Partis politiques : Un avenir remis en cause ?

Le spectre d’une dissolution plane de plus en plus sur l’ensemble des partis politiques au Mali. Alors que les Forces vives de la Nation sont appelées à se prononcer au niveau national fin avril sur la relecture de la Charte des partis, la plupart des formations politiques se retirent du processus.

La fin du processus de relecture de la loi N°05-047 portant Charte des partis politiques divise. Le gouvernement a annoncé, lors du Conseil des ministres du 9 avril dernier, la consultation des Forces vives de la Nation et des Maliens établis à l’extérieur pour la mise en œuvre des recommandations des Assises Nationales de la Refondation (ANR), dans le cadre de la relecture de la Charte des partis politiques. Si pour les autorités de la Transition il s’agira de discuter des propositions des partis politiques et des organisations de la société civile en vue de la formulation de recommandations précises permettant d’appréhender les modalités de mise en œuvre des recommandations des ANR, les partis politiques ne l’entendent pas de cette oreille.

Selon ces derniers, il est « difficilement compréhensible » de vouloir soumettre à de nouvelles concertations régionales des « résolutions déjà mises en œuvre sur plusieurs points ». En effet, la plupart des partis politiques avaient déjà soumis leurs propositions en commun lorsqu’ils avaient été saisis par le gouvernement et ils  s’interrogent sur la raison pour laquelle les autorités veulent encore consulter les Forces vives sur un sujet sur lequel elles « s’étaient clairement prononcées lors des ANR ».

Boycott

Lors d’un point de presse tenu le 15 avril 2025 à Bamako, 101 partis politiques issus de l’Initiative des partis politiques pour la Charte (IPAC), parmi lesquels l’ADEMA-PASJ, l’URD, le CNID-Faso Yiriwaton, le parti Yelema ou encore la CODEM, entre autres, ont annoncé leur décision unanime de ne pas prendre part aux consultations des Forces vives.

En lieu et place de ces consultations, ils ont demandé au Premier ministre, lors d’une rencontre le 13 avril, d’ouvrir « sans délai » un « dialogue responsable » avec la classe politique sur la Charte qui la concerne au premier chef.

« Nous ne pouvons pas demander de renoncer à ces concertations parce que, pour nous, la formule choisie n’est pas la bonne, et au même moment y participer », explique Issa Diarra, 2ème Vice-président de l’ASMA-CFP.

À en croire ce dernier, cette non-participation des partis politiques a été mûrement réfléchie et ne risque pas de se retourner contre eux.

« Dans la forme qui est annoncée, même si les partis politiques y participaient, les décisions finales sont déjà peut-être plus ou moins préparées », affirme M. Diarra.

Vers une dissolution ?

Certains bruits de couloirs qui proviennent de quelques Forces vives réputées proches des autorités gouvernementales tendent de plus en plus vers des recommandations finales des consultations allant dans le sens d’une dissolution des partis politiques ou d’une nouvelle suspension de leurs activités.

Dans la répartition des quotas des participants dans les régions et dans le District de Bamako, la Direction régionale des Collectivités, les élus et les chefs de quartiers ou de villages sont les mieux représentés, avec 12 participants sur 22. Les 10 autres places sont réparties entre le Gouvernorat (2), le Préfet ou son adjoint (2), les femmes (1), les jeunes (1), les leaders religieux (2) et les partis politiques (2).

La crainte des partis politiques viendrait du fait qu’ils estiment être sous-représentés et donc pas en mesure de peser dans la prise des décisions finales lors de ces consultations sur l’éventuel sujet de leur dissolution.

Toutefois, préviennent-ils, tout en faisant le rapprochement avec le Burkina Faso et le Niger, « il est important d’avoir présent à l’esprit que ces deux pays frères et amis de la Confédération AES n’ont pas de Constitution en vigueur comme au Mali et que contrairement à chez eux, les Forces vives du Mali réunies dans le cadre des ANR ont reconnu et validé l’existence des partis ».

Mohamed Kenouvi

L’école malienne à l’épreuve de l’abandon

Le système éducatif malien s’enfonce lentement dans une crise profonde. Plus de 1700 écoles ont fermé leurs portes à travers le pays, laissant plus de 500 000 enfants hors du système scolaire. Ce chiffre, aussi glaçant qu’alarmant, traduit une réalité que personne ne peut ignorer. Derrière ces établissements à l’abandon, ce sont des générations entières qui voient leur avenir compromis.

Les enseignants, de leur côté, multiplient les grèves. Les causes varient selon les ordres d’enseignement, mais le fond reste le même. Retards de paiements, absence de dialogue social, conditions de travail précaires, sentiment d’abandon. Pire, certains refusent désormais d’aller enseigner dans les zones à risque, souvent par peur, mais aussi par résignation. Le fossé se creuse entre les discours officiels et les réalités du terrain.

En janvier 2024, les États généraux de l’Éducation avaient pourtant fait naître l’espoir d’une refondation ambitieuse. Un an plus tard, les grandes lignes du rapport final peinent à se traduire dans les actes. Les réformes annoncées s’enlisent, pendant que les écoles se vident ou ferment. La perte de confiance est palpable, non seulement chez les enseignants, mais aussi dans les familles.

Pourtant, l’école est le socle de toute Nation qui veut construire son avenir. Ignorer sa détresse revient à poser les bases d’un effondrement silencieux. Le Mali ne peut pas se permettre de former des enfants sans enseignants, ni d’abandonner des zones entières à l’analphabétisme. Il est encore temps d’agir, à condition de se mettre au travail maintenant.

Massiré Diop

Drone malien abattu : Alger et Bamako au bord de la rupture

La destruction d’un drone malien à la frontière algérienne, dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, a ravivé une tension déjà vive entre les deux voisins. Rappel des ambassadeurs, retrait du CEMOC, fermeture de l’espace aérien, jamais l’escalade n’avait atteint un tel niveau de dégradation. Bamako accuse Alger d’actes hostiles, sur fond de divorce politique entamé depuis 2022.

L’affaire du drone malien de type Akıncı, abattu près de Tinzaouatène, a provoqué une onde de choc diplomatique entre le Mali et l’Algérie. L’appareil, selon Bamako, n’avait pas franchi la frontière alors que, pour Alger, il s’agissait d’une violation caractérisée de son espace aérien. Cet épisode a déclenché une cascade de décisions. En effet, le Mali a fermé son espace aérien en réponse à une décision similaire de l’Algérie, s’est retiré du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) basé à Tamanrasset et a saisi le Conseil de sécurité des Nations unies.

La réaction des pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) a été partagée. Si les ambassadeurs du Niger et du Burkina Faso ont été rappelés, ces pays n’ont pas suivi le Mali dans la fermeture de leur espace aérien. De plus, le Niger, en particulier, est resté dans le CEMOC, soulignant des divergences stratégiques au sein de l’alliance sahélienne.

Au-delà de l’incident, c’est l’accumulation de tensions depuis 2022 qui a mené à cette situation. En janvier 2024, Bamako a officiellement dénoncé l’Accord d’Alger signé en 2015, reprochant à l’Algérie d’héberger des figures jugées hostiles à la Transition, comme l’Imam Mahmoud Dicko ou certains responsables de l’ex-CMA, aujourd’hui regroupés sous la bannière du FLA. Des accusations de complaisance avec des groupes armés sévissant au Mali circulent, alimentant une méfiance persistante.

Les joutes diplomatiques ont franchi un seuil inédit lorsqu’elles se sont invitées à la tribune du Conseil de sécurité. Le Mali y a évoqué des actes de déstabilisation, tandis qu’Alger a dénoncé des « dérives » et mis en garde contre l’escalade. En parallèle, les autorités maliennes ont renforcé leurs liens avec Moscou et Ankara, tout en affichant un rapprochement politique avec Rabat, notamment autour de l’Initiative royale pour l’accès à l’océan Atlantique.

Coopération bilatérale forte désormais suspendue

Longtemps considérée comme un pilier de la stabilité régionale, la coopération entre le Mali et l’Algérie s’articulait autour de plusieurs axes tels que la sécurité, l’éducation, l’économie, la diplomatie… Cette architecture s’est progressivement effondrée.

Sur le plan sécuritaire, l’Algérie jouait depuis les années 1990 un rôle de médiateur entre Bamako et les groupes armés du Nord. Elle a parrainé successivement les accords de Tamanrasset (1991), le Pacte national (1992), l’accord de 2006, puis celui de 2015. Ce dernier, soutenu par l’ONU, a longtemps été le socle de la paix fragile dans le Septentrion malien. Sa dénonciation par le Mali en 2024 a marqué un tournant stratégique.

La Commission mixte Mali – Algérie, autrefois moteur du dialogue bilatéral, est aujourd’hui inactive. Les réunions conjointes sur la sécurisation des 1 329 km de frontière commune sont suspendues. Le corridor transsaharien qui facilitait jadis les échanges militaires et humanitaires – notamment l’acheminement des équipements russes depuis 2021 – est désormais fermé.

Les échanges commerciaux, eux aussi, sont en chute libre. De 67 millions de dollars en 2016, leur volume est tombé à environ 22 millions en 2024, selon des données algériennes. Les prévisions pour 2025 évoquent moins de 10 millions. Les postes frontaliers sont de plus en plus inactifs et les projets transfrontaliers, comme le développement des infrastructures dans la zone de Bordj Badji Mokhtar, sont gelés.

Seule la coopération éducative est encore fonctionnelle. L’Algérie a accordé 825 bourses aux étudiants maliens pour l’année universitaire 2023 – 2024, contre seulement 200 en 2022 – 2023. Ces étudiants sont répartis entre Alger, Tizi Ouzou, Oran, Béjaïa, Batna, Blida, Biskra et Mostaganem, avec des filières prioritaires comme les sciences de l’ingénieur, la médecine, l’économie, l’agronomie et le droit. Aucun incident diplomatique n’est venu perturber cette coopération universitaire, qui reste l’un des derniers canaux de contact entre les deux pays.

Sur le plan militaire, des officiers maliens poursuivent toujours des formations dans les académies algériennes, notamment à Cherchell. Le nombre de stagiaires varie de 10 à 20 par an, selon des estimations diplomatiques. Là aussi, aucune décision officielle n’a mis fin à ces programmes, bien qu’ils soient devenus plus discrets.

Enfin, la présence humaine reste importante. Des milliers de Maliens vivent en Algérie, en particulier dans les zones sahariennes comme Tamanrasset. Si certaines tensions migratoires ont été signalées, aucun refoulement massif n’a été confirmé récemment. Les relations humaines et commerciales entre populations locales, notamment à travers la transhumance et les marchés transfrontaliers, restent actives à petite échelle, bien que fragilisées.

La crise énergétique s’invite

Depuis l’escalade des tensions, plusieurs régions du nord du Mali, notamment Kidal, Gao et Ménaka, font face à une aggravation de la crise logistique et énergétique. L’un des signes les plus frappants de cette dégradation est l’augmentation spectaculaire des prix des produits de première nécessité, en particulier du carburant.

Selon plusieurs sources locales, le litre d’essence est désormais vendu 2 000 francs CFA contre environ 1 000 francs quelques semaines plus tôt. Cette hausse est attribuée à la raréfaction de l’approvisionnement depuis la fermeture du corridor transsaharien. Les camions en provenance d’Algérie, souvent porteurs de produits essentiels, sont désormais bloqués et les circuits d’approvisionnement informels sont asphyxiés.

La situation a des effets en cascade comme la raréfaction des transports, la hausse des prix des denrées alimentaires, l’effondrement de l’activité commerciale dans les marchés hebdomadaires, l’exode temporaire de certaines populations vers des zones plus accessibles. Des ONGs évoquent un risque de crise humanitaire silencieuse si la situation persiste.

Réalignement géopolitique et déséquilibres internes

Le durcissement de la posture diplomatique malienne traduit un repositionnement stratégique assumé. Le pays a tourné le dos à la CEDEAO, au G5 Sahel, à Barkhane et à la Minusma pour privilégier des partenaires comme la Russie, la Turquie ou le Maroc. Ce virage, qualifié de souverainiste par les autorités, est perçu par certains comme une forme d’isolement diplomatique risqué, surtout dans un contexte régional instable.

L’Algérie, quant à elle, maintient une diplomatie prudente, multilatérale et conserve un rôle majeur dans les enceintes comme l’Union africaine ou l’ONU. Son retrait des affaires maliennes, volontaire ou contraint, pourrait désorganiser les processus de paix dans le nord du Mali et rendre les acteurs armés non étatiques plus libres de leurs mouvements.

Certains analystes sont convaincus que la rupture actuelle pourrait n’être que  temporaire. Des canaux indirects – notamment via l’Union africaine ou certains pays intermédiaires comme la Russie ou la Chine – pourraient servir de ponts pour une reprise du dialogue. Le maintien de certaines coopérations techniques (bourses, formations, diaspora) est souvent perçu comme une soupape de sécurité permettant d’éviter une rupture totale.

Les relations entre le Mali et l’Algérie sont au plus bas, le dialogue est gelé, la confiance brisée et les mécanismes de coopération suspendus. Pourtant, les deux pays restent liés par la géographie, l’histoire, les communautés et des défis communs tels que le terrorisme, les migrations, la circulation des armes et l’économie frontalière.

La fracture actuelle reflète autant une crise bilatérale qu’un changement profond dans les équilibres géopolitiques du Sahel. Pour que la dynamique bilatérale reparte, il faudra un signal fort, une volonté réelle d’apaisement et probablement l’implication de médiateurs extérieurs. En attendant, la crise du drone restera comme le symbole d’un divorce malien-algérien plus large qu’un simple incident militaire.

Massiré Diop

Le rejet de la science climatique par l’EPA menace tout le monde

À la mi-mars, Lee Zeldin, l’administrateur de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), nouvellement confirmé par le président Donald Trump, a annoncé que l’EPA entreprenait un réexamen formel de sa « conclusion de mise en danger ». L’administration Trump n’a jamais caché son désir d’annuler la déclaration de 2009 selon laquelle les émissions de gaz à effet de serre (GES) mettent en danger « à la fois la santé publique et le bien-être des générations actuelles et futures ». En d’autres termes, Donald Trump souhaite revenir sur l’affirmation du gouvernement américain selon laquelle le changement climatique est réel et causé par l’homme.

 

Ce constat scientifique découle d’un arrêt de la Cour suprême des États-Unis de 2007, selon lequel divers GES sont des polluants couverts par la loi sur la qualité de l’air (Clean Air Act). La Cour a estimé que l’EPA devait déterminer si les émissions de GES des nouveaux véhicules à moteur « causent ou contribuent à une pollution de l’air dont on peut raisonnablement penser qu’elle met en danger la santé ou le bien-être du public ». Pour être clair, l’arrêt n’ordonne pas à l’EPA de réglementer les émissions de gaz à effet de serre. Mais si l’agence constate que les émissions causent ou contribuent à la pollution de l’air, la loi sur la qualité de l’air l’oblige à établir des normes de qualité de l’air qui reflètent fidèlement « les dernières connaissances scientifiques ».

 

Pour ce faire, l’EPA a dû étudier la littérature scientifique, évaluer les risques existants et émergents sur la base de cette science, et évaluer les coûts et les avantages associés à d’autres options de réglementation potentielle. L’agence a ensuite publié un avant-projet de ses conclusions et de ses options politiques pour une période de consultation publique de 60 jours, et elle a dû répondre publiquement à chaque commentaire tout en révisant le document.

 

Après avoir publié une version finale de ses conclusions sur la mise en danger et la « cause ou contribution » – cette dernière reconnaît que les émissions de GES des nouveaux véhicules à moteur contribuent à la pollution atmosphérique – en décembre 2009, l’EPA a commencé à concevoir sa réponse et à mettre en œuvre les mesures appropriées. Mais la réaction a été presque immédiate. En juillet 2010, l’agence avait reçu et rejeté dix demandes de réexamen des deux conclusions. En juin 2012, à la suite d’un groupe de poursuites judiciaires, la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit du district de Columbia a confirmé la conclusion de mise en danger. Plus tard, en avril 2022, l’EPA a rejeté quatre autres demandes de réexamen.

 

Mais aujourd’hui, avec un président américain qui qualifie le changement climatique de « canular » et qui suit un plan pour limiter la politique environnementale et climatique des États-Unis au nom de l’extraction des combustibles fossiles et de la déréglementation, l’EPA a brusquement changé de cap. Les raisons invoquées pour réexaminer le constat de mise en danger sont ténues. Elles reposent en partie sur de fausses affirmations concernant le programme climatique, notamment le fait qu’il a imposé aux Américains des coûts se chiffrant en milliards de dollars.

 

Il n’en reste pas moins que l’EPA a un chemin difficile. Avant de parvenir à la conclusion inverse, à savoir que les émissions de gaz à effet de serre ne mettent pas en danger la santé et le bien-être des populations, l’agence doit entreprendre le même processus, rigoureux et en plusieurs étapes, que celui qui a abouti à la conclusion de 2009. De plus, elle doit maintenant faire face à un corpus de preuves scientifiques beaucoup plus important concernant les dommages observés et prévus de ces émissions : les seize dernières années ont donné lieu à de nombreuses recherches soulignant les effets néfastes des émissions de gaz à effet de serre.

 

La gravité de la crise climatique est apparue plus clairement en 2019, lorsque quinze scientifiques ont publié dans la revue Science une analyse de la littérature scientifique de l’époque. Ils ont conclu que, depuis 2009, « la quantité, la diversité et la sophistication des preuves » avaient « augmenté de façon marquée, renforçant clairement l’argument de la mise en danger ». En 2023, la sixième évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a confirmé le message en constatant que « les effets néfastes du changement climatique d’origine humaine continueront de s’intensifier ». Le rapport souligne qu’ils s’aggravent plus rapidement que jamais.

 

Le simple fait de se lancer dans une réévaluation officielle du constat de mise en danger pourrait produire l’effet souhaité par l’administration Trump : un recul massif de l’action climatique au niveau fédéral. C’est déjà le cas dans une certaine mesure. L’EPA a annoncé son intention de supprimer sa branche de recherche scientifique, alors que presque toutes les agences américaines dépendent de la science climatique qu’elle produit.

 

En outre, les nouveaux dirigeants des nombreux ministères qui soutiennent la recherche sur le réchauffement climatique – de la Santé et des Services sociaux (qui abritent les Instituts nationaux de la santé) au Commerce (qui abrite l’Administration nationale océanique et atmosphérique) – partagent largement le climato-scepticisme de Donald Trump. Le réexamen par l’EPA du constat de mise en danger leur donnera une couverture pour défrayer les programmes scientifiques existants, interrompre la collecte de séries de données précieuses, rejeter les propositions de recherche créatives, geler les embauches du gouvernement et entreprendre des réductions de personnel à grande échelle.

 

Le mépris de l’administration Trump pour la science, associé à des coupes sombres dans le financement de la recherche pour les universités, les ONG et le secteur privé, pourrait finir par décourager toute une génération de jeunes d’étudier le changement climatique. Quelle que soit la décision de l’EPA concernant le constat de mise en danger, il est presque certain que le processus s’éternisera, qu’il donnera lieu à de multiples procès et qu’il ira jusqu’à la Cour suprême – à ce moment-là, le mal sera peut-être déjà fait. Le démantèlement du programme de recherche sur le climat le plus prodigieux au monde menace de nuire aux Américains – et à tous.

