Transition : un chronogramme au ralenti

Un chronogramme des échéances électorales de la Transition, allant jusqu’en février 2024 a été dévoilé le 28 juin 2022 à la classe politique et à la société civile au sein du Cadre de concertation avec le gouvernement. 4 mois après, certains acteurs pointent du doigt une lenteur dans la mise en œuvre et s’interrogent sur la tenue à date des différents scrutins.

Dans le chronogramme électoral présenté à la classe politique et transmis à la Cedeao à la veille de son Sommet extraordinaire du 3 juillet 2022, qui allait décider de la levée des sanctions qui pesaient sur le Mali depuis le 9 janvier, les autorités de la Transition prévoient la tenue de quatre élections.

Le référendum constitutionnel est pour le mois de mars 2023, avec la convocation du collège électoral un mois plus tôt, en février. Ensuite suivra, toujours en mars 2023, la convocation du collège électoral pour l’élection des conseillers des Collectivités territoriales en juin 2023.

Pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, le 1er tour est fixé à octobre 2023 et le second en novembre. Pour cette élection, la convocation du collège électoral est prévue deux mois plus tôt, en juillet 2023. Enfin, l’élection du Président de la République doit se tenir en février 2024, le collège électoral étant convoqué en octobre 2023.

Retards avérés

La nouvelle loi électorale, adoptée le 17 juin 2022 et promulguée par le Président de la Transition le 24 juin, confie l’organisation des scrutins à l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE). Mais la mise en place de cet organe, qui constitue la première étape dans la tenue de toutes les élections prévues sous la Transition, a pris du retard.

Le décret de nomination des membres du Collège de l’AIGE, qui était prévu pour le 13 juillet 2022, n’a été pris que le 12 octobre dernier et la prestation de serment des membres, qui devait avoir lieu le 28 juillet, n’a été effective que le 20 octobre, soit après environ 3 mois. Par contre, les coordinations de l’AIGE dans les régions, district, cercles, communes, ambassades et consulats ne sont toujours pas installées, alors que cela était prévu pour  le 2 août 2022.

Seule la révision annuelle des listes électorales, du reste comme chaque année, a débuté comme prévu le 1er octobre 2022 et se poursuivra jusqu’au 31 décembre sur l’ensemble du territoire national, à l’exception de certaines localités toujours en proie à l’insécurité.

Par ailleurs, selon le chronogramme, le projet de loi référendaire doit être examiné et adopté par le Conseil des ministres, puis transmis au Conseil national de transition (CNT) et adopté par l’organe législatif courant novembre 2022.

« Nous constatons un retard et nous pensons qu’il n’y a pas de volonté manifeste de respecter le délai. Il était prévu qu’on se retrouve chaque mois pour évaluer la mise en œuvre du chronogramme, mais du mois de juin jusqu’à maintenant le Cadre de concertation n’a pas été convoqué », s’offusque Amadou Aya, Secrétaire général de la Codem.

Yaya Sangaré, Vice-président de l’Adema-Pasj, abonde dans le même sens. Pour l’ancien ministre, le retard pris dans l’exécution du chronogramme ne s’explique pas et le gouvernement devrait revenir à la classe politique pour des échanges et explications.

« Nous avons des appréhensions, mais nous disons que nous allons juger sur pièces. Chaque fois que nous allons constater une mauvaise foi, nous allons alerter et demander à ce que nous respections nos propres engagements et menions cette transition à bon port », poursuit M. Sangaré.

Si, pour sa part également, l’analyste politique Bréhima Mamadou Koné reconnait une lenteur dans la mise en œuvre du chronogramme de la Transition, il est persuadé que cela « n’est pas de nature à être une raison de report d’une activité prévue dans ce chronogramme ou d’une élection quelconque ». « À mon avis, les autorités de la Transition sont en train de travailler d’arrache-pied pour la mise en œuvre de ce chronogramme. Il y a des éléments qui prouvent à suffisance aujourd’hui que l’ensemble des acteurs, nationaux ou internationaux, ont pris à bras le corps l’organisation des différentes élections qui sont prévues », avance-t-il.

« Je crois qu’il y a une volonté politique de respecter ce chronogramme et, s’il y a la volonté politique, tout est possible. Je pense que les choses évoluent et on sent que le gouvernement est en train de travailler », appuie Nouhoum Togo, Président de l’Union pour la sauvegarde de la République (USR)

Tenue du référendum menacée 

Le décalage dans les activités prévues dans le chronogramme fait craindre à certains acteurs de la classe politique et de la société civile la non tenue du scrutin référendaire du 19 mars 2023. « Il est bien  possible que le retard pris aujourd’hui ait un impact sur la tenue du référendum et de l’élection des conseillers des collectivités. Il est dit par exemple  que les représentations de l’AIGE doivent être installés 6 mois avant le début de la campagne électorale, mais cela n’est pas encore le cas à 5 mois de l’échéance », fait remarquer Sékou Niamé Bathily, membre du Rassemblement pour le Mali.

Mais, de l’avis de Bréhima Mamadou Koné, les deux premiers scrutins prévus peuvent se tenir dans les délais. « Ce ne sont pas des élections comme la présidentielle ou les législatives, qui coûtent extrêmement cher au pays et qui demandent assez d’efforts dans leur organisation. Ce sont des élections à un seul tour. Je pense qu’en 3 mois, l’essentiel du travail peut être fait. Le retard pris aujourd’hui n’est pas de nature à avoir un quelconque impact sur les deux premiers scrutins », tranche l’analyste politique.

À l’Adema-Pasj, pour respecter le délai de 24 mois imparti à la Transition, l’éventualité d’une modification du chronogramme, qui a été la position du parti lors des échanges du Cadre de concertation, n’est pas écartée. « Pour nous, même le référendum n’était pas important, vu que cela peut jouer sur le reste du calendrier. Nous avions dit à l’époque qu’il était difficile de tenir tous les scrutins et qu’il fallait se concentrer sur les scrutins incontournables comme la présidentielle et les législatives », rappelle Yaya Sangaré.

« S’il faut aller au référendum en mars 2023, il faut un préalable qui est non seulement  la stabilité politique mais aussi le consensus autour de l’avant-projet de Constitution, qui devra refléter les aspirations du peuple », alerte Sékou Niamé Bathily, pour lequel les autorités doivent  communiquer avec les forces vives de la Nation.

« S’il y a un consensus, tout est possible. Mais s’il y a des décisions qui sont prises sans prendre en compte certains partenaires importants dans le processus, cela pourrait amener à un blocage et, de retard en retard, on aboutira à un glissement dans le chronogramme qui pourrait aboutir à une crise », prévient t-il

Chronogramme toujours tenable ?

Le chronogramme de la Transition sera-t-il respecté pour une fin dans le délai imparti ? Du point de vue de Nouhoum Togo, qui croit « fermement qu’ensemble nous devons travailler pour relever le défi », cela ne fait pas de doute.

Bréhima Mamadou Koné soutient qu’on ne peut pas dire aujourd’hui qu’il n’y a pas de volonté politique et qu’il n’y a pas d’engagement de la part des autorités de la Transition d’aller vers l’organisation des différentes élections suivant le chronogramme électoral, qui a été élaboré de concert avec l’ensemble des forces vives de la Nation et soumis à la communauté internationale, qui suit de près l’évolution de la situation au Mali.

Amadou Aya ne partage pas cet avis. Pour le Secrétaire général de la Codem, pour lequel  les autorités de la transition « doivent poser la valise » si elles ne parviennent pas à respecter le nouveau délai, un autre chronogramme doit tout simplement être proposé, compte tenu du retard pris dans la mise en œuvre de celui du 28 juin. « Il faut revoir ensemble ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas et abandonner certains scrutins », préconise-t-il.

Yaya Sangaré y va avec un ton plus modéré, même si le doute sur le respect du chronogramme est partagé. « Nous pensons que cela va être tenu, mais ce sera difficile. Il faut que tout le monde soit associé et que chacun soit doté d’un minimum de bonne foi et ensemble on pourra arriver à tenir le chronogramme dans le délai imparti », relativise le Vice-président de l’Adema-Pasj.

Mais, même s’il semble être trop tôt pour évoquer une possible nouvelle prolongation de la Transition au-delà de février 2024, certains acteurs craignent déjà ce scénario, dont les conséquences seraient nombreuses pour le pays. Toute la classe politique est unanime pour « l’éviter  à tout prix ».

Mali – Côte d’Ivoire : la CEDEAO veut envoyer une délégation à Bamako pour plaider la cause des militaires ivoiriens

A l’issue du sommet extraordinaire de la CEDEAO qui s’est tenu à New-York hier jeudi 22 septembre, les chefs d’Etat de l’instance régionale ont décidé d’envoyer une délégation à Bamako le mardi 27 septembre pour essayer d’obtenir la libération des 46 militaires ivoiriens détenus depuis deux mois. La délégation sera composée du président du Togo, Faure Gnassingbé, dont le pays assure une médiation acceptée par les deux parties dans cette affaire et qui a déjà réussi à faire libérer les trois femmes du groupe des militaires. Le chef de l’Etat togolais sera accompagné par le président du Sénégal, également président en exercice de l’Union africaine Macky Sall, qui déjà le mois dernier lors d’une visite au Mali avait plaidé la cause des militaires ivoiriens. Enfin, le président du Ghana, Nana Akufo Addo, président en exercice de la CEDEAO lors des sanctions imposées contre le Mali en début d’année complètera la délégation des chefs d’Etat. La conférence dans son communiqué final « dénonce le chantage exercé par les autorités maliennes dans cette affaire » et « demande la libération sans condition des 46 soldats détenus ». Le Mali n’a pas encore réagi. Toutefois, par un communiqué en date du 15 septembre, le gouvernement s’était dit nullement concerné par la procédure devant la CEDEAO saisi par la Côte d’Ivoire pour se pencher sur le dossier. Dans le communiqué signé par le Premier ministre par intérim, porte-parole du gouvernement le Colonel Abdoulaye Maiga, il est indiqué que la médiation togolaise est l’unique cadre de règlement du dossier des 49 mercenaires ivoiriens selon les termes utilisés.

CEDEAO : réunion extraordinaire ce jeudi sur la situation au Mali et en Guinée

En marge de la 77ème Assemblée générale des Nations Unies à New York, aux Etats-Unis, la CEDEAO tient ce jeudi 22 septembre une session extraordinaire délocalisée. A l’ordre du jour de ce sommet exceptionnel, initié officiellement par le président Bissau-guinéen et président en exercice de l’organisation sous-régional, Umaro Sissoko Embalo, sont inscrits, entre autres, la question des 46 soldats ivoiriens interpellés à Bamako et l’évaluation de la transition en Guinée et au Mali. En plus, des dirigeants des Etats de la CEDEAO, prendra part à cette réunion, le médiateur de la crise guinéenne le Béninois Boni Yayi. Ce sommet se tient alors que le président de la transition guinéenne, le Colonel Mamady Doumbouya est à Bamako depuis hier mercredi pour prendre part aux festivités du 22 septembre, marquant le 62ème anniversaire de l’accession à l’indépendance du Mali.

77ème assemblée générale de l’ONU : un programme riche pour le Mali

Nommé le 21 août dernier, le Premier ministre par intérim, le colonel Abdoulaye Maïga, va représenter le Mali à la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. Le chef du gouvernement aura un agenda chargé avec notamment plusieurs questions relatives au Mali qui y seront débattues.

Le Premier ministre par intérim prononcera une allocution à la tribune des Nations Unies, le mercredi 21 septembre 2022, au cours de laquelle il présentera la situation du Mali et l’engagement du pays en faveur des thématiques importantes, notamment la sécurité internationale, les droits de l’homme et les changements climatiques. Et également nous souligne-t-on, dans un langage diplomatique, le Colonel Abdoulaye Maiga pourrait se prononcer sur la saisine du Mali du Conseil de sécurité de l’ONU par le Mali en date du 15 août 2022. Abdoulaye Maïga prêtera une attention particulière aux différentes réunions qui vont se tenir en marge de l’Assemblée générale, pour parler notamment du Mali. Il devrait aborder les défis et enjeux du processus de sortie de crise en cours.

À New York, une autre réunion d’importance se tiendra : celle des pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Par un communiqué, le Mali a déjà fait savoir ne pas être concerné par une réunion de la CEDEAO qui se penchera sur la question des militaires ivoiriens.

Le Premier ministre aura également un entretien avec le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres. À cette occasion, le chef du gouvernement et son hôte évoqueront probablement la crise ivoiro-malienne marquée par la détention à Bamako de 46 soldats ivoiriens. Ces derniers jours, la tension est montée d’un cran entre les deux pays, après que le Mali a conditionné la libération des militaires ivoiriens qualifiés de « des mercenaires » à l’extradition de personnalités maliennes se trouvant en Côte d’Ivoire.

 

Mali – CEDEAO : Goodluck Jonathan à Bamako pour le suivi de la transition

L’ancien président nigérian et médiateur de CEDEAO pour le Mali, Goodluck Jonathan, est arrivé hier dimanche 4 septembre en début de soirée à Bamako pour le suivi de la mise en œuvre des recommandations issues du dernier sommet extraordinaire des Chefs d’Etat de l’Organisation sous régionale. Il a été accueilli au nom du gouvernement par Alhamdou Ag Ilyène, ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine. Le médiateur fera le point avec les autorités sur l’état d’avancement des principaux chantiers devant conduire à des élections et la fin de la transition. La mise en place de l’autorité indépendante de gestion des élections n’est toujours pas encore effective par exemple, même si un pas a été franchi le 22 août dernier avec la désignation par tirage au sort des représentants des partis politiques et de la société civile devant y siéger. Le ministère de l’Administration territoriale doit encore procéder à la désignation finale des membres retenus. Cette visite du médiateur à Bamako précède la rencontre du groupe de suivi et de soutien à la transition au Mali qui se tiendra à Lomé au Togo demain 6 septembre. La délégation malienne conduite par le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop fera le point sur l’évolution du processus de transition et exprimera les besoins de soutiens des partenaires en appui au Mali.

Affaire des 49 militaires ivoiriens : dans l’attente du dénouement

Arrêtés le 10 juillet dernier à leur arrivée à l’aéroport de Bamako, 49 militaires ivoiriens ont été inculpés et placés sous mandat de dépôt les 10, 11 et 12 août 2022. Une nouvelle tournure qui semble prolonger le délai de dénouement de cette affaire, qui tend les relations entre les États de Côte d’ivoire et du Mali depuis plusieurs semaines.

Cela semble être une suite logique à l’enquête judiciaire ouverte le 18 juillet 2022 par le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako pour « faire toute la lumière sur cette affaire ».

Mais le placement sous mandat de dépôt des 49 militaires ivoiriens, pour des « faits de crimes d’association de malfaiteurs, d’attentat et complot contre le gouvernement, d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État, de détention, port et transport d’armes de guerre et de complicité de ces crimes », alors que les négociations entre États malien et ivoirien sont toujours en cours, n’était pas, pour le moins, attendu par la partie ivoirienne.

Pour certains observateurs, ce retour au dossier judiciaire serait une conséquence de l’absence de progrès à l’issue des premières discussions entre les deux parties, sous la supervision du médiateur togolais, le Président Faure Gnassingbé, à Lomé le 28 juillet dernier.

