La CMA refuse deux portefeuilles ministériels

La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ne fait pas partie du quatrième gouvernement de l’ère Ibrahim Boubacar Keïta, président de la République. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Nommé Premier ministre, Abdoulaye Idrissa Maïga espérait compter des membres de la CMA parmi son gouvernement. Il aurait proposé deux portefeuilles au regroupement de mouvements qui a rejeté la proposition. Pour Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA, la méthode utilisée par le gouvernement n’est pas celle qui est prévue dans l’accord de paix issu du processus d’Alger. « Il fallait ouvrir le débat autour de la question et non nous proposer seulement deux portefeuilles », dit-il. « Une chose est certaine, nous n’entrerons dans le gouvernement que lorsque les choses se feront comme le prévoit l’accord », affirme Ilad. Composé de trente-cinq membres, le nouveau gouvernement devra faire face à plusieurs défis, dont l’épineuse question sécuritaire. La CMA se dit néanmoins optimiste sur l’atteinte de ces objectifs fixés à l’équipe.

Assassinat du chef local du Gatia à Ménaka, ce que l’on sait

C’est dans la nuit du jeudi au vendredi 17 mars dernier que le chef militaire local du Groupe d’Autodéfense Touareg Imghad et Alliés (GATIA) Almahdi Ag Lengach fut assassiné à son domicile à Ménaka par des hommes inconnus.

L’assassinat du chef militaire local du GATIA à Ménaka la semaine passé prouve à suffisance que la paix n’est pas encore pour demain. L’acte intervient dans un contexte marqué par la mise en place des autorités intérimaires au Nord du Mali avec un blocage persistant de leur mise en place à Tombouctou et Taoudéni.

Selon les informations recueillies sur place, les auteurs du crime auraient passé la journée chez le chef militaire avant de revenir dans la nuit pour commettre leur crime et cela en escaladant le mur de son domicile situé dans la partie nord de la ville. Les individus, une fois à l’intérieur ont tiré sur la victime qu’ils avaient par avance repéré. Selon une autre source, «  les auteurs ont égorgé la victime avant de prendre la fuite sur des motos ».

Dés le lendemain, des arrestations ont eu lieu à Ménaka ; selon des sources locales, « une vingtaine de personnes ont été arrêtées ». Les funérailles de la victime ont eu lieu le même jour, vendredi 17 mars à Ménaka. «  L’identité des auteurs n’a pas encore été divulguée mais une piste se précise» explique un habitant joint au téléphone à Ménaka. La thèse d’ « un règlement de compte » n’est pas écartée par un autre habitant de la zone, qui affirme que, « le chef militaire par ses opérations dans la zone a créé un mécontentement auprès de certaines communautés ». « A Ménaka, les populations sont inquiètes, la foire hebdomadaire du jeudi n’aura plus la même affluence qu’auparavant » s’indigne un autre habitant joint au téléphone dans la matinée.

Il faut rappeler que le colonel Almahdi Ag Lengach était le chef des opérations militaire du GATIA, un groupe proche du gouvernement et en même temps le chef local de la Plateforme à Ménaka. Son assassinat aura certainement un impact sur le climat qui règne entre les mouvements armés, voire entre les communautés dans cette partie du pays ou l’insécurité règne de jours comme de nuit. Il faut dire que la mise en œuvre de l’accord pour la paix est plus que jamais une urgence pour rétablir la sécurité des personnes et de leurs biens, à défaut de cela, des assassinats, des embuscades, des attentats continueront pour les malheurs des populations. D’où la condamnation de l’organisation de la coopération islamique de cet acte qu’elle qualifie d’« assassinat crapuleux. »

 

 

Tombouctou – Taoudéni : vers un consensus ?

Les groupes armés contestataires sont dans une dynamique de pacification des tensions avec le gouvernement malien au sujet de l’installation des autorités intérimaires pour les régions de Tombouctou et Taoudeni, confirment des sources politiques du Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) à Bamako.

La situation est plutôt calme aujourd’hui à Tombouctou, les tirs à l’arme lourde ont cessé leur vacarme et la cité des 333 saints fait figure de ville morte, selon des sources locales.

La médiation internationale a condamné, via un communiqué rendu publique lundi soir par la MINUSMA, la prise depuis deux jours par un détachement armé de la CMA/Plateforme pro-malienne de 2 check-point de l’armée malienne à Tombouctou, en réaction à la nomination des personnes choisies par le gouvernement malien pour diriger le collège transitoire des autorités intérimaires dans la région de Taoudéni . « Les autorités intérimaires sont reportées pour le moment à une date ultérieure mais nous avons une réunion avec les membres du gouvernement et le haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord à 9h, aujourd’hui, à Bamako, pour discuter de notre intégration dans toutes les instances du comité de suivi de l’Accord y compris les autorités intérimaires de Tombouctou  » déclare Azarock Ag Innaborchad, président du CJA.

Qui aura quoi à Tombouctou et Taoudeni ? Les groupes en présence à Tombouctou sont le CJA et le Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA), qui protestent contre leur absence au sein des autorités intérimaires à Tombouctou et Taoudeni, et qui entendent pousser le gouvernement malien à renoncer aux personnes nommées pour diriger les autorités intérimaires et à les remplacer par des personnes choisies par leurs responsables. Les deux MAA issus de la CMA et de la Plateforme pro-malienne sont appuyés par les dirigeants de la CMA à Bamako. Le CJA qui a quitté la CMA devrait avoir des difficultés à obtenir ce qu’ils demandent.

Selon des sources proches du dossier, les membres du gouvernement malien et les chefs de la CMA ont décidé d’isoler le CJA des autorités intérimaires. En d’autres termes, le CJA ne pourrait que participer au niveau cercle et commune des autorités intérimaires. Alors que les deux MAA auront ce qu’ils veulent, malgré le fait qu’ils ont déjà une dizaine de représentants dans les régions de Tombouctou et Taoudéni et la présidence du conseil régional de Tombouctou, sans parler d’une vingtaine de représentants dans les autres organes de l’Accord avec la vice-présidence du CSA. Malgré tout, ils exigeraient la présidence de l’assemblée régionale de Taoudeni, qui deviendrait à dominante arabe, alors que les Touaregs ne sont présents qu’à Kidal, Méneka et Gao.

Le CJA qui a été a été créé pour défendre les intérêts de ses communautés est exclu de la mise en oeuvre de l’Accord et souhaite être au coeur de tous les organes de décision de l’Accord du CSA jusqu’aux autorités intérimaires, qui auront la gestion administrative et politique des régions, via la Commission Technique de Sécurité (CTS), le mécanisme opérationnel de Coordination (MOC), l’Equipe Mixte d’Observation et de Vérification (EMOV). Ce qui leur permettrait de participer pleinement à la gestion de leur région sur tous les plans: politique, défense et sécurité, développement, justice, questions humanitaires et retour des réfugiés. Ainsi que de participer au redécoupage prévu dans l’accord, pour la création des nouvelles circonscriptions en vue d’une meilleure représentativité des populations de l’Azawad dans les institutions et les grands services publiques, en décrochant la région des lacs, dans le cercle de Goundam, comme l’ont fait ceux de Menaka et Taoudeni. Il à craindre que que le duel d’influence entre CMA/MAA et CJA pourrait exacerbé les tensions, dans ces 2 régions, qui sont les deux derniers points de blocage à l’installation des autorités intérimaires.

Sidi Mohamed Ag Ichrach : « Dépasser mon appartenance tribale pour préserver et défendre les intérêts de l’État »

Sidi Mohamed Ag Ichrach, inspecteur des douanes, était secrétaire général du ministère du Commerce avant d’être nommé gouverneur de Kidal lors du Conseil des ministres le 17 février. Sa nomination, considérée comme une provocation par les leaders de la CMA, a entraîné la suspension de l’installation des autorités intérimaires à Kidal. Le nouveau gouverneur de la région septentrionale a reçu le Journal du Mali chez lui à Bamako, au moment où les négociations avec la CMA ont repris pour tenter de trouver une porte de sortie.

Qu’est-ce qui a concouru à votre nomination à la fonction de gouverneur ?

La région de Kidal n’étant pas dans une situation normale, il a fallu faire des compromis et les compromis c’est respecter les équilibres. Les pourparlers politiques ont abouti à la nécessité de jouer l’équilibre entre les différentes tendances. Je veux parler des 3 parties : la CMA, le gouvernement et la Plateforme. Nous avons cherché les hommes capables d’être consensuels, qui peuvent faire cet équilibre, dans une situation difficile, entre les exigences d’une administration normale et la situation anormale que vit la région de Kidal. Du côté de la CMA, on a choisi des hommes qui peuvent s’entendre avec les deux autres tendances. On a fait la même chose du côté de la Plateforme. Je crois que je suis rentré dans cet équilibre que le gouvernement recherchait et aussi parce que les décideurs ont estimé que je pouvais jouer ce jeu d’équilibre au niveau régional pour ramener la paix et aider à remettre ensemble les différents acteurs.

Malgré cette volonté d’équilibre, la CMA n’accepte pas votre nomination. Votre nomination n’est donc pas si consensuelle ?

Je pense qu’il y a eu une mauvaise circulation de l’information. Il y a eu aussi une peur, quelque part, parce qu’il y a des gens qui estiment que je suis plus proche d’un côté que de l’autre. Mais je suis heureux que chaque côté estime que je suis plus proche de l’autre. Cela me réconforte un peu. Je m’estime proche des deux camps.

On vous dit néanmoins très proche du GATIA.

Je ne cache pas ma proximité avec le GATIA, parce que dans la situation de tiraillement dans laquelle se trouve la région de Kidal aujourd’hui, chacun est obligé de choisir son camp. Mais je ne suis pas, si vous voulez, collé à un côté. Je pense que je comprends les positions des deux camps et de mon point de vue, je pense que je peux faire le lien.

Donc, en tant que gouverneur de Kidal, vous travaillerez à ce que le GATIA et la CMA ne s’affrontent plus ?

Je ne peux pas garantir que les affrontements ne reviendront pas mais j’y travaillerai, je travaillerai à rapprocher les points de vue. Dans les deux camps, il y a des gens qui me font confiance et d’autres qui se méfient.

Certains se méfient de vous du côté de la Plateforme ?

Oui bien sûr. Je ne suis pas un acteur très connu. C’est une réalité. Je pense que des deux côtés il y a des méfiances et j’en suis conscient mais il faut travailler à rapprocher les points de vue, il faut travailler à être centrale, à développer autour des intérêts de la Nation, des intérêts du pays, parce que la situation que nous vivons aujourd’hui est une situation malheureuse, transitoire, qui plombe le développement économique.

Vous ne représentez donc ni la CMA, ni la Plateforme, mais plutôt l’État ?

Le gouverneur représente l’État et de mon point de vue, c’est cette logique que l’autorité a voulu remettre en selle par ma nomination. Je suis fonctionnaire de la République et j’ai la capacité de dépasser mon appartenance tribale et mon appartenance régionale pour préserver et défendre les intérêts de l’État parce que les intérêts de l’État, ce sont les intérêts de tout le monde. Une administration impartiale, une administration qui s’intéresse à tout le monde, une administration qui prône la justice mais aussi une administration capable d’apaiser et de regrouper, de parler aux uns et aux autres, donc une administration ouverte vers les populations. C’est comme ça que je conçois le rôle de gouverneur dans la situation de la région de Kidal.

La CMA dit qu’il y a déjà un maire du GATIA et un député du GATIA à Kidal, ce qui provoquerait justement un déséquilibre ?

Donc la région de Kidal se borne à la ville de Kidal ? C’est le genre de positionnement qui est dangereux. La région de Kidal, c’est 11 communes, 4 cercles et même 5 avec un cercle qui vient d’être créé, un conseil régional et environ 200 à 300 fractions nomades. On ne peut pas faire une fixation sur la seule ville de Kidal. On dit que le maire est GATIA. Je ne sais pas s’il est GATIA ou pas, de même pour le député. Je pense que c’est le genre de chose qu’un cadre se doit de pouvoir dépasser. Je ne vois pas le maire de Kidal comme appartenant au GATIA, je le vois comme le maire de la commune urbaine ou rurale de Kidal, donc maire de toutes les communautés de Kidal. Le député est avant tout le député de la circonscription électorale de Kidal. Ce genre de classement n’est pas constructif. Les populations ont le droit d’élire qui elles veulent. Mettre les représentants de l’administration dans le même sac que les élus, c’est ne rien comprendre au monde moderne, parce que les administrateurs représentent l’État, et les élus, les populations.

Vous aurez dans vos nouvelles fonctions de gouverneur à travailler avec Hassan Ag Fagaga , le président du conseil régional de Kidal, le connaissez-vous et comment voyez-vous cette future collaboration ?

C’est une personne que je connais très bien, c’est un ami intime, avec qui j’ai partagé des moments très difficiles pendant les premières rébellions, nous avons une confiance réciproque, c’est quelqu’un, sans aucun doute, avec qui je peux très bien travailler.

Hassane Ag Fagaga est un militaire, qui n’a pas forcément les qualités requises pour diriger un conseil régional, pensez-vous que sa nomination comme président du conseil régional de Kidal est un bon choix ?

C’est un officier supérieur de l’armée malienne, il a quitté l’armée malienne avec le grade de colonel. Il a l’expérience parce qu’il a été commandant de troupe pendant plus de 10 ans. Qu’il soit compétent ou non n’est pas tellement une préoccupation pour moi, il a été désigné par la CMA pour être le président du conseil régional de Kidal et je suis tout à fait en conformité avec ce choix. Je n’ai pas à apprécier ni sa compétence ni son incompétence mais je dirai que sur le plan humain, c’est quelqu’un avec qui je peux travailler.

Quelles seront vos premières actions quand vous prendrez vos fonctions de gouverneur ?

La première action que je ferais c’est de prendre attache avec toutes les grandes notabilités pour expliquer ma mission et la manière dont je compte l’accomplir. Ensuite, je prendrai contact avec les élus, les députés, les chefs de fractions, pour avec eux, tracer et convenir du canevas dans lequel nous allons travailler, parce que c’est une mission qui ne peut pas être réussi individuellement. Elle nécessite l’implication de tout le monde et la participation des notabilités et des cadres de la région de Kidal, leur participation est indispensable pour réussir la mission.

Quelle sera votre politique à la tête du gouvernorat de Kidal durant votre mandat ?

Premièrement mettre ensemble les communautés, les différentes fractions, je suis conscient de la difficulté mais c’est par là qu’il faut commencer. Il faut que les populations puissent fréquenter dans la paix, les mêmes marchés, les mêmes puits, les mêmes pâturages, les mêmes routes, sans s’affronter. Si on n’arrive pas à faire cela, on ne peut pas lancer des actions de développement, sans développement le problème restera toujours tel qu’il est aujourd’hui. La deuxième chose, c’est faire redémarrer l’administration dans la région. On ne peut pas imaginer des zones entières de la région qui échappent au contrôle total de l’État, il faut donc travailler au retour de l’administration et avec l’administration, les services sociaux de base. Dans la région de Kidal, ça fait bientôt 6 ans que les enfants ne vont pas à l’école, cela fait 6 ans que les femmes accouchent dans des situations très difficiles, ça fait 6 ans que les malades ne sont pas soignés, 6 ans que les points d’eau ne sont pas entretenus, il faut relancer cela dans l’intérêt des populations.

La CMA fait la pluie et le beau temps sur Kidal, ses leaders sont contre votre nomination. Comment appliquer votre politique dans ces conditions ?

Ces chefs de guerre que vous avez cité, je les classe tous parmi les notables de Kidal de quel bord qu’ils soient. Ce sont des gens que je connais très bien car je suis de Kidal. Je sais qu’il y aura une glace à casser, il faudra la casser pour faire passer le message, pour parler. C’est aussi le travail du Comité de suivi de l’Accord. Au niveau régional il y a aussi un travail à faire pour calmer les différentes ardeurs. Ça ne va pas être facile mais c’est mon devoir de pouvoir les mettre ensemble, parce que s’ils ne sont pas ensemble, on ne peut pas avancer.

Serez-vous un peu le garant de la mise en œuvre de l’Accord dans la région de Kidal ?

Non, je ne serai pas le garant, la mise en œuvre de l’Accord incombe au Comité de suivi de l’Accord ici à Bamako, mais au niveau local il y a des apaisements à faire. Le terme de facilitateur serait mieux choisi.

Contrairement à votre prédécesseur qui était basé à Gao, siégerez-vous à Kidal quand vous serez gouverneur ?

Je le souhaite, si la sécurité des administrateurs n’est pas assurée à Kidal on ne pourra pas ramener l’administration. La sécurité de l’administration à Kidal ne peut pas être assurée si les différents groupes, je veux parler de la CMA et de la Plateforme, qui contrôlent la ville de Kidal où qui sont autour de la ville de Kidal, ne s’entendent pas pour la sécuriser. D’où l’importance de mettre ensemble les groupes armés qui sont sur le terrain, les rassembler autour de l’essentiel pour apporter l’accalmie dans la région, accepter le retour de l’administration, sécuriser l’administration, faire démarrer les autorités intérimaires, car elles représentent les populations, c’est comme cela que je vois une porte de sortie à cette situation.

