Bamako : Quand les « lives » virent à l’arnaque

Ce qui devait n’être qu’un outil de promotion commerciale est en train de se transformer en piège numérique. À Bamako, les sessions « live » sur TikTok, devenues populaires pour la vente en ligne, font émerger un phénomène aussi inquiétant que pervers. C’est de l’escroquerie en temps réel.

Le mécanisme est aussi simple qu’efficace. Une vendeuse – ou un vendeur – présente ses articles en direct. Un internaute intéressé commente, souvent en laissant son numéro de téléphone pour être recontacté. C’est à ce moment-là que les arnaqueurs rôdent. Ils appellent dans la foulée, se faisant passer pour un soi-disant « livreur » ou « collaborateur », exigeant un paiement mobile money immédiat pour une commande fictive. Le client, pris de court, s’exécute. Mais la marchandise n’arrivera jamais. Quant au compte TikTok responsable du live, il niera toute implication.

Ce phénomène alarmant révèle un trou béant dans la régulation du commerce en ligne au Mali. Aucun cadre légal n’oblige aujourd’hui les vendeurs à vérifier l’identité des acheteurs ou des commentateurs. Les réseaux sociaux, quant à eux, n’ont ni la volonté ni la capacité de sécuriser ces échanges informels. Résultat : ce sont les citoyens, souvent modestes, qui paient le prix fort.

Il est urgent d’alerter l’opinion publique, de lancer des campagnes de prévention massives et d’imaginer un cadre juridique adapté à l’économie numérique locale. Car derrière chaque live se cache désormais une possible escroquerie. Il en va de la confiance numérique, mais aussi de la dignité de vendeurs honnêtes désormais discrédités malgré eux. À Bamako comme ailleurs, la technologie ne doit pas être un prétexte à l’impunité.

Massiré Diop

1ers Jeux de l’AES : Premières médailles, premières émotions

Lancée en grande pompe le 21 juin par une cérémonie d’ouverture haute en couleurs au Palais des Sports Salamatou Maïga de Bamako, la première édition des Jeux de l’AES se poursuit jusqu’au 28 juin dans une ambiance fraternelle et compétitive. Voici un tour d’horizon des résultats enregistrés au football, au kung fu wushu et au taekwondo.

Au tournoi de football U17, le Mali s’est largement imposé en match d’ouverture le 21 juin devant le Niger avec un score de 3 à 0. Cependant, les Nigériens se sont repris lors de leur deuxième sortie, le 23 juin, en s’imposant 1 à 0 devant le Burkina Faso. Pour leur deuxième match, les Étalons Cadets ont affronté les Aiglonnets le 25 juin et se sont inclinés de nouveau (2-5). La finale a opposé le 27 juin le Mali au Niger. Les Aiglonnets se sont à nouveau largement imposés devant les U17 nigériens (4-0) et ont décroché la médaille d’or de la compétition de football pour ces 1ers jeux de l’AES.

Le Mali en force au kung fu wushu

Le kung fu wushu était à l’honneur le 23 juin. En taolu (enchaînements techniques), la Malienne Oumou Bouaré a brillé en décrochant 2 médailles d’or, notamment en changquan (main nue) et gunshu (bâton). Elle a néanmoins été devancée dans l’épreuve du sabre (daoshu) par la Burkinabè Rim Vanessa Simporé, sacrée championne.

Du côté du combat libre (sanda), la Malienne Adam Djekpilé s’est imposée chez les femmes (-65 kg), tandis qu’Abdoulaye Diassana, également Malien, a remporté l’or chez les hommes après avoir battu le Burkinabè Iboudo Nianis.

Le Niger tire aussi son épingle du jeu. Dans la catégorie masculine des -80 kg, Boubacar Ibrahim a dominé le Malien Seydou Diarra, offrant à son pays sa toute 1ère  médaille d’or de ces Jeux. Au classement final de cette épreuve, le Mali se hisse en tête avec 8 médailles d’or, suivi du Burkina Faso (3 médailles d’or) et du Niger (1 médaille d’or).

Le Niger s’impose au taekwondo

Le Niger s’est particulièrement illustré lors des épreuves de taekwondo junior, disputées le 24 juin. Avec 3 médailles d’or, 1 d’argent et 1e de bronze, les athlètes nigériens ont dominé le classement.

On retient notamment les victoires de Samira Soumana (-44 kg), Houssseina Zada (-55 kg) et Abdoul Aziz Issifi (-55 kg), qui ont porté haut les couleurs nigériennes. Le Burkina Faso suit de près avec 2 titres remportés par Doumbia Mariam (-49 kg) et Sanou Sibiri Moumouni (-63 kg), en plus de 3 médailles de bronze. De son côté, le Mali complète le podium avec 4 médailles d’argent et 1 de bronze.

Mohamed Kenouvi

Financement des partis : L’audit post dissolution qui divise

Un peu plus d’un mois après la dissolution de tous les partis politiques par les autorités de transition, la Cour suprême du Mali a annoncé le 17 juin 2025 l’ouverture d’un audit rétrospectif sur les financements publics accordés aux partis de juillet 2000 à mai 2025. Présentée comme une opération de transparence, la démarche soulève toutefois des controverses juridiques et politiques, dans un contexte où le pluralisme politique est suspendu.

Selon le communiqué lu à la télévision nationale et signé par le Président de la Section des Comptes de la Cour suprême du Mali, les Présidents des ex partis politiques sont invités à prendre les dispositions appropriées pour déposer à la Section des Comptes, avant le 30 juin 2025, les copies des états financiers, les pièces justificatives des dépenses, les journaux de banques et de caisses, les relevés et états de rapprochement bancaires, ainsi que les documents relatifs à la situation annuelle des ressources.

D’après nos recoupements, les partis politiques avaient été saisis par lettre depuis le 13 mai 2025 par le Président de la Section des comptes de la Cour suprême du Mali en vue de cet audit spécial sur le financement de leurs activités. Cependant, dans la foulée de leur dissolution par décret en date du même jour, les leaders des partis politiques dissous n’ont pas donné suite à la correspondance. Cela explique la diffusion du communiqué du 17 juin sur les antennes de la télévision nationale, en raison par ailleurs de la fermeture des sièges des partis politiques, conformément au décret de leur dissolution.

Une réponse aux recommandations des Forces vives

L’audit du financement public des partis politiques est une recommandation issue des consultations des Forces vives de la Nation des 28 et 29 avril 2025, et le Premier ministre a officiellement requis la Cour suprême le 5 mai 2025 pour sa mise en œuvre une semaine avant la dissolution des partis politiques.

L’objectif de cet examen approfondi, qui portera notamment sur la transparence des flux financiers, la justification des dépenses et le respect des obligations comptables, est d’évaluer la conformité des opérations financières des partis politiques aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.

Conformément à la charte des partis politiques abrogée, une subvention équivalente à 0,25% des recettes fiscales annuelles de l’État était répartie entre les partis selon des critères bien définis (Résultats électoraux, nombre d’élus, représentativité des femmes, etc.). En contrepartie, chaque formation bénéficiaire devait produire des états financiers certifiés, à déposer avant le 31 mars de l’année suivante auprès de la Section des Comptes.

Comme modalités de mise en œuvre de la recommandation sur l’audit du financement des partis, les Forces vives ont demandé de rendre publics les rapports et bilans financiers des partis politiques pour les fonds reçus et de contrôler leurs sources de financement internes et externes, tout en arrêtant et interdisant leur financement par des associations, des fondations, des États étrangers, des ONG et des institutions internationales. Elles ont en outre recommandé d’encourager le financement par les militants des partis, y compris ceux établis à l’extérieur, via des mécanismes transparents.

Audit illégal ?

Si la mission d’audit entre dans les attributions normales de la Section des Comptes de la Cour suprême, sa portée soulève une controverse juridique majeure. Peut-on auditer rétroactivement des partis politiques aujourd’hui dissous ? Les entités visées n’ayant plus d’existence légale, certains juristes estiment que l’exercice est juridiquement discutable, voire caduc.

« Le Premier ministre demande à la Section des Comptes de la Cour suprême de violer la loi. Elle aurait dû lui expliquer que sa demande était illégale », indique Maître Mountaga Tall, avocat et ancien Président du parti CNID Faso Yiriwaton. « C’est aux Présidents des anciens partis politiques que la Section des Comptes de la Cour suprême s’est adressée. Or, il n’existe pas aujourd’hui de Président de parti au Mali, fût-il ancien ou autre », poursuit-il.

À l’instar de Me Mountaga Tall, plusieurs autres personnalités politiques et observateurs ont fustigé la décision du gouvernement de mener cet audit rétrospectif sur le financement public des partis politiques. « Il s’avère que la Section des Comptes, depuis plus d’une décennie, publie quasi régulièrement des rapports annuels de vérification des comptes des partis politiques. Si le travail de la Section des Comptes a été mené avec intégrité et un soutien moral sincère, que peut réellement apporter un nouvel audit ? », s’interroge pour sa part le Dr. Mahamadou Konaté, Directeur du Bureau d’Études et de Conseils Donko pour la Gouvernance et la Sécurité.

« Le but de cet audit post-mortem n’est pas judiciaire, mais très probablement politique. Cela a tout l’air d’une manœuvre de diversion, d’une tentative désespérée de créer un ennemi rétrospectif, un coupable de substitution, pendant que le peuple ploie sous le poids du quotidien », analyse ce juriste.

Délai de prescription non conforme

L’illégalité décriée de l’audit ne se limite pas à l’inexistence des partis politiques au Mali. Elle est aussi relative à la période concernée, soit 25 ans, alors que des spécialistes financiers soulignent que le délai de prescription légale est de 10 ans.

« Que ce soit en comptabilité privée ou en comptabilité publique, le délai obligatoire de conservation des livres comptables et de leurs pièces justificatives est de dix ans », rappelle le Dr. Konimba Sidibé, expert-comptable et homme politique, s’appuyant sur l’article 24 de l’Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière de l’OHADA pour la comptabilité privée et l’article 71 du décret N°2014-0349/P-RM du 22 mai 2014 portant règlement général sur la comptabilité publique en République du Mali.

Quelle suite pour le processus ?

La suite du processus d’audit du financement des partis politiques au Mali s’annonce semée d’embûches. En l’absence de structures légales capables de répondre aux injonctions de la Section des Comptes de la Cour suprême, notamment la production des pièces justificatives, l’audit risque de tourner court.

Selon certains observateurs, en l’état actuel, trois scénarios pourraient se dessiner. Le premier serait un audit administratif à sens unique, basé uniquement sur les documents déjà déposés par les partis jusqu’en 2023. Cela limiterait l’enquête à un simple état des lieux incomplet, sans possibilité de contradiction ni d’éclaircissements supplémentaires.

Le deuxième scénario, plus juridique, consisterait à instruire des dossiers individuels visant d’anciens responsables politiques à titre personnel, en cas de suspicion d’enrichissement illicite ou de détournement. Ce glissement vers le pénal pourrait néanmoins ouvrir un terrain politique sensible. Le troisième scénario, enfin, serait la suspension ou l’ajournement pur et simple de l’audit, faute d’interlocuteurs valides et de conditions procédurales adéquates.

« La Section des Comptes de la Cour suprême peut difficilement aller au bout d’un audit rigoureux et contradictoire dans les conditions actuelles, sauf à redéfinir le cadre juridique de l’exercice », glisse un juriste sous anonymat. Il ajoute que l’absence de parties prenantes ne compromet pas la légitimité de la démarche, mais qu’elle en affaiblit considérablement l’exécution.

« Sans mécanismes transitoires permettant de convoquer d’anciens dirigeants ou d’accéder aux archives des partis, l’opération risque de rester inachevée », affirme notre interlocuteur.

En l’absence de garanties juridiques solides et d’un véritable processus contradictoire, l’audit du financement public des partis politiques au Mali, présenté comme un impératif moral et institutionnel, soulève de sérieuses interrogations sur sa finalité réelle.

Mohamed Kenouvi          

PREDIRE : Des alumni du NIMD partagent leurs expériences avec des étudiants

Une rencontre entre jeunes chercheurs ayant participé aux études du Programme de recherche et de dialogue pour la refondation (PREDIRE) et des étudiants s’est tenue le 24 juin 2025 à la Faculté des Sciences Administratives et Politiques (FSAP) de Bamako. Organisée par l’Institut Néerlandais pour la Démocratie Multipartite (NIMD), cette séance a permis d’échanger sur leurs expériences de terrain et de stimuler la réflexion autour de l’engagement citoyen dans la démocratie et la participation politique au Mali.

Plus d’une cinquantaine d’étudiants, principalement issus des cycles de Licence 3 et de Master de la FSAP, de la Faculté de Droit Public (FDPU) et de l’Institut Supérieur Privé de Recherche et d’Intelligence Culturelle (ISPRIC), ont participé à cette rencontre, en présence du Dr. Cheick Amala Touré, Doyen de la FSAP et de représentants du NIMD.
La première partie de la matinée a été marquée par la présentation des carnets de recherche de quatre jeunes alumni du NIMD, ayant participé à la réalisation des études thématiques du PREDIRE.
Ces derniers ont partagé avec les étudiants leur expérience du terrain, les méthodes employées pour la collecte de données et les difficultés rencontrées dans la conduite des études sur la gouvernance, la participation citoyenne ou encore l’accès aux services publics.
Pour beaucoup d’étudiants, ce moment a permis de mieux comprendre les réalités de la recherche en contexte malien. « On parle souvent de recherche en théorie, mais entendre des jeunes comme nous qui l’ont pratiquée sur le terrain est très inspirant », a confié un étudiant de la FSAP.
Le point culminant de la rencontre a été la présentation de la note d’analyse élaborée par les alumni sur une étude produite par le cabinet de recherche Point Sud, intitulée : « Démocratie et participation politique : quels leviers pour renforcer l’engagement citoyen ? »
Cette note d’analyse, titrée « Mali : vers un renouveau de l’engagement citoyen », porte sur trois principaux points à savoir l’analyse des espaces de socialisation, notamment les « grins » et les tontines, une réflexion approfondie sur le rôle du numérique dans l’engagement citoyen et la perception de la démocratie par les citoyens.
Son exposé a suscité de nombreuses questions, recommandations et contributions, attestant l’intérêt de la jeunesse estudiantine sur la question. Les échanges avec les étudiants ont été particulièrement nourris, notamment autour du renforcement de la démocratie « Made in Mali », des élections et du rôle de l’éducation civique dans la consolidation démocratique.
« Aujourd’hui, il y a plusieurs perceptions sur la démocratie au Mali. Tant qu’on ne fera pas un dialogue ou un débat approfondi sur le modèle démocratique que nous voulons, il sera très difficile d’identifier les failles pour pouvoir le réinventer et que la démocratie et sa pratique soient à la hauteur de nos souhaits », a souligné Konimba Ballo, alumni NIMD et co-rédacteur de la note d’analyse.
Organisation non gouvernementale qui a pour objectif de promouvoir une politique paisible, juste, inclusive et représentative partout dans le monde, le NIMD mène des activités au Mali depuis 2002 et a ouvert une représentation à Bamako en 2018.
Le PREDIRE vise à contribuer à la refondation de la gouvernance démocratique au Mali. Il s’appuie sur une double dynamique : valoriser les résultats de la recherche-action sur des thématiques sensibles (inclusivité, gouvernance locale, emploi des jeunes…) et renforcer la culture du dialogue entre les acteurs de la vie publique.
L’initiative présentée à la FSAP s’inscrit dans cette logique. Elle permet non seulement de rendre accessibles les résultats des recherches, mais aussi d’en faire un levier d’apprentissage et de mobilisation pour les jeunes générations.
Mohamed Kenouvi

Baccalauréat 2025 : 199 449 candidats composent dans 517 centres, en baisse notable par rapport à 2024

Ce lundi 23 juin 2025, à 8 h, l’ouverture officielle de la session du baccalauréat, s’est tenue au centre Askia Mohamed, à Bamako.