« Dans les négociations, chaque pays joue en fonction de ses intérêts stratégiques. Il est clair aujourd’hui que le Président Ouattara est l’aile dure de la Cedeao et que les autorités de la transition malienne veulent exercer une certaine pression sur lui pour l’amener à reconsidérer ses positions vis-à-vis de la transition malienne et à accepter et accéder à leur demande d’échange de prisonniers », analyse le politologue Bréhima Mamadou Koné.

Selon des sources diplomatiques relayées par plusieurs média internationaux, Bamako aurait demandé, avant la libération des soldats ivoiriens, qu’Abidjan présente officiellement des regrets pour les avoir déployé sur le territoire malien sans cadre légal et que certains ressortissants maliens en Côte d’Ivoire, recherchés par la justice malienne, lui soit livrés. Deux demandes que, selon les mêmes sources, Abidjan n’a pas acceptées. En attendant, des deux côtés, les réseaux sociaux s’enflamment, avec des appels à la haine à certains endroits. La Coalition nationale pour le sursaut (CONASU), un collectif qui regroupe plusieurs associations de Côte d’Ivoire, a réussi à faire annuler les concerts des artistes maliens Toumani Diabaté, Mariam Bah et Prince, qui était prévu à Abidjan le week-end dernier. La CONASU avait dans une déclaration annoncé une série d’activités jusqu’à la libération des militaires détenus, notamment une rencontre avec l’ambassadeur du Mali en Côte d’Ivoire ou encore avec la diaspora malienne, selon certaines sources. Par mesure de réciprocité, le Collectif pour la défense des militaires (CDM), proche des autorités de la transition, a annoncé faire de même et appelé les autres « soutiens de la transition » à se joindre à lui.

Issue diplomatique compromise ?

Pour l’analyste en diplomatie et stratégie internationale Birahim Soumaré, si les 49 militaires ivoiriens ont été placés sous mandat de dépôt, c’est parce que « les autorités maliennes ont évoqué plusieurs infractions qui selon elles tranchent avec le droit. Entrer dans un territoire sans y être invité, armé, sans identification très claire et avoir un contrat présumé avec la Minusma, ce que cette dernière a contredit ».

Pour autant, affirme-t-il, le processus diplomatique doit continuer « pour déboucher sur un terrain d’entente, avec la possibilité d’une grâce ou d’une amnistie présidentielle de la part du Colonel Assimi Goïta à l’endroit de ces soldats, même si, vu la séparation des pouvoirs, ce dernier ne va certainement pas intervenir dans la procédure judiciaire ».

Le Président sénégalais Macky Sall, Président en exercice de l’Union Africaine, en visite de quelques heures le 15 août à Bamako, s’est également entretenu de la question avec le Président de la transition.

« Je lui ai demandé de faciliter le règlement de ce contentieux avec les militaires ivoiriens, dans le cadre d’une solidarité africaine, de trouver des solutions africaines », a indiqué Macky Sall à l’issue de sa visite, notant toute la disponibilité du Colonel Assimi Goïta à dialoguer.

« Le Mali reste disponible, donc nous allons poursuivre avec la Côte d’Ivoire également. Je pense, et je ne désespère pas, qu’on y arrivera », a ajouté le Chef de l’État sénégalais, épaulant ainsi la médiation togolaise pour une issue rapide et heureuse de cette situation.

Selon une source proche du dossier, un second round de négociations à Lomé entre les délégations malienne et ivoirienne n’est pas exclu. « Le Togo garde toujours la main dans la médiation, mais le Sénégal vient en appui pour « africaniser » le dossier », nous confie-t-elle. D’après ces informations, le président togolais devrait très bientôt se rendre à Bamako.

Mali – CEDEAO : quelle issue aux négociations ?

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a déclaré le 21 avril 2022 devant le Conseil national de transition (CNT) que la durée de 2 ans pour la suite de la transition retenue par le président Assimi Goita avait débuté le 20 avril, malgré l’absence d’accord sur la question avec la CEDEAO. Cette dernière, qui demandait une transition de 12 à 16 mois au plus, n’a pas encore réagi.

« À la date d’aujourd’hui, la date incompressible pour implémenter les bases du processus du changement, des bases solides pour le rendre irréversible, montre qu’on ne peut pas aller en deçà de 24 mois », a tranché Choguel Kokalla Maïga devant les membres du CNT.

« Je dois vous dire que les discussions avec la CEDAO continuent », s’est-il empressé d’enchainer, avant d’indiquer que le Président de la transition était en « contact permanent » avec ses homologues de la CEDEAO et que les différentes équipes installées, politique et technique, discutaient en permanence.

Le Premier ministre a d’ailleurs annoncé  des « missions dans les jours prochains pour aboutir, nous l’espérons, à un accord ». Mais ces missions de la CEDEAO, qui étaient prévues depuis plus d’un mois, à l’issue du Sommet extraordinaire du 25 mars 2022 à Accra, où les deux parties n’étaient pas parvenues à trouver un accord sur la durée de la suite de la transition, tardent à se concrétiser.

Pour l’analyste politique Hamadoun Haïdara, l’annonce des 24 mois faite par le Premier ministre ne va pas arranger la situation et pourrait jouer sur l’arrivée prochaine du médiateur de la CEDEAO à Bamako. « Si déjà le Mali annonce 2 ans sans pour autant la consulter au préalable, c’est un contre-pied à la CEDEAO et cette dernière va prendre position pour analyser d’abord cette déclaration et prendre des décisions qui peuvent aller dans le sens d’un durcissement de ton ou même compromettre le dialogue. Les sanctions pourraient être également alourdies », craint-il.

« On va d’agressivité en agressivité, on se radicalise. Cela peut mettre les Chefs d’États de la CEDEAO dans une situation très remontée et les pousser à agir très gravement », poursuit celui pour lequel la décision des 24 mois est « unilatérale » et ne provient pas d’un « consensus ».

Effets de manches ?

À certains égards, la posture du Premier ministre, même si elle pourrait apparaître comme signe de défiance envers la communauté sous-régionale, participe de la volonté de respecter les conclusions des Assises nationales de la refondation (ANR) qui tablaient sur une transition pouvant aller jusqu’à 5 ans supplémentaires.

Mais, comme l’affirme Dr. Brahim Soumaré, ancien ambassadeur du Mali en Turquie, « même si le terme incompressible est utilisé pour indiquer un délai fermé, en diplomatie la dynamique reste la négociation ».

Pour l’ancien diplomate, le contexte actuel, même du point de vue sécuritaire, avec la montée en puissance de l’armée malienne, fait que le Mali est dans une position qui lui permet de se rapprocher de la CEDEAO, de discuter et de trouver une solution.

« Je suis optimiste et je pense qu’un terrain d’entente pourra être trouvé. Une approche peut être esquissée entre les 2 ans et les 16 mois. Les négociations ne s’arrêteront pas tant qu’il n’y aura pas d’accord. L’action du Président de l’UA, et de certains Chefs d’États africains comme celui du Togo, vont contribuer à trouver une issue », assure-t-il, insistant « le Mali n’a pas d’autre choix que de s’entendre avec la CEDEAO tant que le pays en sera membre ».

Par ailleurs, à en croire un observateur proche des discussions en coulisses, une entente pourrait prochainement intervenir entre les deux parties sur 18 mois. La déclaration du Premier ministre Choguel Kokalla Maiga relèverait plus, selon cette source, d’un effet de manches et l’incompressibilité des 24 mois ne serait pas en réalité non négociable. La CEDEAO devrait se prononcer prochainement sur la question. L’ultimatum lancé à la Guinée et au Burkina Faso a expiré le 25 avril. Un nouveau sommet pourrait donc se tenir dans les jours à venir et le cas du Mali être évoqué à cette occasion.

Transition : une charte qui divise

Après une première partie, de septembre 2020 à mai 2021, suivie d’une autre dite de « rectification », la transition va amorcer une nouvelle étape, celle qui devrait s’acheminer à terme sur un retour à l’ordre constitutionnel. Pour l’acter, un projet de loi du gouvernement portant révision de la Charte de la transition est en cours d’adoption au Conseil national de transition (CNT). Parallèlement, concernant la durée de la transition, les autorités ont débuté des concertations avec la communauté internationale. Si, au fond, les conditions semblent être réunies pour un nouveau départ de la transition, dans la forme, cette dernière phase ne fait pas encore l’unanimité.

Le 9 février 2022, le gouvernement de transition a annoncé la mise en place d’un mécanisme de concertation avec la Cedeao, l’Union africaine et la communauté internationale pour rechercher  une solution « conciliant les aspirations du peuple malien et les demandes de la communauté internationale », notamment à travers l’adoption d’un chronogramme consensuel.

En annonçant cette initiative, il assurait renouveler son engagement pour le retour à un ordre constitutionnel normal et sa « disponibilité constante » au dialogue et au consensus pour la réussite de la transition.

Le mécanisme mis en place est structuré en deux groupes. Le premier concerne le dialogue au niveau ministériel et est composé du Ghana, de la Mauritanie, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Togo, de la Cedeao, de l’Union Africaine et des Nations unies. Il a pour mission de faciliter le dialogue entre les parties prenantes et d’œuvrer à un rapprochement des positions et à la recherche de compromis sur les questions en suspens.

Le deuxième groupe de travail, élargi notamment aux membres du Comité local de suivi de la transition et aux « personnes ressources et experts compétents », va quant à lui se pencher sur l’évaluation technique du projet de chronogramme de la transition présenté à la Cedeao.

Cette dernière a indiqué dans un communiqué, le 10 février, avoir pris note de la disponibilité du gouvernement du Mali pour la poursuite du dialogue avec elle, mais a également fait part de la non mise en place à cette date du groupe de travail au niveau ministériel.

« Ajustements nécessaires »

Le Président de la transition, le colonel Assimi Goita, a convoqué par décret le 4 février 2022 le Conseil national de transition en session extraordinaire, où est inscrite à l’ordre du jour la révision de la Charte de la transition.

Dans le communiqué sanctionnant le Conseil des ministres extraordinaire du 4 février qui a précédé cette décision, le gouvernement indiquait que l’adoption de ce projet de loi permettrait de procéder aux « ajustements nécessaires en vue d’une mise en œuvre efficiente des objectifs de la Transition ».

Cette révision de la Charte portera sur certaines modifications dont, entre autres, la suppression du poste de Vice-président, celle du nombre de membres du gouvernement, l’augmentation du nombre des membres du Conseil national de transition et surtout l’adaptation de la durée de la transition « aux recommandations des Assises nationales de la refondation, « dans le but de mener les réformes indispensables au retour à l’ordre constitutionnel ».

Nouvelle quête d’inclusivité

« L’augmentation du nombre des membres du CNT a pour objectif de créer plus d’inclusivité, pour une bonne gouvernance politique et sociale », affirme Mme Fatoumata Sékou Dicko, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargée des Réformes politiques institutionnelles.

Par ailleurs, ajoute-t-elle, le nouveau délai final de la transition qui va être fixé le sera à la suite des discussions que le gouvernement vient d’entreprendre avec la communauté internationale. « Il faudra trouver le juste milieu, un délai consensuel. C’est ce délai qui va être reproduit dans le chronogramme et qui sera considéré comme le nouveau délai de la transition», affirme-t-elle.

L’analyste politique Salia Samaké abonde dans le même sens. « Les dispositions qui seront adoptées au niveau de la Charte refléteront certainement les résolutions des Assises. Mais, à l’évidence, il faut se dire que pour la durée de la transition, même s’il y a un intervalle acté dans le projet de révision de la Charte, le vrai délai arrêté sera celui qui sortira des négociations entre le Mali et ses partenaires ».

Pour sa part, Boubacar Bocoum, analyste politique, approuve lui aussi l’initiative de révision de la Charte de la transition. Pour lui, « si la transition doit continuer, il faut bien qu’il y ait une autre base, sur laquelle on va l’asseoir, et il faut pallier au vide qui commencera au terme délai initial prévu ».

« Je pense aussi qu’aujourd’hui l’esprit de cette révision est aussi de donner la possibilité à ceux qui voudraient bien participer, que ce soit au niveau du CNT ou du gouvernement, et c’est ce qui oblige le gouvernement à modifier la Charte, pour la recadrer en fonction de la nouvelle orientation », avance-t-il.

« Non seulement ce sont des signes de recherche d’inclusivité, mais c’est déjà une mise en œuvre pratique des recommandations issues des ANR. Ces Assises ont clairement demandé à ce que le CNT soit ouvert à plus de membres », renchérit Salia Samaké.

« Les 18 mois devraient finir en mars. Si jamais on arrivait à cette date dans cet état, on tomberait dans un vide juridique. L’initiative de révision de la Charte n’est qu’une prise de conscience du gouvernement par rapport à cela et vise à mettre en place un cadre normatif », poursuit-il.

À l’en croire, un remaniement ministériel aura forcément lieu après la révision de la Charte pour aboutir à un gouvernement d’inclusivité.

Le Cadre rejette

Le projet de révision de la Charte de la transition ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique, malgré sa « nécessité », mise en avant par le gouvernement. Le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie s’y oppose, y voyant plutôt une tentative de « confiscation du pouvoir » par les autorités actuelles. Une tentative « à peine voilée », que « nous ne saurions jamais accepter », a clamé le Président en exercice du Cadre, le Dr. Modibo Soumaré, le 9 février dernier, lors d’un atelier à l’issue duquel il a annoncé certaines décisions.

Outre le rejet de la relecture de la Charte en cours au niveau du CNT, le Cadre, qui regroupe certains partis-clés de l’ancienne majorité présidentielle, demande l’adoption d’une nouvelle loi électorale consensuelle et annonce la « non reconnaissance des autorités actuelles à partir du 25 mars 2022 ».

Il appelle également à la mise en place d’une « nouvelle transition » pour un délai de 9 mois, avec un gouvernement de mission conduit par un Premier ministre « neutre », la mise en place d’un « nouveau CNT » et l’adoption d’un chronogramme électoral pour l’élection présidentielle et les législatives à la fin de la transition.

« Nous disons au Président de la transition de prendre la mesure de la situation. Nous lui tendons la main, une main ferme et amicale. Nous l’invitons à se mettre au-dessus de la mêlée. Nous pensons que le gouvernement, avec à sa tête le Premier ministre, se retrouve dans une dérive totalitaire qui déclare des conflits à tout le monde, de la France en passant par le Danemark, aux pays membres de la CEDEAO, aux États-Unis, aux amis du Mali », a fustigé le Dr. Soumaré.

Dans un communiqué en date du 6 février, la Codem, parti membre du Cadre d’échanges, a qualifié l’initiative de révision de la charte de « fuite en avant » qui s’inscrit, tout comme les « Assises dite de la refondation », dans une « volonté d’accaparement du pouvoir ».

« Au moment où le peuple s’attend au bilan de la transition et à un véritable dialogue entre les forces vives de la Nation pour dégager un consensus national nous permettant de repartir sur des nouvelles bases, la Codem constate l’embastillement par les autorités de la transition du CNT, dont la mise en place en elle-même a violé le décret de sa création, dans le seul but de se maintenir au pouvoir », indique le communiqué signé du Président du parti, Housseini Amion Guindo.

