanterie Coloniale, jouant un rôle stratégique dans la coopération militaire entre la France et la Côte d’Ivoire. Durant la crise politico-militaire ivoirienne de 2002 à 2011, la base a servi de point d’appui pour les opérations françaises, notamment l’opération Licorne, visant à stabiliser le pays.
Les négociations pour la rétrocession de la base ont débuté en avril 2023, reflétant une volonté commune d’adapter la coopération militaire aux réalités contemporaines. Les discussions ont porté sur la réorganisation des forces françaises en Afrique et le renforcement des capacités des forces ivoiriennes. Aucune résistance majeure n’a été signalée, les deux parties s’accordant sur l’importance d’une transition harmonieuse. L’opinion publique ivoirienne a majoritairement accueilli favorablement cette décision, y voyant un pas vers une souveraineté renforcée.
Lors de son allocution du 31 décembre 2024, le Président Alassane Ouattara a annoncé la rétrocession imminente de la base militaire de Port-Bouët. Il a souligné que cette décision résultait de la modernisation continue des forces armées ivoiriennes et de la volonté de renforcer la souveraineté nationale. Pour honorer la mémoire du Général de Corps d’Armée Ouattara Thomas d’Aquin, premier chef d’état-major de l’armée ivoirienne, le Président a déclaré que le camp porterait désormais son nom.
Contrairement à la Côte d’Ivoire, plusieurs pays du Sahel ont opté pour une rupture plus abrupte avec la présence militaire française. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont exigé le retrait rapide des troupes françaises, souvent dans un contexte de tensions diplomatiques et de rapprochement avec d’autres partenaires. Le Tchad, en novembre 2024, a décidé de rompre les accords de coopération militaire avec la France, jugeant ces accords « obsolètes » et « surannés ». Cette décision a conduit à la rétrocession de la dernière base française au Tchad le 30 janvier 2025.
Le Sénégal, en novembre 2024, a également annoncé son intention de mettre fin à la présence militaire française sur son territoire, devenant ainsi la première nation démocratiquement gouvernée de la région à demander le retrait français. Cette décision s’inscrit dans une volonté d’affirmer la souveraineté nationale et de redéfinir les relations avec les partenaires étrangers.
Malgré la rétrocession, la France maintient une présence militaire réduite en Côte d’Ivoire. Un détachement de 80 soldats français demeure sur place pour assurer des missions de formation et de conseil auprès des forces armées ivoiriennes. Cette coopération est prévue pour une durée indéterminée, avec des évaluations régulières pour adapter les besoins. Les coûts associés à cette collaboration sont partagés entre les deux nations, reflétant un partenariat équilibré.
La réorganisation de la présence militaire française en Afrique s’inscrit dans une dynamique de redéfinition des partenariats stratégiques. Outre la Côte d’Ivoire, la France conserve des bases à Djibouti, où environ 1 500 soldats sont stationnés, jouant un rôle clé dans la surveillance maritime et la lutte contre la piraterie. Au Gabon, un contingent réduit est également présent. Face aux retraits successifs, la France explore de nouvelles stratégies pour maintenir son influence sécuritaire, notamment par le biais de coopérations renforcées avec des partenaires européens et africains.
Réactions des autres puissances mondiales
Les réajustements de la présence militaire française en Afrique ont suscité des réactions variées sur la scène internationale. Les États-Unis suivent de près ces évolutions, préoccupés par la montée en puissance d’autres acteurs sur le continent. La Côte d’Ivoire, tout en consolidant sa coopération avec la France, explore également des partenariats avec d’autres nations pour diversifier ses alliances stratégiques.
La rétrocession de la base de Port-Bouët symbolise une évolution majeure dans les relations franco-ivoiriennes, reflétant une volonté commune d’adapter leur partenariat aux défis contemporains. Cette transition, menée dans un esprit de concertation, contraste avec les dynamiques observées dans d’autres pays du Sahel, illustrant la singularité de la démarche ivoirienne.

Niger : Cinq ans de transition et amnistie réclamée  

Les Assises Nationales pour la Refondation du Niger se sont conclues le 20 février 2025, proposant une transition d’une durée minimale de cinq ans, potentiellement renouvelable. Cette recommandation vise à permettre au Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), dirigé par le général Abdourahamane Tchiani, de restructurer les institutions politiques et sécuritaires du pays.

Parallèlement, les participants ont suggéré une amnistie pour les auteurs du coup d’État du 26 juillet 2023, qui avait renversé le président élu Mohamed Bazoum. Cette mesure inclurait également des grâces pour les militaires condamnés au cours des dix dernières années pour tentatives de déstabilisation.
Ces propositions interviennent dans un contexte où le Niger, aux côtés du Mali et du Burkina Faso, a officialisé son retrait de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le 28 janvier 2025. Cette décision fait suite aux tensions avec l’organisation régionale, notamment après les sanctions imposées à la suite des coups d’État successifs dans ces pays. Le retrait de la CEDEAO est perçu par les autorités nigériennes comme une opportunité de mener à bien leur agenda de transition sans ingérence extérieure.
La durée prolongée de la transition et l’amnistie proposée suscitent des débats au sein de la communauté internationale et de la société civile nigérienne. Si certains estiment que ces mesures sont nécessaires pour assurer une stabilité durable et réformer en profondeur les institutions, d’autres craignent qu’elles n’entérinent la mainmise militaire sur le pouvoir et retardent le retour à un ordre constitutionnel démocratique.
Le CNSP n’a pas encore officiellement adopté ces recommandations. Leur mise en œuvre pourrait redéfinir le paysage politique du Niger et influencer les relations du pays avec ses partenaires internationaux, notamment dans le cadre de la lutte contre l’insécurité au Sahel.

Tensions entre l’État malien et Barrick Gold : Un accord financier pour apaiser les relations  

Après près de deux ans de contentieux, la compagnie canadienne Barrick Gold et le gouvernement malien ont trouvé un terrain d’entente. L’accord, conclu le 19 février 2025, prévoit un versement de 438 millions de dollars (environ 275 milliards de francs CFA) au Trésor public. Cette somme vise à régulariser les différends fiscaux et réglementaires qui avaient conduit à des mesures sévères de la part des autorités maliennes.