Le Premier ministre, le Général de Division Abdoulaye Maïga, a procédé à l’ouverture de l’enveloppe contenant le premier sujet, une épreuve de littérature en arabe, en présence des autorités éducatives et administratives. Dans ce centre, 855 candidats sont inscrits.

Au total, 199 449 candidats sont convoqués cette année à travers le pays, dont 95 437 filles et 104 012 garçons. Les épreuves se déroulent dans 517 centres d’examen, soit 11 de plus que l’année précédente. La session intègre également le centre de Mberra, en Mauritanie, mis en place pour les candidats réfugiés. La participation de ces derniers a été rendue possible grâce à un accord de coopération entre les autorités maliennes et mauritaniennes.

Comparée à l’année 2024, qui comptait 230 979 candidats, la session de 2025 enregistre une baisse de 31 530 inscrits, soit une diminution de plus de 13 %. En 2023, 212 862 candidats avaient été enregistrés. Cette tendance à la baisse est notable, bien que le nombre de centres d’examen ait légèrement augmenté. Le ministère de l’Éducation nationale attribue ce recul principalement aux perturbations causées par les inondations survenues en début d’année scolaire, qui ont affecté la régularité des cours dans plusieurs localités.

Le respect du calendrier scolaire et la tenue des examens à la date prévue ont été confirmés par les autorités éducatives, qui évoquent une coordination renforcée avec les partenaires sociaux et les forces de défense et de sécurité. Le ministère a également rappelé les mesures prises pour limiter les cas de fraude, sécuriser les épreuves et garantir une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire.

Aucune déclaration chiffrée n’a encore été avancée concernant les prévisions de réussite pour cette session. Les deux dernières éditions ont affiché des taux relativement faibles : 24,35 % en 2023 et 27,23 % en 2024, selon les résultats publiés par la Direction nationale de l’enseignement secondaire. La publication des résultats de la session 2025 est attendue pour le mois d’août, conformément au calendrier académique.

En dépit de la baisse du nombre de candidats, les autorités affirment que les conditions matérielles et organisationnelles ont été réunies pour assurer le bon déroulement des épreuves. Aucune anomalie majeure n’a été signalée au premier jour de composition.

CEDEAO : le sommet acte la rupture avec l’AES et annonce une réforme de fond

Réunis à Abuja ce dimanche 22 juin 2025, les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont tenu leur 67e sommet ordinaire dans un contexte marqué par les tensions géopolitiques liées au départ acté du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

Cette session, présidée par le président nigérian Bola Ahmed Tinubu, a abouti à plusieurs décisions structurantes pour l’avenir de l’organisation régionale.

La Conférence des chefs d’État a désigné Julius Maada Bio, président de la Sierra Leone, pour assurer la présidence tournante de la CEDEAO pour l’exercice 2025–2026. Il succède ainsi à M. Tinubu, dont le mandat a été caractérisé par la tentative, restée sans effet, de dialogue avec les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES). La nomination de M. Bio intervient à un moment charnière où l’organisation, créée en 1975, cherche à réaffirmer sa légitimité face aux critiques croissantes sur son efficacité politique et sécuritaire.

Concernant le retrait de l’AES, le sommet a entériné une période de transition fixée au 29 juillet 2025, correspondant au terme du délai de six mois prévu par les textes en cas de retrait d’un État membre. La CEDEAO maintient, jusqu’à cette échéance, les discussions avec les autorités de transition de Bamako, Ouagadougou et Niamey. Les présidents du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, et du Togo, Faure Gnassingbé, poursuivent la médiation en vue d’un dialogue politique et sécuritaire structuré, bien qu’aucune avancée significative n’ait été enregistrée à ce jour.

Sur le volet sécuritaire, la Conférence a réaffirmé sa volonté d’intensifier la lutte contre le terrorisme, en mettant en œuvre les recommandations du Plan d’action régional 2020–2024, notamment à travers le déploiement d’une force conjointe. Le mécanisme de coordination avec la Force multinationale mixte, l’Initiative d’Accra et les partenaires multilatéraux comme l’Union africaine et les Nations Unies a également été reconduit.

L’ordre du jour a aussi inclus une évaluation des progrès de l’intégration économique régionale. La Commission a présenté une mise à jour technique sur la future monnaie unique, l’ECO, dont le lancement est désormais envisagé pour 2027, sous réserve de la convergence macroéconomique entre États membres. Des engagements ont été pris pour renforcer l’harmonisation fiscale, le commerce intra-régional et les mécanismes de solidarité face aux crises alimentaires et humanitaires qui affectent durablement certaines zones frontalières.

Enfin, les chefs d’État ont exprimé un consensus sur la nécessité d’une réforme institutionnelle profonde de la CEDEAO. Plusieurs délégations, notamment celle du Bénin, ont insisté sur la révision des protocoles de gouvernance, une plus grande transparence dans les prises de décisions et un recentrage sur les missions de base de l’organisation. Cette orientation pourrait donner lieu à la convocation d’un sommet extraordinaire dans les prochains mois, destiné à réviser certains textes fondamentaux.

Ce sommet, malgré l’absence des représentants des pays sahéliens en rupture, confirme la volonté des États membres de préserver un cadre régional structuré, capable d’anticiper les défis de sécurité, de développement et d’intégration. La CEDEAO devra toutefois démontrer, au-delà des déclarations d’intention, sa capacité à se réinventer dans un environnement géopolitique en recomposition rapide.

Mali Ko : La jeunesse au rythme de la mémoire musicale

De juin à décembre 2025, le projet culturel Mali Ko… sillonnera onze villes du pays pour faire revivre dix-neuf chansons emblématiques à travers les voix de jeunes artistes. Une initiative portée par Africa Scène et Blonba et soutenue par l’État malien.

Du Mali des années 60 à celui des plateformes numériques, la mémoire musicale nationale prend un nouveau souffle. Le projet Mali Ko… (Le Mali dit…), lancé dans le cadre de l’Année de la Culture, s’inscrit dans une volonté de transmission intergénérationnelle à travers la musique, l’image et le débat citoyen. Chaque ville sera élevée au rang de capitale culturelle éphémère, devenant à la fois une scène de spectacle, un lieu de mémoire et un laboratoire d’expression. Le choix de villes parfois éloignées du circuit culturel habituel est pleinement assumé.

Porté par Africa Scène et l’Espace Culturel Blonba, le projet revisite dix-neuf titres majeurs du patrimoine malien. On y retrouve des classiques comme Mali ba de Bazoumana Sissoko, Tassidoni du Super Biton, Nyama Toutou de Nahawa Doumbia, Chérie d’Ali Farka Touré, Mamaya d’Ami Koïta, Dimanche à Bamako d’Amadou et Mariam, Mali Twist de Boubacar Traoré Kar Kar, Bi furu de Oumou Sangaré, Mali Sadio de Mangala Camara, Can 2002 de Neba Solo. Ces chansons seront interprétées par six artistes contemporains : Malakey, Young BG, Dr Keb, Black AD, Mamou Fané et Maimouna Soumounou.

Avec un budget prévisionnel de 150 millions de francs CFA, soutenu par le ministère de la Culture et la GIZ à travers le programme Donko ni Maaya, la tournée traversera onze villes : Tombouctou, Mopti, Ségou, San, Koutiala, Sikasso, Bougouni, Koulikoro, Kita, Kayes et Bamako.

Chaque étape donnera lieu à un spectacle-concert de 2h30, conçu comme une mise en scène vivante du répertoire, sous la direction d’Alioune Ifra Ndiaye. Les jeunes artistes réécriront parfois les morceaux ou les adapteront sans les trahir, pour les faire résonner avec les réalités actuelles.

En parallèle, un album musical rassemblera les versions revisitées. Le projet investira également les écrans avec une série documentaire de 40 épisodes centrée sur les coulisses de la tournée et les villes visitées. Dix talk-shows de 90 minutes donneront la parole aux artistes, au public et aux figures locales.

L’objectif est d’atteindre 150 000 spectateurs en présentiel, 3 millions de téléspectateurs et 1 million de vues numériques. Mais, au-delà des chiffres, il s’agit surtout de réconcilier une génération avec son histoire par l’art.

À travers Mali Ko…, la jeunesse malienne devient actrice d’un récit national qui se chante, se partage et s’invente au présent.

Sidi Dicko : « La plupart des jeunes formés deviennent très actifs »

À l’École de la citoyenneté, le programme prépare sa 4ème cohorte. Les jeunes de 18 à 35 ans peuvent postuler jusqu’au 30 juin et les formations se dérouleront du 10 au 24 juillet 2025 au Palais des Pionniers pour Bamako et du 11 au 21 juillet 2025 pour les régions. Sidi Dicko, Président du Comité d’exécution du programme à l’École de la citoyenneté (ECI), revient pour nous sur les objectifs, les résultats déjà atteints et les perspectives. Propos recueillis par Fatoumata Maguiraga

Pourquoi une École de la citoyenneté et qu’est-ce qu’elle vise ?

L’École de la citoyenneté est un programme du ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne, qui vise à inculquer aux jeunes l’esprit patriotique en vue d’en faire des bâtisseurs et des défenseurs de la Nation, prêts à répondre à l’appel et à devenir des citoyens engagés et dévoués. L’école prépare sa 4ème cohorte. Les 1ère et 2ème ont formé 200 jeunes chacune à Bamako, regroupant les régions. La 3ème était une cohorte spéciale organisée à l’intention des Présidents élus des bureaux du Conseil national de la jeunesse (CNJ). Elle a réuni 700 jeunes.

Nous préparons la cohorte de Bamako et de sept régions ciblées (Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao). À Bamako, 400 jeunes seront formés,  300 pour Bamako et ses environs et 100 de la diaspora et des pays de l’AES, durant 15 jours (Du 10 au 24 juillet). La vision est de former toute la jeunesse, mais nous y allons par étape.

De la 1ère édition à maintenant, quels résultats avez-vous atteints ?

Nous avons commencé par 200 jeunes. Cette année, on prévoit 400 jeunes à Bamako et 200 par région, soit un total de 1 800 jeunes. En plus, le réseau de communication est large, car les panels sont diffusés sur les réseaux sociaux. Une des sessions a même enregistré 500 000 vues.

Que deviennent les jeunes formés ?

La plupart des jeunes formés deviennent très actifs. Ils participent aux activités d’assainissement dans leurs communautés, à la sensibilisation sur la circulation routière. En outre, il leur est demandé de restituer la formation reçue auprès d’autres jeunes et des autorités dans les régions. Ils sont aussi sollicités dans le cadre d’activités de volontariat, par exemple dans les brigades citoyennes. Ils deviennent des acteurs engagés, ce qui incite d’autres jeunes à les suivre. Depuis l’ouverture des candidatures le 15 juin, plus de 1 330 jeunes ont déjà postulé en ligne. Il y a beaucoup d’engouement car les jeunes ont besoin de cette formation.

Certains critères de sélection, comme l’appartenance à un mouvement associatif, ne risquent-ils pas d’exclure beaucoup de jeunes ?

Un jeune qui n’a jamais été à l’école a évoqué le critère du niveau d’études. Il peut postuler, car nous avons besoin de former toute la jeunesse, y compris ceux qui n’ont jamais été à l’école ou appartenu à une association. Il y a des critères que nous ne pouvons pas changer, mais qui ne sont pas obligatoires. Le programme est inclusif et s’adapte. Les formateurs s’expriment aussi en langues nationales.

Sept régions sont pour le moment concernées, et les autres ?

Lors des cohortes passées, les jeunes de toutes les régions ont participé, avec des représentants envoyés à Bamako. Des régions vont rejoindre chaque région ciblée. Par exemple, Sikasso regroupera les jeunes de Bougouni et Koutiala, Mopti, ceux de Bandiagara et Douentza pour la cohorte prévue du 11 au 21 juillet 2025.

Quelles leçons avez-vous tirées des précédentes éditions ? Quelles améliorations allez-vous apporter ?

Beaucoup de leçons ont été tirées, notamment le constat de l’amour que les jeunes ont pour la vie en groupe. Ils apprennent des choses qu’ils n’ont pas eu la chance d’apprendre à l’école. Ce sont aussi des jeunes qui partagent, ce qui attire les autres. Ils bénéficient d’un accompagnement et deviennent volontaires dans plusieurs domaines. Le programme prévoit des innovations et chaque cohorte bénéficie d’améliorations dans les modules. Au-delà du civisme, ils reçoivent aussi des formations en entrepreneuriat, etc.

Quels sont les modules enseignés ?

Introduction au civisme et à la citoyenneté, connaissances traditionnelles sur la société malienne, soirées éducatives « Danbé ni Maaya », culture de la conscience patriotique, connaissance du Mali, diplomatie culturelle, usage des médias sociaux, éducation aux valeurs, etc. Autrefois, les jeunes apprenaient des choses en dehors de l’école, auprès des grands-parents. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est cette opportunité que nous voulons leur redonner.

La Syrie partagée entre la peur et l’espoir

À l’instar des Allemands durant la période d’hyperinflation survenue dans la République de Weimar il y a un siècle, les Syriens d’aujourd’hui sortent rarement de chez eux sans une épaisse liasse de billets. Longtemps réprimées dans un pays dirigé jusqu’à récemment par la minorité alaouite, les tensions sectaires continuent d’alimenter l’instabilité, et les distributeurs automatiques de billets plafonnent actuellement les retraits à 40 $ par semaine, lorsqu’ils fonctionnent.

 

Six mois après l’éviction du président Bachar el-Assad, bouleversement qui a mis fin à 13 années de guerre civile brutale, les Syriens peinent encore à survivre au quotidien. En dépit de difficultés considérables, beaucoup s’agrippent à l’espoir du retour prochain d’une certaine normalité. Chaque semaine apporte malheureusement son lot d’épreuves, qui contrarient cet optimisme. Tout récemment, en utilisant l’espace aérien syrien pour frapper l’Iran, Israël a plongé les Syriens dans un embarras dont ils se seraient bien passés.