Le Parena, qui, par ailleurs, a pris part à l’atelier du Cadre d’échanges du 9 février, avait publié plus tôt un nouveau mémorandum appelant à « se parler, sà e donner la main pour sauver le pays ». Une option qui, selon le parti du bélier blanc, doit être « la priorité des priorités ».

Entres autres propositions de sortie de crise, le parti de Tiébilé Dramé opte pour un début du processus électoral « à partir de novembre 2022 » et une nouvelle feuille de route, en concertation avec les partis politiques, les sociétés civiles et les mouvements du Nord.

Adhésion non exclue

Malgré la position affichée par le Cadre d’échanges de son non adhésion à la conduite actuelle de la transition, certains observateurs pensent que certains partis politiques pourraient se désolidariser très prochainement de certaines décisions, notamment celle de la non reconnaissance des autorités de la transition à compter du 25 mars.

Déjà, l’ancien Premier ministre Moussa Mara, ancien Président du parti Yelema, a déclaré le 11 février, lors d’un déplacement à Niono, que cette décision du Cadre d’échanges n’était pas une bonne option pour le parti, même si son porte-parole Hamidou Doumbia avait précisé dans la foulée que cela n’était pas la position officielle du parti Yelema.

D’autre part, suite à une rencontre entre l’Adema-PASJ et une délégation du directoire du Cadre, le 14 février, le parti des abeilles, par ailleurs membre fondateur du Cadre, a également invité ses membres à abandonner « toute posture radicale extrémiste », dont la non reconnaissance des autorités en place dès le 25 mars 2022, et à inscrire leurs actions dans le cadre du dialogue et de la concertation, « gages de l’apaisement social et de la stabilité » du pays.

« C’est vrai que le ton monte au niveau du Cadre, mais il n’est pas exclu que certains partis rejoignent le gouvernement par la suite. Il est même possible de voir une fissure d’ici les prochaines semaines », glisse Salia Samaké.

« Nos politiciens sont imprévisibles. La logique voudrait qu’ils ne participent à rien du tout maintenant et qu’ils restent dans leur posture. Mais ils sont toujours à l’affût de petites opportunités », appuie Boubacar Bocoum, qui ne serait pas « surpris » que certains partis ne manquent pas de saisir l’opportunité de cette probable dernière partie de la transition.

Sanctions contre le Mali : jusqu’à quand l’économie peut-elle tenir ?

Depuis le 9 janvier 2022, le Mali est lourdement sanctionné, suite au sommet conjoint réunissant la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Illégales et injustes, selon plusieurs observateurs, ces mesures interviennent dans un contexte déjà difficile pour le pays. Quelles sont donc les marges de manœuvres des autorités face à la hausse des prix de certains produits et au risque d’une réduction significative du pouvoir d’achat ? Au-delà se pose la question de la transformation de l’économie malienne, qui doit devenir plus inclusive, surtout au profit des couches les plus vulnérables.

La fermeture des frontières terrestres et aériennes, la suspension des transactions commerciales entre le Mali et les pays de la CEDEAO, à l’exception de certains produits (alimentaires, de grande consommation, pharmaceutiques et les produits énergétiques), la suspension de l’aide financière des institutions de la CEDEAO, notamment la BOAD et la BIDC, le gel des avoirs dans les banques centrales, les sanctions de la CEDEAO / UEMOA à l’encontre du Mali sont la manifestation d’une véritable « guerre économique ». Il nous faut donc « chercher une solution rapide », suggérait l’économiste Modibo Mao Makalou sur les ondes de Radio Kledu le 27 janvier 2022. Ces « sanctions inédites et inexpliquées » tranchent avec les objectifs d’intégration économique et de libre circulation des personnes et des biens de la CEDEAO, née en 1975 à Lagos, précisait-il.

Même si les effets à court terme peuvent être minimisés, en raison notamment des anticipations, l’augmentation subite de la demande, qui se manifeste dans ce genre de situation par un réflexe des consommateurs, peut provoquer une augmentation des prix. C’est qui est observé depuis quelques temps sur plusieurs produits dont les prix ne sont pas contenus, malgré les assurances des autorités et même des opérateurs pour garantir la disponibilité des stocks. Parmi les secteurs concernés, celui des BTP, où le prix du ciment continue de grimper, au désespoir des acteurs.

De 92 500 francs CFA, la tonne de ciment est actuellement cédée entre 125 000 et 130 000 francs par endroits. Les constructions en ont pris un coup. « Pour le moment, j’ai décidé d’arrêter mes 5 chantiers en cours. Parce qu’avec le devis réel que l’on fournit au client, cela n’est plus rentable », explique Amadou Guindo, promoteur et responsable de la société immobilière Andielou.

En ce qui concerne le sucre, le prix au consommateur pour le sucre importé a été fixé à 600 francs CFA, mais dans certains endroits de la capitale il coûte entre 700 et 750 francs CFA, au grand dam des clients et malgré les numéros verts mis à disposition pour dénoncer ces abus.

Durement touchés également, les transporteurs espèrent vivement que les autorités renouent le dialogue afin de trouver des compromis raisonnables entre le Mali et les pays de la CEDEAO, qui dépendent les uns des autres. « Cela fait plus de 2 semaines que nous souffrons en silence, parce qu’avec environ 15 kilomètres d’embouteillages jusque dans la savane, c’est très difficile », soupire Modibo Maïga, transporteur et chargé de cours de droit à l’IAM.

La première contrainte est celle des ressources humaines, les chauffeurs et leurs apprentis bloqués quelque part « dans la nature ». Pour se nourrir, ces derniers sont obligés de « louer des motos pour aller chercher à manger ». Des coûts supplémentaires pour ce transporteur, qui importe des bouillons alimentaires à l’état brut qui seront transformés et conditionnés sur place.

Pour d’autres acteurs du même domaine, les coûts sont encore plus élevés. En effet, ceux qui transportent des produits périssables doivent débourser entre 45 000 et 50 000 FCFA par jour pour assurer le carburant et continuer à faire tourner les camions frigorifiques.

Enclavement

Mais l’analyse des conséquences sur le plan économique amène à se focaliser sur la balance des paiements, qui retrace les transactions que le pays a avec les autres. « Les pays de la CEDEAO ne constituent pas les principaux clients du Mali (ceux auxquels il vend), parce que les exportations du Mali sont axées fondamentalement sur 3 produits : l’or, le coton et les animaux vivants », explique l’économiste Cheick Kader M’baye, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG).

Les pays de la CEDEAO ne sont les principaux clients ni pour l’or, ni pour le coton, juste pour les animaux vivants, qui ont notamment pour destinations la Côte d’Ivoire et le Sénégal.

« Par rapport aux importations, les pays de la CEDEAO ont pris soin d’exempter les produits qu’ils vendent au Mali », les produits pétroliers, pharmaceutiques et alimentaires entre autres. En ce qui concerne ces importations, la pression demeure, notamment sur les matériaux de construction.

L’autre aspect qui mérite d’être pris en compte et « qui amplifie les conséquences, c’est l’enclavement du pays », note M. M’baye. Une grande partie des produits que nous exportons transite par les pays de la CEDEAO, poursuit-il et il serait judicieux pour nous « de conserver des bonnes relations avec les pays voisins », au risque d’une augmentation des délais et coûts de transport et donc du prix à la consommation.

Résilience jusqu’à quand ?

La fragilité de l’économie malienne, confrontée à de nombreux défis qui entravent son développement, se trouve exacerbée suite à ces mesures. Mais des alternatives pour les autorités existent. «  Sur le très court terme, si la situation reste ainsi, l’une des options sera de compter sur le partenariat public / privé. Notamment des collaborations avec le secteur privé, les grands groupes et les grossistes sur les moyens par lesquels ils peuvent utiliser leurs stocks de marchandises pour stabiliser le marché », note encore M. M’baye.

Des solutions qui peuvent impliquer pour le gouvernement de s’engager par des subventions. Une collaboration dans ce cadre pourrait permettre d’atténuer un peu les effets de la crise. À ce rythme, difficile de prévoir ce qui va se passer demain. « Tout dépendra des anticipations des agents économiques ». Car la situation peut basculer d’un côté comme de l’autre.

En effet, la mise en place d’un mécanisme peut s’avérer très efficace au point que l’on décide finalement de renforcer l’option envisagée. Par exemple, le renforcement du partenariat public / privé peut donner des résultats tels que les idées de réforme structurelle en la matière seront désormais à l’ordre du jour.

Ainsi, on pourrait prédire des résultats positifs ou négatifs si « les agents économiques voient les choses de la même manière ». Il s’agit en tout cas de trouver une solution interne de collaboration afin de parvenir à stabiliser le pouvoir d’achat des ménages grâce à la maîtrise des prix.

Cependant, il y a un décalage entre le discours et la réalité, note M. M’baye. Les autorités ont beau annoncer des accords pour maîtriser les prix, difficile d’en assurer le contrôle. Pour l’économiste, il s’agit pour l’État d’instaurer un véritable cadre de confiance entre lui et le secteur privé afin que ce dernier assure lui-même une certaine rigueur dans le bon déroulement de la collaboration.

Même si le rôle de l’État n’est pas de réguler les prix, il peut souvent intervenir afin d’infléchir la position des acteurs du marché. Mais le défi est le maintien par les autorités d’un vrai « cadre de confiance et de collaboration ». Parce que l’État doit rassurer les acteurs privés, qui investissent de l’argent et dont la vocation est de faire des profits, même « s’il est vrai que l’on est en période exceptionnelle et que tout le monde doit faire des efforts pour la patrie ».

Opportunité ?

Les conséquences économiques, commerciales et financières de ces sanctions sont déjà visibles. Ces dernières, portant notamment sur le gel des avoirs et touchant l’État, se sont manifestées à travers l’annulation de l’Appel public à l’épargne émis par le Mali pour, le 14 janvier 2022, lever 30 milliards de francs CFA. Sa demande de liquidités auprès de la BCEAO, satisfaite à moitié, et l’absence du Mali du calendrier des émissions de titres de l’UEMOA du 1er trimestre 2022 en sont d’autres preuves.

Et, à moyen terme, le gel des avoirs pourrait compromettre la capacité de l’État à faire face à ses dépenses urgents et pénaliser sa vocation à financer ses services publics. Même si les chiffres ne sont pas encore connus, les recettes de l’assiette vont baisser. Le 1er février, le ministre de l’Economie et des Finances Alhousseini Sanou a adressé un courrier aux investisseurs leur expliquant que la Banque centrale n’a pas procédé au paiement de plus de 2 milliards de FCFA, ce qui l’empêche de faire face à ses engagements.

En plus de cette problématique, se pose « la question du risque associé à la dépendance monétaire en situation de crise, parce que les sanctions financières vont jouer sur la monnaie », avertit M. M’baye. Le franc CFA est émis par la BCEAO et le pays n’a pas de moyens d’en disposer sans elle. Et même si les banques nationales sont solidaires du gouvernement, elles dépendent de la banque centrale, qui met des liquidités à leur disposition chaque semaine. Pour les deux dernières semaines, les banques maliennes n’ont reçu que 209 milliards de francs CFA de la BCEAO, alors que les besoins exprimés étaient de 445 et 395 milliards de francs CFA. Dans cette situation, il sera très difficile pour les banques d’injecter de l’argent dans l’économie. Or, en période de crise, c’est grâce à la latitude d’utiliser la monnaie que l’État peut stabiliser l’économie. Selon l’économiste Modibo Mao Makalou, pour 2022, l’État malien a besoin de 1861 milliards de francs CFA pour faire face à ses dépenses ordinaires.

L’objectif de ces sanctions étant de contraindre l’État, cette situation limite véritablement ses capacités d’engagement mais aussi d’endettement. Un réel défi donc à relever. Et si nous avions notre monnaie ? Et donc notre banque centrale, il n’y aurait sûrement pas blocage. Mais « le problème n’est pas fondamentalement la monnaie », répond M. M’baye. « Nous échangeons avec les autres et il serait judicieux de privilégier la voie du dialogue », conseille-t-il.

En tout état de cause, cette crise serait une opportunité si nous pouvions nous poser des questions essentielles comme celle de la gestion de notre économie. En effet, si les recettes d’exportation sont gérées ailleurs, il nous faut prouver qu’une fois transférées elles seront mieux gérées. D’où la problématique de la bonne gouvernance afin de profiter des fruits des recettes du commerce extérieur au maximum, ce qui n’est pas acquis si l’on regarde les statistiques, déplore un acteur.

L’observation de notre économie montre des faiblesses structurelles qui mériteraient d’être corrigées, selon les spécialistes.

Transformation structurelle

En 2020, l’or a engrangé 82% des recettes d’exportation, le coton 6% et les animaux vivants environ 3%. Mais le secteur aurifère est loin d’être pourvoyeur d’emplois. Sa vente représente des recettes en impôts et taxes d’environ 500 milliards de francs CFA par an.

Pour une croissance inclusive qui profite à tout le monde, y compris les plus vulnérables, il faudrait plus de recettes partagées au niveau de l’agriculture, qui représente au moins 60% des emplois. Il faut donc « multiplier les recettes d’exportation des produits agricoles », suggère M. M’baye.

Selon lui, c’est la structure de la création d’emplois qui n’est pas bonne. L’Enquête nationale pour l’emploi de 2018 montre que 77% des emplois sont reçus par relations personnelles et que 17% constituent l’auto-emploi. Il n’y a donc pas d’industrialisation, ni de développement de chaînes de valeur.

Mali – Transition : la proposition de prolongation de cinq ans passe mal

Il n’aura pas fallu longtemps à la CEDEAO pour réagir. 24 h après la présentation d’un chronogramme pour un retour à l’ordre constitutionnel par une délégation conduite par le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, la CEDEAO a décidé d’envoyer son émissaire à Bamako le 5 janvier. En outre, un sommet regroupant les chefs d’Etat se tiendra le 9 janvier pour statuer sur le cas du Mali, de nouvelles sanctions contre le pays ne sont pas à exclure à l’issue de ce sommet. Toutefois, le chef de la diplomatie malienne a précisé que les cinq ans qu’ils ont sont une base de discussion. Les autorités souhaitent maîtriser la situation sécuritaire sur le terrain avant tout scrutin qui selon le chornogramme débutera par la révision constitutionnelle en décembre 2023. Sur le plan politique, les réactions ne se sont pas faites attendre non plus. Tieman Hubert Coulibaly, président de l’UDD qui se trouve en dehors du pays depuis plusieurs semaines s’insurge contre la « confiscation que la junte et ses complices envisagent ». Le cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie a dans un communiqué en date du 2 janvier « rejette le chronogramme unilatéral et déraisonnable ». La coalition qui regroupe une dizaine de partis politiques dit se « réserver le droit d’user de tous les moyens légaux afin que les principes démocratiques obtenus de longue lutte et au prix de nombreux sacrifices ne soient liquidés par une quelconque tentative de confiscation du pouvoir par la force et la ruse »

Assises nationales de la refondation : les Maliens en faveur d’une prolongation de la transition de 6 mois à 5 ans

Les conclusions des Assises nationales de la refondation (ANR) ont été rendues publiques, jeudi 30 décembre, à l’issue des travaux de la phase nationale. La recommandation la plus attendue était celle du délai de la transition, en faveur duquel les Maliens ont proposé une durée de 6 mois à 5 ans. Alors que la CEDEAO exige la tenue de la présidentielle pour le  27 février 2022, faute de quoi le pays pourrait s’exposer à des sanctions économiques.