 

Gary Yohe est professeur émérite d’économie à l’université de Wesleyan.

 

Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

L’IA comblera-t-elle ou creusera-t-elle l’écart de développement ?

L’IA est souvent présentée comme le prochain sommet de l’innovation humaine, en raison de son potentiel à révolutionner les industries, à transformer les économies et à améliorer les conditions de vie. Mais l’IA profitera-t-elle vraiment à tout le monde ou creusera-t-elle les fossés existants ? La réponse dépend de la manière dont la technologie est développée, déployée et gouvernée. En l’absence d’interventions ciblées, le potentiel de l’IA sera exploité à des fins étroites par ceux qui privilégient les profits au détriment des personnes.

 

Il est encourageant de constater que le coût du développement de l’IA commence à diminuer. Alors que la formation de GPT-4 d’OpenAI a coûté 100 millions de dollars, le modèle comparable de la start-up chinoise DeepSeek n’a apparemment coûté qu’une fraction de ce montant. Cette tendance a des implications prometteuses pour les pays en développement, qui ne disposent généralement pas des ressources financières massives qu’exigeaient les premières innovations en matière d’IA, mais qui pourraient bientôt être en mesure d’accéder à ces technologies et d’en tirer parti à un coût plus abordable. Les choix que nous faisons aujourd’hui détermineront si l’IA devient un instrument d’inclusion ou d’exclusion.

 

Pour que l’IA soit au service de l’humanité, nous devons nous concentrer sur les incitations. Aujourd’hui, le développement de l’IA est largement dicté par les forces du marché, avec un accent excessif sur l’automatisation et la monétisation des données personnelles. Les quelques pays à la pointe des technologies de l’IA investissent des milliards de dollars dans des applications qui remplacent la main-d’œuvre et exacerbent les inégalités. Pour aggraver les choses, les subventions gouvernementales se concentrent fréquemment sur les mérites techniques, qui visent souvent l’efficacité, sans tenir suffisamment compte de leur impact sociétal direct et indirect.

 

Lorsque des emplois disparaissent, l’instabilité économique, sociale et politique tend à suivre. Pourtant, les fonds publics continuent d’affluer vers l’automatisation. Les gouvernements doivent réorienter les incitations afin d’encourager l’IA qui répond à des besoins sociaux, comme l’amélioration de l’éducation et des résultats en matière de santé et la lutte contre les problèmes climatiques. L’IA devrait renforcer les capacités des travailleurs humains, et non les remplacer. Le vieillissement de la population est un défi majeur dans certains pays. Bien que les robots domestiques puissent contribuer à résoudre certains des problèmes liés au vieillissement de la population, la frontière du développement actuel se concentre sur des priorités comme la performance dynamique (courir, sauter ou éviter les obstacles) dans des environnements extérieurs, plutôt que sur des fonctions centrées sur la sécurité et la praticité, l’assistance à la vie quotidienne ou la gestion des maladies chroniques.

 

Cette tâche ne peut être confiée au seul capital-risque, qui a injecté 131,5 milliards de dollars dans des start-ups en 2024, en grande partie à la recherche de technologies surestimées et spéculatives comme l’intelligence artificielle générale. Des modèles à usage plus restreint peuvent faire progresser les diagnostics médicaux, aider les radiologues, prédire les catastrophes naturelles, et bien plus encore. Il est essentiel de réorienter les investissements vers des solutions qui profitent directement à la société pour que le développement de l’IA reste aligné sur le progrès collectif plutôt que sur la valeur actionnariale.

 

Il est également nécessaire de combler le fossé entre les économies développées et les économies en développement. Le potentiel de transformation de l’IA reste largement inexploité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où des infrastructures inadéquates, des compétences limitées et des contraintes de ressources entravent l’adoption de l’IA. Si l’on n’y remédie pas, cette fracture technologique ne fera qu’aggraver les inégalités dans le monde.

 

Pensez à ce que l’IA pourrait apporter aux soins de santé. Elle pourrait élargir l’accès à la médecine personnalisée, en offrant aux patients dans des contextes où les ressources sont limitées des traitements sur mesure plus efficaces et ayant moins d’effets indésirables. Elle pourrait faciliter le diagnostic en aidant les médecins à détecter les maladies plus tôt et avec davantage de précision. Enfin, elle pourrait améliorer l’enseignement médical en utilisant l’apprentissage adaptatif et le retour d’information en temps réel pour former des professionnels de la santé dans des régions mal desservies.

 

D’une manière plus générale, les systèmes d’apprentissage adaptatif alimentés par l’IA personnalisent déjà le contenu éducatif pour répondre aux besoins individuels et combler les lacunes en matière de connaissances. Les systèmes de tutorat par IA offrent un enseignement personnalisé qui accroît l’engagement et améliore les résultats. En facilitant considérablement l’apprentissage d’une nouvelle langue et l’acquisition de nouvelles compétences, la technologie pourrait entraîner une expansion massive des opportunités économiques, en particulier pour les communautés marginalisées.

 

Les utilisations ne se limitent pas non plus aux soins de santé et à l’éducation. Le modèle numérique inclusif (IdModel) de l’université d’Oxford démontre qu’en dotant les groupes marginalisés – en particulier les femmes et les jeunes – de compétences numériques, on leur permet de participer à l’économie numérique mondiale et de réduire les disparités de revenus.

 

La coopération mondiale est cruciale pour débloquer ces avantages. L’IA doit être abordée collectivement, par exemple dans le cadre d’initiatives Sud-Sud visant à créer des solutions adaptées à la situation et aux besoins des pays en développement. En favorisant les partenariats et le partage des connaissances, les pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent combler le fossé technologique et veiller à ce que l’IA serve un large éventail d’intérêts au-delà des acteurs dominants.

 

Vient ensuite la question de la sécurité et de l’utilisation éthique. Ces questions doivent également être abordées au niveau mondial. En l’absence de cadres éthiques solides, l’IA peut être utilisée à des fins néfastes, de la surveillance de masse à la diffusion de fausses informations – elle l’a déjà été.

 

La communauté internationale devra s’accorder sur des principes communs pour garantir une utilisation cohérente et responsable de l’IA. Les Nations unies, par l’intermédiaire de plateformes inclusives comme la Commission de la science et de la technologie au service du développement, peuvent contribuer à l’élaboration de réglementations mondiales. Les priorités absolues devraient être la transparence (veiller à ce que la prise de décision en matière d’IA soit discernable et explicable), la souveraineté des données (protéger le contrôle des individus et des pays sur leurs propres données), la prévention des dommages (interdire les applications qui portent atteinte aux droits de l’homme) et l’accès équitable. Les initiatives multilatérales qui visent à développer l’infrastructure et les compétences numériques peuvent contribuer à faire en sorte qu’aucun pays ne soit laissé pour compte.

 

Cette question ne concerne pas uniquement les décideurs politiques et le secteur privé. Tout au long de l’histoire, les changements transformateurs sont souvent partis de la base. Le droit de vote des femmes, le mouvement des droits civiques et l’activisme climatique ont tous commencé par des efforts populaires qui se sont transformés en puissantes forces de changement. Un mouvement similaire est nécessaire pour orienter l’IA dans la bonne direction. Les militants peuvent mettre en évidence les risques d’une IA non réglementée et faire pression sur les gouvernements et les entreprises pour qu’ils accordent la priorité à l’innovation centrée sur l’homme.

 

Les effets sociaux, économiques et politiques de l’IA ne s’orienteront pas naturellement vers l’inclusion ou l’équité. Les gouvernements doivent orienter les incitations vers l’innovation qui augmente le potentiel humain. Les organisations mondiales doivent établir des cadres éthiques pour protéger les droits de l’homme et la souveraineté des données. Enfin, la société civile doit demander des comptes aux dirigeants politiques et aux chefs d’entreprise.

 

Les décisions prises aujourd’hui détermineront si l’IA deviendra un pont ou un gouffre entre les nantis et les démunis. La collaboration internationale, la gouvernance éthique et la pression publique peuvent garantir que nous prendrons les bonnes décisions.

 

Shamika Sirimanne est conseillère principale auprès du secrétaire général de l’ONU pour le commerce et le développement. Xiaolan Fu est professeur de technologie et de développement international à l’Université d’Oxford.

 

Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

Cheick Oumar Diallo : « Les partis politiques ne disparaitront pas »

Vie du Mouvement, son regard sur la conduite actuelle de la Transition et la crainte d’une éventuelle future dissolution des partis politiques, dans cet entretien, le Président du Mouvement Nouvel Horizon Faso Jo Sira (MNH), Cheick Oumar Diallo, répond sans détour à nos questions. Propos recueillis par Mohamed Kenouvi

Vous avez créé le MNH en août 2021. Quel bilan faites-vous du parcours, 4 ans après ?

Depuis sa création le MNH se porte bien. Au début  nous avons d’abord pris l’option d’essayer de nous implanter un peu partout sur le territoire national. Mais à l’occasion de notre Assemblée générale de 2023, nous avons décidé de changer de formule et de nous concentrer sur le district de Bamako, d’y asseoir une base suffisante pour que progressivement nous puissions ensuite nous intéresser au reste du pays. Au vu de la situation sécuritaire, il parait assez invraisemblable de croire qu’on puisse s’installer partout sur le territoire national.

Vous êtes un ancien membre de l’ADP-Maliba. Pourquoi avez-vous opté pour la création d’un mouvement plutôt que d’un parti politique ?

Nous avons préféré l’option de Mouvement parce que pour nous, elle cadre mieux avec la réalité de l’engagement. Nous estimons qu’il faut aller par étapes. La création d’un parti politique suppose des prérequis qui ne s’improvisent pas. C’est d’ailleurs l’un des problèmes que nous avons eu dans le milieu socio-politique malien : la précipitation à vouloir absolument constituer un parti au point qu’aujourd’hui on en dénombre plus de 300. Nous estimons qu’aujourd’hui, à la place d’un parti politique, il faut commencer par asseoir un mouvement de pensée qui puisse rassembler les gens autour d’idées d’abord et pour qu’ensuite, si ces idées méritent d’être portées au plan électoral, que l’on puisse migrer vers un  parti politique. Nous ne sommes pas pressés. Nous avons tout le temps devant nous et nous estimons que le plus important est d’asseoir une base idéologique forte qui soit à la hauteur de nos attentes en tant que citoyens qui voulons changer notre pays.

Quel regard portez-vous sur la conduite de la Transition ces derniers mois ?

La Transition évolue dans un contexte national, régional et international qui sont uniques. Nous avons aujourd’hui un monde en plein bouleversement sur le plan géopolitique. Nous avons au plan régional, une recomposition géostratégique et au plan national des conséquences de plusieurs décennies de gestion qui ont mis à terre la plupart des secteurs de notre pays. Je trouve qu’aujourd’hui, dans ce contexte, la Transition ne s’en sort pas aussi mal qu’on pourrait le penser. Je crois qu’il y a un certain nombre d’aspects sur lesquels l’Etat  est entrain de reprendre la main , notamment les outils de défense, de la diplomatie  et des réformes majeurs. Globalement pour moi, c’est un bilan positif qui mérite d’être encouragé.

En 2021, vous aviez émis des doutes  sur la capacité de Choguel Maiga alors Premier ministre, à remplir sa mission. Depuis la nomination du Général Abdoulaye Maiga, qu’est-ce qui a changé selon vous ?

Je ne veux pas réduire le débat à une question de personnes.  Je constate qu’il y a une poursuite des objectifs essentiels de l’Etat du Mali. C’est sur cela que je me concentre. La question de défense continue à connaitre une avancée notable notamment en matière d’équipements militaires. Sur le plan diplomatique nous voyons comment la coordination des Etats de l’AES est de plus en plus forte. Nous voyons également comment notre pays continue à développer ses relations avec beaucoup d’autres pays sur le plan international. Depuis quelques mois aussi, des efforts sont déployés sur le plan énergétique. Des décisions courageuses et fortes ont été prises. Elles peuvent ne pas être populaires mais sont les seuls moyens de pouvoir avancer dans la résolution de différends problèmes. Je crois que les gouvernements qui se sont succédé ont, chacun à leur niveau, tenté de remplir une partie de la mission et ce que nous souhaitons aujourd’hui est que le Premier ministre Abdoulaye Maige puisse lui aussi faire sa part et faire progresser la Transition vers  l’objectif d’un retour à la 4ème République dans les délais les plus rapides.

Depuis quelques jours des craintes d’une éventuelle dissolution des partis politiques émergent dans l’opinion nationale. Partagez-vous cela ?

Je pense que cette crainte relève du climat général qu’il y a entre les citoyens et les acteurs politiques et qui fait qu’aujourd’hui il y a une très forte désaffection de la chose politique. Il y a  un manque de confiance entre le citoyen et les acteurs politiques. C’est regrettable mais c’est le résultat d’une méthode politique qui a été employée pendant beaucoup trop d’années et qui n’a pas su vraiment convaincre le Malien de la pertinence de la chose politique dans la vie de la nation. Aujourd’hui, moi je ne m’inquiète pas à ce sujet et je ne pense pas non plus qu’il faut avoir peur de  cette question. Pour moi la dissolution éventuelle des partis politiques, si elle devait arriver, ne signifierait pas la fin du multipartisme. Cela voudrait tout simplement dire que les choses vont reprendre à zéro et qu’à partir de là peut-être que nous pourrons d’ailleurs reconstruire un monde politique répondant d’avantage aux aspirations des Maliens et leur redonner de l’espoir. Les partis politiques ne disparaitront pas parce que la Constitution de juillet 2023 consacre la liberté d’association et le multipartisme.

Santé maternelle et infantile : Des efforts importants à fournir

Le Mali a célébré le 7 avril la Journée mondiale de la Santé sous le thème « Une bonne santé à la naissance, un avenir plein d’espoir ». Un thème révélateur des défis, encore nombreux, en matière de santé maternelle et infantile.

Selon les données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2022 (RGPH5), la mortalité maternelle était en hausse sur la période 2018 – 2022, atteignant 413 décès pour 100 000 naissances vivantes. Cette détérioration serait liée à plusieurs facteurs, notamment l’insuffisance de l’offre de soins et la persistance de l’insécurité dans certaines régions.

La mortalité infantile, bien qu’en baisse sur les quatre dernières décennies, reste également élevée : 51,8‰ pour les enfants de moins d’un an, 46‰ pour les enfants entre 1 et 4 ans et 95,4‰ pour les moins de 5 ans. Ces chiffres sont très éloignés de la cible 3.2 des Objectifs de Développement Durable (ODD), qui vise à réduire cette mortalité à 25‰ d’ici 2030 et à éliminer les décès évitables de nouveau-nés et d’enfants de moins de 5 ans, tous les pays devant chercher à ramener la mortalité néonatale à 12 pour 1 000 naissances vivantes au plus et la mortalité des enfants de moins de 5 ans à 25 pour 1 000 naissances vivantes au plus. Par ailleurs, des disparités subsistent : les garçons sont plus touchés que les filles, et le niveau d’instruction du chef de ménage influence les chances de survie des enfants.

L’ODD 3.1 vise également à réduire la mortalité maternelle à moins de 70 décès pour 100 000 naissances vivantes d’ici 2030. Toutefois, l’atteinte de ces objectifs est freinée par une faible allocation de ressources au secteur de la Santé. Alors que la Déclaration d’Abuja (2001) recommande aux États africains de consacrer 15% de leur budget à la santé, le Budget Spécial d’Investissement (BSI) 2022 du Mali ne lui accordait que 5,1%, soit 24,720 milliards de francs CFA sur 484,104.

Ce gap souligne l’urgence de renforcer les financements pour améliorer durablement la santé des mères et des enfants dans le pays. « L’écart entre l’allocation réelle au secteur de la santé au Mali et l’objectif d’Abuja de 15% montre la nécessité urgente d’augmenter les investissements dans la santé », ajoute le document.

Fatoumata Maguiraga

Assurance agricole : AFG indemnise plus de 7000 producteurs touchés par des catastrophes naturelles  

Protéger les agriculteurs contre les dégâts liés aux catastrophes naturelles ou climatiques, c’est l’objectif du projet pilote d’assurance agricole initié par AFG en collaboration avec ses partenaires. Une cérémonie destinée à indemniser les producteurs sinistrés, qui s’est tenue le 7 avril 2025 à Bamako, a également marqué le lancement officiel de ce projet.

Chaque année, de nombreux producteurs voient leurs récoltes détruites, et des familles voient leur travail agricole anéanti, sans possibilité de se relever. C’est pour répondre à ce besoin accru d’aide alimentaire que des indemnisations ont été mises en place.
Pour la campagne agricole 2024-2025, 14 307 producteurs ont été ciblés par le projet, qui propose une prime d’assurance agricole ajustée à leurs besoins. Parmi eux, plus de 7000 producteurs de riz, de maïs, de sorgho et de coton ont été identifiés et ont bénéficié des indemnisations du projet pilote d’assurance agricole.
L’initiative vise principalement à soulager les agriculteurs affectés par les catastrophes naturelles et, surtout, à faire de l’assurance agricole un outil stratégique pour améliorer la souveraineté alimentaire.
« À travers cette indemnisation, ce sont des familles qui retrouvent espoir. Ce sont des producteurs qui voient concrètement la valeur d’une assurance adaptée à leurs réalités. Cette initiative noble doit être inclusive et a vocation à impliquer l’ensemble du secteur malien des assureurs non vie », a indiqué Mme Cissé Adam Bah, Directrice générale d’AFG.
Le projet couvre quatre types de producteurs, à savoir ceux qui produisent du riz, du maïs, du sorgho et du coton, dans des régions telles que Kayes, Koulikoro, Ségou et Sikasso.
Deux chèques, d’un montant de 4 910 088 FCFA et de 94 585 337 FCFA, ont été remis respectivement aux faîtières agricoles, à savoir le Meref-SFD et l’office du Moyen Bani.
Selon le ministre commissaire à la sécurité alimentaire, Redouwane Ag Mohamed Ali, l’assurance agricole est plus qu’un simple financement. Il s’agit là d’un levier nécessaire permettant de mieux appuyer les producteurs en cas de risques agricoles.
À travers cette remise de chèque du projet d’assurance agricole, il était également question de mieux sensibiliser les agriculteurs à l’importance de s’assurer afin de pouvoir gérer les risques climatiques et agricoles en cas de catastrophes naturelles, telles que les inondations ou la sécheresse.

Crise Mali – Algérie : Le Sahel à l’épreuve d’une nouvelle fracture

L’incident du 1er avril 2025 entre le Mali et l’Algérie, marqué par la destruction d’un drone malien par les forces algériennes, a plongé les deux pays dans une crise diplomatique majeure. L’appareil, immatriculé TZ-98D, s’est écrasé à Tinzawatène, dans la région de Kidal, à environ 10 kilomètres au sud de la frontière. Bamako affirme que le drone n’a jamais quitté son espace aérien. Alger soutient au contraire qu’il a violé son territoire sur près de deux kilomètres.