 

Dans une culture au sein de laquelle l’hospitalité est sacrée, la plupart des Syriens ne peuvent plus se permettre de proposer ne serait-ce qu’une tasse de café à leurs invités. Le pays souffre d’une grave sécheresse – pire encore que la sécheresse souvent associée au soulèvement de 2011 – qui menace aujourd’hui 75 % des récoltes de blé, compromettant l’accès au pain, et accentuant l’insécurité alimentaire.

 

Peu de Syriens souhaitent le retour d’Assad, mais beaucoup sont sceptiques quant à son successeur, Ahmed al-Charaa. Ancien commandant d’Al-Qaïda, Charaa a dirigé pendant plusieurs années la province rurale d’Idlib, au sein de laquelle il appliquait un code islamiste sunnite strict. Bien qu’il ait depuis modéré ses positions, il demeure aussi énigmatique qu’un Bachar el-Assad diplômé en Occident et en apparence calme, qui avait promis des réformes, pour ensuite devenir l’un des pires criminels de guerre depuis la Seconde Guerre mondiale.

 

À l’instar de son prédécesseur, Charaa gouverne par décret, et fait preuve d’un manque de transparence préoccupant, ce qui conduit de nombreux Syriens à craindre d’avoir remplacé un autocrate par un autre, une dictature laïque par une dictature islamiste. Par ailleurs, les orientations idéologiques et les priorités économiques de Charaa demeurent peu évidentes. Ses détracteurs tournent en dérision son passé chez Al-Qaïda, tandis que ceux qui ont combattu à ses côtés en Irak mettent en doute son attachement au djihad.

 

Quels que soient les objectifs de Charaa, les divisions sectaires continuent de compromettre toute action gouvernementale significative en Syrie, dans la mesure où les Druzes, dans le sud, et les Alaouites, dans le bastion de longue date d’Assad le long de la côte, refusent d’accepter le nouveau gouvernement. « Ce sont des hypocrites », m’a expliqué le chef spirituel druze Hikmat al-Hijri, décrivant Charaa et ses alliés en employant un terme religieux lourd de sens, désignant ceux qui font obstacle au message du prophète Mahomet. Interrogé sur son soutien ou non à un État fédéral, al-Hijri répond qu’il est opposé au centralisme. En réalité, ce que lui et ses coreligionnaires souhaitent, c’est un gouvernement central faible, incapable d’exercer un contrôle sur leur province reculée.

 

Les Alaouites sont confrontés à un problème différent. En tant qu’ancienne minorité au pouvoir en Syrie, ils partagent peu de choses avec l’élite sunnite renversée par les États-Unis dans l’Irak voisin. Les sunnites étant prédominants dans le monde arabe et islamique, la minorité sunnite d’Irak s’est considérée en droit de régner sur la majorité chiite du pays, et a réclamé que soit rétabli son statut légitime.

 

Les Alaouites de Syrie ne peuvent pas cultiver des aspirations similaires, ce qui ne les a toutefois pas empêchés de tenter une insurrection, à l’instar des sunnites d’Irak après l’invasion américaine de 2003. Seulement voilà, la minorité alaouite est non seulement beaucoup moins nombreuse que la minorité sunnite en Irak, mais également historiquement trop fragmentée pour espérer constituer un front uni.

 

Les récents affrontements entre le gouvernement et ces groupes minoritaires ébranlent la Syrie, ce qui met à mal la confiance de la population dans le nouveau régime. Pour autant, malgré ce conflit sectaire, Charaa bénéficie du soutien de la plupart des sunnites arabes. Si les musulmans pieux l’approuvent, c’est parce que l’effondrement du parti laïque Baas a permis le retour de la religion dans la vie publique. D’autres lui attribuent le crédit d’une baisse des prix, bien qu’il reste à prouver que Charaa puisse exercer sur les marchés autant d’influence qu’un Donald Trump, par exemple.

 

L’antiaméricanisme et l’hostilité féroce vis-à-vis d’Israël constituaient les piliers du credo baasiste de la dynastie Assad. Bachar et son père avaient adopté ce dogme pour détourner l’attention de leurs échecs nationaux et de leur régime minoritaire. Sous les Assad, la Syrie aurait été la première à dénoncer les frappes israéliennes contre l’Iran, ainsi qu’à proposer son soutien – verbal et matériel – à tout protagoniste désireux d’en découdre avec les Israéliens. Par opposition, les Syriens sont aujourd’hui devenus insulaires, plus préoccupés par la guérison nationale que par les événements régionaux. De nombreux Syriens sont heureux d’entretenir désormais des relations de voisinage normales, alors même qu’Israël empiète de plus en plus sur leur territoire depuis la chute d’Assad.

 

Dans une société en proie aux pénuries, la seule chose dont les Syriens ne manquent pas est l’espoir – un bien gratuit qui, contrairement à la plupart des autres, n’est ni coûteux ni soumis à des sanctions internationales. « Sans espoir, nous ne pourrions pas vivre », m’a confié un Syrien qui se demandait s’il allait dépenser ses maigres économies dans l’achat de nouvelles chaussures de sport pour ses enfants ou dans la réparation de l’installation électrique défectueuse de son appartement.

 

Les Syriens sont confrontés à une multitude de choix de ce type. Ce qui leur manque, ce sont les coups de chance soudains, tels que la décision inattendue de Trump d’assouplir les sanctions américaines contre leur pays, une démarche qui conduit de nombreux Syriens à espérer d’autres surprises positives. « C’est Allah qui a planté la graine de la Syrie dans le cœur de Trump », m’a soufflé un Syrien confiant, qui tenait dans ses mains calleuses un sac de tomates à la limite du pourrissement, achetées au rabais.

 

D’après l’envoyé spécial américain pour la Syrie, Tom Barrack, la décision de l’administration Trump de lever certaines sanctions visait à « inonder la zone d’espoir ». Ce que les Syriens espèrent, c’est que les Américains inonderont leur pays de capitaux et d’investissements, leur évitant ainsi d’avoir à choisir entre besoins existentiels et confort de base, et leur permettant à tout le moins d’acheter des fruits encore pleins de vie.

 

Barak Barfi a été chercheur chez New America, et chercheur invité à la Brookings Institution.

 

Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

FPR : Jusqu’où ira la résistance ?

L’ancien candidat à la présidentielle de 2018 Aliou Boubacar Diallo a annoncé le 7 juin dernier la création du Front patriotique de résistance (FPR). Dans un contexte verrouillé, entre faible marge de manœuvre et scepticisme populaire, l’avenir de cette initiative soulève des interrogations.

« La Transition doit maintenant prendre fin. Résistons ensemble à la prise du pouvoir par des voies anticonstitutionnelles. Résistons à l’instauration de toute dictature militaire ou civile dans notre pays », appelle Aliou Boubacar Diallo, qui vit à l’extérieur du Mali depuis plusieurs mois.

En annonçant la création du FPR, le fondateur de l’ADP-Maliba entend s’opposer frontalement au régime de transition en place, dirigé depuis 2021 par le Général Assimi Goïta.

Dans un climat politique marqué par la centralisation du pouvoir aux mains des militaires et la dissolution de tous les partis, Aliou Boubacar Diallo tente de faire entendre une voix alternative.

Il lance un appel aux Maliens de l’intérieur et de la diaspora soucieux d’un retour à l’ordre constitutionnel et de la fin de la « dégradation continue de la situation économique et sociale sans perspective d’amélioration », à rejoindre ce nouveau front pour s’opposer à toutes les violations de la Constitution et à la « prolongation perpétuelle » de la Transition.

Marge de manœuvre réduite

Si le Front patriotique de résistance est la première véritable initiative à se mettre en place, au-delà des condamnations tous azimuts depuis la dissolution des partis politiques et plus récemment la décision du Conseil des ministres d’accorder cinq ans supplémentaires à la Transition, il naît dans un contexte difficile qui, selon certains analystes, réduit considérablement l’organisation et la portée même de la résistance annoncée.

« Jusque-là, le FPR est une plateforme surtout numérique. Au-delà de la mobilisation en ligne, ce front aura du mal à mener des actions sur le terrain, d’autant plus que cela violerait l’interdiction des activités à caractère politique », souligne un observateur politique qui a requis l’anonymat.

Par ailleurs, malgré son positionnement en rupture avec l’ancienne classe politique traditionnelle, Aliou Boubacar Diallo traîne encore une image d’homme d’affaires plus qu’un profil mobilisateur enraciné dans les masses.

Son ascension sur la scène politique pendant les années qui ont précédé la chute du régime IBK n’a pas suffi à l’imposer comme figure centrale de l’opposition populaire. En outre, dans un contexte où les leaders politiques ont globalement perdu du terrain dans l’opinion nationale au profit d’une popularité accrue des militaires depuis l’avènement de la Transition, Aliou Boubacar Diallo n’échappe pas à la donne.

Quels leviers d’action ?

Le FPR n’a pas encore clarifié ses méthodes de lutte. Descente dans la rue ? Appel à la désobéissance civile ? Court-circuit du régime de transition par la pression populaire ou la mobilisation numérique ? À ce jour, aucune stratégie concrète n’a été dévoilée.

Dans un espace civique verrouillé, cette imprécision et l’absence de stratégies claires pourrait rapidement reléguer le front au rang des déclarations sans suite. « Sans capacité de mobilisation réelle, un front politique ne reste qu’un effet d’annonce. Or, dans les conditions actuelles, chaque action contestataire expose ses auteurs à des représailles administratives, judiciaires, voire sécuritaires », glisse notre interlocuteur.

Aliou Boubacar Diallo, connu pour ses liens avec certains milieux diplomatiques et économiques étrangers, pourrait conduire le FPR à chercher un écho hors des frontières pour soutenir sa légitimité.

Cependant, dans un Mali souverainiste devenu hypersensible à toute ingérence extérieure, cela pourrait être contre-productif. Toute tentative du FPR de trouver un soutien extérieur risque d’être immédiatement interprétée comme une posture de collusion avec des ennemis de la souveraineté nationale. Cela limite donc d’emblée les marges diplomatiques du nouveau front.

La création du FPR marque une tentative de structuration des voix critiques de la Transition dans un contexte d’asphyxie politique. Elle remet sur la table la question du retour à l’ordre constitutionnel à un moment où tous les signaux semblent au vert pour une prolongation indéfinie de la Transition. Mais, pour espérer influer sur le cours des événements, le FPR devra sortir du registre symbolique pour construire un réel rapport de forces.

Mohamed Kenouvi

Riz : Une production attendue en hausse

Au Mali, la production de riz devrait connaître une augmentation pour la campagne 2025 – 2026, selon les prévisions du département américain de l’Agriculture (USDA). La récolte de la deuxième céréale la plus consommée couvrira environ 80% des besoins.

La production de riz pour la campagne agricole 2025 – 2026 devrait enregistrer une croissance de 8% et atteindre 2,96 millions de tonnes. Une amélioration des conditions climatiques, une diminution de la pression des ravageurs et une augmentation des superficies cultivées, qui vont atteindre 850 000 hectares, sont à l’origine de ces prévisions.

Cette embellie contraste avec les difficultés rencontrées lors de la campagne précédente, qui s’est soldée par une chute de 13% des superficies cultivées, tombées à 790 000 hectares, en raison notamment d’un accès limité aux intrants, des fortes inondations de l’année dernière et de la persistance de l’insécurité dans certaines zones.

Céréale stratégique

Pour la campagne 2023 – 2024, la production nationale de riz avait atteint 3 024 000 tonnes, contre 2 900 000 tonnes lors de la campagne précédente. Pour combler cette production déficitaire, le Mali a lancé en avril dernier un appel au financement de son Programme national du système de riziculture intensif (PN-SIR). L’objectif est d’atteindre une production de 5,5 millions de tonnes d’ici 2030, contre une production actuelle autour de 3 millions de tonnes. C’est donc une hausse de 80% de la production que visent les autorités, afin de faire du riz un pilier de la souveraineté alimentaire. Le gouvernement a annoncé sa participation à hauteur de 60% à la mobilisation du financement du PN-SIR, soit 14,112 milliards de francs CFA.

Le riz est devenu une céréale stratégique en Afrique de l’Ouest, avec une croissance annuelle de la demande d’environ 6% et une consommation par habitant dépassant 100 kg dans certains pays. Mais la production dans la zone ne couvre qu’environ 60% des besoins. L’Afrique de l’Ouest est la plus grande importatrice de riz au monde. À elle seule, elle consomme 20% des volumes échangés sur le marché mondial. Même si ces volumes ne représentent que 7% de la production mondiale, la dépendance de la zone au riz importé pose plusieurs problématiques.

La réduction des exportations de riz d’Asie a un impact important sur l’approvisionnement de la région, avec un renchérissement des coûts. Pourtant, l’Afrique de l’Ouest dispose d’un potentiel pour satisfaire sa demande. La disponibilité des terres et de la main-d’œuvre est une réalité. En outre, des investissements importants dans la chaîne de valeur permettront de réduire les pertes de devises. Estimées à 1,7 million de tonnes au début des années 1990, les importations de riz représentent actuellement 5,2 millions de tonnes.

Transition prolongée : Entre logique sécuritaire et rupture démocratique

La prolongation du mandat du Président de la Transition à cinq ans renouvelables marque un tournant institutionnel inédit depuis 2020. Entre justifications sécuritaires, incertitudes électorales et critiques sur la gouvernance, la question de la permanence du provisoire s’impose au cœur du débat politique national.

Le 11 juin 2025, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi révisant la Charte de la Transition. Il ouvre la voie à un mandat de cinq ans renouvelable pour le chef de l’État, le Général Assimi Goïta. Cette décision, qui devrait encore être entérinée par le Conseil national de transition (CNT), modifie de manière substantielle le cadre temporaire en vigueur depuis septembre 2020. Rappelons que le Conseil national de transition (CNT), mis en place par ordonnance en décembre 2020, fait toujours office d’organe législatif intérimaire. Il regroupe 147 membres désignés par le Président de la Transition, représentant les forces de défense, la société civile, les syndicats et les partis politiques d’alors. Il détient le pouvoir de valider les projets de loi et de contrôler l’action du gouvernement.

Ainsi, la Charte initiale, adoptée en octobre 2020, avait fixé une durée de transition de 18 mois. Une première prolongation en février 2022 l’étendra à 24 mois, jusqu’en février 2024. La nouvelle révision de juin 2025 prolongerait cette durée à cinq ans, avec possibilité de renouvellement. Cette orientation s’inscrit dans un contexte où les consultations nationales et les difficultés sécuritaires ont fortement influencé les choix de gouvernance.