ANR, les autorités de la transition ne jurent que par ces trois lettres afin de parvenir à un Mali nouveau. Le « diagnostic sans complaisance » a enfin été rendu public. Et l’ultime recommandation attendue par les Maliens et la communauté internationale était celle du délai de la transition, en faveur duquel les Maliens se sont exprimés pour une prolongation de 6 mois à 5 ans. Cette proposition tranche avec la position de la CEDEAO et de la communauté internationale qui presse le Mali de tenir la présidentielle le 27 février 2022.

Lors de son sommet ordinaire du 12 décembre dernier à Abuja, au Nigeria, l’organisation sous-régionale a menacé le pays de nouvelles sanctions qui pourraient être économiques, en janvier 2022 si « la situation n’évolue pas au plus tard fin décembre 2021 ».

Selon certaines informations, le ministre des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, et le président du Panel des hautes personnalités des Assises nationales de la refondation, Zeini Moulaye, sont attendus à Accra ce vendredi 31 décembre. Sans doute pour calmer le jeu.

Lors de la cérémonie de conclusion des ANR, le président de la transition, le Colonel Assimi Goïta, a déclaré qu’un chronogramme électoral sera bientôt soumis à la CEDEAO et a appelé la communauté internationale à accompagner le Mali dans l’organisation des élections. « Conformément aux recommandations issues des Assises nationales de la refondation, le gouvernement mettra très prochainement en place un chronogramme visant à assurer le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé. Par la même occasion, je voudrais saluer et remercier la communauté internationale et la CEDEAO en particulier pour son accompagnement du processus de la transition. C’est pourquoi je souhaite que les pays frères de la CEDEAO accompagnent davantage le Mali dans la réalisation d’actions soutenant l’organisation prochaine des élections. J’en appelle également à leur solidarité agissante en vue de permettre au peuple malien d’atteindre ses objectifs de changement et de développement harmonieux», a lancé le président de la transition.

Au-delà de la recommandation phare sur la prolongation de la transition, les  ANR ont permis aux Maliens de parcourir 13 thématiques qui ont accouché d’un document de 46 pages de recommandations comme l’élaboration d’une nouvelle constitution, l’organisation des municipales avant la présidentielle et les législatives, la mise en place d’un organe unique indépendant de gestion des élections, etc.

Les résolutions issues des ANR seront exécutoires pour le futur gouvernement qui sera installé à l’issue de la présidentielle prochaine. Un comité de suivi et d’évaluation sera mis en place ainsi qu’une « phase technique intense  qui va élaborer une stratégie cohérente pour coordonner l’action publique dans tous les secteurs, tout en engageant une estimation budgétaire du coût de la refondation. »

Les ANR se sont « tenues dans 725 communes sur un total de 759, incluant les six communes de Bamako, soit un taux de réalisation de 95,52%. Elles ont été organisées dans 51 cercles sur 60, soit un taux de réalisation de 85%. » Elles n’ont pas pu se tenir dans 9 cercles de Kidal, et de Ménaka. En outre, plusieurs politiques ont aussi boycotté les assises.

Transition: la CEDEAO exige les élections en févier

Les dirigeants ouest-africains réunis en sommet au Nigeria dimanche menacent Bamako de nouvelles sanctions dès janvier 2022 si le Mali n’organise pas des élections en février. Une décision prise en dépit de l’engagement du président de transition malien, le colonel Assimi Goïta, à fournir avant fin janvier un calendrier électoral en vue d’un retour des civils au pouvoir.

Les chefs d’Etat, après de longs échanges, ont décidé de maintenir la date du 27 février 2022 pour l’organisation des élections au Mali. Ils ont décidé de l’entrée en vigueur de sanctions additionnelles en janvier 2022″ si les autorités n’honorent pas leur engagement initial de tenir à cette date des élections censées ramener les civils au pouvoir, a dit devant la presse le président de la Commission de la Cédéao, Jean-Claude Kassi Brou.  Avant le sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), le colonel Goïta, arrivé à la tête du pays sahélien par un putsch en août 2020 et conforté par un second coup d’Etat en mai 2021, avait écrit au président en exercice de l’organisation, le chef de l’Etat ghanéen Nana Akufo-Addo.

Transition : la CEDEAO presse pour le respect strict du délai

Réunis en visioconférence le 8 septembre, les chefs d’Etat de la CEDEAO ont réclamé la publication d’un chronogramme détaillant le calendrier, les réformes et actions prioritaires à entreprendre notamment la préparation de la liste électorale, le choix de l’organe devant conduire les élections. Les gages donnés par les autorités de la transition au médiateur de la CEDEAO Goodluck Jonathan durant sa visite dans le pays du 5 au 7 septembre ne semblent pas suffire. D’autant que les réformes annoncées pourraient prendre du temps. Le 9 septembre, lors d’une rencontre avec les diplomates accrédités au Mali, le Premier ministre Choguel Maiga a reiteré sa volonté de tenir les assises nationales de la refondation, à l’issues desquelles sera déterminé le chronogramme des élections. Alors qu’il réfutait encore jusqu’alors toute velléité de prolongation de la transition, il a laissé entendre que cela dépendra aussi des assises.

MINUSMA-El-Ghassim Wane : « Notre mandat est suffisant »

Six semaines depuis son arrivée au Mali. Le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, Chef de la MINUSMA, qui a remplacé Mahamet Saleh Annadif, n’a pas chômé. El-Ghassim Wane s’est déjà rendu dans le nord du pays et trois fois dans le centre, a assisté à un nouveau coup d’État, géré des attaques terroristes contre des positions de la mission onusienne et rencontré de nombreux acteurs. Ce qui n’est pas de trop vu la profondeur de la crise et les défis immenses qui l’attendent à la tête d’une MINUSMA incomprise par de nombreux Maliens. Dans ce long entretien, le diplomate mauritanien évoque la transition, la fin de Barkhane, le mandat de la MINUSMA et la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Moins d’un mois après votre arrivée au Mali, le 5 mai dernier, vous avez assisté à un coup dÉtat, le deuxième en un an, et vu les troupes de la MINUSMA subir des attaques. Cela vous a mis directement dans le vif de la réalité malienne.

La réalité malienne ne m’échappait pas, parce que jai eu loccasion de travailler sur les questions liées à la situation au Mali depuis 2012, aussi bien dans le cadre de mes fonctions précédentes à lUnion africaine que dans celui des Nations unies. Je suis venu ici en 2016 et en 2017 pour faire la revue de la MINUSMA et en assurer le suivi. Javais donc une idée des réalités et des difficultés. La situation est loin d’être facile. Elle l’était déjà avant que je narrive et elle est restée difficile après mon arrivée. Je ne mattendais pas à ce que les choses changent immédiatement. Le Mali est au milieu dune crise multiforme dont le règlement va prendre du temps. Il est évident que cette complexité ne mavait pas échappé. Malheureusement, nous avons connu des développements subséquents pendant les mois de mai et de juin, y compris lattaque contre les forces de la MINUSMA. Ce n’était pas la première. Javais une claire conscience des difficultés auxquelles le Mali est confronté et auxquelles la MINUSMA est confrontée dans lexercice de son mandat. Plus que la prise de conscience de ces difficultés, ce qui compte le plus cest la volonté de la mission, la volonté des Maliens, de redoubler defforts pour que cette page soit  tournée. Cest dans cette dynamique que je minscris : faire en sorte que nous renforcions ce que nous faisons déjà et que nous ajustions nos modes daction là où cela est nécessaire, de manière à être le plus utile possible aux Maliens et aux Maliennes et les aider à clore le chapitre douloureux que le pays connait actuellement.

Vous avez pris fonction dans une période dexception pour le Mali, avec une transition en cours. La MINUSMA affirmant accompagner cette transition, comment cela se traduit-il ?

Le processus de transition dans lequel le Mali est engagé est extrêmement important. Important pour permettre au Mali de retourner dans une situation de normalité constitutionnelle, mais important également pour permettre au pays de sattaquer aux défis complexes auxquels il est confronté. La MINUSMA et les Nations unies, dune façon plus générale, sont engagées dans ce processus. Comme vous le savez, lappui à la transition est lune des priorités stratégiques de la MINUSMA et nous assistons les acteurs maliens de plusieurs manières. Nous le faisons sur le plan politique, à travers nos bons offices, à travers la participation de la MINUSMA aux activités du Comité local de suivi de la transition, à travers le dialogue régulier que nous avons avec le médiateur de la CEDEAO, ainsi qu’avec d’autres acteurs internationaux, dont l’UA. Nous le faisons aussi sur le plan technique, en appuyant un certain nombre dinstitutions maliennes, notamment celles impliquées dans la préparation des élections qui doivent couronner la transition et dont la tenue est prévue au mois de février prochain. Cest une tâche complexe, qui doit être menée dans des délais qui sont courts. Cela signifie que notre appui technique est extrêmement important pour que les institutions maliennes soient prêtes et à même d’organiser les élections dans des conditions qui en assureront la crédibilité et qui permettront au pays de surmonter la crise institutionnelle. Nous appuierons  également le processus de transition à travers le soutien que nous allons apporter pour la sécurisation des élections aux départements ministériels compétents. Notre appui ira au-delà de cela pour s’étendre aux aspects logistiques, notamment le transport du matériel électoral, et à dautres domaines. Cest un appui multiforme, de concert avec dautres partenaires du Mali, y compris les partenaires politiques que sont la CEDEAO et lUA.

La transition semble engagée sur une nouvelle trajectoire, avec de nombreux chantiers annoncés, lesquels pourraient potentiellement ouvrir la voie à un prolongement du délai imparti. La MINUSMA accompagnera-t-elle la transition si ce scénario se réalisait ?

Il a été convenu avec la CEDEAO que la transition devait se conclure au mois de février 2022. Cela a été affirmé lors du sommet dAccra, auquel jai pris part, et les nouvelles autorités de la transition, aussi bien le Président que le Premier ministre, ont également dit leur intention de conduire la transition dans le délai qui a été convenu. Je pense quil est important que ce délai soient respectés, parce quil faut sortir au plus vite dune situation comme vous le dites exceptionnelle et permettre aux autorités nouvellement élues dengager les réformes de fond. Cela ne signifie pas que la transition ne peut pas entamer un certain nombre de réformes, mais, comme cela a été souligné lors de la visite du médiateur, ainsi que par le Comité local de suivi de la transition, il faudra articuler un certain nombre de priorités pour voir ce quil est possible de faire pendant cette période, à charge pour les autorités nouvellement élues d’amplifier ce qui aura été entrepris et d’ouvrir de nouveaux chantiers. Il est important que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir, de concert avec les autres partenaires, pour que l’objectif dune transition conclue au mois de février 2022 soit atteint.

La communauté internationale presse pour que les élections se tiennent à date. Nestimez-vous pas que cela est une erreur, car de scrutins à la va-vite pourraient découler de nouvelles crises ?

Le meilleur antidote à une possible crise postélectorale est dorganiser les élections dans les meilleures conditions de transparence et de régularité. Un travail a été engagé à cet effet, travail que nous soutenons à travers lappui technique que nous apportons aux institutions compétentes. Le deuxième élément qu’il convient de garder à l’esprit est le parachèvement de la transition en février 2022. Cest un objectif convenu avec les Maliens, sachant que, dans un contexte de transition, il nest pas évident de sattaquer à certains problèmes structurels. Je pense que le retour à une légalité constitutionnelle donnera au Mali tous les moyens nécessaires pour sattaquer à ces problèmes de fond. Je ne crois pas que le délai en lui-même soit un problème, bien au contraire. Plus vite on retournera à la légalité constitutionnelle, mieux le Mali sera équipé pour sattaquer à ses problèmes. Les acteurs maliens se sont engagés, la CEDEAO aussi, et la communauté internationale soutient cet objectif. Il sagit maintenant de mobiliser toutes les énergies, maliennes et internationales, pour que cet objectif soit atteint et que les élections de février 2022 soient transparentes et crédibles.

Vous avez récemment déclaré au Conseil de sécurité de lONU que le temps était venu pour les « dirigeants maliens de s’élever au-dessus de la politique partisane et des intérêts personnels pour faire face à la crise ». Un message destiné aux militaires et aux acteurs politiques ?

Tout dabord, le point de départ de ma déclaration est la profondeur de la crise dans laquelle le Mali est plongé. Quand un pays connait une crise dune telle ampleur, la meilleure réponse, et la première, est celle e l’unité nationale. Nous sommes dans un contexte où le Mali a besoin du concours de tous ses fils et de toutes ses filles pour surmonter les défis auxquels il est confronté. Il est important que tout soit fait pour permettre à lÉtat malien de retrouver toutes ses forces, dexercer son autorité sur lensemble du territoire national, dassurer la sécurisation des Maliens, de mettre fin aux violences commises sur les populations civiles. Il est impératif que tous les acteurs engagés dans ce processus se mettent à la hauteur des défis. Je pense que lespoir des Maliens est que cette page douloureuse soit tournée le plus rapidement possible et quune autre, plus heureuse, soit ouverte, et cela exige un effort particulier, un effort d’élévation au-dessus des intérêts partisans dans un contexte qui est exceptionnel. Il ya des urgences qui exigent le concours de tous. Mon appel sadresse à toutes les Maliennes et à tous les Maliens. Il sagit aujourdhui de sortir de cette crise structurelle, profonde, qui affecte le pays de manière multiforme. Mettre lintérêt du Mali au-dessus de toute autre considération, tel est le sens de lappel que jai lancé.

Le Président français Emmanuel Macron a annoncé la fin de Barkhane sous sa forme actuelle. Comment accueillez-vous cette nouvelle et quelles peuvent en être les conséquences ?

Nous avons suivi lannonce de la décision de faire évoluer lopération Barkhane. Comme vous le savez, la mission et ses activités sont déterminées en fonction du mandat qui nous a été donné. Nous coopérons évidemment avec la force Barkhane et, dans un tel contexte, toute évolution de son format induira évidemment des conséquences que nous devons prendre en compte. Un travail d’évaluation est en cours. Nous nous réjouissons de lappui que la France apporte à la MINUSMA sur plusieurs plans, non seulement en mettant à disposition des personnels qui travaillent en son sein, mais aussi à travers Barkhane. Nous nous félicitons aussi de lappui de la France au Conseil de sécurité et je pense que cet appui multiforme ne va pas changer. Ses modalités pourraient évoluer, mais je suis persuadé que le soutien de la France se poursuivra et quil restera aussi efficace quil la été jusquici.

Cette annonce peut-elle changer la dynamique de la MINUSMA à quelques jours de la fin du mandat, qui en principe doit être renouvelé et que beaucoup espèrent plus robuste ?