Pour Bamako, les données de vol et l’enregistrement des coordonnées confirment que l’appareil a été abattu alors qu’il survolait encore le territoire malien, en mission de reconnaissance face à une menace terroriste. Trois jours après les faits, l’Algérie n’avait pas produit les preuves techniques réclamées. Le gouvernement malien évoque un acte d’agression prémédité, soulignant que le drone aurait pu permettre de neutraliser des cibles à haut risque.

En réaction, le Mali a convoqué l’ambassadeur d’Algérie à Bamako, protesté officiellement et pris trois mesures fortes : le retrait immédiat du Comité d’État-major Opérationnel Conjoint (CEMOC), le dépôt d’une plainte devant les instances internationales et la fermeture de son espace aérien à tous les vols en provenance ou à destination de l’Algérie. Celle-ci avait pris une mesure équivalente un peu plus tôt dans la même journée.

La Confédération des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a exprimé son soutien total au Mali. Dans son communiqué, le Collège des Chefs d’État a qualifié la destruction du drone d’attaque contre l’ensemble de l’espace confédéral. Il a rappelé ses ambassadeurs accrédités à Alger, dénonçant une tentative de déstabilisation. L’Algérie, en retour, a rappelé ses ambassadeurs à Bamako et Niamey, tout en différant la prise de fonction de son diplomate à Ouagadougou.

Ce nouvel épisode marque une rupture. Pourtant, en mars dernier,  la prise de fonction de Mohamed Dolo comme  nouvel  ambassadeur du Mali à Alger avait été perçue comme un signal d’apaisement après plusieurs mois de brouille. Cette tentative de normalisation semble aujourd’hui caduque.

Les tensions entre les deux pays ne datent pas d’hier. L’accueil réservé à l’Imam Dicko en Algérie en 2022 puis les critiques maliennes sur le rôle d’Alger dans l’Accord de paix de 2015 avaient déjà fissuré la confiance. Le retrait officiel du Mali de cet Accord en janvier 2024 a marqué un tournant. Bamako accuse désormais Alger d’abriter et de soutenir indirectement certains groupes armés, notamment dans le nord du Mali.

Le retrait du CEMOC est aussi un symbole fort. Cette structure, basée à Tamanrasset et regroupant l’Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie, visait à renforcer la coordination militaire face aux menaces transfrontalières. Même si le CEMOC était peu actif ces dernières années, son abandon traduit une volonté de rupture stratégique. L’AES semble vouloir redéfinir ses partenariats en matière de sécurité.

Au-delà du CEMOC, d’autres cadres bilatéraux sont aujourd’hui en suspens. Des accords de coopération frontalière aux échanges de renseignements, l’ensemble des mécanismes de coordination pourrait être remis en cause. Or la frontière commune de plus de 1 400 kilomètres est l’une des plus sensibles de la bande sahélo-saharienne. Sans coopération active, la surveillance de cette zone complexe deviendra quasi impossible.

Le soutien unanime de l’AES à Bamako, avec seul le Niger comme membre du CEMOC, illustre un réalignement stratégique. Le Niger, bien que n’ayant pas formellement quitté le comité, se range du côté malien dans cette affaire, ce qui isole davantage Alger dans la région.

Cette crise dépasse donc le simple différend technique. Elle traduit l’échec d’une médiation historique et la montée d’un nouveau pôle sahélien structuré autour d’objectifs sécuritaires communs. Pour Alger, la perte d’influence dans la région est tangible. Pour le Mali, c’est l’affirmation d’une souveraineté sans concession.

À court terme, les perspectives de désescalade semblent faibles. À long terme, la question centrale reste la suivante : une coopération minimale est-elle encore possible entre deux pays liés par l’histoire, la géographie et des défis sécuritaires communs ? Car une rupture totale, dans un environnement régional aussi fragile, risque de créer un vide dont seuls les groupes armés tireront profit.

Massiré Diop

FEPAC : Assurer la durabilité agricole face au changement climatique

Le Festival panafricain de la cotonnade (FEPAC) tient sa 8ème édition dans la ville de Fana, à une centaine de kilomètres de Bamako. Du 8 au 13 avril 2025, experts et acteurs du secteur du coton plancheront sur les enjeux du changement climatique pour cette culture vitale à l’économie malienne.

Le changement climatique et la préservation de l’environnement sont les nouveaux défis majeurs pour la durabilité de la filière coton. L’Afrique fournit environ 10% de la production mondiale de coton, estimée à 25 millions de tonnes par an. La culture du coton fait vivre des millions de paysans et contribue à réduire l’insécurité alimentaire. Mais de nombreux défis subsistent pour améliorer la rentabilité économique de la filière, tout en réduisant ses impacts environnementaux et en contribuant au bien-être de ses acteurs.

Adapter les pratiques culturales

Pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter, les chercheurs recommandent des pratiques agricoles durables : conservation de l’eau et des sols, restauration de la fertilité, gestion des bioagresseurs, recyclage de la biomasse végétale, usage de biopesticides et sélection de variétés plus résilientes. Toutefois, l’adoption de ces techniques nécessite des campagnes de formation, ainsi qu’un meilleur accès aux connaissances et aux innovations agricoles.

Le rendement moyen mondial du coton est estimé à 775 kg par hectare, mais les disparités sont importantes. Tandis qu’en Amérique, il dépasse 1 000 kg/ha, la moyenne en Afrique se situe autour de 500 kg/ha. En comparaison, le Burkina Faso affiche un rendement moyen de 827 kg/ha, la Côte d’Ivoire atteint 886 kg/ha et le Togo environ 840 kg/ha pour la campagne 2024 – 2025, selon les données régionales. Ces performances montrent qu’un renforcement des techniques agricoles peut porter fruits.

Il est donc essentiel de maintenir l’attractivité du secteur par une augmentation des rendements, notamment via des variétés performantes adaptées et des systèmes de production résilients face aux aléas climatiques.

Environ 95% des exploitations cotonnières en Afrique sont pluviales, ce qui rend les petits exploitants particulièrement vulnérables aux perturbations climatiques. Renforcer leur résilience est donc crucial pour sécuriser leurs revenus et pérenniser la filière.

En 2024, le Mali a enregistré une baisse de 17% de sa production cotonnière, atteignant 569 300 tonnes, ce qui le place au deuxième rang des producteurs africains, derrière le Bénin avec 669 000 tonnes. Cette baisse est en grande partie due aux importantes inondations de la saison passée, qui ont provoqué des pertes de cultures sur une superficie de 367 294 hectares, soit 4,56% des surfaces emblavées. Ces inondations ont aussi causé des pourritures de capsules basales, accentuant les pertes dans plusieurs pays ouest-africains. Les pertes totales de production, tous produits confondus (riz, maïs, mil, sorgho, niébé, arachide, sésame), sont estimées à 647 529 tonnes.

Les superficies emblavées en coton au Mali ont également baissé de 11%, s’établissant à 623 042 hectares en 2024 – 2025. À titre comparatif, la Côte d’Ivoire a cultivé 357 267 hectares en coton cette saison, pour une production attendue de 367 000 tonnes, tandis que le Togo projette 66 617 tonnes.

Pour la campagne agricole 2025 – 2026, le Mali ambitionne de produire 11 691 721 tonnes de céréales et 682 000 tonnes de coton graine. Cette ambition s’inscrit dans une vision de relance durable et productive du secteur agricole dans un contexte de changement climatique de plus en plus marqué.

Fatoumata Maguiraga

Immigration irrégulière : Un mal qui ronge la jeunesse malienne

Confrontés à plusieurs problèmes socio-économiques, beaucoup de jeunes Maliens choisissent de migrer dans la clandestinité vers d’autres horizons, jugés plus prometteurs, avec des conséquences souvent dramatiques.

L’expulsion début mars de la Mauritanie de plus de 500 Maliens en situation irrégulière dans le pays a remis sous les projecteurs la lancinante question de la migration des jeunes Maliens hors du continent africain, à partir des pays voisins et de l’Afrique du Nord.

Dirigés vers Gogui, une localité de la région de Kayes située à la frontière entre le Mali et la Mauritanie, ces expulsés maliens, pour la plupart en transit en Mauritanie, qui n’ont pas pu renouveler ou obtenir des cartes de résidents, étaient en situation illégale, selon les autorités mauritaniennes. Ces dernières ont justifié ces expulsions en soulignant que la migration irrégulière posait des défis sécuritaires et favorisait divers trafics, y compris celui des êtres humains.

La localité de Gogui est l’un des points de suivi des flux migratoires (Flow Monitoring Points, FMP) au Mali, mis en œuvre par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) à travers la Matrice de suivi des déplacements (Displacement Tracking Matrix, DTM).

Selon le rapport trimestriel, de juillet à septembre 2024, du suivi des flux des populations, le dernier en date, le FMP de Gogui a enregistré une baisse de 8% concernant les flux entrants au Mali, traduisant une baisse des expulsés de 50%.

En revanche, par rapport au trimestre précédent, les FMP de Hèrèmakono, dans la région de Sikasso, et de Place Kidal, dans la région de Gao, ont respectivement connu une hausse de 23 et 16%, concernant principalement les flux sortants vers le Burkina Faso pour le FMP de Hèrèmakono et vers l’Algérie pour celui de Place Kidal.

Sur l’ensemble des FMP du Mali (Kayes, Sikasso, Tombouctou et Gao), environ 127 927 flux migratoires ont été observés du 1er juillet au 30 septembre 2024, soit une hausse de 14% de la moyenne journalière par rapport au trimestre d’avril à juin 2024.

À noter qu’entre janvier et mi-juin 2024, les autorités maliennes ont rapatrié 4 577 migrants maliens volontaires en détresse à l’étranger, principalement en provenance de l’Algérie, du Niger, de la Libye, de la Côte d’Ivoire et de la Mauritanie.

Un phénomène, plusieurs facteurs

Une enquête menée auprès des migrants enregistrés par l’OIM sur la même période a révélé que 73% des hommes et 82% des femmes interrogés étaient situés dans la tranche d’âge comprise entre 20 et 30 ans, la plus représentée. Ceux et celles ayant entre 31 et 40 ans représentent la deuxième tranche la plus élevée, tandis que seulement 4% des hommes enquêtés et 1% des femmes avaient entre 41 et 60 ans.

Plusieurs raisons expliquent la décision de partir « à l’aventure » chez ces jeunes. La principale, selon le rapport susmentionné, est la recherche d’emplois ou de moyens de subsistance. 53% des migrants partent en quête de meilleurs emplois et d’opportunités pour assurer leur survie et celle de leurs familles.

En plus de ce facteur principal, d’autres raisons telles que, entre autres, les travaux saisonniers, notamment l’orpaillage (15%), les mariages ou la réunification familiale (1%), les guerres ou conflits (1%) et les études ou formations (1%) ressortent du rapport.

La plupart des migrants ont un niveau d’étude primaire (27% chez les hommes et 7% chez les femmes) et du collège (19% chez les hommes et 8% chez les femmes). 14% des migrants et 4% des migrantes n’ont aucun niveau d’éducation, tandis que seulement 1% des hommes et moins de 1% des femmes ont un niveau d’études supérieures.

Conséquences dramatiques

Le 2 février 2025, 9 migrants, dont 8 présumés Maliens, sont morts au large des côtes mauritaniennes à la suite du naufrage de leur embarcation. Cette embarcation de fortune avait quitté Nouadhibou le 26 janvier et s’était perdue en mer, selon le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur, qui a précisé que 28 autres Maliens figuraient parmi les rescapés de l’accident.

En décembre 2024, rien qu’au large des côtes mauritaniennes, de plus en plus prisées par les candidats au départ, au moins 6 migrants maliens ont perdu la vie dans un autre naufrage et 31 autres ont également péri dans les eaux territoriales marocaines. Un autre naufrage survenu en décembre 2024 a causé la mort de près de 70 migrants, dont au moins 25 jeunes Maliens identifiés.

Plus tôt, en juillet 2022, 22 migrants maliens, dont 3 enfants, ont perdu la vie au large des côtes libyennes. Selon le ministère des Maliens établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, ces disparus faisaient partie d’un groupe de 83 migrants qui étaient en détresse au large de ces côtes depuis le 22 juin 2022.

Les drames migratoires impliquant des Maliens se sont multipliés ces dernières années, même si le nombre exact de personnes ayant perdu la vie reste difficile à déterminer, en raison du manque de données exhaustives et de la nature clandestine de ces migrations. Toutefois, à en croire des estimations globales, depuis 2014, environ 67 000 personnes, toutes nationalités confondues, ont perdu la vie ou ont disparu dans leur quête de départ.

Selon un rapport de ReliefWeb, un service d’information humanitaire fourni par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), en 2024, environ 16 500 Maliens ont migré de manière irrégulière vers l’Europe, faisant du Mali le principal pays d’origine des migrants pour l’année écoulée.

D’après Frontex, en 2024, 41 425 migrants ont atteint les Îles Canaries (Espagne), dont une grande part provenait du Mali, du Sénégal et du Maroc. Cette route de l’Atlantique Ouest est devenue l’une des plus meurtrières.

Si les estimations du nombre total de décès enregistrés sur les routes migratoires en Afrique de l’Ouest et du Centre en 2024 ne sont pas encore disponibles, l’OIM a enregistré 811 décès de migrants dans ces régions en 2023, soit une augmentation de 565% par rapport à l’année précédente. À l’échelle mondiale, 2024 a été l’année la plus meurtrière sur les routes migratoires, avec au moins 8 938 décès recensés, selon l’OIM.

Outre les décès, les migrations irrégulières entraînent de lourdes conséquences, souvent même chez les migrants rescapés des accidents sur ces routes migratoires, très dangereuses. En plus des traumatismes liés aux violences vécues, ces jeunes subissent également des stress post-traumatiques pouvant aboutir à la dépression et à la perte d’estime de soi. Leurs familles aussi sont impactées.

« Cela fait des mois que je suis sans nouvelles d’un neveu parti en Mauritanie. Personne ne sait ce qu’il devient et c’est très angoissant pour nous. Le plus dur, c’est de ne pas savoir s’il vit ou s’il est mort. C’est une très grande détresse pour sa femme et ses enfants », témoigne un interlocuteur.

Mobilisation tous azimuts

Pour faire face au phénomène de migration irrégulière, plusieurs acteurs se mobilisent de plus en plus à l’échelle nationale et internationale. Le gouvernement malien a intensifié ses efforts pour décourager les jeunes de prendre les routes de la migration clandestine. En novembre 2024, une campagne de sensibilisation intitulée « Préserve ta vie et refuse l’incertain » a été lancée pour informer la population sur les dangers de la migration irrégulière et promouvoir des voies légales de migration.

Cette campagne, qui a duré un mois, a été déployée dans tout le pays à travers des conférences, débats médiatiques, projections de films, activités culturelles et sportives, ainsi que des affiches de sensibilisation.

L’initiative, cumulée à l’augmentation, financée par l’Union européenne, de la surveillance des côtes ouest-africaines, principaux points de départ des migrants, a contribué à une baisse significative des départs de migrants par des voies irrégulières.

Selon les statistiques mensuelles sur la migration irrégulière de février 2025 publiées le 13 mars 2025 par Frontex, l’Agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes, les détections de franchissements irréguliers des frontières de l’Union européenne ont diminué de 25% au cours des deux premiers mois de 2025, avec environ 25 000 cas enregistrés.

Bien que la route de l’Atlantique Ouest, qui concerne principalement les migrants originaires du Mali, du Sénégal et de la Guinée, ait représenté une part significative des arrivées, elle a connu une diminution de 40% par rapport à l’année précédente, avec 7 200 arrivées enregistrées en janvier et février 2025.

De leur côté, outre les efforts de prévention du phénomène, les autorités maliennes ont annoncé le 22 janvier 2025 avoir rapatrié en 2024 environ 12 300 migrants maliens en situation de détresse à l’étranger, dans le cadre d’opérations de rapatriement et d’assistance. Par ailleurs, selon des informations publiées en décembre 2024, 929 Maliens figuraient également parmi les sans-papiers en attente d’expulsion des États-Unis.

Mohamed Kenouvi

BOAD : Abdoulaye Daffé nommé vice-président pour un mandat de cinq ans  

Le Conseil des ministres du mercredi 9 avril 2025 a annoncé la nomination de Abdoulaye Daffé au poste de vice-président de la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD).

Cette décision entérine celle prise lors de la session du Conseil d’administration de l’institution régionale tenue le 26 mars à Dakar. Il succède ainsi à Moustapha Ben Barka, dont le mandat s’est achevé le 28 février. M. Daffé prendra fonction courant avril, pour un mandat de cinq ans.
Âgé de 73 ans, Abdoulaye Daffé est un pilier du secteur bancaire ouest-africain. Il a dirigé la Banque de Développement du Mali (BDM-SA) pendant plus de deux décennies, la hissant au rang de première banque du pays. Diplômé de l’ENA de Bamako et de l’Université d’Alabama en finance, il a brièvement été ministre de l’Économie et des Finances en juillet 2020, avant le coup d’État du 18 août.
Sa nomination à la vice-présidence de la BOAD intervient conformément à l’Acte additionnel n°04/2021/CCEG/UEMOA, qui réforme le mode de désignation des dirigeants des institutions de l’Union. Elle constitue une reconnaissance de son expertise financière, mais aussi une opportunité géostratégique pour le Mali.
La BOAD : moteur financier de l’UEMOA
Créée en 1973, la BOAD est l’institution spécialisée de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), qui regroupe huit États membres : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. Son siège se trouve à Lomé (Togo).
Sa mission est de financer le développement équilibré des pays membres à travers des prêts concessionnels aux États et des soutiens au secteur privé. En 2023, la BOAD a approuvé plus de 1 200 milliards FCFA de financements, notamment dans les domaines de l’énergie, des infrastructures, de l’agriculture et du transport. Parmi ses projets phares figurent l’autoroute Abidjan-Lagos, l’interconnexion électrique Côte d’Ivoire–Sierra Leone–Guinée, ou encore des appuis à la résilience climatique.
Quels avantages pour le Mali ?
Le retour d’un Malien à ce poste de haut niveau devrait offrir à Bamako une voix influente au sein d’une institution qui façonne les politiques de développement sous-régionales. Cela pourrait faciliter la priorisation de projets maliens, renforcer l’accès aux financements concessionnels, et améliorer la visibilité du pays dans les négociations économiques.
Alors que le Mali cherche à diversifier ses partenaires et à renforcer son intégration régionale, cette nomination stratégique pourrait constituer un levier majeur pour son redressement économique et financier.

Ce que l’IA peut apprendre de la sécurité aérienne

Lors d’un récent test de sécurité, un chatbot bancaire d’IA générative conçu pour aider les clients à faire des demandes de prêt a été manipulé pour divulguer des informations financières sensibles. Les testeurs ont contourné les contrôles de sécurité et ont extrait une liste complète d’approbations de prêts, y compris les noms des clients.

Cette histoire met en évidence un problème fondamental : l’IA générative peut révolutionner des secteurs entiers, mais, sans protocoles de sécurité solides, elle peut aussi conduire à des résultats désastreux. Les modèles de sécurité traditionnels ne suffisent plus. Les technologies transformatrices comme l’IA générative exigent une nouvelle approche holistique de la cybersécurité.

