Besoins humanitaires : MSF renforce ses actions face à l’effondrement des financements

Dans un contexte marqué par la baisse des financements institutionnels et l’insécurité, Médecins Sans Frontières intensifie ses interventions dans plusieurs régions pour garantir l’accès aux soins dans les zones les plus vulnérables. L’organisation appuie désormais davantage de centres de santé communautaires afin de combler les vides laissés par le retrait d’autres acteurs.

La crise humanitaire s’aggrave alors que les besoins explosent et que les ressources se tarissent. Selon la Coordination des affaires humanitaires (OCHA), 6,4 millions de personnes nécessitent une assistance multisectorielle en 2025. Pour y répondre, le gouvernement et ses partenaires avaient sollicité 771,3 millions de dollars afin d’apporter une aide à 4,7 millions de personnes vulnérables. Mais à la fin août, seulement 13,5 % de ce montant avait été mobilisé, dont 21,7 % pour la santé et 9,3 % pour la nutrition. L’arrêt brutal de l’aide américaine et la suspension de nombreux financements institutionnels ont encore aggravé la situation.

Cette chute des ressources a conduit plusieurs organisations à réduire ou à suspendre leurs activités. Dans les régions d’Ansongo, Kidal, Tombouctou, Douentza, Ténenkou ou Nampala, « certaines organisations humanitaires n’ont pas eu d’autres choix que de restreindre leurs soutiens et leurs interventions à cause de l’insécurité permanente et de récentes réductions budgétaires », explique Désiré Kimanuka, chef de mission de MSF au Mali. Les conséquences sont lourdes pour les communautés, privées d’une assistance vitale, alors que les déplacements de populations s’intensifient. Début septembre, dans le cercle de Niono, les habitants de Farabougou ont fui vers Dogofry et Sokolo, accentuant la pression sur les structures sanitaires.

Face à cette situation, MSF, dont plus de 90 % du financement provient de donateurs privés, intensifie sa présence pour combler les vides laissés par d’autres acteurs. « Face à la réduction de la réponse humanitaire dans certaines localités, nous avons décidé de renforcer notre intervention dans les structures communautaires afin de garantir la continuité de l’accès aux soins », précise Désiré Kimanuka. L’organisation soutient désormais plusieurs CSCOM dans les cercles d’Ansongo, Niafounké, Ténenkou, Niono et Douentza, en fournissant des soins de santé maternelle, des services nutritionnels, des soins pédiatriques, des activités de santé mentale, la prise en charge des victimes de violences ainsi que des références de cas graves.

Cet appui a permis d’augmenter considérablement la capacité de prise en charge des structures locales. « Avant notre partenariat, nous effectuions entre 200 et 300 consultations par semaine. Aujourd’hui, nous dépassons les 1 000 », témoigne Kadia Coulibaly, directrice technique du centre de santé communautaire central de Ténenkou. Entre janvier et juillet 2025, les neuf CSCOM soutenus par MSF ont réalisé 18 094 consultations générales, traité 14 392 enfants atteints de paludisme, soigné 11 849 cas de malnutrition, supervisé 262 accouchements et assuré 286 références vers des structures de santé de référence.

Dans un contexte d’insécurité persistante, de pressions financières accrues et d’effondrement de l’aide internationale, ces efforts permettent de maintenir un accès minimal aux soins dans des zones reculées et délaissées. Mais les besoins continuent d’augmenter, et la dépendance vis-à-vis d’organisations comme MSF ne cesse de croître, révélant la fragilité structurelle du système de santé face aux crises cumulées.

 

 

Barrick : changement de direction en pleine bataille judiciaire avec l’État malien

Le géant canadien de l’or Barrick Gold Corporation a annoncé ce 29 septembre la nomination de Mark Hill au poste de PDG par intérim. Depuis juin, le complexe Loulo-Gounkoto, l’un de ses plus importants sites d’exploitation en Afrique de l’Ouest, est placé sous administration provisoire avec Soumana Makadji à sa tête.

L’entreprise, considérée comme l’un des plus grands producteurs d’or au monde et un acteur majeur du secteur minier malien, traverse une étape décisive dans un contexte de contentieux avec l’État malien, actuellement examiné devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Le différend porte sur l’interprétation de clauses fiscales et contractuelles liées à ses activités aurifères, alors que Bamako a engagé une révision de ses accords miniers afin de renforcer la part de l’État dans l’exploitation des ressources naturelles.

Le conseil d’administration de Barrick a confirmé ce lundi la désignation de Mark Hill au poste de directeur des opérations et de président-directeur général par intérim, en remplacement de Mark Bristow, qui quitte ses fonctions après près de sept ans à la tête du groupe. Hill, en poste depuis 2006, a piloté plusieurs projets stratégiques dans différentes régions et aura pour mission d’assurer la transition jusqu’à la nomination d’un successeur permanent.

Le 16 juin 2025, le Tribunal de commerce de Bamako a ordonné la mise sous administration provisoire du complexe Loulo-Gounkoto pour une période de six mois. La gestion des opérations a été confiée à Soumana Makadji, chargé d’assurer la supervision quotidienne et de maintenir le dialogue avec les autorités nationales jusqu’à la résolution du contentieux.

Le litige porte notamment sur des arriérés fiscaux et dividendes non versés, estimés à environ 300 milliards de francs CFA (512 millions de dollars), réclamés par l’État malien. Barrick affirme pour sa part avoir déjà versé 50 milliards de francs CFA (environ 85 millions de dollars) à titre de paiement partiel, tout en contestant le reste des montants devant les juridictions compétentes.

Dans le cadre de la procédure engagée devant le CIRDI, l’État malien a désigné Sidibi Darankoum, enseignant de droit à l’Université de Montréal et ancien secrétaire permanent de l’OHADA (2019-2023), comme arbitre et conseil dans ce dossier. Barrick a pour sa part nommé Me Eric Schwartz, avocat spécialisé en arbitrage international. Conformément aux règles de l’arbitrage, un président du tribunal doit encore être désigné conjointement par les deux parties avant l’ouverture des audiences.

Barrick demeure l’un des plus importants investisseurs étrangers dans le secteur aurifère malien, ses activités représentant une part significative des recettes d’exportation. L’entreprise affirme respecter ses engagements contractuels et se dit déterminée à poursuivre ses opérations dans un environnement juridique stable.

La procédure en cours pourrait redéfinir les relations entre l’État et les sociétés minières opérant au Mali. Aucun calendrier précis n’a pour l’heure été communiqué quant à la suite du dossier, et ni Barrick ni les autorités n’ont fourni de commentaires détaillés sur l’évolution des discussions.

Depuis sa fusion avec Randgold en 2019, Barrick a investi dans plusieurs projets majeurs en Afrique et versé plus de 6,7 milliards de dollars à ses actionnaires, tout en réduisant significativement son endettement. L’issue du contentieux en cours sera déterminante pour l’avenir de ses activités au Mali et pour l’équilibre des relations entre l’État et les investisseurs internationaux dans le secteur minier.

 

Grin du Manager : la formation continue au cœur de la transformation des entreprises

Le Club Aliber et l’Institut Africain de Management (IAM) ont organisé, le 26 septembre à Bamako, un afterwork d’échanges baptisé « Grin du Manager », consacré aux enjeux de la formation continue des cadres. Cette rencontre, qui a réuni une trentaine de professionnels issus du secteur privé, du monde académique et de structures de formation, a été l’occasion d’un dialogue riche sur la place stratégique de l’investissement dans les compétences humaines pour soutenir la compétitivité des entreprises maliennes.

Autour de la table, plusieurs voix influentes du monde de l’entreprise ont partagé leurs analyses. Yacouba Souleymane, responsable du capital humain chez Coris Bank, Karamoko Dembélé, HR Business Partner à la Sonatam, Yacouba Baby, Country Manager de Simplon Mali, et Sidi Dagnoko, troisième vice-président délégué du Conseil national du patronat, ont tous convergé sur un point essentiel : l’avenir des entreprises dépend avant tout de la qualité de leurs ressources humaines. Sans compétences adaptées pour exploiter les équipements, piloter les innovations ou répondre aux exigences d’un marché de plus en plus concurrentiel, les investissements techniques et matériels perdent toute leur valeur.