Les discussions sur le mandat se poursuivent au Conseil de sécurité et la nouvelle résolution devrait être adoptée à la fin du mois. Nous verrons alors quel sera son contenu. Mais je pense que le mandat de la MINUSMA, et cest un aspect sur lequel  jai beaucoup insisté lors de mes visites sur le terrain et mes interactions avec les acteurs, est  robuste. Il nous donne les moyens de mener à bien les tâches pour lesquelles la mission est déployée au Mali. Jentends certains de nos interlocuteurs dire souvent qu’ils veulent un mandat plus robuste, mais une lecture de la résolution qui nous mandate convaincra chacun que le mandat est robuste et la mission s’emploie à agir en fonction de ce mandat. Cette perception vient très certainement du fait quil y a une attente, que je comprends parfaitement, pour que la mission réponde à tous les problèmes sécuritaires qui se posent, quelle apporte une protection, partout où elle est déployée, à chaque Malienne et à chaque Malien qui est en danger. Il y a des limites évidentes. La Mission ne peut pas apporter une telle protection. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que notre action soit la plus efficace possible. Nous pensons que le mandat qui nous a été donné est suffisant et que notre action ne doit pas simplement être appréciée à la lumière du recours à la force, ce que nous faisons quand il sagit de protéger les populations civiles. Elle doit être aussi appréciée à la lumière dun certain nombre dautres activités qui concourent à la protection des civils, qu’il s’agisse du travail fait en faveur de la réconciliation intercommunautaire ou de l’appui que nous apportons à larmée malienne, très significatif, pour laider à remplir la mission qui est la sienne et aider le gouvernement à remplir ses responsabilités, dont la principale est de protéger sa population.

Une mission de paix dans un pays encore en guerre, nest-ce pas antinomique ?

Noubliez pas que nous avons été déployés pour aider à appliquer un Accord de paix. Nous opérons dans un contexte extrêmement difficile, qui a conduit au renforcement de notre mandat en 2017, précisément pour faire face à un certain nombre de menaces. Noubliez pas non plus que nous opérons aux côtés dautres forces : les FAMa évidemment, mais aussi les opérations Barkhane, Takuba et G5, qui ont un mandat plus orienté vers la lutte anti-terroriste. Dans le cadre de notre mandat, nous faisons ce qui est en notre pouvoir. Il y a certainement des choses à améliorer. Jentends, j’écoute, jinteragis de manière fréquente avec différents segments de la population malienne et je comprends les préoccupations qui sont les leurs. Croyez-moi, nous faisons ce tout pour renforcer lefficacité de nos actions. Cela dit, nous faisons déjà beaucoup, et cela nest pas suffisamment souligné.

À Aguelhok, la MINUSMA a été récemment accusée de faire fuir les populations locales. Certains l’indexent en faisant une corrélation entre sa présence et les attaques dans la zone. Comment faites-vous face à cela ?

À Aguelhok, il y a deux éléments à prendre en compte. Le premier est que notre présence apporte la sécurité. Nous devons protéger les populations locales, ce que nous faisons. Le deuxième élément est que nous subissons des attaques et que malheureusement, dans ce contexte, des populations se sont déplacées hors de la localité. Nous faisons un travail soutenu pour renforcer la confiance avec la population locale et tout un effort de dialogue est en cours. Nous avons dépêché une délégation il ny a pas longtemps. Notre bureau à Kidal et notre représentation à Aguelhok sont en contact avec la population pour encourager ceux qui ont quitté la localité à revenir. Dans l’intervalle, les humanitaires apportent une assistance aux déplacés. Je voudrais souligner que notre présence à Aguelhok vise à renforcer la sécurité des populations et que l’insécurité qui a été notée est à imputer à ceux-là mêmes qui ont attaqué notre camp au début du mois davril.

Vous avez lancé le 15 juin le projet « 50 jours pour le Centre ». En quoi consiste-t-il et quels en sont les objectifs ?

Ce projet, appelé « An ka barokè » (Dialoguons), vise à renforcer lefficacité de notre appui aux autorités maliennes, tant nationales que régionales, pour hâter la stabilisation du centre du Mali, l’une des priorités stratégiques de la MINUSMA. Nous poursuivons trois objectifs : renforcer la cohésion sociale au regard des tensions intercommunautaires que connait la région; renforcer la confiance entre lÉtat malien et les populations locales et, en troisième lieu, fournir des perspectives socio-économiques, faire en sorte que la paix se traduise par des dividendes qui profitent à la population. Nous navons pas la prétention en 50 jours de stabiliser le Centre, il faudra, pour ce faire une action s’inscrivant dans une durée beaucoup plus longue. Ce que nous voulons, c’est impulser une nouvelle dynamique qui donne une efficacité accrue à l’appui que nous apportons aux autorités maliennes. Nous tirerons  les leçons de ce qui aura été fait pendant ces 50 jours pour élaborer une action à plus long terme, beaucoup plus ambitieuse, afin de créer les conditions de la stabilisation du Centre. Je me suis rendu à Mopti à trois reprises. Jai aussi été à Bandiagara et à Douentza. Jai échangé avec de multiples acteurs et ma conviction, forte à la suite de ces réunions, est que la stabilisation du Centre est à notre portée. Nous devons pour cela œuvrer en faveur d’une appropriation malienne, d’une mobilisation des savoirs locaux, notamment en termes de médiation, ainsi que d’un appui international mieux coordonné et renforcé. Cest ce triple objectif que nous allons poursuivre, mais d’ores et déjà nous espérons pouvoir impulser une dynamique qui sera amplifiée dans la période qui suivra.

Dans le centre du Mali, notamment le pays dogon, la défiance à l’égard de la MINUSMA est très prégnante. Comment atteindre votre but dans ce contexte ?

Il est clair que le combat pour stabiliser le Centre ne peut être gagné quavec lappui des populations. Cest pour cela que jai décidé de my rendre aussi fréquemment que possible pour nouer un dialogue régulier avec les acteurs locaux, l’objectif étant de créer le climat de confiance nécessaire à la réussite de nos efforts. Évidemment, notre bureau régional et les forces de police et militaires déployées sur place font un effort soutenu dappui à la sécurisation des populations à travers un certain nombre dopérations. Je dois vous dire que lors de ma visite à Bandiagara, la semaine dernière, jai pu discuter avec différents segments de la population et je crois avoir décelé une confiance accrue en laction de la MINUSMA. La population veut une présence plus forte de la MINUSMA, pas moins. Et si elle le souhaite, cela veut dire que l’action que nous menons est perçue favorablement. Nous sommes déterminés à améliorer notre présence et nos actions autant que faire se peut.

La mise en œuvre de lAccord pour la paix est plus que jamais aujourdhui confrontée des difficultés. Le nouveau Premier ministre a parlé dune « relecture intelligente ». Comment la MINUSMA perçoit-elle cela ?

LAccord a été signé il y a six ans. Sa mise en œuvre a connu un retard considérable, cest une réalité. Dans mes interactions avec les autorités maliennes, avec les parties signataires, jai évidemment souligné limportance daccélérer la cadence. Chaque jour de retard dans la mise en œuvre se traduit par des souffrances accrues pour les populations sur le terrain et un retard supplémentaire dans la restauration de lautorité de lÉtat. Il est donc important et de lintérêt de tous daccélérer. Je me félicite de ce que les nouvelles autorités de la transition aient exprimé leur rattachement à lAccord et leur volonté den accélérer la mise en œuvre. Jai entendu les autres signataires marquer la même volonté. Dans la période qui vient, notre intention, de concert avec le chef de file de la médiation internationale, lAlgérie, est de faire ce qui est en notre pouvoir pour aider à mettre en œuvre les dispositions encore pendantes, en réalité les dispositions essentielles de lAccord, le DDR, les réformes institutionnelles et le développement du nord. Jespère que nous pourrons faire de nouvelles avancées.

Quid de la relecture ?

LAccord comporte des dispositions pour sa révision. Si les parties sentendent pour ajuster certaines de ses dispositions sur la base du mécanisme prévu à cet effet, la MINUSMA leur apportera son appui. Mais tout doit être fait dans une démarche consensuelle, parce quil sagit dun accord qui lie différentes parties.

La MINUSMA publie périodiquement des rapports sur les violations et abus en matière de droits de lHomme au Mali. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?

C’est une situation difficile et cela est parfaitement compréhensible dans le contexte sécuritaire que nous connaissons. Depuis le début de cette année, nous avons eu près de 850 cas de cas de violations et dabus, dont de nombreux enlèvements. Nous travaillons dans le cadre de notre mandat à travers les enquêtes que nous menons et tout un travail de dialogue politique avec les autorités, ainsi qu’avec dautres parties prenantes, pour nous assurer que la dimension droits de lHomme est pleinement intégrée dans ce qui se fait. Lorsque des enquêtes sont diligentées, le suivi requis est fait. Les problèmes sont connus, il ny a pas de déni de la réalité. Une action plus soutenue est requise pour queffectivement les violations soient punies. Cest un travail que nous savons complexe et pour lequel nous comptons sur la coopération des autorités maliennes.

Le Mali a-t-il besoin de la MINUSMA ?

Vous devez concevoir la MINUSMA comme une expression de la solidarité internationale envers le Mali. Elle a été déployée dans le contexte de la mise en œuvre de lAccord pour la paix. Son mandat a été ajusté pour prendre en compte dautres problématiques. Le Mali, comme dautres pays qui sont en situation de crise, a besoin de cette mobilisation internationale multiforme. La MINUSMA est un élément important de cette mobilisation, mais pas le seul. Elle se manifeste de plusieurs autres manières. Aux Nations unies, toutes les agences font un travail soutenu dans le contexte de la crise. Nous avons dautres partenaires sur le terrain. La complexité de la situation et ses implications régionales sont telles quun accompagnement international est nécessaire pour que la crise soit réglée au plus vite. LA MINUSMA a été déployée avec lassentiment du gouvernement malien et sa présence repose sur cet assentiment, car cest à sa demande du Mali que la MINUSMA est là.

Propos recueillis par Boubacar Sidiki Haidara

Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°324 du 24 au 30 juin 2021

 

Me Baber Gano : « le Mali et la France doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent»

Me Baber Gano, Secrétaire général du RPM et ancien ministre de l’Intégration africaine répond à nos questions sur la transition, l’opération Barkhane, revient sur l’actualité politique. 

Que pensez-vous de l’inclusivité du nouveau gouvernement de transition ?

Le gouvernement comporte 25 ministres titulaires et trois portefeuilles délégués. Quand on regarde l’ordre protocolaire dans l’architecture gouvernementale, on comprend que le Dr. Choguel Kokalla Maïga a mis les priorités sur le ministre de la défense qui est le numéro un après le premier ministre, ensuite il y a le ministère de la justice puis on a le ministère de la refondation. Cela annonce déjà les priorités du gouvernement : la sécurité, la justice et la refondation. Cela est un bon signal. En ce qui concerne l’attelage, des consultations ont été menées, au souhait du premier ministre, compte tenu des recommandations de la CEDEAO et de la classe politique pour un gouvernement inclusif. Notre surprise fut grande lors de la publication de la liste du gouvernement. Cette attente de la CEDEAO n’a pas été comblée. Le gouvernement, à mon avis, n’a ni été inclusif entre les membres du M5 ni avec les partis politiques d’autres bords. Le gouvernement n’a pas pris en compte les attentes de la CEDEAO et de la classe politique, qui voulaient accompagner une transition avec beaucoup plus de détermination et d’engagement pour la réalisation des réformes et l’organisation d’élections crédibles et transparentes dans les délais prévus. Qu’à cela ne tienne, notre souhait aujourd’hui est de toujours rester dans cet accompagnement de la transition. Nous ne sommes pas intéressés que par des postes ministériels, mais bien aider le Mali à sortir de ce labyrinthe.

Emmanuel Macron met fin à l’opération Barkhane dans un contexte sécuritaire toujours préoccupant. Quelle devrait être la réaction du gouvernement?

Je regrette le durcissement du ton de la France. La France est et restera le partenaire le plus privilégié pour le Mali dans la lutte contre le terrorisme. En 2013, n’eût été l’intervention de la France, le Mali allait tomber dans les mains des djihadistes. Cette intervention française était une manière de payer une dette morale vis-à-vis du Mali. La France et le Mali doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent. Il y a divergence sur deux questions : la présence militaire française et le dialogue avec certains groupes djihadistes. Et pour Emmanuel Macron il est inconcevable de discuter avec ceux-là qui tuent les siens. Mais discuter ne signifie pas forcément que nous allons vers l’impunité. Personnellement, je propose un référendum sur  les deux questions, à savoir la présence française au Mali et le dialogue avec les djihadistes Nous avons la légitimité de dialoguer avec les djihadistes, parce que c’est une recommandation du DNI, mais nous pouvons aussi avoir la légalité constitutionnelle. Nous devons donc réchauffer les relations diplomatiques et ne pas laisser la situation se cristalliser davantage. Cela n’est de l’intérêt pour personne.  Il faut qu’on discute dans un cadre bilatéral, ramener les questions de divergences telles que la présence militaire française, le dialogue avec certains groupes djihadistes et même l’Accord pour la paix afin de se rassurer mutuellement dans le respect de la souveraineté nationale, car la France a besoin de garantie. C’est ce que le  gouvernement de Choguel devrait faire.

Le Premier ministre a promis des audits pour bientôt. Est-ce qu’une chasse aux sorcières envers les anciens membres de la majorité présidentielle est à craindre ?

Je ne pense pas que cela soit sa vision. Il prend des mesures pour une bonne gouvernance et pour ce faire il faut lutter contre la corruption et la délinquance financière. Cependant auditer ne commence pas seulement par les membres de l’ancienne majorité. Il peut remonter à plus de 15 ans ou 20 ans. Si on veut assainir la vie publique, cela ne se limite pas seulement à une gestion de l’ancienne majorité d’Ibrahim Boubacar Kéïta.  Certes nous avons été les anciens dirigeants à gérer, mais nous ne craignons rien.

Le RPM semble désormais être le seul parti à tirer le train « EPM ». Plusieurs partis n’y sont plus membres…..

Je ne suis pas le président de l’EPM mais mon parti a joué un rôle de colonne vertébrale avant les événements du 18 août. Je regrette aujourd’hui que le regroupement vole en éclats. Je pense que raisonnablement cette coalition doit s’interroger sur de nouveaux objectifs. Après la chute d’Ibrahim Boubacar Keita, l’’EPM aurait du réfléchir pour repartir sur de nouvelles bases parce que c’est un regroupement de partis mis en place pour soutenir la majorité présidentielle de l’époque. Et IBK n’étant plus aux affaires, on ne peut pas faire du IBK sans IBK. Dans le préambule de ce regroupement politique, il est clairement dit que la soixantaine de partis se mettaient ensemble pour « apporter au président IBK une majorité présidentielle et parlementaire ». Donc à mon avis après le coup d’Etat du 18 août, les relations politiques devaient être rénovées pour qu’on sache les nouvelles priorités pour un horizon donné, quitte à changer le nom « EPM ». Certains partis ont décidé de rester, mais jusqu’à quand ? On n’a pas encore fini avec les saignées, il faut certainement s’attendre à d’autres départs tant qu’on ne change pas les objectifs. Mais le RPM en est toujours membre.

Comment va le RPM?

Le RPM se réorganise pour se restructurer. Le coup d’Etat nous a refroidi et aujourd’hui les militants ont compris que nous devons travailler à ressouder les rangs. Et nous allons nous présenter aux élections futures.