 

L’aviation fournit un modèle utile. Tout comme les avions supersoniques, l’IA générative est une technologie transformatrice dotée d’un immense potentiel. Mais en l’absence d’opérateurs formés, de systèmes bien conçus et de protections solides, le risque de défaillance catastrophique est trop important pour être ignoré. En adoptant des protocoles de sécurité rigoureux, le transport aérien est devenu l’un des modes de transport les plus sûrs. De même, le potentiel de l’IA est indéniable, mais son avenir dépend de la prise en compte des risques de sécurité. Une étude récente du BCG, par exemple, a révélé que les trois quarts des dirigeants d’entreprise considèrent la cybersécurité comme un obstacle majeur à l’expansion de l’IA.

 

Contrairement aux logiciels traditionnels, l’IA générative repose sur des probabilités, ce qui peut conduire à des résultats imprévisibles. Les grands modèles de langage (LLM) introduisent des comportements indéterministes, ce qui crée des angles morts en matière de cybersécurité. En outre, leur dépendance à l’égard des entrées en langage naturel, de l’apprentissage adaptatif et des intégrations étendues avec d’autres outils et services les rend particulièrement vulnérables.

 

Tout comme l’aviation nécessite une approche globale et multidimensionnelle de la sécurité, la cybersécurité doit être intégrée à chaque couche de l’IA, de son architecture à la gestion des données et à la surveillance humaine. Sans cette base, l’avenir de l’IA restera incertain.

 

L’une des principales vulnérabilités des systèmes d’IA est l’attaque par injection de données, qui consiste à manipuler un modèle pour qu’il révèle des données sensibles ou modifie sa logique de prise de décision. Le récent test d’un chatbot bancaire a mis au jour un risque tout aussi alarmant : l’escalade des privilèges. Les testeurs se sont fait passer pour un administrateur, ont approuvé des prêts non autorisés et ont modifié des données de base.

 

Les assistants IA dans le domaine de la santé ont été compromis de la même manière, des chercheurs en sécurité ayant réussi à extraire des dossiers confidentiels de patients en reformulant subtilement leurs requêtes. Au lieu de demander directement les antécédents médicaux, les attaquants ont formulé leurs questions de manière à ce qu’elles ressemblent à des demandes légitimes de la part de médecins. Ce faisant, ils ont révélé une autre faiblesse : l’IA privilégie souvent la logique linguistique au détriment des contrôles d’accès.

 

Ces vulnérabilités dépassent le cadre des banques et des soins de santé. De nombreuses applications d’IA s’appuient sur des systèmes agentiques, qui récupèrent des données en temps réel pour prendre des décisions de manière autonome, créant ainsi des opportunités pour les attaquants. Par exemple, une évaluation de la sécurité d’un chatbot de service à la clientèle, alimenté par l’IA, a montré que les attaquants étaient en mesure d’exploiter une faible validation de l’interface de programmation d’application (API) pour manipuler un LLM afin qu’il révèle des codes de réduction internes et des détails d’inventaire.

 

La capacité d’adaptation de l’IA peut également être exploitée par ce que l’on appelle « l’empoisonnement contextuel ». En façonnant progressivement les réponses d’un modèle au fil du temps, les attaquants peuvent orienter ses réponses vers des recommandations incorrectes ou dangereuses. Lors d’une expérience, le chatbot d’un spa a été exposé de manière répétée à des données présentant des ingrédients dangereux aussi bien que bénéfiques. Il a fini par recommander des produits de soin de la peau nocifs.

 

Lorsque les systèmes d’IA submergent l’infrastructure traditionnelle de requêtes automatisées, ils peuvent entraîner une défaillance du système – un phénomène connu sous le nom de legacy contamination (« contamination de l’héritage »). Pour éviter ce résultat, les organisations doivent mettre en œuvre un entraînement contradictoire, en exposant continuellement les modèles d’IA à des entrées trompeuses afin d’améliorer leur résilience.

 

La détection des anomalies en temps réel – à la fois automatisée et manuelle – permet d’identifier les comportements inhabituels de l’IA avant que les données manipulées n’affectent les réponses. Tout comme les systèmes de contrôle de vol s’appuient sur des sauvegardes indépendantes, la sécurité de l’IA générative doit s’appuyer sur des protections en couches, notamment la détection automatisée des anomalies pour signaler les activités irrégulières, la validation redondante des accès pour empêcher les interactions non autorisées avec le système, et des mécanismes de retour en arrière en temps réel pour annuler les changements néfastes.

 

Les analystes prévoient que les dépenses mondiales en matière d’IA dépasseront 631 milliards de dollars d’ici 2028. Nombre de ces investissements auront du mal à produire des résultats significatifs si les défis fondamentaux en matière de cybersécurité ne sont pas relevés. Plus important encore, la sécurité de l’IA doit passer du statut de « complément » à celui de fonction essentielle intégrée aux architectures des systèmes, à la gestion des données et à la surveillance humaine. Un cadre de sécurité efficace doit être fluide, adaptable, résilient et intégré aux systèmes existants.

 

Même les leaders de l’industrie sont confrontés à des problèmes de conception, ce qui souligne la nécessité de renforcer les mesures de sécurité. En mars 2023, OpenAI a découvert un bug dans une bibliothèque open-source qui a exposé par inadvertance les informations de paiement des utilisateurs de ChatGPT en envoyant des courriels de confirmation aux mauvais destinataires.

 

La sécurité de l’IA doit évoluer au même rythme que les systèmes qu’elle vise à protéger. Mais une gestion efficace des données ne se limite pas à fortifier les pipelines et à sécuriser les ensembles de données d’entraînement. Elle nécessite une stratégie bien définie qui traite les données comme un avantage concurrentiel et évalue soigneusement les données à exposer et celles que les entreprises devraient être en mesure d’exploiter.

 

La supervision opérationnelle est tout aussi essentielle. La cybersécurité ne doit pas être confinée à un silo de spécialistes. Elle doit être intégrée dans chaque service et dans chaque flux de travail, avec des outils de surveillance en temps réel et des boucles de rétroaction adaptatives qui aident les organisations à garder une longueur d’avance sur les menaces et les vulnérabilités émergentes.

 

Au-delà des technologies de pointe, la cybersécurité exige de cultiver une culture de la vigilance. Selon un rapport de Verizon datant de 2024, 68 % de toutes les violations de données impliquent un élément humain, comme le fait d’être piégé par des attaques de phishing ou d’ingénierie sociale. Pour atténuer ces risques, les employés doivent non seulement identifier les menaces, mais aussi apprendre à y répondre de manière appropriée. Même des mesures simples, comme une formation régulière à la sécurité et des mécanismes de signalement transparents, peuvent faire une grande différence.

 

Tout comme l’aviation a gagné la confiance du public en adoptant des mesures de sécurité rigoureuses, l’industrie de l’IA doit mettre en place des protections pour prévenir les hallucinations, la manipulation, le piratage et les problèmes de latence avant qu’ils ne causent des dommages dans le monde réel. Cela nécessite une approche globale qui intègre l’architecture, l’ingénierie, la stratégie des données et l’IA responsable. Les entreprises qui intègrent la sécurité à tous les niveaux de leur stratégie d’IA prospéreront, tandis que celles qui s’accrochent à des modèles de sécurité dépassés prendront inévitablement du retard.

 

Sylvain Duranton est responsable mondial du BCG X. Vanessa Lyon est responsable mondial du risque cybernétique et numérique au BCG.

 

Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

Refondation : Le NIMD privilégie la recherche et le dialogue

Mis en œuvre à Bamako et dans plusieurs régions du Mali depuis janvier 2024 par l’Institut néerlandais pour la démocratie multipartite (NIMD), le Programme de recherche et de dialogue pour la refondation (PREDIRE) devrait se conclure en juin prochain. À trois mois de l’échéance, le NIMD met en lumière les acquis du programme et ses activités à venir.

Lors d’un café de presse organisé dans les locaux de l’Institut le 4 avril 2025, les journalistes ont été informés sur la mise en œuvre du PREDIRE depuis son lancement il y a plus d’un an.
Projet phare du NIMD en phase pilote, après les Écoles politiques et démocratiques (EPD) et le Power of Dialogue (POD), le PREDIRE vise à contribuer à la refondation de la gouvernance démocratique au Mali. Il enrichit le débat public par la valorisation de la recherche sur les questions de démocratie, de gouvernance et de cohésion sociale, et améliore la culture du dialogue et la confiance parmi les acteurs de la vie publique, en intégrant les résultats de la recherche dans la gouvernance publique.
En quinze mois d’exécution, le programme a enregistré plusieurs réalisations, notamment une cartographie des acteurs de la recherche dans les domaines de la démocratie, de la gouvernance et de la cohésion sociale. Cela inclut le lancement de la plateforme Donko ni Djemu Blon (Pour la production de savoirs au Mali et au Sahel), la mise en relation des chercheurs, ainsi que la création d’un site web (predire-nimd.org) pour la diffusion des rapports d’études, des notes d’analyse, des synthèses et des informations sur les activités du programme.
Le PREDIRE a également identifié quatre études thématiques, dont deux ont déjà été finalisées, portant notamment sur la participation et l’inclusivité sociale dans la dynamique de refondation, l’accès aux services publics via la gouvernance locale, et les leviers de renforcement de l’engagement citoyen dans la démocratie et la participation politique.
À la suite de ces études, le PREDIRE a réalisé deux sessions de dialogue multi-acteurs à Mopti et Sikasso, qui ont réuni plusieurs représentants des différents acteurs sociaux.
« Notre objectif principal est de faire en sorte que les décideurs puissent se baser sur des faits, des données, et sur une vraie compréhension du contexte pour prendre des décisions », souligne Célia D’Almeida, Représentante Pays au Mali et Coordinatrice Sahel du NIMD.
D’autres sessions au niveau national se tiendront prochainement à Bamako, ainsi qu’un webinaire avec WATHI sur la dernière étude Sahel. D’ici la fin du programme en juin 2025, il est également prévu la conception et la diffusion de supports de communication sur les résultats des études et des différentes sessions de dialogue multi-acteurs.
Mohamed Kenouvi

Le Mali en deuil après la disparition d’Amadou Bagayoko, géant de la musique malienne

Le Mali a perdu l’une de ses plus grandes figures musicales. Amadou Bagayoko, célèbre chanteur, compositeur et guitariste du duo Amadou & Mariam, est décédé ce vendredi 4 avril 2025 à Bamako, à l’âge de 70 ans. Selon les premières informations recueillies auprès de ses proches, il était malade depuis plusieurs semaines. Son décès a été confirmé par sa famille, notamment par son beau-fils Youssouf Fadiga, et relayé par les autorités culturelles nationales.

Né le 24 octobre 1954 à Bamako, Amadou Bagayoko était aveugle depuis l’âge de 16 ans en raison d’une cataracte congénitale. Sa passion pour la musique s’est exprimée très tôt, d’abord en solo, puis au sein de groupes légendaires comme Les Ambassadeurs du Motel de Bamako. Mais c’est sa rencontre avec Mariam Doumbia à l’Institut des jeunes aveugles de Bamako, en 1975, qui a véritablement lancé une aventure artistique unique.
En couple dans la vie comme sur scène, Amadou & Mariam sont devenus des ambassadeurs de la culture malienne. Leurs compositions, mêlant instruments traditionnels, guitare électrique, voix mandingues et influences blues et afro-pop, ont conquis un public mondial. Le duo a sorti plusieurs albums acclamés, dont Sou ni tilé (1998), Dimanche à Bamako (2004, produit par Manu Chao) et Welcome to Mali (2008), nominé aux Grammy Awards. Ils ont également reçu une Victoire de la Musique en France en 2005.
Amadou & Mariam ont collaboré avec de nombreuses stars internationales, participé à des festivals prestigieux comme Glastonbury, et défendu des causes humanitaires, notamment en faveur des personnes handicapées. Leur parcours était raconté dans une autobiographie publiée en 2010 : Away from the Light of Day.
Amadou Bagayoko laisse derrière lui une œuvre musicale dense, un message d’espoir et un héritage culturel inestimable. Le ministre de la Culture, Mamou Daffé, a salué la mémoire d’un artiste exceptionnel, fidèle à ses racines, et dont la voix a porté l’âme du Mali au-delà des frontières.

Faso Baro Kènè : réinventer le citoyen malien par les valeurs

« Faso Baro Kènè », ou l’espace de débat citoyen, est une initiative portée par le ministère en charge de la Culture. Elle s’inscrit dans la dynamique « Mali Culture 2025 », qui fait de l’année 2025 l’année de la culture au Mali.

Ce nouvel espace d’échange, appelé à s’animer dans toutes les régions du pays, vise à forger un citoyen profondément enraciné dans les valeurs culturelles maliennes, et pleinement engagé dans la construction d’un Mali uni et fort.
La conférence inaugurale, placée sous le thème évocateur « Maaya ni Danbé pour une culture de MaliKura », a posé les bases de cette nouvelle tribune d’échanges et de transmission. À travers des discussions sur l’histoire et les traditions locales, Faso Baro Kènè entend favoriser la compréhension mutuelle entre les différentes composantes culturelles du pays. Dans un Mali riche de sa diversité, les initiateurs espèrent ainsi contribuer à la consolidation de la paix et du vivre-ensemble, en misant sur ce dialogue ouvert et enraciné.
Pour toucher l’ensemble du territoire, l’espace s’appuie sur le cadre d’échanges « Maaya ni Danbé Kènè », déjà mis en place dans les gouvernorats de région. Ce dispositif a été conçu grâce à la collaboration entre plusieurs ministères à savoir celui de l’Administration territoriale, celui de la Jeunesse et des Sports, celui de la Réconciliation nationale et enfin celui de la Culture.
Mais plus qu’un simple cadre de débat, Faso Baro Kènè puise son essence dans deux notions fondamentales de la culture malienne : le Maaya et le Danbé. Maaya, qui signifie humanisme en bamanan, et Danbé, la dignité, sont deux valeurs cardinales sur lesquelles repose l’équilibre social. Pour les initiateurs, elles doivent désormais servir de repères pour guider l’individu dans la société.
« Maaya et Danbé sont comme la première religion du Mali, en ce sens qu’ils façonnent l’individu et l’empêchent de devenir un monstre social pour ses semblables », affirme Tiémoko André Sanogo, auteur de La Métamorphose. Ces valeurs s’appuient sur des piliers tels que la retenue, la sobriété, la connaissance de soi, le respect, la compassion ou encore la parole donnée. À l’opposé, elles rejettent catégoriquement des comportements déviants comme le mensonge, la trahison, la méchanceté ou l’oisiveté.
L’ambition de Faso Baro Kènè est de reconstruire un nouveau type de Malien, aligné sur les fondements éthiques de sa société et résolument engagé pour le développement du pays. À travers une éducation civique renforcée, ciblant aussi bien les jeunes que les adultes, l’initiative veut éveiller l’esprit patriotique et impulser un changement de comportement durable.
Fatoumata Maguiraga

Conservatoire de Bamako : Grève dans un pilier culturel en mal de reconnaissance

Le Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia Balla Fasséké Kouyaté (CAMM-BFK), pilier de la formation artistique et audiovisuelle au Mali depuis 2004, est à l’arrêt. Les enseignants vacataires et permanents, soutenus par le Syndicat National de l’Éducation et de la Culture (SNEC), ont déclenché une grève illimitée le 28 mars 2025.

Ils dénoncent le non-paiement de leurs heures supplémentaires et indemnités depuis 2022, un manque criant de reconnaissance institutionnelle et l’inaction prolongée du ministère de tutelle. Pour Mamoutou Koné, Secrétaire général du Comité syndical, la situation est alarmante : « 90% des enseignants sont vacataires. Leurs salaires, constitués essentiellement d’heures supplémentaires, ne sont pas payés depuis deux ans. Certains ne peuvent même plus assurer les cours ». Ce blocage paralyse totalement l’année académique. Ainsi, la cohorte 2023 – 2025 n’a toujours pas démarré ses cours et les soutenances des promotions précédentes sont suspendues.

Le CAMM, censé former les élites culturelles de demain dans les domaines du théâtre, de la musique, du design et de l’audiovisuel, traverse une crise structurelle. Outre les salaires impayés, les doléances portent sur l’application du Cadre organique, pourtant validé par les textes législatifs, la nomination officielle des chefs de département et l’absence de recrutement de diplômés dans la Fonction publique depuis plus de quinze ans.

Un rapport du ministère de la Culture datant de 2022 mentionnait déjà un sous-financement chronique du Conservatoire, un déficit en enseignants qualifiés et une précarité administrative. L’Ordonnance de 2023 qui stipule que l’Enseignement supérieur doit recruter et former les enseignants du Conservatoire, est resté lettre morte.

Malgré la mise en place d’une commission de conciliation en janvier 2023, aucune mesure concrète n’a été prise. « Le mutisme des autorités est un aveu d’échec. Nous n’avons plus d’autre choix que la grève pour nous faire entendre », confie M. Koné.

Alors que le Mali mise sur la culture pour rayonner à l’international, l’abandon du principal centre de formation artistique révèle un paradoxe inquiétant. Le SNEC exige des garanties écrites sur les paiements et l’application des textes, faute de quoi il promet d’user de tous les recours légaux.

La paralysie du Conservatoire pose des questions urgentes sur la place réelle de la culture dans les priorités nationales, alors que 2025 a été décrétée Année de la Culture au Mali.

Massiré Diop

Retour à l’ordre constitutionnel : Après « l’ultimatum », place aux actions ?

Dans une déclaration en date du 22 janvier 2025, les partis signataires de la Déclaration du 31 mars 2024 avaient demandé aux autorités de la Transition de fixer un chronogramme pour les élections avant la fin du 1er trimestre 2025. Comment la coalition s’organise-t-elle après l’expiration de cette échéance ?

Le constat est sans équivoque. Aucune des quatre principales demandes de la coalition du 31 mars n’a abouti durant les trois premiers mois de l’année 2025. Ces partis et regroupements de partis politiques exigeaient notamment l’organisation d’un cadre de concertation entre le gouvernement et la classe politique pour débattre du retour à l’ordre constitutionnel. Ils souhaitaient également convenir d’une nouvelle architecture inclusive et consensuelle, ainsi que de la fixation d’un chronogramme détaillé et précis vers les élections avant la fin du premier trimestre 2025.

Ils demandaient en outre aux autorités de la Transition de conduire de manière diligente et inclusive l’ensemble des tâches entrant dans le cadre du processus de retour à l’ordre constitutionnel normal et de garantir le respect des libertés démocratiques, de l’État de droit, de la libération des prisonniers pour délit d’opinion, du retour des exilés politiques, ainsi que de mettre fin aux arrestations arbitraires et aux disparitions forcées.

Réponses en gestation

Depuis l’expiration de l’échéance du premier trimestre 2025, le 31 mars dernier, la coalition, avec pour fer de lance le M5-RFP Malikura, le parti Yelema et l’ADEMA-PASJ, n’est pas encore montée au créneau. Mais dans sa déclaration du 22 janvier, elle déclarait qu’elle userait de tous les moyens légaux pour obtenir le retour à l’ordre constitutionnel normal.

