Elections : la loi électorale modifiée

Le Conseil national de transition (CNT), a adopté mardi 28 février un projet de loi portant modification de la loi N2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale. C’était à l’issue de la deuxième et dernière séance plénière de la session extraordinaire de février 2023.

Adopté à l’unanimité, (129 voix pour, 0 contre, 0 abstention), le projet de loi apporte plusieurs modifications à la loi initiale de juin 2022 telles que l’élargissement des lieux d’implantation des bureaux de vote dans les garnisons militaires, l’institution du vote par anticipation des membres des Forces armées et de sécurité et le remplacement de la carte d’électeur biométrique par la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme unique document autorisé dans le bureau de vote.

L’une des innovations majeures est le raccourcissement du délai d’installation des coordinations de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) qui passe de 6 à 3 mois au plus avant la tenue des scrutins.

« C’est à la pratique qu’on s’est rendu compte qu’effectivement, il va falloir intervenir sur la loi électorale pour apporter des modifications qui permettront de faire en sorte que le chronogramme qui est adossé à cette même loi électorale puisse permettre une application efficiente au bénéfice du processus électoral. C’est à la suite de cela que les innovations ont été entreprises », a expliqué devant les membres de l’organe législatif de la Transition,  Mme Fatoumata Sékou Dicko, ministre déléguée chargée des Réformes politiques et institutionnelles.

Toutes ces modifications apportées ont pour objectif de faire en sorte que le processus électoral se déroule de manière transparente, crédible et sécurisée, a-t-elle soutenu.

Le projet de loi initié par la ministre déléguée  chargée des réformes politiques et institutionnelles avait été adopté en Conseil des ministres le 15 février 2023.

Au cours de cette session extraordinaire convoquée par le Président de la Transition, le CNT a également adopté un projet de loi portant création des circonscriptions administratives en République du Mali, consacrant le nouveau découpage territorial qui retardait la mise en place des coordinations de l’AIGE.

 

 

Partis politiques : l’heure du réveil ?

La transition à l’œuvre au Mali depuis août 2020 a des répercussions négatives, en termes d’organisation et de visibilité, sur la vie des partis politiques, déjà confrontés à l’arrêt de leur financement public, à la défiance de l’opinion publique et à des divergences internes. Alors que les compétitions électorales sont annoncées pour 2023, ils entendent désormais « s’unir autour de l’essentiel ». État des lieux dans certains partis.

Double peine pour l’Union pour la République et la Démocratie (URD). Après le coup d’État de 2020 qui avait renversé Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), une voie royale semblait ouverte pour le parti, arrivé deuxième à la dernière élection présidentielle, et pour son Président Soumaïla Cissé, revenu plus déterminé que jamais d’une captivité de plus de 6 mois. Mais le destin en a décidé autrement : le 25 décembre 2020, le Chef de file de l’opposition d’alors succombe à la Covid-19. Une disparition qui plonge le parti de la Poignée de mains dans la division et dans une guerre de clans. Autre coup dur pour le mouvement politique : l’ex Premier ministre Boubou Cissé et l’ancien ministre de l’Économie et des finances Mamadou Igor Diarra, qui avaient rejoint l’URD en 2021 et faisaient figure de potentiels candidats du parti à la présidentielle, sont poursuivis pour « des crimes de faux et usage de faux et d’atteinte aux biens publics » dans l’affaire du marché public d’achat d’équipements militaires dit Paramount. À l’orée de 2023, année d’élections, les initiatives se multiplient, par le Président Gouagnon Coulibaly (non reconnu par certains militants) pour unir les membres. Comme donner l’assurance qu’il ne sera pas candidat à la présidentielle et un appel à « l’union autour du parti » lors d’une conférence, le 3 décembre dernier. « Il a mis en place une Commission de réconciliation qui va démarcher personnellement tous les grands cadres du parti », assure Mamadou Dicko, 2ème Secrétaire politique de l’URD.

Le Rassemblement pour le Mali (RPM) du défunt Président IBK est aussi à la croisée des chemins. En plus de la perte de son fondateur, la lutte de clans entre Bokary Treta et ses soutiens et Me Baber Gano avec l’éphémère Président de l’Assemblée nationale Moussa Timbiné obscurcit l’horizon de l’ancien parti au pouvoir.

« Le parti se porte bien, malgré les incompréhensions qui ont marqué ces derniers temps entre certains camarades », tient à rassurer d’emblée Sékou Niamé Bathily, Chargé de communication du parti. À en croire ce dernier, le RPM travaille dans le regroupement politique Ensemble Pour le Mali (EPM) au sein du Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel. Malgré ces « moments de turbulences, qui ne sont que des divergences politiques, le RPM sera au rendez-vous de toutes les élections futures dans notre pays et l’objectif est de confirmer notre place de première force politique au Mali », dit, confiant, M. Bathily.

Challenges

À la différence des deux « grands » partis orphelins de leurs chefs de file, à l’Asma-CFP, on assure que la disparition de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga n’a fait qu’accroître la détermination de ses partisans, qui entendent poursuivre « son combat » aux élections prochaines. « Dans le but d’honorer sa mémoire », souffle un cadre du parti qui ne digère toujours pas les circonstances de la mort en détention de son Président.

L’ADP- Maliba se prépare également « à grand pas » et « très bientôt » à entamer des sorties à l’intérieur et l’extérieur du pays pour les rentrées politiques des sections, fait savoir le Secrétaire général du parti, Me Abdoulaye Sidibé. « C’est l’animation statutaire de nos structures. Ces rentrées politiques sont des occasions pour les sections de débattre à bâtons rompus avec le Bureau national de la vie du parti, mais également des questions d’intérêt national », confie Me Sidibé.

À SADI, aussi privé de son Président, le Dr Oumar Mariko, vraisemblablement en exil à l’étranger lui aussi, l’heure est à la résilience. « Il est clair que l’absence de notre Président se fait sentir. Mais l’esprit collectif, la solidarité, la complémentarité nous aident à passer ces moments difficiles », assure Nouhoum Keïta, le Secrétaire administratif du parti. Par solidarité avec le dirigeant politique entré en clandestinité, le parti a suspendu toute participation aux débats organisés par le gouvernement sur les réformes politiques et institutionnelles. « En marge, nous travaillons à mettre en lumière les enjeux majeurs et l’intérêt général de la Nation. C’est à dire les questions de souveraineté populaire, la représentation inclusive, l’égalité réelle en droit de vote libérée de toute entrave de type censitaire, afin d’aider, à la fin de la Transition, les citoyens à agir consciemment et à choisir les candidats sur la base de leurs programmes et de leur capacité à mettre ceux-ci en œuvre avec efficacité », explique M. Keïta.

Les élections qui se profilent seront donc un challenge de taille pour les partis politiques. Le plus difficile sera de reconquérir la confiance de la société civile. Celle-ci a, pour une bonne part, opté pour une prolongation de cinq ans de la Transition lors des Assisses nationales de la refondation, fin 2021.

46 militaires ivoiriens : désaccord entre le Mali et la CEDEAO

Après avoir demandé le 22 septembre la libération « sans conditions » des militaires ivoiriens détenus au Mali et envoyé une délégation de chefs d’État à cet effet à Bamako le 29 du même mois, la CEDEAO appelle les autorités maliennes à répondre favorablement aux différents appels à la libération des soldats.

L’affaire atteindra ce samedi, jour pour jour, son cinquième mois. C’est le 10 juillet dernier que 49 militaires ivoiriens – « des mercenaires selon les autorités maliennes » -ont été arrêtés et inculpés à la mi-août par la justice malienne pour « tentative d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État ». Depuis, les négociations se multiplient entre Bamako et Abidjan pour leur libération. En première ligne le Togo qui assure la médiation. L’implication togolaise a d’ailleurs permis la mise en liberté, en « guise de geste humanitaire » le 3 septembre, de 3 femmes soldats parmi les 49 détenus. Mais, depuis, la situation stagne du fait que le Mali a sollicité l’extradition de certaines personnalités maliennes faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux.

Une « contrepartie » qu’ont déploré les chefs d’États de la CEDEAO, réunis en sommet extraordinaire à la demande de la Côte d’Ivoire, le 22 septembre en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. Ils ont condamné avec « fermeté le maintien en incarcération » des 46 soldats ivoiriens au Mali, « malgré tous les efforts de médiation entrepris par la région » et dénoncé « le chantage exercé par les autorités maliennes dans cette affaire ». Ainsi, ils demandent aux autorités maliennes la libération « sans conditions » des militaires.

Le gouvernement malien avait déjà indiqué à l’annonce de la tenue du sommet qu’il n’est « nullement concerné par cette procédure devant l’instance communautaire ». Via un communiqué, le 15 septembre, il a souligné que « l’affaire des 49 mercenaires ivoiriens est purement judiciaire et bilatérale » et mis « en garde contre toute instrumentalisation de la CEDEAO par les autorités ivoiriennes pour se soustraire de leur responsabilité vis-à-vis du Mali ». Les autorités de la transition avaient également fait savoir qu’ils ne céderaient à aucun chantage.

Sanctions

Ce 4 décembre, lors de la 62ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO à Abuja, le Président de la Commission de l’organisation ouest-africaine, Dr Omar Alieu Touray, a annoncé aux médias que la CEDEAO « continuera à dialoguer avec les autorités maliennes pour obtenir la libération immédiate des 46 soldats détenus au Mali. Au cas où les soldats ne seraient pas libérés rapidement, les dirigeants se réservent le droit et ils ont pris la décision de prendre certaines mesures » sans plus de précisions. Pour faire céder le pays, selon un diplomate ouest-africain cité par l’AFP et largement relayé par la suite, la CEDEAO envisage des sanctions. Aucune mention n’est faite dans le communiqué final publié deux jours plus tard d’une menace de sanction ni d’un ultimatum pour la libération des soldats. Le ton est d’ailleurs plus diplomate et conciliant que celui du sommet de septembre. Dans les conclusions du sommet, la CEDEAO « appelle les autorités maliennes à répondre positivement aux différents appels à la libération desdits soldats ».

Selon Soumaïla Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la sécurité, le Mali ne subira pas d’autres sanctions de la CEDEAO, d’autant plus que la plus grande partie des autorités de la transition fait déjà l’objet de sanctions et que le pays est déjà suspendu de l’instance sous-régionale.

« En outre, je ne pense pas que la CEDEAO va rééditer ses sanctions économiques contre le Mali. Puisqu’autant le Mali a beaucoup à perdre, autant la CEDEAO a énormément à perdre, parce qu’une sanction de plus pourrait pousser le Mali à quitter l’instance. Son départ va mettre à mal les acquis de l’intégration et je pense que cela n’est pas le souhait de la CEDEAO », dit-il.

Des analystes mettent également en évidence le fait qu’un nouvel embargo contre le Mali ferait pâtir les ports de Dakar et Abidjan, dont le Mali est un important client dans l’importation de produits manufacturés. Et aussi les pays côtiers (Côte d’Ivoire, Ghana), qui dépendent du Mali pour l’importation du bétail-viande.

De plus, de l’avis des spécialistes, des sanctions de la CEDEAO contre le Mali dans le cadre de l’affaire des militaires ivoiriens pourraient se retourner contre l’organisation, déjà fragilisée auprès des opinions nationales et régionales.

Arbres à palabres : impliquer les femmes par le dialogue

Donner la parole aux femmes sous l’arbre à palabres, c’est l’objectif du programme « Femmes, Transition et élections au Mali », lancé le 6 décembre 2022, pour encourager une participation accrue des femmes à la gestion de la cité, aux réformes en cours et au processus électoral, en vue d’une stabilité et d’une sortie durable de crise. Parce que souvent, malheureusement, en cas d’instabilité, ce sont les femmes et les enfants qui sont les premières victimes. Une réalité toujours d’actualité, non seulement par rapport à la violence mais aussi à la vulnérabilité, à la pauvreté, au manque d’éducation. C’est pourquoi des solutions sans écouter les femmes seront inefficaces. Initiative mise en œuvre par ACE Conseil (Afrique, Caraïbes, Europe Conseil), en partenariat avec notamment les ministères de l’Administration territoriale et de la Refondation, le projet « Arbres à palabres » veut permettre une meilleure implication des femmes dans les processus de paix et de développement local de leurs communautés. Il comporte trois axes. Le premier vise à appréhender les enjeux de la Transition et de la paix pour le Mali par une meilleure appropriation par les femmes de la Charte, de la Feuille de route de la Transition et des accords. Le deuxième axe entend mobiliser l’intelligence collective et le potentiel des femmes sur l’analyse de la situation sur les plans social, sécuritaire et humanitaire afin de fournir les réponses idoines aux défis. Le troisième axe veut prévenir les risques de crise à travers un système d’alerte précoce fondé sur un réseau de suivi et d’observation composé de 2 000 femmes issues des 703 communes du Mali et du dispositif Arbres à palabres.

Choguel Kokalla Maïga : un retour et des questions

Absent depuis près de 4 mois, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a repris service le 5 décembre 2022. Un retour aux affaires très scruté pour celui qui avait pris les rênes de la Primature en juin 2021. Alors que sa gestion lors de son premier passage reste décriée par une partie de la classe politique, le Président de la Transition lui maintient sa confiance à l’orée d’une étape charnière de la Transition, l’année 2023.

Son absence aura duré 108 jours. De sa dernière apparition publique, le 9 août 2022 (audience accordée à la Fondation Damaguilé Diawara) à sa visite au Président de la Transition le 25 novembre. Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, qui était en soins suite à un accident vasculaire cérébral, prend de nouveau les rênes du gouvernement.

C’est d’ailleurs le message qu’il a tenu à adresser au Colonel Assimi Goïta lors de la rencontre des deux hommes au palais de Koulouba, avant son message de remerciement au peuple malien lu à la télévision nationale le même jour. « Après plus de 3 mois d’absence, me revoici parmi vous, en pleine possession de mes capacités physiques et intellectuelles », a assuré le chef du gouvernement.

Trois jours après, le 28 novembre, il s’était rendu chez le Président du Conseil national de Transition (CNT), le Colonel Malick Diaw, pour le remercier et lui dire qu’il était apte à reprendre le travail, selon la direction de la communication du CNT.

Le 4 décembre, le Président de la Transition a tranché et mis fin par la même occasion au flou qui persistait autour de la Primature depuis la réapparition du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga. Un décret présidentiel lu à la télévision nationale par le Secrétaire général de la Présidence a abrogé celui du 21 août 2022 désignant le Colonel Abdoulaye Maïga en qualité d’intérimaire du Premier ministre, remettant de facto Choguel Maiga en fonction.

Le retour effectif aux affaires de celui qui est également Président du Comité stratégique du M5-RFP n’a dès lors pas trainé. « Après près de quatre mois de repos médical, le Premier ministre, chef du gouvernement, Choguel Kokalla Maïga, reprend service ce jour 5 décembre 2022 », a indiqué la Primature lundi, précisant que le chef du gouvernement commençait ses activités par une série de rencontres avec, notamment, le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Porte-parole du gouvernement, le Secrétaire général du gouvernement et le Cabinet de la Primature.

« Cette reprise de fonction était déjà actée après ses deux visites au Président de la Transition et au Président du CNT et son message de remerciement aux Maliens. Il fallait juste attendre que le déplacement qui déjà était prévu du Premier ministre par intérim à Kayes ait lieu pour que Choguel Maïga reprenne  fonction et c’est ce qui a été fait », nous confie Dr. Allaye Bocoum, Président du mouvement politique CPM (Convention pour le Mali) et  proche du Premier ministre. À l’en croire, d’ailleurs, le Premier ministre n’a jamais été déconnecté d’avec les autorités, il était au courant de tout ce qui se passait et a souvent donné son avis sur certaines questions.

Un retour qui divise

En remettant Choguel Kokalla Maïga dans ses fonctions, le Président de la Transition a fait le choix de la continuité dans la trajectoire prise par la Transition depuis mai 2021. « Ce retour du Premier ministre montre que les autorités sont respectueuses de leur parole et qu’elles sont stables, elles savent là où elles vont. Le bouclier d’Assimi Goïta se renforce. La conduite de la Transition sera meilleure et l’œuvre de la refondation va se poursuivre », se félicite Dr. Allaye Bocoum. Pour ce fervent soutien de Choguel Kokalla Maïga, son retour va sonner le glas de « ceux qui veulent détruire l’espoir des Maliens » et « l’esprit du M5-RFP va prévaloir à nouveau ».

Mais si ce choix conforte les partisans du Premier ministre actuel, il ne satisfait pas la  partie de la classe politique qui demande depuis plusieurs mois la nomination d’un Premier ministre neutre. Longtemps d’ailleurs, certains observateurs avaient évoqué l’éventualité du départ de Choguel Maïga de la Primature dans un scénario où son « repos forcé » serait également synonyme de sa fin à la tête du gouvernement.

« Le Cadre maintient sa position et sa demande de nomination d’un Premier ministre plus consensuel, moins clivant, apolitique, pour diriger les affaires de la Transition. Notre position n’a pas changé », affirme Dr. Laya Amadou Guindo, l’un des porte-paroles du Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel.