Le différend remonte à 2023, lorsque l’État a adopté un nouveau code minier visant à renforcer sa participation dans les revenus générés par l’exploitation de ses ressources naturelles. Cette réforme a entraîné des tensions avec plusieurs multinationales, dont Barrick Gold, exploitant du complexe minier de Loulo-Gounkoto, un des piliers de la production aurifère du pays. En janvier 2025, le gouvernement malien avait durci sa position en saisissant trois tonnes d’or d’une valeur estimée à 245 millions de dollars et en procédant à l’arrestation de plusieurs employés de l’entreprise.
L’accord obtenu repose sur plusieurs engagements réciproques. Ainsi, Barrick Gold s’acquitte de la somme de 438 millions de dollars, en contrepartie de la restitution de l’or saisi et de la libération des employés détenus. De plus, les activités du complexe minier Loulo-Gounkoto pourront reprendre dans un cadre clarifié, avec la mise en place d’une commission de suivi garantissant l’application des nouvelles régulations minières.
Selon Mark Bristow, PDG de Barrick Gold, cet accord représente « un tournant positif » et témoigne de la volonté de la société de collaborer avec le gouvernement malien dans un cadre légal stabilisé. Du côté de Bamako, cette entente est perçue comme une victoire économique qui confirme la souveraineté de l’État sur ses ressources minières.
L’annonce de cet accord a immédiatement eu des répercussions sur les marchés financiers. Le 19 février, à 14h38 HNE, les actions de Barrick Gold ont progressé de 3,37 % à la Bourse de Toronto. Cette hausse reflète un regain de confiance des investisseurs qui considèrent désormais le climat des affaires au Mali sous un jour plus serein.
Dans le cadre de cette résolution, une délégation officielle composée de représentants des ministères maliens, de la présidence et de la société de conseil Iventus Mining a récemment effectué une mission d’inspection de trois jours au sein du complexe minier de Barrick. L’objectif était de vérifier la conformité des opérations avec la législation nationale et d’assurer la mise en œuvre effective des termes de l’accord.
Cet accord pourrait ouvrir la voie à d’autres négociations similaires avec les compagnies minières opérant au Mali. L’État malien entend renforcer son contrôle sur l’exploitation de ses ressources tout en assurant un climat favorable aux investisseurs étrangers. Barrick Gold, pour sa part, devra désormais opérer sous un cadre plus rigoureux tout en bénéficiant d’une plus grande sécurité juridique.
L’affaire constitue un jalon important dans la gestion des relations entre le Mali et les investisseurs internationaux, illustrant un équilibre délicat entre souveraineté économique et attractivité des investissements étrangers.

Les déplacements climatiques sont aussi une crise sanitaire

 Chaque année, 21,5 millions de personnes sont déplacées de force en raison d’inondations, de sécheresses, d’incendies et de tempêtes. Ce chiffre devrait augmenter de façon spectaculaire au cours des prochaines décennies, puisque 1,2 milliard de personnes devraient être contraintes de quitter leur foyer d’ici à 2050. La crise climatique en cours n’est pas seulement une catastrophe humanitaire, mais aussi une urgence sanitaire mondiale.

 

Les déplacements climatiques constituent une menace directe et indirecte pour la santé publique. En perturbant les services de soins, ils privent les communautés touchées de l’accès aux médecins, aux hôpitaux et aux pharmacies. Les migrations induites par le climat exacerbent également la pauvreté, la surpopulation et l’instabilité sociale. La production alimentaire est souvent gravement affectée, tandis que les conditions de vie insalubres favorisent la propagation des maladies infectieuses.

 

Alors que la crise climatique menace de faire dérailler les efforts mondiaux pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies, la santé et le bien-être de centaines de millions de personnes dans les pays en développement sont menacés. Les pays à revenu élevé ne sont pas épargnés : aux États-Unis, 3,2 millions d’adultes ont été déplacés ou évacués en raison de catastrophes naturelles au cours de la seule année 2022.

 

Les entreprises pharmaceutiques doivent jouer un rôle central dans le renforcement de la résilience de la santé mondiale. Leur participation est particulièrement importante dans les zones de conflit qui se trouvent en première ligne de la crise des déplacements climatiques, où les médicaments et les vaccins vitaux font souvent défaut.

 

L’industrie pharmaceutique a fait des progrès dans la réduction des émissions de dioxyde de carbone et l’adoption de pratiques plus durables, mais ses efforts sont loin d’atténuer les perturbations des chaînes d’approvisionnement liées au climat. Ces vulnérabilités ont été mises en évidence en 2017, lorsque l’ouragan Maria a dévasté le secteur de la fabrication de médicaments de Porto Rico, qui représentait alors près de 10 % de tous les médicaments consommés aux États-Unis.

 

Certaines entreprises pharmaceutiques, comme Novartis et Novo Nordisk, ont lancé des programmes ciblés pour aider les populations déplacées par des événements météorologiques extrêmes, tandis que d’autres ont fait des dons en espèces ou en fournitures en réponse à des catastrophes naturelles. La demande pour ces dons a augmenté avec l’accroissement des besoins climatiques et humanitaires. Hikma, un fabricant de médicaments génériques fondé en Jordanie, a déclaré  4 millions de dollars de dons en 2020, et  4,9 millions de dollars en 2023, principalement pour répondre aux besoins de la région environnante.

 

Aucune entreprise n’a élaboré de stratégie globale pour garantir aux communautés déplacées un accès durable aux produits de santé. Une approche plus globale est nécessaire. Face à la crise actuelle des déplacements climatiques, les entreprises pharmaceutiques devraient adopter une stratégie à quatre volets pour renforcer les systèmes de soins de santé. Tout d’abord, elles pourraient aider à fournir des médicaments aux communautés vulnérables dans les zones reculées en réorganisant leurs chaînes d’approvisionnement, qu’il s’agisse de redondance dans les réseaux d’expédition ou de refonte des produits pour qu’ils soient plus stables dans les climats chauds, où la réfrigération n’est pas toujours possible. En outre, ils devraient inclure des systèmes robustes pour la distribution à grande échelle de médicaments génériques, qui sont souvent les outils les plus efficaces pour gérer les épidémies.

 

Deuxièmement, les entreprises pharmaceutiques doivent investir dans la recherche et le développement afin de créer des vaccins, des diagnostics et des traitements qui ciblent les maladies sensibles au climat. La hausse des températures mondiales accélère la propagation des maladies transmises par les moustiques, comme la dengue, le paludisme et le virus Zika, ainsi que des maladies transmises par l’eau, comme le choléra et la shigella, ce qui expose les populations déplacées à un risque encore plus grand.

 

Pourtant, malgré le besoin d’innovation, l’indice 2024 d’accès aux médicaments – qui évalue les efforts des entreprises pharmaceutiques pour améliorer l’accès aux médicaments essentiels dans les pays en développement – montre que le pipeline de R&D pour les pathogènes émergents et les maladies tropicales négligées est en train de se tarir. Ce problème est aggravé par le manque de recherche de nouveaux antibiotiques pour lutter contre la menace croissante de la résistance aux antimicrobiens, exacerbée par les conditions météorologiques extrêmes et le manque d’hygiène.

 

Troisièmement, les entreprises pharmaceutiques devraient établir des partenariats à long terme avec des organisations humanitaires axées sur les déplacements climatiques. Les collaborations public-privé se sont également avérées efficaces pour renforcer la résilience sanitaire. Depuis 2010, par exemple, les principaux fabricants de vaccins comme GSK et Pfizer ont fourni à Gavi, l’Alliance du vaccin, des milliards de doses de vaccins. Ils ont ainsi protégé les populations vulnérables dans certains des pays aux ressources les plus limitées du monde.