Partez-vous bientôt pour Kidal ?

Moi je veux bien, mais pour aller à Kidal, il faut qu’il y ait l’entente entre les parties pour être sûr que l’administration pourra aller à Kidal. Si je vais à Kidal, c’est en tant que représentant de l’État. J’attends que tous les acteurs envoient des signaux pour le retour de l’administration à Kidal. Ce retour de l’administration doit être sécurisé, soit par les mécanismes du MOC soit par l’entente des différents groupes sur le terrain.

Processus de paix : Un pas en avant, un pas en arrière 

Le nouveau chronogramme établi pour l’installation des responsables des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni a été salué avec satisfaction par l’ensemble des acteurs de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Mais l’espoir suscité fut de courte durée. Les contestations des groupes armés et des populations de certaines des localités concernées ont poussé au renvoi sine die des actions prévues. Faut-il y voir un nouveau coup d’arrêt pour le processus ? Non, si l’on se fonde sur le dialogue en cours entre le gouvernement et les mouvements contestataires pour aplanir les difficultés, ainsi que la tenue prochaine de la conférence d’entente, prévue au mois de mars 2017.

« Le 18 février, le drapeau du Mali allait flotter sur Kidal. Nous étions prêts, avec nos caisses de fanions vert-jaune-rouge », nous confie un responsable d’un groupe armé, croisé dans la salle d’attente du président de la Commission nationale DDR, l’ancien ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed. Selon notre interlocuteur, c’est le communiqué du vendredi 17 janvier 2017, nommant Sidi Mohamed Ag Ichrach, secrétaire général du ministère du Commerce et considéré comme un proche du GATIA, au poste de gouverneur de la région de Kidal, qui a fait changer la donne. Ce dernier doit remplacer Koïna Ag Ahmadou, alors en pleine préparation de la cérémonie d’installation d’Hassan Fagaga dans ses fonctions de président de l’Assemblée régionale de Kidal, prévue pour le lendemain 18 février. Le désormais ex-gouverneur apprend par la même occasion qu’il est muté à Tombouctou.

Contestations Cette décision suffira à provoquer la colère des ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). En réaction, ils annulent la cérémonie d’installation et décrètent qu’« il n’y aura pas d’autorités intérimaires tant que la situation ne sera pas éclaircie avec le gouvernement », déclare Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Dans la foulée de l’annulation à Kidal, la mise en place des membres des autorités intérimaires pour toutes les autres régions a été annulée le dimanche 19 février. Y avait-il eu consultation avec les maîtres de Kidal ? Apparemment non, assure une source proche du dossier. «L’État a voulu jouer à l’équilibriste, mais c’est le tact qui a manqué un peu », précise la même source. Exclus du processus, certains mouvements armés, issus de la CMA et de la Plateforme, menacent de bloquer le processus jusqu’à ce qu’ils soient pris en compte au même titre que les autres. C’est le cas de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) de Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, de la CMFPR2 du Pr Younoussa Touré, du Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad (MPSA), du Front populaire de l’Azawad (FPA) et du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA). Les colonels Abass Ag Mohamed, chef d’état-major du CJA, et Housseine Ould Ghoulam du Mouvement arebe de l’Azawad (MAA), ont mis en garde la communauté nationale et internationale sur le fait que certains choix ne sont pas consensuels et ne seront jamais acceptés, ni par eux, ni par la population de Tombouctou et de Taoudéni. « La porte du dialogue n’est jamais fermée à condition que tout le monde soit inclus », explique Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA. « Oui, hier nous avons marché pour soutenir la mise en place des autorités intérimaires et aujourd’hui, nous la contestons car elle n’est pas inclusive. Oui aux autorités intérimaires avec une consultation de la société civile », affirme pour sa part Aliou Daouna, membre de la société civile de Tombouctou. À Gao, on s’insurge également contre ces autorités intérimaires, dont la jeunesse et la société civile s’estiment exclus (voir page 6). « Tous ceux qui crient n’ont aucune représentativité. Les gens veulent une part du gâteau et sont prêts à mettre le processus en danger pour y arriver », déplore un haut fonctionnaire.

La situation actuelle, résultant des décisions prises à l’issue de la réunion du Comité de suivi de l’Accord (CSA) de haut niveau du 10 février, était pourtant prévisible. La médiation n’a en effet jamais pu trouver de solutions au principe d’inclusivité prônée par l’accord, selon le Pr Mohamed El Oumrany, secrétaire aux relations extérieures du MPSA. « La seule voie de sauvetage aujourd’hui, c’est nous, les mouvements dissidents. Nous avons la confiance des populations parce que nous représentons toutes les couches sociales », ajoute-t-il. Au-delà de leur caractère non inclusif, l’une des raisons pour lesquelles ces autorités intérimaires sont contestées est, selon le Pr Younoussa Touré de la CMFPR2, le fait qu’il n’y a aucune base légale qui les régisse. Le seul cadre légal dans lequel ces autorités intérimaires se trouvent, c’est bien l’Entente signée en juin 2016 entre le gouvernement et les mouvements armés, CMA et Plateforme, devenue caduque avec la tenue des élections communales du 20 novembre. « Je ne suis pas contre les personnalités nommées à la tête de ces autorités intérimaires. Ce sont des Maliens tout comme nous. Mais la loi modifiant celle portant code des collectivités territoriales, adoptée par l’Assemblée nationale, censée prendre en charge les autorités intérimaires, n’est plus d’actualité », ajoute-t-il.

Une issue L’espoir d’une paix définitive dans les régions nord est-il de nouveau compromis ? Rien n’est encore perdu car, malgré tout, les différentes parties affirment leur volonté de faire bouger les lignes. Il urge cependant, selon les observateurs, de corriger une tare congénitale de ce processus qui n’aura finalement pas fait l’objet d’un large consensus. La solution à ce problème pourrait venir de la conférence d’entente nationale qui doit se tenir dans le courant du mois de mars. Elle serait en effet une bonne occasion de réorienter les impératifs de la mise en œuvre de cet accord et de l’adapter pour améliorer son appropriation par toutes les couches de la population. À travers la large participation de ces dernières, peut-être arrivera-t-on enfin à clore le chapitre du « sentiment d’exclusion » de certains acteurs. « Il appartient à l’État, garant de la mise en œuvre de l’Accord, de prendre ses responsabilités pour siffler la fin de la récréation qui n’a que trop duré », explique une source diplomatique. Cette rencontre attendue depuis longtemps et réclamée entre autres par l’opposition (avec un contenu différent), est « un jalon important dans la réhabilitation de la cohésion sociale et du vivre ensemble au Mali […]. Ainsi que cela est spécifié dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, cette conférence doit permettre un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes du conflit », avait indiqué le Président IBK lors de son discours du nouvel an. « Nous ne devons pas céder, mais il nous faut agir vite. Plus nous perdons du temps, plus les groupes terroristes et narcotrafiquants s’installeront dans la région. Il importe donc de maintenir le dialogue et de renforcer la confiance entre le gouvernement et les mouvements signataires de l’accord », assure Zahabi Ould Sidi Mohamed, président de la Commission nationale désarmement, démobilisation et réinsertion (CNDDR). Alors que les tractations vont bon train et que les réunions se succèdent, une bonne nouvelle vient éclaircir le ciel malien : la mise en œuvre du MOC, frappée par l’attentat meurtrier du 18 janvier dernier, devait reprendre, au moment ou nous mettions sous presse, ce mercredi 22 février.

 

 

 

 

 

GATIA et CMA s’affrontent autour d’une nomination

L’installation des autorités intérimaires à Kidal qui aurait dû être effective lundi 20 février, a été suspendu suite à la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, un Touareg, haut-fonctionnaire de l’État, natif de Kidal, appartenant au groupe Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), ennemi déclaré de la CMA. Cet énième crise entre le GATIA et la CMA, qui tentent de peser de tout leur poids pour que le nouveau gouverneur soit maintenu ou sa nomination annulée, perturbe la mise en œuvre de l’Accord, dans un match dont l’enjeu est un échiquier nommé Azawad.

Depuis la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, rien ne va plus entre la CMA et le GATIA. Cet intellectuel, secrétaire général au ministère du commerce, ancien inspecteur des douanes et qui fut un cadre de la rébellion touareg des années 90, malgré ses compétences avérées pour exercer la fonction de gouverneur à Kidal, a néanmoins, du point de vue de la CMA, un terrible handicap : son appartenance au GATIA, mouvement ennemi de la CMA qui convoite le gouvernorat de Kidal depuis un certain temps.

Samedi 18 février lorsque le nouvelle de cette nomination est tombée, la surprise et la colère passées, les leaders la CMA ont décidé de suspendre la cérémonie d’intronisation de l’assemblée régionale, qui devait avoir lieu lundi dernier en présence du ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag Erlaf. Ils ont éteint leurs téléphones pour ne pas être joint par les différentes délégations, le ministère et la médiation. « Ce qui est sûr c’est que cette nomination ne les arrange pas, ils l’a rejette, les politiques de la CMA la rejette, les militaires de la CMA la rejette. Une partie de la population acquise à la CMA la rejette, mais une partie de la population acquise à la CMA considère aussi qu’il n’y a pas de quoi en faire un si grand problème, car Ag Ichrach est de Kidal et a les qualités requises pour être gouverneur. La majeure partie de la population pense que c’est un faux problème », explique cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Le désormais ancien gouverneur de Kidal, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal quand le nouvelle a été communiquée. Lui aussi ne s’attendait pas à sa mutation. « Koina Ag Ahmadou était proche du HCUA, des Ifoghas et de la CMA en particulier. Sur plusieurs points il faisait leurs affaires en étant à Kidal ou à Gao. Les cartes, les listes électorales pour les prochaines élections, tout ça se confectionne au niveau du gouvernorat, en ce sens il pouvait aider, ainsi que dans l’attribution des différents marchés et appels d’offres des bâtiments qui ont été endommagés, et qui découle de la gestion d’un gouverneur. Mais là, ce ne sera plus le cas et ça n’arrange pas la CMA », révèle cette source proche des mouvements.

Pour la CMA, la nomination de l’ancien gouverneur était circonstancielle, décidée par le gouvernement au même titre que celle de Sidi Mohamed Ag Ichrach, elle avait le mérite d’arranger tout le monde. « L’ancien gouverneur, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal prêt à mettre les autorités intérimaires en place, préparer les élections et dans quelques mois on aurait pu changer », déclare ce cadre de la CMA. « En fait cette nomination est une vieille condition du GATIA. Condition qui a été balayée par la CMA et qui revient tout d’un coup de façon unilatérale. Il y a eu des tractations, des manoeuvres souterraines, des influences pour prendre Hassane Ag Fagaga dans la liste de la CMA pour la présidence du conseil régional, mais en contre-partie, on destinait le gouvernorat de Kidal au GATIA. C’est le ministre de l’Administration Territoriale qui à notre avis a manigancé tout ça et la CMA ne l’accepte pas. Ce qui s’est passé prouve la mauvaise volonté du gouvernement, à mon avis la partie gouvernementale ne veut pas de la paix » poursuit ce même cadre.

Après 3 jours de négociations, une solution de sortie de crise ne semblait pas encore en passe d’être trouvée. « Il serait plus consensuel de les écarter tous les deux, pourquoi ne pas nommer un gouverneur natif de Kayes ou de Sikasso, on est prêt à aller vers ce consensus », confie ce membre de la CMA qui siège dans une des commissions du CSA

Si aucune des parties ne maîtrise pour le moment la solution qui pourrait mener à une porte de sortie, selon nos informations, une proposition de la CMA, si le gouvernement maintient Sidi Mohamed Ag Ichrach comme gouverneur, pourrait émerger. Elle demanderait la nomination d’un gouverneur tendance CMA dans une région où la présidence est assurée par la Plateforme, histoire, dit-on à la CMA, de « rééquilibrer les choses ». « Ça serait un marché de dupe mais c’est comme ça, parce que Ag Ichrach est imposé par le GATIA », résume ce cadre de la CMA

Pour cet autre membre de la coordination, l’État n’arrive toujours pas à prendre des décisions vraiment terre à terre. « Je ne vois pas de sortie de crise, si l’État n’a pas la volonté politique d’aller vers la paix, il n’y aura pas de paix, c’est ça le problème. On va rester dans les tergiversations, ça va continuer à pourrir et ce n’est pas bien. Il faudrait que la décision vienne du plus haut niveau, c’est le 1er ministre qui doit s’imposer ou bien le président de la république pour donner des signaux forts, car nous sommes beaucoup plus pour la paix que les autres partis. On a fait des concessions mais ce que l’on reçoit en contrepartie envenime encore les choses », Conclut-il.

Autorités intérimaires : Tractations et compromis, pour la présidence d’une région

Hassane Ag Fagaga, chef militaire du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et membre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), dirigera le conseil régional transitoire de Kidal. Sa nomination serait la décision de la partie gouvernementale après plusieurs concertations et tractations avec la CMA et la Plateforme. En coulisses, cette nomination attendue, a imposé ce cadre militaire aguerri de la CMA au détriment du choix initial qui devait se porter sur Abda Ag Kazina, un intellectuel, maire adjoint de Kidal.

Officiellement c’est Hassan Ag Fagaga, ex-colonel de l’armée malienne, indépendantiste et ex-rebelle, qui a été désigné par le gouvernement pour présider la région de Kidal durant la période intérimaire. Officieusement, on rapporte que la partie gouvernementale a voulu ménager le CMA en demandant à la Plateforme de céder la présidence de Kidal, point de friction entre ces deux mouvements. Il y a eu beaucoup de tractation qui ont mené à des concessions et le dernier compromis a porté Hassane Ag Fagaga à la présidence de la région. « La partie gouvernementale a été maline, ils ont accepté de nommer Fagaga, d’une part pour ménager la CMA et faciliter leur retour à Kidal, d’autre part parce que Fagaga plaira aux gens réfractaires à l’État, ce qui permet aussi de canaliser beaucoup d’éléments radicaux de la CMA, et s’il y a un problème, ils ne pourront s’en prendre qu’à leur dirigeant », analyse cette source proche des mouvements

À Kidal, il semblerait que le choix de cette nomination ne soit pas du goût de tout le monde, car de nombreuses personnes désiraient que les choses avancent. La nomination de ce chef militaire, noyau dur de la CMA, ex-déserteur de l’armée malienne, qui fut l’instigateur de plusieurs rébellions n’est pas forcément, pour beaucoup, une bonne chose. « C’est quelqu’un qui n’est pas lettré, il n’a pas été à l’école. Sa nomination plaît surtout à une petite partie radicale, il y aussi des gens qui estiment qu’il a beaucoup fait pour la rébellion. Sinon la majeure partie de la population n’est pas très enthousiasmée par sa nomination », explique un employé humanitaire de Kidal, joint au téléphone.

Initialement, bien avant ce choix, était en lice pour présider l’assemblée régionale de Kidal, un conseiller d’Aguelhoc et Abda Ag Kazina, jeune adjoint au maire de Kidal. « C’est Abda qui était pressenti pour être en réalité le président, mais sa proximité avec la Plateforme a joué contre lui, surtout après l’opposition GATIA – CMA. Donc il y a eu cette nomination de Fagaga. La CMA l’a proposé parce qu’il est non seulement militairement un des hommes fort de de la CMA mais aussi pour son ethnie, c’est un Ifoghas. Dans toutes ces nominations, que cela soit la CMA ou la Plateforme, ils essaient toujours d’aménager les places en fonction des différentes ethnies », révèle cette source proche des mouvements.

De nombreux point séparent Kazina et Fagaga, le premier est jeune, brillant, un intellectuel qui est parvenu à la mairie de Kidal alors qu’il était dans la vingtaine, une grande surprise à l’époque, courtisé un temps par la CMA pour venir rejoindre leur rang, il a refusé, ce qui n’a pas été vraiment  apprécié, il représente aujourd’hui un certain renouveau. Le deuxième est un militaire aguerri, figure indépendantiste, cousin du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga, cacique de la rébellion, plus âgé et peu lettré. « le problème du choix de Abda Kazina c’est que la CMA voit en lui un pion du GATIA, notamment parce qu’il est un proche de l’ancien gouverneur de Kidal qui est actuellement ambassadeur du Mali au Niger et qui est lui même un proche du Général Gamou. il est aussi très jeune, dans notre milieu ici ce n’est pas facile pour les jeunes d’émerger comme ça, c’est un des très rare cas, sinon le premier. Globalement les intellectuels, les gens qui ne sont pas trop proche de la CMA ou qui sont objectifs, pensent que Kazina était un bon choix, car il à la tête dure et bien fixée sur les épaules », poursuit cette même source.

Hassane Fagaga devrait être investi par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, ce samedi 18 février. Abda Kazina devrait aussi être présent pour cette investiture. Ce dernier, joint au téléphone, dit souhaiter que Hassane Fagaga soit « la personne qui pourra mener à bien cette période intérimaire, malgré les multiples insuffisances », mais le jeune maire adjoint de Kidal aura peut-être tout de même l’occasion de faire ses preuves puisqu’il est proposé, dans ces autorités intérimaires, comme premier vice-président de la région. « Si le consensus est mis en œuvre, et que je suis nommé, je pense qu’on fera de notre mieux pour qu’il y ait un décollage sur le plan du développement et de la réconciliation », nous a-t-il confié.