« Pour un retour à l’ordre constitutionnel avec l’organisation d’élections libres, crédibles et transparentes, nous croyons qu’un Premier ministre politique ne peut pas faire ce travail. C’est à ce niveau que nous parlons du Premier ministre actuel. Sinon, notre combat n’est pas dirigé contre une personne », ajoute celui qui dit se réjouir, au-delà de l’adversité politique, que le Premier ministre ait recouvré la santé et aille mieux.

Pour l’analyste politique Boubacar Bocoum, le retour de Choguel Kokalla Maïga aux affaires est « normal », puisque l’intérim suppose qu’une fois que le titulaire est en bonne santé et revient il reprenne ses fonctions.

Selon lui, les prises de position des politiques contre le Premier ministre ont leur explication ailleurs. « Les hommes politiques ne voulaient pas que Choguel Kokalla Maïga revienne. Mais le problème, ce n’est pas le Premier ministre. Ce dernier gère un gouvernement, les décisions ne viennent pas de lui, ce n’est qu’au niveau de l’Exécutif. Je ne vois pas pourquoi on doit s’agiter au niveau d’une personne », fustige-t-il. Cet analyste soutient que Choguel Kokalla Maïga, taxé de « clivant », n’a posé aucun acte d’exclusion à l’endroit de cette classe politique. Toutefois, ses « amis » d’hier au sein du M5-RFP, qui ont dénoncé sa gestion de leur mouvement, se sont retirés pour créer le M5-RFP Malikura. Lancé le 3 août dernier par Mme Sy Kadiatou Sow, l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, Konimba Sidibé ou encore Me Mohamed Aly Bathily, ce mouvement, qui est dans une opposition de points de vue avec Choguel Maïga, pourrait selon certains observateurs se prononcer bientôt et exprimer son désaccord à son retour à la Primature.

Tenir le rythme

D’un point de vue médical général, des médecins estiment qu’une victime d’AVC, même si elle recouvre la santé, ne devrait pas immédiatement commencer à travailler à un rythme soutenu. En raison d’une très grande charge de travail à la Primature, qui peut aller à 15 heures d’activités par jour, plusieurs observateurs craignent que le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga qui, selon une source, continue de prendre des médicaments, ne soit pas encore totalement en mesure de tenir ce rythme de gestion du gouvernement.

Allaye Bocoum, quant à lui, ne s’inquiète pas outre mesure pour le Chef du gouvernement. « Je pense que le fait qu’il soit passé par cette étape va le forcer à réduire son temps de travail. Il aura un programme beaucoup plus léger. D’ailleurs, l’essentiel du travail est derrière lui. Il fallait tenir tête à toute cette adversité venant de l’extérieur. Je sais qu’il est vraiment apte aujourd’hui à continuer à assurer ses charges », assure le Président de la CPM.

Plus d’inclusion ?

Choguel Kokalla Maïga a été longtemps décrié par une partie de la classe politique, pour laquelle il n’est ni rassembleur ni inclusif, avec des prises de paroles et des discours divisant les Maliens. Avec son maintien à la Primature et à l’amorce d’importants échéances pour la Transition, notamment la préparation et la tenue des grands rendez-vous électoraux à venir, certains analystes pensent que le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga devrait changer de posture vis-à-vis de la classe politique en mettant plus d’inclusivité dans la gestion des affaires de la Transition.

« Je pense bien que Choguel Kokalla Maïga a intérêt à rassembler tous les bords, compte tenu des projets du gouvernement, notamment les différentes réformes politiques et institutionnelles à venir et les élections. Il va falloir qu’il soit un homme de consensus qui parvienne à rassembler tous les Maliens », indique Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako.

Boubacar Bocoum pense pour sa part que le Premier ministre subit des attaques infondées de la part des politiques et qu’il est injustement taxé de non inclusif. « Pour moi, le problème est à un autre niveau. Les politiques savent que Choguel  Maïga aussi est politique et qu’ils ne vont pas pouvoir l’embarquer dans un certain nombre de choses. Ils pensent peut-être que ce sera plus facile avec les militaires », accuse l’analyste politique. Et, pour l’heure, rien ne présage d’un changement de ton ou de posture du Premier ministre. « Je pense que les politiques sont obnubilés par leur envie de reprendre le pouvoir. Ils disent que Choguel Maïga est clivant parce que la lutte que ce dernier est en train de mener ils ne pourront pas le faire eux, ayant pris des engagements à l’extérieur », soutient Allaye Bocoum. La « promotion » du Colonel Maïga comme ministre d’État qui assure l’intérim du Premier ministre en cas d’absence, d’empêchement ou de vacance, est analysée par certains comme une ombre permanente sur le Premier ministre ou encore comme un jeu de positionnement des militaires à moyen terme. « Quand vous êtes dans une équipe que vous venez de diriger pendant près de 4 mois, vous avez une particularité. Il est normal que cela fasse de lui la 2ème personnalité du gouvernement », relativise Dr Allaye Bocoum. Le temps et les évènements nous donneront de la matière pour juger de la portée ou non de ce qui s’apparente à un coup politique.

Adama Ben Diarra : dos à la transition ?

Membre du Conseil national de transition (CNT) et réputé proche des militaires au pouvoir, Adama Ben Diarra dit « Ben le cerveau » est récemment devenu très critique vis-à-vis de cette transition. Le leader de Yèrèwolo debout sur les remparts est-il en train de rejoindre les rangs des « opposants » ?

C’est l’un des soutiens sans faille du Colonel Assimi Goita depuis la « rectification » de la transition, en mai 2021. Mais, depuis plusieurs jours, Adama Ben Diarra est au centre d’une controverse en raison de ses récentes prises de position contre les autorités.

Sur une radio de la place, « Ben le cerveau » a non seulement clairement critiqué l’augmentation du budget de la Présidence de la République, qui selon lui va passer de 18 à 22 milliards de francs CFA, mais aussi jugé inopportun l’ajout de membres additifs au CNT, qui ferait passer le budget de l’organe législatif à près de 13 milliards de francs CFA.

Et, pour ne rien arranger, une note vocale lui est attribuée, dans laquelle il critique la gestion des autorités de la transition, et a fuité sur les réseaux sociaux. Des associations de jeunes et d’épouses des militaires ont manifesté le 15 octobre dernier à Kati, réputé être son fief, pour demander son renvoi du CNT.

Critiques « normales »

Pour certains observateurs, les récentes actions de « Ben le Cerveau » peuvent porter un coup aux relations que ce dernier entretiendrait avec les militaires au pouvoir. Mais le Numéro un de Yéréworolo debout sur les remparts a-t-il réellement tourné le dos aux autorités de la transition ? Ses proches soutiennent que ce n’est pas le cas.

« Pour nous, les prises de position du camarade Ben le cerveau sont normales. C’est d’ailleurs la position de la majeure partie du mouvement. Nous pensons que dire les vérités aux autorités est une manière aussi de les aider. Nous sommes les boucliers de la transition, raison pour laquelle c’est un devoir pour nous », affirme un membre de Yèrèwolo proche d’Adama Ben Diarra.

« Nous ne sommes pas dans la logique de tourner le dos à la transition. Nous sommes d’ailleurs plus que jamais déterminés à la protéger », soutient-il. Cependant, « Ben le cerveau » ne semble plus être dans les bonnes grâces du pouvoir. Un rassemblement « patriotique » de son mouvement prévu le 22 novembre Place du Cinquantenaire à Kati pour « sauver la révolution » a été interdit la veille par le préfet. Dans la nuit du 24 au 25 novembre, à sa sortie des locaux d’une radio, la voiture de Sidiki Kouyaté a été pris pour cible. Selon les premières informations, des individus armés non identifiés ont fait feu sur sa voiture. Le commissariat de police de Sotuba a immédiatement annoncé l’ouverture d’une enquête sur cette affaire.

Dr. Modibo Soumaré : « la transition avance à pas de tortue »

Dr. Modibo Soumaré a pris le 2 novembre la présidence tournante du cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel, qui a changé d’appellation et adopté de nouveaux textes.

Sous quel signe placez-vous ce mandat?

D’abord, il faut dire que le Cadre s’est doté de nouveaux textes. Un certain nombre de choses ont changé. Je place ce mandat sous le signe de la redynamisation du Cadre mais aussi du réalisme politique pour trouver les solutions idoines pour la sortie de crise. Que nous soyons une vraie force de propositions. Cela ne nous empêchera pas de nous adresser au peuple, avec lequel nous allons beaucoup échanger dans les communes.

Quelles sont les prochaines activités prévues ?

Nous avons établi un plan d’action sur 6 mois. Pour les 3 premiers, nous avons convenu d’y aller mois par mois. Pour novembre, nous avons des rencontres en vue. Nous allons rencontrer le maximum d’acteurs, chefs traditionnels et coutumiers, ordres religieux, ambassadeurs et acteurs politiques pour expliquer notre lecture de l’état de la Nation et la nécessité impérieuse de conjuguer nos efforts pour sortir de la situation actuelle. Nous projetons d’organiser très rapidement un séminaire sur l’avant-projet de Constitution et sur le chronogramme de la Transition pour dégager publiquement notre position sur ces deux questions majeures.

De cadre d’échanges pour une « transition réussie », vous êtes maintenant pour un « retour à l’ordre constitutionnel ». Pourquoi ce changement?

Nous avons remarqué que certains faisaient la confusion sur le nom. Être pour la réussite de la Transition ne veut pas dire être un club de soutien aux autorités. La transition est une période pendant laquelle la vie de la Nation ne doit pas s’arrêter. Notre rôle est de mener toutes les réflexions qui permettront que cette période soit une réussite. Aujourd’hui, nous pensons que pour aller vers la normalisation institutionnelle et avec nos partenaires il va falloir finir cette transition. Elle ne peut pas durer plus de 4 ans, ce serait intenable. Il faut aller aux élections dans les délais prévus et installer des autorités légitimes et légales qui vont permettre la levée de toutes les sanctions liées au fait que nous soyons dans une situation exceptionnelle.

Quel regard portez-vous sur la mise en œuvre du chronogramme de la transition ?

Nous pensons que la Transition avance à pas de tortue. Il va falloir des correctifs. Vous voyez par exemple l’installation de l’AIGE, qui sème le trouble dans tout esprit éclairé vue la façon dont les membres ont été désignés. Il y a aussi la marche vers un projet de Constitution sur laquelle nous allons incessamment délibérer.

M5-RFP Malikura: 3 mois après sa création, le mouvement essaye de se faire une place

Lancée en août dernier, la nouvelle tendance du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (MR-Rfp) est figée sur ses prérogatives : militer pour l’amélioration de la situation sécuritaire et le redéploiement de l’État sur l’ensemble du territoire malien, la lutte contre la corruption et l’impunité ainsi que le coût de la vie. Estimant que les mêmes inquiétudes qui l’ont poussé à manifester contre l’ex Président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) sont toujours présentes, le mouvement a appelé les autorités de la transition à changer de paradigme lors d’une conférence de presse ce mardi. 

Trois mois après sa mise en place, rien ne semble avoir changé pour le M5-RFP Mali Kura. Cette nouvelle tendance considère que, depuis le 3 août dernier, le « partenariat » noué avec les autorités militaires en mai 2021 souffre d’un « déficit de dialogue », qui a « nui à la mise » en œuvre de son projet pour le Mali. Il s’agit de l’arrêt de partage d’informations sur les enjeux majeurs de la transition. Notamment sur le retour de la paix et de l’administration sur l’ensemble du territoire national, la lutte contre la corruption et l’impunité dans la gestion des affaires publiques et la baisse du coût de la vie.

Selon le mouvement, la situation sécuritaire s’est sérieusement dégradée en 2022. Il souligne, entre autres, l’extension croissante des attaques des groupes armés terroristes, leur emprise dans les localités des régions de Ménaka et Tombouctou ainsi que la multiplication des déplacés internes dans le pays.

Sur le plan économique, « les prix des denrées de première nécessité ont fortement augmenté au cours des deux dernières années, pour de multiples raisons imputables à la crise mondiale, mais aussi à la relative inefficacité de l’État à réguler les comportements de certains opérateurs économiques », dénonce le collectif, selon lequel il urge que le gouvernement procède à un examen approfondi de cette question pour prendre toutes les mesures efficaces possibles afin de soulager les populations.

« Le M5-RFP est la force politique qui a créé les conditions de la chute du régime d’IBK, à travers la mobilisation massive du peuple malien contre sa mauvaise gouvernance », s’est exclamé Konimba Sidibé, Président du Comité stratégique M5-RFP Mali Kura. « À  ce titre, cette transition est la nôtre et nous voulons qu’elle soit la transition de rupture avec les mauvaises pratiques de gouvernance, pour gagner la lutte contre les groupes armés terroristes, restaurer la sécurité et la souveraineté de l’État sur toute l’étendue du territoire national et poser les piliers du Mali Kura, tant attendu par le peuple malien. Notre engagement et notre détermination restent totaux pour l’atteinte de ces objectifs », dit-il.

Dans cet élan, le mouvement a rencontré le Premier ministre par intérim, le Colonel Abdoulaye Maïga le 10 octobre dernier et exprimé le souhait de la libération « le plus tôt possible » des militaires ivoiriens détenus au Mali depuis le 10 juillet dernier, trouvant que leur détention est à l’origine d’une tension qui n’est bonne ni pour le Mali en situation de grande fragilité, ni pour la Côte d’Ivoire, ni pour la sous-région, confrontée à une grave crise sécuritaire et économique.

« Ce souci d’apaisement est une forte demande des populations maliennes, qui voient en la République de la Côte d’Ivoire un pays frère, où vivent 4 millions de Maliens, et un partenaire économique majeur du Mali », justifie le Président du M5-RFP Mali Kura.

En rupture avec le M5-RFP originel, où les relations étaient tendues notamment avec Choguel Kokkala Maïga, qui dirigeait le mouvement avant ses soucis de santé, le M5-RFP Mali Kura annonce vouloir être une force politique efficace de veille.

Transition : un chronogramme au ralenti

Un chronogramme des échéances électorales de la Transition, allant jusqu’en février 2024 a été dévoilé le 28 juin 2022 à la classe politique et à la société civile au sein du Cadre de concertation avec le gouvernement. 4 mois après, certains acteurs pointent du doigt une lenteur dans la mise en œuvre et s’interrogent sur la tenue à date des différents scrutins.

Dans le chronogramme électoral présenté à la classe politique et transmis à la Cedeao à la veille de son Sommet extraordinaire du 3 juillet 2022, qui allait décider de la levée des sanctions qui pesaient sur le Mali depuis le 9 janvier, les autorités de la Transition prévoient la tenue de quatre élections.

Le référendum constitutionnel est pour le mois de mars 2023, avec la convocation du collège électoral un mois plus tôt, en février. Ensuite suivra, toujours en mars 2023, la convocation du collège électoral pour l’élection des conseillers des Collectivités territoriales en juin 2023.

Pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, le 1er tour est fixé à octobre 2023 et le second en novembre. Pour cette élection, la convocation du collège électoral est prévue deux mois plus tôt, en juillet 2023. Enfin, l’élection du Président de la République doit se tenir en février 2024, le collège électoral étant convoqué en octobre 2023.

Retards avérés

La nouvelle loi électorale, adoptée le 17 juin 2022 et promulguée par le Président de la Transition le 24 juin, confie l’organisation des scrutins à l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE). Mais la mise en place de cet organe, qui constitue la première étape dans la tenue de toutes les élections prévues sous la Transition, a pris du retard.

Le décret de nomination des membres du Collège de l’AIGE, qui était prévu pour le 13 juillet 2022, n’a été pris que le 12 octobre dernier et la prestation de serment des membres, qui devait avoir lieu le 28 juillet, n’a été effective que le 20 octobre, soit après environ 3 mois. Par contre, les coordinations de l’AIGE dans les régions, district, cercles, communes, ambassades et consulats ne sont toujours pas installées, alors que cela était prévu pour  le 2 août 2022.

Seule la révision annuelle des listes électorales, du reste comme chaque année, a débuté comme prévu le 1er octobre 2022 et se poursuivra jusqu’au 31 décembre sur l’ensemble du territoire national, à l’exception de certaines localités toujours en proie à l’insécurité.

Par ailleurs, selon le chronogramme, le projet de loi référendaire doit être examiné et adopté par le Conseil des ministres, puis transmis au Conseil national de transition (CNT) et adopté par l’organe législatif courant novembre 2022.

« Nous constatons un retard et nous pensons qu’il n’y a pas de volonté manifeste de respecter le délai. Il était prévu qu’on se retrouve chaque mois pour évaluer la mise en œuvre du chronogramme, mais du mois de juin jusqu’à maintenant le Cadre de concertation n’a pas été convoqué », s’offusque Amadou Aya, Secrétaire général de la Codem.

Yaya Sangaré, Vice-président de l’Adema-Pasj, abonde dans le même sens. Pour l’ancien ministre, le retard pris dans l’exécution du chronogramme ne s’explique pas et le gouvernement devrait revenir à la classe politique pour des échanges et explications.

« Nous avons des appréhensions, mais nous disons que nous allons juger sur pièces. Chaque fois que nous allons constater une mauvaise foi, nous allons alerter et demander à ce que nous respections nos propres engagements et menions cette transition à bon port », poursuit M. Sangaré.