 

Enfin, les entreprises pharmaceutiques doivent redoubler d’efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’ensemble de leurs chaînes de valeur. Bien que l’impact des produits pharmaceutiques sur le climat fasse l’objet de moins d’attention que celui des industries manufacturières traditionnelles, le secteur émet plus de CO₂ par million de dollars de chiffre d’affaires que l’industrie automobile.

 

Le soutien actif et l’engagement des actionnaires, des employés et des autres parties prenantes sont essentiels. Les investisseurs, en particulier, doivent encourager les entreprises à aligner leurs pratiques commerciales sur les objectifs mondiaux en matière de santé et de climat. Il ne s’agit pas seulement d’un choix éthique, mais aussi d’un choix qui promet d’importants avantages financiers et de réputation à long terme.

 

Le déplacement climatique n’est pas une menace lointaine ou hypothétique ; il s’agit d’une urgence sanitaire qui s’aggrave rapidement. L’industrie pharmaceutique a la responsabilité morale d’agir. Pour le faire efficacement, les entreprises doivent prendre de l’avance et fournir des traitements vitaux à ceux qui sont en première ligne de la crise climatique.

 

Jayasree K. Iyer est directeur général de la Access to Medicine Foundation.

 

Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

La Fed a peur de Trump

Donald Trump est de retour à la Maison Blanche, et les technocrates courent se mettre à l’abri. Trump a clairement exprimé son désir de démanteler « l’État profond« , qu’il décrit comme un réseau obscur de bureaucrates qui « utilisent » le « pouvoir de l’État » pour « persécuter les opposants politiques » et contrecarrer leurs programmes.

 

Mais les fonctionnaires, administrateurs et décideurs professionnels que Trump s’apprête à cibler jouent un rôle essentiel au sein du gouvernement, notamment en conseillant les dirigeants, quelles que soient leurs tendances politiques, sur la manière dont ils peuvent atteindre leurs objectifs de manière légale et constitutionnelle. Ces fonctionnaires doivent rester à leur place.

 

La Réserve fédérale est peut-être l’acteur économique indépendant le plus important aux États-Unis, étant donné l’étendue de ses responsabilités monétaires et de supervision et l’importance mondiale du dollar américain. Malheureusement, au lieu de se préparer à défendre ses positions et ses prérogatives, elle a cédé par anticipation à Donald Trump : le 17 janvier, trois jours avant l’investiture de Trump, le conseil d’administration de la Fed s’est retiré du Réseau pour l’écologisation du système financier (Network for Greening the Financial System – NGFS).

 

Le NGFS réunit les banques centrales et les autorités de surveillance afin d’améliorer la gestion des risques environnementaux et climatiques dans le secteur financier. La participation au groupe revient à reconnaître l’importance de la compréhension des risques climatiques, ainsi qu’à admettre implicitement que ces risques relèvent du mandat des banques centrales, car ils menacent la stabilité économique et financière.

 

Il ne s’agit pas d’une position radicale. Toutes les grandes banques centrales sont représentées parmi les 143 membres du NGFS : la Banque d’Angleterre (BOE), la Banque de France, la Banque du Japon, la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque populaire de Chine (PBOC). Jusqu’au retrait de la Fed, le NGFS couvrait 100 % des banques systémiques mondiales et 80 % des groupes d’assurance actifs au niveau international. Mais la Fed a maintenant rompu avec ses pairs et s’est dirigée vers la sortie, arguant que le champ d’application du NGFS dépassait son mandat.

 

L’idée selon laquelle les banques centrales ne devraient pas tenir compte des risques climatiques croissants est tout simplement erronée. La stabilité économique et financière dépend de la stabilité des écosystèmes et du climat. Alors que les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont atteint des niveaux record et les températures mondiales sont en passe de dépasser largement 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. L’impact du changement climatique est déjà visible : tempêtes, inondations, sécheresses et incendies de forêt plus fréquents et plus intenses.

 

Bien que les estimations des coûts économiques et financiers précis varient, le tableau d’ensemble donne à réfléchir. L’Institute and Faculty of Actuaries prévoit que le changement climatique entraînera une contraction de 50 % du PIB mondial entre 2070 et 2090. Vous préférez une estimation plus basse ? Swiss Re prévoit des pertes de PIB de 18 % d’ici à 2050, si aucune mesure n’est prise.

 

Quelles que soient les prévisions retenues, il ne fait aucun doute que les coûts du changement climatique augmentent, mais pas à un rythme régulier. Au contraire, les coûts augmentent progressivement, puis brusquement, sous l’effet des catastrophes liées au climat. Coïncidence sombre mais révélatrice, le retrait de la Fed du NGFS intervient au moment où la Californie en fait l’expérience directe, alors que les incendies de forêt réduisent en cendres des milliers habitations, d’entreprises et d’écosystèmes.

 

Les risques microprudentiels sont évidents. Les structures incendiées étaient pour la plupart hypothéquées. Or, il est peu probable que l’assurance couvre l’intégralité du coût de la reconstruction, même pour ceux qui sont couverts, et de nombreux propriétaires étaient sous-assurés ou non assurés, précisément parce que l’augmentation des risques due aux catastrophes climatiques a fait grimper les primes et poussé certains assureurs à refuser d’offrir une couverture. Si les propriétés détruites ne sont pas reconstruites, les hypothèques correspondantes ne seront pas remboursées et les banques locales et nationales qui ont accordé les prêts subiront de lourdes pertes.

 

Ce constat ne peut être considéré comme du politiquement correct écolo. Au contraire, compte tenu de son potentiel de déstabilisation du système financier, il mérite clairement l’attention des banquiers centraux. C’est pourquoi la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne soumettent les entreprises qu’elles supervisent, les banques et les compagnies d’assurance, à des tests de résistance au risque climatique, et qu’elles imposent des normes en matière de divulgation d’informations sur le climat, de méthodologies, de processus et de gouvernance. La PBOC, pour sa part, intègre le changement climatique dans la réglementation et la surveillance financières, et elle élabore des règles de prêt écologiques.

 

La Fed, la banque centrale la plus importante au monde, a cependant d’autres projets. En se retirant du NGFS et en tournant le dos aux scénarios et analyses des risques climatiques, elle a signalé qu’elle avait l’intention de fermer les yeux et se boucher les oreilles face aux dangers de la crise climatique. Cela augmente la probabilité de futures défaillances systémiques, car les fonctionnaires de la Fed sont moins susceptibles de détecter les risques qui se matérialisent sous les yeux, que ce soit en Californie, en Louisiane, en Floride ou au Texas.