Alghabass Ag Intalla : « Je ne suis pas un va-t-en-guerre »

Le 16 décembre dernier, Alghabass Ag Intalla, secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), accédait à la présidence de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Trois jours plus tard, il actait son leadership par un retrait unilatéral de la CMA du Comité de suivi de l’Accord (CSA), conditionnant le retour de son mouvement à la tenue d’une rencontre de haut niveau pour « sauver l’Accord ». Raison pour laquelle un deuxième CSA ministériel fut convoqué le vendredi 10 février, en présence des ministres des Affaires étrangères de l’Algérie, de la Mauritanie et du Niger. Cette rencontre a permis de mettre à plat de nombreux points de blocage et d’arriver à un consensus, remettant la mise en œuvre de l’Accord sur les rails. C’est en marge des travaux de cette rencontre du CSA, que le sulfureux nouvel homme fort de la CMA, qui se fait plutôt rare dans les médias, à accepter de s’exprimer, pour Journal du Mali, sur les sujets concernant le processus de paix et dont il fait aussi l’actualité. Interview.

La rencontre de haut niveau qui s’est tenue le 10 février marque le retour de la CMA dans les travaux du CSA et ses sous-comités. Considérez-vous que cette stratégie de la chaise vide était nécessaire pour faire bouger les lignes ?

Vous savez, on est dans un processus qui n’avance pas. Beaucoup d’amis nous ont conseillé de ne pas pratiquer la politique de la chaise vide. On l’a fait pour faire bouger les choses et obtenir un consensus, notamment entre les mouvements. Donc, notre abstention était un peu pour forcer ce dialogue qui n’aboutissait pas, malgré la pression de la communauté internationale. Il fallait que nous le fassions pour permettre à la mise en œuvre de l’Accord d’avancer.

Après cette rencontre du CSA, peut-on dire qu’il y a maintenant un retour de confiance entre les groupes armés et le gouvernement, contrairement aux négociations précédentes ?

Vous savez contrairement à ce qui se dit, nous ne nous sommes jamais focalisé sur Kidal. Notre problème c’est tout le Mali et en particulier la zone de l’Azawad. Ce qu’on a demandé durant la rébellion, on ne l’a pas demandé seulement pour le Nord mais pour tout le Mali. La preuve en est que la conférence d’entente nationale, c’est pour tout le Mali. Pour répondre à votre question, la confiance est quelque chose qui vient en travaillant ensemble. Pour la rencontre de haut niveau du CSA, on ne peut pas dire qu’il y ait eu une confiance totale et assumée, mais en posant des actions concrètes dans un travail en commun, cette confiance pourra s’instaurer avec le temps.

Le gouvernement devra décider qui sera le président du conseil régional de Kidal. Est-ce une façon pour la CMA de prouver sa bonne volonté à la partie gouvernementale ?

Bien sûr. Nous ne voulions pas, devant la communauté internationale, devant les membres du gouvernement et les différents autres mouvements, que l’on puisse dire que le blocage vient de notre côté.

La mise en place des autorités intérimaires et des patrouilles mixtes a débuté cette semaine et ira jusqu’à la fin février. Que pensez-vous de ce nouveau chronogramme?

Les populations de l’Azawad sont pro-mouvement ou pro-gouvernement. Elles ne refusent rien. C’est le gouvernement et nous qui sommes à même de dire si cela est possible ou si ce n’est pas possible. Mais sur place, les populations sont prêtes, donc ce chronogramme est possible à tenir.

 Les différentes parties ont souvent essayé d’inverser le calendrier de mise en œuvre de l’Accord. Qu’est-ce qui garantit que ce nouveau chronogramme sera respecté ?

On ne peut pas dire aujourd’hui qu’on a une garantie que l’on n’avait pas avant. Mais dans ce que l’on voit aujourd’hui, on peut dire que quelque chose a changé. Il y a un changement positif du côté du gouvernement vis-à-vis de notre position. Je vous rappelle que ce n’est pas à nous de faire des actes, c’est le gouvernement qui doit faire des actes. Nous on doit être seulement en accord avec les actes du gouvernement qui sont conformes à l’Accord.

Concrètement, comment vont se mettre en place les autorités intérimaires à Kidal ? Comment cela va-t-il se dérouler ?

Pour le moment, il y a un travail à faire avec les autres parties pour déterminer le chronogramme précis, parce que lors du dernier CSA, leur mise en place a été prévue entre le 13 et le 20 février. Mais ce n’est pas précis. On n’a pas dit Kidal c’est le 15 février par exemple. Normalement, ce jeudi tout doit être calé.

 Comment se fera le retour de la représentation de l’État et de ses services déconcentrés à Kidal ?

Dès que les autorités intérimaires seront installées, la représentation de l’État et les services déconcentrés suivront. Il n’y a aucune raison que cela traîne.

 La CMA a payé le plus lourd tribut lors de l’attentat contre le MOC à Gao. Avez-vous exigé de nouvelles garanties de sécurité pour vos combattants?

Vous savez, les combattants qui s’engagent savent qu’ils peuvent mourir au combat. Ce ne sont pas des chômeurs que nous envoyons pour toucher un salaire. Ce sont eux qui vont créer les conditions de sécurité là où ils seront déployés, ce n’est pas à nous de dire qu’on va les sécuriser. Ils vont prendre leur sécurité en charge. Les gens ont été surpris que des terroristes soient rentrés dans le camp du MOC. C’était malheureusement prévisible.

La vocation des patrouilles mixtes est d’abord de sécuriser les autorités intérimaires et les sites de cantonnement. Or, les combattants ne sont toujours pas cantonnés. Cela peut-il fonctionner ?

Dans la mise en œuvre de l’Accord, tant qu’on arrive à faire avancer les arrangements politiques et sécuritaires ensemble, on pourra aller de l’avant. Il faut éviter de vouloir ramener tout l’Accord à un problème de sécurité seulement. Il ne faut pas qu’on dise que tant qu’il n’y aura pas le MOC, on ne pourra absolument rien faire. Aujourd’hui le processus Désarmement Démobilisation Réinsertion (DDR) est très compliqué. Ce n’est pas évident de cantonner des gens dans une situation d’insécurité aussi élevée. Il y a 8 sites de cantonnement qui sont construits très loin des centres urbains pour la plupart. En réalité l’opérationnalisation du MOC est très complexe. Je crois que l’attentat de Gao nous oblige à revoir un peu toute la conception du MOC et à essayer de corriger les insuffisances liées à sa mise en œuvre.

Quel statut voyez-vous pour les combattants qui ont intégré les patrouilles mixtes dans le cadre du MOC ?

Le statut des combattants du MOC sera consigné dans un recueil de textes pris par le ministre de la Défense, de sorte que le combattant soit aligné sur son frère d’armes des FAMA en évitant toute forme de discrimination. À grade égal avec leurs frères d’armes des FAMA et ils seront considérés en phase préliminaire d’une intégration effective.

Les problèmes d’inclusivité des groupes armés comme la CPA, le CJA, le CMFPR2 et le MSA, bloquent la mise en œuvre de l’Accord. Où en sommes nous après cette réunion ?  Et pouvez-vous définir ce qu’est la CMA aujourd’hui, qui la compose ?

Je vais vous dire : ces groupes dit dissidents qui réclament de l’inclusivité, c’est un problème du gouvernement malien. C’est la mauvaise volonté du gouvernement malien qui a créé ces groupes là. C’est la sécurité d’État qui les a fait, c’est la sécurité d’État qui les a logés ici, c’est la sécurité d’État qui leur a donné l’ordre de mettre le désordre. Et ils pensaient nous faire chanter avec ces groupes là, mais ça va se retourner contre le gouvernement. Aujourd’hui, la CMA est composée d’un noyau dur, c’est à dire le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le HCUA et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), point.

Et le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) ?

Si vous démissionnez de la CMA, que vous partez rencontrer le GATIA ou bien la Plateforme ou bien le gouvernement, c’est que vous êtes de leur côté. Donc ce groupe ne fait pas partie de la CMA.

Comment entendez-vous résoudre ce problème d’inclusivité ?

Je suis sûr que si le gouvernement le veut, il va trouver une solution à tous ces mouvements. Et j’espère qu’il va gérer ce problème pour permettre au processus d’avancer.

Les divergences entre la Plateforme et la CMA sont-elles aujourd’hui normalisées ? Qu’en est-il avec le GATIA qui a un discours très va-t-en-guerre envers la CMA et notamment sur son retour à Kidal, par la force s’il le faut ?

Le GATIA a l’habitude de faire des discours très forts, pour les actions c’est autre chose. Je ne sais pas pourquoi il se sent obligé de faire ce type de publicité sur ses attitudes guerrières. Il n’y a rien à tirer de ce genre de comportement devant la communauté internationale. Avec la Plateforme, il n’y a pas de problèmes. Harouna Toureh, le secrétaire général de la Plateforme, est venu chez nous à Kidal la semaine dernière. Le vieux Ahmed Ould Sidi Mohamed, le secrétaire général du MAA pro-gouvernemental, est venu aussi chez nous à Kidal. Il voulait même rejoindre la CMA. On lui a dit qu’il y a des groupes pour garantir l’Accord, qu’il faut qu’il reste dans la Plateforme, que l’on va les soutenir et qu’ils nous soutiendrons, donc nous serons ensemble. Il y a un seul élément côté Plateforme avec qui les choses ne vont pas, c’est le GATIA.

 Doit-on craindre un retour au conflit entre GATIA et CMA ?

On craint toujours une escalade avec le GATIA, car s’ils croisent nos combattants ils vont automatiquement ouvrir le feu. En ce qui nous concerne, tout affrontement avec le GATIA n’est pas à l’ordre du jour.

On entend souvent dire que certaines forces ne souhaitent pas que le processus de paix réussisse. Quelles sont ces forces selon vous ?

Je pense que le GATIA fait partie de ces forces-là, parce que le GATIA existe pour causer des problèmes. S’il n’y a pas de problèmes le GATIA n’existe pas. L’armée malienne a mis le GATIA à sa place, elle lui a donné procuration. Ils ont des moyens, des voitures, des munitions, tout pour combattre les mouvements de la CMA. Tous les groupes que l’on dit extrémistes ne sont pas pour l’application de l’Accord. Ils préfèrent que les problèmes continuent.

La conférence d’entente nationale devrait se tenir en mars prochain. Encore un chronogramme très serré ?

Nous avons dit à toutes les occasions que la conférence d’entente nationale a pour objectif la réconciliation. Comment voulez-vous qu’on réconcilie des gens alors que des dizaines de milliers sont dans les camps de réfugiés. Les réfugiés doivent rentrer chez eux d’abord, qu’ils s’approprient les TDR de cette conférence et ensuite on pourra l’organiser avec les parties à l’Accord.

Beaucoup dans le Nord ne sont pas convaincus du bien fondé des accords. On entend encore parler d’autodétermination, de « Non au Mali ». Pensez-vous qu’il sera aisé d’y faire appliquer les mesures de l’Accord ?

Je pense que c’est au gouvernement de faire la sensibilisation sur l’Accord, de le faire accepter à tout le monde et de l’appliquer dans le sens des mouvements qui ont signé cet accord. Si on l’applique de façon unilatérale, ça ne peut pas répondre aux besoins de la population. Il est sûr qu’il y a toujours des gens ne seront pas contents de cet accord. Il ne faut pas oublier que c’est la communauté internationale qui nous a forcé la main pour accepter cet accord. Mais maintenant qu’on l’a signé, il suffit simplement de l’appliquer et tout le monde sera obligé de l’accepter.

Vous êtes l’actuel président de la CMA. Concrètement quels seront les changements que vous apporterez sous votre leadership ?

À mon arrivée à la présidence, je voulais faire de l’application de l’Accord issu du processus d’Alger ma priorité pour le bien-être de tous. Je voulais aussi prendre des mesures fortes pour unifier les Azawadiens. J’ai fait un acte fort en sortant la CMA du CSA peu de temps après mon arrivée. On dit que je suis va-t-en-guerre, mais moi je ne veux pas faire la guerre. Nous sensibilisons le gouvernement malien et les autres parties sur notre volonté à faire avancer le processus de paix.

Il y a au sein du HCUA, des éléments qui ont encore des liens forts avec Ansar Dine. N’est-il pas nécessaire de faire le ménage pour s’engager pleinement dans la mise en œuvre de l’Accord ? Pouvez-vous clarifier une fois pour toutes les relations que vous entretenez avec ce mouvement et son chef ?

Nous avons déjà répondu à cela. Nous l’avons aussi fait lors de la passation de pouvoir entre Bilal Ag Achérif et moi. On s’est retiré de l’accord pour faire respecter nos engagements. Cet engagement est aussi valable entre nous et Ansar Dine parce que nous étions chez Ansar Dine avant d’être au MIA puis au HCUA. Nous avons déclaré devant tous que nous avons quitté Ansar Dine. Si on voulait retourner à Ansar Dine, personne ne pourrait nous empêcher de les rejoindre, parce qu’ils sont là. Ce sont leurs actions radicales qui nous ont fait nous écarter d’eux. Je n’ai plus de contact ni avec Ansar Dine, ni avec son chef Iyad Ag Ghaly.

 

 

 

 

Accord de paix: le processus de nouveau sur les rails

La réunion de haut niveau du CSA ministériel s’est achevée avec une note d’espoir en faveur de la mise en œuvre de l’accord. Les trois parties, le gouvernement la CMA et la plateforme devant les ministres des affaires Étrangères de l’Algérie, Mauritanie et du Niger et la médiation internationale, ont en effet, renouvelé leur engagement pour une mise œuvre diligente et efficace de l’Accord. Un nouveau chronogramme a été établi.

En dépit de quelques constats liés au problème d’inclusivité dont les débats sont toujours en cours pour trouver une solution consensuelle, cette réunion de haut niveau qui constitue un nouveau tournant dans la politique d’instauration du dialogue direct entre les différentes parties, a offert au Comité de Suivi de l’Accord (CSA), un espace de partenariat avec les acteurs. Cette réunion, deuxième du genre, après celle du 18 janvier 2016 à Alger, avait pour objectif fondamental de faire revenir à la table des négociations les mouvements armés CMA et Plateforme, qui voulaient qu’un certain nombre de conditions soient réunies pour pleinement mettre en œuvre les accords

Le groupe de travail mis en place par le CSA aux parties maliennes (gouvernement, CMA et Plateforme), s’étaient concertés au préalable afin d’identifier les points de blocage à la mise en œuvre de l’accord de paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. Réunies du 7 au 10, les parties ont identifié 10 points essentiels autours desquels les échanges ont porté sur certaines recommandations. Il s’agit entre autres des questions des décrets relatifs à certaines commissions, notamment à l’application concertée et l’efficacité des décrets pris par le Président de la République en ce qui concerne la commission nationale de désarmement et le comité national de la réforme du secteur de sécurité (CNRSS), l’accélération de la procédure de nomination des membres des cellules du CNRSS conformément au décret y afférent.

En ce qui concerne la mise en place des autorités intérimaires, mesure phare de l’Accord, elles se mettront en place du 13 au 20 février et un consensus sur la gestion des cinq régions a été obtenu. Deux régions Gao et Tombouctou seront gérées respectivement par la plateforme et la CMA. Pour ce qui concerne Kidal, Taoudenit et Ménaka, le soin est laissé à l’État de désigner les présidents des conseils régionaux.

Les patrouilles mixtes, quant à elles, débuteront à Gao à partir du 20 février. Un cadre permanent de concertation sera établi entre les trois parties signataires pour statuer sur les questions d’intérêt national dont la conférence nationale d’entente et la réforme constitutionnelle. Par rapport à la gestion de Kidal, il a été convenu que le retour de l’État se fera concomitamment à la mise en place des autorités intérimaires. « A partir de maintenant tout le monde sera assis autour de la même table et poursuivra l’effort commun de mise en œuvre de l’Accord », assure Ahmed Boutache président du CSA.

18 mois après la signature solennelle de l’Accord de paix et de Réconciliation, émaillée d’incidents et accrochages meurtriers, place est de nouveau réservé au dialogue. C’est ce qui ressort des commentaires de l’ensemble des participants à cette rencontre de haut niveau. «Ce qui est très important, ec’est que cette rencontre a fait bouger les trois parties : gouvernement, CMA et Plateforme dans le sens du dialogue. On aurait pu depuis 18 mois commencer à dialoguer pour faire avancer l’Accord, ça n’a pas été fait, mais nous espérons maintenant avec la prise des décisions fermes et des engagements pris de part et d’autre que nous irons dans le sens du dialogue inter-partie pour avancer », explique Me Harouna Toureh, de la Plateforme. «Au regard des résultats obtenues de cette rencontre, nous sommes très optimistes pour une mise en œuvre de l’Accord. Mais pour ce faire, il faut que toutes les parties prennent leur responsabilité dans le sens du respect des engagements pris », conclu Bilal Ag Chérif de la CMA.