Si, pour sa part également, l’analyste politique Bréhima Mamadou Koné reconnait une lenteur dans la mise en œuvre du chronogramme de la Transition, il est persuadé que cela « n’est pas de nature à être une raison de report d’une activité prévue dans ce chronogramme ou d’une élection quelconque ». « À mon avis, les autorités de la Transition sont en train de travailler d’arrache-pied pour la mise en œuvre de ce chronogramme. Il y a des éléments qui prouvent à suffisance aujourd’hui que l’ensemble des acteurs, nationaux ou internationaux, ont pris à bras le corps l’organisation des différentes élections qui sont prévues », avance-t-il.

« Je crois qu’il y a une volonté politique de respecter ce chronogramme et, s’il y a la volonté politique, tout est possible. Je pense que les choses évoluent et on sent que le gouvernement est en train de travailler », appuie Nouhoum Togo, Président de l’Union pour la sauvegarde de la République (USR)

Tenue du référendum menacée 

Le décalage dans les activités prévues dans le chronogramme fait craindre à certains acteurs de la classe politique et de la société civile la non tenue du scrutin référendaire du 19 mars 2023. « Il est bien  possible que le retard pris aujourd’hui ait un impact sur la tenue du référendum et de l’élection des conseillers des collectivités. Il est dit par exemple  que les représentations de l’AIGE doivent être installés 6 mois avant le début de la campagne électorale, mais cela n’est pas encore le cas à 5 mois de l’échéance », fait remarquer Sékou Niamé Bathily, membre du Rassemblement pour le Mali.

Mais, de l’avis de Bréhima Mamadou Koné, les deux premiers scrutins prévus peuvent se tenir dans les délais. « Ce ne sont pas des élections comme la présidentielle ou les législatives, qui coûtent extrêmement cher au pays et qui demandent assez d’efforts dans leur organisation. Ce sont des élections à un seul tour. Je pense qu’en 3 mois, l’essentiel du travail peut être fait. Le retard pris aujourd’hui n’est pas de nature à avoir un quelconque impact sur les deux premiers scrutins », tranche l’analyste politique.

À l’Adema-Pasj, pour respecter le délai de 24 mois imparti à la Transition, l’éventualité d’une modification du chronogramme, qui a été la position du parti lors des échanges du Cadre de concertation, n’est pas écartée. « Pour nous, même le référendum n’était pas important, vu que cela peut jouer sur le reste du calendrier. Nous avions dit à l’époque qu’il était difficile de tenir tous les scrutins et qu’il fallait se concentrer sur les scrutins incontournables comme la présidentielle et les législatives », rappelle Yaya Sangaré.

« S’il faut aller au référendum en mars 2023, il faut un préalable qui est non seulement  la stabilité politique mais aussi le consensus autour de l’avant-projet de Constitution, qui devra refléter les aspirations du peuple », alerte Sékou Niamé Bathily, pour lequel les autorités doivent  communiquer avec les forces vives de la Nation.

« S’il y a un consensus, tout est possible. Mais s’il y a des décisions qui sont prises sans prendre en compte certains partenaires importants dans le processus, cela pourrait amener à un blocage et, de retard en retard, on aboutira à un glissement dans le chronogramme qui pourrait aboutir à une crise », prévient t-il

Chronogramme toujours tenable ?

Le chronogramme de la Transition sera-t-il respecté pour une fin dans le délai imparti ? Du point de vue de Nouhoum Togo, qui croit « fermement qu’ensemble nous devons travailler pour relever le défi », cela ne fait pas de doute.

Bréhima Mamadou Koné soutient qu’on ne peut pas dire aujourd’hui qu’il n’y a pas de volonté politique et qu’il n’y a pas d’engagement de la part des autorités de la Transition d’aller vers l’organisation des différentes élections suivant le chronogramme électoral, qui a été élaboré de concert avec l’ensemble des forces vives de la Nation et soumis à la communauté internationale, qui suit de près l’évolution de la situation au Mali.

Amadou Aya ne partage pas cet avis. Pour le Secrétaire général de la Codem, pour lequel  les autorités de la transition « doivent poser la valise » si elles ne parviennent pas à respecter le nouveau délai, un autre chronogramme doit tout simplement être proposé, compte tenu du retard pris dans la mise en œuvre de celui du 28 juin. « Il faut revoir ensemble ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas et abandonner certains scrutins », préconise-t-il.

Yaya Sangaré y va avec un ton plus modéré, même si le doute sur le respect du chronogramme est partagé. « Nous pensons que cela va être tenu, mais ce sera difficile. Il faut que tout le monde soit associé et que chacun soit doté d’un minimum de bonne foi et ensemble on pourra arriver à tenir le chronogramme dans le délai imparti », relativise le Vice-président de l’Adema-Pasj.

Mais, même s’il semble être trop tôt pour évoquer une possible nouvelle prolongation de la Transition au-delà de février 2024, certains acteurs craignent déjà ce scénario, dont les conséquences seraient nombreuses pour le pays. Toute la classe politique est unanime pour « l’éviter  à tout prix ».

Nouvelle Constitution : des innovations adaptées aux réalités du Mali ?

L’avant-projet de nouvelle Constitution a été remis au Président de la Transition le 11 octobre 2022. Ce texte, qui sera soumis à référendum en mars 2023, contient des innovations majeures par rapport à l’actuelle Constitution, celle du 25 février 1992, et suscite des interrogations.

Parmi les nouveautés contenues dans l’avant-projet de nouvelle Constitution, le Président de la République, qui peut subir une procédure de destitution, détermine désormais la politique de la Nation et non plus le gouvernement. L’Assemblée nationale ne peut donc plus renverser le gouvernement, dont les membres, quelle que soit leur dénomination, sont limités à 29. Et le Président de la République ne peut plus dissoudre l’Assemblée nationale.

La Haute Cour de justice et le Haut Conseil des Collectivités sont supprimés, tandis que l’avant-projet consacre la création de la Cour des comptes et une modification du Conseil économique et social, auquel s’ajoute l’environnement. Le Parlement devient bicaméral, avec la création d’une deuxième chambre, le Haut Conseil de la Nation (HCN).

« Je pense que cet avant-projet de nouvelle Constitution s’inscrit dans une dynamique de réadaptation du texte à la réalité socio-politique évolutive. Les réalités sociales du Mali ont évolué ces dix dernières années, sous les auspices de la crise du Nord et du Centre », note l’analyste politique Ballan Diakité.

Mais, pour le Professeur Fousseyni Doumbia, constitutionnaliste et Secrétaire général de l’Association malienne de droit constitutionnel, les différentes innovations contenues dans l’avant-projet de nouvelle Constitution ne sont pas « refondatrices » et la Commission de rédaction n’a apporté « quasiment rien de nouveau », n’ayant fait que capitaliser les différentes tentatives de révision constitutionnelle.

« La refondation suppose la matérialisation de réformes en profondeur de la Constitution, substantielles, audacieuses et radicales de la norme fondamentale. Elle suppose également qu’on touche à certaines lignes rouges que le pouvoir de révision ne peut pas toucher, qu’on change soit la nature du régime politique soit la forme de l’État, mais aucun changement n’a été apporté dans ces éléments substantiels de la Loi suprême », relève-t-il.

Risque de destitution « inopérante »

En plus d’un Parlement à double chambre, qui s’aligne sur le modèle anglo-saxon effectif dans plusieurs pays du continent, la procédure de destitution du Président de la République par le Parlement est l’une des innovations-phares de l’avant-projet de nouvelle Constitution.

Toutefois, selon le Professeur Fousseyni Doumbia, cette destitution du Président de la République restera également « inopérante, comme elle l’a été devant la Haute Cour de justice ». « Le Président aura la mainmise sur l’Assemblée nationale et le Haut Conseil de la Nation, où il nommera /4 des conseillers, qui seront naturellement dévoués à sa cause », craint-il, préconisant plutôt un renforcement des mécanismes de démocratie directe pour la destitution du Président de la République. « Le cas échéant, à travers notamment des moyens de référendum révocatoire ou de pétitions populaires pour mettre en accusation le chef de l’État, à l’image de certaines démocraties contemporaines ».

Si, selon lui, le mécanisme prévu dans l’avant-projet risque de ne pas marcher, Ballan Diakité juge pour sa part nécessaire cette disposition, pour « renforcer davantage le principe de l’équilibre des pouvoirs ». « Il fallait le faire, puisqu’on ne peut pas dire que le peuple est souverain et en même temps permettre qu’une personne que ce peuple a élue ait des super pouvoirs et soit inarrêtable », analyse M. Diakité.

Panacée pour l’Accord pour la paix ?

L’avant-projet de nouvelle Constitution prend en compte certaines dispositions de l’Accord pour la paix de 2015 issu du processus d’Alger, notamment, entre autres, la création d’une seconde chambre au Parlement, la reconnaissance des chefferies traditionnelles et les mécanismes de distribution traditionnelles de la justice. Mais, selon les observateurs, la nouvelle Constitution ne garantira pas à elle seule une application effective et intégrale de cet Accord.

« Il y aura toujours d’éventuels problèmes d’application effective de l’Accord, parce que cela ne tenait pas seulement à la révision ou à l’élaboration d’une nouvelle Constitution, cela va mais bien au-delà. Il revient aux décideurs de voir quelle adéquation trouver avec la nouvelle Constitution », souligne Ballan Diakité.

Militarisation : la police va rentrer dans les rangs

La loi portant militarisation de la Police nationale et de la Protection civile adoptée ce jeudi par le CNT à 111 voix pour, 0 contre et 0 abstention et saluée par une partie de la population, amènera les éléments de ces forces à être déployées sur les « terrains chauds » et à aider l’armée dans la lutte contre le terrorisme. Le syndicalisme sera en outre supprimé. Si ces éléments sont clairs, d’autres sont pour l’heure plus confus, notamment la transposition des grades.

D’une pierre deux coups. Armer les policiers dans la lutte contre le terrorisme et mettre fin au syndicalisme de ce corps, dont les revendications se faisaient plus prégnantes. Les policiers déployés dans les zones de conflits, dépourvus d’armes lourdes au vu de leur statut de paramilitaires, en auront désormais pour appuyer l’armée contre le terrorisme. « Actuellement, on a affaire à des terroristes qui viennent avec des armes de guerre. Nous sommes aussi exposés que les militaires, sinon plus, car, étant plus près de la population, nous devenons des cibles plus faciles ici, où les armes circulent librement. Face à eux, avec nos PA (Armes automatiques, NDRL), il est difficile de les contrer », explique un sous-officier de la police déployé au sein du Groupement mobile de sécurité (GMS) de Gao.

Rien qu’en 2022, plusieurs policiers ont perdu la vie dans des attaques terroristes : deux le 21 février à Tombouctou, un autre dans la nuit du 23 au 24 juin à Fana, cinq le 7 août sur l’axe Koury – Koutiala…

« Nous sommes depuis quelques années dans une situation exceptionnelle. Une dynamique sécuritaire qui a pris des proportions que le pays n’avait jamais connues jusque là. L’État ne joue plus son rôle régalien sur une bonne partie du territoire du fait de cette crise sécuritaire. Ce contexte assez particulier oblige à adapter les réponses sécuritaires. Cette volonté de militarisation de la police s’inscrit dans la recherche d’une réponse coordonnée autour de la problématique du retour de l’État dans les zones où il est absent », explique Soumaïla Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la Réforme du secteur de la sécurité.

C’est d’ailleurs « au regard de la situation sécuritaire et des défis multiples auxquels les forces de défense font face » que le gouvernement explique dans son projet de loi sa décision de militariser la Police nationale.

Ainsi, en plus de ses missions classiques de maintien de l’ordre et de police judiciaire, elle pourra être déployée dans les zones reconquises par l’armée afin d’y assurer la sécurité des populations et de leurs biens et d’empêcher le retour des terroristes. Les agents bénéficieront de ce fait, selon le projet de loi du gouvernement, des mêmes avantages que les autres militaires engagés en opérations. Tout comme les sapeurs pompiers, qui seront aussi militarisés pour couvrir « l’arrière des forces engagées au combat » en appuyant la Police.

Discipline militaire

D’un autre côté, les autorités de la Transition mettront fin aux revendications syndicales de la Police nationale. Il lui sera appliqué la discipline militaire : le strict respect des règles, de l’ordre et de la rigueur. Les différents syndicats de la police nationale (14) seront supprimés. Ce dernier point constitue pour plusieurs observateurs la véritable raison « inavouée » des autorités de la Transition d’adopter le projet de texte, « presque en catimini », en plus au lendemain du 4 octobre (Journée de la Police) et après les renouvellements de certains bureaux des syndicats des Officiers et des Commissaires, notamment celui du Syndicat national des Commissaires de Police du Mali, le 1er octobre dernier.

Adoptée, la loi mettra aussi fin à « l’accentuation des attitudes peu orthodoxes : des Directeurs généraux, nationaux et hauts gradés du corps parfois menacés et pourchassés par des policiers mécontents, des policiers en cortège dans les rues de la capitale, le refus d’obtempérer à l’ordre hiérarchique », croit le Dr Aly Tounkara, expert défense et sécurité au Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S).

En effet, depuis le début de la Transition, les policiers se sont fait remarquer. Le 3 septembre 2021, ils étaient une centaine à prendre d’assaut la Maison centrale d’arrêt de Bamako pour exiger la libération du chef des Forces spéciales antiterroristes (FORSAT), le Commissaire divisionnaire Oumar Samaké, placé en détention dans le cadre de l’enquête sur la répression, en juillet 2020, du mouvement de contestation, sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Et, depuis l’unification de la grille indiciaire des personnels relevant des statuts des fonctionnaires de l’État, des Collectivités territoriales, des statuts autonomes et des militaires par l’Ordonnance 2021 n°2021-003 du 16 juillet 2022, signée par le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, les syndicats de police ne cessent de dénoncer par des manifestations une « discrimination » et une « marginalisation » de la Police nationale, « ignorée » dans la transposition de la grille salariale unifiée.

Inquiétudes

« Le sentiment partagé par beaucoup de policiers vis à vis du projet de militarisation est que la démarche n’a pas été inclusive et démocratique. C’est comme si les concernés n’avaient pas eu droit à la parole », constate Dr Aly Tounkara. La synergie des syndicats de la police a dans un communiqué en date du 19 octobre déploré que ce projet n’a fait l’objet d’aucune consultation des acteurs concernés. Lors d’une séance d’écoute avec la commission du CNT en charge du dossier, les deux représentants des syndicats ont insisté sur la nécessité d’un renvoi pour mener des discussions préalables afin d’aboutir à un projet consensuel, la préservation des acquis en terme d’avantages, des garanties en amont du maintien des corps et grades en ayant des équivalences avec ceux de l’armée afin d’avoir une grille harmonisée dans le nouveau statut.

Plusieurs syndicalistes de la police voient en la militarisation « une volonté de nous empêcher de lutter pour nos droits. Sinon, nos éléments sont déjà présents dans plusieurs localités à risques », indique un président de syndicat sous couvert de l’anonymat. Selon ce dernier, par respect pour les policiers, les autorités de la Transition auraient dû rassembler l’ensemble des syndicats de la Police pour prendre leur avis et leur expliquer comment va être mise en place la militarisation. « Jusqu’à présent, on ne sait pas clairement tout ce qu’elle va impliquer », déplore-t-il.

Dans le projet de loi du gouvernement, quelques indications sont esquissées. L’article 2 indique que les fonctionnaires de la Police nationale et de la Protection civile seront gérés par le Statut général des militaires, en les plaçant sous l’autorité du ministre en charge de la Sécurité. Le ministère de la Sécurité et de celui de la Défense ne seront donc pas liés, comme ce fut le cas par le passé lorsque la police était militarisée. En outre, l’article 3 annonce la relecture de l’Ordonnance n2016-020/P-RM du 18 août 2016, modifiée, portant Statut général des militaires. Laissant ainsi croire à une future harmonisation des statuts de la Police et des militaires.

Les inquiétudes n’en demeurent pas moins. « Les grades de la police, tels que commissaire, inspecteur et commandant doivent-ils être transposés à la lumière de ceux de l’armée avec les avantages y afférents ? Comment rester aussi proches de la population et agir en militaires ? La militarisation est-elle un gage suffisant pour plus d’éthique et de morale chez l’agent de Police ? Comment convaincre les partenaires au développement de continuer à soutenir la Police et la Protection civile en termes de formation et d’équipement en dépit de leur militarisation ? ». Autant de questions auxquelles, selon le Dr Aly Tounkara, il faudra apporter des éléments de réponse probants.

Concernant la transposition des grades, des policiers s’insurgent déjà. « Je ne peux pas être chef à la police et que, par cette militarisation, un subordonné d’un autre corps soit supérieur à moi », met en garde un officier supérieur. Parlant de ce point dans une interview récente, le premier Secrétaire général du Syndicat de la police nationale, l’Inspecteur Général de police à la retraite Mahamadou Zoumana Sidibé, promeut une concertation entre les différents corps concernés (Armée régulière, Gendarmerie nationale, Protection civile et Police nationale), pour faire « la confrontation des grades. On prend ce qui est à prendre et on laisse ce qui est à laisser », suggère-t-il.