Propos recueillis par Boubacar Diallo

La version courte de cet article a été publiée dans Journal du Mali l’Hebdo n°323 du 17  au 23  juin 2021 

Transition : Le coup de Jarnac

Décidément, Kati ne finira jamais de faire peur à Bamako. Le 25 mai, le Vice-président a démis de ses fonctions le Président de la transition et le Premier ministre. Décision motivée, selon Assimi Goïta, par le non respect de la Charte de transition, le manque d’inclusivité dans la formation du nouveau gouvernement et la tension sociale. Cette situation plonge le Mali dans une nouvelle crise aux conséquences incertaines.
 
 « Deux êtres nous manquent et tout est dépeuplé ». Voilà ce que pourrait être le soupir des membres de l’ex CNSP (Comité national pour le salut du peuple), à la place d’Alphonse de Lamartine. Les militaires, visiblement mécontents de la mise à l’écart de deux des leurs dans le second gouvernement du Premier ministre Moctar Ouane, n’ont pas tardé à agir. Un gouvernement dont la vie a été écourtée, moins de 24 heures, par le Vice-président de la transition, Assimi Goïta. Parce que les postes de ministres de la Défense et de la Sécurité, initialement occupés par deux ténors de la junte, les colonels Sadio Camara et Modibo Koné, ont été assignés à deux généraux sans consultation préalable de Goïta. Et le Vice-président, qui est « un légaliste », ne peut tolérer cette « indignité » et ce manque d’inclusivité, qui « viole l’esprit de la Charte de la transition », a-t-il affirmé dans un communiqué. Venu au pouvoir par la voie des armes le 18 août dernier, il « s’est vu dans l’obligation d’agir pour préserver la Charte de transition et défendre la République », en plaçant « hors de leurs prérogatives le Président et son Premier ministre, ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation ».
Coup d’État?
« Coup de force », « coup de pression », « coup d’État », « malentendu », les qualificatifs sur la situation malienne vont bon train et diffèrent selon les acteurs. Pour le Président français Emmanuel Macron, c’est « un coup d’État dans un coup d’État ». La CEDEAO, par contre, adopte un ton moins énergique, parlant de « malentendu lors de la mise en place du gouvernement ».
À Kati depuis le 24 mai, le Président de la transition Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane ont démissionné le 26 mai. Très probablement sous la contrainte, comme ce fut le cas en août 2020 avec le Président Ibrahim Boubacar Keita et le PM Boubou Cissé. Pour l’analyste politique Ballan Diakité, il n’y a pas d’équivoque.
« Ce qui s’est passé est un coup d’État dans un coup d’État. ». Comment en sommes-nous arrivés là ?
«  Dans sa déclaration, le Conseiller spécial du Vice-président Assimi Goïta a fait état du non-respect de la Charte de la transition par le Président Bah N’Daw et son Premier ministre, ce qui serait la raison de leur départ forcé. Mais il faut dire qu’on est dans le non-respect du cadre légal depuis le 18 août. C’est la Constitution qui n’a pas été respectée par les membres du CNSP. Et, aujourd’hui, on se plaint que le Premier ministre et son Président n’aient pas respecté le cadre légal », poursuit Ballan Diakité.
Dr. Boubacar Haïdara, chercheur associé à l’Institut d’études de Bordeaux, abonde dans le même sens. « En agissant ainsi, Assimi Goïta, qui se proclame au pouvoir, respecte-il la Charte de la transition ?  Cette dernière est claire, en aucun cas le Vice-président ne peut remplacer le Président de la transition. Nous ne sommes pas dans un processus légalitaire. On a la junte, qui a des armes et qui fait la loi». Pour Boubacar Salif Traoré, ce qui s’est passé est motivé par l’instinct de survie des ténors de la junte, qui semble menacé. « En les ayant sortis du gouvernement sans leur donner une garantie de protection, en termes de responsabilité ou autre, ils se sont sentis quelque part exposés. Et c’est aussi par instinct de survie qu’il y a eu le processus qui est en cours actuellement ».
Quelles conséquences?
 Il ne reste que neuf mois à la transition pour conduire les grandes réformes politiques et institutionnelles, ainsi que les élections générales, en vue de la normalisation de la situation politique. Et le coup porté par Assimi Goïta et les siens au processus augure de lendemains incertains pour le Mali. Prolongation du délai de la période transitoire, rapports de force avec la communauté internationale, sanctions, crise politico-sociale, la situation est très confuse. La communauté internationale brandit le chiffon rouge des sanctions, qu’elles soient ciblées ou générales. Et, à ce titre, généralement elles sont connues. Des gels de passeports diplomatiques ou des avoirs des ténors de la junte pourraient intervenir. Le Mali pourrait aussi être suspendu des institutions internationales ou sous-régionales et ne plus bénéficier de l’aide internationale au développement, comme cela avait été le cas en août 2020. Le 26 mai, les USA ont déjà suspendu leur aide à l’armée malienne et brandi la menace de sanctions ciblées contre les protagonistes. Après avoir rencontré le Vice-président de la Transition, l’émissaire de la CEDEAO doit rendre compte à Félix Tshisekedi, président de l’Union africaine, et à Nana Akufo-Addo, président de la CEDEAO. Une réunion des dirigeants de la CEDEAO est prévue dans la foulée pour statuer sur le cas du Mali. Cependant, plusieurs facteurs pourraient édulcorer la rigueur de ces sanctions.
« Aujourd’hui, la communauté internationale est beaucoup plus regardante sur plusieurs aspects. On ne peut pas condamner le Mali uniquement pour ce que ses militaires font. On regarde aussi la situation assez critique de la population malienne, qui vit une crise sécuritaire et une situation économique très difficile depuis 2012 », explique Ballan Diakité. Boubacar Salif Traoré est du même avis.
« La communauté internationale n’a pas une très grande marge de manœuvre. Depuis quelques années, elle joue sa crédibilité au Mali. Elle s’est déployée en masse dans le pays et les résultats ne sont pas là. Le pays est en position très fragile. Et la communauté internationale, en voulant adopter une position assez rigide, risque de provoquer un effondrement du peu qui reste, combiné à la situation tchadienne. Le Sahel risque un embrasement généralisé, qui peut avoir des conséquences dramatiques non seulement sur les pays européens mais aussi au-delà, avec des crises migratoires. Donc la communauté internationale a intérêt à trouver des équilibres, à favoriser le dialogue et à trouver un compromis pour permettre à la transition de continuer ».
Les 18 mois de la transition pourrait être prolongés au regard du contexte sociopolitique actuel. Selon le chronogramme électoral initial, le premier tour de l’élection présidentielle, couplée aux législatives, est prévu pour se tenir le 27 février 2022. Dans sa déclaration à la Nation lue par son Conseiller spécial, le commandant Baba Cissé, Assimi Goïta affirme que les élections vont se tenir « courant 2022 ».
Des assurances répétées à l’émissaire de la CEDEAO, Goodluck Jonathan, lors de leur rencontre le 25 mai. Toutefois, des questions demeurent, avec cette instabilité constante. « Ce qui prime à mon avis n’est pas le délai des élections, mais plutôt d’un retour à la normale. La promesse de tenir les élections aux dates indiquées s’éloigne de plus en plus. Parce que la situation qui intervient nous fait revenir à la case départ. Et, comme leur attitude l’a montré, les militaires putschistes n’ont pas intérêt à aller aux élections le plus rapidement possible », explique Dr. Boubacar Haïdara.
« Personnellement, je ne crois pas du tout que des élections puissent se tenir aux dates communiquées, sauf si on nous emmène à faire des élections bâclées. Et une élection bâclée, cela va encore nous emmener dans une situation de crise, comme nous l’avons vécu au temps d’IBK avec les élections législatives », pense pour sa part Ballan Diakité. Selon Boubacar Salif Traoré, « tout va dépendre du temps qui sera pris pour la normalisation de la situation. Si c’est une crise qui perdure, il y a un fort risque à ce que ça soit repoussé.  Et, à mon avis, le second scénario risque de l’emporter sur le premier.»

 

Quel scénario?
 Des tractations sont en cours depuis la nuit du 24 mai. Et, selon plusieurs sources concordantes, le scénario qui se dessine pourrait être celui d’une primature donnée au M5-RFP. Bon ou mauvais choix ? Les militaires ont la main basse sur l’État. Et Bah N’Daw, en voulant s’affranchir de la tutelle d’Assimi Goïta, a tout simplement été écarté, comme Amadou Aya Sanogo l’avait fait en 2012 avec le Premier ministre de la transition Cheick Modibo Diarra. Le M5 est divisé sur la question. Certaines entités qui le composent ont condamné les évènements en cours, mais le Comité stratégique a attendu dans la soirée du mercredi 26 mai pour s’exprimer. Il dit rester attaché à ses 17 mesures contenues dans les 10 points de son mémorandum et maintient son appel à manifestation le 4 juin. «La seule attitude du M5 devrait être tout simplement de condamner ce qui vient de se passer et de n’engager aucune discussion avec le CNSP (officiellement dissout le 25 janvier) en l’état actuel de la situation. Le CNSP a besoin de soutiens et il va les chercher auprès du M5, qui semble n’avoir rien retenu des leçons du passé. Et, même en acceptant la Primature, le M5 est-il sûr de pouvoir mettre en application ses dix recommandations, face à des militaires qui ont la mainmise sur le pouvoir ? », s’interroge le Dr. Boubacar Haïdara. Le chercheur Mohamed Ag Ismaël est du même avis. « Les putschistes tentent de rectifier leur erreur en s’approchant du M5-RFP, des partis politiques et de la société civile, pour légitimer leurs actions et préparer les élections générales. Mais cela dépendra de l’offre proposée ».
Ballan Diakité est optimiste. « La politique est le champ de tous les possibles. Aujourd’hui, le M5 est la seule force politique capable de tenir tête à ces militaires-là, compte tenu de sa constance dans sa dynamique de contestation. Si les autorités militaires veulent quand même travailler avec lui, elles ne doivent pas ignorer l’ensemble de leurs recommandations, notamment la dissolution du Conseil national de transition (CNT) ».
Boubacar Salif Traoré pense que  le bicéphalisme à la tête du pays ne marchera pas. Nommer un Premier ministre civil pour ensuite diriger dans l’ombre provoquera toujours des situations de crise. « Si le Vice-président se sent en mesure d’assumer la responsabilité de la tête de la transition, en concertation avec les acteurs impliqués, je pense que, pour la stabilité du pays, c’est une hypothèse à ne pas écarter. Je suis convaincu que le bicéphalisme à la tête de l’État ne marchera pas». De toutes les façons, depuis le 18 août et la chute d’IBK, la réalité du pouvoir est entre les mains de Goïta.

 

 

Boubacar Diallo

 Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°320 du 27 mai au 02 juin 2021 

Mali – Parrainages électoraux : Une source de corruption ?

Le sujet est brûlant au Sénégal voisin. Le 28 avril dernier, la Cour de justice de la CEDEAO, saisie par le parti Union sociale libérale en décembre 2018, a jugé que le système de parrainage adopté pour la présidentielle de 2019 violait «  le droit de libre participation aux élections ». À quelques mois de la présidentielle au Mali, et à l’heure des réformes politiques et institutionnelles, cette décision fait ressurgir dans notre pays le débat sur le parrainage des candidatures. Un parrainage que certains jugent non seulement discriminatoire mais aussi facteur de situations de corruption.

L’article 149 de la loi N°2016-048 du 17 octobre 2016, portant loi électorale, modifiée en 2018, le stipule clairement. Lors de l’élection du Président de la République, pour être validée par la Cour Constitutionnelle « chaque déclaration (de candidature, ndlr) doit recueillir la signature légalisée d’au moins dix (10) Députés ou cinq (05) Conseillers communaux dans chacune des régions et du District de Bamako ».

Si en général cette disposition ne pose pas d’obstacles aux « grands candidats », elle écarterait de facto certains autres citoyens désireux d’aller à la conquête du pouvoir.

Facteur de corruption ?

Mme Abidine Rakia Alphadi, Malienne de la diaspora qui avait longtemps affiché sa volonté de participer à la présidentielle de 2018, avait fini par se désister à cause d’un système de parrainage qu’elle ne voulait pas « cautionner ».

La Présidente de l’ONG ARCA-International avait d’ailleurs porté plainte devant la Cour de justice de la Cedeao contre ce « système mafieux » de parrainages. « Le parrainage sert juste à acheter des parrains, des signatures d’élus surtout, pour faire valider une candidature à une élection présidentielle», fustige-t-elle.

Loin de partager cet avis, Mamadou Traoré, Président du parti Union An ka bolo di gnogon ma, le plus jeune candidat à l’élection présidentielle de 2018, estime que pour avoir une certaine légitimité il faut se faire parrainer.

« Le parrainage en soi n’est pas mauvais. Je pense qu’il faudra que les candidatures soient parrainées parce que cela témoignera du fait qu’on n’est pas seul à concourir à la fonction de Président de la République », affirme-t-il, assurant par ailleurs n’avoir pas personnellement vécu des situations de corruption, sa candidature « ayant suscité de l’engouement à cause de son courage et de son engagement pour le Mali ».

Mais, lors de la compétition électorale de cette année-là, l’analyste politique Boubacar Salif Traoré, qui avait accompagné un candidat, confie avoir vu « beaucoup de négociations autour des parrainages ».

« Il y a effectivement le fait que certains élus monnayent ce précieux document, qui permet au candidat de valider sa candidature de manière officielle. Certains maires et députés n’hésitent pas à prendre des sommes assez conséquentes pour donner leurs parrainages », témoigne-t-il.

« Cela fait que dans nos démocraties cette situation de parrainage est assez compliquée, dans la mesure où, au lieu de renforcer la démocratie, malheureusement elle affaiblit le processus démocratique. Elle a des conséquences très fâcheuses et assez déplorables », regrette par ailleurs le Directeur du cabinet Afriglob Conseil.

Système de grands parrains?

La question du parrainage pour l’élection du prochain Président de la République pose aujourd’hui au Mali un autre problème. En lieu et place d’une Assemblée nationale, il y a d’une part un Conseil national de Transition dont les membres n’ont pas le statut de députés et de l’autre des maires dont les mandats ont été prolongés à cause de la non tenue des élections communales.

« Je ne pense pas que les membres du CNT soient habilités à parrainer des candidatures, parce qu’ils ne disposent pas de la légitimité populaire. Ces parrainages n’ont de sens que si les personnes bénéficient d’une légitimité issue des urnes », affirme Boubacar Salif Traoré.

Selon lui, dans le cadre de la présidentielle de 2022, il va donc falloir réfléchir pour trouver « un système de grands parrains » au sein de la population. « Des personnes reconnues comme étant à la tête de grandes associations et jouissant d’une bonne moralité », le tout sous le « regard très strict et très vigilant » de l’État.

Germain Kenouvi

Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°318 du 13 au 19 mai 2021 

Lamine Savané : « à l’allure où vont les choses, la probabilité de tenir les 18 mois est un mirage »

Alors que la CEDEAO tient ce 23 janvier un sommet sur la transition au Mali,  le chercheur Lamine Savané en explique les enjeux.

La CEDEAO tient ce 23 janvier un sommet sur la transition au Mali, est-ce pour eux l’occasion de demander des clarifications ou de remettre un coup de pression sur les autorités de la transition ?