CSA, le dialogue et la confiance pour sortir de l’impasse

La rencontre de Haut niveau qui réunit les leaders politico-militaires des mouvements signataires de l’accord de paix, la médiation internationale pilotée par l’Algérie et la partie gouvernementale, a débuté ce matin à l’hôtel Amitié. Cette rencontre, réclamée par la CMA et préalable à son retour à la table des négociations, a pour but de parvenir à un consensus entre les parties pour avancer sur la mise en œuvre et l’application de l’accord d’Alger. Si certains points d’achoppements entre les mouvements armés semblent pouvoir se résoudre, le dialogue avec la partie gouvernementale et une certaine confiance, base qui a fait défaut durant ces 18 derniers mois, est plus que jamais à établir.

Au menu de ce Comité de Suivi de l’Accord (CSA) ministériel, la restauration d’un dialogue nécessaire entre les différentes parties maliennes pour sortir de l’impasse et rompre avec la lenteur et la confusion qui règnent dans la mise en œuvre de l’Accord depuis 18 mois.

Le CSA qui est le cadre de concertation de l’application des accords devra parvenir à recentrer les débats, les concertations, parvenir à des décisions concrètes, notamment sur la question de l’inclusivité, et sur la feuille de route à mener avec la partie gouvernementale. « On espère que ça va bien se passer car avec la partie gouvernementale il y a toujours une sorte de frilosité », explique ce cadre de la CMA. « Nous avons expliqué qu’il faut que les décisions soient collégiales pour ne pas perdre de temps et revenir sur ce qui a été fait ou dit. Cette rencontre de haut niveau est aussi un cadre où l’on va pouvoir discuter des malentendus et peut-être établir une confiance qui n’a jamais vraiment été là. Cette situation n’arrange personne en tout cas pas la CMA », poursuit-t-il.

Si la confiance et le dialogue, enjeu fort de ce CSA ministériel, sont au rendez-vous, de nombreux points devraient être en passe de se solutionner, notamment la mise en place des autorités intérimaires, qui devaient initialement être effective immédiatement après la signature de l’Accord. « il faut poser tous les jalons, la période intérimaire qui n’a pas débuté au lendemain de la signature des accords est à présent à redéfinir, elle ne devait pas dépasser les 18 mois et elle les dépasse aujourd’hui allègrement. On parle de mettre en place la Conférence d’entente nationale qui devait normalement couronner le tout. La simple logique des accords veut qu’on commence les étapes par le début pour qu’elles s’enchaînent », ajoute ce même cadre de la CMA

Le chronogramme annoncé à l’issue de la signature de l’accord d’Alger et qui a connu de nombreuses difficultés dans son application, a génèré une détérioration de la situation sécuritaire et des tensions entre les différentes parties, notamment concernant la possibilité du retour de l’État malien à Kidal, qui reste toujours aujourd’hui difficile. La CMA soutient que le gouvernement pourrait revenir à Kidal concomitamment à la mise en place des autorités intérimaires et du MOC avec les patrouilles mixtes, qui pourront sécuriser ce retour. Néanmoins des divergences de vues subsistent, sur le statut des ces patrouilles mixtes qui n’est toujours pas défini et leur indemnisation qui tarde à venir et qui freine une réelle opérationnalisation de cette disposition de l’Accord, selon la CMA.

Cette réunion de haut niveau, où les différentes parties devront dialoguer et se concerter pour avancer est condamnée aux résultats, à une issue positive, qui permettra une application tangible et rapidement visible de l’Accord d’Alger sur le terrain, car obtenir la paix demande des sacrifices, de sortir des clivages, elle ne peut pas être obtenue simplement par des affirmations, il faut ensemble prendre des engagements et les respecter.

CSA ministériel : un accord en vue entre la CMA et la Plateforme

Un pas vient d’être franchi dans la mise en œuvre l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger. Les ennemis d’hier, CMA et la Plateforme, semblent enterrer la hache de guerre pour donner une chance au dialogue intergroupe.

Ce vendredi 10 février se tient à l’hôtel Amitié le Comité de Suivi de l’Accord (CSA) ministériel, en présence d’une délégation de la CMA conduite par les secrétaires généraux du MNLA, du HCUA et du MAA (Bilal Ag Achérif, Alghabass Ag Intalla et Ibrahim Ould Sidati), des représentants de la Plateforme et d’autres mouvements dissidents.

Il s’agit au cours de cette rencontre de haut niveau, de donner un coup d’accélérateur au processus de paix et de réconciliation au Mali en panne depuis quelques temps.

En tout cas l’espoir est permis. Le leader de la plateforme Me Harouna Toureh était à Kidal le 07 février dernier où il a échangé avec les leaders de la CMA. Cette visite visait à ramener les ex-rebelles dans le processus de paix, après que ces derniers aient suspendus leur participation aux travaux du comité de suivi de l’Accord. « Je suis venu voir mes frères de la CMA qui ont suspendu leur participation aux instances du CSA pour des raisons qui leur sont propres, mais que nous partageons. La CMA est un élément clé du processus, son absence pèse beaucoup sur la mise en œuvre de l’accord», explique Me Harouna Toureh.

Même si le déplacement de Me Toureh est considéré au sein de la Plateforme comme une initiative personnelle, il a été tout de même très apprécié au niveau de la CMA. «Cette visite a été vraiment positive parce que ces derniers temps, la Plateforme et la CMA se sont beaucoup concertées pour avoir une nouvelle vision politique et mettre en place un cadre de travail qui va faciliter la mise en œuvre de l’Accord », souligne un cadre de la CMA. « Au cours de cette rencontre, Me Harouna Toureh nous a réaffirmé que les propos de Fahad ne l’engage pas du tout et que s’il y a un différend entre GATIA et CMA, ça se réglera entre eux hors de la Plateforme », a-t-il ajouté. Malgré cette différence d’appréciation entre les responsables de la Plateforme, le secrétaire général du GATIA Fahad Ag Mahmoud a souligné une possible entente entre la CMA et la Plateforme au cours de cette réunion de haut niveau.

Accord de paix : une réunion de haut niveau prévue pour sortir de l’impasse

Le comité de suivi de l’Accord d’Alger (CSA), a tenu les 30 et 31 janvier dernier à l’ex-CRES, sa 15ème session ordinaire. L’absence des mouvements armés signataires de l’Accord, la CMA depuis la 14ème session et le retrait de la Plateforme de cette 15ème session, ont largement dominé les débats. La préparation d’un CSA au niveau ministériel prévu pour la 1ère quinzaine de ce mois à Bamako est en cours.

Les travaux de la 15e session du Comité de suivi s’est déroulée dans une atmosphère peu cordiale. Cette 15e session intervient après l’attentat kamikaze de Gao. Première session de l’année 2017, elle a été marquée par le boycott des principaux mouvements de la CMA et le retrait des responsables de la Plateforme, dès la première journée des travaux. « Ce qui devait être un rendez-vous de cohésion, s’est terminé en queue de poisson », jugent plusieurs participants. Les responsables de la CMA dénoncent la lenteur et la confusion qui règnent autour de la mise en œuvre de l’Accord. Contrairement aux responsables de la CMA, les responsables de la Plateforme se plaignaient de certains agissements de la Force française Barkhane sur le terrain.

La médiation internationale a déclaré que le Comité de suivi n’était pas le cadre approprié pour poser ce problème. « Ce qui s’est passé n’est as une attitude responsable, ni courageuse parce que nous savons que les civilités pour régler les problèmes c’est le dialogue, et le cadre le plus approprié pour avoir ce dialogue c’est le CSA », souligne Ahmed Boutache. Toutefois, la médiation internationale a procédé à des rencontres séparées avec les trois parties signataires, à savoir, le gouvernement, la CMA et la plateforme, qui semble-t-il, ont réitéré leur engagement à la mise en œuvre de l’Accord.

A l’issu des différentes concertations, la médiation internationale, conformément à l’article 52 de l’Accord pour la paix, a décidé de la mise en place d’un groupe de travail avec la participation de représentants du gouvernement, de la CMA et de la plateforme sous l’égide du président du CSA. Ce groupe de travail se réunira à Bamako, les 6 et 9 février prochain pour la préparation du CSA ministériel qui se tiendra également à Bamako. Il s’agira d’aplanir toutes les difficultés, de mettre d’accord les parties signataires sur la mise en place d’un cadre de concertation inter-malien qui a toujours fait défaut. «Je présiderai personnellement ce groupe de travail, croyez-moi, si j’ai décidé de m’engager dans cette opération, ce n’est pas pour qu’elle soit couronnée par un échec », explique, le Président du CSA, Ahmed Boutache.

Selon lui, ce groupe de travail s’attellera dès la semaine prochaine à l’organisation de cette rencontre de haut niveau. «La réunion aura lieu, l’accord de principe est là et des consultations sont en cours pour en arrêter la date. Ce sont les ministres concernés au niveau des pays partenaires qui seront invités à cette réunion. S’agissant des mouvements, ils seront invités et il sera particulièrement insisté sur le fait que la participation doit être impérativement au plus haut niveau de responsabilité, c’est-à-dire les dirigeants politico-militaires », a-t-il conclu.

Fahad Ag Almahmoud : « Nous retournerons à Kidal que ce soit pacifiquement ou violemment »

Une rencontre organisée par la Plateforme devait avoir lieu mercredi 1er février à Anéfis. Au programme de cette réunion, qui devrait se tenir la semaine prochaine, la situation qui prévaut actuellement à Kidal, le retard dans la mise œuvre de l’Accord, ainsi que le retour du GATIA dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas, quelles que soient les oppositions et y compris par la force. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA a répondu aux questions du Journal du Mali sur ces différents points.

Le GATIA projette de retourner à Kidal, y compris par la force, pourquoi maintenant, vu les tensions actuelles entre la Plateforme et la CMA ?

Vous savez que nous avons été forcé de quitter Kidal le 22 juillet dernier, tous les habitants de Kidal qui appartiennent à nos familles ou à nos alliés ont quitté Kidal. Les forces internationales ont placé une zone de sécurité autour de la ville, pour nous empêcher d’y rentrer, mais ça n’empêche pas la CMA d’aller nous faire du mal ou de nous attaquer. Qui nous sécurise de la CMA ? nous aussi on a besoin de cette sécurité qui profite aux Maliens. Kidal est aussi chez nous, nous n’avons jamais renoncé, nous retournerons à Kidal que ce soit pacifiquement ou violemment.

Depuis l’attaque d’un poste du GATIA dans le cercle de Tinessako, revendiqué par Ansar Dine, les tensions ont redoublé entre le GATIA et la CMA, pour quelles raisons ?

Les gens qui nous ont attaqué sont parties de Kidal et sont revenus à Kidal avec nos deux véhicules. Ils s’appellent, au moment de nous attaquer, Ansar Dine et à la fin de la journée CMA, c’est un problème qui est déjà connu. Nous avons des problèmes avec une communauté particulière et ceux qui la soutiennent. Les Ifoghas et leurs soutiens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, sont tous des ennemis pour nous, on ne fait pas de différence en ce qui les concerne. En réalité, par endroits et par moments, les mêmes combattants changent de bord. Personne ne peut faire la différence entre Ansar Dine et le HCUA.

Comment peut-on revenir à une paix durable, alors que vous désignez les Ifoghas comme vos ennemis et que vous êtes prêt à des affrontements avec la CMA ?

Tant qu’on ne dira pas la vérité, tant qu’il n’y aura pas de distinction claire, on aura toujours ce problème. Ces gens qui ont pris les armes, ils disent défendre les droits des peuples du Nord, alors qu’en réalité ils ne défendent que leur communauté. Tant qu’on ne dira pas à ces gens que c’est contradictoire, qu’aujourd’hui ce n’est plus possible, qu’il ne peut pas y avoir une rébellion qui revendique les droits pour certains au détriment des autres et qu’on ne prend pas les armes pour que la communauté internationale et nationale fasse de vous des super citoyens, on fera toujours face au problème. Vous et moi savons qu’il n’y a pas eu de critères de recyclage d’Ansar Dine, c’est la totalité du mouvement qui a été accepté. Tant que la distinction ne sera pas nette entre les groupes armés signataires et les djihadistes, ça n’ira pas. Je pense que les pays qui sont autour de la table ont les moyens pour faire cette distinction, tant que ce ne sera pas fait, on continuera toujours à se mentir. Ça, c’est une grande entrave à la paix !

La mise en œuvre de l’accord de paix est en panne, quel avenir pour le MOC qui doit être mis en place prochainement ?

Pour le MOC, la commission d’intégration doit faire son travail, fixer les critères d’intégration donner aux gens un quota et économiser certaines étapes. Les patrouilles mixtes ou bien le MOC, ce sont des mesures qualifiées par l’Accord, de mesures de confiance, mais à ce jour, tous les responsables de la CMA peuvent se promener librement à Bamako et partout au Mali alors qu’à Kidal personnes ne le peut à part eux. Je pense que cette réalité fait que cette mesure de confiance n’est pas respectée.

la CMA s’est retiré du CSA et la Plateforme lui a emboîté le pas, lors de la dernière réunion du CSA, pour quelle raison ?

Nous ne nous sommes pas retiré officiellement du CSA. Mais, je préfère attendre pour répondre à cette question.

À la mi-février, devrait se tenir, comme le demande la CMA, une réunion de haut niveau du CSA, qu’en pensez-vous ?

Les gens de la CMA ont la maladie de certains qualificatifs parmi lesquels ‘‘Haut‘‘. Le CSA est composé d’anciens ministres, il y des représentants de la communauté internationale, ce qui vous en conviendrez, est déjà assez représentatif. Je pense que c’est suffisant, pour les gens de la CMA qui nous ont déjà pas mal emmenés vers le bas, donc pas besoin d’autres choses.

GATIA – CMA, un retour au choc ?

Samedi 21 janvier, trois jours après l’attentat à la voiture piégée qui faisait 77 morts à Gao, dont la majorité parmi les groupes armés, une attaque contre un poste du GATIA près de Tinessako faisait 13 victimes. Cette attaque, imputée à la CMA, vient s’ajouter aux nombreuses violations des accords de cessez-le-feu et pourrait être le point de départ, si on n’y prend pas garde, d’un nouveau conflit entre les deux mouvements rivaux, qui pourrait faire basculer la région dans une nouvelle guerre fratricide.

Malgré les signes d’unité qui ont fait suite à l’attentat qui a fait 77 victimes à Gao, le conflit est la discorde, entre le GATIA et la CMA,  en pause relative depuis septembre dernier, semble ravivé. Samedi 21 janvier, vers 4h du matin, une colonne d’une dizaine de pick-up faisait route vers un poste tenu par le GATIA, situé à une quarantaine de kilomètre de Kidal à l’est d’Edjarer, sur l’axe Tinzawaten-Ménaka, dans le cercle de Tinessako. L’attaque a surpris les 14 combattants du Gatia qui ne se sentaient pas menacés. « Ils sont venus les canarder en pleine nuit alors qu’ils avaient relâché leur vigilance. Il y a eu 13 morts, un combattant du GATIA a pu en réchapper, il a fait une trentaine de kilomètre à pied pour alerter ses compagnons. Le GATIA a suivi les traces des assaillants, elles menaient à Kidal… », explique cette source proche des mouvements.

Le secrétaire général du GATIA, Fahad Ag Almahmoud a accusé la CMA d’être l’auteur de l’attaque et plus particulièrement un certain Bohaba Ag Hamzata qui serait membre de la coordination. Les responsables de la CMA ont rejeté ces accusations dans un communiqué publié le jour même et ont appelé la Minusma à diligenter une enquête afin de faire la lumière sur ce tragique événement. 24 h plus tard, sur les réseaux sociaux, le groupe djihadiste Ansar Dine revendiquait l’attaque.

Dans le dernier rapport du secrétaire général des Nations Unies sur le situation au Mali, il est fait état, depuis septembre 2016, dans la vallée d’Edjarer, d’exactions, perpétrées par des combattants de la Plateforme et visant les populations, les forçant à se déplacer sous peine de torture ou de mort. Le GATIA, par ces actes, s’est attiré les foudres d’Ansar Dine qui a déclaré la guerre au groupe d’Auto-défense à majorité Imghad.

Bonnet blanc, blanc bonnet Les accusations envers la CMA du secrétaire général du GATIA, ne s’avère pas totalement infondées, mais établir sa responsabilité semble plus complexe. « La mort de ces 13 combattants est dû à une frange du HCUA, des gens qui sont en connivence avec les islamistes. Ils appartiennent aussi à la CMA, ils sont sous l’autorité de son chef actuel, Alghabass Ag Intalla. C’est eux qui avaient perpétré l’attaque de Sehene, début octobre 2016, le jour de la mort de Cheickh Ag Aoussa. En réalité, Bohaba Ag Hamzata, qui est un parent d’Alghabass Ag Intalla est un narcotrafiquant notoire et un des hommes fort du HCUA, ce n’est pas totalement un électron libre, c’est un Ifoghas, un clan soudé, et Ansar Dine est à dominante Ifoghas », révèle cette même source qui côtoie les mouvements.