L’élément déclencheur de la suspension du processus électoral remonte à septembre 2023. La présidentielle, prévue pour février 2024, est reportée en raison du blocage des données biométriques par la société française IDEMIA, qui réclame environ 5 milliards de francs CFA. Le fichier est finalement récupéré en février 2024 par des informaticiens maliens, sans que les contours de cette affaire ne soient entièrement connus. Malgré la récupération de ces données, aucune date de scrutin n’est annoncée. Cette absence de calendrier n’est pas sans rappeler la crise de 2022, lorsque la CEDEAO avait imposé de lourdes sanctions au Mali après l’annonce d’une transition prolongée à 5 ans d’après certaines sources. À l’époque, la levée des sanctions avait été conditionnée à la remise d’un chronogramme électoral crédible, ce qui fut obtenu à la suite de négociations en juillet 2022.

Pourtant, les promesses initiales de renforcement de la décentralisation formulées en 2021 pour permettre l’organisation de ces élections dans de bonnes conditions sont restées sans traduction concrète dans les politiques territoriales.

Engagements électoraux non tenus

Pourtant, dans sa lettre de cadrage de novembre 2024, le Premier ministre Abdoulaye Maïga, également ministre de l’Administration territoriale, avait placé l’organisation des élections parmi ses priorités. Une enveloppe de 80 milliards de francs CFA figure même dans le projet de Loi de finances 2025, mais sans détails ni chronogramme précis, alimentant les incertitudes sur la volonté effective de tenir des scrutins.

Entre-temps, plusieurs signaux institutionnels se sont superposés. On se souvient que le 31 décembre 2024, dans son discours à la Nation, le Président de la Transition n’avait fait aucune référence au processus électoral. En avril 2024, les activités des partis politiques avaient été suspendues, puis une dissolution générale décidée par décret le 13 mai 2025. Ces mesures sont justifiées par le gouvernement comme nécessaires à la refondation du système politique. Le 3 mai 2025, plusieurs centaines de citoyens ont manifesté à Bamako contre la dissolution des partis politiques et l’absence de perspectives électorales. Il s’agit de la première mobilisation d’ampleur enregistrée dans la capitale depuis la suspension des activités politiques en avril 2024. Les organisateurs dénonçaient une « confiscation du débat public » et appelaient à la restauration des libertés fondamentales, ainsi qu’à l’organisation d’élections pour sortir de la Transition.

Les consultations nationales menées à Bamako du 20 au 29 avril 2025, dites « Rencontres des forces vives », avaient recommandé explicitement la prolongation de la Transition pour cinq ans renouvelables, en harmonie avec le Burkina Faso et le Niger. Ces pays, membres avec le Mali de la Confédération des États du Sahel (AES), ont également fixé leurs transitions à cinq ans (Niger, mars 2025 ; Burkina Faso, mai 2024). Rappelons aussi que le 29 janvier 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont officialisé leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette décision, assortie d’un délai d’un an selon les traités, a été justifiée par les autorités comme une affirmation de leur « souveraineté stratégique ». Elle renforce le positionnement des trois États autour de la Confédération des États du Sahel (AES), mise en place en juillet 2024, où prévaut un modèle de transition militaire prolongée.

En privé, certains partenaires étrangers avaient déjà exprimé leurs doutes quant à la faisabilité d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel avec cette nouvelle organisation regroupant les trois pays.

Coopérations internationales suspendues

Ce positionnement trouve également un ancrage antérieur dans les Assises nationales de la refondation, tenues en décembre 2021, où certaines recommandations évoquaient déjà une transition longue, pouvant aller jusqu’à cinq ans. L’argument sécuritaire est central dans les justifications avancées par les autorités. Les données disponibles indiquent une persistance de l’insécurité dans le centre et le nord du pays, avec plusieurs incidents meurtriers recensés au premier semestre 2025. On se rappelle que le 7 février 2025, une embuscade dans la région de Gao, attribuée à des éléments de l’État islamique en Afrique de l’Ouest, a causé la mort de 34 civils et blessé 20 militaires maliens. Quelques mois plus tôt, le 17 septembre 2024, une attaque simultanée contre des installations sécuritaires à Bamako avait fait des dizaines de morts. De plus, selon le Global Terrorism Index 2025, le Sahel concentre plus de 50% des décès liés au terrorisme dans le monde, avec 4 800 morts enregistrées en 2024. Le Mali à lui seul a comptabilisé environ 1 532 décès liés à des violences armées cette même année, notamment dans les régions du centre et du nord.

Sur le plan juridique, la Constitution adoptée par référendum le 23 juillet 2023 prévoit, dans son article 45, que le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. Le prolongement actuel, décidé sans élection, repose donc sur un cadre transitoire qui s’écarte du droit constitutionnel en vigueur.

Sonnette d’alarme

Par ailleurs, plusieurs personnalités politiques ont exprimé publiquement leurs inquiétudes. Le 15 juin 2025, Mountaga Tall a alerté sur les risques d’une confiscation du pouvoir et a proposé douze mesures pour restaurer la confiance, dont la fixation d’une date de fin de transition et la réhabilitation des partis. Le 16 juin, Yaya Sangaré a dénoncé une « violation répétée » des textes, avant d’appeler à une mobilisation citoyenne. Oumar Ibrahim Touré avait rappelé que le Mali était le seul pays de l’AES à disposer d’une Constitution en vigueur, insistant sur la responsabilité à respecter l’État de droit. Le politologue Cheick Oumar Doumbia avait lui aussi tiré la sonnette d’alarme sur les risques de démocratie sous pression liés à une gouvernance trop fortement militarisée.

L’histoire politique récente du Mali est marquée par deux précédentes transitions. En 1991, le régime militaire issu de la chute de Moussa Traoré a organisé en un an une Conférence nationale souveraine, suivie d’élections pluralistes en 1992. En 2012, après un coup d’État intervenu en pleine crise sécuritaire au Nord, une transition de moins de 15 mois a permis d’organiser des élections sous supervision internationale. Ces précédents tranchent avec la transition actuelle, dont la durée cumulée et l’évolution institutionnelle sont sans précédent.

Dans l’attente d’une validation du texte par le CNT, aucun calendrier électoral n’est actuellement publié. Le cadre transitoire demeure en vigueur, sans perspective claire de sortie. La consolidation institutionnelle du Mali s’inscrit ainsi dans une temporalité prolongée qui pose la question de la permanence du provisoire.

Alphadi présente sa « Caravane de la paix » au ministre Diop : art, réconciliation et diplomatie culturelle

Le créateur de mode nigérien Alphadi, pionnier de la haute couture africaine et figure de la diplomatie culturelle sur le continent, a été reçu ce mercredi par le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, pour présenter son initiative baptisée « Caravane de la paix », prévue au Mali à partir de septembre 2025. Cette tournée artistique, artisanale et éducative entend mettre la culture au service de la cohésion sociale, de la paix et du développement économique.

Fondateur du Festival international de la mode africaine (FIMA) en 1998 à Agadez, Alphadi – de son vrai nom Seidnaly Sidhamed, né à Tombouctou – s’est vu décerner en 2016 le titre d’Artiste pour la paix par l’UNESCO. Son parcours de plus de 40 ans lui a valu une reconnaissance internationale, et il continue d’utiliser la mode comme levier de dialogue interculturel.

Selon ses premières annonces, la caravane malienne visitera les régions de Kayes, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao et le district de Bamako, en collaboration avec les directions régionales de la culture. Chaque étape prévoit :

des défilés mettant en avant les textiles locaux (bogolan, bazin, tissage traditionnel) ;

des ateliers de formation pour jeunes créateurs, stylistes, tanneurs et brodeurs ;

des conférences sur l’art et la paix, et des performances collectives.

L’objectif est double : renouer les communautés autour de l’héritage culturel commun, et créer un cadre de développement économique pour les métiers d’art. D’après une note transmise aux autorités, le projet vise à former 300 jeunes artisans, à générer plus de 2 500 emplois temporaires, et à attirer plus de 20 000 visiteurs locaux. Un budget estimatif de 1,2 milliard de FCFA est en cours de finalisation, incluant les aspects logistiques, sécuritaires, promotionnels et techniques.

Pour le ministre Diop, cette initiative s’inscrit pleinement dans la dynamique de 2025, décrétée Année de la Culture par le Président de la Transition. Il a salué « une vision panafricaine de la paix par la création », et promis l’appui de son département pour mobiliser les partenaires diplomatiques et culturels. Le projet pourrait également s’insérer dans les priorités du Fonds national pour la culture, ainsi que dans les programmes jeunesse du ministère de la Réconciliation nationale.

Le calendrier précis de la Caravane sera présenté fin juillet lors d’une conférence conjointe avec les ministères de la Culture, de la Jeunesse, et de l’Artisanat. Des partenaires comme l’UNESCO, l’Union africaine, le Réseau des villes créatives africaines, ou encore des enseignes du secteur textile sont sollicités pour contribuer au succès de l’événement.

À travers cette caravane, Alphadi souhaite « redonner espoir à une jeunesse talentueuse souvent oubliée », tout en rappelant, selon ses mots, que « la culture est une arme douce mais puissante contre la division et la pauvreté ».

 

Blanchiment de capitaux : le Mali n’est plus sur la liste grise du GAFI

C’est une bonne nouvelle qui est tombée le 13 juin 2025 depuis Strasbourg, en France. À l’issue de sa réunion plénière, le Groupe d’action financière (GAFI) a décidé de retirer officiellement le Mali de sa liste grise. Une décision attendue, mais surtout méritée, après des années de travail discret mené par les autorités maliennes pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Le Mali avait été placé sur cette liste en 2021. Cela signifiait que notre pays était considéré comme ayant des faiblesses dans la surveillance des flux financiers et dans la prévention des risques liés au financement d’activités criminelles. Cette situation exposait le Mali à des contrôles renforcés dans ses relations bancaires et à une méfiance accrue de la part des investisseurs étrangers.
En réponse, l’État a mis en place un plan d’action structuré en 27 mesures. Sous la coordination du ministère de l’Économie et des Finances, du ministère de la Justice, de la CENTIF et d’autres institutions nationales, plusieurs réformes ont été engagées. Le pays a produit neuf rapports d’évaluation et a reçu une mission d’inspection du GAFI à Bamako entre le 28 et le 30 avril 2025.
Des institutions mobilisées, un travail reconnu
Cette mission sur le terrain a permis aux experts internationaux de constater les avancées concrètes. Il s’agissait notamment du renforcement de la surveillance des transactions financières, de la régulation des professions dites « non financières » (comme les notaires ou les comptables), de la coopération entre autorités, et de l’application effective des sanctions prévues.
La Commission nationale de coordination des activités de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (CONAC-LBC/FT) a joué un rôle clé dans cette mobilisation, aux côtés de la CENTIF et de partenaires comme le GIABA, l’Union européenne ou encore la Banque mondiale.
Cette sortie de la liste grise est un soulagement pour le monde des affaires. Elle devrait améliorer les relations entre les banques maliennes et leurs correspondants étrangers, notamment en Europe, où certaines restrictions avaient été mises en place ces dernières années. Les entreprises pourraient désormais bénéficier de conditions de financement plus favorables.
Selon les chiffres de la Banque mondiale, les investissements directs étrangers (IDE) au Mali sont passés de 384 millions de dollars en 2020 à 312 millions en 2024, en grande partie à cause du contexte sécuritaire et de la pression liée à la liste grise. Un retour progressif de la confiance est donc attendu dans les mois à venir.
Un engagement à maintenir
Sortir de la liste ne signifie pas que la vigilance peut retomber. Le GAFI continuera d’observer les efforts du pays pour garantir que les progrès réalisés s’inscrivent dans la durée. Des défis subsistent, notamment dans la formalisation du secteur informel, la régulation des acteurs non bancarisés ou encore la formation continue des institutions concernées.
Mais pour l’heure, la reconnaissance internationale de ce travail est une victoire pour l’État malien. Le ministre de l’Économie et des Finances, M. Alousseni Sanou, s’est félicité d’un « processus collectif ayant impliqué toutes les parties prenantes nationales ».

Mopti : le général Daouda Dembélé prend officiellement les commandes d’une région sous tension

La cérémonie d’installation du nouveau gouverneur de la région de Mopti s’est tenue le jeudi 12 juin 2025 dans un climat solennel mais chargé d’attentes. Le général de brigade Daouda Dembélé, officier supérieur de l’Armée de l’Air, a prêté serment dans une région marquée à la fois par les défis sécuritaires, le ralentissement économique et les espoirs d’un renouveau administratif.

Originaire de San, âgé de 53 ans, le général Dembélé n’est pas un inconnu pour les habitants du centre du Mali. Militaire chevronné, il a occupé plusieurs postes de commandement dans la région avant de prendre la tête de l’état-major de l’Armée de l’Air. Nommé gouverneur le 21 mai 2025 par décret présidentiel, il était jusque-là PDG des Aéroports du Mali. Sa carrière mêle rigueur stratégique, expérience du terrain et connaissance fine des dynamiques régionales. Ce profil singulier suscite aujourd’hui de nombreux espoirs parmi les acteurs locaux.

Dans son allocution après avoir prêté serment, le général Dembélé a évoqué avec gravité les enjeux de sa mission, plaçant la sécurité, la cohésion sociale et la relance économique au cœur de ses priorités. La région de Mopti, longtemps considérée comme un carrefour culturel et agricole, fait face depuis plusieurs années à une situation sécuritaire instable, marquée par les incursions de groupes armés, la fermeture d’écoles, la fragilité des routes et la détresse de certaines populations déplacées.

Le choix d’un militaire pour gouverner cette région n’est pas anodin. À Bamako comme à Sévaré, beaucoup y voient un signal fort. La présence d’un officier supérieur à la tête de l’administration régionale est perçue comme un moyen de restaurer l’autorité de l’État dans les zones les plus exposées. Elle cristallise aussi une volonté de coordination accrue entre les forces armées et les services déconcentrés de l’État.

Dans les rues de Mopti, les avis oscillent entre prudente confiance et attentes fermes. Certains habitants espèrent que l’arrivée du général marquera un tournant dans la gestion quotidienne des dossiers urgents, notamment la sécurisation des axes, le retour des services sociaux de base et la stabilisation des activités économiques, aujourd’hui fragilisées par l’insécurité.

D’autres, plus sceptiques, rappellent que plusieurs gouverneurs se sont succédé sans parvenir à enrayer les dynamiques de violence, souvent liées à l’absence de réponse rapide de l’administration face aux alertes communautaires ou à la lenteur dans la mise en œuvre des projets de développement.

Pour l’heure, les premiers pas du général Dembélé sont observés avec attention. L’installation rapide de son équipe, le contact direct avec les leaders locaux, ainsi que les premières décisions en matière de sécurité intérieure seront déterminants pour imprimer une dynamique nouvelle.

À Mopti, où la population a souvent le sentiment d’être reléguée à la marge du processus de reconstruction nationale, l’arrivée d’un gouverneur expérimenté, ancré dans le tissu local et fort d’une légitimité militaire, pourrait bien créer les conditions d’un regain de confiance. À condition que la parole officielle se traduise vite en actes tangibles.