 

Les dirigeants de la Fed insistent constamment sur l’importance de la « dépendance à l’égard des données« . Pourtant, la banque centrale a décidé d’ignorer une énorme masse de données, en rapide croissance, qui  montre que les risques climatiques sont des risques économiques. Et cela, afin d’apaiser un président qui ne sait peut-être même pas que le NGFS existe. Le conseil d’administration de la Fed aurait pu maintenir son adhésion au NGFS et attendre son heure. Il n’y avait aucune raison de sauter avant d’être poussé.

 

Mais la Fed a peur. Le fait de se retirer du NGFS suggère que son processus décisionnel sera, au moins en partie, le reflet de pressions politiques et non d’une analyse indépendante fondée sur des données. Cela n’augure rien de bon pour les quatre prochaines années – et au-delà.

 

Stuart P.M. Mackintosh est directeur exécutif du Groupe des Trente.

 

Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

Retombées du Mining Indaba 2025 : Vers une souveraineté minière africaine plus affirmée

L’Afrique cherche à renforcer son contrôle sur ses ressources minières. C’est ce qui ressort de la 31ème édition du Mining Indaba 2025, tenue récemment en Afrique du Sud. Au cours de ce grand rendez-vous du secteur minier africain, plusieurs gouvernements ont exprimé leur volonté de renforcer leur souveraineté minière face aux multinationales. Des débats ont mis en avant la nécessité d’une régulation plus stricte pour lutter contre l’évasion fiscale et d’encourager la transformation locale des minerais afin d’augmenter la valeur ajoutée pour le continent.

Plusieurs pays africains ajustent leurs cadres réglementaires afin d’augmenter la participation de l’État dans l’exploitation minière et de garantir une redistribution plus équitable des revenus. Une analyse récente estime que près de 70% des recettes minières du continent continuent d’échapper aux pays producteurs en raison d’exonérations fiscales excessives et de pratiques de sous-évaluation.

Le Mali est en première ligne de cette dynamique. Face à un manque à gagner fiscal estimé à 230 millions de dollars en 2024, le gouvernement a adopté des mesures strictes à l’encontre de plusieurs sociétés minières. Le litige avec Barrick Gold, marqué par la rétention de trois tonnes d’or destinées à l’exportation et des accusations de violations contractuelles, illustre cette volonté d’assurer le respect des engagements fiscaux. En décembre 2024, des mandats d’arrêt internationaux ont été émis contre des responsables de Barrick pour blanchiment d’argent, tandis que plusieurs cadres ont été arrêtés en novembre.

Contrebande et évasion fiscale : un manque à gagner colossal

Un rapport de Swissaid publié en 2024 a révélé que près de 435 tonnes d’or, d’une valeur estimée à 31 milliards de dollars, ont quitté illégalement le continent en 2022. En 2023, le Mali, le Soudan et la RDC auraient vu plus de 50 tonnes d’or exportées illicitement vers des marchés comme les Émirats arabes unis et la Suisse. Pour y répondre, certains pays africains envisagent un renforcement des capacités de surveillance et de contrôle, ainsi qu’une régulation accrue du commerce de l’or artisanal. Des propositions ont été formulées pour harmoniser les politiques minières et douanières à l’échelle régionale.

Par ailleurs, les experts du secteur insistent sur l’importance de la transformation locale des minerais. Actuellement, plus de 80% des exportations minières africaines se font à l’état brut, limitant ainsi les retombées économiques et la création d’emplois. Le développement d’infrastructures de raffinage et de transformation est essentiel pour réduire la dépendance aux marchés étrangers et assurer des bénéfices plus conséquents aux économies locales.

Ces stratégies visent à permettre aux pays africains de garantir que l’exploitation minière serve avant tout leurs intérêts économiques et sociaux.

Massiré Diop

Le 7e art en deuil : Souleymane Cissé tire sa révérence   

Le pays pleure aujourd’hui l’un de ses plus grands artistes. Souleymane Cissé, le cinéaste qui a porté haut les couleurs du pays sur la scène internationale, nous a quittés. Son départ laisse un vide immense dans le monde du cinéma et dans le cœur de tous ceux qui ont admiré son engagement et son talent.

Né en 1940 à Bamako, Souleymane Cissé a été un pionnier du cinéma africain. Son amour pour le septième art le pousse à se former en URSS avant de revenir au Mali pour raconter les réalités de son peuple à travers la caméra. Il voulait que les histoires africaines soient racontées par des Africains, avec leur regard et leur vérité.
Dès ses premiers films, il s’attaque aux tabous et aux injustices de la société. Son film Den Muso (La Jeune Fille), sorti en 1975, aborde la question des filles-mères. Il continue à filmer et signe, en 1978, Baara, un film sur le monde ouvrier qui remporte l’Étalon d’or du Yennenga au FESPACO, la plus haute distinction du cinéma africain. Il récidive en 1982 avec Finyè, qui décroche le même prix.
Son chef-d’œuvre, Yeelen (La Lumière), sorti en 1987, va propulser le cinéma malien sur la scène mondiale. Ce film inspiré des traditions bambara reçoit le Prix du Jury au Festival de Cannes, une première pour un réalisateur d’Afrique noire. Le Mali, à travers son art, brille aux yeux du monde.
Malgré cette reconnaissance, il reste un homme simple, engagé et fidèle à ses racines. Il fonde l’Union des Créateurs et Entrepreneurs du Cinéma et de l’Audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest pour aider les jeunes talents africains.
Une reconnaissance tardive et une injustice subie
En 2023, Cannes lui rend enfin un hommage mérité en lui décernant le Carrosse d’or, un prix qui récompense une carrière exceptionnelle. Un an plus tard, alors que ce trophée symbolique est conservé chez lui à Bamako, il est volé. Un épisode douloureux qui l’attriste profondément. Heureusement, grâce à la mobilisation des autorités, le prix est retrouvé et restitué.
Un dernier rendez-vous manqué avec le FESPACO
Pour honorer son immense carrière, le comité du FESPACO 2025 l’avait désigné Président du jury du long métrage. Il devait être à la tête de cette grande fête du cinéma africain, lui qui en avait été l’un des plus grands lauréats.
Ce mercredi matin, il s’adressait encore à la presse à Bamako, exprimant sa fierté et sa reconnaissance pour cette nomination. Quelques heures plus tard, la nouvelle de son décès tombait comme un choc.
Aujourd’hui, le Mali perd un grand homme, mais son œuvre reste. Il a montré au monde que le cinéma africain peut être puissant, profond et universel.
Souleymane Cissé n’est plus, mais ses films parleront pour lui, encore et toujours.

6e journée en retard du championnat national : Adama Goïta, héros du Djoliba dans un derby sous tension   

Le Djoliba AC a pris le dessus sur son éternel rival, le Stade Malien de Bamako, en s’imposant 1-0 dans le match en retard de la 6ème journée de la Ligue 1 malienne. Un succès qui porte la signature d’Adama Goïa, unique buteur d’une rencontre intense et disputée au stade Mamadou Konaté, sous les yeux d’un public surchauffé.