On ne peut pas dire que le début de cette transition,5 mois après le coup d’État qui a mis fin au pouvoir d’IBK soit une réussite parfaite eu égard aux premiers actes politiques posés. Les désignations du président de la Transition Bah N’Daw ou du Premier ministre MoctarOuane, ont été l’occasion d’âpres négociations de même que la Composition du gouvernement. Par rapport aux 18 mois fixés pour la transition, il ne reste qu’un an. C’est donc normal que la CEDEAO vienne s’enquérir de l’avancée des objectifs fixés, dont le principal reste l’organisation d’élections libres et transparentes pour le retour d’un pouvoir civil. Pour le moment, on ne voit pas l’ébauche d’un travail qui peut faire espérer la tenue de ce délai. La CEDEAO est l’organisation qui est censée faire respecter l’accord, sur ce point elle est dans son rôle. On en saura un peu plus dans 6 mois.

La feuille de route de la transition est assez ambitieuse et donnerait quelque part l’air d’un programme présidentiel, tant les chantiers prévus pour être exécutés sont immenses. L’idée de « refondation de l’Etat » qui s’en trouve au cœur n’a pas véritablement débuter, ce qui peut donner l’impression que la transition est partie pour durer au-delà des 18 mois précédemment fixés. Il s’agit là d’une éventualité que la CEDEAO ne voudrait pas voir s’opérer, d’où cette réunion qui ressemble effectivement à un coup de pression sur les autorités de la transition.

Lors de la dernière visite de l’émissaire de la CEDEAO au Mali, le M5-RFP lui a brossé un tableau bien sombre de la situation, cette stratégie peut-elle s’avérer payante pour le mouvement ?

La CEDEAO n’a pas besoin du M5-RFP pour s’apercevoir de la situation critique que traverse le Mali, car contrairement à ce que l’on peut penser, ils sont bien plus informés. On a tendance à penser naïvement que le Mali se limite à Bamako. Mais en dehors de Bamako où la sécurité est plus ou moins relative (les différents braquages qui ont couté la vie à des usagers à l’approche des fêtes de fin d’année), la sécurité est-elle revenue ? J’en doute fort. Sans parler du nord et du centre, sur la rive gauche de Ségou à 230 km de Bamako, les djihadistes font régner la loi.  Les écoles sont fermées, des bureaux de vote ont été saccagés lors des dernières élections législatives etc. La situation de Farabougou à côté du cercle de Niono est illustrative de ce tableau sombre. De plus, les différentes arrestations en dehors de tout cadre légal (point qui a été soulevé dans le communiqué final de La CEDEAO), pour tentative de coup d’état, font référence à des périodes autoritaires qu’on pensait révolues au Mali. Manifestement, l’histoire se répète beaucoup au Mali.

Dans ces conditions, ce n’est pas le M5-RFP non plus qui va faire le « service après vente » pour le gouvernement après tout le traitement dont il a été l’objet de la part du CNSP. De « partenaire stratégique », il est passé au statut de « partenaire  à abattre », au sens politique du terme. Le M5-RFP pensait que la primature lui reviendrait en raison du rôle qu’il a joué dans le changement de régime (qui jusque-là ne semble pas se traduire par un changement de système de gouvernance). Mais au final ses membres se sont aperçus que la demande des CV de la part du CNSP (plusieurs candidatures envoyées) n’était rien d’autre qu’une énième manière de les humilier.Il y avait déjà une stratégie politique qui était bien pensée, et qui consistait à débaucher un à un les membres du M5-RFP, même s’il a été constaté que certains de ses membres, se rendaient régulièrement à Kati auprès des putschistes, une manière pour eux de solliciter ces derniers. Les militaires n’ont peut-être pas parachevé le travail du M5-RFP, en revanche, ce qui est sûr,c’est qu’ils ont parachevé celui d’IBK. La posture du M5-RFP me semble donc logique. Le temps nous dira quelle stratégie a été payante, celle de s’associer avec le CNSP ou celle rester fidèle à l’idéal du M5-RFP qui est l’exigence d’un vrai changement, c’est à dire la fin de l’impunité et de l’injustice, pour un réarmement de l’Etat malien.

Le manque d’inclusivité et de clarté lors de cette transition est très décriée alors qu’il ne reste que 14 mois, est-il possible de voir une prolongation de cette transition ?

Dire que la stratégie de cette transition n’est pas claire est un doux euphémisme. À l’allure où vont les choses, la probabilité de tenir les 18 mois est un mirage. Nous pensons que cette transition va les déborder largement et qu’il y a un agenda caché. C’est peut-être la raison pour laquelle la CEDEAO veille au grain. Et le CNSP ne semble pas aussi pressé que cela, à organiser des élections pour retourner dans les casernes. Or, la révision du fichier électoral doit commencer maintenant pour pouvoir tenir le délai. Mais peut être que tout ceci n’est qu’une grossière orchestration visant à mettre l’opinion publique nationale et internationale devant le fait que le temps imparti (18 mois) est finalement insuffisant, et qu’il faille nécessairement le prolonger.

D’autres questions semblent prioritaires pour la transition, comme la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, issu du processus de paix, alors même que beaucoup de voix s’élèvent pour le décrier. Pour Nicolas Normand, ancien Ambassadeur de France au Mali, l’Accord d’Alger a créé plus de problèmes qu’il n’en a réglés. À notre humble avis, les autorités de la transition doivent se focaliser sur l’organisation d’élections crédibles et transparentes, tout en restant impartiales. Le candidat issu de ces élections aura toute la légitimité (s’il est bien élu) de se prononcer sur l’Accord ainsi que toutes les réformes qui s’imposent. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs.  D’autres questions comme la sécurité, le fléau du djihadisme, la lutte contre la Covid19, la fin de l’impunité et de l’injustice etc. nous semblent plus prioritaires que la mise en place de l’Accord. Cela dit, certains actes du gouvernement sont à saluer, notamment celui du Ministère de la Communication et de l’Economie numérique, qui a procédé à la radiation de faux diplômés en son sein. Ce genre de mesure doit se généraliser. La fin de l’impunité pour tous est la seule règle qui vaille dans une République.

De nombreux politiquent plaident pour un organe unique de gestion des élections, cela pourrait-il régler les problèmes électoraux ?

Les problèmes du Mali sont tels que la transition ne pourra les résoudre tous bien évidemment. Encore moins le régime qui viendra après les élections. En revanche, la transition est une occasion formidable pour bâtir de bonnes bases pour le Mali de demain. Pour les élections à venir, la mise en place d’une commission indépendante acceptée par tous les protagonistes peut-être une piste. Mais des élections justes et crédibles nous semblent être un préalable. Car, mettre frauduleusement en place un président qui n’incarne pas la volonté de son peuple, peut se heurter perpétuellement à des blocages tels que nous l’avons vu avec IBK. La mise en place d’un organe indépendant est indispensable à l’organisation d’élections crédibles. Mais qu’est-ce que nous constatons dans les faits ? La mainmise des militaires sur le ministère de l’administration territoriale (qui organise les élections), combinée à la nomination des gouverneurs régionaux militaires (13/20) qui sont les représentants de l’exécutif dans les régions (qui supervisent donc les élections) démontrent très clairement que le CNSP (ou ex-CNSP) ambitionne de peser sur les prochaines élections.  Les défis à relever sont énormes pour les prochaines décennies, pour peut-être, sauver le Mali. Mais que les dirigeants de la transition jouent déjà leur partition.

Mali – Transition : la CEDEAO insiste sur l’achèvement de toutes les tâches dans le délai de 18 mois

La mission d’évaluation de la CEDEAO sur la transition au Mali conduite par Gooluck Jonathan a prit fin hier mardi. A l’issue des deux jours de mission, l’émissaire de la CEDEAO  a assuré avoir foi dans le fait que l’équipe de transition sera en mesure d’achever toutes les tâches qui lui sont confiées dans le délai de 18 mois. En revanche, « la Cédéao est très préoccupée » par les récentes accusations de tentative de déstabilisation ou de coup d’Etat mettant en cause plusieurs personnalités, dont l’ancien Premier ministre Boubou Cissé, et insiste « pour que les personnes qui n’ont rien à voir avec cette rumeur ou bien cette tentative de déstabilisation puissent être libérées le plus rapidement possible » a t-il ajouté. Dans le communiqué publié à l’issue de la visite, la CEDEAO insiste sur la nécessité de renforcer les concertations à travers un dialogue plus ouvert à l’ensemble des parties prenantes pour assurer un processus de transition inclusif.

Mali – CEDEAO : Goodluck Jonathan à Bamako ce 11 janvier pour faire le point sur la transition

Le médiateur de la CEDEAO au Mali, Goodluck Jonathan sera à Bamako ce 11 janvier 2021 pour une visite de deux jours dans le cadre du suivi des décisions de la conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO sur le Mali. Il sera accompagné par la ministre des Affaires étrangères du Ghana Shirley Ayorkor Botchway et par le président de le commission de la CEDEAO, Jean-Claude Kassi Brou. Au cours de son séjour, le médiateur rencontrera les autorités de la transition, la classe politique ainsi que la société civile et aura une séance de travail avec la CENI, la DGE. Cette visite serait en prélude à un vaste sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO sur la transition au Mali qui se tiendra le 23 janvier au Nigéria.

Transition : après la cérémonie d’investiture, la CEDEAO fait le point

Le médiateur de la CEDEAO, Goodluck Jonathan a animé ce vendredi une conférence, quelques minutes après la cérémonie d’investiture pour faire le point. Il a d’abord félicité le peuple malien ainsi que le président et vice-président pour l’évènement, et le CNSP qualifié de  »défunt » pour leur rapport avec la CEDEAO. Par la suite, le Jean Claude Brou, président de la commission de la CEDEAO a lu une déclaration signée du médiateur Goodluck Jonathan dans laquelle il est annoncé la levée des sanctions après la nomination d’un Premier ministre civil. Jonathan a néanmoins ajouté concernant les sanctions qu’elles sont tributaires de la position de la CEDEAO sur la vice-présidence. L’ancien président du Nigéria s’est fait écho de l’appel lancé par le procureur général  demandant la libération des détenus ou leur mise à disposition à la Justice. Il a conclu que l’instance n’a pas de problème à ce que des militaires servent dans le futur gouvernement de la transition.

Transition : le CNSP fait le point du sommet avec la CEDEAO

Après le compte-rendu du mini sommet extraordinaire du 15 septembre fait par plusieurs chefs d’Etat, c’est désormais au tour du CSNP de se prêter à l’exercice. Le comité a organisé une conférence de presse ce mercredi pour faire le point sur le déplacement à Accra. « Nous étions à Accra avec deux objectifs: partager avec les chefs d’Etat de la CEDEAO les conclusions des concertations nationales et voir avec eux la levée des sanctions sur le Mali ». Les chefs d’Etat de la communauté ont conditionné la levée des sanctions à la désignation d’un président et d’un Premier ministre civils pour conduire la transition. Le CSNP a bien tenté de plaider une autre voie, en vain. « Nous avons dit à la CEDEAO que nous sommes au service du peuple. Dans la mesure où la majorité a parlé d’une transition militaire, nous avons suggéré que l’on puisse aller dans ce sens. La CEDEAO a refusé » confie le colonel-major Ismael Wague, porte-parole du CNSP. La communauté a brandi la menace d’un embargo total pouvant rapidement asphyxier le pays. Ce à quoi les militaires ont répondu : « nous avons compris, mais nous ne pouvons décider sur place ». Le colonel-major a conclu en affirmant que leur « intention avouée est d’être du coté de la majorité du peuple mais cette possibilité dépendra d’autres facteurs que nous comprenons et avons intégré ».

Fermeture des frontières : De nombreux impacts

Les mesures  de fermeture des frontières prises par le Comité national de salut du peuple (CNSP) le 19 août 2020 et celles de la CEDEAO suspendant les échanges économiques avec le Mali ont des effets immédiats sur notre économie. Mais l’engagement  du CNSP d’offrir les bases d’un nouveau départ pourrait permettre de juguler les conséquences économiques et sociales de cette situation.

Sur le plan purement financier, fermeture des trois agences de la BCEAO. En termes d’émission de monnaie ou de transfert de fonds entre les banques ou les opérateurs économiques du Mali et ceux de l’extérieur, les opérations pourront enregistrer des retards, tout comme pour ceux qui doivent recevoir des paiements, explique M. Kassoum Coulibaly, économiste.

L’autre risque est constitué par les contraintes pour les ménages à faire face à leurs besoins de consommation. Ce qui un impact direct sur le chiffre d’affaires des entreprises. Pour le Mali, pays importateur par excellence de denrées de première nécessité, la fermeture des frontières pourrait signifier un déficit d’approvisionnement et l’épuisement des stocks disponibles.

La  spéculation et son impact sur les produits pétroliers et le coût de l’énergie pourraient avoir des effets collatéraux ou accentuer les tensions sociales.

Changement positif ?

Les mesures prônées par la CEDEAO peuvent impacter négativement notre économie, mais pas au point de l’asphyxier, assure le Dr Sékou Diakité, enseignant-chercheur à la FSEG. Parce que le pays échange aussi avec deux pays voisins non membres de l’organisation. Mais, pour ne pas nuire à la bonne santé de l’économie, « le pouvoir doit mettre en place une équipe gouvernementale qui rassure tout d’abord le peuple et rouvrir les frontières », ajoute-t-il.

Il faut aussi envisager des mesures de rationnement et sécuriser les provisions en attendant de trouver des mesures de facilitation, suggère M. Coulibaly. Le repli de la communauté internationale et des investisseurs potentiels sont des conséquences à court terme, mais elles pourraient avoir un revers positif si le CNSP donnait des gages de confiance en transmettant le pouvoir aux civils dans la transparence. Une situation qui pourrait conduire à marquer un point dans la lutte contre la corruption dans un pays qui perd environ 100 milliards de FCFA par an à cause d’elle.

Pour inverser ces effets, les partenaires du Mali doivent comprendre qu’ils sont là pour le peuple et que l’amélioration de la gouvernance visée doit être accompagnée, explique le Dr Abdoulaye Touré, économiste. Le peuple doit être aidé afin de réduire ses souffrances.

CEDEAO : Sommet extraordinaire des chefs d’Etat sur la situation au Mali

Un sommet extraordinaire des Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se tiendra le jeudi 20 août 2020, sur la situation sociopolitique au Mali.
Ce Sommet, devant se tenir en vidéoconférence, a été convoqué à la suite du coup d’État militaire intervenu en République du Mali. La CEDEAO a condamné avec une grande fermeté le renversement du gouvernement démocratiquement élu, qui constitue une violation du Protocole additionnel de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne gouvernance.
La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO a joué un rôle de médiateur dans la crise sociopolitique et organisé plusieurs missions de médiation au Mali, pour faciliter un retour à la paix.

Eco : Risques de scission

La menace d’une dislocation de la zone CEDEAO est désormais brandie par le Président nigérian Muhamadou Buhari. Dans des tweets publiés le 23 juin, il a déclaré que la volonté de certains États membres de la zone UEMOA de passer à l’Eco avant les autres pays de la CEDEAO lui « donne un sentiment de malaise ».