Mutations

Au Mali, la militarisation de la police n’est pas nouvelle. Depuis sa création, le 31 juillet 1925, par un arrêté du Gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française, la Police nationale a subi plusieurs mutations de militaire à paramilitaire. En février 1968, sous Modibo Keïta, elle a connu une semi-militarisation marquée par la dissolution des syndicats et son administration avait été confiée au Secrétaire d’État chargé de la Défense et de la sécurité. En 1973, elle est devenue un corps militaire avec des grades d’appellations militaires et était composée de cinq corps : officier, aspirant, inspecteur, gardien de paix, brigadier et brigadier-chef. Elle a été démilitarisées en 1993 en application d’une recommandation de la Conférence nationale. Moins de 30 ans après, une autre concertation sociale (les Assises nationales de la refondation, tenues les 11 et 12 décembre 2021), veut à nouveau remettre les policiers dans les rangs de l’armée. Pour lutter contre le terrorisme et le syndicalisme, au passage.

Mali : 62 ans après, une nouvelle indépendance ?

Depuis Modibo Keïta, le Mali n’a jamais autant semblé prendre son destin en main qu’en ces temps de transition. À coup de déclarations et de décisions fortes, les autorités actuelles imposent leur marque. Ces actions font-elles écho à celles des premières heures de l’indépendance?

« L’histoire ne se répète pas, mais parfois elle rime », a écrit l’essayiste américain Mark Twain. Le 15 août dernier, après 9 années d’intervention au Mali, le dernier contingent de l’armée française a quitté le pays, comme ce fut le cas le 5 septembre 1961, jour où le dernier soldat colonial français quitta le pays indépendant, à quelques jours près, depuis moins d’un an. Malgré des époques et des contextes différents, beaucoup ont ressenti un sentiment de souveraineté retrouvée. « Ce 22 septembre est une date commémorative de ce passé glorieux retrouvé, car elle est exceptionnelle en termes de restauration et de renforcement de la souveraineté, de la dignité, de la fierté, de l’honneur et surtout de l’unité du peuple », certifie Younouss Soumaré, Secrétaire général du Collectif pour la défense des militaires.

Le ton avait été donné le 25 septembre 2021 à l’ONU par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, habillé pour l’occasion comme Modibo Keïta. Il avait listé dans son discours ce qu’il affirmait être les nouvelles aspirations du peuple malien. À savoir : « le Mali nouveau n’acceptera pas qu’on puisse nous imposer des agendas, qu’on puisse nous imposer notre propre agenda, nos priorités, qu’on puisse nous imposer des diktats », a rappelé le 6 septembre au Togo, Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, lors de la 3ème réunion du Groupe de suivi et de soutien à la Transition au Mali. À ces déclarations s’ajoutent, entre autres, les expulsions du représentant de la CEDEAO, Hamidou Boly (25 octobre 2021), de l’ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer (31 janvier 2022) et du porte-parole de la Minusma, Olivier Salgado (20 juillet).

Fanfaronnades

Des décisions jugées « fortes », mais dans lesquelles ne se « retrouve pas », El Hadj Baba dit Sandy Haïdara, 1er Vice-président de l’US-RDA, parti du père de l’indépendance.

« Modibo Keïta a obtenu l’indépendance et a demandé aux militaires français de sortir de notre pays sans pourtant rompre ses relations ni avec la France ni avec les États-Unis. Il est resté dans une diplomatie constructive, sans fanfaronnade. Comme on le dit, un tigre n’a pas besoin de proclamer sa tigritude. Il se fait respecter par son comportement », explique M. Haïdara, selon lequel le moment de l’indépendance n’a rien à voir avec aujourd’hui.

Pour lui, « on ne peut pas vouloir l’unité africaine, se dire panafricain et être en désaccord avec tous les pays africains. Malheureusement, c’est ce qui se passe actuellement », regrette-t-il.

A contrario, pour le Dr Abdoulaye Amadou Sy, Président de l’Amicale des ambassadeurs et consuls généraux du Mali, « sur le plan diplomatique, au niveau africain, les actions phares qui sont portées par les autorités maliennes sont effectivement acceptées et admirées par une grande partie de la population africaine. Les populations aspirent à l’indépendance et à la souveraineté, de ce fait, elles aiment les dirigeants qui refusent de vivre une politique de soumission. Cela, on l’a senti en 1960 et on le ressent aujourd’hui ».

Du chemin à faire

Si, sur le plan politique, le Mali se présente comme appliquant une souveraineté retrouvée, sur le plan socio-sécuritaire il y a encore du chemin à faire. Rien que dans le cercle d’Ansongo, des sources locales font état d’une centaine de civils tués depuis début septembre. La situation est telle que, dans un message vocal récent, le Général El Haji Ag Gamou a appelé les habitants des localités concernées à quitter les villages reculés pour les grandes villes, pour leur sécurité.

Sur le plan social, « il faut que les responsables arrivent à lutter contre la misère. Il faut que les gens arrivent à circuler dans leur pays pour montrer qu’ils sont indépendants, à manger à leur faim et à boire à leur soif », s’exclame le Dr Sy.

Pour cela, il va falloir trouver des nouveaux paradigmes pour atteindre la souveraineté alimentaire, selon l’économiste Modibo Mao Makalou. « 62 ans après les indépendances, l’Afrique continue à importer un tiers de la nourriture qu’elle consomme, alors qu’elle possède 60% des terres arables au monde, a la population la plus jeune du monde ainsi que beaucoup de ressources hydriques et hydrauliques. Elle possède beaucoup de soleil aussi. Il va falloir tirer profit de tout cela et moderniser nos systèmes de production agricole pour ne pas continuer à dépendre de la pluviométrie, comme nous le faisons à 90% du temps actuellement », explique-t-il.

Primature : Un Maïga peut en cacher un autre

Le Colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement depuis décembre dernier, a été désigné le 21 août 2022 pour assurer l’intérim du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, malade depuis maintenant un mois. Le nouveau chef temporaire du gouvernement a affirmé rester dans le sillage des instructions du Premier ministre, mais pour beaucoup sa présence pourrait marquer un nouveau tournant dans la transition.

Le Colonel Abdoulaye Maïga, 41 ans, qui ne faisait pas partie du « cercle des 5 colonels » qui ont pris le pouvoir en août 2020, est devenu sans conteste au fil des mois le visage des déclarations fortes des autorités de la transition.

Nommé ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation depuis le gouvernement Moctar Ouane, il est l’un des hommes de confiance du Colonel Assimi Goita. C’est donc sans grande surprise que le président de la transition l’a désigné pour assurer l’intérim à la Primature, le temps que le Premier ministre Choguel Maïga se remette de son indisponibilité.

Le Colonel Maïga imprime sa marque

À la tête du gouvernement, Abdoulaye Maïga n’a pas tardé à poser son empreinte. Quatre jours après sa désignation, dans une lettre circulaire en date du 25 août 2022, il exige des ministres l’observation de plusieurs mesures, dans le cadre de « l’efficacité du travail gouvernemental et de l’amélioration de la qualité des textes adoptés par le gouvernement en conseil des ministres ».

D’abord, la tenue des réunions de cabinet autour des dossiers inscrits à l’ordre du jour du conseil des ministres le lundi à partir de 08h00 au niveau des départements respectifs et la transmission des observations formulées sur les dossiers au secrétariat général du gouvernement le même jour avant 14h00.

Ensuite, la centralisation et la transmission au Premier ministre desdites observations par le secrétaire général du gouvernement. Par ailleurs, un conseil de cabinet doit se tenir le mardi à 10h00 à la Primature sur les observations des départements sur les dossiers du conseil des ministres et le secrétaire général du gouvernement doit tenir un procès-verbal de réunion faisant ressortir les observations pertinentes et les recommandations formulées. Ce procès-verbal du conseil de cabinet doit être transmis par le secrétaire général du gouvernement le même jour au Premier ministre par intérim.

Enfin, les communications verbales doivent être impérativement déposées au secrétariat général du gouvernement au plus tard le mardi à 8h00. Le Premier ministre par intérim a également interdit dans la foulée, sur instruction du président de la transition, les téléphones, montres et tout autre appareil électronique en conseil des ministres.

Rappelons que cette interdiction, qui n’est pas nouvelle, n’était plus vraiment de rigueur depuis le départ du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, qui l’avait instaurée en 2017.

« L’intérim exige une double mission : rester dans le sillage des instructions du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga et faire face aux défis quotidiens », a déclaré le colonel Abdoulaye Maïga le 29 août dernier, lorsqu’il a rencontré les membres du cabinet du Premier ministre. Depuis, le nouveau locataire temporaire de la Primature s’attelle à la tâche.

Audiences le 25 août avec le Président mondial de la Jeune chambre internationale (JCI) et le 2 septembre avec le ministre algérien des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger. Présidence le 30 août d’un conseil de cabinet sur les dossiers à l’ordre du jour du conseil des ministres du mercredi 31 août 2022 et de la cérémonie de lancement de l’opération de recensement des agents des fonctions publiques de l’État et des collectivités le 1er septembre. Le chef du gouvernement par intérim ne fait que suivre le rythme effréné qu’il s’était jusque-là imposé à l’Administration territoriale, où, selon l’un de ses collaborateurs, le volume horaire a presque doublé au département depuis qu’il en a pris les rênes.

« C’est un grand travailleur, quelqu’un de très humble par rapport à ses connaissances intellectuelles. Il est très vigilent et très sociable avec ses collaborateurs. Il reconnaît la valeur de tout le monde et a une grande capacité d’écoute. Très assidu et rigoureux, il est très exigeant par rapport au rendement », nous confie cette source.

Un intérim bien accueilli

Le colonel Abdoulaye Maïga, qui a fait une partie de ses études en France, où il a notamment décroché un doctorat en sécurité internationale et défense à l’Université Jean Moulin de Lyon en 2011, et a travaillé notamment pour la CEDEAO, est un interlocuteur habituel des politiques, avec lesquels il a plusieurs fois échangé autour de de la mise en œuvre des réformes électorales en cours sous la transition.

Au lendemain de sa désignation pour assurer l’intérim du Premier ministre, la plupart d’entre eux l’ont bien accueillie. Le Rassemblement pour le Mali (RPM), après en avoir pris acte, a souhaité que ce tournant soit « une occasion de renforcer et d’étendre à l’ensemble du gouvernement l’esprit d’inclusivité que le colonel Maïga a imprimé au département de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, en vue d’une transition véritablement inclusive, apaisée et respectueuse de nos engagements ».

« Nous lui faisons confiance, le soutenons et lui souhaitons bonne réussite », dit pour sa part Bréhima Sidibé, Secrétaire général du parti de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, Fare An Ka wuli. Même son de cloche à l’ASMA-CFP, où l’on est convaincu que le colonel Maïga « est aujourd’hui celui qui incarne le plus la transition et est à même de maintenir le cap à la hauteur des défis du jour ».

« Le choix du Colonel Maïga me semble un choix cohérent, avec le fait qu’à travers son ministère il sera l’acteur principal des actions politiques en cours et à venir, telles que la mise en place de l’autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), l’adoption d’une nouvelle constitution et le marathon électoral. Jusque-là il semble donner satisfaction pour attaquer les défis politiques à venir », relève également Dr. Amidou Tidjani, analyste politique et enseignant-chercheur à l’université Paris 13 (Sorbonne-Paris-Nord).

Pour Abdoul Sogodogo, vice-doyen de la faculté des sciences administratives et politiques (FSAP) de l’université de Bamako, il est important aussi de noter que cette désignation intervient à un tournant décisif de la gouvernance publique et que le choix porté sur le colonel Abdoulaye Maïga pourrait s’expliquer par plusieurs raisons.

« On observe une confiance croissante du président de la Transition en la personne du colonel Abdoulaye Maïga. D’abord, le Premier ministre avait été littéralement déchargé de fonction de porte-parole de fait du gouvernement. Ensuite, c’est bien le ministre de l’Administration territoriale qui livrait le contenu des messages du gouvernement, bien qu’il ne soit pas un véritable idéologue comme le Dr. Choguel Kokalla Maiga », rappelle-t-il.

AIGE, la mauvaise note?

Même si le Premier ministre intérimaire semble bénéficier d’un état de grâce de la part des acteurs politiques et de la société civile, la décision qu’il a prise au niveau de l’Administration territoriale de recourir à un tirage au sort pour désigner les représentants des partis politiques et de la société civile au sein du collège de l’AIGE continue d’être controversée chez les politiques et pourrait mener à une dégradation des relations jusque-là apaisées entre lui et eux.

« Nous pensons que ce sont des manières de faire qui sont de nature à réinstaurer une crise de confiance entre l’Administration territoriale et la classe politique. Nous ne voulons pas d’une crise pré-électorale, c’est pourquoi nous interpellons le président de la transition sur ce dossier de l’AIGE », avertit Sékou Niamé Bathily, chargé de la communication du RPM.

« Ce n’est pas la personne du colonel Abdoulaye Maïga qui compte. Ce sont les actes posés par l’administration elle-même. C’est elle qui doit veiller au respect des textes, mais si c’est elle qui viole en premier les lois, c’est inquiétant », clame-t-il.

« La gestion de la mise en place de l’AIGE peut avoir des lourdes retombées sur la gouvernance du Premier ministre intérimaire, en ce sens qu’elle peut nuire aux relations entre la classe politique et lui », affirme Abdoul Sogodogo.

Mais, selon Amidou Tidjani, cela ne devrait pas être un problème pour le locataire intérimaire de la Primature, parce que, soutient-il, « le colonel Maïga semble être quelqu’un d’intelligent, qui laisse les politiques mener leurs discussions dans un cadre d’échange qu’il met en place sans y participer directement et les laisse s’entre-déchirer ou se mettre d’accord avant de trancher à la fin ».

Le colonel Abdoulaye Maïga entre-t-il dans les critères d’un Premier ministre longtemps réclamé par une partie de la classe politique, notamment le cadre d’échange ? « Pour le cas d’un Premier ministre neutre, consensuel, rassembleur, nous attendrons avec intérêt l’évolution de l’état de santé du Premier ministre et la suite que le président de la Transition donnera à tout cela », répond Sékou Niamé Bathily pour le cadre, précisant que le Colonel Abdoulaye Maïga est là, selon ce qu’il a déclaré lui-même, pour continuer dans le sillage de Choguel Kokalla Maïga.

Choguel Maïga toujours hospitalisé

Absent depuis un mois, Choguel Kokalla Maïga a, selon nos informations, fait un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. Il est depuis le 9 août dernier hospitalisé à la clinique Pasteur de Bamako, où il a été admis suite à son malaise. Il y occupe depuis la chambre 114, une chambre VIP à 125 000 francs CFA la nuitée. Face aux flots d’informations parus sur son état de santé le 13 août, la cellule communication de la Primature a dans l’urgence fait une publication affirmant qu’il avait été mis au « repos forcé » pour une reprise de ses activités la semaine qui suivait. Mais, depuis, très peu d’informations circulent le concernant, ce qui a le don d’exaspérer certains « vidéomen » réputés proches de lui. Selon nos informations, si un temps, vers les 22 – 23 août, la possibilité d’une évacuation vers Johannesburg avait été évoquée, la décision a finalement été prise de le garder à Bamako, et, d’après notre source il se porterait mieux mais a encore des difficultés à s’exprimer. « Il parle lentement » assure-t-elle. Dr. Allaye Bocoum, l’un de ses proches, confie avoir reçu un message du chef du gouvernement le vendredi 2 septembre 2022, où il disait se remettre « de mieux en mieux ».

« Il y a vraiment de quoi se réjouir, car il est entre de très bonnes mains, dans une très grande sécurité et aucun laisser-aller dans le domaine de son intimité familiale n’a été permis », glisse celui qui révèle que le Premier ministre n’avait pris qu’une semaine de repos l’année dernière alors même que ses médecins lui avaient imposé un mois.

À l’en croire, Choguel Kokalla Maïga, dont le black-out total autour de l’état de santé découlerait de sa volonté personnelle, récupérera une bonne forme physique avant de reprendre toute activité publique, chose sur laquelle ses médecins sont « intraitables ».

En attendant, le retour aux affaires du leader du M5-RFP semble improbable pour certains observateurs, qui n’excluent pas sur la durée un scénario à la guinéenne, où le Premier ministre intérimaire a fini par être nommé de manière définitive pour la suite de la transition.

Mali – CEDEAO : Goodluck Jonathan à Bamako pour le suivi de la transition

L’ancien président nigérian et médiateur de CEDEAO pour le Mali, Goodluck Jonathan, est arrivé hier dimanche 4 septembre en début de soirée à Bamako pour le suivi de la mise en œuvre des recommandations issues du dernier sommet extraordinaire des Chefs d’Etat de l’Organisation sous régionale. Il a été accueilli au nom du gouvernement par Alhamdou Ag Ilyène, ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine. Le médiateur fera le point avec les autorités sur l’état d’avancement des principaux chantiers devant conduire à des élections et la fin de la transition. La mise en place de l’autorité indépendante de gestion des élections n’est toujours pas encore effective par exemple, même si un pas a été franchi le 22 août dernier avec la désignation par tirage au sort des représentants des partis politiques et de la société civile devant y siéger. Le ministère de l’Administration territoriale doit encore procéder à la désignation finale des membres retenus. Cette visite du médiateur à Bamako précède la rencontre du groupe de suivi et de soutien à la transition au Mali qui se tiendra à Lomé au Togo demain 6 septembre. La délégation malienne conduite par le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop fera le point sur l’évolution du processus de transition et exprimera les besoins de soutiens des partenaires en appui au Mali.