Axe Bourem–Gao : des voyageurs pris pour cibles

Ce dimanche 15 juin 2025, le tronçon entre Bourem et Gao a été la cible d’une nouvelle attaque sanglante. Cette agression relance l’alerte sur la sécurité routière dans le Nord-Mali, tandis que les évènements de Kobé en février continuent de hanter les populations.

Dimanche 15 juin en milieu de journée, un groupe armé a pris d’assaut plusieurs minibuses circulant entre Bourem et Gao, à hauteur de Tondibi. Les assaillants, arrivés à moto, ont obligé les passagers à descendre, leur subtilisant téléphones, portefeuilles et effets personnels sous la menace des armes. Aucune blessure physique n’a été signalée, mais les victimes sont profondément traumatisées. Ce braquage intervient alors que déjà, à la fin du mois de mai, une série d’agressions similaires avait ébranlé la quiétude des voyageurs de cette route.
Depuis plusieurs mois, cet axe est marqué par une présence sécuritaire sporadique. Malgré les appels répétés des syndicats de transporteurs, la défense militaire reste timide, donnant à ces zones comme Tondibi une vulnérabilité permanente. Les habitants évoquent un sentiment d’abandon, exprimant leur exaspération : voyager revient à jouer sa vie, à l’abri d’aucune garantie tangible.
Le souvenir de l’attaque meurtrière du 7 février 2025 près de Kobé, à environ trente kilomètres au sud de Gao sur la route vers Ansongo, ressurgit automatiquement. À l’époque, un convoi de 19 véhicules civils, escortés par des soldats maliens et leurs partenaires, a été pris en embuscade par des djihadistes de l’État islamique dans le Grand Sahara, faisant 34 morts civils et 34 blessés. Les assaillants s’en sont pris indistinctement aux civils comme aux militaires, incendiant des véhicules, semant la terreur, avant que le convoi ne fasse demi-tour. Dans les jours qui ont suivi, les transporteurs de la région avaient décrété une grève, exigeant la fin des simples escortes et la mise en place de véritables patrouilles régulières.
Si le trafic a repris après cet épisode tragique, notamment sous la pression de la reprise économique, la menace n’a jamais disparu. Des témoignages rapportent que les attaques à Kobé sont devenues presque banales : « on est dépouillé, on est frappé, et les femmes ne sont pas épargnées », racontent certains chauffeurs .
Les enjeux sont avant tout d’ordre public et politique. Sans mesures de sécurité dignes de ce nom—comme des postes permanents, un accompagnement organisé des convois et une présence militaire tangible—les échanges commerciaux, les déplacements familiaux et la vie quotidienne resteront rythmés par la peur. Les voyageurs demandent à cor et à cri une réponse ferme de l’État, faute de quoi le Nord du Mali continuera de payer un lourd tribut au banditisme et au terrorisme.

Protection des civils : Le pari de l’OCGS pour une sécurité enracinée

L’Observatoire Citoyen sur la Gouvernance et la Sécurité (OCGS) a animé, le mardi 10 juin 2025, au Mémorial Modibo Keita un rendez‑vous auquel ont participé experts en sécurité, représentants religieux, juristes, militaires, organisations humanitaires et membres de la société civile, pour mettre en lumière la vulnérabilité des civils au Mali en contexte de crise. La maîtrise de la cérémonie confiée à Anissé, de l’OCGS, a posé un cadre chaleureux invitant à la réflexion collective.

Au cœur des échanges, Baba Dakono, coordonnateur de l’OCGS, a insisté sur l’urgence de fonder toute stratégie de protection sur la dignité humaine et la reconnaissance des savoirs culturels et religieux malien. Il a appelé à unir les enseignements des traditions orales, des textes sacrés et des textes juridiques pour faire émerger des politiques réellement adaptées et légitimes aux yeux des populations.
Le communicateur traditionnel Mamadou Ben Cherif Diabaté a capté l’attention en évoquant une ancienne charte de 1236, témoignage de la richesse des normes sociales maliennes dans la prévention des conflits. En valorisant savoirs locaux et mémoire collective, il a plaidé pour une réinterprétation de ces références historiques en lien avec les juristes et universitaires, regrettant que les propositions issues des Journées de la Refondation ne soient pas pleinement intégrées aujourd’hui dans les politiques publiques, faute de réelle volonté politique.
Foi et traditions au cœur du débat
Des intervenants ont ensuite illustré la façon dont la foi peut nourrir une solidarité active envers les plus vulnérables. Intervenant à nouveau, Ben Cherif Diabaté a souligné la nécessité de former les mosquées, églises et chefferies traditionnelles aux mécanismes de prévention et de protection, car c’est là que la résilience communautaire se construit. En rappelant qu’une mère non sensibilisée peut, même involontairement, faciliter l’infiltration de groupes armés, il a souligné l’importance d’associer toute la communauté, dans sa diversité, à la sécurité collective.
L’après‑midi a été l’occasion d’une présentation du Programme national d’éducation aux valeurs (PNEV) par un représentant du ministère de la Refondation. Ce programme vise à inculquer dès l’école des notions de citoyenneté, de cohésion sociale et de protection mutuelle. Pour Mamadou Ben Cherif Diabaté, le PNEV constitue un levier stratégique pour ancrer la culture de la sécurité dans le quotidien des Maliens, de l’écolier à l’officier. « La guerre ne se gagne pas seulement sur le front, mais aussi dans les familles et les quartiers », a‑t‑il affirmé, en invitant à voir l’éducation aux valeurs comme une condition de résilience nationale.
Former pour mieux protéger
Enrichie par des échanges spontanés impliquant ONG, forces de sécurité, journalistes, universitaires et acteurs communautaires, la conférence a ouvert des pistes concrètes : reconnaître dans le droit national les pratiques traditionnelles, développer des modules de formation communautaire, organiser à l’échelle nationale des journées de réflexion incluant l’ensemble des acteurs de terrain.
Dans un dernier appel, Mamadou Ben Cherif Diabaté a exhorté les autorités maliennes à lancer un dialogue national institutionnalisé, pour faire entrer les communautés traditionnelles au cœur des politiques de sécurité. Alors que l’urgence sécuritaire se fait chaque jour plus pressante, son message était clair : seule une approche enracinée dans les valeurs et réalités locales pourra redessiner un avenir plus sûr pour les civils maliens.

Décès du rappeur Lord Makhaveli : la jeunesse malienne perd l’une de ses voix les plus prometteuses

Le monde de la musique urbaine malienne est en deuil. Le jeune rappeur Abdoulaye Macalou, plus connu sous son nom de scène Lord Makhaveli, est décédé dans des circonstances tragiques ce 10 juin à Bamako. L’enterrement de l’artiste est prévu ce vendredi 13 juin 2025 dans son quartier natal de Lafiabougou.

Selon les premiers éléments recueillis, Lord Makhaveli aurait été victime d’un lynchage collectif dans le quartier de Bacodjicoroni ACI. L’altercation, survenue en plein jour, aurait démarré de manière banale, impliquant selon certaines sources une dispute avec une vendeuse de galettes. La situation aurait rapidement dégénéré en agression physique.

Grièvement blessé, le rappeur a été transporté d’urgence à l’hôpital Gabriel Touré, où il a succombé à ses blessures quelques heures plus tard. Les causes exactes de sa mort seraient liées à des traumatismes multiples, notamment au niveau du crâne et de la cage thoracique.

Une enquête a été ouverte par les services du commissariat du 5ᵉ arrondissement pour faire la lumière sur les circonstances de ce drame. Des témoins auraient déjà été entendus, et une reconstitution des faits serait en cours.

Une étoile montante du rap malien

Âgé d’environ 23 ans, Lord Makhaveli incarnait une génération d’artistes maliens conscients, porteurs d’un rap engagé et sans compromis. Révélé sur la scène bamakoise par des morceaux comme Fly, Un Autre Malien Américain ou Gangsta Écrivain, il s’était produit dans plusieurs lieux emblématiques de la capitale, du Centre international de conférences de Bamako (CICB) au Stade du 26 Mars.

Son style, mêlant réflexions sociopolitiques, introspection personnelle et dénonciation des inégalités, lui avait valu une reconnaissance croissante au sein de la jeunesse urbaine.

« C’était un gamin sincère, intelligent, qui voulait changer les choses avec sa musique », témoigne un confrère artiste ayant partagé la scène avec lui.

Vague d’émotion sur les réseaux sociaux

L’annonce de sa mort a déclenché une vive émotion sur les réseaux sociaux. Des milliers d’internautes ont exprimé leur colère, leur tristesse et leur incompréhension face à ce qu’ils considèrent comme un acte de barbarie.

Des artistes de renom comme Iba One, Mylmo, Master Soumy ou encore Gaspi lui ont rendu hommage, appelant à des réflexions profondes sur la montée des violences urbaines et le phénomène des « justices populaires ».

« Ce n’est pas seulement un artiste que nous perdons, c’est un frère, une voix, un miroir de nos luttes », a déclaré Mylmo dans une vidéo relayée sur TikTok.

Enterrement ce vendredi à Lafiabougou

La levée du corps aura lieu après la prière du vendredi (Jummah) au quartier Lafiabougou, dans la commune IV du district de Bamako. De nombreuses personnalités du monde de la culture, amis, proches et anonymes sont attendus pour cet ultime hommage.

Un appel au calme a été lancé par plusieurs leaders communautaires afin d’éviter tout débordement lors des funérailles, qui s’annoncent particulièrement suivies.

Un drame révélateur

Au-delà de l’émotion, ce drame soulève une fois de plus la question de la montée des violences collectives à Bamako. Les lynchages publics, alimentés par une méfiance croissante envers les forces de l’ordre et la justice, semblent se banaliser dans certains quartiers.

Le cas de Lord Makhaveli illustre tragiquement cette dérive : un différend mineur, un soupçon, un attroupement… et la mort d’un jeune homme, d’un artiste, d’un citoyen.

La mort de Lord Makhaveli n’est pas seulement celle d’un rappeur. C’est une perte pour une jeunesse qui cherche à s’exprimer, à être entendue, à être comprise. C’est aussi un avertissement sur la fragilité du vivre-ensemble, sur les risques d’une société où la colère déborde plus vite que la justice ne répond.

Il laisse derrière lui des textes, des rimes et une voix – qu’on espère assez forte pour ne pas s’éteindre.

Plastique : Le paradoxe malien face à une urgence mondiale

La Journée mondiale de l’Environnement 2025 est consacrée à la lutte contre la pollution plastique. Celle-ci alimente la crise climatique, dégrade les écosystèmes et fragilise les moyens de subsistance. Pourtant les réponses politiques restent insuffisantes, malgré l’urgence reconnue par les scientifiques et les institutions internationales.

La production mondiale de plastique dépasse 450 millions de tonnes par an, mais moins de 10% sont recyclées. Environ 11 millions de tonnes finissent chaque année dans les écosystèmes aquatiques, aggravant la pollution marine. Plus de la moitié de ces déchets ne sont ni traités ni récupérés. Le coût global de cette pollution est estimé entre 300 et 600 milliards de dollars par an, en tenant compte de ses impacts sur la santé, les écosystèmes et les économies locales, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement.

L’Afrique génère 5% des déchets plastiques mondiaux, mais est le deuxième continent le plus affecté. La moitié finit dans les eaux, menaçant biodiversité et économies locales. La pollution plastique est devenue une crise environnementale majeure. Face à cela, seuls 30% des pays disposent aujourd’hui de politiques publiques pour réduire son impact sur l’environnement et la santé.

Le phénomène contribue également à la crise climatique à travers son processus de production, qui génère des gaz à effet de serre. Le plastique contribue à 3,4% des émissions mondiales. Plus d’un tiers à des emballages jetables est majoritairement mal traité. L’agriculture, la pêche et la mode figurent parmi les secteurs les plus polluants, utilisant massivement des matières plastiques, parfois jusqu’à 60% de leur composition.

Mesures insuffisantes

En 2022, les États membres des Nations unies ont adopté une résolution visant à mettre fin à la pollution plastique. À travers un instrument juridique contraignant, le Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique (CIN) travaille à l’élaboration d’un texte. Les négociations portent sur des mesures couvrant l’intégralité du cycle de vie des plastiques. La cinquième session s’est tenue à Busan en décembre 2024, sans aboutir à un consensus sur les mesures de réduction de la production. La sixième et dernière phase de cette session est prévue pour août 2025.

Parmi les alternatives discutées, il est prévu de promouvoir l’innovation par des incitations aux entreprises pour abandonner le plastique, d’introduire des taxes visant à dissuader la production et l’utilisation de plastique à usage unique, de proposer des subventions et des avantages fiscaux pour favoriser les produits réutilisables et d’améliorer les infrastructures de gestion des déchets.

Situation au Mali

La Quinzaine de l’Environnement, du 5 au 17 juin, est célébrée cette année dans la région de San, à 425 km de Bamako. L’utilisation des sachets plastiques s’est généralisée à travers le pays. En 2014, le Mali a adopté la Loi N°2014-024 interdisant leur production, importation et commercialisation. Dix ans après, son application demeure très limitée. Un moratoire de six mois avait été prévu pour faciliter la transition, mais aucune réelle mesure n’a suivi. Le plastique est aujourd’hui omniprésent dans les marchés, les quartiers et les campagnes. Les données fiables manquent pour évaluer le volume en circulation, mais certains spécialistes estiment que plusieurs millions de tonnes échappent chaque année à toute gestion structurée.

Des initiatives privées s’engagent dans la lutte et tentent de mettre en place des structures de recyclage. Créée en 2017, DGB Plastique Mali collecte jusqu’à 12 tonnes de déchets plastiques par jour, mais reste une initiative isolée.

La capitale malienne produit en moyenne 4 050 m³ de déchets chaque jour, dont une grande quantité de sachets plastiques. Pour certains acteurs, il devient urgent d’améliorer la collecte en instaurant le tri à la source des déchets, de développer les unités de recyclage et de mettre en place une véritable politique de pollueur – payeur.

Outre les défis sanitaires, les solutions envisagées proposent une évolution vers une économie circulaire du plastique. Il s’agirait de mettre en place un cadre réglementaire adapté, grâce à des investissements du secteur privé et à la création de marchés dynamiques pour les plastiques recyclés et les substituts au plastique.

C’est autour d’un dialogue constructif entre l’État, le secteur privé et la société civile que la lutte contre la pollution plastique pourrait aboutir, selon les acteurs. Il s’agit de créer un espace de concertation entre les acteurs publics et privés pour faciliter l’adoption d’alternatives durables aux sachets plastiques.

Rwanda – RDC : Une rupture qui fissure la sécurité africaine

Le Rwanda quitte la CEEAC dans un contexte de tensions persistantes avec la RDC. Ce retrait s’ajoute aux départs des États sahéliens de la CEDEAO, révélant une fragilité grandissante des organisations régionales chargées de la sécurité collective. Pendant ce temps, les groupes armés progressent, dans un silence institutionnel préoccupant.