La katiba de Bohaba Ag Hamzata est une des rares qui ose s’aventurer or de Kidal depuis les affrontements entre Gatia et CMA, qui ont enflammé la région entre juin et septembre 2016. Selon nos informations, ce cadre militaire du HCUA aurait commis l’attaque avec l’aide de son ex-beau père, Malik Wanasnate, un ancien du Mouvement Islamique de l’Azawad (MIA) passé par le HCUA avant de le quitter en 2015 pour revenir à Ansar Dine. En 2012, il était un des commandants de Iyad Ag Ghaly, l’éminence grise du célèbre groupe djihadiste. « Il y a des éléments du HCUA qui sont liés aux djihadistes et qui navigue entre ces deux mouvements », explique cet ancien cadre du MNLA, « Il y a une facette de la CMA pour les médias, mais les gens qui vivent à Kidal savent bien qu’il y a des personnes non-officielles au sein du HCUA, qui sont des bras armés d’Ansar Dine, en même temps ils sont dans l’Accord mais ils font aussi ce qu’ils veulent. Ça maintient la terreur et leur pouvoir sur les autres », ajoute-t-il.

Depuis l’attaque, la tension est en hausse à Kidal. Les rumeurs parlent de représailles et les deux camps s’organisent. « Les armes lourdes sont montées sur les véhicules et la CMA renforcent ses positions. Tout le monde va être comptable de l’action de quelques-uns. Les gens ont peur que cette attaque remette tout à zéro. On craint un nouvel embargo et des affrontements. Après l’attaque, tous les chefs du GATIA qui étaient à la frontière algérienne ou en Libye, lieux de tous les trafics, sont revenus dans la région de Kidal, ils ne reculeront devant rien », explique cet habitant joint au téléphone. Pour cet ancien partisan du MNLA, « ces combats successifs pour la drogue, la rivalité entre Imghad et Ifoghass ou entre le GATIA et le HCUA, ne sont pas prêt de se terminer », affirme-t-il, « Le MNLA n’a pas apprécié cette attaque mais ils ne peuvent rien faire car ils sont dominés militairement et politiquement par le HCUA » et qu’on ne vienne pas lui parler de la Minusma ou de Barkhane « ils ne feront rien pour trouver les coupables, car ils ont toujours besoin de preuve alors qu’ils ne font même pas le déplacement » conclut-il.

Gao : une force mixte pour plus de sécurité

L’opérationnalisation des patrouilles mixtes entre les FAMA et les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger sera effective la semaine prochaine. Les éléments de la CMA bloqués en périphérie de Gao, ont fait leur rentrée dans le camp MOC (mécanisme opérationnel de coordination ). Le début de ces patrouilles vont à coup sûr, contribuer à l’amélioration de la sécurité dans les régions du Nord, en proie à la violence djihadistes et aux bandits armés.

C’est donc un pas décisif qui vient d’être franchi dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix et réconciliation avec le démarrage des patrouilles mixtes prévues dans la région de Gao. Après plusieurs mois de retard, les patrouilles mixtes composées d’éléments de l’ex-rébellion de la CMA, de combattants des groupes armés loyalistes et de soldats maliens démarreront la semaine prochaine. Toutes les conditions semblent réunies. Les 200 éléments des forces armées maliennes et les combattants des groupes armés (CMA et plateforme), sont ensemble dans le camp MOC de Gao depuis le week-end dernier. Le chef adjoint de la MINUSMA, Koen Davidse s’est félicité de l’entrée des éléments de la CMA à Gao. L’objectif recherché de ces patrouilles mixtes est de réduire le vide sécuritaire avant, pendant et après le processus de cantonnement et de DDR.

Si le démarrage de ces patrouilles est un pas décisif, il n’en demeure pas moins que la sécurisation de vaste région du nord est une autre paire de manches. « Le plus difficile a été fait. On constatait un manque de confiance entre les différents partenaires. Le fait qu’ils acceptent d’être ensemble prouve que tout le monde a envie d’aller vers la mise en œuvre dilligente de l’Accord pour un retour de la sécurité dans le nord, l’objectif premier, c’est l’instauration de mesure de confiance entre les différentes parties. C’est l’avenir d’une réinstallation durable de la sécurité dans le nord et pourquoi pas au centre du pays en proie à l’insécurité. Au bout du processus, on aura les forces armées rénovées avec l’ensemble des parties prenantes de l’Accord qui vont agir au profit de la sécurité de la population », souligne, Adama Diarra, journaliste sécurité et défense.

Les patrouilles mixtes composées des groupes signataires ont pour objectif de sécuriser les populations mais aussi de faciliter la réintégration des ex-combattants dans l’armée. « L’idée de ces patrouilles est bien intégrée et acceptée dans le Nord. Nous avons beaucoup travaillé pour ça. Ces patrouilles vont améliorer les conditions de vie des populations du nord qui vont se sentir sécuriser. C’est aussi, la condition indispensable pour la mise en place des autorités intérimaires », explique Mamadou Djéri Maïga de la CMA.

Pour mettre en marche le MOC, le gouvernement, à travers le ministère de la Défense et des anciens combattants, a mis à sa disposition 42 véhicules pick-up pour un coût de 2 milliards de FCFA, afin d’assurer les patrouilles. Ces fonds proviennent des 5 milliards que le gouvernement a engagé pour le fonctionnement du MOC. Comment 600 éléments pourront-ils sécuriser les espaces désertiques de Gao qui couvre 170 572 Km2 ? De l’avis des spécialistes, les patrouilles mixtes à elles seules ne pourront sécuriser toute la région, même appuyées par le reste de l’armée malienne, la MINUSMA et la force barkhane. «Tout dépendra des besoins qui se feront sentir le terrain. Elles ne peuvent pas être partout avec ce nombre restreint, mais elles iront là où les menaces sont les plus présentes pour couper toute retraite aux bandits et autres groupes terroristes », affirme le colonel Diarran Koné.

Moussa Ag Acharatoumane : pour une cohabitation pacifique entre les populations

L’homme qui fut le numéro 2 du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et un membre influent de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), avant de créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) en septembre 2016, s’est prêté aux questions de Journal du Mali pour une interview exceptionnelle sur les scissions et les évolutions au sein de la CMA.

Quel était l’objectif de votre récent séjour en France et en Suisse ?

J’étais à Paris pour expliquer la nouvelle dynamique de la naissance du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), ses objectifs et ses projets d’avenir, et ce qui m’a poussé à créer ce mouvement. Il s’agissait de reprendre contact avec tout mon réseau en France et en Suisse.

Quel est le regard de ces pays sur votre mouvement ?

Le MSA est très bien vu par une bonne partie de ceux qui suivent de très près l’évolution des mouvements politico-militaires dans la zone de l’Azawad parce qu’il s’inscrit dans une nouvelle dynamique intéressante, qui n’embarrasse pas beaucoup de monde à cause de son caractère non-indépendantiste. Il s’inscrit dans le cadre de l’accord d’Alger, qui suit la logique de ramener la paix, la cohésion sociale et surtout apporter la sécurité et le développement pour les populations. Tout ce que le MSA est en train de faire à Gao et à Ménaka, c’est de poser des actes concrets au-delà de venir à Bamako. Il faut sortir des discours de positionnement qui ne font pas avancer. Le plus grand défi du MSA c’est de permettre à la population de cohabiter ensemble sur tous les plans. Nous essayons aussi de nous hisser au-dessus des contradictions telles qu’elles existent entre la CMA et la Plateforme, souvent liées à de problèmes d’ordre tribale ou de ceux liés au trafic de drogues.

Qu’est-ce que le retrait de la CMA des instances du Comité de suivi de l’Accord (CSA) augure pour le futur selon vous ?

Ce communiqué pouvait se justifier à un moment donné parce qu’effectivement les choses n’avançaient pas du tout. Mais, il est arrivé à trois ou quatre jours d’un autre communiqué de la CMA, qui réaffirmait sa participation aux patrouilles mixtes et à la mise en œuvre de l’Accord. Ce nouveau communiqué était signé par Algabass Ag Intalla, qui venait de prendre la tête de la CMA, alors que l’autre était signé de Bilal Ag Chérif, trois jours avant. On a donc l’impression qu’il y a une contradiction dans ces deux positionnements. De mon point de vue, il y a une part de vérité dans ce communiqué, le fait que l’Accord n’avance pas. C’est une réalité qu’on ne peut pas nier. La responsabilité est aussi partagée, même si la paternité de la mise en œuvre de l’Accord revient au gouvernement. Il faut que le gouvernement revoit sa stratégie dans la mise en œuvre de l’accord. Beaucoup des mesures prises par les autorités n’avancent pas, notamment la mise en place des autorités intérimaires, les patrouilles mixtes et les nouvelles commissions. Aujourd’hui, l’inclusivité contenue dans l’Accord, n’est pas une réalité sur le terrain. À l’intérieur du gouvernement, il y a des têtes politiques qui prennent des décisions par rapport aux affinités sans tenir compte de l’ensemble des acteurs.

Il est question de démarrer les patrouilles mixtes sans la CMA. Cela peut-il fonctionner selon vous ?

Je ne pense pas que les patrouilles mixtes puissent apporter les résultats escomptés en l’absence de toutes les parties. La CMA, qu’on le veuille ou pas, est une partie importante dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord. Mais la réalité est que la CMA est très divisée à cause des problèmes à l’interne. Ce sont ces problèmes qui empêchent malheureusement cette organisation de répondre à tous les engagements qu’elle a pris précédemment. Cependant, l’expérience nous a montré que si une partie ne répond pas au rendez-vous, on peut démarrer la machine en attendant. C’est ce qui s’est passé lors de la signature de l’Accord et j’ai l’impression que la même chose va se répéter.

Les divisions actuelles au sein de la CMA sont elles dues au duel de leadership entre Bilal Ag Chérif et Algabass Ag Intalla ?

Il s’agit là de deux personnages très différents. Bilal Ag Chérif est un jeune très instruit qui a une vision assez précise de beaucoup de choses. Ce qui n’est malheureusement pas le cas d’Algabass Ag Intalla qui n’est pas instruit, mais qui a une expérience politique avérée. C’est vrai qu’ils ne sont pas d’accord sur tous les sujets, mais je ne pense pas pour autant qu’il y ait une rivalité entre les deux. Ils ont plutôt intérêt à s’unir, car beaucoup de choses gravitent autour d’eux qui ne marchent pas forcement à leur avantage. Cependant, on constate que dans les démarches politiques que les uns et les autres font, il y a une différence. Quand Bilal était à la tête de la CMA, on constatait une certaine constance et une certaine continuité malgré les résistances. Il est plus diplomate contrairement à Algabass.

Quelles sont vos relations aujourd’hui avec ces deux leaders ?

Aujourd’hui je suis dans une posture de rassembler les gens, je ne coupe jamais contact avec quelqu’un. Mais, il faut reconnaître qu’un fossé s’est créé entre nous depuis la naissance du MSA que certains n’ont pas compris et que d’autres ont du mal à accepter. Ce qui ne nous empêche pas de s’appeler et d’échanger.

La CMA est-elle affaiblie par votre départ ?

Même si elle n’est pas affaiblie, elle a quand même pris un coup dur parce que ce sont des communautés, tribus et régions entières qui lui ont tourné le dos, en l’occurrence celles de Ménaka, Tombouctou et Gao. Le constat est aujourd’hui que, depuis notre départ, elle n’a gagné aucune bataille. Le MNLA et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) sont réfugiés à l’intérieur de Kidal, ils ne contrôlent rien à l’extérieur.

Va-t-on vers un éclatement de la CMA ?

On est aujourd’hui en pleine recomposition interne au sein de cette organisation. La CMA est une coordination d’un ensemble de mouvements, de communautés et de personnages qui n’ont pas forcément les mêmes visons sur un certain nombre de choses. On peut dire qu’il y a deux branches de la CMA : celle de Kidal avec le MNLA et le HCUA, et celle de Ménaka, Gao et Tombouctou constituée du MSA, du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA), de la Coalition des peuples de l’Azawad (CPA) et de la Coordination des mouvements forces patriotiques de résistance (CMFPR2). Aujourd’hui ces deux courants ne parlent pas le même langage, parce que quand nous avons signé l’Accord, malheureusement, la légalité de la signature est restée entre les mains de nos anciens mouvements. Les nouveaux mouvements ont certes une légitimité à la base mais pas la légalité de signature de l’Accord que les autres amis ont signé à notre place.

Comment vous imaginez-vous dans les deux ou trois ans à venir sur plan politique ?

Pas mal de gens ont leur regard braqué sur moi et depuis un certain temps le contact est assez fluide. Les gens sont très contents du travail qu’on est en train de faire qui s’inscrit dans le cadre de la vision et de l’intérêt de l’État. À cause de notre travail beaucoup de gens, même de l’extérieur, disent que Ménaka est devenue la région pilote de la mise en œuvre de l’Accord, parce que c’est la seule région où l’on trouve la fluidité entre tous les mouvements, sans problèmes. Quand à ma personne, aujourd’hui, j’évolue positivement dans le paysage politique dans ma région locale qui est Ménaka. Au plan national, j’ai des relations avec pas mal d’hommes politiques à Bamako. Aujourd’hui, je suis dans une posture qui m’amène à faire forcément de la politique dans les années à venir. Mon souhait le plus ardent est de contribuer à ramener la paix et la quiétude à la population du nord du Mali. Et si je peux apporter quelque chose de positif au plan national je serais ravi de le faire.

 

Gao : les tensions sur les patrouilles mixtes se dissipent

Le blocage qui était ’installé autour du démarrage des patrouilles mixtes dans la région de Gao se dissipe petit à petit. Apparemment, la médiation engagée par la communauté internationale et les autorités maliennes semble porter ses fruits. Même si les combattants de la CMA sont toujours à l’entrée de la ville, le principal groupe, la CPA à l’origine du blocage a déposé la liste de ses combattants.

Si l’opérationalisation des patrouilles mixtes à Gao tarde à se concrétiser, la tension à tout de même baissé d’un cran en dépit de l’expiration du délai de 72 heures donné par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) à la communauté internationale et au gouvernement malien pour mettre en place toutes les conditions permettant la tenue des patrouilles dans la ville. Il s’agit notamment du désarmement de tous les groupes armés qui ne sont pas membres de la Coordination et de la Plateforme. « Les dispositions sécuritaires disent qu’en cas de patrouilles mixtes, seuls les éléments des FAMAS, la Plateforme et la CMA doivent être armés à l’intérieur de la ville. Donc toutes les autres parties armées doivent se cantonner et laisser la ville entre les mains de la patrouille mixte qui est la disposition indiquée dans l’accord pour sécuriser la ville », déclarait Brahim Ould Sadati de la CMA.

Cependant, les groupes armés (CPA, CMFPR2, le MPCA et l’EFPA) opposés à l’entrée des combattants de la CMA dans la ville de Gao dans le cadre de la mise en route des patrouilles mixtes, reconnaissent avoir reçu du gouvernement et de la médiation une offre pour commencer le processus. «Ce n’est plus le blocage, la situation s’est détendue, une offre a été faite par le gouvernement et la médiation pour permettre l’inclusion nos mouvements signataires et nous avons fait des propositions qui ont été déposées. Une fois que nos combattants auront été appelés au regroupement, je crois qu’il n’y aura plus de problème », précise, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun, secrétaire général de la CPA. « C’est un blocage dans la légalité. Il s’agit des mouvements armés signataires de l’accord qu’on a voulu exclure des patrouilles mixtes. Ça c’est impossible. Ils ont le droit de participer à ce processus, c’est une revendication de leur droit. Ce ne sont pas de nouveaux acteurs ou des intrus », a-t-il ajouté.

Officiellement la rupture semble consommée entre les groupes dissidents de la CMA. Dans un communiqué rendu public le 2 janvier dernier. Le Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA)  et le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), ont décidé d’unir leur force pour participer aux patrouilles mixtes. «Le sens de notre combat consiste à une insertion  effective de nos mouvements dans tous les organes de mise en œuvre de  l’Accord, notamment dans le CSA, ses 4 sous-comités, le CTS, DDR, CNRSS, les autorités intérimaires », souligne le communiqué conjoint des ces mouvements.

Dans une récente déclaration, le président du MSA, Moussa Ag Acharatoumane, avait souligné que son mouvement a envoyé depuis le 26 décembre dernier plus de 30 pick-up en hommes et en armes à Gao. «Cette force n’est pas là pour faire de la provocation, mais prendre part aux patrouilles mixtes pour une mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger », explique-t-il.

 


CMA : politique de la chaise vide lourde de conséquence

Mardi 20 décembre, la 14ème session du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) a suspendu ses activités après l’annonce de la CMA, via un communiqué, de son retrait des commissions et sous-commissions du comité de suivi de l’Accord, jusqu’à l’organisation d’une rencontre de haut niveau avec la médiation internationale pour « sauver l’Accord ». Cet énième recours à la politique de la chaise vide de la part de la CMA, retarde encore, le processus poussif d’une mise en œuvre qui depuis 18 mois s’illustre surtout par sa lenteur, tant les différentes parties ne parviennent pas à un consensus leur permettant d’avancer. D’autre part, ce retrait pourrait isoler la CMA à Kidal et préfigurer son éclatement, la partie gouvernementale et la médiation internationale réfléchissant actuellement à la mise en place du MOC et des patrouilles mixtes, sans la CMA.