Les participants ont souligné qu’au sein des grandes entreprises internationales, la formation continue fait partie intégrante de la stratégie de développement. Ces organisations réservent chaque année un budget dédié, représentant souvent entre deux et dix pour cent de leur chiffre d’affaires, pour financer des programmes de montée en compétences. Elles collaborent avec des écoles spécialisées, des cabinets externes ou des formateurs internes pour anticiper l’évolution des métiers et adapter leurs équipes aux nouvelles réalités économiques.

Si ce modèle reste encore peu répandu au Mali, il constitue selon les intervenants une nécessité absolue. Dans un environnement marqué par la transformation numérique, l’intégration des technologies et la complexification des marchés, la formation ne peut plus être perçue comme un coût, mais comme un investissement stratégique. Les entreprises qui y consacrent des moyens importants améliorent leur productivité, renforcent leur compétitivité et créent de nouvelles opportunités de croissance.

Le principal obstacle identifié reste toutefois le financement. L’absence de mécanismes adaptés empêche de nombreuses entreprises, notamment les PME, de planifier et de pérenniser leurs actions de formation. Les participants ont appelé à la création d’un cadre national de concertation associant l’État, le secteur privé, les établissements d’enseignement et les partenaires techniques pour concevoir un modèle de financement durable. Ils ont rappelé que dans d’autres pays, la combinaison de ressources fiscales, de contributions publiques et d’appuis extérieurs a permis de structurer de véritables écosystèmes de formation professionnelle, capables d’accompagner les transformations économiques.

Au-delà des moyens financiers, la question de l’adéquation entre formation et besoins réels du marché a également été débattue. Les intervenants ont insisté sur la nécessité d’impliquer les entreprises dans l’élaboration des programmes, de mieux valoriser les acquis de l’expérience professionnelle et d’encourager la certification des compétences. Ces mesures permettraient de garantir que les efforts consentis produisent des résultats concrets et contribuent réellement à la performance des organisations.

À l’issue des échanges, une conviction commune s’est dégagée. Investir dans le capital humain n’est plus un choix, mais une condition pour transformer durablement l’économie nationale. La formation continue, longtemps considérée comme un luxe, s’impose désormais comme un levier stratégique pour attirer les investissements, stimuler l’innovation et offrir de nouvelles perspectives aux jeunes talents. Le Grin du Manager s’est ainsi imposé comme un espace de réflexion et de propositions, ouvrant la voie à une mobilisation collective autour de l’ambition de bâtir un écosystème de formation capable d’accompagner le développement du pays.

 

Teriya Écologie Mali : une nouvelle dynamique pour la planète

Face aux défis environnementaux qui menacent ses écosystèmes, le Mali voit naître une initiative citoyenne ambitieuse. Il s’agit de Teriya Écologie Mali, une association engagée à promouvoir la biodiversité, l’économie verte et des solutions locales pour un développement durable.

La Faculté des Sciences et Techniques (FAST) de Bamako a abrité, le samedi 27 septembre 2025, la cérémonie officielle de lancement de Teriya Écologie Mali. L’événement a réuni un large public composé d’universitaires, de représentants des autorités publiques, de membres de la société civile, de journalistes ainsi que de nombreux sympathisants. Ce nouveau cadre associatif se veut une réponse concrète aux enjeux écologiques auxquels le pays fait face, dans un contexte de changement climatique, de déforestation accélérée et de pression croissante sur les ressources naturelles.
Placé sous le thème « Le lien entre l’humain, la nature et le développement », le lancement a été marqué par plusieurs interventions fortes. Mme Aissata Cissé, point focal genre et climat au ministère de l’Environnement, a salué l’émergence de cette structure, estimant qu’elle s’inscrit dans la dynamique d’une écologie inclusive et participative. Elle a assuré que les pouvoirs publics resteront ouverts à toute collaboration visant à renforcer la résilience écologique et à protéger les écosystèmes fragilisés.
Le professeur Aimé Ainin Somboro, fervent défenseur de l’environnement, a insisté sur la nécessité d’impliquer davantage les jeunes dans la transition écologique à travers la formation aux techniques de recyclage et la valorisation des ressources locales. Le Dr Mamadou Badiaga, membre d’honneur de l’association, a pour sa part appelé à développer l’économie verte comme moteur d’un nouveau modèle de croissance, tout en alertant sur la gestion préoccupante des déchets dans les centres urbains.
Très émue lors de son discours, la présidente fondatrice, Dr Niaboula Dembélé, a rappelé que l’Afrique ne devait plus être spectatrice face aux dérèglements climatiques mais actrice de solutions durables. Elle a présenté les ambitions de Teriya Écologie Mali, qui incluent notamment des programmes de formation en agriculture durable, des initiatives de restauration de la biodiversité et la création d’un jardin communautaire de plantes médicinales prévu pour 2026.
Les travaux se sont poursuivis par un panel réunissant des experts maliens et étrangers autour des interactions entre l’homme, la nature et le développement. Ces échanges ont permis d’identifier des pistes de collaboration et de poser les bases d’une action collective en faveur de l’environnement.
Forte de cette mobilisation et de la détermination de ses membres, Teriya Écologie Mali entend devenir un acteur incontournable de la transition écologique et un moteur d’initiatives locales au service de l’avenir.

La radio à l’épreuve de l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle s’impose peu à peu dans tous les secteurs et bouleverse les habitudes. Dans l’univers des médias, elle transforme la manière de produire, de diffuser et même de consommer l’information, notamment à la radio, où elle suscite autant d’espoirs que de craintes.

La révolution technologique n’a pas attendu l’IA pour transformer la production radiophonique. Le passage de l’analogique au numérique a profondément changé les pratiques, avec un montage simplifié, une qualité sonore améliorée et une plus grande autonomie pour les journalistes et les animateurs. Là où l’on manipulait autrefois des bandes magnétiques, des ciseaux et de lourds enregistreurs Nagra, quelques clics suffisent désormais pour créer, monter et diffuser un contenu. « La différence entre les deux époques, c’est de la lune à la terre », résume le journaliste Baba Djourté.

Mais l’arrivée de l’intelligence artificielle a ouvert une nouvelle étape. Voix synthétiques, textes générés, sons produits automatiquement… l’IA propose aujourd’hui une panoplie d’outils qui simplifient considérablement la production. De nombreuses radios disposent désormais de studios entièrement numériques capables de créer des éléments audio sophistiqués sans intervention humaine directe. Cependant, cette automatisation soulève une question essentielle : la radio peut-elle conserver son identité sans la voix humaine ?

Pour plusieurs professionnels, la réponse est claire. « L’IA peut aider, mais elle ne remplacera jamais l’émotion humaine », souligne Diakaridia Dembélé, journaliste et enseignant à l’École supérieure de journalisme et des sciences de la communication. Selon lui, la machine ne fait que répondre à ce qu’on lui demande, alors que l’humain reste capable d’interprétation, de nuance et d’intuition.

Cette différence reste déterminante pour les rédactions qui veulent préserver leur authenticité. À Radio Kledu, par exemple, l’IA n’est pas utilisée dans la production quotidienne. « Elle peut être utile pour des tâches ponctuelles, mais elle ne peut pas respecter les principes fondamentaux de notre métier, comme la rigueur, l’éthique, la déontologie et le recoupement de l’information », explique M. Kane, rédacteur en chef adjoint. La vérification des faits demeure, selon lui, une responsabilité humaine.

L’intelligence artificielle comporte également des risques. Ses contenus ne sont pas toujours fiables et peuvent entraîner la diffusion d’informations inexactes si le travail de vérification n’est pas réalisé avec soin. Même si des outils comme ChatGPT ou Gemini sont de plus en plus consultés pour la recherche documentaire, ils ne remplacent pas le jugement professionnel du journaliste.