Le 7 juin 2025, Kigali a annoncé son retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Officiellement, la décision découle d’un désaccord avec la République démocratique du Congo, accusée de bloquer la présidence tournante que devait exercer le Rwanda. Mais, au-delà du conflit bilatéral, cette sortie révèle une crise plus profonde de l’architecture sécuritaire régionale.

Depuis plusieurs années, la CEEAC peine à jouer son rôle face à la multiplication des conflits frontaliers, des incursions armées et de la montée des groupes terroristes, notamment dans les zones instables du Nord-Kivu et de l’Ituri. Le retrait du Rwanda fragilise davantage cette structure, déjà minée par les rivalités entre États.

En Afrique de l’Ouest, la CEDEAO vit une implosion parallèle. En janvier 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont claqué la porte pour former l’Alliance des États du Sahel (AES), dénonçant une incompréhension stratégique de leur lutte contre les groupes jihadistes. Là encore, l’enjeu n’est pas seulement institutionnel, il est vital, dans la mesure où ces désengagements désarticulent les mécanismes d’alerte, de coordination militaire et de réponse rapide.

Face à ces fractures, l’Union africaine reste curieusement effacée. Son Conseil de Paix et de Sécurité ne parvient pas à enrayer la dynamique de fragmentation. Quant à l’ONU, son rôle semble cantonné à des déclarations de principe, sans réel levier dissuasif.

Pourtant, les menaces sont partagées, les frontières poreuses et les crises de plus en plus transnationales. Le désengagement des États des cadres multilatéraux revient à affaiblir l’unique rempart collectif face à des ennemis mobiles, armés et coordonnés.

La perte de coordination affaiblit aussi les efforts de partage de renseignements, de patrouilles conjointes et de médiations régionales. Chaque pays tente désormais de bâtir son propre système de défense, souvent au détriment d’une vision collective. Les conséquences dépassent le continent, puisque les failles régionales deviennent des brèches internationales.

Comme le rappelait récemment un diplomate africain, on peut se retirer d’une organisation, mais on ne peut ni effacer une frontière ni déménager un pays. La sécurité, elle, ne connaît pas de rupture administrative.

Festi’Vert 2025 : Quand l’agroécologie devient culture à Bamako

Les 14 et 15 juin 2025, le quartier de Bamako-Coura accueillera la deuxième édition de Festi’Vert, un festival atypique où l’environnement, l’agriculture et la culture populaire se rejoignent. Porté par l’entité du même nom, cet événement veut inscrire l’agroécologie dans le quotidien culturel des Maliens.

Loin d’être un simple rassemblement technique, Festi’Vert se vit comme l’expression vivante d’un art de vivre écologique. L’événement met en scène des savoirs agricoles ancestraux, des créations artisanales issues de la nature, des danses traditionnelles inspirées des saisons, des contes autour de la terre et des ateliers interactifs avec de jeunes artistes. C’est toute une écologie culturelle qui se déploie dans les rues de Bamako-Coura. À l’image d’initiatives similaires à Dakar, Ouagadougou ou même Recife au Brésil, Festi’Vert inscrit Bamako dans le réseau grandissant des villes africaines qui associent art, écologie et engagement communautaire.

Le festival, lancé en juillet 2024, est né du constat que pour réussir la transition écologique, il faut d’abord la faire aimer, la faire comprendre, la faire vivre. En cela, Festi’Vert choisit la voie du sensible, celle des arts et des récits locaux. Des animations musicales, des démonstrations de transformation agroalimentaire et des stands d’expression libre y côtoient des espaces d’exposition sur les semences traditionnelles et les cosmétiques naturels. Les organisateurs espèrent ainsi accueillir plusieurs centaines de visiteurs par jour.

L’édition 2025 entend renforcer cette dynamique en valorisant le rôle des femmes et des jeunes dans la création culturelle autour de la terre. Des associations comme Caritas Bamako ou des initiatives de jardinage urbain y seront présentées pour rappeler que l’agroécologie au Mali se vit autant dans les quartiers que dans les champs.

Forts de la réussite de la première édition en 2024, les organisateurs de Festi’Vert reconduisent l’événement avec une ambition renouvelée. La dynamique collective initiée dès le lancement du festival, combinée à l’engagement de partenaires locaux et d’acteurs culturels, a permis de bâtir une édition 2025 plus structurée, tournée vers une plus large participation populaire et une mise en valeur des savoirs agroécologiques à travers l’art et la transmission intergénérationnelle.

Cette hybridation entre culture et écologie semble rencontrer un écho fort, en phase avec les aspirations de nombreux Maliens à renouer avec des pratiques durables ancrées dans leur héritage.

Plus qu’un festival, Festi’Vert devient un laboratoire vivant où l’on cultive la terre autant que les esprits. En plaçant la culture au centre de l’écologie, les organisateurs rappellent qu’il ne peut y avoir de transition durable sans transformation des imaginaires.

Vers une justice sahélienne commune : Les premiers jalons posés à Bamako

Les ministres de la Justice du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont entamé un processus ambitieux d’unification de leurs systèmes judiciaires. Ce projet vise à créer des institutions juridiques et pénitentiaires confédérales, à harmoniser les législations et à renforcer la coopération face aux défis transnationaux.

Les autorités judiciaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont engagé un processus inédit de rapprochement législatif et institutionnel dans le cadre de la Confédération des États du Sahel (AES). L’initiative, conduite dans la continuité des piliers « Défense, Diplomatie et Développement » de la feuille de route malienne, entend désormais faire de la justice un levier central de souveraineté collective.

Au cœur des discussions figure la volonté d’inscrire la justice parmi les compétences officiellement déléguées à la Confédération. Les ministres ont validé la proposition de modification de l’article 4 du Traité fondateur, ce qui permettra à terme d’asseoir la légitimité d’un système juridique commun et cohérent. Dans son prolongement, un cadre de concertation permanent entre ministres de la Justice a été instauré et des Comités techniques nationaux devront veiller à la mise en œuvre progressive de l’agenda commun, avec pour visée une meilleure coordination, une standardisation des pratiques et l’interopérabilité des procédures.

L’ambition affichée est de bâtir un socle juridique harmonisé, allant des textes de droit pénal à l’organisation des professions judiciaires en passant par la coopération interétatique sur les procédures, les standards et les sanctions. Ce chantier traduit une volonté d’adapter les outils juridiques aux réalités sahéliennes en privilégiant l’harmonisation et l’efficacité.

Des institutions confédérales en gestation

La principale innovation portée par ce chantier est la création annoncée d’une Cour pénale et des droits de l’Homme sahélienne, compétente en matière de crimes de guerre, de blanchiment, de financement du terrorisme, ainsi que pour le contentieux interconfédéral. Cette juridiction, inédite dans l’espace sahélien, sera appuyée par une prison de haute sécurité dont la construction a été validée.

Ces mécanismes viendront renforcer une réponse judiciaire adaptée aux formes nouvelles de criminalité transfrontalière et aux défis liés à la lutte contre l’impunité, dans une zone où les juridictions nationales seules ne suffisent plus. Dans l’attente de leur mise en service, les États membres se réservent la possibilité de saisir toute instance régionale ou internationale existante pour poursuivre les auteurs d’actes graves.

Le projet repose également sur des outils numériques concrets. C’est ainsi qu’une plateforme de coopération judiciaire et un fichier unique des personnes recherchées ont été validés. Leur objectif est de garantir l’interopérabilité des systèmes nationaux et de faciliter les extraditions, transferts de détenus ou exécution des mandats d’arrêt entre les trois pays.

Le volet pénitentiaire n’est pas en reste, puisque la sécurité des établissements, la prévention de la radicalisation, le respect des droits humains, la réinsertion et la mutualisation des formations sont inscrits à l’agenda. Un Centre régional de formation judiciaire et pénitentiaire verra le jour, assurant une standardisation des profils et pratiques.

Contraintes nationales

En dépit de l’élan affiché, la mise en œuvre de ces décisions est conditionnée à plusieurs facteurs. D’abord, une série d’adaptations législatives devront être opérées dans chacun des pays, notamment pour garantir la compatibilité entre les textes de la Confédération et les droits nationaux existants, en particulier les Codes pénaux et de procédure pénale.

La question du financement, également importante, reste en suspens. La construction des infrastructures prévues, le développement des plateformes numériques ou la formation conjointe du personnel nécessiteront des budgets importants, encore non précisés. Les États espèrent l’appui de partenaires techniques ou financiers, mais affichent leur volonté d’autonomie.

Sur le plan politique, une attention particulière sera portée à la répartition des compétences, à la souveraineté des juridictions nationales et à l’acceptabilité du mécanisme par les Parlements. La diversité des pratiques judiciaires, des traditions juridiques et des cadres institutionnels est aussi un obstacle à surmonter.

Au-delà de ces contraintes, l’orientation prise est tout de même une première. Dans un espace longtemps fragmenté, ces États cherchent à construire une justice collective, cohérente, respectueuse des droits fondamentaux, capable de répondre aux attentes de leurs citoyens et aux exigences contemporaines de sécurité et de gouvernance.

Mamadou Ben Chérif Diabaté : « Sans synergie, il manque quelque chose à la sécurité »

Griot, penseur malien et homme de tradition, Mamadou Ben Chérif Diabaté nous livre ici une réflexion profonde sur la protection des civils, le rôle des savoirs anciens et la nécessité d’une approche collective et inclusive de la sécurité nationale.

Vous insistez sur le recours aux valeurs anciennes. Pourquoi est-ce important aujourd’hui ?

Je vois une grande différence entre ce qui se faisait avant et ce que l’on vit aujourd’hui. En 1236 déjà, il y avait une Charte. Les textes étaient très clairs. Donc aujourd’hui, si on veut évoluer positivement, on doit faire recours à ces valeurs. Je ne dis pas d’y retourner, mais d’y faire appel. On a des professeurs, des chercheurs, des magistrats… Il faut relire ces textes et voir comment les adapter à notre époque. Il ne s’agit pas d’idéaliser le passé, mais d’en tirer les principes solides que nous pouvons intégrer dans notre contexte institutionnel. Et y aller avec une nouvelle loi et une nouvelle valeur. C’est ce qui va être le salut pour nous.

Qu’est-ce qui empêche selon vous ce retour aux fondements ?

Le blocage, c’est la volonté politique. Je ne parle ni de Jean ni de Paul. Il faut que le gouvernement en place réfléchisse à cette question et qu’il l’intègre. Il faut organiser le débat autour de cette problématique. À ce moment-là, cela deviendra une vraie préoccupation nationale. Et on pourra aboutir à une solution nationale. Parce que c’est un problème qui mine notre sécurité.

Vous parlez d’une synergie d’actions. Que signifie-t-elle pour vous ?

Sans une synergie d’actions, ce n’est pas possible. Les femmes jouent un rôle-clé dans la sécurité. Les jeunes aussi ont leur importance. Les griots, les vieilles personnes, les légitimités traditionnelles, religieuses… Chacun a sa place.  Même les enfants dans les écoles, dès le bas âge, doivent apprendre les bases de la vigilance, de la paix et du vivre ensemble. Ce ne sont pas seulement les « corps habillés ». Ils doivent s’appuyer sur le reste de la société. Mais sans ça, sans ce maillage, sans cette synergie, il y a quelque chose qui manque justement à la sécurité.

Quelle serait la première étape pour enclencher ce processus ?

J’ai fait appel aux plus hautes autorités du Mali pour organiser des journées de dialogue, d’échange et de réflexion sur la problématique de la prise en compte de la protection de la société civile. Il faut former les femmes, les jeunes, les religieux, même les enfants à l’école. Que chaque Malien soit formé aux techniques de sécurisation de la Nation. C’est un tout. Nous sommes complémentaires.

Sécurité : Vague coordonnée d’attaques terroristes inquiétantes

Depuis quelques semaines, le Mali est de nouveau confronté à une série d’attaques terroristes coordonnées qui ont ciblé principalement des positions militaires. Face à cette recrudescence des violences, l’armée malienne a lancé une vaste contre-offensive.

Le Global Terrorism Index 2025 révèle que le Sahel concentre désormais plus de 51% des décès liés au terrorisme dans le monde, soit environ 4 794 morts en 2024. Ce phénomène place le Mali au cœur d’un fléau sécuritaire global, au-delà des seuls incidents mentionnés.

Lorsque l’attaque du camp militaire de Dioura, dans la région de Mopti, s’est déclenchée, le 23 mai 2025, nombreux sont ceux qui y ont vu un épisode isolé. Pourtant, cet assaut, qui selon des sources sécuritaires aurait fait des dizaines de victimes dans les rangs de l’armée, s’est vite révélé n’être que le premier acte d’une nouvelle poussée terroriste coordonnée qui allait secouer plusieurs régions du Mali.

Le 1er juin, c’est le camp stratégique de Boulkessi, près de la frontière burkinabè, qui est pris pour cible. Cette localité, déjà attaquée dans le passé, a été frappée avec une rare violence. Les terroristes du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM), lourdement armés et visiblement bien renseignés, ont lancé une opération éclair. L’armée malienne, bien que résistante, a dû procéder à un repli tactique pour éviter un carnage dans un premier temps, avant de mener des opérations pour détruire plusieurs terroristes regroupés dans des lieux de repli.

Dans le même temps, au nord, Tombouctou s’embrasait à son tour. Le 2 juin, une attaque coordonnée mêlant explosion d’un véhicule piégé et assaut d’hommes armés visait à la fois le camp militaire et l’aéroport. Ce mode opératoire des grandes offensives du JNIM laisse supposer une volonté de frapper fort et symboliquement. L’armée a répliqué immédiatement, affirmant avoir neutralisé 14 terroristes, interpellé 31 autres présumés et repris la maîtrise du terrain.

Les jours suivants ont confirmé l’installation d’un front mouvant et étendu. Le 4 juin, Tessit, dans la région de Gao, est visée. Là, la riposte des FAMa a été plus préparée. Grâce à l’appui de l’aviation, les FAMa affirment avoir tué plus de quarante terroristes, dont un chef terroriste nigérien connu sous le nom de Mamoudou Akilou.

Le 5 juin, à Mahou, dans la région de Sikasso, un groupe d’hommes à motos attaque un poste militaire, causant la mort de cinq soldats et plusieurs blessés, selon une source militaire, bien que l’État-major général des FAMa n’ait pas communiqué sur les victimes dans les rangs de l’armée. Cette dernière, une fois encore, a engagé une poursuite aérienne appuyée par des commandos déployés au sol. Bilan : au moins 40 terroristes tués, 16 motos, 4 PM, une arme 12,7, plusieurs chargeurs, une importante quantité de munitions et de nombreux autres effets abandonnés par les terroristes.