Doit-on s’attendre à des actions d’envergure dans les prochains jours ? « La classe politique, dans sa grande majorité, est en train de s’organiser pour voir les moyens légaux que nous avons pour répondre à la situation », affirme Dr. Youssouf Diawara, Président du parti Yelema.

Selon lui, chaque leader individuellement, et chaque formation politique de son côté, mène un travail pour l’adhésion de l’opinion publique à la cause de la coalition et, au-delà, d’une « grande majorité » de la classe politique.

« Chacun à son niveau travaille pour faire comprendre à l’opinion publique dans quelle situation nous sommes. Il y a beaucoup de démarches que nous avons menées, pas toujours publiques, parce que nous avons souhaité aller davantage vers la confrontation des idées et des arguments que vers l’affrontement », glisse le Président du parti de l’ancien Premier ministre Moussa Mara.

Vers une vitesse supérieure ?

Même si d’éventuelles futures actions ne sont pas annoncées pour le moment, les partis et regroupements de partis politiques signataires de la Déclaration du 31 mars 2024 ne comptent pas rester inactifs.

« Nous travaillons à des rassemblements. Nous discutons sur le fond pour voir comment mettre la classe politique ensemble afin d’exercer davantage de pression sur nos autorités pour qu’on sorte de cette situation qui n’a que trop duré », glisse Dr. Youssouf Diawara.

Pour ce dernier, demander à sortir de la Transition « n’est pas seulement pour nous la classe politique, mais aussi pour les gouvernants eux-mêmes. C’est bien pour eux qu’on puisse sortir de cette situation pour mettre notre pays sur une nouvelle dynamique », soutient-il.

Calendes grecques ?

Depuis l’annonce en septembre 2023 du léger report de l’élection présidentielle devant mettre un terme à la Transition, initialement prévue pour mars 2024, aucune nouvelle date n’a été annoncée par les autorités de la Transition.

Fin 2024, le CNT a adopté la Loi de finances 2025, qui prend en compte les dépenses électorales. Cette adoption, en plus de la pleine opérationnalisation de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), avait suscité un regain d’espoir au sein de la classe politique quant à l’organisation des élections courant 2025.

Mais, depuis le silence du Président de la Transition sur la question lors de son discours du Nouvel An, le 31 décembre 2024, le flou perdure.

Mohamed Kenouvi

L’initiative de l’ONU en matière de dette a changé

Le développement économique nécessite des financements abordables, accessibles et dont les échéances correspondent aux résultats du développement. Pourtant, pour la plupart des pays en développement, rien de tout cela ne s’applique. Au lieu de cela, une « catastrophe de la dette » de plus en plus grave est en train de se produire dans une grande partie du monde en développement, exacerbée par une série de crises mondiales en cascade.

 

On ne saurait trop insister sur l’urgence de la crise actuelle. Plus de la moitié des 68 pays éligibles au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) du Fonds monétaire international (FMI) sont aujourd’hui confrontés au surendettement, soit plus du double qu’en 2015.

 

Ce chiffre ne rend cependant pas intégralement compte de l’ampleur du problème, car de nombreux pays qui ne relèvent pas du FRPC sont également aux prises avec un endettement écrasant et des problèmes de liquidité. Entre 2017 et 2023, le coût moyen du service de la dette des pays en développement a augmenté de près de 12 % par an, soit plus du double du taux de croissance de leurs exportations et de leurs envois de fonds. Par conséquent, la viabilité de la dette extérieure s’est détériorée dans deux tiers des pays en développement au cours de cette période, y compris dans 37 des 45 pays africains pour lesquels des données sont disponibles.

 

Malgré le poids insoutenable de leur dette, de nombreux pays hésitent à faire défaut, en raison de l’inefficacité des mécanismes de résolution de la dette et des coûts politiques et économiques prohibitifs. En conséquence, les pays endettés donnent la priorité à leurs obligations envers leurs créanciers plutôt qu’à leur propre développement. L’explosion des paiements au titre du service de la dette empêche ainsi les investissements vitaux dans les infrastructures et le capital humain, ce qui étouffe la croissance et retarde l’action en faveur du climat. Aujourd’hui, 3,3 milliards de personnes vivent dans des pays qui consacrent plus d’argent au service de la dette qu’aux soins de santé et à l’éducation, la grande majorité d’entre elles se trouvant dans des économies à revenu intermédiaire.

 

Si rien n’est fait, les contraintes de liquidité actuelles pourraient rapidement se transformer en une véritable crise de solvabilité. Une intervention urgente est donc nécessaire pour éviter une vague de défauts de paiement et mettre les pays endettés sur la voie de l’indépendance économique.

 

En réponse à l’escalade de la crise de la dette dans les pays du Sud, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a créé le groupe d’experts sur la dette en décembre 2024. Ses membres sont chargés d’identifier et de proposer des solutions politiques pour aider les économies en développement – en particulier les pays africains et les petits États insulaires en développement – à sortir du cercle vicieux du surendettement.

 

Bien que de précédents groupes de travail des Nations unies se soient penchés sur la question de la dette souveraine, plusieurs facteurs distinguent cette initiative. Le premier est le calendrier : les chocs économiques successifs ont contraint les pays en développement à emprunter, généralement à des taux d’intérêt élevés, ce qui a considérablement réduit leur marge de manœuvre budgétaire. À cinq ans de l’échéance de 2030 fixée pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), les pays en développement – entravés par un déficit de financement annuel persistant de 4 000 milliards de dollars – sont en passe d’en atteindre moins d’un cinquième.

 

Deuxièmement, alors que les initiatives précédentes se sont concentrées sur la capacité des pays en développement à rembourser et à assurer le service de leur dette, le groupe d’experts vise à s’assurer que toutes les solutions proposées soutiennent le développement durable.

 

Troisièmement, le groupe d’experts a pour objectif d’identifier et de promouvoir des solutions susceptibles d’obtenir un soutien politique et public aux niveaux mondial, régional et national. Si des mesures audacieuses et ambitieuses sont essentielles pour résoudre la crise actuelle de la dette et du développement, nous ne pouvons pas nous permettre de poursuivre des propositions qui ont peu de chances d’obtenir le soutien nécessaire pour conduire un changement significatif.

 

C’est dans cet esprit que le groupe d’experts cherche à développer des stratégies globales. Si les solutions ne s’appliquent qu’aux nouvelles dettes ou ne favorisent pas la croissance économique, la stabilisation de la dynamique de la dette pourrait prendre des années. Les compromis doivent également être soigneusement pris en compte ; un recours accru aux garanties, par exemple, pourrait mobiliser davantage de capitaux privés, mais pourrait réduire l’accès aux financements concessionnels et aux subventions pour les États souverains.

 

Enfin, la composition et la portée du groupe d’experts le placent dans une position unique pour aborder ces questions. Soutenu par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) et d’autres organismes internationaux, le groupe rassemble d’anciens et d’actuels fonctionnaires, des décideurs politiques et des universitaires de premier plan, alliant expertise technique et influence de haut niveau.

 

Les liens étroits que le groupe entretient avec des institutions et des réseaux clés – notamment les institutions financières internationales, le G20, Jubilee 2025 et diverses organisations et agences régionales et nationales – créent des opportunités précieuses pour engager les décideurs politiques, les universitaires, les représentants de la société civile et d’autres parties prenantes. En favorisant la coordination entre les États membres des Nations unies, le groupe peut contribuer à mobiliser la volonté politique et à affiner les propositions émergentes.

 

Trois rassemblements à venir – la quatrième conférence internationale sur le financement du développement en juillet en Espagne, le sommet du G20 en Afrique du Sud et la conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP30) en novembre au Brésil – pourraient particulièrement servir de plateformes essentielles pour promouvoir des solutions politiques réalistes et pratiques.

 

Certes, aucune réforme ne résoudra à elle seule la crise de la dette des pays en développement du jour au lendemain. La crise a toutefois mis en évidence les limites des approches conventionnelles, ce qui souligne le besoin urgent de repenser la structure et l’objectif de la dette souveraine afin que les pays ne soient plus contraints de choisir entre rembourser leurs créanciers et assurer leur avenir.

 

Compte tenu des enjeux, toute solution doit être à la fois rapide et capable d’unir une large coalition de parties prenantes. Mais la rapidité ne peut se faire au détriment du progrès à long terme. Pour briser le cycle du surendettement, les solutions doivent aller au-delà des solutions à court terme et servir de base au développement durable.

 

Mahmoud Mohieldin, envoyé spécial des Nations unies pour le financement du Programme de développement durable à l’horizon 2030, est coprésident du groupe d’experts sur la dette. Paolo Gentiloni, ancien commissaire européen à l’économie, est coprésident du groupe d’experts sur la dette. Trevor Manuel, ancien ministre des Finances d’Afrique du Sud, est coprésident du groupe d’experts sur la dette. Yan Wang, ancien économiste principal à la Banque mondiale, est chercheur universitaire principal au Global Development Policy Center de l’Université de Boston et coprésident du groupe d’experts sur la dette.

 

Project Syndicate, 2025.
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Nouhoum Sarr : « Le moment est venu pour que les vraies forces du changement se rassemblent »

Président du Front Africain pour le Développement (FAD) et membre du Conseil national de transition (CNT), Nouhoum Sarr livre dans cet entretien son regard sur la conduite de la transition et sur certains sujets brûlants de l’actualité socio-politique. Propos recueillis par Mohamed Kenouvi

Comment se porte aujourd’hui votre parti, le FAD ?

Le FAD se porte très bien et est suffisamment implanté dans toutes les régions du Mali, bien qu’il ne soit pas présent dans tous les cercles. C’est important pour un parti construit et entretenu par la jeunesse, par la jeunesse qui a le Mali chevillé au corps. Nous avons initié un regroupement politique, l’Alliance du 22 septembre, suite aux recommandations des Assises nationales pour la Refondation visant à rapprocher les partis politiques et à mettre fin à la prolifération des partis. C’est dans cette optique que nous avons contacté d’autres partis et nous sommes prêts à mettre en place une importante formation politique.
En fin de compte, au-delà de notre objectif de préserver et de consolider les acquis de la transition, nous œuvrons à unifier plusieurs formations politiques partageant les mêmes objectifs afin de créer une seule entité politique. Cela demande du temps, beaucoup d’énergie, de tact et de pédagogie. C’est ce que nous sommes en train de faire.

Vous parlez très souvent ces derniers temps de rassemblement des vraies forces du changement. Pensez-vous que ce grand rassemblement est imminent et que faites-vous pour le bâtir ?

Ce rassemblement est indispensable. Je parle de vraies forces du changement parce qu’il y a beaucoup d’imposteurs. Il y a des gens qui utilisent le mot changement par pur opportunisme. C’est-à-dire qu’en vérité, ils n’incarnent en rien le changement. Ils étaient pour la plupart aux affaires et sont comptables d’une bonne partie du bilan des deux dernières décennies de gouvernance de notre pays. Quand nous entendons ces acteurs parler de changement, on se pose la question de savoir s’ils ont la même définition du changement. L’avènement de la Transition résulte essentiellement d’une lutte politique de plusieurs acteurs, pluralistes, venus d’horizons différents, avec des conceptions variées de la politique. Ces acteurs, malgré leurs différences, se sont regroupés pour mettre fin à l’ancien régime. Cependant, dans la pratique, certains d’entre eux se sont révélés être de véritables imposteurs, n’ayant aucune ambition de porter le changement et menant seulement un combat politique classique pour accéder à des fonctions de responsabilité. D’autres, s’ils ne sont pas aux affaires, estiment que rien ne se passe bien, car ils se considèrent comme les seuls élus de Dieu, capables de déterminer les paramètres politiques de notre pays. Nous estimons que tous les Maliens ont le droit de se prononcer sur la manière dont doit être géré leur pays. Tous les Maliens ont le droit d’être entendus. Nous faisons partie de ceux qui estiment qu’il faut éviter d’être des donneurs de leçons et toujours penser que nous avons raison, que nous avons plus d’expérience. Il faut faire très attention.
Les vraies forces du changement pour moi sont celles qui ont l’objectif essentiel de faire du Mali un pays prospère, basant le développement sur des préceptes endogènes, car personne ne viendra développer notre pays. Les vraies forces du changement sont celles qui acceptent de faire table rase du passé et se projettent dans l’avenir sans s’ériger en donneurs de leçons. Ce sont aussi les jeunes qui s’emploient à faire du Mali une terre de prospérité, souhaitant mettre fin, quelles que soient les conditions, à la spirale de l’immigration clandestine. Les vraies forces du changement s’abstiennent de toute manipulation au profit de l’intérêt national. Ce sont celles qui se dédient exclusivement à l’intérêt national et à la prospérité de notre pays. Nous estimons donc que le moment est venu pour ces vraies forces de se rassembler, car elles n’ont pas le choix. Si elles ne le font pas, ce seront les forces rétrogrades, qui ont conduit notre pays dans l’impasse, qui tenteront de revenir aux affaires.

Quel regard portez-vous sur le bilan de la Transition depuis bientôt 5 ans ?

Nous estimons que la Transition politique a posé des actes incontestables pour la souveraineté du pays et dans l’objectif de recouvrer l’intégrité du territoire. Kidal aujourd’hui est de retour dans le giron malien. Ce n’était pas gagné. La Transition s’efforce inlassablement de bâtir un processus de prospérité pour le pays. La situation sécuritaire n’a jamais été aussi stable. Aujourd’hui, nous faisons face à des guérillas. Personne dans le monde n’a réussi à maîtriser une guérilla. Ce sont des attaques sporadiques, mais le constat est qu’aucun groupe ne contrôle une capitale régionale dans notre pays, ce qui n’était pas le cas il y a quatre ans. Aujourd’hui, nous entendons beaucoup de critiques stériles, très peu constructives, concernant la conduite du pays. Mais malgré ces critiques, le peuple malien voit. Il y a un constat qui est clair : la Transition a réussi à accomplir de grandes choses en si peu de temps. Elle a modernisé notre armée, l’a dotée d’équipements à la pointe de la technologie, et ce, sans avoir besoin de recourir à une loi de programmation militaire. La Transition a posé de très grandes actions. Nous avons débarrassé notre pays de la tutelle. Les forces étrangères qui étaient présentes ici ne le sont plus. Aujourd’hui, le territoire est contrôlé par nos forces nationales. Cependant, des défis demeurent. Ils seront relevés au fil du temps, car il n’existe pas de baguette magique pour résoudre tous les problèmes. Les difficultés seront résolues avec le temps. Aujourd’hui, notre pays a pris un chemin de non-retour vers la prospérité, la souveraineté, et pour assurer les meilleures conditions de vie à nos populations. La crise énergétique est un défi qui est en train d’être résolu. Je dis toujours que nous allons régler cette crise énergétique et qu’il n’y en aura plus au Mali. Ce sera la dernière crise énergétique que nous connaîtrons. Cela nécessite du temps, de l’énergie, et une certaine mobilisation de l’ensemble des forces du pays.

D’aucuns estiment que ce bilan n’a pas encore produit assez de résultats sur le plan économique…

Il y a effectivement des défis économiques très importants. Nous vivons aujourd’hui dans un monde en crise, et la guerre en Ukraine a eu des répercussions sur l’économie mondiale ainsi que sur l’économie malienne. Les inondations de l’année dernière ont fait que les cultures n’ont pas connu le développement souhaité, et les rendements attendus n’ont pas été atteints. Tout cela impacte la situation économique du pays. Il existe également des difficultés en termes de vision globale. Je pense que ce qui est dangereux pour une transition ou pour un pays, c’est le virage économique en termes de nationalisation. C’est pourquoi je ne partage pas tout ce qui consiste à placer des entreprises stratégiques sous la bannière de l’État. Je suis un libéral dans l’âme ; il n’y a pas d’alternative au libéralisme. Tous les pays qui ont emprunté d’autres chemins ont échoué lamentablement. C’est pourquoi je souhaite ardemment que les autorités de la Transition clarifient rapidement la question de l’orientation économique de notre pays. Soit nous optons pour une nationalisation à outrance, soit nous choisissons le libéralisme, c’est-à-dire la privatisation de toutes les grandes entreprises, et l’État se contentera de son rôle régulier, qui est de contrôler, de réglementer, de réguler, et surtout de collecter les taxes et les impôts. Si cette clarification n’est pas apportée rapidement, cela pourrait poser des difficultés pour l’économie de notre pays.

Depuis début mars, l’État a instauré de nouvelles taxes sur la téléphonie mobile. Pour beaucoup, cette mesure aurait dû être accompagnée d’une réduction du train de vie de l’État. Quelle est votre position ?

J’évite de me prononcer sur les taxes, car il s’agit d’une ordonnance. Une ordonnance est un texte réglementaire qui a la même valeur qu’un décret. L’ordonnance devient loi quand elle est ratifiée par le parlement. Donc, je dois être prudent en me prononçant sur cette ordonnance. Je m’abstiendrai de me prononcer sur cette taxation tant que l’ordonnance ne sera pas examinée par le CNT. En revanche, sur la question de la réduction du train de vie de l’État, il faut être honnête. Certains acteurs, que j’appelle entrepreneurs politiques, ont fait de la critique stérile leur cheval de bataille. Cela n’a pas d’avenir. Le temps finit toujours par rattraper les réalités. J’insiste : je ne connais pas de pouvoir politique au Mali au cours des 30 dernières années qui ait mieux réduit le train de vie de l’État que cette Transition actuelle. Les ministres maliens sont les moins bien payés de la sous-région, alors que le Mali n’est pas la dernière économie de cette région. Les fonctions politiques nécessitent un minimum de dignité. Lorsque quelqu’un est député, il doit être en mesure de régler un certain nombre de choses ; il doit être à l’abri du besoin et ne pas se retrouver dans la vulnérabilité au point de devoir se soumettre à des lobbys qui pourraient lui faire adopter des textes de lois anti-progrès. Le populisme n’a pas d’avenir. Le véritable problème avec certains entrepreneurs politiques, c’est qu’ils ont échoué là où nous sommes en train de réussir. Aujourd’hui, c’est un combat. Ils veulent nous faire tomber et prendre notre place. Nous devons résister, car nous avons un projet pour notre peuple.

Qu’est-ce qui, selon vous, retarde aujourd’hui l’organisation des élections ?

Il faut reconnaître que les élections sont essentielles dans une démocratie. Les élections représentent l’expression du contrat social. Pour accéder au pouvoir, il faut des élections. Cependant, pour qu’il y ait des élections, il faut un pays soudé. De 2018 à 2020, nous avons connu la plus grande crise électorale de notre pays, et pour aller vers de nouvelles élections, nous avons besoin de réformes. En parlant de réformes, tout le monde s’accorde à dire que la Transition est championne des réformes. Le nombre de textes adoptés dans notre pays sous cette transition est sans précédent. Il y a une loi électorale qui, au regard de la nouvelle Constitution, nécessite des modifications, et d’autres réformes sont en cours. Les gens sont dans le déni de la réalité et de l’histoire. Notre pays a besoin d’être réformé pour établir des institutions si solides que même si le diable y pénètre, il ne pourra pas faire ce qu’il veut. C’est ce que nous sommes en train de mettre en place. Les élections auront lieu. Que les gens se préparent, car la date des élections pourrait être une surprise.