Cette 14ème session du CSA aura été plus brève que prévue, la lecture du communiqué de la CMA signé par Alghabas Ag Intallah, secrétaire général du HCUA, qui vient de prendre la présidence tournante de la CMA pour 6 mois, en a interrompu les travaux, par son retrait effectif des commissions et sous commission de l’instance de suivi.

La coordination estime, dans ce communiqué d’une page, que 18 mois après la signature de l’Accord, aucun des points inscrits dans la période intérimaire n’ont été opéré de façon concerté entre les parties. Elle dénonce également les violations répétées du cessez-le-feu, les atteintes aux droits humains, le déplacement forcé des populations et la prolifération des groupes armés encouragés et entretenus par le gouvernement dans le but d’entraver la mise en œuvre de l’Accord. Ces différents points, justifient, selon elle, ce retrait. «  Nous nous retirerons de la CSA mais cela ne veut pas dire que l’on se retire des accords, c’est très différent. Il n’y a pas, malheureusement, un organisme qui met en place tous les dispositifs de mise en application de l’Accord. Chaque fois, c’est à la CSA qu’on demande des comptes, on leur demande ce qu’ils ont fait alors qu’ils ne peuvent rien faire, ils peuvent juste évaluer et prendre en compte ce qui n’a pas été fait. Donc si la CMA suspend ces travaux c’est déjà par rapport à ça, nous souhaitions aussi élever le ton pour faire bouger les lignes et pousser le gouvernement à sortir de sa léthargie », explique ce cadre de la CMA sous anonymat.

Du côté de la partie gouvernementale, on déplore ce retour au point de départ, à la période des négociations, et cette attitude récurrente de la CMA tout au long du processus. « C’est malheureusement comme ça qu’ils réagissent quand ils sont le dos au mur. Ils essaient de se défausser sur le gouvernement qui paradoxalement est la seule partie à avoir remplie tous ses engagements et sous la pression de cette même communauté internationale », explique cette source proche du dossier, « il n’y a aucune léthargie de la part du gouvernement, aujourd’hui si le MOC de Gao ne démarre pas c’est parce que la CMA n’a toujours pas envoyé ses combattants. Si le MOC de Kidal n’a pas démarré, c’est parce que le CMA refuse de libérer le camp MOC de Kidal » poursuit cette source.

La partie gouvernementale affirme avoir mis en oeuvre tout ce qui était dans sa capacité pour faire avancer les choses, allant même, au-delà, en répondant aux exigences de la CMA qui voulait un traitement équitable par rapport au FAMA, en termes de prise en charge, d’indemnités, etc. « On établit des dates pour le démarrage du MOC et ils ne sont pas là, c’est une fuite en avant. Actuellement, les FAMA sont présents dans le camp MOC de Gao avec 200 éléments. Idem pour la Plateforme. Malgré tous les moyens que l’État a mis à la disposition de la CMA pour qu’elle soit présente, à l’heure où je vous parle, il n’y a pas un seul élément de la CMA dans le camp MOC de Gao », déclare le Colonel Mamadou Keita de la commission défense et sécurité du CSA.

Pour Fahad AlMahmoud, porte-parole du GATIA, ce revirement de la CMA n’est pas une surprise, « Je pense que la CMA cherche à gagner du temps mais je ne sais pas pourquoi. Sur le terrain, il y a une accalmie et même quand il y avait des affrontements, la CMA participait aux réunions du CSA. En réalité, c’est au niveau des groupes armés qu’on arrive pas à s’entendre, notamment sur les autorités intérimaires, savoir qui présidera les conseils régionaux. Donc tous les blocages sont du côté des groupes armés et je ne vois pas comment ça va se résoudre », affirme-t-il

Nécessaire inclusivité pour la paix L’autre point majeur de blocage est la question de l’inclusivité, facteur principal de discorde entre les petits mouvements et les composantes principales de la CMA, depuis la signature de l’Accord de paix le 15 mai jusqu’à aujourd’hui. Cette question épineuse qui est la colonne vertébrale de l’Accord, avait été négocié quelques jours avant la tenue de la 14ème session du CSA, par Sidi Brahim Ould Sidati, Président du Mouvement Arabe De L’Azawad (MAA), mandaté par le CSA pour se rendre à Kidal avec des propositions concrètes. Il en est revenu avec aucune avancée notable. « Ould Sidati est revenu avec des messages de diversion. Jusqu’à présent, Kidal n’arrive pas à comprendre que les autres régions de l’Azawad sont dans une dynamique de régionalisation et d’autonomisation. Ils n’arrivent pas à comprendre que les populations plus que tout souhaitent être respectées dans leur terroir, dans leur région et que toutes les décisions doivent être prise dans un cadre de concertation. On est plus dans une dynamique où je te donne parce que tu es soumis, on est dans une dynamique où tu es obligé de donner parce que tu dois donner, c’est ça, que la CMA ne comprend pas », réagit Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire générale de la Coalition pour l’Azawad (CPA), qui se dit prêt à utiliser tous les moyens y compris la force, si la CMA à Kidal tente de leur imposer ses décisions et ne respecte pas la dignité des populations des régions de Tombouctou Gao et Ménaka.

Continuer sans la CMA Une proposition concrète a été soumise à la médiation internationale et à la partie gouvernementale mercredi 21 décembre. Elle demande l’attribution rapide d’un quota pour les mouvements dissidents, tel que la CPA, afin qu’ils puissent mobiliser leurs combattants pour les patrouilles mixtes. « Si on doit envoyer des éléments pour le MOC demain, nous sommes prêt ! que la médiation internationale et que le CSA arbitre, parce que la CMA a montré pour la énième fois sa mauvaise volonté en passant par des diversions, des manoeuvres dilatoires. Il est temps que le CSA et la médiation internationale tranchent, qu’ils nous attribuent notre quota, et ont va fournir nos combattants dans les 24h et on aura pas besoin de carburant pour les amener ! », assène Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune.

Actuellement la médiation internationale et la partie gouvernementale réfléchissent à ces propositions et on pourrait s’acheminer vers la poursuite de l’opérationnalisation du MOC, sans la CMA ou en attendant qu’elle prenne le train en marche. « C’est ce vers quoi on va peut-être se diriger, démarrer le MOC avec les éléments qui sont disponibles, en attendant que la CMA revienne. Car en réalité, Il y a un ras le bol. Dans quelques mois on sera à deux ans de l’Accord, et il n’y a que des papiers », résume cette source au CSA.

Pour ce cadre de la CMA sous anonymat, l’option des patrouilles mixtes sans la CMA ne rentre pas dans les accords, « Ce serait hors cadre », dénonce-t-il. Et d’ajouter, « Si ces petits mouvements font des patrouilles avec les FAMA et la Plateforme cela voudra dire qu’ils font partie de ces deux composantes. On ne peut pas les en empêcher mais nous les considérerons comme tel ».

Vers un éclatement de la coordination ? Cette option, si elle est prise par le CSA, pourrait déclencher une fracture voire un éclatement de la CMA où cohabitent difficilement ces groupes qui disent tous respecter l’Accord. « Si la solution pour mettre en œuvre l’Accord c’est l’éclatement, alors nous devons y aller. Ce n’est pas du tout exclu. Si on n’arrive pas à s’entendre et bien qu’on éclate, parce que ces peuples doivent exister chez eux et doivent être responsables de leur destin conformément à la constitution nationale. On n’a pas fait la rébellion pour ça. La rébellion c’était d’abord pour l’indépendance, puis la fédération, puis pour l’autonomie et c’est devenu maintenant la régionalisation. On ne peut pas se mettre sous tutelle de Kidal », ajoute le secrétaire général du CPA

Actuellement, la mise en œuvre e l’Accord est dans l’impasse. La balle semble dans le camp de la communauté internationale, qui joue, plus que jamais, son crédit. « Ce qui est sûr et certain, c’est que la CMA va revenir. On n’est pas inquiet outre mesure, elle nous a habitué à ça, elle se promène puis revient. Mais, il faut qu’elle comprenne que chaque minute qu’on perd dans la mise en œuvre de l’Accord, est une minute de souffrance pour les populations », conclut le colonel Mamadou Keita.

Processus de paix : démarrage du MOC sans la CMA

Une bonne nouvelle pour le processus de paix en cette fin d’année, vient d’être donnée. Le démarrage du Mécanisme opérationnel de coordination a débuté à Gao, sous la coordination de la MINUSMA. Seule inquiétude, c’est l’absence des éléments de la CMA, qui sont attendus dans un proche avenir.

Le regroupement des combattants a débuté le 10 décembre dernier. La section Désarmement Démobilisation et Réintégration (DDR) de la MINUSMA avec l’appui d’autres sections a coordonné l’opération de vérification et d’enregistrement de 160 ex-combattants de la plateforme, de leur profilage ainsi que la collecte des informations de base sur leurs armes. Le 13 décembre à 18 heures, il a été dénombré au MOC, 190 éléments des forces armées maliennes et 160 combattants de la plateforme.

Le regroupement des combattants de la CMA est en cours dans la région de Kidal pour ensuite se déplacer vers Gao, pour rejoindre les autres dans les prochains jours. La MINUSMA a également procédé à la distribution de 20000 litres de carburant à la CMA à Kidal pour permettre aux combattants de rejoindre Gao. Le processus s’est déroulé sans aucun incident. La MINUSMA et le gouverneur de Gao ont même effectué une visite du camp du MOC dirigé par Rhissa Ag Sidi Mohamed, le 13 décembre dernier.

« Une première patrouille conjointe du MOC devrait avoir lieu très prochainement dans la région de GAO, on s’attend, à ce qu’elle se passe la semaine prochaine, mais on confirmera quand c’est du solide», explique Radhia Achouri, porte parole de la MINUSMA. « Il y a des petits soucis en termes d’intégration de la part de certains mouvements signataires du processus de paix notamment au sein de la CMA. La MINUSMA est en train de s’activer au niveau de son leadership et ailleurs pour essayer de convaincre les parties prenantes de trouver des solutions le plus rapidement possible, ce qui permettra de respecter les termes de l’Accord de paix entre les différents mouvements faisant parti de la CMA, pour assurer qu’il Y ait une inclusivité la plus large possible permettant au processus de démarrer dans des bonnes conditions », a-t-elle conclu.

Accord de paix : l’inclusivité de gré ou de force

Le MSA, la CPA et le CMFPR2, se sont fendus d’un communiqué, jeudi 15 décembre, qui acte d’une profonde fracture avec la CMA, au moment ou le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et les patrouilles mixtes sont en plein préparatifs à Gao, où les FAMA et la Plateforme sont déjà prêt à participer.

Depuis octobre dernier et le décret de nomination des autorités intérimaires, rien ne va plus entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et les petits mouvements qui la composent, poussant le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), la Coalition des Peuples de l’Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements, Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR2) à entrer en dissidence et à bloquer la mise en œuvre de l’Accord de paix, car ils ne sont pas pris en compte dans les instances prévues dans l’Accord d’Alger.

Le communiqué conjoint résultat de la session extraordinaire, entre ces 3 mouvements, qui s’est déroulée, hier, jeudi 15 décembre, semble enfoncer le clou et être la preuve que les tractations engagées entre les différents mouvements sous médiation du gouvernement et de la communauté internationale, n’ont menée à rien. « Conscients du refus persistant de la CMA de Kidal d’imposer l’inclusivité à l’Accord par sa volonté irrecevable d’étendre son hégémonie à toutes les régions du Nord. Nous informons l’opinion nationale et internationale que nous opposons un refus catégorique à toute application exclusive de l’Accord, notamment en ce qui concerne les patrouilles mixtes, les autorités intérimaires et autres organes et/ou instances prévus aux termes de l’Accord d’Alger », indique le communiqué. Pour Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du MSA, cette déclaration commune ne ferme pas la porte définitivement à la CMA : « La fracture n’est pas totale mais c’est un message pour la CMA, la médiation et le gouvernement, pour leur indiquer de faire les choses comme il faut », explique-t-il.

Néanmoins le communiqué ajoute que, « Tous les recours possible seront mis en œuvre y compris la force jusqu’à notre prise en compte intégrale ». Au sein de cette alliance de mouvement, ont reconnaît exercer une certaine forme de pression pour que les choses avancent. « La CMA est très divisée et doit régler ses problèmes et ses contradictions en interne avant toute chose. Elle prendra conscience que l’inclusivité est la porte de sortie, mais ça ne sera pas facile en réalité, parce que les acteurs sont trop opposés sur pas mal de sujets », poursuit le secrétaire général du MSA, dont le mouvement fait toujours partie de la CMA. « Il faut résoudre ce problème rapidement sinon ça va envenimer la situation et incontestablement perturber l’accord », prévient-il.

Tensions autour du MOC à GAO

Lundi 5 décembre des membres du CMFPR2 on fait le siège des locaux du MOC avant d’être délogé par la Minusma. Ils exprimaient leur colère concernant l’exclusion, par la CMA, de leurs listes pour les patrouilles mixtes. Dans la cité des Askia, une vive tension règne entre le CMFPR2 et la CMA, soupçonnée de vouloir favoriser les touaregs au détriment des sédentaires. Le PR Younoussa Touré, secrétaire général du CMFPR2 a répondu aux questions du Journal du Mali

Des membres du CMFPR2 en colère ont fait le siège des locaux du MOC à Gao, que s’est-il passé ?

C’est simple, on nous avait demandé des listes pour les patrouilles mixtes, on a fourni les listes dans le canal qu’ils voulaient, c’est à dire via Sidi Brahim Ould Sidati de la CMA. Initialement on devait fournir une liste de 50 noms, mais la CMA nous a demandé de la ramener à 25 noms, ce que nous avons fait. Finalement nos gens ont appris que la CMA n’avait pas pris en compte nos listes. Ould Sidati a dit qu’ils avaient déjà fait toutes les listes de Gao, et qu’il allait voir s’il pouvait transférer nos listes sur les patrouilles de Kidal. Pourquoi voulez-vous amener des gens du coin qui veulent assurer la sécurité chez eux à Kidal ? Nos gens ce sont donc manifestés pour montrer leur mécontentement. La MINUSMA est intervenue est une réunion à été positionnée le 6 décembre à 10h, mais rien n’en est sorti de positif.

Où en est-on maintenant ?

On est toujours dans le statu quo, nos jeunes sur le terrain sont en train de se détourner des politiques pour reprendre la main, et on ne peut pas présumer de ce qui va se passer là-bas. Nos combattants ont rallié Gao pour la réunion de mardi. Je leur ai dit de ne pas y aller avec les armes, pour ne pas donner l’impression qu’ils veulent attaquer car ils sont déjà très nombreux. J’essaye de calmer les jeunes mais s’ils décident de passer à l’action, il sera difficile de les en empêcher. C’est en train de se transformer en conflit communautaire, parce que les touaregs ne choisissent que des touaregs et les sédentaires ne sont pas d’accord pour se faire surveiller par des touaregs, car leurs combattants sont là.

Comment calmer la situation pour éviter que ça ne dégénère ?

Dans la mesure où toutes les propositions que la CMA à faites ne tiennent pas compte des sédentaires, ça peut dégénérer. Pour calmer les choses, il faudrait que nous nous puissions assurer notre sécurité chez nous. Même le GATIA est en train de faire pression sur les sédentaires pour augmenter le nombre de touareg là-bas. Donc des deux côtes on ne prend que des touaregs. Ça va nous amener à la situation de la dernière rébellion, ou les touaregs avaient le monopole de l’intégration dans l’armée. Nous sommes des signataires de l’Accord, nous l’avons signé à la demande des Nations-unies. Le règlement qu’ils ont mis en place au niveau du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) ne reconnaît que deux parties, la CMA et la Plateforme. Sur le document, nous n’avons pas signé CMA. Hier nous avons saisi officiellement les Nations-unies, pour dire que nous avons suivi leur volonté et que nous n’entendons pas être sous la coupe de qui que ce soit, nous sommes prêts à entamer des procédures judiciaires.

 

Le ministre de l’Énergie et de l’eau à Kidal

Le ministre malien de l’Énergie et de l’eau, Alhousseini Maiga, est enfin arrivé à Kidal vendredi 2 décembre en fin de matinée. Cette visite de travail initialement prévue le mercredi 30 octobre avait dû être repoussée pour raisons sécuritaires. Le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) qui organisait la visite et souhaitait la venue du ministre à Kidal n’avait pas cru bon de se concerter avec l’autre mouvement majeur de la CMA , le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), générant un refus de ce dernier, qui a organisé des manifestations de femmes et de jeunes, jeudi 1 décembre, pour protester contre la venue du ministre, contraignant ce dernier à rester à Gao.

Après des tractations, les choses ont pu rentrer dans l’ordre et le ministre accompagné de Koina Ag Ahmadou, le gouverneur de Kidal, très proche du HCUA, ont pu obtenir leur ‘‘Laisser-passer‘’ et atterir à Kidal. Ils ont été accueillis par le secrétaire général du HCUA, Alghabass Ag Intalla, son frère le député Mohammed Ag Intalla, des membres de la CMA et de la MINUSMA.