Dès les premières minutes, le ton était donné : engagement physique, pressing intense et duels accrochés au milieu de terrain. Le Stade Malien, porté par ses supporters, a tenté d’imposer son jeu, mais c’est le Djoliba qui s’est montré le plus efficace.
La délivrance est survenue à la 19ème minute. Sur une action collective bien construite, Adama Goïa (N°19) a su trouver le chemin des filets d’une frappe sèche, laissant le gardien stadiste impuissant.
L’unique buteur du match, Adama Goïa, est originaire de Kalaban Coura et un ancien joueur de l’AS Bakaridjan. Libéré par son ancien club, il a été rapidement recruté par le Djoliba AC, où il brille désormais.
Le Stade Malien a tenté de réagir, mais la solidité défensive du Djoliba, bien organisée autour d’un axe central intraitable, a su contenir les assauts. Le dernier tournant du match est intervenu dans le temps additionnel (90+4), lorsque le Stade Malien a obtenu un penalty après un contact évident dans la surface. Daba Benoît Diakité du Djoliba a percuté Daouda Coulibaly du Stade Malien. Une faute indiscutable, le penalty ne souffrait d’aucun débat. Malheureusement pour les Blancs de Bamako, la tentative a été manquée, scellant ainsi leur défaite.
Conséquences au classement : le Djoliba conforte sa place de leader
Avec cette victoire, le Djoliba AC consolide sa première place au classement avec 24 points en 10 matchs, affirmant son ambition pour le titre. De son côté, le Stade Malien stagne à la 7ème place avec 16 points en 10 rencontres, une situation inconfortable pour un club habitué aux sommets du football malien.
Les deux clubs ayant été éliminés prématurément des compétitions africaines, la Ligue 1 malienne représente leur seule chance de titre cette saison. Pour le Djoliba, cette victoire face au grand rival renforce sa dynamique positive et son statut de favori. Mais la route est encore longue et chaque match sera une bataille.
Quant au Stade Malien, cette défaite souligne les difficultés actuelles du club. Si les Blancs veulent réintégrer la course au titre, ils devront réagir rapidement et retrouver l’efficacité qui a fait leur force par le passé.
Un derby qui laisse des traces
Ce derby restera gravé dans les mémoires par son intensité et son enjeu. La prestation d’Adama Goïa en héros du Djoliba, la tension à son paroxysme en fin de match, et la frustration du Stade Malien en font un épisode marquant de cette saison.
Reste à voir comment les deux équipes rebondiront dans la suite du championnat. Une chose est sûre : le sprint final promet d’être palpitant.

Passeport AES : Une reconnaissance en question

Depuis la mise en circulation, le 29 janvier 2025, du nouveau passeport biométrique de l’Alliance des États du Sahel (AES), de nombreux citoyens maliens font face à des obstacles administratifs, notamment lors de demandes de visas pour l’espace Schengen. Ces difficultés soulèvent des questions quant à la reconnaissance et à l’authentification de ce nouveau document de voyage.

Plusieurs détenteurs du passeport AES ont rapporté des refus systématiques de la part de certaines missions diplomatiques, en particulier au consulat de France à Bamako. Ces refus entravent leurs projets de voyage, qu’ils soient d’ordre professionnel, académique ou personnel. Un cas emblématique est celui d’un voyageur ayant perdu son ancien passeport CEDEAO avec un visa en cours de validité. Après avoir obtenu en urgence un passeport AES, sa demande de visa a été rejetée, le privant ainsi de son déplacement prévu.
Réaction des autorités maliennes
Face à ces allégations, le Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile du Mali a publié un communiqué le 16 février 2025, affirmant n’avoir reçu aucune saisine officielle concernant des difficultés liées à l’utilisation du passeport AES. Le ministère assure que toutes les procédures administratives ont été respectées, notamment la notification officielle à l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) et la transmission de spécimens physiques aux missions diplomatiques et consulaires accréditées au Mali dès le 22 janvier 2025. Néanmoins, le ministère reconnaît poursuivre des interactions avec certains partenaires pour résoudre des questions spécifiques liées à leurs procédures internes.
Une contradiction apparente
Le communiqué ministériel souligne que toutes les dispositions ont été prises pour la reconnaissance du passeport AES. Cependant, la mention de « poursuite d’interactions avec certains partenaires sur des questions spécifiques » suggère que des démarches sont encore en cours pour une acceptation complète du document. Cette dualité dans la communication officielle pourrait expliquer les retards ou les refus rencontrés par les citoyens maliens lors de leurs démarches consulaires.
Des précédents similaires
Ce n’est pas la première fois que l’introduction d’un nouveau passeport entraîne des complications. En 2012, la mise en circulation d’un passeport malien portant la mention CEDEAO avait conduit à des rejets de demandes de visas par les partenaires Schengen, faute d’information préalable. Ce n’est qu’après la transmission des spécimens aux autorités concernées que la situation s’était normalisée.
Dans l’attente d’une résolution complète de ces obstacles administratifs, le Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile invite les détenteurs du passeport AES à signaler toute difficulté rencontrée lors de leurs démarches. Une communication transparente et une collaboration étroite entre les autorités maliennes et les missions diplomatiques étrangères sont essentielles pour garantir la libre circulation des citoyens et éviter que des questions administratives ne se transforment en obstacles majeurs à la mobilité internationale.

Paix et réconciliation :  TAMOUZÔK-APC lance ses activités  

Le samedi 15 février 2025, l’Alliance pour la Paix et la Concorde (TAMOUZÔK-APC) a officiellement lancé ses activités au Centre International de Conférences de Bamako (CICB). Créée le 27 novembre 2024, cette organisation se donne pour mission de contribuer à la stabilisation du Mali à travers la sensibilisation des communautés, le dialogue intercommunautaire et la mobilisation des acteurs du vivre-ensemble.