Quel message avez-vous à l’endroit des Maliens ?

Je félicite les Maliens pour leur résilience, car ils n’ont jamais accepté de céder aux sirènes des fossoyeurs. Les gens ont tout fait pour faire tomber la Transition, mais notre peuple est resté droit dans ses bottes, apportant un soutien inconditionnel, et pour cela, nous lui serons éternellement reconnaissants.

Un monde à l’envers

Les principaux moteurs de croissance du monde sont sur le point de se mettre à tourner à l’envers. Les politiques et les incertitudes de la deuxième administration du président américain Donald Trump ont frappé une économie mondiale léthargique d’un choc exogène transformationnel. Les risques sont particulièrement inquiétants aux États-Unis et en Chine, qui ont représenté collectivement un peu plus de 40 % de la croissance cumulée du PIB mondial depuis 2010.

 

L’Amérique est désormais le problème, et non la solution. Longtemps le point d’ancrage d’un ordre international fondé sur des règles, les États-Unis sont devenus protectionnistes, ce qui fait peser des risques majeurs sur un cycle commercial mondial déjà fragile. Dans le même temps, le mouvement Maga (« Make America Great Again ») de Trump a creusé un fossé profond entre les États-Unis et l’Europe et divisé l’Amérique du Nord : l’indépendance même du Canada se retrouve dans la ligne de mire de Trump. Le rôle central des États-Unis dans le maintien de la stabilité géostratégique post-Seconde Guerre mondiale a été brisé.

 

Les États-Unis ne seront pas en mesure de remettre le génie dans la lampe. Les actions choquantes de Trump ont érodé la confiance qui sous-tendait le leadership mondial de l’Amérique, et les dommages se manifesteront longtemps après que Trump ait quitté la scène. L’Amérique ayant déjà abdiqué son autorité morale en tant que point d’ancrage du monde libre une fois, qui peut dire que cela ne pourra pas se reproduire ?

 

Cette rupture de confiance jette une ombre durable sur les performances économiques, notamment aux États-Unis, où elle affecte la prise de décision des entreprises, en particulier les engagements coûteux à long terme associés à l’embauche et aux dépenses d’investissement. Les entreprises doivent adapter leurs activités futures aux prévisions de croissance – une perspective de plus en plus incertaine à l’heure actuelle. La valeur des actifs et la confiance des consommateurs ont également été ébranlées. L’incertitude, ennemie de la prise de décision, risque de geler les segments les plus dynamiques de l’économie américaine.

 

En ce qui concerne la Chine, les orientations politiques données par l’État pourraient atténuer le choc initial de la politique de Trump. Mais les pressions exercées par l’escalade des droits de douane de Trump saperont toutefois le modèle de croissance de la Chine fondé sur les exportations. Cela est particulièrement problématique pour la croissance économique, compte tenu de la faiblesse persistante de la demande intérieure chinoise.

 

Le rééquilibrage de l’économie axé sur la consommation, promis depuis longtemps, reste davantage un slogan qu’un véritable changement dans les sources de la croissance chinoise – en particulier avec un filet de sécurité sociale déficient qui continue d’encourager une épargne de précaution motivée par la peur. Le plan d’action en 30 points que la Chine vient d’annoncer pour stimuler la demande des ménages attire l’attention sur la situation apparemment difficile du consommateur chinois. Mais il n’apporte qu’un soutien modeste à un filet de sécurité sociale inadapté.

 

Le choc Trump risque non seulement d’exacerber le conflit sino-américain, mais aussi d’affaiblir considérablement les perspectives de croissance des deux pays. Ne comptez pas sur d’autres économies pour combler ce vide. À terme, l’Inde pourrait être en mesure de le faire, en partie du moins. Mais sa part relativement faible dans le PIB mondial – actuellement 8,5 % (en parité de pouvoir d’achat), contre 34 % pour la Chine et les États-Unis réunis – signifie que ce jour est encore lointain.

 

Il en va de même pour l’Europe. Alors que la part de l’Union européenne dans le PIB mondial (14 %) est presque le double de celle de l’Inde, l’Europe reste confrontée à une croissance anémique, aggravée par les pressions commerciales croissantes liées à l’escalade de la guerre tarifaire mondiale.

 

Si l’effondrement apparent de l’alliance transatlantique a un côté positif, c’est que les incitations à la cohésion stratégique devraient avoir un impact considérable sur les dépenses européennes en matière de défense. Mais cela prendra du temps. Entre-temps, l’Europe sera également exposée aux effets négatifs sur les attentes et les décisions des entreprises et des consommateurs, comparables à ceux qui affectent les États-Unis.

 

Qu’est-ce que tout cela signifie pour les perspectives économiques mondiales dans les années à venir ? La prévision de base actuelle d’une croissance du PIB mondial d’environ 3,3 % pour 2025-2026, selon les récentes prévisions du Fonds monétaire international (FMI), est beaucoup trop optimiste. Bien qu’il puisse y avoir une certaine accélération de la dynamique de croissance au début de cette année – illustrée par l’accélération des expéditions d’exportations chinoises avant les hausses tarifaires de Trump – je soupçonne que les risques de baisse vont progressivement s’accumuler.

 

Cela laisse présager une réduction fractionnée des prévisions de croissance économique mondiale pour 2025, le ralentissement devenant considérablement plus prononcé à partir de 2026. Cela pourrait facilement pousser une économie mondiale de plus en plus fragile vers le seuil de croissance de 2,5 %, généralement associé à une récession mondiale pure et simple.

 

Il ne s’agira probablement pas non plus d’un déficit habituel de la croissance mondiale. Dans la mesure où la guerre tarifaire vise à promouvoir le « friendshoring » et à renforcer la résistance de la chaîne d’approvisionnement, l’offre de l’économie mondiale est susceptible d’être mise à rude épreuve. Une nouvelle couche de coûts d’ajustement est imposée à un monde autrefois globalisé. La délocalisation vers des producteurs locaux à coûts plus élevés prend non seulement beaucoup de temps, mais érode également les gains d’efficacité en matière de production, d’assemblage et de livraison qui ont soutenu la désinflation mondiale au cours des trois dernières décennies.

 

Il y a près de cinq ans, au plus profond du choc Covid-19, j’avais prévenu que la stagflation n’était qu’à « une rupture de chaîne d’approvisionnement » près. L’expérience et les recherches qui ont suivi ont confirmé que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement durant la pandémie et ses suites immédiates ont exercé une forte pression à la hausse sur les prix.

 

Un conflit commercial mondial implique une dynamique similaire. Les coûts plus élevés associés à l’escalade « réciproque » des tarifs multilatéraux de Trump, qui doit être annoncée le 2 avril, sont particulièrement problématiques. Face à une croissance économique probablement insuffisante, les coûts supplémentaires et les pressions sur les prix risquent de faire pencher la balance vers une stagflation mondiale.

 

En bref, le choc Trump est l’équivalent fonctionnel d’une crise à part entière. Il est susceptible d’avoir un impact durable sur les économies américaine et chinoise, et la contagion est presque certaine de se propager dans le monde entier par le biais du commerce transfrontalier et des flux de capitaux. Plus important encore, il s’agit d’une crise géostratégique, qui reflète un renversement du rôle de leader mondial de l’Amérique. En l’espace d’un peu plus de deux mois, Trump a mis le monde sens dessus dessous. Si mon évaluation de ce choc est proche de la réalité, les inquiétudes concernant les prévisions économiques mondiales semblent presque insignifiantes.

 

Stephen S. Roach, membre de la faculté de l’université de Yale et ancien président de Morgan Stanley Asia, est l’auteur de Unbalanced: The Codependency of America and China(Yale University Press, 2014) et Accidental Conflict: America, China, and the Clash of False Narratives (Yale University Press, 2022).

 

Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

BAL 2025 : Le Stade malien vise le sommet

Pour sa 2ème participation à la Basketball Africa League (BAL), le Stade Malien de Bamako a de grandes ambitions. Les représentants du Mali visent les finales.

La nouvelle aventure du Stade malien dans la BAL démarre avec les rencontres de la Conférence du Kalahari, qui se dérouleront du 5 au 13 avril 2025 au complexe sportif Prince Moulay Abdellah à Rabat, au Maroc.

Lors de cette phase, les champions du Mali en titre vont s’opposer aux Rivers Hoopers du Nigeria, à Al Ittihad d’Alexandrie en Égypte et au FUS de Rabat. Les Blancs de Bamako entreront en lice dès ce samedi 5 avril face aux Nigérians, puis enchaîneront dès le lendemain contre les Égyptiens, avant de rencontrer les Marocains le 8 avril. Les matchs retour de ces différentes affiches auront lieu du 10 au 13 avril.

Pour se qualifier pour le tour suivant, le Stade Malien doit terminer parmi les 2 premiers de cette Conférence ou au moins figurer parmi les 2 meilleurs deuxièmes à l’issue des matchs des deux autres Conférences, celles du Sahara et du Nil.

Objectif play-offs

Absent lors de la saison 4, après une première participation réussie à la saison 3, où le club s’était hissé jusqu’en demi-finales, le Stade Malien souhaite à nouveau se classer parmi les meilleurs clubs du continent.

En préparation à Bamako depuis deux semaines, les poulains de Boubacar Kanouté affûtent leurs armes. « L’équipe se porte bien. Nous avons un bon état d’esprit et nous nous préparons sereinement. Nous visons un des deux tickets pour les play-offs. Les joueurs en sont capables et nous avons confiance en eux », assure le technicien.

Le Président de la section Basketball du Stade Malien de Bamako partage cet optimisme. Pour Moustapha Touré, l’objectif principal du club est d’abord de se qualifier pour les play-offs et ensuite de viser les finales. « Nous allons aborder la compétition avec toutes nos valeurs et toutes nos chances », déclare-t-il.

Cependant, le chemin vers le sommet continental est long. Si le Stade Malien assure sa qualification à l’issue de la Conférence du Kalahari, il retrouvera les 7 autres meilleures équipes issues des autres Conférences pour 4 matchs de classement, suivis d’une phase à élimination directe de 8 rencontres et des finales, qui se dérouleront du 6 au 14 juin prochain à Pretoria, en Afrique du Sud.

Mohamed Kenouvi

Production d’or : Vers un rebond en 2025 ?

Le gouvernement malien table sur une production industrielle d’or de 54,7 tonnes en 2025, contre 51,7 tonnes en 2024, soit une hausse de 6%. Cette projection, révélée dans un document du ministère des Mines, marque un tournant stratégique après une chute brutale de 23% l’an dernier.

Deux événements majeurs nourrissent cet optimisme. Il s’agit de la reprise annoncée des activités de Barrick Gold et du retrait de plus de 300 permis d’exploitation artisanale à des acteurs étrangers.

Barrick Gold, acteur important avec une contribution annuelle habituelle de plus de 12 tonnes, a suspendu ses activités à Loulo-Gounkoto début 2025, après la saisie de 3 tonnes d’or par les autorités. En janvier, la compagnie n’a extrait que 0,63 tonne et aucune en février. Sa production reste en deçà des prévisions, mais un scénario de redémarrage au 1er avril est envisagé, selon son rapport annuel. En mars, une reprise partielle devait générer 1,1 tonne, mais cet objectif n’a pas été atteint.

Pour Aliou Traoré, Président de l’ACPM (Association des commerçants et prestataires miniers) la reprise ne pèsera pas sur les prix. « Le marché de l’or est mondial. Son prix, qui a récemment franchi les 3 000 dollars l’once, est dicté par les tensions géopolitiques internationales, pas locales », explique-t-il.

Le retrait des permis miniers à des exploitants étrangers libère un potentiel considérable. L’artisanat aurifère représenterait environ 15 à 20 tonnes par an, souvent mal déclarées. « Si on encadre cette production et qu’on la canalise vers les collecteurs agréés et les raffineries locales, cela pourrait augmenter le PIB, renforcer la balance commerciale et offrir à l’État des marges nouvelles pour négocier à l’international », affirme Aliou Traoré. Il plaide pour un « encadrement national prioritaire et structuré ».

L’ACPM, forte de plus de 2 000 membres, a lancé des études sur les sites d’orpaillage et engagé des négociations avec les banques pour appuyer les prestataires locaux. Elle appelle à un quota minimum de 70% des permis miniers réservés aux opérateurs nationaux.

Avec un or représentant 75% des exportations du pays, 2025 pourrait marquer un tournant vers une souveraineté minière mieux assumée et plus profitable aux Maliens. L’avenir nous en dira davantage.

Massiré diop

Hivernage 2025 : Un plan pour éviter le pire

Les inondations de 2024 au Mali ont causé la mort de près d’une centaine de personnes et fait des milliers de sinistrés. L’une des principales causes de ces drames humains et matériels est l’occupation illicite des voies d’écoulement des eaux. Pour prévenir de nouveaux risques, les autorités ont lancé une vaste opération de libération de ces voies, principalement dans le District de Bamako. Et ce programme d’envergure doit être exécuté avant le début de l’hivernage prochain.

« Les occupations illicites des domaines publics et privés de l’État sont devenues un phénomène courant. Elles ont atteint des proportions inquiétantes. (…) C’est ainsi qu’il a été créé une Commission nationale de libération des servitudes et lits des marigots dans le district de Bamako », a déclaré le Directeur national de l’Urbanisme le 16 mars 2025.

Créée par la décision n°2025-0052/MUHDATP du 3 mars 2025, cette Commission nationale de pilotage est subdivisée en cinq sous-commissions : communication et sensibilisation, balisage et collecte de données, gestion sociale, démolition et juridique. Les autorités déplorent que les emprises des fleuves et marigots aient été envahies par des constructions anarchiques ne respectant pas les Schémas directeurs d’urbanisme. Ces installations illégales, allant des habitations aux branchements électriques frauduleux, augmentent considérablement les risques d’effondrement, d’électrocution et d’inondation, tout en favorisant la propagation de maladies telles que le paludisme, les maladies hydriques ou la fièvre typhoïde. Ces zones, censées être protégées, sont devenues de véritables bombes à retardement, alerte le Directeur de l’Urbanisme.

Une opération de grande ampleur

Plus de 700 édifices et infrastructures doivent être démolis dans le cadre de cette opération, qui revêt une triple portée : sociale, sécuritaire et environnementale. Si le phénomène de l’occupation illégale s’est amplifié au fil des ans, les alertes ne datent pourtant pas d’aujourd’hui. En 2009 déjà, les États généraux du foncier dénonçaient la violation croissante des domaines publics et privés par des particuliers. Mais ce sont sans doute les inondations meurtrières de 2013, 2019 et 2024 qui ont achevé de convaincre les autorités de passer à l’action.

L’objectif est de réduire de manière significative les risques d’inondation dans la capitale, où chaque saison pluvieuse entraîne des pertes en vies humaines et des dégâts matériels considérables. Une telle opération nécessite cependant d’importants moyens. Les fonds requis — soit 3,9 milliards de francs CFA — ont été notifiés par le ministère des Finances. Cette enveloppe couvre les travaux de démolition, les indemnisations des propriétaires ainsi qu’une aide au logement temporaire pour les locataires évacués. Une campagne de sensibilisation est en cours de préparation, avec un spot déjà validé. Le lancement des opérations est prévu pour avril, avant le début de l’hivernage prochain, annoncé autour de juin 2025. Les zones libérées seront transformées en espaces piétons, en pistes cyclables ou en aires de jeux pour enfants.

Soutenir les victimes

L’année 2024 a laissé un souvenir douloureux à de nombreux citoyens. Les pluies torrentielles ont fait des ravages, causant des pertes en vies humaines, des destructions massives et le déplacement de nombreuses familles.

Le ministère de la Santé et du Développement social rapporte que la pluviométrie extrême de 2024 a entraîné 729 inondations, causé l’effondrement de 47 306 maisons et la destruction de 2 915 greniers et magasins, emporté des milliers de têtes de bétail et ravagé des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles, affectant 88 083 ménages. À cela s’ajoutent l’effondrement ou l’inaccessibilité de nombreuses écoles, ce qui a perturbé la scolarité de 4 millions d’élèves et forcé le report de la rentrée scolaire au 4 novembre 2024, soit un mois après la date initiale prévue.

Face à l’ampleur de la catastrophe, l’État a déclaré l’état de catastrophe nationale le 23 août 2024. Un plan d’action estimé à 73 millions de dollars (soit 43 milliards de francs CFA) a été mis en œuvre avec l’appui de la Banque mondiale afin de restaurer les infrastructures et les services urbains touchés dans les secteurs de l’assainissement, de la santé, des transports, de l’éducation et de l’agriculture. Le plan prévoit également le renforcement des capacités de réponse aux urgences.

Parmi les interventions d’urgence figurent la distribution de moyens de subsistance et de kits scolaires et la mise à disposition de logements temporaires. Des campagnes de vaccination et l’envoi d’équipements médicaux ont aussi été entrepris. La Composante d’intervention d’urgence (CERC), activée dans le cadre du Projet de résilience urbaine de Bamako (PRUBA), accompagnera d’autres volets du Plan d’action qui s’étendra au total sur 14 mois.

Anticiper et s’adapter

Même si les prévisions pour la saison pluvieuse de 2025 sont moins alarmantes que celles de l’an dernier, la prudence reste de mise. Les systèmes d’évacuation des eaux demeurent fragiles et les tâches à accomplir sont considérables. Les premières données météorologiques annoncent une saison humide, avec des précipitations dans la moyenne. Contrairement à 2024, marquée par le phénomène El Niño, l’année 2025 se déroulera sous une phase « neutre ». Ce contexte n’exclut toutefois pas des épisodes extrêmes, tant la crise climatique mondiale s’intensifie.

La Journée mondiale des forêts, célébrée le 21 mars 2025, a mis en lumière les enjeux environnementaux actuels. La couverture forestière du pays est passée de 32 millions d’hectares en 2002 à près de 17 millions en 2025. Pour renforcer sa protection, le gouvernement a adopté des réformes législatives plus contraignantes : confiscation des produits illégalement exploités, formation des agents de protection, etc.

Dans cette dynamique, une Stratégie nationale de sécurité climatique a été adoptée pour répondre aux défis croissants liés au changement climatique : désertification, raréfaction de l’eau, perte de la biodiversité, insécurité alimentaire, migrations forcées, tensions autour des ressources naturelles…

Prévue sur cinq ans, cette stratégie vise à établir une approche intégrée, concertée et proactive entre l’État, les collectivités, la société civile et les partenaires au développement. Elle doit permettre une action cohérente pour anticiper et répondre aux impacts du climat sur la stabilité sociale.

La libération des servitudes et des lits des cours d’eau qui démarre dès ce mois d’avril s’inscrit dans une volonté plus large : prévenir les inondations, renforcer la résilience urbaine et imposer le respect des Schémas directeurs d’urbanisme. Car les occupations illicites ne sont pas seulement illégales. Elles sont aussi incompatibles avec toute politique sérieuse de développement durable et de maîtrise urbaine.