Reste que l’IA offre aussi de réelles opportunités. En accélérant la recherche d’informations, en facilitant le montage ou en suggérant des contenus, elle peut devenir un allié précieux pour les rédactions prêtes à évoluer. « Dans l’avenir, ces outils pourront même nourrir nos émissions sur les réseaux sociaux », anticipe Harouna Tidiane Ba, journaliste à Radio Kledu.

L’intelligence artificielle est donc à la fois une promesse et un défi pour la radio. Elle apporte des solutions techniques puissantes, mais elle ne saurait remplacer la dimension humaine qui fait la richesse de ce média : la voix, l’émotion, la sensibilité. Dans un environnement de plus en plus automatisé, c’est sans doute là que se jouera l’avenir de la radio.

 

80e Assemblée de l’ONU : l’AES défend sa souveraineté

Le Premier ministre et chef du gouvernement Abdoulaye Maïga a pris la parole le 26 septembre à New York lors du débat général de la 80e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies.

Il s’est exprimé au nom de la Confédération des États du Sahel (AES), qui regroupe le Burkina Faso, le Niger et son pays, pour présenter la vision et les priorités de cette alliance née de la volonté des trois États de renforcer leur sécurité et de consolider leur souveraineté.

Dans son allocution, Abdoulaye Maïga a réaffirmé l’engagement des pays de l’AES à lutter ensemble contre le terrorisme, qu’il a qualifié de menace majeure à la paix et à la stabilité. Il a mis en avant la nouvelle approche sécuritaire adoptée par les trois États, fondée sur la mutualisation des forces, le renforcement des capacités militaires, le recrutement massif et l’équipement des armées. Il a estimé que cette dynamique, née après le retrait des forces internationales, a permis d’obtenir des résultats sur le terrain et de réduire la dépendance sécuritaire vis-à-vis de partenaires étrangers.

Le chef du gouvernement a accusé certains États d’ingérence dans la région, citant notamment la France, soupçonnée de soutien à des groupes armés, et l’Ukraine, qu’il a accusée d’avoir revendiqué une attaque contre une patrouille malienne en juillet 2024 et de fournir des drones aux groupes terroristes. Il a aussi dénoncé l’inaction des Nations unies face à la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel. Abdoulaye Maïga a annoncé que l’AES s’était retirée du Statut de Rome de la Cour pénale internationale le 22 septembre 2025 et qu’elle entendait désormais mettre en place des mécanismes de justice internes adaptés à ses valeurs et à ses réalités.

Le discours a insisté sur la nécessité d’une réforme profonde de l’Organisation des Nations unies, notamment du Conseil de sécurité, afin d’accorder à l’Afrique deux sièges permanents et cinq non permanents, conformément au Consensus d’Ezulwini et à la Déclaration de Syrte. Le Premier ministre a plaidé pour un multilatéralisme plus équitable, capable de traduire les résolutions en actions concrètes et de garantir le respect du droit international. Il a également appelé à une refondation de la gouvernance mondiale pour mieux répondre aux défis sécuritaires et économiques, citant les initiatives des BRICS comme alternatives au modèle actuel.

Le Premier ministre a abordé les tensions diplomatiques avec l’Algérie, accusée d’avoir permis la planification d’une attaque contre les forces maliennes à proximité de sa frontière et d’avoir abattu un drone malien le 1er avril 2025. Il a indiqué que son pays avait saisi la Cour internationale de justice et dénoncé le refus d’Alger de reconnaître la compétence de cette juridiction. Il a averti que toute agression future ferait désormais l’objet d’une réponse par réciprocité.

Sur le plan du développement, Abdoulaye Maïga a présenté la stratégie économique de l’AES fondée sur l’exploitation de ses ressources naturelles, l’investissement dans les infrastructures, l’énergie et l’industrialisation, ainsi que la création d’une Banque confédérale pour l’investissement et le développement. Il a souligné l’importance d’un modèle économique endogène et la volonté de rompre avec la dépendance extérieure.

Il a réaffirmé l’attachement de la Confédération des États du Sahel aux principes de la Charte des Nations unies, tout en insistant sur l’urgence d’une réforme du système multilatéral. Il a appelé la communauté internationale à reconnaître les efforts de l’AES dans la lutte contre le terrorisme et à soutenir une alliance qui, selon lui, œuvre pour la stabilité de l’Afrique et, au-delà, pour celle du monde entier.

 

Deux Maliens parmi les migrants expulsés des États-Unis et transférés du Ghana vers le Togo

Onze ressortissants d’Afrique de l’Ouest expulsés des États-Unis ont été transférés début septembre vers le Ghana, avant qu’au moins six d’entre eux ne soient envoyés vers le Togo, selon leurs avocats. Parmi eux figurent deux Maliens dont la situation demeure incertaine, aucune confirmation officielle n’ayant été donnée sur leur lieu de détention actuel ou leur statut.

Ces personnes, originaires notamment du Mali, du Nigeria, du Libéria, de la Gambie et du Togo, ont été rapatriées par les autorités américaines dans le cadre d’une opération d’expulsion coordonnée avec plusieurs États africains. À leur arrivée au Ghana, elles ont été placées dans des installations sous contrôle militaire, selon leur avocat Oliver Barker-Vormawor, qui dénonce une détention sans base légale claire. Il affirme que ses clients n’ont reçu aucune information sur les procédures en cours et que plusieurs d’entre eux ont signalé des conditions de détention difficiles, incluant des problèmes de santé et un accès limité aux soins.

Toujours selon la défense, au moins six des migrants ont été transférés vers le Togo sans notification préalable ni décision judiciaire apparente. Les autorités ghanéennes ont de leur côté indiqué que les personnes concernées avaient « quitté le pays pour rejoindre leurs États d’origine », sans fournir de précisions sur les conditions de ce départ ni sur les pays vers lesquels elles ont été envoyées. L’avocat affirme par ailleurs avoir perdu le contact avec plusieurs d’entre elles, ce qui renforce l’incertitude sur leur sort.

La présence de deux ressortissants maliens parmi ce groupe confère à cette affaire une portée particulière au niveau national. Aucune réaction officielle n’a pour l’heure été enregistrée à Bamako concernant leur prise en charge ou d’éventuelles démarches consulaires. Leur situation s’inscrit dans un contexte plus large de renvois de migrants d’origine africaine depuis les États-Unis, souvent effectués dans des conditions dénoncées par les organisations de défense des droits humains, qui appellent à davantage de transparence et de garanties juridiques dans les procédures de retour.

À ce jour, la localisation précise des deux Maliens n’a pas été confirmée. Les procédures judiciaires engagées au Ghana devraient permettre d’apporter des éléments supplémentaires sur leur situation dans les prochaines semaines.

Rentrée scolaire : Entre difficultés économiques et déficit en enseignants

Le 1er octobre 2025 marque la reprise des cours sur l’ensemble du territoire malien. L’annonce, faite par le ministère de l’Éducation nationale le 3 septembre, intervient dans un contexte tendu, où les familles et les enseignants font face à des obstacles majeurs.

À Bamako comme en régions, les préparatifs sont loin d’être à la hauteur des attentes. Dans plusieurs écoles, l’administration et les Comités de gestion scolaire (CGS) assurent l’essentiel, mais la fréquentation des parents reste faible. Beaucoup retardent l’inscription faute de moyens financiers. Certains recourent même à des crédits bancaires pour payer fournitures et frais scolaires. Dans certaines zones reculées, la situation est encore plus préoccupante, les établissements n’ayant pas reçu à temps les manuels scolaires ni les fournitures pédagogiques de base.