Dr. Hamadoun Haidara : « On ne peut pas dire que cette transition ne répond pas à ce que veut le peuple »

Ce 18 août 2022 marque les deux ans de l’avènement d’un pouvoir de transition à la tête du Mali. Dr. Hamadoun Haidara, sociologue, chercheur en gouvernance et décentralisation, enseignant vacataire à la Faculté des Sciences administratives et politiques, nous livre son opinion.

2 ans de transition. Quel bilan en faites-vous ?

À mon avis, le bilan n’est ni totalement décevant ni totalement satisfaisant. Il y a eu du bon et du moins bon. Mais dans l’ensemble c’est un bilan acceptable. On peut l’évaluer en fonction du programme du gouvernement. Sur le plan sécuritaire, par exemple, il y a eu suffisamment d’acquisitions de matériels et on nous fait savoir que la situation sur le terrain a changé, même s’il y a toujours beaucoup de flou. Ce qui est réel, c’est que certaines actions ont permis de renforcer les positions de l’armée. Ce bilan sécuritaire peut être donc compté parmi les acquis, même si la situation reste pratiquement inchangée, avec plusieurs zones qui ne sont pas totalement sous contrôle et une insécurité qui s’oriente vers les centres urbains.

Beaucoup de choses ont changé durant ces deux ans, notamment les rapports avec la communauté internationale. La transition est-elle sur la bonne voie ?

Je peux dire qu’elle est sur la bonne voie dans la mesure où elle essaye de faire ce à quoi aspirent les populations. Les actions sont en quelque sorte orientées par le peuple dont aujourd’hui la grande majorité la soutient. On ne peut donc pas dire que cette transition ne répond pas à ce que veut le peuple, même si parfois elle prend des décisions inappropriées ou inconfortables. Mais je pense que cette posture des autorités de prendre les devants sur tout n’est pas confortable pour un État qui s’ouvre sur plusieurs plans. Lorsqu’on a besoin du soutien de tout le monde et qu’on veut se débarrasser de certains, j’estime qu’il y a incohérence.

Le Président de la transition fait presque l’unanimité mais son Premier ministre est décrié par une partie des politiques. La nomination d’un nouveau Premier ministre contribuerait-elle à une suite plus apaisée ?

Pour moi, cette question ne doit pas être à l’ordre du jour. Quel que soit le Premier ministre qui sera nommé, il aura toujours une coloration quelconque et ne fera pas l’unanimité, même s’il est issu de la société civile ou est un technocrate. L’essentiel, c’est d’avoir un chef de gouvernement capable de prendre des décisions et de les assumer pendant des moments difficiles. C’est ce qu’essaie de faire le Premier ministre actuel.

Primature : Le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga hospitalisé

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga est selon nos informations hospitalisé depuis le mardi 9 août dans la soirée à la Clinique Pasteur de Bamako à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Ces dernières apparitions publiques remontent au même mardi où il a participé à la cérémonie de réception des nouveaux aéronefs de l’armée, présidé un conseil de cabinet et reçu en audience la fondation Damaguilé Diawara. Toujours selon nos informations, son état ne serait pas alarmant. La Primature a dans la journée du 13 aout communiqué sur son compte officiel. Elle précise que le Premier ministre a été mis au repos forcé après 14 mois de travail sans répit. Il reprendra ses activités la semaine prochaine assure le cellule communication de la Primature.

Dr. Laya Amadou Guindo : « Nous ne sommes pas dans un acharnement contre le Premier ministre »

Le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie est de nouveau monté au créneau en fin de semaine dernière pour se prononcer sur la situation sociopolitique du pays. Dr. Laya Amadou Guindo, Président de l’ADRP, membre du Cadre, apporte des précisions.

Vous proposez la constitution d’un gouvernement d’union nationale. Pour vous, le gouvernement actuel a-t-il montré ses limites ?

Cette demande n’est pas nouvelle. La Charte révisée du 25 février 2022 prévoit l’élargissement du gouvernement et du CNT. Au-delà, le gouvernement actuel n’a pas pu empêcher l’embargo sur le Mali. Il n’a pas pu rassembler les Maliens autour d’un idéal commun, encore moins empêcher la hausse vertigineuse des prix des denrées de première nécessité. Sur le plan sécuritaire, la situation laisse à désirer. À notre entendement, un gouvernement est là pour régler des problèmes, répondre aux aspirations du peuple. S’il n’arrive pas à faire cela, nous pensons qu’il a montré ces limites et qu’il faut en changer.

Vous demandez également la nomination d’un Premier ministre neutre. D’aucuns pensent que vous êtes dans un acharnement contre le Chef du gouvernement actuel…

Nous ne sommes pas du tout  dans un acharnement contre le Premier ministre actuel. En 2012-2013, il y a eu Premier ministre neutre et non partisan, Diango Cissoko. À équidistance, les hommes politiques avaient participé à la compétition et le meilleur avait gagné. Aujourd’hui, ayant un Premier ministre partisan, qui de surcroît fait des déclarations tendancieuses, nous sommes en droit de nous poser des questions et de douter de son impartialité.

L’éventuel prochain Premier ministre doit-il provenir du Cadre ?

Je dois préciser que le Cadre n’est pas formé que de partis politiques. Il y a aussi des regroupements de la société civile. Cette personne peut venir de tous les bords mais ne doit pas être un homme politique qui a des ambitions politiques. Nous pensons que nous, hommes politiques, devons nous battre, convaincre les populations, afin de prendre le pouvoir par les urnes.

Le Cadre se transformera-t-il en plateforme électorale lors des prochaines échéances ?

Notre objectif, c’est comment mobiliser et nous mettre ensemble pour une transition la plus courte possible. Une transition qui fonctionne avec toutes les forces significatives de la République afin qu’à son issue il n’y ait plus d’autres tensions dans le pays. Une fois cette mission accomplie, nous sommes tous des acteurs politiques, l’avenir nous dira sur quel pied danser.

Peut-on s’attendre à un rapprochement entre le Cadre et le M5-RFP Malikura, qui tend aujourd’hui la main à toutes les forces vives du pays ?

Nous restons ouverts et nous prenons la main tendue de toutes les bonnes volontés, tant que l’objectif commun est le Mali, la cohésion, l’impartialité et le respect du nouveau délai de la transition.

UNTM – Gouvernement : l’ultimatum

Après un début de transition emmaillé par les grèves de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), suivi d’une trêve, notamment durant les sanctions de la CEDEAO, une nouvelle épée de Damoclès plane désormais au-dessus de la tête du gouvernement. En effet, la plus grande centrale syndicale du pays donne jusqu’à la fin du mois d’août au gouvernement pour annuler les arrêtés n°2022-0278/MTFPDS-SG-CNCFP du 22 février 2022 et n°2022-3266/MTFPDS-SG-DNFP-D1-3 du 26 juillet 2022 relatifs à l’intégration de contractuels dans la Fonction publique de l’État. Des arrêtés du ministère en charge du Travail, de la Fonction publique et du dialogue social dont elle juge l’adoption truffée d’irrégularités.

Abidjan, 14 décembre 2020. Bah N’Daw est en roue libre. Devant la diaspora malienne, le Président de la transition d’alors lâche : « avec l’état actuel du Mali, quelqu’un qui jouit de ses facultés mentales ne doit pas parler de grève, a fortiori partir en grève ». C’était le symbole de l’agacement de son gouvernement face aux multiples revendications syndicales de la principale centrale malienne, l’UNTM. Ce  fut également l’une des principales causes invoquées par les autorités de la transition actuelles pour son éviction du pouvoir, en mai 2021. « Le gouvernement s’est montré incapable de constituer un interlocuteur fiable, susceptible de mobiliser la confiance des partenaires sociaux ». Cela a conduit à « une consternation générale, marquée par la persistance des grèves de l’Union nationale des travailleurs du Mali, dont l’issue est finalement une grève illimitée » et a entraîné « une véritable asphyxie de l’économie malienne », s’étaient-elles justifiées.

Si « la rectification de la trajectoire de la transition » a permis de suspendre les mots d’ordre de grève de l’UNTM, ceux-ci semblent vouloir refaire surface. Et pour cause : « à notre grande surprise, nous avons constaté l’intégration de certains contractuels disant qu’ils avaient passé un concours dont nous n’avons pas eu connaissance », regrette Issa Bengaly, Secrétaire administratif de l’Union nationale des travailleurs du Mali. En croire ce dernier, les arrêtés n°2022-0278/MTFPDS-SG-CNCFP du 22 février 2022 et n°2022-3266/MTFPDS-SG-DNFP-D1-3 relatifs à l’intégration des contractuels dans la Fonction publique de l’État ont été pris par le ministère en charge du Travail, de la Fonction publique et du dialogue social sans que l’UNTM ne soit au courant. « L’UNTM avait déjà déposé sur la table du ministère des doléances par rapport à l’intégration des agents contractuels de l’État qui émargent au budget de l’État. Dans ce contexte, l’État devait faire part de sa décision à la centrale syndicale, avec laquelle il est en collaboration et qui a accepté, au vu des conditions dans lesquelles l’État se trouve, d’observer une trêve dans ses revendications », ajoute-t-il.

« Duperie collective »

Dans la lettre, datée du 3 août et signée par son Secrétaire général, Yacouba Katilé, également Président du Conseil économique, social et culturel, l’UNTM va plus loin en dénonçant « les remous suscités par les régulations de situations administratives du premier arrêté » portant intégration dans la Fonction publique de l’État d’agents précédemment recrutés comme contractuels et payés sur les fonds propres de leur établissement et non sur le budget d’État, « donc qui n’étaient pas des contractuels d’État payés sur le budget national. Ces décisions ont, par leur ampleur et incidence, soulevé de graves inquiétudes », dit le courrier. Selon le regroupement syndical, c’est la démonstration de la « duperie collective entretenue à propos du Mali Kura », car, à l’en croire, l’intégration tranche avec la légalité et méconnait l’égalité de naissance, de citoyenneté et de chances, comme le stipule la Constitution du 25 février 1992, ainsi que la Charte de la transition. Le fait que les bénéficiaires des arrêtés d’intégration, au lieu d’être dans les corps de l’Enseignement supérieur, où ils officient déjà, soient directement versés dans ceux des Planificateurs, des Inspecteurs des finances et des Administrateurs civils, alors que l’intégration à ces corps se fait via une formation dans la nouvelle ENA, constitue également « une anomalie » soulignée par M. Katilé dans sa correspondance.

« Pour l’UNTM, l’intégration des ces agents contractuels de l’Enseignement viole toutes les procédures administratives sans exception et, pis, ils ont été intégrés dans des corps relevant uniquement de l’ENA. Son communiqué est responsable, même si les concernés vont encore crier à l’injustice et à l’obsession de l’UNTM au détriment de leurs intérêts. C’est une déclaration de guerre, si je ne m’abuse pas, car l’annulation des arrêtés est exigée par la centrale, qui ne capitule pas devant les faits », signale Moussa Cissé. Selon cet analyste de la vie politique et sociale, « le sentiment d’injustice semble depuis un moment occuper tous les débats liés au rêve et à l’idéal du Mali Kura ». Les deux arrêtés fustigés par la centrale syndicale, poursuit-il, violent les textes d’intégration dans la Fonction publique, surtout le fameux Décret 051, qui empêche toute intégration dans la Fonction publique qui n’est pas issue de la voie des concours. « Le pilier sans lequel rien ne sera atteint demeure la justice sociale. Elle ne devrait pas faire de préférences entre les fils du pays pour des appartenances quelconques. Rien ne peut justifier de tels faits en ces moments précis de la refondation », estime-t-t-il.

La même situation est décriée par le Secrétaire administratif de l’UNTM. « Dans la même Fonction publique, que pour des agents qui ont le même problème on vienne en prioriser certains au détriment d’autres, cela n’est pas normal. Vu que la situation des contractuels qui émargent déjà au budget de l’État était d’actualité. Malgré cela, l’État se permet de prendre des arrêtés pour intégrer d’autres types de contractuels, cela équivaut à une insulte aux autres. Nous souhaitons que l’intégration soit faite pour tout le monde », sollicite M. Bengaly, qui précise que l’UNTM n’est pas « contre les contractuels intégrés mais veut que cela soit fait dans les règles de l’art et que cela ne soit pas sélectif ».

« Favoritisme »

Le deuxième arrêté n°2022-3266/MTFPDS-SG-DNFP-D1-3 du 26 juillet 2022, portant régularisation de situation administrative, comporte également des incohérences estiment les syndicalistes. Il s’agit notamment des cas des anciens détenteurs du diplôme de Licence, qui ne bénéficieraient pas du privilège d’accéder à la catégorie A de la Fonction publique, contrairement aux diplômés de Licence du système LMD.

Se basant sur ces « irrégularités », l’UNTM, qui « n’acceptera jamais pendant la transition le népotisme, le favoritisme, les privilèges qui ont tant assombri le développement de notre pays du fait d’un afflux d’incompétents, de corrompus à la tête des responsabilités dont le pays pouvait se glorifier », exige d’ici la fin du mois d’août, « une annulation pure et simple » des arrêtés.

« Suicidaire pour l’économie du pays »     

L’Union nationale des travailleurs du Mali, créée en 1963, est l’organisation syndicale la plus puissante et la plus structurée du pays. Elle regroupe 13 syndicats nationaux et les travailleurs maliens de France. De ce fait, plusieurs observateurs de la vie sociale craignent qu’elle n’aille en grève, d’autant plus que lors de sa première grève sous la transition, en novembre 2020, elle avait occasionné une perte de « plusieurs dizaines de milliards de francs CFA pour l’Etat », estimait alors l’économiste Modibo Mao Makalou.

De même, pour l’analyste Moussa Cissé, « une grève de l’UNTM à l’heure actuelle serait suicidaire pour l’économie du pays. Elle va énormément peser sur le quotidien des Maliens, surtout en cette période de vie chère. Elle pourra causer des tensions sociales de grande envergure et fera monter la grogne sociale dans des secteurs déjà handicapés par l’embargo et la crise économique internationale ». Pour l’éviter, ajoute-t-il, les autorités doivent prendre « le problème et les mises en garde de la centrale très au sérieux en engageant des discussions sincères autour des points de divergence. Les arrêtés qui sont au centre des tensions entre la centrale et le ministère de la Fonction publique doivent faire objet de débats pour que soient engagées les décisions adéquates possibles ».

Pour l’heure, le Secrétaire administratif du regroupement, Yacouba Bengaly, explique qu’il laisse le temps au gouvernement d’apprécier son ultimatum, tout en indiquant que « l’UNTM élabore une stratégie en se basant sur deux conditions : soit l’annulation des arrêtés, soit l’intégration des autres contractuels », annonce-t-il. Les autorités de la transition n’ont pas encore réagi à cette demande de l’UNTM. Et, en dépit de nos nombreuses sollicitations, elles ne nous ont pas non plus répondu.

« Les rivalités syndicales »

Autre crainte avec l’ultimatum de l’UNTM, le spectre du retour des revendications suspendues par les différentes organisations syndicales du pays à cause de l’embargo de la CEDEAO que subissait le Mali.

« La logique qui a prévalu à la suspension des mots d’ordre des syndicats n’est plus d’actualité, à cause du simple fait que l’embargo de la CEDEAO a été levé. En plus de cela, l’État ne montre pas qu’il y a suffisamment un besoin de résilience et de résistance à travers les différentes commissions créées (élaboration de la constitution, suivi des ANR, etc.) et surtout l’augmentation du nombre des membres du CNT. Toutes ces structures sont budgétivores et ne créent pas de ressources. Donc l’UNTM, en tant première centrale, ne fera qu’ouvrir le bal du front social », prévient le sociologue Dr Hamadoun Haïdara.

Et Moussa Cissé d’ajouter : « à l’heure actuelle, il faut craindre tout et s’attendre à tout. Les rivalités syndicales sont vivaces, surtout sous cette transition. Le risque de grèves répétitives est bien réel, mais je pense que de chaque côté l’esprit patriotique va dominer les sentiments réactionnaires des uns et des autres. Pour ce qui concerne, par exemple, l’application de l’article 39, l’État doit convoquer des États généraux de l’Éducation pour définir un nouveau pacte social avec le monde éducatif. Il n’y a aucune refondation possible sans l’École et elle devrait être le premier pilier à être diagnostiqué pour apporter des solutions efficaces. Quand l’école est malade, tous les autres secteurs sont forcément atteints de carences ».

À l’issue du Conseil des ministres du 29 juin dernier, le gouvernement avait annoncé l’organisation d’une Conférence sociale, dont la date n’est toujours pas fixée, pour permettre l’adoption d’un Pacte de stabilité sociale.

 

 

Adama Ben Diarra : « La MINUSMA a échoué, elle doit l’assumer et partir »

Après le dépôt d’un courrier au siège de la MINUSMA pour qu’elle quitte le Mali avant le 22 septembre 2022, « Yerowolo debout sur les remparts » entend  manifester ce vendredi. Son « Commandant en chef », Adama Ben Diarra dit Ben le cerveau, membre du Conseil national de transition (CNT), nous explique le « combat » contre la mission onusienne.

Que reprochez-vous concrètement à la MINUSMA ?