La future monnaie commune de la zone souffre déjà d’un clivage entre pays anglophones et francophones, et même d’un manque de confiance, selon le Président Buhari, qui estime « inquiétant qu’un peuple avec lequel nous souhaitons nous associer prenne des mesures importantes sans nous faire confiance pour la discussion ».

Alors qu’il avait demandé en vain le report de la date de lancement de l’Eco, maintenant compromise par la crise de la Covid-19, le géant de la sous-région ouest-africaine (70% de son PIB) n’entend pas adhérer à la monnaie commune sans des garanties sur ses enjeux stratégiques.

Outre les critères de convergence, que la majorité des pays ne remplit pas encore, le Nigeria souhaite faire de l’Eco une monnaie garantissant la souveraineté, la prospérité et la crédibilité de la zone UEMOA, sans lesquelles elle ne tiendra pas.

Fatoumata Maguiraga

Mali – Crise politique : La CEDEAO s’implique pour une solution

La CEDEAO a envoyé jeudi 18 juin une mission de médiation au Mali afin de trouver des solutions à la crise politique que traverse le pays. Après le premier ministre Boubou Cissé, c’est à huis-clos qu’elle a rencontré le Mouvement du 5 juin, l’imam Mahmoud Dicko et la majorité présidentielle.

La rencontre ressemblait au bal des patients chez le médecin traitant. Tour à tour, dans un hôtel de Bamako, les principaux acteurs de la crise politique ont été reçus par la CEDEAO, déléguée pour, officiellement, écouter les différentes parties et trouver un compromis. « Il y a en ce moment un défi politique, social au Mali. Donc, en tant que président de la Cédéao, le président (du Niger Mahamadou Issoufou) nous a chargés de nous y rendre pour essayer de faire de la médiation », avait expliqué auparavant sur la radio d’Etat du Niger le ministre des Affaires étrangères du Nigeria, Geoffrey Onyeama.

Cependant dans les faits, c’est surtout pour demander au Mouvement du 5 juin d’annuler sa manifestation de ce vendredi 19 juin appelant le Président IBK à la démission, impossible selon les organisateurs. « La position du M 5 à la date d’aujourd’hui est l’exigence de la démission du président de la République et de son régime. Nous avons indiqué très clairement à la CEDEAO qu’il nous est pratiquement impossible sur le plan organisationnel de reporter le grand rassemblement patriotique du vendredi 19 juin », a expliqué Choguel Maïga, Président par intérim du Front pour la Sauvegarde de la démocratie (FSD).

Durant une heure de temps, l’imam Mahmoud Dicko s’est entretenu avec la délégation de la CEDEAO, mais n’a pas souhaité s’exprimé à sa sortie.

La majorité présidentielle était représentée par le DR. Bocar Treta. Il confie que la CEDEAO est au Mali afin de connaitre les préoccupations de toutes les parties prenantes. « Nous avons expliqué notre lecture, ils l’ont enregistrée et vont certainement nous revenir. C’est à ce moment-là qu’on pourrait essayer de dégager les principales pistes de sortie de crise. »

La délégation de la CEDEAO comprend les ministres des Affaires étrangères nigérien et ivoirien Kalla Ankourao et Ally Coulibaly, ainsi que le président de la Commission de la CEDEAO, Jean-Claude Kassi Brou. Elle va également rencontrer le Président Ibrahim Boubacar Kéïta.

Boubacar Diallo

CEDEAO: Vulgarisation de la lutte traditionnelle et quête de reconnaissance internationale

La lutte traditionnelle africaine, un héritage transmis depuis des générations s’organise dans la sous-région autour de ses différentes formes à travers des compétitions. Les acteurs du secteurs portent en bandoulière les différents projets et contribuent à faire rayonner cette discipline sportive dans nos pays. Dans le but de plus professionnaliser le secteur et d’harmoniser les règles qui régissent la lutte traditionnelle en dans la CEDEAO, les experts, promoteurs et sportifs du secteur se rencontrent à Dakar au Sénégal du 1er au 3 août 2019 pour un séminaire qui sera animé parallèlement par des ateliers et de formation d’arbitres ouest africains de la lutte traditionnelle.

A noter qu’à côté des tournois nationaux, les états depuis 18 ans se rencontrent autour d’une compétition régionale pour partager leur passion et pérenniser cette culture sportive traditionnelle.  Connu sous le nom de TOLAC le Tournoi de lutte traditionnelle africaine de la CEDEAO est le premier événement sportif régional adopté par l’Institution pour le lancement de son programme de développement de la pratique des sports. C’est le 29 novembre 1986 qu’il fut créé par le Conseil des ministres de la CEDEAO même si, ce n’est qu’en 2001, que la première édition du tournoi a eu lieu à Niamey, au Niger.  Le Sénégal où il existe déjà un tournoi de lutte traditionnelle de haut niveau a accueilli son premier TOLAC en 2008.  Depuis lors, le tournoi s’alterne entre les deux pays.

 

L’évolution du TOLAC dans la CEDEAO depuis 2001

En 2001, le TOLAC a débuté avec seulement trois pays (le Niger, le Nigeria et le Burkina Faso). Presque 20 ans après, le Tournoi de lutte traditionnelle s’est agrandi et accueille aujourd’hui la plupart des pays de la CEDEAO.  La lutte traditionnelle dans son ensemble a évolué de façon vertigineuse. Des innovations introduites pour davantage le hisser au rang des sports rois, la codification et la normalisation du TOLAC sans oublier l’apport indéfectible des différentes fédérations de lutte de la région contribuent au quotidien au développement de la lutte traditionnelle dans notre région.

Forts de ce parcours, les acteurs de lutte traditionnelle se disent prêts à donner une impulsion à ce sport, afin de le renforcer davantage et de l’adapter aux nouvelles réalités en accord avec le programme communautaire de développement de la CEDEAO et les objectifs mondiaux de développement durable. Cela, afin de faire en sorte que le TOLAC, en tant qu’événement sportif intrinsèque, contribue davantage au développement de la région.

 

Lutte traditionnelle-Écurie lion sports de Bagadadji Bamako

L’atelier de Dakar…

La CEDEAO collabore à l’organisation de l’atelier de Dakar du 1er au 2 août 2019. Cet atelier qui a ouvert ses portes ce jeudi se présente comme un tournant dans le changement d’image de la lutte comme discipline sportive traditionnelle de la CEDEAO.

L’objectif général de cet atelier est de dresser le bilan des actions mises en œuvre pour la promotion de la lutte traditionnelle africaine. L’évaluation des résultats obtenus va permettre de formuler des recommandations pour la  durabilité de la discipline, de renforcer la capacité des acteurs du secteur afin d’assurer leur reconnaissance internationale.

Les résultats attendus lors de cette rencontre sont entre autres l’évaluation des éditions passées du Tournoi traditionnel de lutte de la CEDEAO (TOLAC), l’adoption des modalités d’exécution du TOLAC dans la région, l’adoption des résolutions et recommandations sur la durabilité du TOLA, la formation et certification de trente (30) arbitres de lutte africaine de niveau 1.

Lutte traditionnelle africaine: Un peu d’histoire avec la CEDEAO

Le Conseil des Ministres de la CEDEAO a adopté par décision n° C/DEC 3/11/86 du 29 Novembre 1986, la lutte traditionnelle comme sport de la Communauté. Suite à cette décision, le Centre de Développement de la Jeunesse et des Sports de la CEDEAO a initié un programme cohérent de travail afin de promouvoir la pratique de la Lutte dans l’espace CEDEAO et lui conférer, à terme, une reconnaissance universelle par son inscription aux Jeux Olympiques. En effet sur les 80 styles de lutte traditionnelle répertoriés dans le monde, seuls deux (la lutte gréco romaine et la lutte libre) étaient inscrits au programme des récents Jeux Olympiques.

Le Centre de Développement de la Jeunesse et des Sports a initié à cet effet des programmes ambitieux qui se déclinent suivant les piliers de développement de tout sport à savoir : l’organisation des compétitions, la formation des arbitres, des entraîneurs et les supports didactiques, le renforcement des capacités des fédérations nationales.

La création, à partir de 2008, d’un tournoi de lutte Africaine, à Dakar, est venue par la suite étoffer le calendrier annuel de la lutte africaine au niveau régional. Après onze éditions à Niamey et huit éditions à Dakar, il est paru important que les acteurs qui ont œuvré à l’émergence de cette activité chère à notre Communauté, puissent évaluer la portée de leurs réalisations et envisager les étapes futures dans la quête de la reconnaissance internationale et de la vulgarisation de la Lutte africaine.

Sources: TOLAC, CEDEAO, CNGL, CDJS

Crise sécuritaire: Les parlementaires de la CEDEAO expriment leur solidarité

Une délégation de parlementaires, conduite par le Président du Parlement de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Moustapha Cissé Lo, a été reçue en audience ce 18 juillet par le Chef du Gouvernement, Boubou CISSÉ.

Les parlementaires de la sous-région sont au Mali pour exprimer leur solidarité et leur soutien au peuple malien ainsi qu’aux populations touchées par la crise sécuritaire au centre du pays.

Les parlementaires sont engagés à soutenir notre pays  » car le Mali est au cœur et au centre de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest » a déclaré Moustapha Cissé Lo, président du parlement de la CEDEAO lors des échanges.

Accompagné par le Ministre de la Santé et des Affaires Sociales Michel Hamala SIDIBÉ, les parlementaires de la CEDEAO ont visité, hier à Mopti le Camp des déplacés et ont rencontré le Gouverneur de la Région ainsi que l’ensemble des services sanitaires de la région. Ils ont également fait des dons en produits alimentaires aux personnes déplacées.

Le Premier ministre a remercié les parlementaires de la CEDEAO pour leur soutien au peuple malien et leur marque de solidarité envers les populations déplacées. Il a exhorté le parlement de la CEDEAO à continuer à œuvrer pour l’accélération du processus d’intégration dans la sous-région.

Source: Primature

Réglementation harmonisée des semences en Afrique de l’Ouest

Les principaux acteurs de l’industrie semencière en Afrique de l’Ouest se réunissent dans la capitale sénégalaise, Dakar, les 11 et 12 juin 2019, pour évaluer les progrès réalisés dans la mise œuvre de la réglementation régionale harmonisée des semences. L’évaluation de l’état d’avancement de la mise en œuvre, l’identification des goulots d’étranglement ainsi que l’élaboration d’une feuille de route pour accélérer la mise en œuvre du Règlement semencier sont les principaux thèmes de cette rencontre ouverte ce mardi.

Près de 50 participants à cet atelier viennent des systèmes semenciers nationaux des 17 pays participants, des communautés économiques régionales, des organisations paysannes, des institutions de recherche et des partenaires financiers.

Ces derniers vont approfondir les discussions sur cinq grands domaines à savoir: la certification pour la diffusion des variétés, le contrôle de la qualité et la certification des semences, la certification phytosanitaire des semences, les arrangements institutionnels pour la mise en œuvre de la politique semencière et la participation du secteur privé à la mise en œuvre de cette politique.

Des représentants du Marché commun de l’Afrique orientale et australe et de la Communauté de développement de l’Afrique australe ont également été invités à cette rencontre pour partager leurs expériences.

Rappellerons que le Règlement régional harmonisé sur les semences a été adopté en 2008 par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et en 2009 par l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). L’objectif premier du Règlement est de créer un environnement favorable à la croissance de l’industrie semencière. Tous les pays membres de la CEDEAO, y compris le Tchad et la Mauritanie, ont adopté la loi.

 

 

 

Brahim Fassi Fihri : « Dès le départ, le débat sur l’adhésion du Maroc à la CEDEAO été mal posé »

Il est à Abidjan dans le cadre d’une série de conférences sur l’adhésion du Maroc à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Nous avons rencontré Brahim Fassi Fihri, Président fondateur de l’Institut Amadeus, qui situe les enjeux du lobbying marocain.

Qu’est ce qui explique cette série de conférences sur l’adhésion du Maroc à la CEDEAO ?

L‘Institut Amadeus est un think tank indépendant qui s’est donné pour mission d’éclairer le débat sur les questions internationales. Nous avons suivi les discussions sur l’adhésion du Maroc à la CEDEAO et notre conviction est que, dès le départ, le débat a été mal posé. En demandant à rejoindre la communauté régionale la plus avancée du continent, le Maroc vise à inscrire sa diplomatie africaine, déjà remarquée par tous ces dernières années, dans une perspective plus ambitieuse encore. A Dakar, les débats ont été très fructueux. Ils ont permis de mettre autour de la même table des experts, des représentants des patronats et des universitaires des deux pays. En Côte d’Ivoire, il s’agit d’aller plus loin, en donnant une portée régionale à notre réflexion commune, dans un pays frère pivot de l’intégration régionale.

Le fait d’aller de report en report ne cache-t-il pas une inquiétude des pays de la communauté ?

Après un accord de principe en juin 2017 à Monrovia, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de temporiser. Nous sommes là pour écouter et convaincre. Mais l’accord de principe est un acquis important. Ce n’est pas un blanc-seing, comme on a pu le dire ici ou là. Il donne une base juridique à l’adhésion du Maroc et ouvre la voie à des négociations usuelles. Si des inquiétudes légitimes existent, nous sommes venus à Abidjan pour y répondre. Ce n’est pas une invitation aux excès ou aux provocations inutiles. Nous devons ensemble trouver la voie d’une co-appropriation d’un projet commun par le Maroc, par la Côte d’Ivoire et par la CEDEAO.

Ne pensez-vous pas qu’en termes d’échanges commerciaux, la CEDEAO est significativement plus protectionniste à l’égard du Maroc que le Maroc ne l’est à son égard ?

Le Maroc s’est inscrit depuis des années dans la diversification de ses partenariats économiques. Il est déjà un partenaire commercial important de la Côte d’Ivoire et d’autres pays, mais l’essentiel n’est pas là. L’adhésion à la CEDEAO dépasse le simple cadre des importations et des exportations. Depuis le sommet de Kigali, ces questions sont maintenant à l’ordre du jour de la future zone de libre-échange commerciale africaine. Adhérer à la CEDEAO implique pour le Maroc de converger vers l’acquis communautaire. C’est le plus important.

Quelles sont les implications concrètes des éventuelles entrées du Maroc, de la Mauritanie et de la Tunisie, qui souhaiteraient aussi intégrer la CEDEAO ?

Le Maroc est aujourd’hui le seul pays à avoir demandé à adhérer à la CEDEAO. Je ne m’exprimerai pas sur les intentions des autres pays. La Mauritanie, qui sollicite le statut de membre associé, a quitté la CEDEAO en 2000. La Tunisie, qui est membre de la COMESA depuis le mois de janvier, souhaite être membre observateur. Le Maroc a toujours entretenu la profondeur de ses liens avec les différents pays d’Afrique de l’Ouest. Notre pays a toujours été solidaire, comme l’illustre le maintien des vols de la compagnie nationale Royal Air Maroc durant la crise Ebola ou sa forte contribution à l’ONUCI. Notre adhésion devrait permettre notamment à la sous-région de bénéficier de l’expérience marocaine en termes de développement humain, d’investissements, d’efficacité énergétique, de développement des infrastructures et de lutte contre la radicalisation violente. Le Maroc est un pays ouest-africain qui assume pleinement cette identité, tout en respectant les spécificités nationales de l’ensemble des pays membres de la CEDEAO.