Les difficultés ne s’arrêtent pas là. Le Système intégré de gestion des ressources humaines (SIGRH) a placé en détresse 36 151 fonctionnaires, dont environ 5 000 enseignants concernés par des problèmes d’identification. La fusion de plusieurs directions scolaires dans des établissements, comme le groupe Marie Diarra d’Hamdallaye, a aussi pesé sur les préparatifs. « Avec la démoralisation liée au SIGRH, il y a un vrai risque de perturbations, malgré les compromis entre syndicats et gouvernement », confie Odiouma Sinayoko, professeur dans cet établissement. Les syndicats enseignants ont d’ailleurs réitéré leur appel à une régularisation rapide, soulignant que l’instabilité du personnel compromet directement la qualité de l’enseignement dès les premières semaines.

D’autres responsables affichent néanmoins plus d’optimisme. Aïchatou Camara, Directrice du groupe scolaire Mamou Goundo Simaga à Badalabougou, souligne que son école dispose des outils pédagogiques nécessaires grâce au fonds ADARS et à l’appui du CGS. Le Président du CGS local, Oumar Aboubacar Coulibaly, évoque des efforts d’entretien (désherbage, réparation des bancs, renoircissage des tableaux), mais regrette que « seuls deux à cinq parents par jour viennent inscrire leurs enfants », un chiffre insuffisant à la veille de la rentrée.

Au-delà des difficultés logistiques, l’insécurité continue d’aggraver la crise éducative. De nombreux enfants sont déscolarisés ou réfugiés avec leurs familles. Selon le rapport du Cluster Éducation Mali (juin 2025), 610 800 élèves et 12 216 enseignants restent directement touchés par la fermeture de près de 20% des écoles du pays.

Ce constat illustre un défi de taille, celui de garantir à chaque enfant son droit fondamental à l’éducation malgré la pauvreté et les violences. Comme le rappelait Nelson Mandela, « détruire un pays n’a pas besoin d’utiliser les armes, il suffit de priver ses enfants d’éducation ».

Ali Sankaré

Hausse du prix du carburant : L’insécurité mise en cause

Mahina, Niafunké, Yorosso : plusieurs localités du Mali connaissent une flambée du prix du carburant. Ces hausses, imputables à la situation sécuritaire, varient d’une zone à l’autre. En attendant des mesures durables, les populations s’adaptent, entre inquiétude et résignation.

Le prix du carburant connaît depuis quelques jours une hausse importante dans certaines localités du pays. Cette augmentation est une conséquence directe des difficultés d’approvisionnement, notamment après l’attaque d’un convoi de camions citernes dont certains ont été incendiés.

Selon des médias locaux, le 17 septembre à Mahina, le bidon de 20 litres d’essence est passé de 13 000 à 15 000 francs CFA, soit 850 francs CFA le litre contre 750 francs auparavant. Le détournement d’une citerne, vidée de son contenu, serait à l’origine de cette hausse, selon les acteurs. Ces derniers craignent désormais des difficultés d’approvisionnement dans les semaines à venir, ce qui fait planer un risque de pénurie de carburant dans cette localité.

Si ces localités partagent une augmentation subite et anarchique du prix du carburant, les raisons invoquées diffèrent d’une ville à l’autre. À Niafunké, l’augmentation s’est appliquée de manière anarchique. « Dès que les citernes ont été attaquées sur la route de Kayes, ils ont changé les prix », témoigne un habitant. Le litre est passé de 800 à 1 500 francs CFA, seul un vendeur ayant maintenu ses prix habituels. Pour protester, certains habitants ont arrêté leurs motos. Le 23 septembre, un nouveau ravitaillement a mis fin à la pénurie qui s’installait, offrant un répit aux usagers.

À Yorosso, le litre d’essence est entre 1 500 et 2 000 francs CFA depuis le 22 septembre. En cause, l’insécurité sur la route entre le Burkina Faso et Yorosso, via Kouri. Cet axe est soumis à des braquages et enlèvements, dissuadant les commerçants d’emprunter cette route.

Situation instable

À Bamako, certaines stations-services ont enregistré des hausses de 25 francs CFA à 50 francs CFA, sans dépasser les prix officiels en vigueur depuis mars 2025. En effet, le 26 mars 2025, les prix à la pompe pour le super carburant et le gasoil sont passés respectivement de 800 à 775 francs CFA et de 750 à 725 francs CFA, soit une baisse de 25 francs CFA par litre.

Ces hausses locales du prix du carburant représentent un défi supplémentaire et sont le reflet des conséquences de la tension sécuritaire, qui cible de plus en plus l’économie malienne.

Fatoumata Maguiraga

El Bachir Thiam retrouve la liberté après plus de quatre mois d’absence

L’activiste et journaliste El Bachir Thiam est réapparu après une disparition qui aura duré plus de cent vingt jours. Sa libération a été rendue publique ce vendredi 26 septembre 2025 par le Collectif des Amis et Camarades d’El Bachir Thiam, qui a salué la fin d’une épreuve marquée par l’incertitude et l’attente.

Connu pour ses prises de position sur les questions de gouvernance et de droits fondamentaux, Thiam avait été aperçu pour la dernière fois le 8 mai dernier à Kati, avant que toute trace de lui ne disparaisse. Pendant plus de quatre mois, sa famille et ses proches ont multiplié les démarches pour obtenir des nouvelles, en vain. Cette absence prolongée avait suscité une mobilisation importante, notamment de la part d’organisations nationales et internationales réclamant des informations sur sa situation.

Le communiqué publié vendredi annonce qu’il a été libéré sain et sauf et qu’il a pu rejoindre les siens. Le Collectif a exprimé sa gratitude envers les autorités pour leur implication dans ce dénouement, ainsi qu’envers l’ensemble des personnes et organisations qui ont manifesté leur solidarité tout au long de cette période.

Le retour d’El Bachir Thiam met fin à une parenthèse de plusieurs mois qui avait profondément marqué ses proches et mobilisé de nombreuses voix de la société civile. Les circonstances exactes de son absence n’ont pas été précisées, mais sa libération apporte un soulagement largement partagé.

Demba Mamadou Traoré : « Il faut aller chercher la qualification et le trophée »

Le Mali abrite du 5 au 18 octobre prochain le tournoi UFOA-A U17 2025, qualificatif pour la CAN de la catégorie, prévue en 2026 au Maroc. À quelques jours du début de la compétition, le sélectionneur national des Aigles U17, Demba Mamadou Traoré, s’est confié à Journal du Mali. Propos recueillis par Mohamed Kenouvi

À une semaine du début du tournoi, où en êtes-vous avec les préparatifs de l’équipe ?

Les préparatifs vont bon train. Il y a d’abord eu la phase de détection, suivie d’une première mise au vert à Kabala. Nous étions rentrés avec 35 joueurs. À l’issue de cette phase, 5 joueurs sont partis et nous avons entamé la seconde phase. Lors de la première phase, nous avons disputé 3 matchs amicaux et, pour la 2ème phase, nous allons jouer 2 autres matchs amicaux pour finir avec 25 joueurs. Je pense que dans l’ensemble la préparation se déroule bien. Nous continuons notre petit bonhomme de chemin.

Qu’est-ce qui est prévu pour la suite d’ici le début du tournoi ?

Nous aurons une troisième phase de préparation, qui sera ponctuée par un match amical qui nous mènera directement au tournoi.

Peut-on avoir une idée du groupe de joueurs disponibles actuellement ?

Nous avons aujourd’hui 30 joueurs sous la main (24 septembre 2025, Ndlr), mais au final nous arrêterons une liste de 28 joueurs, dont 3 réservistes, pour entamer la compétition. La liste définitive sera disponible très bientôt.

Que pensez-vous de la Poule A, où le Mali est logé aux côtés du Libéria, de la Gambie et de la Guinée-Bissau ?

Nous avons deux pays anglophones et un pays lusophone. Les cultures footballistiques diffèrent forcément. Nous allons nous adapter et faire avec. C’est une compétition de jeunes. Le Mali a un rôle à jouer et nous n’allons pas déroger à cette règle. Il faut aussi être conscient que toutes les équipes qui participent à cette compétition ont un bon niveau.

Le Mali abrite le tournoi. Cela met-il un peu plus de pression sur les Aiglonnets ?