Sa mission a été un échec. Elle n’a jamais pu sécuriser les civils, ni aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale et sa stabilité. Elle a échoué, elle doit l’assumer et partir.

Le Chef de la Mission, El-Gassim Wane, a annoncé lundi qu’une « revue stratégique » était prévue très bientôt. Cette déclaration ne suffit-elle pas à calmer vos protestations ? 

Non. Ils ont clairement dit qu’ils ne sont pas là pour lutter contre le terrorisme. Nous, notre problème, c’est le terrorisme. Ensuite, la Mission dit que c’est Barkhane qui la sécurisait et que puisque Barkhane s’en va c’est à l’armée malienne de le faire. Si l’armée doit sécuriser 15 000 hommes et nos populations civiles, la MINUSMA n’est plus une solution, elle devient un problème. Et à chaque fois que nos militaires tuent un grand nombre de terroristes, ils font des rapports pour les accuser d’exactions. Il se trouve que la France, qui a créé notre guerre et qui se nourrit de cette guerre, a des personnes aux postes-clés de la MINUSMA. De ce fait, si on chasse Barkhane pour maintenir la MINUSMA, c’est comme si l’ennemi restait toujours là.

Avez-vous eu une réponse à la lettre du 20 juillet ?

Ils disent qu’ils l’ont reçu et pris bonne note. Nous n’étions pas allés là-bas discuter, mais ils ont tenté de nous expliquer que ce que nous demandons la MINUSMA ne peut pas le faire. Qu’ils n’ont pas le mandat, les moyens logistiques et les équipements pour combattre le terrorisme.

Et si avec la révision annoncée cela changeait ?

Nous sommes dans une dynamique : si la MINUSMA doit rester au Mali, elle doit respecter certaines conditions. Il faut que les postes stratégiques soient assurés par un partenaire fiable du Mali, non par la France ou ses alliés. Sur les 84 pays membres de la MINUSMA, seuls 4 sont des partenaires sincères du Mali. Tous les autres sont ou manipulés ou alliés de la France. Si on pouvait réviser ces conditions et donner le leadership de la MINUSMA par exemple à la Russie ou à la Chine, on pourrait être assurés qu’elle sera une mission de soutien et non de déstabilisation.

Politique : les exilés de la transition

La Cour suprême du Mali a lancé le 25 juillet 2022 un mandat d’arrêt international, rendu public le 28 juillet, à l’encontre des anciens ministres Boubou Cissé, Tiéman Hubert Coulibaly et Mamadou Igor Diarra et de l’ancien PDG de la BMS, Babaly Bah. Un nouvel épisode qui s’inscrit dans la démarche de la lutte contre la corruption des autorités de la transition, semble cibler d’anciens responsables du régime déchu d’Ibrahim Boubacar Keïta. Comme d’autres avant elles, ces personnalités se retrouvent à l’extérieur du pays, doutant de l’impartialité de la justice malienne.

Le bruit courait depuis des jours. Il a fini par se confirmer en fin de semaine dernière. Boubou Cissé et Mamadou Igor Diarra, tous deux ex-ministre de l’Économie et des finances, Tiéman Hubert Coulibaly, ex-ministre de la Défense nationale, et Babaly Bah, ancien Président directeur général de la BMS-SA, font l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé à leur encontre pour « crimes de faux et d’usage de faux, d’atteinte aux biens publics et de complicité de ces infractions », a informé le 28 juillet dans un communiqué Mamadou Timbo, Procureur général de la Cour suprême. Ce mandat d’arrêt, a-t-il précisé, fait suite à l’ouverture par la Chambre d’instruction de la Cour suprême d’une information judiciaire sur des faits « liés à l’affaire du marché public dit Paramount, lequel marché public s’inscrit dans la mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire, ainsi que la Loi de programmation pour la sécurité intérieure ».

Des « Marauders » manquants

 L’affaire remonte à octobre 2015. Tiéman Hubert Coulibaly et Mamadou Igor Diarra, respectivement ministres de la Défense et de l’Économie, signent au nom du gouvernement avec le groupe sud-africain Paramount, spécialisé dans l’industrie de véhicules blindés et aéronefs, un accord d’un montant de plus de 59 millions de dollars portant sur l’acquisition de 36 véhicules blindés type « Marauders », la mise en état de deux petits avions de l’armée de l’air, la fourniture de matériels de rechange et la formation des pilotes et des chauffeurs des blindés.

Les modalités de paiement du contrat étaient, selon une source proche du dossier, une avance de 20% à la signature du contrat, puis les 80% restants payables sur les 3 années suivantes (2016, 2017 et 2018). Sauf que, malgré le paiement du premier acompte via un compte dédié à la BMS en décembre 2015 (11,8 millions USD), aucun véhicule n’a été livré comme prévu.

Cela a poussé Boubou Cissé, successeur de Mamadou Igor Diarra à la tête du département des Finances en janvier 2016, à refuser de s’acquitter de la 1ère des trois autres échéances prévues au contrat. Selon un cadre du département, « le contrat comportait plusieurs irrégularités, à commencer par le fait qu’il était libellé en dollars américains au lieu de francs CFA », ce qu’exige le code des marchés publics pour éviter les pertes de change, et que « les paiements étaient échelonnés sur 3 ans à travers l’émission de trois billets à ordre », un instrument financier non reconnu par la comptabilité publique malienne.

En octobre 2016, Boubou Cissé et Abdoulaye Idrissa Maïga, nouveau ministre de la Défense, décident d’envoyer une mission d’inspection en Afrique du Sud, à l’issue de laquelle le contrat qui lie l’État malien et Paramount a été modifié, avec un libellé en francs CFA (35,5 milliards) et la méthode de paiement modifiée. Mais ce n’est qu’en 2019, après plusieurs sommations, que le gouvernement malien, alors dirigé par Boubou Cissé, obtient finalement la livraison de 8 véhicules blindés « Marauder », grâce à l’entremise des Émirats arabes unis. Quant aux volets formation, fourniture de pièces de rechange et remise en état des deux avions, ils auraient été correctement exécutés.

Réactions en chaîne

 Quelques jours après l’officialisation du mandat d’arrêt international à leur encontre, parmi les personnalités visées, les 3 anciens ministres ont réagi. D’abord l’ancien Premier ministre, suivi de ses deux anciens collègues. « … Contrairement à ce que veulent faire croire les personnes qui ont été chargées d’instruire ce dossier, en aucun cas je n’ai posé un acte illégal dans l’exercice de mes fonctions et d’ailleurs, au moment de la conclusion de ce marché, en octobre 2015, j’étais en charge du ministère des Mines, donc étranger à la conclusion de ce marché », a-t-il déclaré, dans un communiqué publié le 1er août. « En tout état de cause, lorsque j’ai eu le privilège et l’honneur d’être ministre, puis Premier ministre de notre pays, j’ai agi au service de l’État, dans le souci de l’intérêt général, du respect des contrats signés avec nos fournisseurs, de la préservation du bien public et de notre Nation », a ajouté l’ancien Chef de gouvernement.

Son prédécesseur au ministère de l’Économie et des Finances, Mamadou Igor Diarra, confirme avoir été le signataire du contrat, précisant dans son communiqué « qu’une fois que ce marché avec Paramount Ltd a été soumis par le ministère de la Défense et des Anciens combattants, il a fait l’objet de plusieurs vérifications préalables par les services techniques dédiés et j’en ai personnellement demandé la modification sur trois points techniques afin de mieux préserver le intérêts de l’État du Mali. Ainsi, mon rôle purement administratif et prescrit par les textes en vigueur au Mali s’est arrêté là, fin décembre 2015 ».

L’ex-candidat à la présidentielle de 2018, passé de directeur général de la Bank Of Africa Sénégal au poste de directeur régional UEMOA puis Afrique centrale en avril dernier, réside depuis au Congo Brazzaville, mais semble vouloir collaborer avec la justice malienne, à en croire son communiqué : « Lors de mon dernier séjour au Mali, venu enterrer ma défunte mère en mars 2022, je me suis spontanément rendu auprès  de certaines autorités, afin de leur notifier ma disponibilité pour des éclaircissements sur tout dossier sur lequel je disposais d’informations et/ou qui ont pu relever de mes attributions de l’époque ».

Même son de cloche chez l’ancien ministre de la Défense nationale, Tiéman Hubert Coulibaly, qui affirme dans un communiqué non daté, n’avoir agi « que dans le cadre de prérogatives claires » définies pour la mission qui lui était confiée et « pour assurer la meilleure préparation opérationnelle de nos forces face au défi sécuritaire ». Il ajoute que « si la justice malienne devait rechercher à situer ma responsabilité dans le cadre d’une quelconque information judiciaire, elle a la latitude de procéder au moyen d’une commission rogatoire à laquelle je m’engage à répondre prestement ».

Mandats « politiques » ?

Si la poursuite en soi de ces dignitaires du régime déchu suscite déjà certaines interrogations dans l’opinion publique, les motivations réelles et le moment choisi, à l’entame de la dernière phase de la transition, se prêtent encore plus aux interprétations diverses.

« Ces mandats s’inscrivent dans une logique de concrétisation des recommandations des ANR. On sait qu’elles ont fortement recommandé la lutte contre l’impunité, la corruption, les malversations financières. Je me dis que les autorités de la Transition, qui sont actuellement engagées dans une bataille de refondation, sont en train d’aller dans ce sens », soutient l’analyste politique Ballan Diakité. « Toutefois, il y a quand même lieu de craindre que ces mandats ne soient la manifestation d’une volonté politique contre les anciens dignitaires du régime d’IBK. La justice doit faire son travail dans la neutralité, l’indépendance et dans la transparence à tous les niveaux pour que la vérité judiciaire triomphe », poursuit-il.

L’ancien Premier ministre Boubou Cissé a d’ailleurs alerté en ce sens, craignant une instrumentalisation de la justice pour  « détourner l’opinion publique nationale des vrais enjeux du moment en matière sécuritaire, sociale et économique ».

L’avocat Cheick Oumar Konaré membre de la commission de rédaction de la nouvelle Constitution, pour sa part, même s’il soutient que la justice est libre de lancer un mandat d’arrêt contre qui elle veut, avance que celui-ci aura des difficultés à être exécuté. « Nous sommes sous un régime militaire et, par définition, les autres pays ne nous considèrent pas comme une démocratie. Par conséquent, il est difficile d’exécuter ces mandats d’arrêts, d’autant plus que ceux qui sont visés sont pour la plupart des hommes politiques. On va considérer à l’étranger que ces mandats sont des mandats politiques », pense l’avocat.

 L’URD impactée

Mamadou Igor Diarra, 27ème Vice-président, et Boubou Cissé, Secrétaire aux affaires économiques de la section de Djenné, ont adhéré au parti à la poignée de mains, l’URD, respectivement en mars et juin 2021, avec des ambitions de candidature pour le compte du parti à la prochaine élection présidentielle devant conclure la transition.

Mais avec les poursuites judiciaires les impliquant, leur avenir politique au sein du parti de feu Soumaila Cissé, pourraient être compromises, même si jusqu’à preuve du contraire, ces deux personnalités ainsi que toutes les autres visées bénéficient de la présomption d’innocence.

Au sein du parti, déjà en proie à une bataille judiciaire pour son contrôle, le clan opposé à la candidature de l’un ou l’autre de ces anciens ministres et nouveaux adhérents, se réjouit, selon une source interne, de la tournure des évènements à l’encontre de leurs « adversaires ». Au même moment, les soutiens de Boubou Cissé et de Mamadou Igor Diarra, convaincus du « dessein politique » derrière les poursuites judiciaires de leurs leaders, se disent « très consternés », comme l’atteste la réaction de la section de Djenné, qui soutient Boubou Cissé, ou encore du Collectif des associations et groupements de la région de Mopti, qui avait œuvré à faire de ce dernier un citoyen d’honneur de la ville de Mopti en 2021. Dans un communiqué publié le 2 aout, il « invite les autorités de la transition à la retenue et au discernement à l’endroit de tous les dignes fils de ce pays qui se sont battus avec amour et dévotion afin de le faire avancer ».

« Nous sommes obligés de chercher d’autres candidats pour remplacer ces personnalités sous mandat d’arrêt, qui sont pour l’instant exclues de la course à la candidature du parti », reconnait, contrarié par cette nouvelle donne, un responsable communal de l’URD, proche du camp du nouveau président du parti, le contesté Gouagnon Coulibaly. « Le parti doit quand même pouvoir trouver à l’interne d’autres candidats, si à l’approche des échéances électorales les personnalités visées ne sont toujours pas rentrées. Je pense qu’à ce niveau il n’y a pas de grands risques », relève aussi pour sa part Ballan Diakité. Pour l’analyste, les conséquences pour l’URD pourraient plutôt se situer au niveau du financement, Boubou Cissé et Mamadou Igor Diarra étant « potentiellement des bailleurs de fonds pour le parti » dans l’optique des futures échéances électorales.

D’autres politiques « introuvables »

Les affaires divergent, mais ont toutes un point commun : les personnes présumées impliquées ont trouvé refuge hors du pays ou y vivent cachées. Début avril, Oumar Mariko, président de SADI, a été convoqué à la gendarmerie après que, selon son parti, son domicile ait été encerclé deux jours plus tôt par des hommes armés suite à des propos sur l’armée jugés critiques.

Depuis, Dr. Mariko est introuvable. Alors qu’on le croyait en « fuite » hors du Mali, l’ancien député avait fait une sortie médiatique quelques jours plus tard depuis le lieu où il s’était réfugié, affirmant qu’il était toujours sur le territoire malien.

Quant au fils de l’ancien Président feu IBK, Karim Keïta, en exil depuis la chute de son père en août 2020, il est visé par un mandat d’arrêt international depuis juillet 2021, dans l’affaire de la disparition du journaliste du « Sphinx », Birama Touré. Un mandat lancé à son encontre par le juge d’instruction du Tribunal de grande instance de la Commune IV du District de Bamako, mais qui, selon des proches du dossier, ne semble pas avoir encore fait l’objet d’une notice rouge d’Interpole. L’ancien Président de la Commission défense de l’Assemblée nationale se trouve en Côte d’Ivoire, ainsi que quelques-unes des autres personnalités visées par la justice sous la transition. Ce qui n’écarterait pas, selon certaines rumeurs, l’hypothèse d’une demande d’« échange » avec Bamako, en contrepartie de la libération des 49 militaires ivoiriens arrêtés le 10 juillet à l’aéroport Président Modibo Keïta.

 

Accord pour la paix : ouverture d’une réunion de niveau décisionnel

Ce lundi 1 août 2022, s’est ouvert la réunion de niveau décisionnel des parties signataires à l’Accord pour la paix et la réconciliation. Cette rencontre qui prendra fin le 5 aout prochain a pour objectif global de diligenter la mise en œuvre des actions prioritaires de défense et sécurité de l’Accord pour la Paix, conformément à la feuille de route actualisée du 18 Décembre 2020.

La tenue d’une réunion de haut niveau entre le gouvernement et les groupes armés signataires doit lancer le redémarrage de la réintégration socio-économique de catégories particulières d’ex-combattants et de femmes associées aux groupes armés, désignés dans les cinq régions du nord. Cette réunion devrait aussi aboutir à un consensus sur les réformes politiques et institutionnelles en suspens. « Pour ce faire, nous procèderons aux discussions relatives à la répartition des quotas à l’intégration des ex-combattants dans les corps constitués de l’Etat y compris au sein des forces armées et de sécurité, au mécanisme de gestion du cas des hauts cadres civil et militaires des mouvements et enfin, de convenir des réformes politiques et institutionnelles non liées à la révision constitutionnelle » a annoncé le ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix et la Réconciliation nationale, le Colonel-major Ismaël Wagué.

Sept ans après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation dont la mise en œuvre patine, les groupes armés signataires, eux, appellent à plus d’engagement. Le représentant de la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a souhaité que cette réunion permette d’avancer réellement sur les véritables enjeux.

Les différents partenaires du processus dont la MINUSMA ou encore le chef de file de la médiation internationale souhaitent un plus grand engagement des signataires pour maintenir les acquis et booster la mise en œuvre de l’accord.

La médiation internationale au Mali insiste, sur l’impératif d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, essentielle pour la stabilisation durable du Mali et la refondation de l’État malien.

 

 

 

 

 

Mali : la solution à la crise passe par la mise en œuvre de l’accord pour la paix selon l’Algérie

Lors de sa rencontre périodique avec la presse algérienne, diffusée dimanche sur les chaînes de télévision et les stations radio nationales, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a affirmé que le règlement des problèmes auxquels fait face le Mali passait par la mise en œuvre de l’accord pour la paix. « Tant que l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger n’a pas été mis en œuvre, les problèmes auxquels est confronté le Mali perdureront, car le pourrissement de la situation est tel que n’importe qui s’arroge le droit de s’immiscer dans les affaires de ce pays », a souligné le Président Tebboune. Il a aussi exprimé la disponibilité de l’Algérie à apporter son assistance matérielle et à organiser des rencontres en Algérie ou au Mali entre belligérants maliens. Le président algérien a selon une traduction émise par Algérie Presse Service appelé les dirigeants de la transition, à « se conformer à la Légalité, redonner la parole au peuple, organiser des élections, retourner à la Constitution et à ne pas laisser les circonstances politiques exceptionnelles actuelles perdurer », mettant en garde contre le fait que leur pays « est convoité par d’autres pays ».