L’objectif de cette mission, sous haute sécurité, était de se rendre compte sur place de l’état des infrastructures en matière d‘adduction d’eau et de fourniture de l’énergie électrique. Une délegation technique avait précédé le ministre pour évaluer les besoins de ces infrastructures. Des visites ont été effectuées sur les sites d’approvisionnement en eau et électricité de la ville.

Ce déplacement est fortement symbolique, car un ministre de la République n’avait plus foulé le sol de Kidal depuis mai 2014, et le gouverneur de Kidal n’y revenait que pour le deuxième fois.

Néanmoins les populations sur place n’ont pas semblé être impactées par la force de ce symbole avant tout politique.  « Les gens à Kidal ne s’intéresse même pas à cette visite, conflits et reculades les ont rendus fatalistes, même les combattants ne se sentent pas concernés, ils ne cherchent qu’à ce que l’accord soit mis en œuvre pour qu’ils soient réintégrés dans l’armée  », conclut cette source proche des mouvements.

Alliance dissidente de la CMA : « Nous ne pouvons accepter l’inacceptable ! »

Le torchon n’en finit pas de brûler entre mouvements, au sein de la CMA. Le point de discorde ? le décret de nomination des autorités intérimaires, validé le 14 octobre dernier par le gouvernement et jugé ‘‘non-inclusif’’ par 4 mouvements de la CMA : le Congrès pour la justice de l’Azawad (CJA), le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), la Coalition des Peuples de l’Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements, Forces Patriotiques de Résistance CMFPR2, entrés depuis en dissidence, et qui pourraient remettre en cause, si une solution n’est pas trouvée, la mise en œuvre de l’Accord à quelques jours de l’application des autorités intérimaires et du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC).

« Ce décret qui a fait l’objet des autorités intérimaires en désignant un certain nombre de personnes, sans concertation, sans consultation préalable est dangereux pour notre pays, il met nos régions sous tutelle d’un agenda que nous ne maîtrisons pas. Parce qu’ils ont été désignés sans nous, en ignorant la majorité des populations du Nord, pour être plus précis, les populations de Taoudénit, de Tombouctou de Gao et de Ménaka », assène Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, Secrétaire général de la CPA, lors de la conférence de presse qui a réuni hier à l’hôtel Laico El Farouk, les 4 leaders des mouvements dissidents de la CMA : Hama Ag Mahmoud secrétaire général de la CJA, Ahmed Mohamed Ag secrétaire général du MSA, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune secrétaire général de la CPA et le Professeur Younossa Touré, secrétaire général CMFPR2. Ils étaient rassemblés pour faire entendre leurs voix, alerter la communauté nationale et internationale et le peuple, afin qu’ils comprennent leur combat dans toute sa dimension et dans toute sa diversité.

Depuis ce décret, au sein de la CMA dont les relations étaient déjà orageuse, rien ne va plus. Les mouvements dissidents ont fortement insisté, lors de la dernière réunion du Comité de Suivi de l’Accord (CSA), sur cette question d’inclusivité, point d’orgue de la crise, mais rien n’y a fait. Des tentatives de discussion et de conciliation ont également été organisée, sous l’arbitrage du gouvernement mais la MNLA et la HCUA ont refusé de rencontrer les mouvements dissidents. « Ils soutiennent que l’Accord c’est 3 parties, la CMA, la Plateforme, le gouvernement, et la CMA c’est eux, les autres ce n’est rien », déclare Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, alors que l’article 67 de l’Accord de paix, stipule que : « La Coordination et la Plateforme sont entendues comme incluant toutes les entités qui en font partie à la date de la signature du présent Accord. Les signataires au nom de la Coordination et de la Plateforme le font au nom de chacune et de toutes ces entités ». Pour Younoussa Touré du CMFPR2, allié de ce regroupement encore informel, « Le gouvernement doit tenir compte des voix discordantes qui viennent de tous les côtés. Il doit être vigilant quand on lui présente une liste, être capable de dire si cette liste va poser problème. Quand vous avez une liste pour Tombouctou où vous avez entièrement des arabes, des nomades des songhai, c’est du devoir du gouvernement de moraliser ces choses-là »

Malgré la contestation, les autorités intérimaires seront mise en place le 15 novembre prochain et seront précédées par l’installation du MOC. Une session extraordinaire de la Commission Technique de Sécurité (CTS) s’est tenue au CRES, depuis le 8 novembre, pour parler de la mise en œuvre des ces deux dispositions de l’Accord et pour essayer de trouver une solution à la crise. « Nous tous ça ne nous intéressent pas, la patrouille mixte, le MOC pour l’instant ce n’est pas ce qui nous intéresse, le message qu’on a passé à la CTS était clair, on règle les questions politiques et les problèmes d’exclusion sans lesquels ils ne pourront rien faire » indique l’alliance. Hier, dernier jour de session de la CTS, une solution n’avait toujours pas pu être dégagée et l’alliance des mouvements dénonçait des tentatives de pression sur le gouvernement pour signer un nouveau décret qui continuerait de les exclure. « Au moment ou je vous parle, certains sont en train de forcer les portes pour pondre de nouveaux décrets, notamment la commission DDR, la commission d’intégration, la commission nationale de réforme du secteur de la sécurité, ils sont en train de mettre la pression et bousculent le gouvernement, ils utilisent leurs cadeaux pour l’amener à pondre un décret dans les mêmes conditions que pour les autorités intérimaires », dénoncent Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune.

Si le decret de nomination des autorités intérimaires n’est pas arrêté pour laisser place à des concertations et si ce nouveau décret passe, les 4 mouvements, qui disent représenter une partie écrasante de la CMA, préviennent que la mise en œuvre des patrouilles mixtes ne sera pas appliquée, « Il n’y aura pas de patrouille mixte, parce que les combattants c’est nous, nos frères, nos enfants », lance le secrétaire général de la CPA. Et d’ajouter, « Nous défendrons nos droits, quoique cela puisse nous coûter, même si ça doit nous amener à la résistance physique, parce qu’il s’agit de notre dignité en tant que malien et en tant que citoyen qui sommes chez nous ».

Sidi brahim Ould Sidati : « Tout le monde ne peut pas faire partie des autorités intérimaires au niveau régional »

Le secrétaire général du MAA et chef de délégation du comité de suivi de l’Accord pour la CMA est revenu, lors d’un entretien téléphonique, sur les questions brûlantes concernant la mise en oeuvre de l’Accord au sein de la CMA. Dissensions internes, viabilité de l’accord, aucune question n’est éludée.

Vous avez tenu une conférence de presse hier où vous avez félicité le gouvernement et mis en avant des irrégularités sur le décret de nomination des autorités intérimaires, quelles sont-elles ?

Nous félicitons vraiment le gouvernement pour le nouveau décret. C’est une avancée majeure dans l’application du processus de paix. On a cependant noté certaines irrégularités c’est vrai, notamment dans le décret concernant les régions de Tombouctou, Kidal, Ménaka. Irrégularités qui sont en contradiction avec l’Entente signée le 19 juin dernier, et qui est à la base du décret. Dans le document d’Entente, l’accord stipule que la taille des autorités intérimaires au niveau régional est égal à celle du conseil régional qu’elle remplace, ce qui veut dire que si dans la région de Tombouctou il y avait 12 conseillers, les autorités intérimaires devraient avoir 12 conseillers, or ils en ont eu 13 à Tombouctou, et à Kidal c’est la même chose. C’est en contradiction avec l’Entente que nous avons signé et qui délimitait pour chaque partie le nombre de conseillers. La CMA a constaté que l’Entente est respectée dans les régions de Taoudéni et de Gao, mais telle n’est pas le cas à Tombouctou, Kidal et Ménaka, et nous avons demandé au gouvernement de revenir sur cette situation pour qu’elle soit en conformité avec ce qui a été signé.

Beaucoup parlent d’un revirement opportuniste de la CMA, qui après avoir décrié l’action du gouvernement le félicite quand il va dans son sens, qu’en pensez-vous?

Ce n’est pas un revirement. C’est une manière de reconnaître les efforts que l’autre partie fournit, on ne peut pas toujours dire que tout est mauvais ! la CMA est là pour dire exactement ce qui se passe, quand ça avance nous le disons, quand ça bloque nous le disons aussi. Nous avons remarqué que le gouvernement a posé des actions, il me semble tout à fait normal de dire que c’est une avancée que nous constatons. Mais il y a aussi des situations qu’il faut corriger, nous espérons que ces situations vont se décanter dans les jours à venir parce que nous avons déposé les listes pour le DDR (Désarmement, démobilisation et réintégration).

Certains groupes rejettent pourtant ce décret et vont plus loin en menaçant de bloquer l’Accord et de ne plus vous suivre…

Tout d’abord les autorités intérimaires c’est pas seulement au niveau régional, il y a aussi les cercles et les communes, il ne faut pas que les gens croient qu’il y a exclusion, tout le monde ne peut pas faire partie des autorités intérimaires au niveau régional, mais ils peuvent en faire partie au niveau des cercles, il y a de la représentativité là-bas aussi, donc il faut être patient et il faut laisser le temps aux gens d’être représentés au niveau des communes et des cercles. Les six membres régionaux ne sont pas les seuls à représenter les autorités intérimaires. Les mouvements qui nous ont décrié, avaient signé un acte dans lequel ils intégraient le Comité de Suivi de l’Accord (CSA) de la CMA sans condition et sans quota, cela veut dire que nous n’avions aucune obligation à leur égard, mais ils n’étaient pas exclus du processus. Je le répète il faut avoir de la patience, ça ne doit pas bloquer l’Accord.

Le processus de DDR pour la CMA sera-t-il toujours effectif malgré ces dissensions ?

Le fait même de créer des groupes est une contradiction à l’Accord, une personne qui veut que l’Accord avance ne crée plus de groupe parce que l’objectif même de l’accord c’est de faire disparaître les groupes et avoir un État unitaire, donc la naissance de nouveaux groupes va à l’encontre des clauses de l’Accord, on ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Le gouvernement a logé beaucoup de ces groupes dans les hôtels à Bamako, ça n’encourage pas l’avancée du processus, ça crée des problèmes qui ne sont pas au niveau de la CMA.

Au vu des événements récents, notamment le conflit intracommunautaire et les défections au sein de la CMA, pensez-vous que l’Accord reste toujours un document viable?

Depuis la signature de l’Accord il y a eu des dissidences, des bisbilles et si on ne fait pas attention, il va arriver un moment où l’Accord ne pourra plus faire face au problème parce que quand on l’a signé il y a un an et demi, il contenait tous les problèmes qui étaient posés, mais maintenant il y a d’autres mouvements, d’autres tendances et à un moment l’accord pourrait devenir une goutte d’eau dans un vaste océan de revendications.

Autorités intérimaires : le ministre Mohamed Ag Erlaf sur la sellette

L’écrasante majorité de la CMA se sent exclue du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger, à travers la mise en place des autorités intérimaires censées garantir le retour à une paix durable dans les régions du nord. Un doigt accusateur est pointé sur le ministre l’Administration territoriale, de la décentralisation et la réforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf pour avoir validé une liste non consensuelle de la CMA.

De sérieuses menaces planent sur le la mise en place des autorités intérimaires. En plus des réserves formulées par certains partis politiques sur la fiabilité de l’opération, il y a lieu de remarquer que la CMA, signataire de l’Accord, est aujourd’hui divisée sur la question. Une frange importante de cette coordination accuse le ministre Mohamed Ag Erlaf de partialité et de manque de neutralité dans cette affaire interne de la coordination.

À travers un compte rendu télévisé du conseil des Ministres extraordinaire du vendredi 14 octobre dernier, le peuple malien apprenait l’adoption par le gouvernement, sur proposition du ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, de la validation de la liste des membres devant être nommés pour les autorités intérimaires. Une liste taillée sur mesure par certains mouvements qui composent la CMA, en l’occurrence, le MNLA et le HCUA. C’est du moins l’avis des responsables des trois autres mouvements de la coordination à savoir la CPA, la CMFPRII et le MSA. Selon les conférenciers, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA, Pr Younoussa Touré, premier vice-président de la CMFPRII et Mohamed Zeïni du MSA, la liste validée par les soins du ministre Ag Erlaf prouve, en effet, son esprit partisan face à un rendez-vous aussi sérieux et capitale pour le retour de la paix. « Nous avons été surpris de cette attitude d’un ministre du gouvernement qui connaît toute la réalité de la situation et qui a toutes les informations lui permettant de prendre des décisions idoines pour gérer la situation », explique Mohamed Ousmane. Selon lui, quelque soit l’urgence du moment, la stabilité du pays et la cohésion nationale doit toujours primer. Pour les autres responsables présents, les listes ainsi validées par le ministre Ag Erlaf n’engagent personne ni à Tombouctou, Ménaka, Taoudenit et Gao. « Nous ne pouvons pas continuer à sacrifier le bonheur de ce pays et des populations pour un homme. Le ministre Ag Erlaf doit savoir aujourd’hui que le Mali n’est pas une région et qu’une région ne peut pas gérer d’autres régions, et encore moins un mouvement gérer la CMA.

Les listes proposées sont venues de Kidal d’où il est originaire et ont été établies par le MNLA et le HCUA », expliquent-ils. Pour eux, l’actuel ministre est trop impliqué et concerné par les affaires de la CMA. « Il doit de se ressaisir et garder sa neutralité et son impartialité vis-à-vis des mouvements qui composent la CMA, étant donné qu’il est ministre de la République », souligne Youssouna Touré de la CMFPRII. « Nous ne voulons pas que la volonté d’autres personnes dont nous ne maîtrisons pas l’agenda s’impose à nous. Si les listes ne seront pas revues, la CMA ne fera ni le DDR, ni le cantonnement encore mois les patrouilles mixtes. Les 200 combattants fournis par la CMA dans le cadre des patrouilles mixtes ne seront pas présents à Gao, parce qu’ils appartiennent en partie à nos mouvements. L’accord dont il est question, ne peut être mis en œuvre par des autorités intérimaires imposées », assènent ces 3 leaders des mouvements.

Les conférenciers ont aussi précisé avoir alerté la quasi-totalité des parties impliquées dans le processus de paix, dont le chef de file de la médiation, l’Algérie, ainsi que le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, sur le danger du non-respect du principe de l’inclusivité prônée par l’Accord.

CMA, le temps de la fragmentation

Depuis la création de nouveaux groupes armés issus de la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA), l’ancienne rébellion touarègue est en perte de vitesse. La fragmentation en son sein augure de la tendance de chaque communauté touarègue à vouloir sa place dans le processus de paix.

Au Nord, le Mali reste plus que jamais immergé dans la crise qui se prolonge avec les affrontements entre la Plateforme, dont le fer de lance est le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), et la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA), réunissant les ex-mouvements rebelles. Aujourd’hui, les acteurs de la mise en œuvre de l’accord de paix signé il y a plus d’un an, sont paralysés par ce conflit qui empêche pour le moment d’envisager une sortie du tunnel. De fait, les affrontements GATIA/CMA, sur fond de guerre tribale, ont créé une nouvelle donne qui a entraîné ces deux derniers mois des défections au sein du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), figure de proue de la CMA, débouchant à la création de nouveaux groupes armés.

MSA et CJA Début septembre, Moussa Ag Acharatoumane, chef de la tribu touarègue des Daoussahak, pourtant cofondateur du MNLA, en est parti pour créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA). Il dénonçait les « déséquilibres à l’intérieur de la CMA, où la gestion est trop unilatérale », « la recrudescence de l’insécurité et des conflits fratricides ». Un grand nombre d’observateurs ont décelé dans cette scission le signe d’un affaiblissement du MNLA ou de la CMA, critiqué par certains militants, soit pour l’abandon de l’objectif de l’indépendance, ce fut le cas du porte parole en France, Moussa Ag Assarid, soit pour la main mise de trop importante de certaines tribus sur le mouvement, notamment celle des Ifoghas. Le climat est donc visiblement à la fragmentation. Comme l’a également prouvé la création, rendue publique par un communiqué daté du lundi 10 octobre, du Congrès pour la justice de l’Azawad (CJA), issu de la tribu Kel Ansar de Tombouctou. L’un des chefs provisoire du mouvement est bien connu, il s’agit de l’ancien ministre Hama Ag Mahmoud, qui faisait partie des fondateurs du MNLA. La création d’autres groupes armés n’est pas à exclure, d’autant que chaque tribu ou communauté cherche à tirer son épingle du jeu, dans le cadre des futures autorités intérimaires. Sauf que cette fragmentation retarde d’autant le processus.

 

Cheikh Ag Aoussa : la mort suspecte d’un verrou à la paix

Cheikh Ag Aoussa, chef militaire redouté et sulfureux du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), est mort samedi 8 octobre dernier, dans l’explosion de sa voiture. La disparition de ce combattant aguerri et fin stratège politique, reste entourée de mystères. Si la rébellion crie à l’assassinat, pointant le doigt vers les forces étrangères, sa mort préfigure une plus grande fragmentation de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), au moment où le processus de paix est déjà très fragilisé.