Forcément, cela met de la pression. Mais c’est à nous de positiver cette pression. La compétition se joue chez nous. Il faut aller chercher la qualification et faire tout pour aller jusqu’au bout pour le trophée. Nous allons rester très professionnels et travailler dans ce sens.

Au vu de la préparation entamée depuis un moment et qui se poursuit, pensez-vous que vos joueurs seront fin prêts pour la compétition ?

Je pense qu’ils sont prêts. Il y a encore de petits réglages que nous allons continuer à faire jusqu’au début du tournoi, mais globalement l’essentiel est déjà fait.

Alger refuse de comparaître devant la CIJ dans l’affaire du drone abattu

La Cour internationale de Justice a mis fin à la procédure engagée contre l’Algérie après que cette dernière a refusé de reconnaître sa compétence dans l’affaire du drone malien détruit par son armée. Une décision qui relance les tensions diplomatiques entre Bamako et Alger.

Le gouvernement de la transition a confirmé, dans un communiqué rendu public le 19 septembre 2025, que la Cour internationale de Justice (CIJ) a notifié la fin de la procédure judiciaire ouverte à la suite de la destruction d’un drone de reconnaissance malien par les forces armées algériennes. L’Algérie a en effet officiellement refusé de reconnaître la compétence de la Cour dans ce différend, bloquant ainsi toute poursuite de la procédure.

L’appareil malien avait été abattu dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025 alors qu’il effectuait une mission de surveillance dans l’espace aérien national, à proximité de la frontière algérienne. Bamako considère cet acte comme une violation de sa souveraineté et avait saisi la CIJ pour obtenir reconnaissance et réparation.

Une décision perçue comme un « aveu de culpabilité »

Dans sa réaction officielle, le gouvernement a vivement critiqué l’attitude d’Alger, la qualifiant de « négation de la justice internationale » et de « fuite en avant ». Selon les autorités, ce refus traduit « le mépris de la junte algérienne pour la légalité internationale » et constitue « un aveu implicite de culpabilité ».

Le communiqué va plus loin, accusant Alger de soutenir certains groupes extrémistes opérant dans le Sahel. « Plutôt que de répondre aux faits documentés, le régime algérien choisit les invectives pour tenter de masquer ses liens avec des chefs terroristes, notamment ceux visés par l’appareil détruit », affirme le texte.

Des relations de plus en plus tendues

Cette affaire s’inscrit dans un contexte de relations déjà dégradées entre les deux pays. Bamako reproche depuis plusieurs mois à Alger d’intervenir dans ses affaires intérieures, notamment en tentant de relancer un dialogue politique avec les groupes armés signataires de l’accord de 2015 sans concertation.

Ce climat de méfiance grandissant s’ajoute à un contexte régional particulièrement fragile, alors que les groupes armés multiplient leurs attaques dans les zones frontalières. Avec plus de 1 300 kilomètres de frontière commune, la coopération sécuritaire entre les deux pays reste pourtant un élément clé de la stabilité régionale.

Un appel à la coopération régionale

Malgré la fin de la procédure devant la CIJ, le gouvernement réaffirme sa détermination à défendre l’intégrité du territoire et à garantir la sécurité nationale. Sous l’autorité du président de la Transition, le général Assimi Goïta, il assure qu’« aucun effort ne sera ménagé pour assurer la paix, la stabilité et le développement durable ».

Le communiqué appelle enfin les autorités algériennes à « mettre un terme à leurs ingérences » et à « travailler de bonne foi pour la sécurité collective et la stabilité régionale ». Dans un Sahel de plus en plus exposé aux menaces transnationales, Bamako considère que seule une coopération sincère entre pays voisins permettra d’inverser la tendance.

 

Retrait de la CPI : Une décision politique aux effets juridiques limités

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé le 22 septembre 2025 leur retrait « avec effet immédiat » de la Cour pénale internationale, dénonçant une justice sélective et néocoloniale. Une décision au fort poids politique, mais dont la portée juridique est encadrée et différée dans le temps.

Les trois pays sahéliens ont adhéré au Statut de Rome peu après son adoption : le Mali en août 2000, le Niger en avril 2002 et le Burkina Faso en avril 2004. Ils avaient alors conclu des accords facilitant l’installation et le travail de la Cour, une coopération qu’ils jugent aujourd’hui devenue une contrainte. Dans leur communiqué, ils accusent la CPI de pratiquer une « justice sélective » et de garder un « mutisme complaisant » face à certains crimes, tout en s’acharnant contre ceux exclus du « cercle fermé des bénéficiaires de l’impunité internationale ». Parmi eux, seul le Mali a formellement déféré une situation à la Cour, en juillet 2012, après la chute du Nord face aux groupes armés. L’enquête avait été ouverte en janvier 2013, sur la base de l’article 13 du Statut, permettant à un État partie de saisir la juridiction pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide.

Deux affaires emblématiques ont suivi. Ahmad Al Faqi Al Mahdi a été condamné le 27 septembre 2016 pour la destruction des mausolées de Tombouctou, sur le fondement de l’article 8-2-e)iv) relatif aux atteintes aux biens culturels. Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud a été reconnu coupable le 26 juin 2024 de crimes de guerre et crimes contre l’humanité et condamné le 20 novembre 2024 à dix ans d’emprisonnement, peine réduite de douze mois le 23 juillet 2025.

Réparations en cours

L’affaire Al Mahdi a marqué un tournant en devenant en 2016 le premier procès pour destruction de biens culturels. En août 2017, la Chambre de première instance a ordonné 2,7 millions d’euros de réparations, financées en partie par le Fonds au profit des victimes, qui a mobilisé 1,35 million d’euros. Près de 989 victimes ont déjà bénéficié de réparations individuelles et une phase collective a été engagée en juillet 2022 à Tombouctou, incluant la réhabilitation de sites et un soutien communautaire.

Dans l’affaire Al Hassan, la décision sur les réparations est toujours attendue. Selon Mme Margo du bureau de l’information de la CPI à Bamako, « l’affaire Al Hassan est au stade des réparations pour les victimes. Nous attendons d’ailleurs une décision prochaine sur le type de réparations », soulignant que le processus reste pleinement en vigueur malgré l’annonce du retrait. Conformément à l’article 127 du Statut de Rome, ce retrait « ne libère pas l’État des obligations contractées » et « n’affecte pas la compétence de la Cour sur les affaires déjà engagées ».

Un retrait juridiquement limité

Le communiqué de l’AES parle d’un retrait « avec effet immédiat », alors que l’article 127-1 prévoit qu’il n’entre en vigueur qu’un an après notification au Secrétaire général de l’ONU. Comme le rappelle Mme Margo, ce délai implique que les obligations de coopération se poursuivent jusqu’en septembre 2026 et que les crimes commis jusque-là restent dans le champ de compétence de la Cour. Amnesty International a également réagi, soulignant que « le retrait du Statut de Rome n’aurait aucune incidence sur l’enquête en cours au Mali ni sur les obligations de coopération de l’État envers la Cour, mais il compromettrait l’accès futur des victimes de crimes graves à la justice internationale », selon Marceau Sivieude, Directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Pour Dr Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques, cette annonce s’inscrit dans la dynamique des retraits précédents mais surprend au moment où le Mali saisit la CIJ. Il avertit que la souveraineté ne doit pas conduire à l’isolement et plaide pour le renforcement de juridictions nationales compétentes et impartiales.

Les précédents du Burundi, sorti en octobre 2017, et des Philippines, en mars 2019, confirment que la CPI conserve sa compétence pour les crimes commis avant le retrait. D’autres pays africains avaient amorcé la même démarche avant de reculer : la Gambie de Yahya Jammeh, dont la notification d’octobre 2016 a été annulée après l’alternance politique, et l’Afrique du Sud, où la justice a jugé la procédure inconstitutionnelle. Ces exemples illustrent que les annonces de dénonciation du Statut de Rome peuvent être réversibles.