Mali – Nouvelle Constitution : enfin la bonne tentative ?

En annonçant le 10 juin la création d’une  commission de rédaction de la nouvelle Constitution, le Président de la transition a remis sur les rails le processus d’adoption d’une nouvelle loi fondamentale pour le Mali. L’ensemble de la classe politique et de la société civile est unanime sur la nécessité d’une nouvelle Constitution, mais la « non inclusivité » du processus et les échecs des tentatives de révision constitutionnelle passées préoccupent certains acteurs.

La question est revenue plusieurs fois sur la table de discussion des politiques : doit-on aller vers une révision de la Constitution du 25 février 1992 ou vers la rédaction d’une nouvelle Constitution ? Le Président de la transition a finalement tranché et opté pour la 2ème option.

« Il est créé, auprès du président de la Transition, une commission de rédaction chargée d’élaborer un avant-projet de loi portant Constitution de la République du Mali, dans le cadre de la Refondation de l’État », dispose le décret présidentiel No2022-0342/PT-RM du 10 juin 2022.

La commission, dont la mission « n’excèdera pas deux mois », qui doit remettre au Président l’avant-projet de Constitution, consultera, entre autres, les partis et regroupements politiques, les organisations de la société civile, le M5-RFP, les centrales syndicales, les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et les faitières de la presse.

Réactions diverses

L’entame du processus d’élaboration de la nouvelle Constitution n’a pas laissé les acteurs politiques indifférents, même si la plupart se sont prononcés à titre individuel et non pour le compte de leurs différentes formations.

« C’est une bonne initiative, parce que cela peut contribuer à rassurer certains partenaires ou  acteurs : la transition est en train de s’orienter vers ce qu’elle aurait pu entamer il y a longtemps, c’est-à-dire donner des gages de sa volonté de sortir de cette période exceptionnelle. Pour moi, la question de la Constitution constitue une étape importante », confie Bréhima Sidibé, Secrétaire général des Fare An Ka Wuli.

En revanche, Amadou Aya, Secrétaire général de la Codem, dénonce un « décret qui est tombé sans concertation ». « On ne s’y attendait pas. J’estime que c’est un décret unilatéral et inapproprié pour le moment. Nous avons besoin d’inclusivité », clame-t-il, sceptique sur la suite des évènements et pointant le contexte sécuritaire pour l’organisation d’un référendum.

Si ce collaborateur de l’ancien ministre Housseini Amion Guindo se dit surpris de la décision du Président de la transition, le porte-parole du parti Yelema, Hamidou Doumbia, s’y attendait, parce que, rappelle-t-il, « tous les grands fora qui ont été organisés ces dernières années dans notre pays ont opté pour la rédaction d’une nouvelle Constitution ».

« Aujourd’hui, ce qui est important, c’est de savoir ceux qui vont composer la commission de rédaction de l’avant-projet et le genre de projet qu’ils vont nous présenter », explique-t-il

Attentes

La nouvelle Constitution, pour beaucoup d’acteurs, devrait revoir certaines dispositions de l’actuelle loi fondamentale et apporter certaines nouveautés jugées importantes. Selon M. Doumbia, le plus important est  de rééquilibrer les pouvoirs, que tout ne soit pas décidé par le Président de la République qui, dans la Constitution actuelle, est comme « une sorte d’empereur ». Il insiste en outre sur l’instauration d’un débat démocratique entre les candidats au 2ème tour de l’élection présidentielle et également sur la création de  la Cour des comptes.

« On n’a pas besoin de faire du copier-coller, il faut adapter les institutions aux réalités maliennes. Que ce soient des réalités sociales ou culturelles, il faut que notre Constitution reflète l’âme même de la nation malienne », souligne pour sa part Bréhima Sidibé, selon lequel il faudra absolument faire taire les « tiraillements politico-politiciens » pour que tout le monde s’engage à accompagner le processus vers sa réussite. La question du délai, pas plus de deux mois comme l’indique le décret, fait que beaucoup d’acteurs et d’experts sont sceptiques. Ils craignent une course contre la montre et un travail à la va vite pour contenter la communauté internationale. Le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga a estimé qu’il « ne partait pas de rien » et que la commission allait s’appuyer sur les projets déjà existants.

La problématique de l’Accord pour la paix est également une question qui revient avec acuité. Une nouvelle Constitution est nécessaire pour intégrer certaines dispositions de l’Accord et permettre sa mise en œuvre effective. Mais les autorités ont évoqué leur volonté d’une relecture intelligente de l’Accord et beaucoup de Maliens le rejettent également. Au-delà, certains politiques pourraient utiliser les mêmes arguments que Antè a Bana en 2017 pour dénoncer ce projet de nouvelle Constitution s’ils l’estiment non inclusif.

L’article 118 de l’actuelle Constitution donne l’initiative d’une révision au Président de la République et aux députés et stipule également qu’aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité de l’État. Mais certains soutiens de la transition ont déjà une ligne de défense prête. Parler de nouvelle Constitution et non de révision de la Constitution.

Mohamed Kenouvi

Mali – CEDEAO : quelle issue aux négociations ?

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a déclaré le 21 avril 2022 devant le Conseil national de transition (CNT) que la durée de 2 ans pour la suite de la transition retenue par le président Assimi Goita avait débuté le 20 avril, malgré l’absence d’accord sur la question avec la CEDEAO. Cette dernière, qui demandait une transition de 12 à 16 mois au plus, n’a pas encore réagi.

« À la date d’aujourd’hui, la date incompressible pour implémenter les bases du processus du changement, des bases solides pour le rendre irréversible, montre qu’on ne peut pas aller en deçà de 24 mois », a tranché Choguel Kokalla Maïga devant les membres du CNT.

« Je dois vous dire que les discussions avec la CEDAO continuent », s’est-il empressé d’enchainer, avant d’indiquer que le Président de la transition était en « contact permanent » avec ses homologues de la CEDEAO et que les différentes équipes installées, politique et technique, discutaient en permanence.

Le Premier ministre a d’ailleurs annoncé  des « missions dans les jours prochains pour aboutir, nous l’espérons, à un accord ». Mais ces missions de la CEDEAO, qui étaient prévues depuis plus d’un mois, à l’issue du Sommet extraordinaire du 25 mars 2022 à Accra, où les deux parties n’étaient pas parvenues à trouver un accord sur la durée de la suite de la transition, tardent à se concrétiser.

Pour l’analyste politique Hamadoun Haïdara, l’annonce des 24 mois faite par le Premier ministre ne va pas arranger la situation et pourrait jouer sur l’arrivée prochaine du médiateur de la CEDEAO à Bamako. « Si déjà le Mali annonce 2 ans sans pour autant la consulter au préalable, c’est un contre-pied à la CEDEAO et cette dernière va prendre position pour analyser d’abord cette déclaration et prendre des décisions qui peuvent aller dans le sens d’un durcissement de ton ou même compromettre le dialogue. Les sanctions pourraient être également alourdies », craint-il.

« On va d’agressivité en agressivité, on se radicalise. Cela peut mettre les Chefs d’États de la CEDEAO dans une situation très remontée et les pousser à agir très gravement », poursuit celui pour lequel la décision des 24 mois est « unilatérale » et ne provient pas d’un « consensus ».

Effets de manches ?

À certains égards, la posture du Premier ministre, même si elle pourrait apparaître comme signe de défiance envers la communauté sous-régionale, participe de la volonté de respecter les conclusions des Assises nationales de la refondation (ANR) qui tablaient sur une transition pouvant aller jusqu’à 5 ans supplémentaires.

Mais, comme l’affirme Dr. Brahim Soumaré, ancien ambassadeur du Mali en Turquie, « même si le terme incompressible est utilisé pour indiquer un délai fermé, en diplomatie la dynamique reste la négociation ».

Pour l’ancien diplomate, le contexte actuel, même du point de vue sécuritaire, avec la montée en puissance de l’armée malienne, fait que le Mali est dans une position qui lui permet de se rapprocher de la CEDEAO, de discuter et de trouver une solution.

« Je suis optimiste et je pense qu’un terrain d’entente pourra être trouvé. Une approche peut être esquissée entre les 2 ans et les 16 mois. Les négociations ne s’arrêteront pas tant qu’il n’y aura pas d’accord. L’action du Président de l’UA, et de certains Chefs d’États africains comme celui du Togo, vont contribuer à trouver une issue », assure-t-il, insistant « le Mali n’a pas d’autre choix que de s’entendre avec la CEDEAO tant que le pays en sera membre ».

Par ailleurs, à en croire un observateur proche des discussions en coulisses, une entente pourrait prochainement intervenir entre les deux parties sur 18 mois. La déclaration du Premier ministre Choguel Kokalla Maiga relèverait plus, selon cette source, d’un effet de manches et l’incompressibilité des 24 mois ne serait pas en réalité non négociable. La CEDEAO devrait se prononcer prochainement sur la question. L’ultimatum lancé à la Guinée et au Burkina Faso a expiré le 25 avril. Un nouveau sommet pourrait donc se tenir dans les jours à venir et le cas du Mali être évoqué à cette occasion.

Transition : une charte qui divise

Après une première partie, de septembre 2020 à mai 2021, suivie d’une autre dite de « rectification », la transition va amorcer une nouvelle étape, celle qui devrait s’acheminer à terme sur un retour à l’ordre constitutionnel. Pour l’acter, un projet de loi du gouvernement portant révision de la Charte de la transition est en cours d’adoption au Conseil national de transition (CNT). Parallèlement, concernant la durée de la transition, les autorités ont débuté des concertations avec la communauté internationale. Si, au fond, les conditions semblent être réunies pour un nouveau départ de la transition, dans la forme, cette dernière phase ne fait pas encore l’unanimité.

Le 9 février 2022, le gouvernement de transition a annoncé la mise en place d’un mécanisme de concertation avec la Cedeao, l’Union africaine et la communauté internationale pour rechercher  une solution « conciliant les aspirations du peuple malien et les demandes de la communauté internationale », notamment à travers l’adoption d’un chronogramme consensuel.

En annonçant cette initiative, il assurait renouveler son engagement pour le retour à un ordre constitutionnel normal et sa « disponibilité constante » au dialogue et au consensus pour la réussite de la transition.

Le mécanisme mis en place est structuré en deux groupes. Le premier concerne le dialogue au niveau ministériel et est composé du Ghana, de la Mauritanie, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Togo, de la Cedeao, de l’Union Africaine et des Nations unies. Il a pour mission de faciliter le dialogue entre les parties prenantes et d’œuvrer à un rapprochement des positions et à la recherche de compromis sur les questions en suspens.

Le deuxième groupe de travail, élargi notamment aux membres du Comité local de suivi de la transition et aux « personnes ressources et experts compétents », va quant à lui se pencher sur l’évaluation technique du projet de chronogramme de la transition présenté à la Cedeao.

Cette dernière a indiqué dans un communiqué, le 10 février, avoir pris note de la disponibilité du gouvernement du Mali pour la poursuite du dialogue avec elle, mais a également fait part de la non mise en place à cette date du groupe de travail au niveau ministériel.

« Ajustements nécessaires »

Le Président de la transition, le colonel Assimi Goita, a convoqué par décret le 4 février 2022 le Conseil national de transition en session extraordinaire, où est inscrite à l’ordre du jour la révision de la Charte de la transition.

Dans le communiqué sanctionnant le Conseil des ministres extraordinaire du 4 février qui a précédé cette décision, le gouvernement indiquait que l’adoption de ce projet de loi permettrait de procéder aux « ajustements nécessaires en vue d’une mise en œuvre efficiente des objectifs de la Transition ».

Cette révision de la Charte portera sur certaines modifications dont, entre autres, la suppression du poste de Vice-président, celle du nombre de membres du gouvernement, l’augmentation du nombre des membres du Conseil national de transition et surtout l’adaptation de la durée de la transition « aux recommandations des Assises nationales de la refondation, « dans le but de mener les réformes indispensables au retour à l’ordre constitutionnel ».

Nouvelle quête d’inclusivité

« L’augmentation du nombre des membres du CNT a pour objectif de créer plus d’inclusivité, pour une bonne gouvernance politique et sociale », affirme Mme Fatoumata Sékou Dicko, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargée des Réformes politiques institutionnelles.

Par ailleurs, ajoute-t-elle, le nouveau délai final de la transition qui va être fixé le sera à la suite des discussions que le gouvernement vient d’entreprendre avec la communauté internationale. « Il faudra trouver le juste milieu, un délai consensuel. C’est ce délai qui va être reproduit dans le chronogramme et qui sera considéré comme le nouveau délai de la transition», affirme-t-elle.

L’analyste politique Salia Samaké abonde dans le même sens. « Les dispositions qui seront adoptées au niveau de la Charte refléteront certainement les résolutions des Assises. Mais, à l’évidence, il faut se dire que pour la durée de la transition, même s’il y a un intervalle acté dans le projet de révision de la Charte, le vrai délai arrêté sera celui qui sortira des négociations entre le Mali et ses partenaires ».

Pour sa part, Boubacar Bocoum, analyste politique, approuve lui aussi l’initiative de révision de la Charte de la transition. Pour lui, « si la transition doit continuer, il faut bien qu’il y ait une autre base, sur laquelle on va l’asseoir, et il faut pallier au vide qui commencera au terme délai initial prévu ».

« Je pense aussi qu’aujourd’hui l’esprit de cette révision est aussi de donner la possibilité à ceux qui voudraient bien participer, que ce soit au niveau du CNT ou du gouvernement, et c’est ce qui oblige le gouvernement à modifier la Charte, pour la recadrer en fonction de la nouvelle orientation », avance-t-il.

« Non seulement ce sont des signes de recherche d’inclusivité, mais c’est déjà une mise en œuvre pratique des recommandations issues des ANR. Ces Assises ont clairement demandé à ce que le CNT soit ouvert à plus de membres », renchérit Salia Samaké.

« Les 18 mois devraient finir en mars. Si jamais on arrivait à cette date dans cet état, on tomberait dans un vide juridique. L’initiative de révision de la Charte n’est qu’une prise de conscience du gouvernement par rapport à cela et vise à mettre en place un cadre normatif », poursuit-il.

À l’en croire, un remaniement ministériel aura forcément lieu après la révision de la Charte pour aboutir à un gouvernement d’inclusivité.

Le Cadre rejette

Le projet de révision de la Charte de la transition ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique, malgré sa « nécessité », mise en avant par le gouvernement. Le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie s’y oppose, y voyant plutôt une tentative de « confiscation du pouvoir » par les autorités actuelles. Une tentative « à peine voilée », que « nous ne saurions jamais accepter », a clamé le Président en exercice du Cadre, le Dr. Modibo Soumaré, le 9 février dernier, lors d’un atelier à l’issue duquel il a annoncé certaines décisions.

Outre le rejet de la relecture de la Charte en cours au niveau du CNT, le Cadre, qui regroupe certains partis-clés de l’ancienne majorité présidentielle, demande l’adoption d’une nouvelle loi électorale consensuelle et annonce la « non reconnaissance des autorités actuelles à partir du 25 mars 2022 ».

Il appelle également à la mise en place d’une « nouvelle transition » pour un délai de 9 mois, avec un gouvernement de mission conduit par un Premier ministre « neutre », la mise en place d’un « nouveau CNT » et l’adoption d’un chronogramme électoral pour l’élection présidentielle et les législatives à la fin de la transition.

« Nous disons au Président de la transition de prendre la mesure de la situation. Nous lui tendons la main, une main ferme et amicale. Nous l’invitons à se mettre au-dessus de la mêlée. Nous pensons que le gouvernement, avec à sa tête le Premier ministre, se retrouve dans une dérive totalitaire qui déclare des conflits à tout le monde, de la France en passant par le Danemark, aux pays membres de la CEDEAO, aux États-Unis, aux amis du Mali », a fustigé le Dr. Soumaré.

Dans un communiqué en date du 6 février, la Codem, parti membre du Cadre d’échanges, a qualifié l’initiative de révision de la charte de « fuite en avant » qui s’inscrit, tout comme les « Assises dite de la refondation », dans une « volonté d’accaparement du pouvoir ».

« Au moment où le peuple s’attend au bilan de la transition et à un véritable dialogue entre les forces vives de la Nation pour dégager un consensus national nous permettant de repartir sur des nouvelles bases, la Codem constate l’embastillement par les autorités de la transition du CNT, dont la mise en place en elle-même a violé le décret de sa création, dans le seul but de se maintenir au pouvoir », indique le communiqué signé du Président du parti, Housseini Amion Guindo.

Le Parena, qui, par ailleurs, a pris part à l’atelier du Cadre d’échanges du 9 février, avait publié plus tôt un nouveau mémorandum appelant à « se parler, sà e donner la main pour sauver le pays ». Une option qui, selon le parti du bélier blanc, doit être « la priorité des priorités ».

Entres autres propositions de sortie de crise, le parti de Tiébilé Dramé opte pour un début du processus électoral « à partir de novembre 2022 » et une nouvelle feuille de route, en concertation avec les partis politiques, les sociétés civiles et les mouvements du Nord.