L’événement a rassemblé des figures politiques, des leaders communautaires et des membres de la société civile, tous unis par la volonté d’accompagner les efforts de réconciliation et de développement du pays.
Dans son discours, Mossa Ag Attaher, président de la commission d’organisation de la cérémonie, a rappelé l’importance de la prise de conscience collective pour bâtir un Mali souverain, en paix et stable. Il a insisté sur le rôle central de TAMOUZÔK-APC dans la relance du développement socio-économique et du vivre-ensemble, tout en soulignant la nécessité d’une mobilisation active à travers le pays et au-delà, grâce aux bureaux implantés à l’intérieur et à l’extérieur du Mali.
Pour Bajan Ag Hamatou, président d’honneur de l’association, TAMOUZÔK-APC s’inscrit dans un soutien actif aux efforts des autorités de transition. Il a insisté sur la nécessité d’un engagement collectif pour une paix durable et une stabilité nationale, appelant tous les acteurs à s’impliquer pleinement dans cette dynamique.
Dialogue, cohésion et réinsertion au cœur du projet
Président de l’association, Alhamdou Ag Ilyène a mis en avant l’importance du dialogue initié par les autorités pour restaurer la confiance et apaiser les tensions. Il a appelé les groupes armés à déposer les armes, rappelant que la solution aux conflits passe par la réconciliation et la reconstruction du pays. Il a également rendu hommage aux devanciers ayant œuvré pour l’unité nationale et réaffirmé la nécessité d’un État fort, juste et respecté, capable de garantir la sécurité et le développement socio-économique.
Saluant la relance du processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR), il a insisté sur la nécessité d’intégrer les anciens combattants dans des programmes de réinsertion pour favoriser leur retour dans la société. Selon lui, les terroristes doivent être combattus, mais le dialogue doit rester un levier majeur pour pacifier le pays.
Il a également rappelé que le Mali est un pays de diversité culturelle, où le dialogue doit être permanent et inclusif. Il a invité toutes les parties à saisir la main tendue du gouvernement, insistant sur la promotion des valeurs de paix, de réconciliation et de cohésion nationale.
Un soutien affirmé du gouvernement pour la réconciliation et le développement
Invité d’honneur de la cérémonie, le ministre de la Réconciliation nationale, le général de corps d’armée Ismaël Wagué, a exprimé sa satisfaction d’être présent et a salué l’initiative de TAMOUZÔK-APC. Il a réaffirmé l’engagement de l’État à accompagner l’association, soulignant que le gouvernement soutiendra toutes les initiatives visant la paix, la réconciliation et le développement.
Rappelant que l’État est équitable avec tous ses fils, même les plus égarés, il a appelé à l’union de toutes les communautés maliennes, notamment celles engagées dans un processus de réconciliation. Il a évoqué l’exemple de l’Alliance des Bérabich, qui a rejoint cette dynamique, et a encouragé les autres communautés à suivre cette voie vers une stabilité durable.
La cérémonie de lancement de TAMOUZÔK-APC marque le début d’une nouvelle dynamique de dialogue et de pacification au Mali. L’association prévoit de déployer des actions sur le terrain à travers des forums de dialogue, des campagnes de sensibilisation et des programmes de réinsertion pour contribuer à la consolidation de la paix.
Face aux défis sécuritaires et sociaux, TAMOUZÔK-APC se positionne comme un acteur clé du processus de réconciliation, appelant toutes les forces vives du pays à s’unir pour restaurer la stabilité et bâtir un Mali en paix et prospère.

Tragédie minière à Bilalkoto : Un samedi noir pour Kéniéba

Un drame s’est produit ce samedi 15 février 2025 dans le village de Bilalkoto, commune de Dabia, cercle de Kéniéba. Une machine excavatrice utilisée par des exploitants chinois s’est renversée sur un groupe de femmes qui creusaient dans une fosse à la recherche d’or. Selon des témoins sur place, il y’aurait une quarantaine de morts dobt de nombreuses femmes. Plusieurs blessés graves ont été transportés d’urgence à l’hôpital de Kéniéba. Le bilan exact reste incertain, mais les recherches se poursuivent.

Ce drame fait écho à un autre effondrement survenu il y a quelques jours dans le Mandé, cercle de Kangaba, où une dizaine d’orpailleuses ont péri sous un éboulement dans une ancienne mine exploitée autrefois par des Chinois. Ce nouvel accident dévoilent encore les dangers qui entourent l’orpaillage artisanal au Mali, en particulier dans le sud du pays, où l’exploitation minière s’intensifie sans véritable encadrement.
À Kéniéba, comme dans plusieurs localités aurifères du pays, les mines artisanales se multiplient, souvent dans des conditions précaires. De nombreuses fosses sont creusées sans aucune mesure de sécurité, rendant les éboulements fréquents et meurtriers. Les habitants dénoncent aussi l’utilisation de machines lourdes sur des terrains instables, aggravant encore les risques. Mais au-delà des conditions de travail, c’est toute la question de la gestion des ressources minières qui revient sur le devant de la scène. Réagissant à cet événement, le Premier ministre a indiqué que cette situation ne sera pas un fait divers. Avant de promettre qu’une enquête sera ouverte pour situer des responsabilités.
Dans la région, l’arrivée massive d’opérateurs étrangers, souvent avec la complicité de certains acteurs locaux, suscite colère et frustration. Beaucoup accusent ces exploitants de piller les ressources du pays tout en mettant en danger la vie des populations. « Ils prennent nos terres, ils creusent n’importe comment et nous, on meurt sous leurs machines », s’indigne un orpailleur du cercle de Kéniéba.
Face à cette énième tragédie, la population appelle à une réaction urgente des autorités. Si rien n’est fait, ces mines à ciel ouvert continueront d’engloutir des vies, laissant derrière elles des familles endeuillées et des villages en deuil.

Émission de titres publics : le Mali cherche 1 255 milliards FCFA en 2025

Le ministère de l’Économie et des Finances a procédé, le 13 février 2025, au lancement du calendrier d’émission des titres publics. Pour l’année 2025, le Trésor public malien envisage de lever 1 255 milliards de FCFA sur le marché des titres de l’UEMOA.

Pour cette même année, l’État du Mali sollicite un montant de 1 255 milliards FCFA, qui sera mobilisé à travers 30 émissions, réparties en bons et obligations du Trésor pour des montants respectifs de 435 milliards FCFA et 820 milliards FCFA, avec deux appels publics à l’épargne. Ce niveau d’endettement est conforme à la stratégie d’endettement du pays et préserve la viabilité de la dette publique, avec un ratio d’encours de la dette prévu à 50,6 % en 2025, contre une norme communautaire de 70 %, estime le Trésor du Mali. Le déficit budgétaire, qui justifie cet endettement, est prévu à 3,5 % du PIB en 2025.
En termes de perspectives, pour atteindre les objectifs de la vision Mali 2063 dans le cadre de la stratégie nationale 2024-2033, plusieurs défis demeurent à relever. Parmi ceux-ci figurent la diversification du secteur minier, le rapprochement des zones de production et de consommation, et surtout, l’exploitation efficiente du potentiel du pays.
Concernant le taux de pression fiscale, il est attendu à 16,2 % en 2025, avec une prévision d’environ 18 % pour 2027.
Contexte difficile
En 2024, le Mali a levé 976 milliards de FCFA sur le marché des titres de l’UEMOA, un résultat obtenu à travers 30 émissions. Bien que ce montant soit en deçà des prévisions initiales de 1 080 milliards FCFA, il est jugé satisfaisant compte tenu du contexte particulier, selon le Directeur général du Trésor et de la Comptabilité publique. Ce contexte est marqué par l’essoufflement des banques, le faible taux de couverture, le renchérissement des coûts d’emprunt, ainsi que le maintien des taux directeurs de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Toutefois, ces impacts ont été atténués, assure le Directeur général, grâce à la performance des services de recouvrement, notamment à travers les négociations avec les sociétés minières.
Parmi les 976 milliards FCFA mobilisés, on note une participation de 70 % des banques maliennes.
Un contexte particulièrement difficile a été rappelé par la Directrice de l’UEMOA Titres. Les conséquences de la crise russo-ukrainienne ont affecté la mobilisation des ressources dans la zone. Malgré cela, le marché des titres a montré une résilience, mobilisant au total 8 127 milliards FCFA en 2024, en hausse de 13 % par rapport à 2023. En 2025, les États de la zone envisagent de lever 9 212 milliards FCFA.
Le ministre de l’Économie et des Finances a souligné que la mise en œuvre du nouveau code minier et le processus de digitalisation des moyens de paiement visent à générer davantage de recettes pour les caisses de l’État. Grâce à une gestion prudente, selon les autorités, le déficit budgétaire du Mali est estimé à -2,5 % en 2024, contre une prévision de 4,4 %.