Dynamique régionale

Au-delà du droit, l’annonce du 22 septembre 2025 s’inscrit dans le repositionnement politique de l’AES, marqué par le retrait du G5 Sahel en 2022, la sortie de la CEDEAO en janvier 2024, puis la suspension de sa participation à l’Organisation internationale de la Francophonie en 2024. Quelques jours plus tôt, du 15 au 17 septembre 2025 à Niamey, les ministres de la Justice avaient évoqué la création d’une Cour pénale sahélienne des droits de l’Homme pour juger les crimes internationaux, le terrorisme et la criminalité organisée. Présentée comme une justice « endogène », cette initiative reste entourée d’incertitudes, tant sur son financement que sur l’indépendance des juges, les garanties procédurales et le calendrier de sa mise en œuvre.

Relation complexe

L’Afrique compte 33 États parties au Statut de Rome, soit plus d’un quart des membres, mais est la région la plus concernée, avec neuf situations ouvertes depuis 2002. Plusieurs dirigeants africains ont été visés, d’Omar el-Béchir à Uhuru Kenyatta, tandis que Laurent Gbagbo avait été transféré à La Haye avant son acquittement en 2021. Plus récemment, la Cour a émis des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et Benjamin Netanyahu, montrant que sa compétence peut s’étendre à des États non signataires par renvoi du Conseil de sécurité ou selon la reconnaissance territoriale.

Mme Margo rappelle que « la CPI est une cour de dernier recours », complémentaire des juridictions nationales, et cite les saisines du Mali, de la RDC, de l’Ouganda ou encore de la Centrafrique. Elle insiste aussi sur le fait que la Cour mène des enquêtes bien au-delà de l’Afrique, « notamment en Palestine, au Venezuela, en Géorgie, en Ukraine, au Bangladesh / Myanmar ou encore en Afghanistan ».

Les victimes, premières concernées

La question des victimes reste centrale. Les réparations de l’affaire Al Mahdi se poursuivent malgré le retrait, mais le Fonds au profit des victimes, qui dépend de contributions volontaires, pourrait être fragilisé par des difficultés d’accès au terrain. Dans l’affaire Al Hassan, la décision sur les réparations est encore attendue et les victimes maliennes resteront sous la compétence de la Cour jusqu’en septembre 2026. « La CPI a permis à de nombreuses victimes de voir les présumés auteurs de crimes jugés et, dans les affaires où des condamnations ont été prononcées, de recevoir des réparations », rappelle Mme Margo.

Aucun impact sur la CIJ

La décision de l’AES n’affecte pas les procédures devant d’autres juridictions internationales, comme la Cour internationale de Justice de La Haye, où le Mali a déposé le 16 septembre une plainte contre l’Algérie pour la destruction d’un drone à Tinzaouaten. La CIJ, qui juge les différends entre États en vertu de son Statut, est une juridiction distincte de la CPI. Le retrait annoncé ne change rien à cette procédure.

En tout état de cause, l’annonce du 22 septembre marque une rupture politique forte, l’AES affirmant sa volonté de se distancier d’une institution jugée partiale et d’envisager une alternative régionale. Sur le plan juridique, l’article 127 du Statut limite toutefois les effets du retrait, puisque les affaires maliennes se poursuivent, que les condamnations et réparations demeurent et que la compétence de la Cour reste valable jusqu’en septembre 2026. Cette tension entre souveraineté et obligations pose la question de savoir si une future Cour sahélienne pourra garantir aux victimes le même niveau de justice que la CPI.

MD

CPI : L’AES annonce son retrait du Statut de Rome

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé lundi soir, à travers un communiqué conjoint, leur retrait immédiat du Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale. La décision a été rendue publique à Bamako par le président de la Transition du Mali et président en exercice de la Confédération des États du Sahel (AES), le général Assimi Goïta.

Les trois pays rappellent avoir souverainement ratifié le Statut de Rome au début des années 2000 et soulignent avoir coopéré avec la Cour sur la base des dispositions prévues et d’accords conclus pour faciliter ses activités sur leur territoire. Mais ils affirment avoir constaté, au fil du temps, que la juridiction s’était transformée en « instrument de répression néocolonial aux mains de l’impérialisme », devenant « l’exemple mondial d’une justice sélective ». Dans leur communiqué, ils accusent la CPI de s’être révélée incapable de juger certains crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide et crimes d’agression, tout en « s’acharnant contre des acteurs qui ne relèvent pas du cercle fermé des bénéficiaires de l’impunité internationale ».

La décision de retrait, présentée comme un choix de « souveraineté », s’inscrit dans une dynamique déjà amorcée. Du 15 au 17 septembre, les ministres de la Justice des trois pays réunis à Niamey avaient proposé à leurs chefs d’État de réexaminer la coopération pénale internationale et d’accélérer la mise en place des instances juridictionnelles prévues par le traité constitutif de l’AES. Les discussions avaient porté sur la création d’une Cour pénale sahélienne des droits de l’homme, compétente pour juger les crimes internationaux, le terrorisme et la criminalité organisée, comme alternative aux mécanismes actuels.

Dans le communiqué de Bamako, les gouvernements affirment désormais leur volonté de recourir à des mécanismes endogènes de règlement des conflits, de consolidation de la paix et de promotion de la justice. L’AES réaffirme dans le même temps son engagement à défendre les droits de l’homme « en adéquation avec ses valeurs sociétales » et à lutter contre l’impunité.

Tout en exprimant leur gratitude aux Nations unies et à leurs États membres, les trois pays assurent qu’ils continueront à coopérer dans d’autres cadres jugés appropriés pour la promotion et la protection des droits humains, dans le respect de la souveraineté des États.

Cette rupture marque une nouvelle étape dans le repositionnement diplomatique et institutionnel des régimes sahéliens. Après avoir quitté successivement le G5 Sahel, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et l’Organisation internationale de la Francophonie, la Confédération des États du Sahel claque désormais la porte d’une autre grande organisation internationale, la Cour pénale internationale.

Coupes CAF : large victoire du Stade Malien, nul prometteur du Djoliba

Les représentants maliens ont bien entamé leur parcours continental ce dimanche 21 septembre 2025. Le Stade Malien s’est imposé largement en Ligue des champions, tandis que le Djoliba AC a décroché un nul précieux à l’extérieur en Coupe de la Confédération.

À Bangui, le Stade Malien a dominé Tempête MOCAF sur le score sans appel de 5-0. Les buts ont été inscrits par Ousmane Coulibaly (11ᵉ et 60ᵉ minutes), Zoumana Simpara (38ᵉ), Taddeus Nkeng (76ᵉ) et Daouda Coulibaly (89ᵉ). Grâce à cette victoire, les Bamakois prennent une option quasi définitive pour la qualification avant le match retour, prévu à Bamako le week-end prochain.

De son côté, le Djoliba AC a réussi à accrocher Abia Warriors au Nigeria dans le cadre de la Coupe de la Confédération. Menés dès la 22ᵉ minute sur un but de Chukwuemeka Obioma, les Rouges ont arraché l’égalisation à la 87ᵉ minute. Ce résultat nul 1-1 permet aux Maliens d’aborder le match retour du 28 septembre au Stade Mamadou Konaté avec un léger avantage psychologique et la possibilité de valider leur billet à domicile.

En perspective, le Stade Malien devra confirmer sa supériorité devant son public. Une qualification lui ouvrirait les portes du second tour préliminaire de la Ligue des champions, dernière étape avant la phase de groupes. Quant au Djoliba AC, il lui faudra s’imposer à Bamako pour franchir ce premier obstacle et atteindre le second tour préliminaire de la Coupe de la Confédération, où se joue l’accès aux barrages qualificatifs pour la phase de groupes.

 

Afflux de réfugiés burkinabè à Koro : près de 51 000 arrivées depuis avril

Le cercle de Koro, dans la région de Bandiagara, fait face depuis avril 2025 à une arrivée massive de réfugiés venus du Burkina Faso. En l’espace de cinq mois, près de 51 000 personnes se sont installées dans la zone, doublant le nombre de réfugiés déjà présents. Les autorités locales, le HCR, la Commission nationale chargée des réfugiés (CNCR) et plusieurs partenaires humanitaires s’efforcent de répondre à une situation qualifiée d’urgence.