Fatoumata Maguiraga

Sky Mali relie désormais Bamako à Niamey via Gao : une ambition régionale affirmée

Dans un contexte régional en pleine mutation, la compagnie aérienne Sky Mali franchit un nouveau cap en lançant officiellement sa liaison Bamako-Gao-Niamey. Le premier vol commercial est prévu pour le 8 avril 2025, avec une desserte bihebdomadaire les mardis et samedis. Cette décision stratégique intervient alors que les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) cherchent à renforcer leurs synergies économiques et à bâtir une souveraineté logistique sur fond d’isolement diplomatique croissant.

Le projet ne date pas d’hier. « Cette initiative n’est pas le fruit du hasard », a rappelé la Directrice Générale de Sky Mali, Aïcha Doucouré Haïdara, à l’ouverture d’un atelier organisé à Bamako à l’intention des agences de voyages partenaires. « Elle est née d’une analyse de terrain, de l’écoute des attentes des voyageurs et de notre volonté de relier les peuples, au-delà des frontières », a-t-elle insisté. La ligne, qui inclut une escale à Gao, entend désenclaver le nord du Mal.

Le choix de relier Bamako à Niamey en passant par Gao n’est pas anodin. Selon Sky Mali, il répond à trois objectifs : structurer un réseau aérien régional viable, offrir une alternative rapide aux trajets terrestres longs et dangereux, et renforcer la coopération économique dans l’espace AES. À terme, la compagnie envisage même de faire de Gao une plateforme de correspondance pour les régions du Liptako-Gourma, aujourd’hui peu ou pas desservies par voie aérienne.

En matière de services, Sky Mali met en avant une expérience de voyage repensée, avec une attention particulière portée à la ponctualité, au confort à bord et à l’accompagnement des partenaires commerciaux. Pour le mois d’avril, une grille tarifaire promotionnelle a été dévoilée, avec des commissions attractives destinées aux agences de voyages. Ces dernières bénéficieront également d’outils de réservation optimisés et d’un accompagnement personnalisé, selon les précisions données par l’équipe commerciale.

Ce lancement intervient dans un contexte où la connectivité aérienne entre États africains reste l’un des défis majeurs du secteur. D’après l’Union africaine, plus de 80 % des vols entre pays africains nécessitent encore une escale hors du continent. À ce titre, le Directeur Général de la compagnie ASKY, Esayas Woldemariam, a salué cette initiative : « Sky Mali montre la voie. Nos États doivent soutenir ce type d’ambition, car une Afrique plus connectée est une Afrique plus souveraine ». La compagnie togolaise, considérée comme un acteur-clé de la connectivité régionale ouest-africaine, a récemment renforcé sa propre coopération avec plusieurs compagnies nationales, dont Sky Mali, dans une logique de complémentarité plutôt que de concurrence.

En arrière-plan, le lancement de cette ligne s’inscrit aussi dans une politique de recentrage stratégique de Sky Mali sur l’AES. Après avoir suspendu ses liaisons vers Dakar en 2023 pour des raisons opérationnelles, la compagnie semble désormais miser sur l’intégration sous-régionale et sur le renforcement des flux internes. Gao, capitale culturelle du Sahel et nœud historique des routes transsahariennes, pourrait ainsi redevenir un point de passage incontournable, pour peu que la stabilité sécuritaire suive.

Avec cette nouvelle liaison, Sky Mali s’impose non seulement comme un transporteur national, mais comme un acteur stratégique de la recomposition du ciel ouest-africain. Une ambition en phase avec l’esprit du temps, entre résilience, souveraineté et intégration régionale.

Cheick Ahmed Théra : « Notre combat, c’est le Mali »

Avec pour devise « Rassembler pour travailler », le parti Mouvement Jeka Baara (MJB), créé en août 2023, revendique une implantation progressive dans plusieurs cercles du Mali. Son président, Cheick Ahmed Théra, annonce des activités à Mopti et Gao après le Ramadan.

Qu’est-ce que le parti Mouvement Jeka Baara ? 

Jeka Baara était d’abord un mouvement politique que nous avons créé à Ségou. L’objectif était d’accompagner la transition. Quand les jeunes militaires sont venus au pouvoir et quand nous avons écouté attentivement les différents discours du président de la transition, nous avons compris que ce dernier porte le Mali dans son cœur. Nous nous sommes donc dits qu’il faut l’aider. Nous avons aussi compris qu’il compte sur la jeunesse. C’est pourquoi nous avons essayé de mettre en place cette association pour aider le président de la Transition. A l’occasion du Référendum de 2023, nous avons compris que le terrain était vide et qu’il fallait doubler les efforts de soutien à la Transition. Nous nous sommes mobilisés pour la victoire du Oui. C’est après ce référendum, que nous avons rassemblé à Ségou tous nos coordinateurs des 37 cercles à travers le Mali à l’époque et avons eu l’idée de transformer le mouvement en parti politique. Pour nous, personne ne viendra construire le Mali à notre place. Notre combat c’est vraiment le Mali. Personnellement, à travers ma carrière professionnelle, je sais que le plus grand problème de ce pays, c’est le chômage des jeunes. Nous avons à peu près 8 millions de bras valides dont 5 millions de jeunes. Pour moi cela représente un bon potentiel. Nous avons également des ressources naturelles. C’est pourquoi au parti MJB nous avons choisi de faire la politique sous l’angle de l’économie. Nous croyons fermement que si le Mali arrive à donner de l’emploi à tous les jeunes, il n’y aura même pas cette guerre nous menons actuellement contre le terrorisme parce que les extrémistes auront du mal à recruter des jeunes dans leurs rangs.

Aujourd’hui, en une année et demi d’existence, quelle est la représentativité du MJB au niveau national ?

C’est passionnant et en même temps étonnant. Aujourd’hui le parti est dans tous les cercles du Mali et beaucoup adhèrent à ce parti sans forcément prendre contact avec la direction et développent des initiatives personnelles pour l’épanouissement du parti dans leur lieu de résidence. Actuellement nous faisons des rentrées politiques à travers les différentes régions. Nous l’avons déjà fait à Bamako, à Ségou, à Kayes, et à Sikasso. Nous allons poursuivre après le mois de Ramadan avec la région de Gao puis Mopti. Il faut dire aussi que nous avons une équipe d’implantation très dynamique, qui fait beaucoup de sorties. Elle était déjà dans tous les cercles du sud du pays. Au-delà de tout cela, nous avons également avec nous des politiques très expérimentés qui sont du Nord et qui y ont beaucoup travaillé pour notre présence là-bas.

Le parti est né sous la Transition, dans un contexte où les partis politiques sont au plus bas dans l’opinion nationale. Comment comptez-vous vous démarquer des partis traditionnels et classiques que le Mali connait jusque-là ?

D’abord, notre finalité, notre vocation et nos objectifs sont très différents. Jeka Baara, est un parti travailliste. Personnellement, au Mali je ne connais pas un seul parti travailliste. Nous sommes également un parti du Mali Kura. Vous savez, à chaque étape de la vie d’une nation où il y a des grands changements, il faut un changement politique. En 1992, les partis qui ont vu le jour, avaient tous cette connotation « démocratie ». Et c’est grâce à eux que nous avons la démocratie aujourd’hui et ce sont eux qui ont dirigé les affaires pendant plusieurs années parce que c’était la volonté populaire à cette époque. Mais aujourd’hui, c’est difficile pour un parti qui se bat pour la démocratie d’avoir sa place dans le Mali Kura. Le Mali Kura a des objectifs et il faut un parti qui réponde à ses objectifs : le développement, l’économie, le nouveau type de malien et d’autres valeurs. Il faut un parti qui incarne ces valeurs. Les acteurs de 1992 ont fait ce qu’ils pouvaient faire. Pour moi, leur objectif est atteint : la démocratie est là.

Quelles sont vos perspectives en lien avec les élections à venir ?

Nous allons participer aux élections parce que comme tout parti politique, nous sommes créés pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Notre parti est prêt à choisir tout Malien qui peut mettre le Mali au travail pour porter nos couleurs aux élections, que ce soit la présidentielle, les législatives ou les communales.

La relecture de la Charte des partis politiques est en cours. Quelles sont vos principales propositions ?

Nous avons une préoccupation principale. En 1991, Moussa Traoré a été combattu à cause du parti unique. On ne peut pas combattre pour le multipartisme et une trentaine d’années plus tard penser que les partis politiques sont débordés et qu’il faut diminuer leur nombre. Il y a une contradiction avec laquelle nous ne sommes pas d’accord. Pour nous, un parti a des critères et il faudra éliminer ceux qui ne les respectent pas. Mais on ne doit pas interdire aux Maliens de créer de nouveaux partis. Le monde change et de nouvelles générations vont venir avec de nouvelles perspectives. On ne doit pas les freiner. Quant au financement des partis politiques, nous pensons qu’on ne doit rien donner aux partis politiques pendant cette transition. Les ressources du pays sont actuellement limitées.

Le MJB soutient les nouvelles taxes controversées du gouvernement de transition. Quel est votre message à l’endroit des Maliens qui s’y opposent ?

Aucun sacrifice n’est de trop pour ce pays. Quand on parle de gouvernement, il faut des ressources financières. C’est par les taxes que l’Etat rassemble ces ressources. Aujourd’hui si le gouvernement se tourne vers nous, je pense que nous devons être fiers de donner pour contribuer au développement de notre pays. Nous demandons à tous les Maliens d’investir sur le Mali. Les pays développés ont plus de taxes que nous et ils arrivent à gérer. Si nous voulons atteindre leur niveau, nous sommes obligés de payer des taxes. Pour moi, le gouvernement n’a volé personne, il nous demande un accompagnement. Payer ces taxes, c’est participer au développement du Mali.

Un message à l’endroit des Maliens ?

Je demande aux Maliens de se mettre ensemble. A Jeka Baara, notre vocation c’est mettre les maliens ensembles pour travailler. Il faut que nous nous acceptions parce que c’est quand on est ensemble que nous pouvons éviter beaucoup de conflits. Quoi qu’il arrive , nous sommes tous des fils et filles de ce pays. Nous devons mettre le Mali au-dessus de tout.

Propos recueillis par Mohamed Kenouvi

Modibo Sidibé : « La démocratie ne se décrète pas, elle s’organise et se nourrit de participation »

Président du parti Les Fare Anka Wili et du Comité stratégique du M5-RFP Malikura, Modibo Sidibé aborde les enjeux de la Transition au Mali : gouvernance, sécurité, libertés, services sociaux, intégration régionale… Il appelle à un sursaut démocratique fondé sur l’inclusivité, la responsabilité et la transparence. Propos recueillis par Massiré Diop.

Pensez-vous que les conditions actuelles permettent l’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles au Mali ?

Le mouvement de l’Appel du 31 mars, dont le M5-RFP Mali Kura est membre, s’est exprimé à ce sujet. Nous sommes dans une période transitoire qui, comme toute transition, doit impérativement aboutir à un retour à l’ordre constitutionnel à travers des élections. Cela implique un dialogue ouvert et inclusif entre les autorités, les acteurs politiques, la société civile et les forces vives du pays pour convenir d’un calendrier électoral clair, assorti de garanties sur les conditions d’organisation.

Il ne suffit pas d’organiser des élections, encore faut-il qu’elles soient crédibles, transparentes et conformes à l’esprit de la nouvelle Constitution. Cela suppose aussi une volonté politique affirmée de mettre en place les dispositifs techniques, logistiques et institutionnels adaptés. La Transition n’a de sens que si elle permet une refondation du système, une réforme du cadre électoral et un retour durable à une gouvernance démocratique.

Le M5-RFP Malikura envisage-t-il de désigner un candidat unique pour la prochaine présidentielle ?

Depuis plusieurs mois, le M5-RFP Malikura a clairement exprimé son engagement dans une troisième phase de son combat : la conquête du pouvoir à travers les urnes, pour mettre en œuvre les valeurs et objectifs du Mali Kura. Nous travaillons à la construction d’un projet politique partagé, autour duquel nous pourrons rassembler nos forces et les élargir à tous ceux qui partagent nos valeurs et notre projet. L’idée d’un candidat unique est bien actée : il  portera en toute légitimité ce projet collectif. C’est dans ce cadre que les procédures internes seront définies afin de désigner un candidat qui incarne les principes de refondation, de souveraineté et de justice sociale que nous défendons.

Quelle est votre position sur la réforme de la Charte des partis visant à réorganiser le paysage politique ?

Il est indéniable que notre système politique souffre de nombreux dysfonctionnements : prolifération de partis sans projet réel, nomadisme politique, manque d’éthique. Mais une simple réforme technique ne suffira pas. Le véritable enjeu, c’est la refondation du politique autour de quatre axes : un renouveau de la démocratie, de la gouvernance, du politique lui-même et surtout du citoyen. La classe politique doit faire son introspection, scruter les pratiques politiques négatives, afin de redonner du sens à l’engagement politique et de recentrer l’action publique sur les valeurs de servir, d’être au service, d’intérêt général et de responsabilité. Ce n’est pas tant le nombre de partis qui pose problème, mais la qualité de leur engagement. La réforme doit donc être accompagnée d’un véritable dialogue politique, d’un Code d’éthique partagé et d’une politique d’appui aux partis politiques basée sur des critères d’information et d’éducation citoyenne, de représentativité et de transparence.

S’agissant du mode de « financement » des partis politiques, le M5-RFP MaliKura propose le décrochage des recettes fiscales annuelles (0,25%) dont la hausse constante provoque une croissance automatique de l’appui aux partis sans raison aucune et de convenir plutôt d’un montant révisable périodiquement, de moduler les critères en ajoutant à l’existence légale un élu au moins et davantage d’équité dans la répartition.

La Confédération AES peut-elle, selon vous, jouer un rôle moteur dans l’intégration régionale ?

La CEDEAO est une construction régionale importante, issue d’une vision historique d’intégration ouest-africaine que les peuples ont soutenue dès les années 1990. Le Mali y a longtemps joué un rôle actif. Cela dit, les décisions récentes, notamment en matière de sanctions, ont mis en lumière ses limites et suscité de profondes interrogations. La Confédération AES, en tant qu’espace de coopération sécuritaire et politique, peut représenter une dynamique complémentaire si elle est portée par une vision stratégique claire. Mais l’objectif ne doit pas être de fragmenter la région. Il faut travailler à une CEDEAO refondée, au service des peuples, intégrant les aspirations légitimes des États membres à plus de souveraineté et d’efficacité. L’intégration régionale ne doit pas être sacrifiée mais repensée, pour devenir plus juste, plus solidaire et plus respectueuse des réalités de chaque nation.

Quels avantages concrets le Mali peut-il espérer de l’AES sur les plans économique, sécuritaire et monétaire ?

L’AES peut constituer dans la CEDEAO un pôle de stabilité et de développement, une plate-forme pertinente pour renforcer la coopération en matière de sécurité, de lutte contre le terrorisme. Elle y trouvera la profondeur stratégique utile.

La CEDEAO a engrangé des acquis importants en matière d’intégration régionale et il ne faut ni l’oublier ni vouloir en déprécier la portée. C’est le cas de la liberté de circulation au sein de l’espace communautaire, du droit d’établissement, de certains projets d’infrastructures, de corridors économiques, d’interconnexions énergétiques, d’une monnaie commune en gestation, pour ne citer que cela.

L’AES, comme pôle de stabilité et de développement, peut être un levier pour nos pays, qui partagent des défis communs en matière notamment de sécurité, de développement économique et d’aménagement du territoire. Cette alliance ne doit pas être guidée par l’isolement, mais par une vision d’intégration régionale et continentale au service des citoyens.

Comment soulager les Maliens face à la pression fiscale croissante, notamment avec les taxes sur les télécommunications ?

Nous avons exprimé notre désaccord dans un communiqué conjoint du M5-RFP Malikura et du parti YÉLÉMA, sur la taxe imposée aux usagers des télécommunications. Non seulement elle pèse lourdement sur les citoyens, déjà éprouvés, mais nous avons aussi dénoncé le fait que les fonds issus de cette taxe soient logés à la Présidence, sans mécanisme clair de transparence ni de redevabilité.

La mobilisation des ressources publiques est légitime, mais elle doit reposer sur une gouvernance éthique, équitable et responsable. C’est pourquoi nous appelons à un véritable choc de gouvernance, fondé sur l’utilité de la dépense publique, le respect du citoyen et la traçabilité des fonds collectés.

Si des sacrifices sont nécessaires, alors ils doivent être partagés et orientés vers des résultats tangibles pour la population, en matière notamment d’infrastructures économiques et d’accès aux services sociaux de base.

La crise entre le SYNABEF et EDM-SA illustre les tensions sociales dans les entreprises publiques. Quelles solutions proposez-vous pour renforcer le dialogue social ?

Le dialogue social doit être une constante, pas une option. Trop souvent, les conflits éclatent parce que les mécanismes de concertation ne sont pas respectés ou sont instrumentalisés. Il est urgent d’institutionnaliser un cadre de négociation permanent entre les syndicats, les directions d’entreprises publiques et l’État. Les partenaires sociaux doivent être considérés comme des acteurs à part entière du développement. Il faut restaurer la confiance à travers la transparence, l’écoute, la recherche de compromis durables, et, surtout, l’implication des travailleurs dans la gouvernance des entreprises. La paix sociale est un pilier de la performance économique et de la stabilité nationale.

Une Charte nationale pour la paix et la réconciliation est en cours d’élaboration. Est-il possible de bâtir une paix durable sans inclure toutes les parties prenantes ?

Une paix durable ne peut se construire sans un dialogue inclusif, franc et structuré. La méthode employée aujourd’hui pour la Charte nationale nous interpelle. Il ne suffit pas d’écrire un texte et de le proclamer au nom de la paix. Il faut construire une adhésion nationale autour des principes, des objectifs et des mécanismes de réconciliation. Le dialogue, même difficile, est la seule voie pour fonder une paix authentique. Le Mali que nous avons en commun a besoin d’une démarche qui respecte les sensibilités, implique toutes les composantes de la Nation, y compris celles qui sont critiques ou marginalisées, et s’ancre dans les principes républicains et démocratiques consacrés par notre Constitution. Nous l’avons toujours dit, il nous faut un Agenda consensuel de sortie de crise du Mali.

L’insécurité persiste malgré le renforcement des FAMAs. Quelle stratégie complémentaire proposez-vous pour restaurer la sécurité ?

Je salue d’abord les FAMAs et je rends hommage à leur bravoure, à leur engagement et aux sacrifices qu’ils consentent quotidiennement pour assurer la sécurité du territoire national et des populations maliennes, souvent au prix de leur propre vie.

La réponse à la crise ne peut pas être uniquement militaire. Il faut un véritable triptyque Sécurité, Développement et Gouvernance locale. Les populations doivent sentir la présence de l’État, non seulement à travers les forces armées, mais aussi par l’accès aux services publics, à la justice, à l’éducation et à la santé. Il faut associer les communautés aux stratégies locales de sécurité, renforcer la cohésion sociale et donner aux collectivités les moyens d’agir. Il est également essentiel de refonder notre système de défense pour l’adapter aux réalités, actuelles et futures. La sécurité durable repose sur la confiance entre l’État et les citoyens.