Vœux à la presse: Modibo Sidibé plaide pour un « Mali Kura » fondé sur la souveraineté, la justice et la prospérité

Lors de la traditionnelle présentation de vœux aux médias, le 12 février 2025, le président du Comité Stratégique du M5-RFP Mali Kura, Modibo Sidibé, a dressé un bilan sans complaisance de l’année écoulée et tracé les perspectives d’un Mali tourné vers l’avenir. Entre avancées sécuritaires, défis économiques et tensions politiques, l’ancien Premier ministre a appelé à un sursaut national pour refonder le pays sur des bases solides et inclusives.

Modibo Sidibé a d’abord rendu hommage aux victimes des crises successives, militaires et civiles, avant de rappeler les engagements initiaux du M5-RFP : instaurer une gouvernance vertueuse et poser les bases d’un État refondé. Il a souligné que malgré la reconquête territoriale symbolisée par la libération de Kidal, les défis sécuritaires persistent. « La montée en puissance des FAMAs est une réalité, mais la menace terroriste demeure omniprésente », a-t-il averti, évoquant notamment l’attaque meurtrière de Bamako en septembre dernier et l’embuscade récente sur l’axe Ansongo-Gao.
Le président du Comité Stratégique a plaidé pour une approche globale : « La lutte contre le terrorisme ne saurait se limiter au ‘tout militaire’. Elle doit s’accompagner d’un développement socio-économique ambitieux, de formations adaptées pour la jeunesse et d’une éducation civique renforcée ». Il a ainsi exhorté les autorités à une meilleure prise en compte des besoins des déplacés, des victimes des inondations et des populations vulnérables, rappelant que 4,5 millions de Maliens nécessiteront une assistance alimentaire en 2025.
Si le Mali affiche une prévision de croissance de 5,3 % en 2025, principalement portée par l’or, le coton et le lithium, l’économie reste fragile et dépendante des fluctuations mondiales. Modibo Sidibé a dressé un tableau sombre : flambée des prix des denrées de première nécessité, crise énergétique persistante, manque d’investissements publics structurants et crise de liquidités touchant l’ensemble des secteurs. « Le panier de la ménagère est de plus en plus léger, et les entreprises souffrent d’un environnement des affaires dégradé », a-t-il déploré.
La question de la dette publique, qui s’élève à 56 % du PIB, a également été soulevée. « Un surendettement qui ne se traduit pas par une amélioration des conditions de vie des populations devient un véritable goulot d’étranglement », a-t-il soutenu, appelant à une gestion transparente et rigoureuse des ressources, notamment les 500 milliards de FCFA d’investissements exceptionnels récemment annoncés.
Modibo Sidibé a sévèrement critiqué les décisions unilatérales prises par les autorités, notamment la dénonciation de l’Accord d’Alger et le retrait de la CEDEAO, sans concertation nationale préalable. « Nous sommes aujourd’hui dans une situation où les perspectives de retour à l’ordre constitutionnel sont floues. L’interdiction des activités politiques et l’emprisonnement de leaders d’opinion en 2024 sont des signaux inquiétants », a-t-il déclaré.
S’il salue la libération des 11 leaders politiques détenus durant cinq mois, il estime que cela ne constitue pas une garantie d’élections libres en 2025. « L’absence de visibilité et le silence des autorités sur le calendrier électoral alimentent les doutes », a-t-il insisté, appelant à un dialogue inclusif sur l’avenir institutionnel du pays.
Un appel à la souveraineté et à l’intégration africaine
Concernant la sortie du Mali de la CEDEAO, Modibo Sidibé reconnaît les griefs du gouvernement, mais regrette une rupture brutale sans alternative claire. « Nous devons transformer cette crise en opportunité en refondant la CEDEAO plutôt que de la quitter. L’intégration sous-régionale est une nécessité historique et stratégique pour le Mali », a-t-il affirmé, tout en proposant une double dynamique : structurer l’Alliance des États du Sahel (AES) en pôle de stabilité et engager un dialogue sur l’avenir de la communauté ouest-africaine.
Vers un « Mali Kura » : entre espoir et engagement
Dans son discours, l’ancien Premier ministre a rappelé l’ambition du M5-RFP Mali Kura : un Mali maître de son destin, fondé sur la souveraineté, la justice et la prospérité. « Nous devons mobiliser toutes les forces vives pour construire un avenir conforme aux aspirations profondes du peuple malien », a-t-il déclaré.
Il a enfin lancé un appel aux médias, soulignant leur rôle crucial dans la construction d’un débat national apaisé et constructif. « Un journalisme engagé, intègre et responsable est essentiel pour éclairer les citoyens et renforcer la cohésion sociale ».
Pour finir, Modibo Sidibé a formulé ses vœux pour 2025, souhaitant une année de paix, de solidarité et de progrès pour le Mali. Un message d’espoir synonyme à un appel à la responsabilité collective pour sortir durablement le pays de la crise.

Télécommunications : Les taxes de trop ?

Le gouvernement de transition a adopté par ordonnance, lors du Conseil des ministres du 5 février 2025, un projet de texte instituant de nouvelles taxes sur les services téléphoniques. Selon les autorités, les recettes issues de ces nouvelles taxes sont destinées à financer des initiatives publiques visant à améliorer les conditions de vie des populations. Cependant, elles sont décriées par une partie des Maliens.

Le projet de texte adopté porte sur la création, l’organisation et les modalités de gestion du Fonds de soutien aux projets d’infrastructures de base et de développement social. Ce fonds sera alimenté exclusivement par un prélèvement spécifique sur la consommation des services commerciaux de communications téléphoniques et les opérations de retrait dans le cadre des transferts d’argent via le mobile money.

Désormais, un taux de 10% sera prélevé sur les recharges téléphoniques et un autre de 1% sur les retraits d’argent via le mobile money. En clair, pour chaque recharge de 1 000 francs CFA, seulement 900 francs seront désormais crédités sur le compte de l’utilisateur, 100 francs étant prélevés par l’État. Quant aux transactions via mobile money, le retrait de 10 000 francs coûtera désormais 200 francs au lieu de 100 francs, avec 100 francs prélevés par l’État.