Les évaluations multisectorielles menées sur le terrain font ressortir plusieurs besoins prioritaires. Dans le domaine de l’éducation, plus de 200 ménages réfugiés occupent encore des salles de classe, qui doivent être libérées avant la rentrée prévue le 1er octobre. La question des abris reste centrale, des milliers de familles vivant dans des conditions de surpopulation, dans des écoles, des maisons de fortune ou auprès de familles hôtes.

La santé est également un secteur critique : le bloc opératoire du centre de référence de Koro fonctionne sans source d’électricité fiable, ce qui a de graves conséquences lors des interventions chirurgicales, notamment les césariennes. Le centre de traitement de la malnutrition manque par ailleurs de produits essentiels. Les structures locales sont soutenues par Médecins Sans Frontières, tandis que l’UNICEF, l’OMS, le PAM et l’UNFPA participent au renforcement des services.

Sur le plan alimentaire, le PAM a déjà distribué des vivres à plus de 4 500 familles, soit environ 22 000 réfugiés. Dans le domaine des abris, le HCR a lancé, le 19 septembre, la construction de 200 logements transitoires à cinq kilomètres au nord de Koro. L’objectif est de reloger 200 ménages actuellement installés dans des classes, afin de permettre la reprise de l’année scolaire. Le HCR a également distribué des articles essentiels à plus de 2 000 familles.

Les besoins en eau, assainissement et hygiène demeurent un défi majeur, accentué par l’augmentation rapide de la population. Les réfugiés manquent aussi d’articles non alimentaires tels que vêtements, ustensiles de cuisine, moustiquaires ou kits d’hygiène menstruelle. L’énergie et la protection figurent également parmi les priorités, avec une demande d’installation de lampadaires et lampes solaires pour réduire les risques liés à l’insécurité et limiter la pression sur l’environnement.

Le HCR a déjà enregistré plus de 65 000 personnes avec l’appui de la CNCR, du PAM et d’ONG partenaires, garantissant ainsi leur identité et l’accès à l’assistance. L’UNICEF travaille parallèlement à l’intégration des enfants réfugiés dans le système éducatif malien. Selon les derniers chiffres, 203 cas de vulnérabilités ont été référés, dont 172 femmes enceintes bénéficiant désormais d’un suivi prénatal.

Face à cette crise, le HCR appelle les donateurs et les partenaires à mobiliser davantage de ressources afin de soutenir la réponse humanitaire et de renforcer la résilience des communautés hôtes, déjà fortement sollicitées par l’afflux.

 

65ᵉ anniversaire de l’indépendance : Goïta insiste sur la souveraineté, l’économie et l’unité nationale

À la veille du 65ᵉ anniversaire de l’indépendance, le président de la Transition, le général Assimi Goïta, a adressé un message à la nation. Son discours a mêlé hommage aux pères fondateurs, bilan sécuritaire, perspectives économiques et appel à l’unité autour du projet de « Mali Kura ».

Dans son intervention, il a salué la mémoire des figures de l’indépendance, notamment Modibo Keïta, présentées comme des sources d’inspiration pour la consolidation de la souveraineté nationale.

Le chef de l’État a insisté sur le rôle central des forces armées. Il a dénoncé les attaques terroristes et mis en garde contre la désinformation, tout en soulignant la montée en puissance de l’armée. À ce titre, il a cité l’acquisition d’avions Su-24, Casa C-295, L-39 Albatros, d’hélicoptères Mi-24 et de drones Bayraktar TB2. Il a également évoqué deux opérations militaires : Dougoukoloko, destinée à renforcer l’autorité de l’État, et An Siguignogon, menée avec les pays de l’Alliance des États du Sahel pour améliorer la coordination régionale.

Sur le plan économique, Assimi Goïta a annoncé une croissance estimée à 6 % pour 2025. Il a mis en avant la digitalisation des finances publiques et les réformes en cours dans le secteur minier, incluant la création d’une raffinerie d’or pour mieux valoriser les ressources nationales. Le président a aussi insisté sur l’amélioration de l’accès à l’électricité grâce à de nouvelles centrales solaires, dont celles de Safo, Sanankoroba et Tiakadoukou.

Dans le domaine social, il a cité la construction et l’équipement de nouveaux hôpitaux de district, la modernisation d’universités et la création de centres de formation professionnelle. Il a rappelé le lancement du Centre d’intelligence artificielle et de robotique (CIAR-Mali), destiné à préparer la jeunesse aux métiers du futur.

Enfin, il a souligné l’adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, présentée comme un cadre essentiel pour consolider l’unité et la stabilité. Le président a conclu en invitant chaque citoyen à s’engager dans la construction du « Mali Kura », avant de souhaiter une bonne fête de l’indépendance à l’ensemble de la population.

Compétitions CAF : Le Stade Malien et le Djoliba AC prêts pour l’aventure continentale

Le Stade Malien de Bamako et le Djoliba AC représenteront le Mali en Ligue des champions et en Coupe CAF pour la saison 2025 – 2026. Après des semaines de préparation active, les deux clubs entrent en lice ce week-end avec le début des tours préliminaires.

Le premier tour préliminaire des deux compétitions sera joué en matchs aller-retour, qui se tiendront respectivement du 19 au 21 et du 26 au 28 septembre 2025. Les clubs victorieux se qualifieront pour le deuxième tour préliminaire, prévu du 17 au 19 octobre, avec les matchs retour programmés une semaine plus tard, du 24 au 26 octobre.

Objectif : phase de groupes

Pour lancer son aventure en Ligue des champions, le Stade Malien, champion du Mali en titre, se déplace pour affronter en match délocalisé à Douala les Centrafricains de Tempête MOCAF ce dimanche 21 septembre.

Après une mise au vert à Bougouni, suivie de la participation au tournoi de pré-saison à Kankan, en Guinée, du 31 août au 6 septembre, les Blancs de Bamako ont terminé leur préparation en disputant plusieurs matchs amicaux, soldés par des victoires, à Bamako. L’objectif pour les pensionnaires de Sotuba est d’intégrer pour la première fois la phase de groupes de la Ligue des champions et d’y réaliser un parcours honorable.

« Nous avons eu le temps de nous préparer pour la compétition. Avec l’arrivée de nouveaux joueurs qui renforcent l’équipe, nous pouvons affronter n’importe quel adversaire sans crainte », assure le milieu de terrain Haman Mandjan.

De son côté, le Djoliba AC, finaliste de la Coupe du Mali la saison passée et représentant du pays en Coupe CAF, démarre également sa campagne ce 21 septembre, avec un déplacement au Nigéria pour défier Abia Warriors FC.

Les Rouges de Hérèmékono visent aussi une qualification en phase de groupes de cette compétition, après une première historique en Ligue des champions la saison passée, et semblent bien affûtés pour atteindre cet objectif.

En effet, sous la houlette du nouvel entraîneur ivoirien Boudo Mory, après un stage bloqué à Koulikoro, le Djoliba AC a remporté le tournoi de Kankan en Guinée et la West Africa Champions Cup, avec une équipe en reconstruction mais en pleine montée en puissance.

Ali Sankaré

SENARE : Quatre éditions sans réconciliation réelle

La 4ème édition de la Semaine Nationale de la Réconciliation se déroule du 15 au 21 septembre 2025 à Bamako. Trois ans après sa création, ce rendez-vous, voulu comme un temps fort pour panser les plaies du Mali, peine encore à traduire ses promesses en résultats concrets.

Instituée par la Loi d’Entente Nationale de 2019, la SENARE a été lancée pour la première fois en 2022. Elle devait servir de cadre symbolique et pédagogique pour sensibiliser les citoyens aux valeurs de paix, de cohésion et de vivre-ensemble. Chaque année, la semaine est marquée par des conférences, des débats, des émissions en langues nationales, des expositions artistiques, des prières collectives, des campagnes de reboisement et des panels sur le rôle des femmes. L’édition 2025, ouverte au Centre international de conférences de Bamako, a pour thème « Héritage culturel : facteur de paix et de cohésion sociale dans l’espace AES », dans une volonté affichée de puiser dans les ressources culturelles pour renforcer l’unité.