Une campagne préparée en amont

Selon l’armée malienne, ces attaques sont le reflet d’un « sursaut d’une bête qui, déjà terrassée, est en train d’être ressuscitée et maintenue en vie par des forces désormais identifiées ».

Certains spécialistes notent une réorganisation tactique visible chez les groupes terroristes, notamment le JNIM. Après une période de relative accalmie dans certaines zones, ces groupes semblent avoir opéré une montée en puissance discrète, appuyée par un travail de fond sur leurs bases arrière, leur recrutement local et leur mobilité.

Des rapports indiquent que le JNIM revendique des milliers de combattants actifs au Sahel, avec une influence croissante dans la région, notamment dans des pays tels que le Burkina Faso, le Niger et même le Bénin et le Togo. Le groupe mise sur des réseaux clandestins et une gouvernance locale souterraine pour renforcer son emprise.

« Ces récentes attaques jihadistes au Mali témoignent de la volonté de certains groupes armés de maintenir une pression sur l’État et les populations, même face aux efforts importants engagés par les autorités pour restaurer la sécurité », explique Mohamed Maiga, analyste et consultant en Politiques sociales et territoriales.

« Ils sont dans une dynamique d’infiltrations simultanées dans plusieurs régions pour instaurer la peur et les conditions d’une insécurité chronique », appuie pour sa part Boubacar Ba, Directeur du Centre d’analyses sur la gouvernance et la sécurité au Sahel.

D’autres facteurs peuvent expliquer cette récente recrudescence des attaques terroristes dans plusieurs régions. Le réajustement interne au sein des forces armées maliennes et de leurs alliés constitue un élément de contexte particulièrement important.

Depuis fin mai, le groupe Wagner a annoncé son retrait du Mali, dans un contexte de réorganisation du soutien militaire russe en Afrique. Ce retrait s’effectue au profit du déploiement de l’Afrika Corps, une nouvelle structure militaire russe officiellement axée sur la formation, le soutien logistique et le renseignement plutôt que sur les opérations de terrain.

Selon le Council on Foreign Relations, la diminution de la présence occidentale, notamment le retrait des forces françaises et américaines, combinée à l’influence intermittente du groupe Wagner suivi de l’Afrika Corps, a créé un vide sécuritaire favorable aux groupes jihadistes. Ce repositionnement international ralentit la réactivité tactique de l’armée malienne.

Cette transition a entraîné, selon certains observateurs, un moment de flottement dans l’appui tactique immédiat dont bénéficiait l’armée malienne dans certaines zones sensibles. Les groupes armés auraient alors profité de cette brève période d’ajustement pour frapper vite et fort, avant que le nouveau dispositif ne soit totalement opérationnel.

Par ailleurs, la saison des pluies, qui débute progressivement dans certaines régions du pays, représente traditionnellement une contrainte pour les mouvements armés. Certains experts estiment que les groupes terroristes ont voulu devancer cette période difficile en multipliant les attaques avant l’arrivée effective de l’hivernage. Il s’agirait donc d’une campagne de pression, tactiquement opportuniste, menée dans une fenêtre logistique favorable.

Réponse militaire d’envergure

Face à cette vague de violences, l’armée malienne a opté pour une réaction immédiate et musclée. Des frappes aériennes ont été menées dans plusieurs zones supposées abriter des bases terroristes, notamment le 3 juin 2025 à Diafarabé, dans la région de Mopti, et à Niagassadiou, dans la région de Douentza. « Ces actions ont permis de désorganiser les planifications des groupes terroristes tout en leur infligeant de lourdes pertes », souligne l’armée.

À Tessit et à Tombouctou, des raids ciblés ont aussi permis de neutraliser plusieurs combattants ennemis. Des unités d’élite ont été redéployées sur les axes jugés sensibles et des patrouilles renforcées sillonnent les environs des camps récemment attaqués.

Le 4 juin, l’armée malienne a mené une série d’opérations offensives ayant permis de détruire des plots logistiques et de neutraliser plusieurs terroristes dans les régions de Ménaka, Douentza, Koulikoro et Kidal.

Dans un communiqué en date du 7 juin 2025, l’armée affirme avoir déjoué, à l’approche de la fête de Tabaski, plusieurs complots et projets d’attentats terroristes dont le but était de semer la panique au sein des populations et de déstabiliser les Institutions de la République, en coordination avec des relais financiers et médiatiques prêts à exploiter leurs actions.

Ainsi, le 6 juin, les FAMa ont débusqué et détruit le plot logistique terroriste de Kardjiba, à l’est de Gourma Rharous, dans la région de Tombouctou, ainsi qu’un autre dans les secteurs de Boulkessi et Douna, dans la région de Bandiagara.

Le jour suivant, l’armée a annoncé avoir détruit « suite aux renseignements précis et de longues heures de surveillance », une importante base terroriste à l’est de Zarho, dans la localité de Gourma Rharous, incluant un poste de commandement contenant des équipements et des moyens de transmission et 3 véhicules embarquant des combattants terroristes et d’importants stocks logistiques.

Adapter la stratégie

Pour éviter que cette vague d’attaques ne précède un hivernage meurtrier, les experts recommandent une stratégie combinant renforcement du renseignement, surveillance radar et déploiement rapide de forces mobiles. Sans cette anticipation, après l’hivernage la pression terroriste pourrait se transformer en insurrection prolongée.

Cependant, malgré ces nombreux résultats de la contre-offensive des FAMa, les défis restent nombreux. L’étendue du territoire national, la porosité des frontières et la complexité sociopolitique locale freinent encore la consolidation des victoires militaires.

« Il est possible que des camps militaires puissent empêcher les infiltrations, mais lorsque ces camps militaires stratégiques sont attaqués, le reste du pays devient vulnérable », alerte Boubacar Ba.

Pour le chercheur, la contre-offensive menée par l’armée peut atténuer les velléités terroristes, mais face à cette guerre hybride, de dissimulation et d’infiltration, conclut-il, l’armée malienne doit aussi développer une stratégie adaptée du point de vue des matériels et équipements, du renseignement et de l’action militaire même sur le terrain.

Mohamed Kenouvi

Inde : un avion d’Air India s’écrase à Ahmedabad avec 242 personnes à bord

L’avion Boeing 787‑8 Dreamliner d’Air India assurant le vol AI171, en route vers Londres depuis Ahmedabad, s’est écrasé ce jeudi peu après décollage. Selon les autorités, l’appareil transportait 242 personnes à bord, dont 169 Indiens, 53 Britanniques, 7 Portugais, 1 Canadien, ainsi que 12 membres d’équipage, dont deux pilotes.

Alors qu’un mayday a été émis, le signal de l’avion a été perdu à une altitude d’environ 625 pieds (190 mètres), environ 30 à 50 secondes après le décollage.
Dans les instants suivant l’impact, la carcasse a pris feu en touchant le sol, provoquant une énorme boule de feu et une colonne de fumée épaisse, visibles à plusieurs kilomètres. Ce crash s’est produit dans un quartier résidentiel adjacent au BJ Medical College, percutant un bâtiment utilisé notamment comme internat pour étudiants en médecine. Parmi les victimes au sol figurent au moins cinq étudiants, selon des responsables universitaires.
À l’heure actuelle, les secours ont récupéré au minimum 204 corps sur le site du crash, et au moins 41 blessés ont été pris en charge localement. Le chiffre total des victimes pourrait s’élever à plus de 290, en incluant à la fois les passagers et les personnes restées au sol.
Dans un contexte exceptionnel, un seul passager a survécu à l’accident, identifié comme Vishwashkumar Ramesh, actuellement hospitalisé dans un état stable.
Réactions et enquête
Le gouvernement indien a réagi immédiatement. Le Premier ministre Modi a exprimé sa tristesse sur les réseaux sociaux, tandis que le ministre de l’Intérieur Amit Shah évoque des conditions extrêmes, avec un incendie alimenté par environ 125 000 litres de carburant, rendant les opérations de secours quasi impossibles malgré le déploiement d’au moins sept camions de pompiers et de nombreuses ambulances.
Air India a confirmé la mise en place d’une cellule de crise et une ligne d’assistance aux familles. Le constructeur Boeing, dont l’action a chuté de 4,7 % en Bourse, enverra un groupe d’experts pour soutenir l’enquête, conjointement avec les autorités américaines (NTSB) et britanniques.
Ce drame représente le premier accident mortel impliquant un Boeing 787 Dreamliner depuis son entrée en service en 2011. Il survient alors qu’Air India poursuit une profonde modernisation de sa flotte sous l’égide du groupe Tata, avec des enjeux importants de sécurité et de réputation.
Les investigations, menées selon le protocole international, devront identifier les causes – mécanique, humaine ou liée à la procédure de décollage, notamment la rétractation du train d’atterrissage – afin de prévenir de nouvelles tragédies.

Insécurité alimentaire : Le Royaume d’Espagne appuie le PAM pour l’assistance des personnes vulnérables au Mali

Le Commissariat à la sécurité alimentaire et le Programme Alimentaire mondial (PAM) au Mali ont organisé, ce jeudi 12 juin 2025, une cérémonie de remerciements à l’endroit du gouvernement du Royaume d’Espagne pour sa nouvelle contribution financière à l’exécution du programme alimentaire d’urgence du PAM en faveur des populations maliennes nécessiteuses.

Huit mois après sa dernière contribution, le Royaume d’Espagne octroie à nouveau une importante aide financière d’une valeur de 3 millions d’euros (1,9 milliard de FCFA) au PAM, en faveur des populations maliennes vulnérables.
La cérémonie de remerciements et de remise symbolique de ce nouveau financement s’est tenue au siège du Commissariat à la Sécurité alimentaire à Bamako, en présence du ministre Commissaire à la Sécurité alimentaire, de l’ambassadeur du Royaume d’Espagne au Mali et de la Directrice adjointe du PAM au Mali.
Grâce à ce geste de solidarité et d’amitié entre le Royaume d’Espagne et la République du Mali, le PAM, à travers son programme d’aide alimentaire d’urgence, disposera de moyens adéquats pour soutenir, pendant une année, plus de 65 000 personnes les plus touchées par l’insécurité alimentaire et les conflits dans les régions de Kayes, Ségou, Mopti, Tombouctou, Taoudéni, Kidal, Ménaka, Gao, Koulikoro et Sikasso.
« Cette contribution permettra de répondre aux besoins immédiats et de renforcer la résilience des populations touchées à travers une intervention intégrée couplant la réponse d’urgence et le renforcement de la résilience des communautés vulnérables à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle », a indiqué Jacqueline Flentge, Directrice adjointe du PAM au Mali.
« Le soutien de nos partenaires est absolument vital pour apporter une réponse plus efficace et durable aux besoins des personnes qui comptent sur l’assistance alimentaire du PAM », a-t-elle rappelé.
En effet, selon Mme Flentge, le PAM a urgemment besoin de 91,4 millions de dollars, soit plus de 50 milliards de FCFA, d’ici la fin décembre 2025 afin de couvrir les besoins essentiels des communautés vulnérables au cours des six prochains mois.
Par ailleurs, près de 1,5 million de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë durant cette période de soudure agro-pastorale, a-t-elle indiqué.
Le ministre Commissaire à la Sécurité alimentaire, Redouwane Ag Mohamed Ali, a pour sa part salué la nouvelle contribution financière du Royaume d’Espagne, qui, selon lui, témoigne de l’engagement du gouvernement espagnol à accompagner le Mali dans la préservation de sa souveraineté alimentaire, à travers le renforcement de la capacité de résilience des communautés vulnérables.
C’est la deuxième fois en moins d’un an que le Royaume d’Espagne appuie le PAM en faveur des populations maliennes. Grâce à sa contribution en 2024, le PAM a pu apporter une aide vitale à plus de 50 000 personnes vulnérables à travers le Mali.
Mohamed Kenouvi

Dengue au Mali : plus de 336 cas confirmés, le président appelle à la vigilance

Le Mali, confronté à une recrudescence inquiétante de la dengue, totalise 336 cas confirmés sur 2 406 suspicions recensées à la mi-avril. Les foyers les plus touchés se trouvent dans les régions de Bamako et Sikasso, d’après le rapport du 16 avril de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique (AFRO‑WHO).

Dans un contexte marqué par la confusion persistante entre dengue et paludisme, le Président de la Transition a prié les citoyens de respecter rigoureusement les mesures de prévention : éliminer les eaux stagnantes, utiliser systématiquement moustiquaires imprégnées et répulsifs, et consulter rapidement un centre de santé en cas de fièvre.

Selon le dernier bulletin hebdomadaire de l’OMS couvrant la période du 1er janvier au 13 avril, 253 cas de dengue ont été confirmés dans quatre districts, avec huit décès, soit un taux de létalité de 3,2 % . Ces données confirment l’urgence de renforcer la surveillance et les soins médicaux spécialisés.

Le malentendu autour des symptômes de la dengue et du paludisme persiste. Les autorités sanitaires rapportent que cette confusion complique la prévention et retarde la prise en charge adaptée des patients. De plus, la circulation de conseils inappropriés sur les réseaux sociaux, incluant l’usage de remèdes traditionnels, accentue ce phénomène.

Dans la lutte contre cette épidémie, la mobilisation communautaire est jugée cruciale. Le ministère de la Santé a intensifié les campagnes publiques, multiplié les messages de sensibilisation sur les ondes et WhatsApp, et organisé des sessions d’information dans les écoles. Les citoyens sont sensibilisés à l’importance d’assainir leur environnement et de solliciter un diagnostic médical en présence de fièvre ou de douleurs inhabituelles .

Comparativement aux données de 2024, où l’Afrique subsaharienne avait enregistré plus de 14 000 cas et 505 décès entre janvier et avril, notamment au Mali (8 709 cas et 39 décès) , la situation de 2025 révèle une dynamique différente, mais reste préoccupante. L’épidémie actuelle s’inscrit dans une évolution globale de la fièvre denguée, particulièrement dans les grandes villes comme Bamako, épicentre de l’épidémie.

Face à cette crise de santé publique, les efforts collectifs sont essentiels. Le Président a rappelé que chaque citoyen a un rôle à jouer : le moindre dépôt d’eau stagnante, la moindre négligence dans l’utilisation des protections individuelles peuvent contribuer à étendre l’épidémie.

Interview de Me Fatoumata Diatigui Diarra, conseil fiscal agréé 

Dans un contexte marqué par la recrudescence des saisies de devises à l’aéroport de Bamako, Me Fatoumata Diatigui Diarra, conseil fiscal agréé, décrypte pour nous le cadre juridique encadrant l’exportation physique de devises au Mali. Elle souligne le déficit d’information du public, rappelle les obligations déclaratives prévues par les textes communautaires, et appelle à une meilleure accessibilité des outils bancaires pour freiner les flux illicites.