La lutte contre la corruption reste une priorité nationale. Qu’en pensez-vous ?

Il faut passer des discours aux actes. Faut-il rappeler ici les recommandations pertinentes des États généraux sur la Corruption et la délinquance financière? La lutte contre la corruption doit devenir une politique d’État, avec des institutions fortes, indépendantes et crédibles. Nous proposons de renforcer les organes de contrôle (BVG, OCLEI, Justice) en leur garantissant autonomie et protection, tout en instaurant un système de redevabilité citoyenne, à travers la publication systématique des rapports de gestion, de contrôle et de suivi des recommandations. Il faut aussi renforcer la formation éthique dans l’administration, instaurer des sanctions exemplaires et revoir les circuits de dépenses pour réduire les zones d’opacité. Enfin, nous militons pour l’adoption d’un Pacte de gouvernance éthique signé par tous les dirigeants publics, engageant leur responsabilité personnelle.

Face à l’immigration clandestine, notamment des jeunes, quelles réponses structurelles envisagez-vous ?

L’immigration clandestine est un drame révélateur de l’ampleur de la crise. Elle traduit l’absence de perspectives, la perte d’espoir. Quand les jeunes prennent la mer au péril de leur vie, c’est un cri. Ce que nous devons faire, c’est de recréer l’espérance ici. Cela passe par l’éducation, la formation professionnelle, l’emploi, l’inclusion économique et sociale. Il faut aussi que l’État montre qu’il est là pour eux. Si un jeune se sent utile chez lui, il ne partira pas. Il faut faire du territoire national un espace d’opportunités, pas de survie.

Si vous deviez choisir une priorité pour le Mali, laquelle serait-ce ?

La priorité, c’est de rétablir la confiance. Cela commence par une gouvernance exemplaire, un État juste, éthique et efficace. Ensuite, il faut remettre l’éducation et la santé au cœur de la République. Investir dans les services de base, les infrastructures et réorganiser notre économie pour qu’elle crée de la valeur et de l’emploi. Il faut aussi réconcilier les Maliens entre eux et avec leurs institutions. Le pays a besoin de paix, de justice et d’un projet fédérateur. C’est cette vision que je défends, dans la fidélité aux idéaux du MaliKura.

Le retrait du Mali de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) suscite le débat. Quelle est votre lecture de cette décision ?

Il faut replacer cette décision dans son contexte historique. Le Mali a été à l’initiative de la tenue à Bamako du Symposium francophone sur le bilan des pratiques démocratiques, qui a adopté la Déclaration de Bamako de 2000, qui posait les fondements démocratiques que les États membres devaient respecter. Cette déclaration engageait l’OIF à défendre la démocratie, l’État de droit et les droits de l’Homme. Bamako a abrité en 2005 les travaux d’évaluation de cette Déclaration.

L’OIF ne se résume pas au partage d’une langue, c’est aussi un cadre de coopération en matière d’éducation, de culture et d’économie.

La refondation est au cœur du discours politique. Que signifie-t-elle concrètement pour vous ?

La refondation ne peut être un simple slogan. Elle doit se traduire par des transformations concrètes dans la manière de gouverner, d’éduquer, de rendre justice, de répartir les ressources. Refonder, c’est reconstruire le contrat social entre l’État et les citoyens. Cela implique des institutions légitimes, une démocratie vivante, une économie au service du peuple. C’est aussi refonder l’éthique publique et la responsabilité individuelle. Ce n’est ni un repli identitaire ni un rejet du monde, mais une exigence de dignité, d’efficacité et de souveraineté bien assumée.

De nombreuses voix s’élèvent contre les restrictions des libertés publiques. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Il ne faut jamais perdre de vue que la Charte de la Transition, la Constitution du 22 juillet 2023 et même la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifiée par notre pays, affirment toutes notre engagement pour les libertés fondamentales. C’est un socle que nul ne devrait piétiner.

Aujourd’hui, nous voyons une montée des atteintes aux libertés : détentions arbitraires, restrictions à la presse, interdictions de manifestations. Cela est contraire à l’esprit même de la Transition. On ne peut pas parler de refondation démocratique tout en restreignant les droits des citoyens. Les libertés publiques sont non négociables. Elles sont le miroir de la vitalité démocratique du pays. Il ne faut jamais perdre de vue le sens du 26 mars et ses acquis. Nous appelons à leur respect strict, sans condition et à la libération des détenus d’opinion, parce que le Mali démocratique ne devrait pas en avoir.

Santé et éducation restent inégalement accessibles, surtout en zones rurales. Comment y remédier ?

L’éducation et la santé sont les deux piliers du développement humain. Des efforts ont été faits, c’est vrai, mais les inégalités persistent, notamment dans les zones rurales. Le problème, ce n’est pas seulement l’existence d’écoles ou de centres de santé, mais leur qualité, leur accessibilité et leur adéquation aux réalités locales.

Dans le domaine de la santé, nous avons trois secteurs : le public, le privé et le communautaire. Il faut les renforcer tous, avec une attention particulière au niveau primaire, souvent le parent pauvre du système. Cela passe par des moyens, des équipements, mais aussi une gouvernance rigoureuse.

Pour l’éducation, il faut une vision claire. Les enfants doivent pouvoir aller à l’école partout, apprendre dans leur langue maternelle si besoin, accéder à des formations techniques, professionnelles et universitaires. Il faut également valoriser les filières courtes, développer des instituts technologiques et ne pas avoir uniquement une vision académique classique. L’éducation doit déboucher sur des compétences utiles à la société, à l’économie, au développement local. C’est une vision intégrée, inclusive et territorialisée que nous portons.

Avec les multiples reports des élections locales et l’installation de délégations spéciales, comment garantir une gouvernance locale représentative ?

Ce qui se passe aujourd’hui est extrêmement préoccupant. Le report des élections locales à répétition et l’installation systématique de délégations spéciales nous éloignent de l’esprit républicain et démocratique de la Décentralisation. On assiste à une mise sous tutelle des collectivités, à une confiscation de la parole des citoyens.

Or la gouvernance locale, c’est le socle de la participation citoyenne. C’est là que les décisions doivent être prises, au plus proche des besoins réels. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est un affaiblissement de l’ancrage local de la démocratie, une rupture du lien de confiance entre élus et populations.

Il faut rétablir l’élection comme mode normal de désignation des responsables locaux et cesser d’improviser des solutions administratives. Il faut aussi repenser les relations entre l’État et les collectivités : redonner les compétences, transférer réellement les ressources et professionnaliser la gestion locale. La démocratie ne se décrète pas, elle s’organise, elle se nourrit de participation, d’échanges, de transparence. Il en va de la stabilité de nos territoires et de la confiance dans nos institutions.

Dialoguer avec les groupes armés, jusqu’où ? Une réflexion sur les limites et les possibles d’une paix négociée

Dans un contexte sécuritaire toujours préoccupant dans le pays, où les violences persistent malgré les efforts militaires, la question de la négociation avec les groupes armés, y compris ceux classés comme terroristes, revient régulièrement au cœur du débat national.

Le chercheur Ibrahim Maïga, spécialiste reconnu des dynamiques de conflit au Sahel, propose une réflexion rigoureuse sur cette question dans une note d’analyse intitulée « Quoi négocier ? », dans laquelle il dévoile les dilemmes politiques, moraux et stratégiques liés à cette éventualité.

L’auteur y rappelle que toute idée de dialogue avec les groupes armés ne peut faire l’impasse sur ce qu’il appelle les « lignes rouges » de l’État malien. Celles-ci sont claires : le maintien du caractère républicain et laïc de l’État, l’indivisibilité du territoire national et le respect des fondements constitutionnels. Ces principes non négociables encadrent toute possibilité de compromis et constituent le socle de l’action publique actuelle. Ibrahim Maïga souligne que ces exigences sont au cœur de la vision étatique et qu’aucune négociation ne saurait les remettre en cause sans fragiliser la cohésion nationale.
Face à cela, les groupes dits « radicaux » – dont les plus emblématiques sont la Katiba Macina d’Amadou Koufa et le JNIM dirigé par Iyad Ag Ghali – expriment des revendications connues, bien que souvent présentées de manière diffuse. Parmi celles-ci, le départ des troupes étrangères et l’application de la charia figurent en tête. Toutefois, le chercheur note une évolution dans la manière dont certaines de ces revendications sont formulées. L’application de la charia, par exemple, ne semble plus se traduire systématiquement par les méthodes brutales observées en 2012. Une certaine flexibilité, souvent dictée par les contextes locaux, apparaît dans les discours récents de ces groupes. Cela pourrait constituer un espace d’exploration pour des médiateurs avisés, notamment dans les zones rurales où l’autorité de l’État est faible mais où les légitimités coutumières restent fortes. Dans certaines de ces régions, des formes de justice inspirées du droit musulman, mais adaptées et parfois encadrées par l’État ou par des figures traditionnelles, sont déjà expérimentées.
Le retrait des troupes étrangères, notamment de l’opération Barkhane et de la MINUSMA, ont également modifié le paysage stratégique. Cette évolution a fait disparaître l’une des principales revendications des groupes armés, du moins dans sa forme initiale. Si la présence russe est aujourd’hui sujette à controverse, elle ne s’accompagne pas du même type de confrontation directe avec les groupes djihadistes, ce qui pourrait rendre le dialogue moins tendu sur ce plan spécifique.
Mais c’est sans doute la question de la réintégration des combattants qui ouvre la voie la plus concrète vers un compromis partiel. Ibrahim Maïga insiste sur la diversité des profils au sein des groupes armés. Tous ne sont pas mus par une idéologie rigide. Beaucoup sont des jeunes désœuvrés, des ruraux marginalisés, ou des individus ayant rejoint ces groupes par nécessité, par sentiment d’abandon ou pour leur propre sécurité. Ces éléments, moins radicalisés, peuvent faire l’objet d’une approche pragmatique axée sur la démobilisation, la protection et l’insertion économique. L’État malien semble en avoir conscience.
La récente annonce de l’intégration de 3000 ex-combattants dans le cadre du processus DDR – dont 2000 dans les Forces armées maliennes (FAMa) et 1000 dans des dispositifs de réinsertion civile – s’inscrit dans cette logique. Cette mesure, bien que distincte du dialogue avec les groupes qualifiés de terroristes, s’insère dans une stratégie plus large de pacification. Elle reconnaît implicitement que toute sortie de crise passe par la prise en compte des réalités sociales et économiques à l’origine de l’engagement armé.
Plusieurs foras nationaux – de la Conférence d’entente nationale aux Assises de la refondation – ont d’ailleurs recommandé d’ouvrir un dialogue inclusif avec tous les groupes maliens, sans exclusive. Cette position, souvent mal comprise, ne signifie pas une reddition face à l’extrémisme, mais une volonté de reconnaître la complexité du conflit. Comme le rappelle le chercheur, refuser toute négociation revient parfois à ignorer les logiques locales, les frustrations accumulées et les dynamiques de survie qui alimentent l’adhésion aux groupes armés.
Le chemin d’un dialogue est semé d’obstacles. Mais il existe. Et il repose sur la capacité de l’État à préserver ses principes tout en trouvant des passerelles vers ceux qui, dans les groupes armés, ne sont pas irréductibles. L’analyse d’Ibrahim Maïga ne propose pas de solution miracle. Elle offre un cadre lucide, fondé sur l’écoute, la prudence et le réalisme. Un cadre dans lequel il devient possible de penser la paix autrement qu’à travers les armes.

Classement du Bonheur Mondial 2025 : Le Mali à la 123ᵉ place

Le World Happiness Report 2025, publié ce jeudi 20 mars 2025, dresse un état des lieux du bien-être perçu à travers le monde en classant 143 pays selon des critères socio-économiques. Cette étude, menée par le Sustainable Development Solutions Network des Nations Unies en partenariat avec Gallup, repose sur des indicateurs tels que le niveau de vie, la santé, la qualité des institutions et la cohésion sociale.

Comme les années précédentes, la Finlande conserve sa place de pays le plus heureux du monde, suivie du Danemark, de l’Islande et de la Suède. À l’opposé, l’Afghanistan, le Liban et la République centrafricaine figurent parmi les pays où la perception du bien-être est la plus basse.
Dans ce contexte, le Mali se classe 123ᵉ sur 143 pays, juste derrière la Somalie (122ᵉ), avec un score de 4,23 sur 10. Ce positionnement traduit les défis structurels auxquels le pays est confronté, mais aussi certaines dynamiques sociales et économiques influençant la perception du bonheur.
La situation du Mali dans ce classement est largement influencée par son contexte sécuritaire marqué par des conflits persistants et des attaques terroristes dans plusieurs régions du pays. Cette instabilité affecte directement la qualité de vie des populations en limitant leur liberté de mouvement, leur accès aux services de base, ainsi que leurs perspectives d’avenir.
L’économie malienne demeure fragile et inégalitaire, selon le document. Si certains secteurs comme l’agriculture et l’extraction minière continuent de croître, cette dynamique ne profite pas uniformément à l’ensemble de la population. Le taux de pauvreté élevé et l’accès limité aux infrastructures de base, notamment en matière de santé et d’éducation, restent des obstacles majeurs à une amélioration du bien-être général.
La corruption est un autre facteur impactant négativement la perception du bonheur au Mali,  à en croire l’étude. De nombreux citoyens expriment une forte défiance envers les institutions publiques, ce qui nuit à la cohésion sociale et alimente un sentiment d’injustice. Les réformes engagées pour améliorer la gouvernance et renforcer la transparence peinent encore à produire des effets visibles sur le quotidien des Maliens.
Malgré ces défis, le Mali bénéficie d’une forte solidarité sociale et d’un tissu communautaire résilient, des éléments qui atténuent partiellement les effets des crises économiques et sécuritaires sur la population.
Le Mali dans le classement africain
Avec sa 123ᵉ place mondiale, le Mali occupe la 30ᵉ position en Afrique, se situant derrière plusieurs pays de la région comme la Côte d’Ivoire (14ᵉ en Afrique), le Sénégal (21ᵉ) et la Guinée (25ᵉ), mais devant des nations comme le Burkina Faso (32ᵉ), le Tchad (39ᵉ) et la République centrafricaine (43ᵉ et dernière en Afrique).
L’Île Maurice, classée 1ʳᵉ en Afrique, figure parmi les pays où la perception du bonheur est la plus élevée grâce à un développement économique stable, une bonne gouvernance et un accès satisfaisant aux services publics. D’autres pays comme l’Afrique du Sud (3ᵉ) doivent leur classement à une relative stabilité institutionnelle et à des infrastructures économiques solides.
Le classement africain met en évidence une corrélation entre la stabilité politique, le développement économique et la perception du bonheur. Les États enclavés et ceux en proie à des conflits obtiennent en général des résultats plus faibles que les pays côtiers bénéficiant d’une économie plus diversifiée et d’une ouverture aux investissements étrangers.
Classement Mondial : La domination des Pays Nordiques
Les pays en tête du classement mondial sont caractérisés par un niveau de vie élevé, une forte confiance dans les institutions et un État-providence efficace. La Finlande, le Danemark, l’Islande et la Suède occupent les premières places, suivis des Pays-Bas, du Canada et de la Suisse.
Les États-Unis, en revanche, chutent à la 24ᵉ place, leur plus mauvais classement historique. Cette baisse est attribuée à l’augmentation des inégalités, une montée de l’isolement social et une baisse de la confiance dans les institutions.
La France, quant à elle, occupe la 33ᵉ place, en recul de six places par rapport à l’an dernier. Ce recul est principalement lié à une montée du pessimisme économique et social, à une hausse des tensions politiques et à une inflation impactant le pouvoir d’achat.
Perspectives et enjeux pour le Mali
Face à ce classement, plusieurs leviers d’amélioration peuvent être envisagés pour le Mali. La stabilisation du pays reste la priorité. Sans une amélioration de la situation sécuritaire, il sera difficile d’impulser une dynamique positive en matière de développement économique et social.
L’investissement dans les infrastructures sociales est un autre enjeu clé. Un meilleur accès aux soins de santé, une éducation de qualité et un renforcement des services publics permettraient de relever le niveau de vie général et d’améliorer la perception du bien-être des citoyens.
La lutte contre la corruption constitue également un levier important. Une gouvernance plus transparente, associée à des mécanismes efficaces de reddition des comptes, contribuerait à renforcer la confiance des citoyens envers les institutions et à favoriser une plus grande cohésion sociale.
Sur le plan économique, une diversification accrue de l’économie et un meilleur soutien aux petites et moyennes entreprises pourraient stimuler la création d’emplois et réduire les inégalités. Le développement de l’agriculture et des infrastructures, notamment énergétiques et de transport, serait un atout majeur pour l’avenir.
Enfin, la promotion de la cohésion sociale et de la participation citoyenne peut jouer un rôle essentiel dans l’amélioration du bien-être perçu. Encourager les initiatives locales favorisant l’inclusion sociale, la solidarité communautaire et le dialogue national renforcerait la résilience du pays face aux défis actuels.
L’amélioration du bonheur perçu passera par des réformes structurelles, un renforcement de l’État de droit, une croissance économique plus inclusive et un meilleur accès aux services de base.
Ce classement ne doit pas être vu comme une fatalité, mais comme un signal encourageant à agir pour un avenir plus stable et prospère.

 

Mondial 2026 : Le Mali s’impose face aux Comores (0-3) et relance ses espoirs dans le Groupe I

Le Mali a signé une victoire nette et sans appel ce jeudi 20 mars 2025 face aux Comores (0-3), lors de la cinquième journée des éliminatoires africaines de la Coupe du monde 2026. La rencontre s’est disputée à Casablanca, au Maroc, où les Comores disputent leurs matchs à domicile dans le cadre de cette campagne qualificative.

Dominateurs dans le jeu, les Aigles ont ouvert le score dès la 20e minute grâce à Néné Dorgeles, avant que Kamory Doumbia ne fasse le break en deuxième période avec un doublé inscrit aux 55e et 64e minutes. Le score aurait pu être plus lourd sans plusieurs arrêts décisifs du portier comorien.
Avec ce succès, les hommes de Tom Saintfiet, nouveau sélectionneur du Mali nommé en février dernier, signent leur deuxième victoire dans ces éliminatoires. Ils portent leur total à 8 points après cinq journées et reviennent à une unité des Comores et du Ghana, tous deux en tête du groupe avec 9 points. Le Ghana doit encore affronter le Tchad ce vendredi 21 mars à domicile.
Cette victoire intervient à un moment crucial pour les Aigles, qui restaient sur deux nuls consécutifs dans cette campagne. Grâce à cette performance, le Mali reste pleinement engagé dans la lutte pour la première place du groupe, seule qualificative pour le Mondial 2026 dans ce format instauré par la FIFA pour la zone Afrique.
Le sélectionneur belge Tom Saintfiet, qui dirigeait auparavant la sélection de Gambie, a salué « une performance sérieuse, construite collectivement », tout en appelant ses joueurs à « maintenir la même rigueur » lors des prochaines échéances.
Les Aigles affronteront la Centrafrique ce lundi 24 mars 2025 à 16h00 GMT, avec l’ambition de confirmer ce retour en forme et de continuer à mettre la pression sur le duo de tête.