Un peu après 18h, le pick-up Toyota de Cheikh Ag Aoussa s’élance sur la piste qui mène à Kidal, s’éloignant du camp de la MINUSMA, dont les projecteurs percent l’obscurité qui s’étend. Quand la déflagration brise le silence du désert à des centaines de mètres, parvenant aux premières maisons du quartier Aliou, tout semble se figer. Des flammes hautes lèchent ce qui n’est désormais plus qu’une carcasse qui se consume dans la nuit. Cheikh Ag Aoussa n’est plus, soufflé par l’explosion. Une ironie du sort pour celui qui a été souvent suspecté d’être l’instigateur d’attentats qui ont frappé à maintes reprises les forces internationales dans la région de Kidal. Sa mort tragique ouvre une nouvelle séquence d’incertitudes dans ce territoire troublé du Nord, sans que l’on sache si elle sera mauvaise ou bonne.

La disparition de l’ex-bras droit d’Iyad Ag Ghaly a surpris dans son camp, comme ailleurs au Mali. Les premières informations faisant état d’une mine que son véhicule aurait heurté, ont été vite chassées par les rumeurs d’un attentat. La question alors posée a été de savoir si sa voiture avait été piégée avant d’entrer dans le camp de la  MINUSMA, qu’il venait de quitter, ou à l’intérieur de l’enceinte, sachant que les véhicules autorisés sont préalablement inspectés. « C’est un assassinat, j’ai bien vu les traces ! Si ça avait été une mine, en explosant elle aurait créé un trou et là ce n’est pas le cas. La déflagration est venue de la voiture vers la terre et pas l’inverse. L’engin explosif était placé en dessous de la place du chauffeur. On a pu récupérer les aimants qui ont servi a fixer l’engin à la voiture », déclare ce cadre du MNLA, qui a participé à l’enquête lancée par les groupes armés pour faire la lumière sur la mort de leur chef. Selon eux, il s’agissait d’un engin télécommandé à distance, du matériel sophistiqué, très peu utilisé dans le Nord. « Les personnes qui utilisent ce type de matériel sont des professionnels. Ils ont appuyé sur le bouton avant que la voiture ne soit à 300 m du camp de la MINUSMA, la bonne distance pour être vraiment sûr que ça explose. Nous ne savons pas qui en est l’auteur. Il y a beaucoup de monde ici, des internationaux. Tous les tueurs sont ici », affirme ce cadre de la CMA.

La main des forces internationales ? Dans la région de Kidal, les rumeurs vont bon train depuis sa mort. Certains pensent que les auteurs ont voulu couper la tête d’un important maillon de la CMA, qui freinait l’Accord de paix. « Ici on dit que c’est Barkhane, d’autres pensent que c’est la MINUSMA, ou ses amis djihadistes, ou encore un coup des Algériens, ou du Niger pour se venger de l’attentat de Tazalit », explique cette source proche des mouvements. Pour ce combattant du MNLA qui a bien connu Cheikh Ag Aoussa, « il est mort parce qu’il était affilié à des terroristes et qu’il manigançait quelque chose de mauvais ». La CMA, sans preuves, privilégie la piste Barkhane. « Cheikh est sur la liste des gens victimes des opérations de la France. Dans le camp de la MINUSMA, la France compte 4 corps différents : la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le service action de la DGSE, les forces spéciales et l’armée conventionnelle. Ce que nous savons c’est que c’est un assassinat qui a été monté depuis l’intérieur du camp, ça c’est sûr », assène ce gradé de l’ex-rébellion.

Depuis quelques mois, une fracture semble s’être opérée entre la force Barkhane et les mouvements armés, qui auparavant collaboraient ensemble contre les djihadistes. Une mise au banc mal vécue, qui remet en question leur sécurité. « La fracture entre nous et les Français se situe à un niveau politique qui nous dépasse », affirme ce membre de la CMA. « Je sais que des gens chez nous ont tenté d’avoir un soutien un peu plus clair, une sorte de reconnaissance politique officielle mais ça n’a pas été accordé. Depuis, la force Barkhane utilise ses propres renseignements, tirés de je ne sais où. Depuis 4 ou 5 mois, toutes leurs opérations nous visent et pas les vrais terroristes qui sont juste à côté », déplore-t-il avec amertume. Ce changement de position et la mort de leur chef, exclut aujourd’hui toute confiance envers les forces internationales. « Ils peuvent coller l’étiquette terroriste à ceux qu’ils veulent, pour montrer qu’ils rapportent des résultats à leur commandement. On a compris que c’est nous qui sommes visés maintenant », lâche un autre combattant.

 Dissensions et fragilité de l’accord de paix À Kidal, La mort de ce leader en a désemparé plus d’un, car ce chef à poigne, qui fédérait autour des Ifoghas la plupart des autres clans, était considéré comme un couteau à double tranchant, capable de négocier avec le gouvernement malien et en même temps de fomenter des attentats ou des enlèvements. « Il y a une très grande tristesse chez les membres du HCUA. Au MNLA, qui le traitait naguère de terroriste, on regrette amèrement sa mort, car dans le conflit contre le GATIA, il était un allié influent. Sa mort tombe mal pour eux », résume cette source proche des mouvements. Pour cet habitant de Kidal, joint au téléphone : « tôt ou tard, quelque chose comme ça devait lui arriver. Beaucoup de gens ici savaient que son nom était cité dans beaucoup d’affaires louches, et même les gens de la CMA disaient qu’un jour ou l’autre il serait rattrapé par ces affaires ».

Au lendemain de sa mort, des membres du MAA pro-Azawad ont déserté Kidal, et au dire de certains, les défections pourraient continuer. Aujourd’hui, les membres du HCUA regardent certains de leurs alliés avec méfiance, car cet attentat pourrait tout aussi bien avoir été fomenté à l’intérieur de la CMA. Ce climat délétère pourrait, selon certains observateurs, mener à une possible désintégration de ce mouvement, car Cheikh Ag Aoussa était pour beaucoup un ciment au niveau politique et militaire. « Il y aura un successeur, c’est logique, mais pas de son envergure. Ça pourrait être Iyad, mais il est dans le maquis. D’autres combattants plus aguerris au combat pourraient lui succéder, mais Cheikh Ag Aoussa, rassemblait tout », explique cette source.

Alors que le processus de paix est très fragilisé, on ne sait pas encore si la mort de Cheikh Ag Aoussa sera un tournant dans la mise en œuvre de l’accord, mais du côté de la CMA ont prévient : « Il n’y a pas d’accord de paix quand on tue un signataire à quelques centaines de mètres des gens qui l’ont poussé à signer cet accord ». Et de conclure : «  De toute façon, toute position qui ne nous inclut pas est une position qui prend la forme d’une bombe à retardement. C’est très mauvais pour le Mali, c’est très mauvais pour tout le monde ».

Processus de cantonnement et d’intégration : les mouvements ont proposé leurs membres.

La CMA et plateforme deux mouvements signataires de l’Accord d’Alger viennent de déposer la liste de leurs membres pour la constitution de la commission nationale de DDR et la commission d’intégration. La bonne nouvelle a été donnée par la porte-parole de la mission onusienne Mme Radhia Achouri lors du point de presse hebdomadaire le 6 octobre dernier.

La pression de la communauté internationale sur les mouvements armés, la détermination du gouvernement malien à appliquer les contenus de l’Accord pour la paix et la réconciliation, relance l’espoir de paix et de développement. Mais tout cela n’est guère possible sans le retour de la sécurité dans la zone, raison pour laquelle des efforts sont faits pour accélérer le processus de démobilisation, désarmement et de réinsertion.

Dans ce sens, une étape très importante vient d’être franchie. Depuis le 6 octobre, les deux principaux groupes armés (CMA et Plateforme), signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et le gouvernement, ont tous proposé les membres pour la Commission Nationale de DDR, la Commission d’intégration et le Conseil National de Réforme du Secteur de Sécurité. Ils ont aussi fourni les listes des hommes devant constituer la première unité pour les patrouilles mixtes, qui sera basée à Gao avec la possibilité de déployer des hommes à Kidal dans une première phase. Les membres de ces commissions vont travailler sur les critères du DDR et de l’éligibilité pour les forces de sécurité. Toute chose qui va permettre de régler la gestion des combattants des groupes armés et accélérer le processus de mise en œuvre de l’Accord.

Le mode opératoire de cantonnement définit exactement les critères selon lesquelles quelqu’un est considéré comme combattant, et doit être cantonné. Ce document conjoint a déjà été élaboré et signé par les trois parties, sous l’égide de la commission technique de sécurité (CTS), depuis octobre 2015.

Processus de paix : Accord et désaccords

Depuis 3 mois, le processus de paix est suspendu à la guerre hégémonique et sans-merci que se livre la CMA et la Plateforme, deux mouvements armés signataires de l’accord de paix, autour de la gestion de Kidal et des questions de leadership entre Ifoghas et Imghad. La mise en œuvre de l’accord, qui devait progressivement entrer en vigueur cet été, est actuellement au point mort, sans que l’on ne sache vraiment si ce document connaitra un jour un début d’application.

« Le territoire de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) se résume aujourd’hui à l’intérieur de Kidal, et ça renforce ma conviction que plus la CMA s’affaiblit, plus on va vers la paix », déclare Fahad Al-Mahmoud, secrétaire général du Groupe d’autodéfense Touareg, Imghad et alliés (GATIA). Pour lui, le conflit qui oppose GATIA et CMA ne remet pas forcément en question l’accord de paix. « Je pense que c’est l’une des causes, mais pas totalement. On a fait la paix à partir d’Anéfis et l’accord n’a pas beaucoup bougé, donc je ne pense pas que ce soit le seul frein », affirme-t-il. Bien que la situation autour de Kidal soit relativement calme ces derniers jours, le GATIA encercle toujours la ville, contrôlant et interdisant l’accès à tout véhicule et chargement venant de Gao, et cantonnant la CMA dans cette unique espace urbain, sous protection de la MINUSMA et de la force Barkhane, enjeu des conflits qui ont agité la région ces 3 derniers mois. À l’intérieur de la ville, la CMA se réorganise massivement pour préparer sa riposte, tandis que la Plateforme, tenue à distance par des forces internationales intransigeantes, attendrait le moment opportun pour prendre Kidal. « Si Gamou, aidé par le Mali, veut négocier, pas de problème. Mais s’il monte par la force, ce sera le début de la 5ème rébellion touareg ! L’accord sera à l’eau et nous, on ne se reconnaitra plus dans cet accord. Ce sera l’éclatement général », affirme ce cadre militaire de la CMA.

Un accord en danger ? Pourtant, selon nos informations, la CMA soutiendrait toujours l’accord et ne compterait pas en quitter le cadre. Même si, à Kidal, le message qu’elle fait passer aux habitants ainsi qu’aux combattants les plus radicaux, pour les gagner à sa cause, prône l’indépendance et un refus de l’accord. Dimanche dernier, ses dignitaires se sont réunis en secret pour choisir les personnes qu’ils présenteront aux futures autorités intérimaires. « Ils veulent rester dans le cadre de l’Accord d’Alger, essayer de revenir à la paix et éviter la guerre. Ils disent que cette guerre ne les arrange pas parce qu’en réalité ce sont des Touaregs qui se battent entre eux. Ils peuvent combattre mais ils ne veulent pas le faire parce que cette guerre est manipulée par d’autres qui veulent vraiment que l’accord ne soit pas appliqué », explique Souleymane Ag Anara, photo-journaliste basé à Kidal. Pour certains observateurs, les trafiquants de drogue et, par certains aspects, la communauté internationale, ne verraient pas dans leur intérêt que l’accord soit appliqué. « Car pour ces gens, ça entretien le business », affirme une source locale. Pour ce diplomate proche du dossier, « les évènements qui se jouent actuellement dans ce conflit entre signataires, ne peuvent remettre en question l’accord, parce que c’est un compromis dont les garants sont la communauté internationale et les pays du champ ».

Néanmoins, les défections nombreuses au sein de la CMA, dont beaucoup de membres ont rejoint la Plateforme, sont un signal pour certains observateurs que l’Accord pour la paix et la réconciliation signé le 20 juin 2015 n’est plus viable. Car la CMA qui y a pris part et qui était en position de force, est aujourd’hui fragilisée, et que le GATIA, actuellement décrié par la communauté internationale, a débauché nombres d’acteurs du camp adverse, signataires de l’accord, changeant par là même toute la donne. « C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de défections du côté de la CMA, des notables, des chefs de factions, des officiers, des combattants, mais les figures emblématiques, les Ag Najim, Ag Haoussa, Ag Intalla, elles, n’ont pas bougées. Je pense que ce qui se passe, à défaut de déranger l’accord, ne vas pas l’arranger. Le danger, c’est que ça peut amener une autre guerre qui va durer et que les gens ne maitriseront pas », analyse ce proche des mouvements.

Ce conflit larvé entre les deux belligérants pour obtenir la chefferie de Kidal, ne serait pas la raison profonde qui pourrait entraver la mise en œuvre de l’accord de paix. « Ce qui se joue au fond, autour de ces évènements, c’est la difficulté de l’émergence d’une citoyenneté nationale pour ces groupes. Certaines sociétés touarègues arrivent difficilement à concevoir que leur antériorité nobiliaire soit dissoute dans la citoyenneté malienne, alors qu’aujourd’hui ils ont pris conscience de leur puissance économique et de leur intégration dans l’État », explique le Dr Naffet Keïta, anthropologue et chercheur.

Vers une porte de sortie ? Actuellement, les négociations pour un retour à la paix semblent au point mort. Les leaders du GATIA à Bamako ne mènent aucune négociation avec ceux de la CMA. « Ils ne s’appellent pas, ils ne se concertent pas. Il n’y a aucune médiation en cours, tout les préparatifs qui se font, se font dans l’optique de la guerre », révèle cette source proche du GATIA. Selon nos informations, les autorités nigériennes seraient en train de travailler à l’organisation d’une réunion, au Niger, pour relancer les négociations et faire cesser le conflit, mais on ne sait pas à l’heure actuelle si cette rencontre se tiendra, car l’Algérie n’y est pas favorable.

La difficulté pour un retour à la paix semble se trouver dans la capacité à concilier les agendas des différentes parties. Celui du GATIA qui veut occuper des responsabilités, celui du gouvernement, qui souhaite que tout les Maliens demeurent libres et égaux en droit et en devoir, et celui de la CMA, qui veut continuer à conserver sa position de leadership à Kidal. « Notre problème avec les Ifoghas est à côté de l’accord. Le processus d’Alger n’a pas pris ça en compte, malgré que nous ayons plaidé pour cela. Je pense que les acteurs doivent tout mettre en œuvre pour trouver une solution à ce problème », explique le secrétaire général du GATIA. « Il n’y aura pas de négociations qui auront des résultats tant que les autorités seront favorables aux miliciens et que nous serons dans cette position. Il faut absolument mener des actions politiques pour arranger les choses. Si ce problème avec le GATIA ne peut pas être résolu politiquement, alors nous l’élimineront militairement », rétorque ce cadre militaire de la CMA.

La balle, aujourd’hui, semble dans le camp du gouvernement malien, conscient de ces enjeux locaux, mais inaudible depuis 3 mois. Il devra conduire une médiation entre ces parties pour un nécessaire retour à la paix, car si l’on n’y prend garde, l’opposition entre CMA et GATIA pourrait basculer dans une guerre civile.

Le MAA de Ber rejoint les rangs de la Plateforme

Après l’annonce faite par le porte-parole du Mouvement Arabe de L’Azawad /Zone Ber qui souligne son adhésion à la plateforme, les responsables du MAA et de la CMA montent au créneau pour démentir cette information.

« Après une analyse minutieuse de la situation, nous avons décidé de ne plus nous embarquer dans des aventures guerrières non justifiées et aux objectifs inavoués », déclarait Sidi Mohamed Ould Mohamed, porte-parole du MAA-Ber ce mardi 27 septembre lors d’une conférence de presse. Une déclaration qui témoigne donc désormais de l’adhésion du MAA de Ber à la Plateforme républicaine, une des parties signataires de l’accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali. Selon les responsables, cette décision est en rapport avec les récents événements dans la localité de Ber où le drapeau du Mali a été profané et brûlé par des jeunes manifestants de la CMA.

Du côté de la CMA, les membres considèrent l’annonce de Sidi Mohamed Ould Mohamed comme un coup d’épée dans l’eau. Pour Mohamed Mahamoud, Secrétaire Général adjoint de la CMA cette déclaration ne vaut rien, « nous considérons cela comme un non évènement qui n’a aucune importance. C’est l’initiative d’une seule personne et non d’un groupe », justifie-t-il.

Dans la soirée du 29 septembre, un communiqué de la CMA publié sur les réseaux sociaux aborde dans le même sens des propos tenus par Mohamed Mahamoud.

« Le Mouvement Arabe de L’Azawad /Zone Ber a été surpris d’avoir appris dans la presse écrite qu’un certain Sidi Mohamed Ould Mohamed inconnu de toutes les instances du MAA et ne représentant aucune de nos communautés, qui par usurpation se présente comme un membre du MAA/Ber en faisant des déclarations mensongère et des actes irresponsables en notre nom, ce que nous démentons catégoriquement », mentionne le communiqué. Et au colonel Houssein Goulam, Chef D’état-major dudit mouvement, d’ajouter que le MAA de Ber met en garde tout individu agissant ainsi, « toutes les mesures appropriées seront prises pour mettre fin à des telles provocations », conclu le communiqué.