1. Quel est le cadre juridique malien encadrant l’exportation de devises par voie physique ?

L’exportation de devises par voie physique est encadrée par un corpus de textes communautaires constitué du Règlement n°06/2024/CM/UEMOA relatif aux relations financières extérieures des États membres de l’UEMOA, de l’Ordonnance n°2024-011/PT-RM du 30 août 2024 portant lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive (BC/FT/FP), telle que modifiée, ainsi que de ses textes d’application, fixant le seuil pour la déclaration des transports physiques intracommunautaires et internationaux d’espèces et d’instruments négociables au porteur (instructions BCEAO n°231/07/2024 et n°002-02-2025).

Cette réglementation met notamment en place une obligation déclarative à la charge des personnes transportant des espèces ou des instruments négociables au porteur, à partir d’un certain seuil.

L’obligation déclarative est catégorisée parmi les mesures préventives relatives à l’utilisation des espèces. Il s’agit de s’assurer de l’origine et de la destination de ces espèces ou instruments au porteur, et ainsi, de lutter contre le BC/FT/FP.

2. Quels sont les montants soumis à déclaration et quelles sont les sanctions en cas de non-déclaration ?

Aux termes des instructions précitées, toute personne à destination ou en provenance d’un pays tiers de la Zone UEMOA est tenue d’effectuer une déclaration de transport physique d’espèces et d’instruments négociables au porteur auprès de l’Administration des Douanes, à partir d’un seuil de 5 millions de francs CFA.

Le seuil est relevé à 10 millions de francs CFA pour les transports intracommunautaires d’espèces et d’instruments négociables au porteur.

À l’issue de la déclaration, l’Administration des Douanes peut bloquer ou retenir, pour une période n’excédant pas soixante-douze heures, les espèces ou instruments susceptibles d’être liés au BC/FT/FP. Un récépissé est délivré à l’intéressé. Passé ce délai, les fonds sont restitués en l’absence d’infraction constatée.

En cas de non-déclaration, de fausse déclaration, de déclaration incomplète, ou s’il y a suspicion de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de prolifération, l’Administration des Douanes saisit la totalité des espèces retrouvées et dresse un procès-verbal.

Les espèces saisies et une copie du procès-verbal sont transmises au Trésor, à la structure nationale chargée de la gestion des avoirs criminels gelés, saisis ou confisqués, ou à l’organisme en tenant lieu. Le dossier est également envoyé à la Cellule nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF), dans un délai de huit jours calendaires.

Il s’agit là de mesures conservatoires, avant toute procédure judiciaire.

3. À votre connaissance, ces règles sont-elles effectivement appliquées sur le terrain, ou souffrent-elles de failles ?

La presse a récemment fait état de saisies à plusieurs reprises, mais n’étant partie à aucune de ces procédures, je ne saurais dire si les dispositions mentionnées ci-dessus ont été rigoureusement suivies.

4. Peut-on considérer que ces flux de cash traduisent un affaiblissement de la fiscalisation et de la confiance dans le système bancaire ?

Ces flux me semblent plutôt refléter nos habitudes culturelles. Les difficultés de mobilisation des recettes fiscales, notamment du fait de l’importance de l’informel dans nos économies, ne sont plus à démontrer. De même, l’inclusion financière, dont un élément essentiel est la bancarisation, demeure au cœur des politiques de la BCEAO, qui consacre chaque année un rapport à ce sujet. C’est dire qu’il s’agit d’une problématique structurelle et toujours d’actualité.

À cela s’ajoute sans doute un déficit de communication autour des réglementations.

5. Quels dispositifs pourraient être renforcés pour lutter efficacement contre les sorties illégales de capitaux et la fraude fiscale transfrontalière ?

À mon avis, l’Administration des Douanes gagnerait à mener une vaste campagne de communication sur ce sujet, compte tenu de notre culture du voyage. Ces sorties illégales de capitaux sont manifestement, d’abord, le résultat de l’ignorance de la réglementation en la matière, et peut-être également du coût élevé des services bancaires.

La mise à disposition de cartes bancaires prépayées constitue une avancée notable, d’ailleurs largement prise en compte par le Règlement UEMOA. Celui-ci précise que les sommes excédant le plafond fixé par la BCEAO peuvent être emportées sous forme de cartes de retrait et de paiement, prépayées ou classiques.

Ces instruments gagneraient à être davantage utilisés, à condition d’être rendus plus accessibles.

Bamako Sénou : Les dessous du trafic silencieux de devises

Des valises remplies d’euros. Des passagers profilés. Des saisies qui se répètent à l’Aéroport international Modibo Keita de Bamako. Ce phénomène discret mais préoccupant traduit une fracture profonde entre l’économie réelle et le système financier formel.

En une semaine, près de 630 000 euros ont tenté de franchir les frontières maliennes, dissimulés non pas dans des circuits financiers, mais dans les bagages de passagers ordinaires. Le 26 mai 2025, les douaniers découvrent 580 150 euros dans les bagages d’un passager en partance pour l’Afrique centrale. Le lendemain, cinq autres voyageurs embarquant pour La Mecque via Istanbul sont interceptés. À eux cinq ils transportent 50 000 euros, répartis pour contourner les limites autorisées. L’argent, remis par un agent de voyage, était destiné à être convoyé discrètement hors du pays. Ces saisies ne sont pas isolées. En novembre 2024, 1,27 million d’euros avaient été confisqués. En août de la même année, 500 000 euros. À cela s’ajoutent plusieurs interpellations sur des vols à destination de Dubaï, du Maghreb ou d’Istanbul. Le montant global des devises interceptées n’est pas officiellement publié, mais les chiffres partiels révèlent un phénomène régulier, étendu et préoccupant.

« L’aéroport de Bamako est devenu un point de sortie stratégique pour des liquidités en espèces », analyse Dr Étienne Fakaba Sissoko, économiste et professeur à l’Université des Sciences sociales et de gestion de Bamako. Selon lui, ces flux ne sont pas anecdotiques mais traduisent un changement profond dans les comportements économiques.

Un cadre légal contourné

En théorie, le transport de devises est strictement encadré par la réglementation malienne et communautaire. Maître Fatoumata Diatigui Diarra, Conseil Fiscal Agréé, précise que le corpus juridique repose notamment sur le Règlement N°06/2024/CM/UEMOA, l’Ordonnance N°2024-011/PT-RM sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, ainsi que sur les instructions BCEAO du 7 juillet 2024 et du 2 février 2025.

Toute personne transportant plus de 5 millions de francs CFA en espèces vers un pays hors de l’UEMOA doit effectuer une déclaration préalable auprès de l’administration des douanes. Ce seuil passe à 10 millions pour les transferts à l’intérieur de la zone communautaire. L’origine des fonds doit être justifiée. En cas de non-déclaration, les espèces peuvent être saisies à titre conservatoire pendant soixante-douze heures, puis transférées au Trésor si une infraction est suspectée. Le dossier est ensuite transmis à la CENTIF.

« Ces mécanismes existent, mais encore faut-il qu’ils soient rigoureusement appliqués », souligne Me Diarra. Elle observe que la presse signale régulièrement des saisies, mais qu’il est difficile de savoir dans quelle mesure les procédures sont suivies à la lettre. Ce flou illustre une autre réalité. En effet, une partie des voyageurs ignore ou feint d’ignorer l’existence même de ces règles.

Le poids du cash

Le recours massif aux espèces n’est pas nouveau, mais de nos jours il s’amplifie. Pour le Dr Sissoko, ce basculement s’explique d’abord par une méfiance envers les banques. « Le taux de bancarisation est faible. En 2022, seule une personne adulte sur quatre disposait d’un compte formel. Cela signifie que la majorité des Maliens n’interagit jamais avec une banque » souligne-t-il.

Les sanctions régionales de 2022 ont également laissé des traces. Durant plusieurs mois, les comptes publics ont été gelés, les transferts suspendus et les paiements internationaux bloqués. Cet épisode a convaincu de nombreux acteurs économiques que la détention physique d’espèces était plus sûre que l’épargne sur un compte bancaire. L’argument de la rapidité revient aussi souvent. Un entrepreneur sous anonymat confie : « pour envoyer 10 000 euros par virement, il faut justifier, attendre, expliquer. En cash, je sors avec et je les remets en mains propres ».

Des scandales impliquant certaines institutions financières ont accentué la suspicion. Plusieurs dirigeants de banques privées ont été poursuivis ces dernières années. Cette instabilité perçue affaiblit la confiance et pousse vers des solutions pensées  comme moins risquées, bien qu’illégales.

Une économie parallèle s’installe

Les effets dépassent le simple transport illégal d’argent liquide. Dr Sissoko évoque une dérive plus globale : celle d’une économie qui se recompose en marge des institutions. Le cash devient le support d’une activité économique parallèle, non tracée, souvent transfrontalière. Il cite les transferts informels de type hawala, les achats de biens à l’étranger, les circuits d’or ou de devises et même les transactions foncières.

Cette économie parallèle affaiblit la base fiscale. Elle échappe à la statistique, complique les prévisions, empêche la mobilisation des ressources internes. Le capital ne reste plus dans les banques, mais sort du territoire ou circule en dehors de tout radar. Cette situation entraîne moins de crédits, moins d’investissements locaux et plus de dépendance aux emprunts d’État.

Selon les estimations évoquées par l’économiste, le taux d’investissement privé aurait chuté d’environ 3,7% en 2022. La BCEAO, pour sa part, observe une baisse des réserves de change, passées de 5,8 mois d’importations en 2021 à 4,4 mois en 2022. Ces chiffres traduisent un déséquilibre inquiétant.

Risques sécuritaires

Le départ massif de devises nuit à la stabilité du franc CFA. Il amplifie les pressions sur le taux de change, favorise l’inflation importée et complique la conduite de la politique monétaire. À cela s’ajoutent des inquiétudes d’ordre sécuritaire.

Les fonds qui échappent aux circuits formels peuvent être utilisés à des fins criminelles. Me Diarra rappelle que l’un des objectifs du cadre réglementaire est justement d’empêcher que l’argent liquide ne serve à financer le terrorisme, la contrebande ou le trafic de drogue. Sans traçabilité, il devient impossible de garantir que l’origine et la destination des fonds soient licites.

Un analyste régional interrogé sous anonymat évoque le cas de l’or. Officiellement, le pays produit plus de 70 tonnes par an, mais une partie échappe aux circuits officiels. Certaines filières auraient alimenté des financements occultes, y compris à l’international. Les États-Unis ont imposé des sanctions ciblées en 2023 sur des entités soupçonnées de financer des activités armées via l’or exporté depuis le Mali.

Le Hadj : un pic dans les flux

La période du Hadj est souvent marquée par un pic de transferts. L’économiste observe que des agents de voyages sont parfois mandatés pour transporter de l’argent à la place de leurs clients. Ce système de délégation s’explique par la volonté de contourner les plafonds autorisés. Chaque passager peut transporter une somme limitée. En répartissant les montants entre plusieurs personnes, les convoyeurs espèrent échapper au contrôle.

Ce phénomène reste cependant difficile à quantifier. Les saisies douanières ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Personne ne sait combien de devises sortent réellement du territoire chaque semaine sans être interceptées.

Pour Me Diarra, la solution ne réside pas uniquement dans le renforcement des contrôles. « Il y a un déficit de communication. Beaucoup de voyageurs ignorent la réglementation ou la perçoivent comme une contrainte incompréhensible ». Elle  appelle à des campagnes d’information ciblées, notamment dans les gares routières, les agences de voyages et les points de change.

Elle souligne aussi les avancées prévues dans les textes communautaires. Le Règlement UEMOA autorise le port de devises excédentaires sous forme de cartes bancaires prépayées. Ces instruments, plus sûrs, pourraient être développés et démocratisés, en particulier pour les voyageurs fréquents. Cela permettrait de réduire l’usage du cash tout en facilitant les transactions.

Malaise

Au final, les valises pleines qui quittent discrètement Bamako racontent plus qu’un simple phénomène illégal. Elles traduisent un malaise, une rupture silencieuse entre l’État et ses citoyens, entre les institutions et la pratique quotidienne.

Comme le résume si bien Dr Sissoko, « ce n’est pas seulement une affaire de billets. C’est le symptôme d’une économie qui se replie, d’une société qui doute et d’un capital qui préfère fuir plutôt que contribuer ».

Tant que cette confiance ne sera pas restaurée, le Mali continuera d’assister, impuissant, à l’érosion invisible de sa richesse.

Le trône des illusions : « Quand le réel est confisqué, la fiction devient une barricade »

Dans son nouveau roman publié chez L’Harmattan, Étienne Fakaba Sissoko mêle littérature, mémoire et critique politique. À travers Sabu, écrivain rebelle en détention, il explore la parole entravée, la résistance intime et les régimes qui organisent l’oubli. Une œuvre dense, enracinée dans l’urgence de dire.

Pourquoi avoir choisi la fiction pour porter un message aussi politique ?

Parce que la fiction est la dernière barricade quand le réel est confisqué. Dans un contexte où la parole libre peut coûter la liberté, voire la vie, le roman devient un acte d’insubordination douce. Le trône des illusions est une œuvre de fiction, mais profondément ancré dans les réalités que vivent tant de peuples sous des régimes d’apparence transitionnelle et de fond autoritaire. La littérature permet de contourner la censure, de déjouer la peur, de parler haut quand on veut nous faire taire. J’ai choisi la fiction pour dire ce qu’on ne peut plus dire autrement.

Sabu refuse le silence. Est-ce aussi votre manière de continuer à parler ?

Absolument. Sabu, c’est cette part d’humanité qu’on tente d’éteindre chez ceux qu’on enferme, qu’on isole ou qu’on intimide. À travers lui, je continue à écrire pour celles et ceux qu’on réduit au silence. Ce personnage est né de la prison, de l’injustice et du silence imposé. Mais il parle. Il écrit et il résiste avec les mots. Et moi, à travers lui, je continue cette bataille que je mène depuis des années : celle de la conscience critique, de la liberté de pensée, de la vérité contre la peur.

Que représente Kassala dans le roman ?

Kassala est la capitale du pays fictif Gayma où se déroule l’action du roman. Ce n’est pas un simple décor, mais une condensation du réel. Une mise en fiction des dérives observées dans plusieurs pays du Sud et notamment en Afrique de l’Ouest : confiscation du pouvoir, instrumentalisation de la justice, culte de la sécurité au détriment des libertés, élites cooptées, oppositions criminalisées. Kassala, c’est un miroir. Déformant parfois, mais parlant. Ceux qui y voient une allusion reconnaîtront les reflets qu’ils renvoient.

Publier Le Carnet de Sabu par épisodes, c’est aussi de la résistance ?

Oui. Dans un pays où la mémoire devient dangereuse, publier par épisodes, c’est semer des fragments d’insoumission. Chaque épisode est une mèche et une veilleuse contre l’obscurité organisée. Cette forme feuilletonesque s’inscrit dans notre tradition orale. Ce n’est pas un choix marketing, c’est un choix politique. Le récit de Sabu doit s’infiltrer, se transmettre. Comme un murmure entêté là où l’on croit que tout le monde s’est tu.