Adhésion non exclue

Malgré la position affichée par le Cadre d’échanges de son non adhésion à la conduite actuelle de la transition, certains observateurs pensent que certains partis politiques pourraient se désolidariser très prochainement de certaines décisions, notamment celle de la non reconnaissance des autorités de la transition à compter du 25 mars.

Déjà, l’ancien Premier ministre Moussa Mara, ancien Président du parti Yelema, a déclaré le 11 février, lors d’un déplacement à Niono, que cette décision du Cadre d’échanges n’était pas une bonne option pour le parti, même si son porte-parole Hamidou Doumbia avait précisé dans la foulée que cela n’était pas la position officielle du parti Yelema.

D’autre part, suite à une rencontre entre l’Adema-PASJ et une délégation du directoire du Cadre, le 14 février, le parti des abeilles, par ailleurs membre fondateur du Cadre, a également invité ses membres à abandonner « toute posture radicale extrémiste », dont la non reconnaissance des autorités en place dès le 25 mars 2022, et à inscrire leurs actions dans le cadre du dialogue et de la concertation, « gages de l’apaisement social et de la stabilité » du pays.

« C’est vrai que le ton monte au niveau du Cadre, mais il n’est pas exclu que certains partis rejoignent le gouvernement par la suite. Il est même possible de voir une fissure d’ici les prochaines semaines », glisse Salia Samaké.

« Nos politiciens sont imprévisibles. La logique voudrait qu’ils ne participent à rien du tout maintenant et qu’ils restent dans leur posture. Mais ils sont toujours à l’affût de petites opportunités », appuie Boubacar Bocoum, qui ne serait pas « surpris » que certains partis ne manquent pas de saisir l’opportunité de cette probable dernière partie de la transition.

Transition : le cadre s’oppose à la relecture de la charte de la transition

Lors d’une rencontre ce mercredi 9 février, le cadre d’échange des partis et regroupements qui regroupe plusieurs entités politiques a rejeté la relecture de la charte en cours au niveau du CNT. Le cadre réclame également l’adoption d’une nouvelle loi électorale ainsi que la mise en place d’une nouvelle transition avec un gouvernement de mission conduit par une Premier ministre neutre, et la mise en place d’un nouveau CNT. L’organe législatif convoqué en session extraordinaire le 4 février et jours suivants doit se pencher sur une nouvelle charte de la transition qui va entre autres supprimer le poste de vice-président, augmenter le nombre des membres du CNT ou encore la suppression du nombre de membres du gouvernement qui pour des observateurs permettra de l’élargir. Le cadre discret et moins virulent ces dernières semaines prévoient aussi de ne plus reconnaître les autorités de la transition à partir du 25 mars.

Mali – Transition : la proposition de prolongation de cinq ans passe mal

Il n’aura pas fallu longtemps à la CEDEAO pour réagir. 24 h après la présentation d’un chronogramme pour un retour à l’ordre constitutionnel par une délégation conduite par le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, la CEDEAO a décidé d’envoyer son émissaire à Bamako le 5 janvier. En outre, un sommet regroupant les chefs d’Etat se tiendra le 9 janvier pour statuer sur le cas du Mali, de nouvelles sanctions contre le pays ne sont pas à exclure à l’issue de ce sommet. Toutefois, le chef de la diplomatie malienne a précisé que les cinq ans qu’ils ont sont une base de discussion. Les autorités souhaitent maîtriser la situation sécuritaire sur le terrain avant tout scrutin qui selon le chornogramme débutera par la révision constitutionnelle en décembre 2023. Sur le plan politique, les réactions ne se sont pas faites attendre non plus. Tieman Hubert Coulibaly, président de l’UDD qui se trouve en dehors du pays depuis plusieurs semaines s’insurge contre la « confiscation que la junte et ses complices envisagent ». Le cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie a dans un communiqué en date du 2 janvier « rejette le chronogramme unilatéral et déraisonnable ». La coalition qui regroupe une dizaine de partis politiques dit se « réserver le droit d’user de tous les moyens légaux afin que les principes démocratiques obtenus de longue lutte et au prix de nombreux sacrifices ne soient liquidés par une quelconque tentative de confiscation du pouvoir par la force et la ruse »

Assises nationales de la refondation : les Maliens en faveur d’une prolongation de la transition de 6 mois à 5 ans

Les conclusions des Assises nationales de la refondation (ANR) ont été rendues publiques, jeudi 30 décembre, à l’issue des travaux de la phase nationale. La recommandation la plus attendue était celle du délai de la transition, en faveur duquel les Maliens ont proposé une durée de 6 mois à 5 ans. Alors que la CEDEAO exige la tenue de la présidentielle pour le  27 février 2022, faute de quoi le pays pourrait s’exposer à des sanctions économiques.

ANR, les autorités de la transition ne jurent que par ces trois lettres afin de parvenir à un Mali nouveau. Le « diagnostic sans complaisance » a enfin été rendu public. Et l’ultime recommandation attendue par les Maliens et la communauté internationale était celle du délai de la transition, en faveur duquel les Maliens se sont exprimés pour une prolongation de 6 mois à 5 ans. Cette proposition tranche avec la position de la CEDEAO et de la communauté internationale qui presse le Mali de tenir la présidentielle le 27 février 2022.

Lors de son sommet ordinaire du 12 décembre dernier à Abuja, au Nigeria, l’organisation sous-régionale a menacé le pays de nouvelles sanctions qui pourraient être économiques, en janvier 2022 si « la situation n’évolue pas au plus tard fin décembre 2021 ».

Selon certaines informations, le ministre des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, et le président du Panel des hautes personnalités des Assises nationales de la refondation, Zeini Moulaye, sont attendus à Accra ce vendredi 31 décembre. Sans doute pour calmer le jeu.

Lors de la cérémonie de conclusion des ANR, le président de la transition, le Colonel Assimi Goïta, a déclaré qu’un chronogramme électoral sera bientôt soumis à la CEDEAO et a appelé la communauté internationale à accompagner le Mali dans l’organisation des élections. « Conformément aux recommandations issues des Assises nationales de la refondation, le gouvernement mettra très prochainement en place un chronogramme visant à assurer le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé. Par la même occasion, je voudrais saluer et remercier la communauté internationale et la CEDEAO en particulier pour son accompagnement du processus de la transition. C’est pourquoi je souhaite que les pays frères de la CEDEAO accompagnent davantage le Mali dans la réalisation d’actions soutenant l’organisation prochaine des élections. J’en appelle également à leur solidarité agissante en vue de permettre au peuple malien d’atteindre ses objectifs de changement et de développement harmonieux», a lancé le président de la transition.

Au-delà de la recommandation phare sur la prolongation de la transition, les  ANR ont permis aux Maliens de parcourir 13 thématiques qui ont accouché d’un document de 46 pages de recommandations comme l’élaboration d’une nouvelle constitution, l’organisation des municipales avant la présidentielle et les législatives, la mise en place d’un organe unique indépendant de gestion des élections, etc.

Les résolutions issues des ANR seront exécutoires pour le futur gouvernement qui sera installé à l’issue de la présidentielle prochaine. Un comité de suivi et d’évaluation sera mis en place ainsi qu’une « phase technique intense  qui va élaborer une stratégie cohérente pour coordonner l’action publique dans tous les secteurs, tout en engageant une estimation budgétaire du coût de la refondation. »

Les ANR se sont « tenues dans 725 communes sur un total de 759, incluant les six communes de Bamako, soit un taux de réalisation de 95,52%. Elles ont été organisées dans 51 cercles sur 60, soit un taux de réalisation de 85%. » Elles n’ont pas pu se tenir dans 9 cercles de Kidal, et de Ménaka. En outre, plusieurs politiques ont aussi boycotté les assises.

Présidentielle – RPM : Bocary Tréta désigné candidat sur fond de tensions

Le Rassemblement pour le Mali, (RPM) a tenu la 3ème assise de son Comité central les 28 et 29 décembre 2021 au palais de la culture de Bamako. L’ancien parti présidentiel connaît de profondes divergences en son sein. Sur la question du candidat du parti à la prochaine élection présidentielle, il reste divisé malgré le choix porté sur le président actuel dont la date d’investiture reste encore à déterminer.

Dans sa quête de reconquête du pouvoir perdu suite au coup d’Etat du 18 août 2020, le RPM est à la remobilisation de ses troupes.

La 3ème assise du comité central convoquée dans cet esprit, avait pour objectifs entre autres, d’évaluer l’état de mise en œuvre des résolutions générales du 4ème congrès ordinaire et de la 2ème session du comité central, et de prendre toutes les mesures en vue de renforcer les capacités opérationnelles des organes centraux du parti.

Trois commissions de travail étaient mises en place, chargées de discuter respectivement  sur les questions relatives à la vie du parti, à la problématique des élections de  2022, et à l’état de la nation.

Très vite les débats des travaux auxquels ont participé les délégués des différentes sections et fédérations du parti se sont portés  sur le choix du futur candidat à l’élection présidentielle.

Le RPM reste d’ailleurs focalisé sur l’échéance initiale du 27 février 2022 pour la tenue de la présidentielle, en témoignent les propos à la séance inaugurale de l’assise, de son président, Dr. Bocary Tréta.

« Les élections générales dans notre pays sont prévues le 27 février 2022. C’est le plan dont nous disposons et celui en lequel nous croyons. Nous n’avons pas un plan B pour les élections générales de 2022 dans notre pays. Tout autre plan porterait le risque de nous engager dans une aventure politique aux conséquences  incalculables », a-t-il indiqué.

Positions tranchées

Si le parti milite pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, Il est loin d’asseoir une unanimité sur son porte-étendard lors du scrutin qui mettra un terme à la transition.

Entre choisir le président actuel Dr. Bocary Tréta candidat du parti ou organiser un congrès qui élira un candidat, les positions sont très tranchées.

« Pas de candidat naturel, allons au congrès pour choisir celui qui va représenter le parti », clame une déléguée.

« Tant que le président du parti est là et n’a pas désisté, la question ne se pose même pas. Il est le candidat d’office. Le président du parti a toujours été candidat du parti depuis 2002 », lui répond  un autre.

Pour l’ancien président de l’Assemblée nationale, Moussa Timbiné, aucune autre instance à part le congrès, ne peut prendre des décisions pour le parti.

« Seul le congrès est habilité à relire les textes. Tout ce qu’il y a comme failles ou insuffisances, on les constate, on prend des recommandations  pour le congrès. Le cadre actuel n’est pas un cadre habilité à investir  ni désigner  un candidat »,  a soutenu celui dont l’intervention a suscité de vives tensions entre les délégués pour ou contre sa position.

« Je ne suis pas venu en guerre. Si c’est la guerre, je ne viendrai pas ici, je peux la mener autrement.  Je suis membre fondateur de ce parti et  ce n’est pas de gaieté de cœur que je le quitterai ou le combattrai» a t-il lâché pour calmer les ardeurs.

Tréta, et après ?

Le comité central, dont les décisions sont exécutoires, a tranché après les débats. L’article 43 du règlement intérieur du parti stipule qu’il est le plus haut organe de décision du parti entre deux congrès,argument que brandissent les membres du parti favorable à une désignation du candidat par cette instance.

Sur proposition de la commission « vie du parti », le comité central a recommandé en dernier ressort de « désigner  le président du parti Dr. Bocary Tréta comme candidat à l’élection présidentielle à venir ». Une date sera choisie pour la cérémonie de son investiture.

Mais la partie opposée pourrait ne pas s’y conformer. Moussa Timbiné semble prévenir des conséquences d’une division aux sorties de cette assise.

«Sur une violation des textes, si une seule personne n’est pas d’accord, il peut faire tomber le bureau devant les tribunaux », a-t-il brandi.

2021 : l’année de Choguel Kokalla Maïga

C’est à un moment où beaucoup le disaient en perte de vitesse, qu’il s’est retrouvé dans la lumière. Après des mois de contestation et de tribulations, Choguel Kokalla Maïga  a été officiellement nommé Premier ministre de la transition le 7 juin dernier, à la suite d’un second coup d’Etat ayant propulsé le vice-président de la transition Assimi Goïta à la fonction de chef de l’Etat.  Assises nationales de la refondation, grille unifiée des fonctionnaires, lutte contre la corruption, emprisonnement de politiques ou encore discours à la tribune de l’ONU,  le nouveau Premier ministre aura marqué l’année 2021 par sa politique et ses prises de position. 

Sécurité, politique, société. Voilà les trois piliers sur lesquels repose la gouvernance Choguel. Six semaines après sa nomination, le Premier ministre a présenté le 30 juillet le Plan d’Action de son Gouvernement devant un conseil national de la transition (CNT) qu’il jugeait auparavant illégale et illégitime. Bâti autour de quatre axes : le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, les réformes politiques et institutionnelles, l’organisation des élections générales et la promotion de la bonne gouvernance et l’adoption d’un pacte de stabilité.

De ce Plan d’action, ont découlé plusieurs décisions stratégiques qui n’ont pas manqué au Premier ministre de faire parler de lui en 2021.

« Le Mali lâché en plein vol »

Le premier axe du PAG étant le renforcement de la sécurité, Choguel Kokalla Maïga a mal apprécié la réorganisation de la Force Barkhane au Mali, dont l’objectif est de réduire la présence militaire française du pays. Et à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU le 25 septembre dernier, le président du comité stratégique du M5 n’a pas manqué de le faire savoir au monde. « La nouvelle situation née de la fin de Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome avec d’autres partenaires »a-t-il lâché.

Le propos, qualifié de « honteux » par Emmanuel Macron, a contribué à altérer davantage la relation entre Bamako et Paris. Cependant, la déclaration a été saluée par des Maliens qui y voient plutôt un courage politique inédit face à « l’ancien colon ».

Voulant « explorer d’autres partenaires », le pays s’est vu accuser par la France, et d’autres pays plus tard, de recourir aux services de la société de sécurité privée russe Wagner. Accusations balayées de la main par le gouvernement qui y voit plutôt une pression sur le Mali afin de renoncer à ses desseins d’ouverture à d’autres partenariats.

Apaisement du front social   

Lorsque Choguel Kokalla Maïga venait à la primature, un mot d’ordre de grève de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) planait toujours. Les syndicalistes ont donné au nouveau Premier ministre un ultimatum de 10 jours pour entériner leur revendication, dont notamment l’harmonisation de la grille salariale. Promesse à l’appui, il a obtenu des syndicalistes un temps pour s’exécuter. Le 28 septembre, une grille salariale unifiée pour les fonctionnaires a été décrétée par le président de la transition. Si elle a scellé la paix avec l’UNTM, elle a ouvert d’autres fronts sociaux, notamment avec le personnel enseignant et ceux de plusieurs corps des forces de sécurité qui pointent du doigt une « militarisation » de la grille, favorisant largement les forces de défense au détriment d’autres fonctionnaires.

Lutte contre la corruption

En matière de lutte contre la corruption, le gouvernement Choguel a diligenté des enquêtes quant aux irrégularités financières et la corruption relevées par les rapports du bureau du vérificateur général. Plusieurs personnalités sont d’ores et déjà sous mandats de dépôts. Cependant certains soupçonnent le Premier ministre d’être dans une chasse aux sorcières et un règlement de compte politique.

Assises nationales de la refondation

Refondation. C’est le maître mot de Choguel Kokalla Maïga autour duquel s’inscrirait la logique de sa gouvernance. Pour le Premier ministre, parvenir à un nouveau Mali exige la participation de toutes les filles et de tous les fils du pays. C’est dans cette optique qu’il a tenu à l’organisation d’assises nationales de la refondation (ANR), dont les conclusions permettront d’établir un calendrier électoral. Cependant les ANR ont souffert du boycott de plusieurs partis politiques qui soupçonnent une volonté déguisée du gouvernement de transition d’avoir uniquement la « bénédiction du peuple » pour prolonger la durée de la transition.

 Un personnage contradictoire

Ce qui a le plus marqué chez Choguel Kokalla Maïga, c’est le double langage qu’il a tenu tout au long de son évolution de 2020 à nos jours. De la même façon que le porteur de bazin s’est mue en friands de boubou à base de tissus traditionnels, ses propos ont changé, mettant en branle la constance de l’homme politique.  « Ce qui m’a beaucoup frappé chez lui en 2021, c’est sa constance avant qu’il ne soit nommé Premier ministre. Il aurait pu améliorer et maintenir cette constance qui l’a caractérisée depuis le Mouvement du M5. Quand il a été nommé Premier ministre, on a eu droit à un double discours, notamment quant à la présence de la France au Mali, la durée de la transition, etc. », regrette l’analyste politique Ballan Diakité pour qui l’année 2021 pourrait également être celle du président de la transition Assimi Goïta.

Le chercheur en sciences politiques Mohamed Ag Ismaël abonde dans le même sens. « Il qualifiait le CNT d’illégal et d’illégitime, pointait du doigt la militarisation de l’administration, etc. Pourtant il a fini par tout avaler une fois à la primature.  D’où la contradiction de sa personnalité ayant abandonné ses principes du M5 RFP.»

Il poursuit que le Premier ministre aurait dû dialoguer d’avantage avec l’ensemble de la classe politique, rassembler les Maliens au lieu de « les diviser  y compris au sein du M5 RFP, sa force naturelle.»

Cependant le chercheur reconnaît que Choguel kokalla Maïga est « le Premier ministre qui exprime la pensée de la rue.»