Des taxes qui divisent

Ces taxes, qui touchent directement les consommateurs, ont suscité de nombreuses réactions au sein de la population. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le Président du Forum des organisations de la société civile, Alou Badra Sacko, appelle le gouvernement à revoir sa décision, estimant qu’elle est injustifiée pour des Maliens déjà confrontés à de nombreuses difficultés.

« Ce n’est pas normal qu’on impose de nouvelles taxes au peuple alors que le budget de la Présidence ne cesse d’augmenter. De 12 milliards en 2022, ce budget a atteint 17,7 milliards en 2025 », fustige-t-il, remettant également en question la gestion des revenus issus de l’exploitation des mines, notamment du lithium, censés renflouer les caisses de l’État.

Un avis similaire est partagé par l’analyste politique Ousmane Bamba, qui estime que c’est une mauvaise décision de toucher aux recharges téléphoniques et au mobile banking, qui est « l’argent des pauvres ». « Cette mesure affecte directement le panier de la ménagère. Il aurait d’abord fallu qu’au plus haut sommet on donne l’exemple. Il y a des poches qu’on aurait pu serrer avant de s’attaquer au panier de la ménagère », dénonce le modérateur du « Forum du Kénédougou ».

Pour sa part, Sory Ibrahima Traoré, Président du Front pour l’Émergence et le renouveau du Mali (FER – Mali), affirme adhérer « pleinement » aux nouvelles taxes envisagées, « qui visent à compenser le vide créé par la crise profonde avec nos partenaires ». « À mon avis, le gouvernement a déjà perdu trop de temps avant de mettre en place les conditions nécessaires pour augmenter la contribution de chaque Malienne et chaque Malien », avance-t-il, soutenant qu’il est impératif que ces mesures soient accompagnées d’une réduction drastique du train de vie de l’État.

Cheick Oumar Diallo, Président du Mouvement Nouvel Horizon – Faso Jo Sira, partage le même avis. Pour lui, l’imposition de ces nouvelles taxes est une décision difficile, mais un choix courageux qui pourrait réduire le déficit public. « Cette mesure fiscale ne devrait pas être perçue uniquement comme une contrainte, mais comme une contribution au développement national », affirme-t-il.

Faire face à la crise énergétique

Face aux différentes réactions suscitées par l’adoption du projet de texte instituant de nouvelles taxes sur les services téléphoniques, le Premier ministre et le ministre de l’Économie et des Finances ont tenu un point de presse, le 10 février 2025, à la Primature pour fournir des explications.

Selon eux, avant de prendre la décision d’instituer ces nouvelles taxes, le gouvernement a consulté la société civile et au moins sept associations de consommateurs, qui ont donné leur aval. Ces nouvelles taxes sur les recharges téléphoniques et les transactions via mobile money devraient générer environ 140 milliards de francs CFA par an pour l’État, qui les investira dans le secteur énergétique, confronté à une crise sans précédent depuis deux ans.

« Le but du Fonds de soutien aux projets d’infrastructures de base et de développement social est de faire en sorte que des projets urgents puissent être traités avec célérité. Nous savons qu’aujourd’hui, si l’on doit parler d’urgence, c’est surtout la crise énergétique. Avec ces taxes, nous pouvons trouver une solution sans augmenter le prix du courant pour les Maliens », a souligné le Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga.

En outre, l’État a également besoin de recettes supplémentaires pour gérer ses différentes dépenses, a expliqué le ministre de l’Économie et des Finances, Alousseini Sanou. « En 2020, le total de la masse salariale au Mali était de 690 milliards de francs CFA. Aujourd’hui, nous sommes à 1 100 milliards de masse salariale, compte tenu des recrutements dans le cadre de la lutte contre l’insécurité et des augmentations de salaires pour apaiser le climat social », a-t-il confié.

Vers une hausse des tarifs de communication ?

En plus des nouvelles taxes qui touchent directement les consommateurs, le Conseil des ministres a également adopté un projet d’ordonnance modifiant le Code général des Impôts et portant à 7% le taux de la Taxe sur l’Accès au Réseau des Télécommunications ouvert au public (TARTOP), payée par les opérateurs de téléphonie mobile.

Selon le gouvernement, l’essor prodigieux du secteur des télécommunications au cours des 20 dernières années, grâce à l’utilisation généralisée des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, devrait entraîner une hausse substantielle des contributions fiscales des opérateurs de téléphonie mobile.

« Nous avons estimé qu’en augmentant le taux de TARTOP de 2% nous n’allons nullement impacter l’équilibre financier de ces entreprises, qui ont eu suffisamment de temps pour s’ajuster », justifie le ministre de l’Économie et des Finances.

À l’en croire, avant de prendre cette décision, le gouvernement a échangé avec les opérateurs de téléphonie mobile, qui ont compris le bien-fondé de la mesure gouvernementale et n’y ont pas trouvé d’inconvénients.

Cependant, cette augmentation de la TARTOP n’aura-t-elle pas des répercussions sur le coût des services des opérateurs de téléphonie mobile ? Nos tentatives auprès des deux principaux opérateurs du pays pour répondre à cette interrogation n’ont pas abouti. D’ailleurs, ils n’ont pas réagi officiellement depuis l’annonce des mesures du gouvernement.

Selon l’avis d’un spécialiste en télécommunication ayant requis l’anonymat, cette augmentation de la TARTOP aura, d’une manière ou d’une autre, une incidence sur les tarifs de communication. « Les 2% de plus que ces opérateurs de téléphonie mobile vont payer à l’État, ils vont le récupérer auprès des consommateurs. Officiellement, il n’y aura pas d’augmentation des tarifs, mais la durée des crédits de communication ou des données mobiles, par exemple, pourrait être impactée », glisse notre interlocuteur.

200 milliards de recettes annuelles

Le gouvernement a également adopté un projet d’ordonnance portant institution de la Contribution spéciale de solidarité (CSS) et d’une taxe spéciale sur la consommation de certains biens et services. Selon les explications du ministre de l’Économie et des Finances, cette taxe est inspirée de la CGS (Contribution générale de solidarité) mise en place pour la première fois en 2018 et constituée de 0,5% du chiffre d’affaires de toutes les entreprises installées au Mali. Quant à la taxe spéciale sur la consommation de certains biens et services, elle concerne uniquement les boissons alcoolisées, qu’elles soient produites localement ou importées.

L’ensemble des recettes annuelles attendues à partir de ces différentes taxes (sans la CSS payée par les entreprises) est estimé à environ 214 milliards de francs CFA, selon le Premier ministre : 140 milliards pour les taxes sur les recharges téléphoniques et les transferts via mobile money, 62 milliards pour la taxe sur les boissons alcoolisées et 12 milliards pour la hausse de la TARTOP.

Mohamed Kenouvi