Au fil des quatre éditions, les organisateurs ont multiplié les activités de sensibilisation et les symboles de rassemblement. Pourtant, les résultats tangibles restent limités. Aucun élément ne montre que la SENARE ait permis de renouer un dialogue direct avec les groupes armés hostiles à l’État. Ni le Front de libération de l’Azawad, ni les organisations jihadistes comme le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM), lié à Al-Qaïda, ou la branche sahélienne de l’État islamique n’ont pris part au processus. Tous, qui se combattaient parfois entre eux, semblent désormais considérer l’État comme leur adversaire commun. Le dialogue reste donc rompu et les lignes de fracture demeurent inchangées.

L’insécurité monte en flèche

La situation sécuritaire illustre cette impasse. Plusieurs axes stratégiques restent sous la menace de blocus imposés par les groupes armés. La route Bamako – Diéma – Kayes, celle de Nioro, la RN16 reliant Sévaré à Gao, la RN17 menant vers le Niger ou encore la RN20 en direction de Koutiala, Sikasso et Bougouni, sont régulièrement citées parmi les corridors les plus exposés. Les opérations militaires menées par l’armée, appuyées par des couvre-feux locaux, témoignent de la gravité des menaces. Mais la violence n’a pas été circonscrite et la libre circulation reste compromise dans plusieurs régions.

Tensions politiques

Le contexte politique ajoute à la complexité. La dissolution de tous les partis, la détention de figures politiques et l’exil de leaders d’opinion pèsent sur le climat national. Dans ces conditions, la réconciliation prônée pendant la SENARE peine à trouver un écho concret. D’ailleurs, la remise en juillet 2025 de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation, texte de 16 titres, 39 chapitres et 106 articles, devait offrir un cadre de référence. Mais une interrogation demeure : combien d’opposants ou de groupes hostiles à l’État se reconnaissent dans ce document ? À ce jour, aucun indicateur ne permet de confirmer son appropriation réelle.

La SENARE a donc mis en avant des initiatives de sensibilisation, des activités culturelles et des gestes symboliques, mais elle n’a pas encore permis de réduire les violences ni de poser les bases d’un dialogue politique inclusif. Elle a surtout fonctionné comme un instrument de communication nationale, sans créer l’espace attendu de médiation entre l’État et les groupes armés.

Des succès

Des comparaisons internationales offrent des points de repère. En Côte d’Ivoire, après la crise de 2010 – 2011, le Dialogue politique avait intégré des représentants d’anciens groupes armés et abouti à des libérations conditionnelles. Au Rwanda, les juridictions communautaires Gacaca ont été instaurées après le génocide pour favoriser une justice de proximité et une réconciliation enracinée dans les communautés. Ces expériences montrent que la réconciliation durable exige des mécanismes inclusifs, continus et institutionnalisés, allant au-delà d’une simple semaine commémorative.

Après quatre éditions, la SENARE demeure un espace de sensibilisation utile, mais elle n’a pas encore produit les résultats attendus en termes de paix et de cohésion nationale. Le risque est que cette initiative devienne une cérémonie parmi d’autres, sans la portée particulière qu’elle mérite. L’urgence, pour l’État comme pour les acteurs de la société, est de transformer cette semaine en un véritable levier de dialogue et d’actions concrètes afin qu’elle s’inscrive dans le quotidien des Maliens bien au-delà de ses dates officielles.

MD

La Haye confirme avoir reçu une plainte du Mali visant l’Algérie

La Cour internationale de Justice (CIJ) a annoncé le 19 septembre 2025 avoir reçu, trois jours plus tôt, une requête introductive d’instance du Mali contre l’Algérie. Le différend porte sur la destruction alléguée d’un drone de reconnaissance malien dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, au nord du territoire malien.

Selon Bamako, la plainte a été transmise dès le 4 septembre. Les autorités maliennes soutiennent que l’acte imputé aux forces algériennes constitue une violation flagrante du principe de non-recours à la force, un acte d’agression au regard de la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations unies, et une atteinte aux textes fondateurs de l’Union africaine, dont le Pacte de non-agression et de défense commune adopté en 2005.

Le 13 septembre, le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf a formellement démenti l’existence de cette plainte, affirmant qu’aucune notification officielle n’avait été adressée à son pays par la CIJ. Ce déni s’explique par le décalage entre la date avancée par Bamako et la date effective d’enregistrement confirmée par le greffe. Le 16 septembre, la Cour a formellement accusé réception de la requête et en a donné publicité trois jours plus tard.

La CIJ a précisé que la requête malienne est transmise à l’Algérie conformément à l’article 38, paragraphe 5, de son Règlement. Elle ne sera pas inscrite au rôle général de la Cour tant qu’Alger n’aura pas accepté sa compétence pour ce différend. Aucune procédure ne pourra donc débuter sans un consentement exprès du gouvernement algérien, qui continue de nier toute implication dans la destruction de l’appareil.

L’affaire s’inscrit dans un contexte de tensions bilatérales persistantes, marqué par des désaccords sur la médiation algérienne dans le processus de paix au Mali et par la fragilité sécuritaire des zones frontalières. Elle illustre aussi les limites du règlement judiciaire des différends lorsqu’une partie refuse la compétence de la juridiction internationale.

Ce type de contentieux n’est pas inédit à La Haye. En 1984, le Nicaragua avait saisi la CIJ contre les États-Unis pour des opérations militaires sur son territoire, affaire dans laquelle la Cour s’était déclarée compétente. En 1999, la République démocratique du Congo avait porté plainte contre l’Ouganda pour occupation de son sol, obtenant une condamnation en 2005. À l’inverse, la Géorgie n’avait pas vu sa requête contre la Russie prospérer en 2008, faute de base suffisante pour établir la compétence de la Cour. Ces précédents rappellent que l’issue dépendra avant tout de la position d’Alger, seule habilitée à reconnaître ou non la compétence de la CIJ dans cette affaire.

 

Koutiala : Fin de course pour des voleurs de bétail

Le Commissariat de Police de Koutiala, sous la houlette du Commissaire Divisionnaire de Police Fousseynou DIAKITÉ, a procédé à l’interpellation, entre le 31 août et le 15 septembre, d’un présumé voleur et de son complice dans une affaire de vol de bétails.

 

La lutte contre l’insécurité, notamment le vol de bétail est une préoccupation majeure des autorités en charge de la sécurité. Particulièrement dans les zones de provenance des animaux. Ces vols récurrents sont aussi l’une des causes de l’augmentation du coût d’acquisition de ces animaux. Ce qui contribue au renchérissement du prix de la viande.

C’est au cours d’une mission de patrouille menée par une équipe de la brigade de recherches policières que le suspect, en possession d’un troupeau de sept (07) moutons  a été arrêté dans le quartier de Médina Coura. Soumis à un interrogatoire, le mis en cause n’a pas tardé à faire son mea-culpa en affirmant avoir dérobé ces animaux sous la pluie, à proximité du cimetière, tout en dénonçant son complice. Tous deux, identifiés par les initiales M.D. (32 ans) et B.C. (46 ans), ont été déférés devant la justice. L’enquête se poursuit selon les sources sécuritaires afin de déterminer d’éventuelles complicités et de vérifier leur implication dans d’autres affaires similaires. À travers cette opération, la Police régionale de Koutiala réaffirme son engagement constant à assurer la sécurité des personnes et de leurs biens, conformément aux orientations du ministre de la Sécurité et de la Protection Civile.

Le Commissaire de police Fousseynou DIAKITÉ a tenu à féliciter ses équipes pour leur travail et a invité la population à faire preuve de vigilance et à renforcer sa collaboration avec les Forces de l’ordre, condition sine qua none pour une lutte efficace contre la criminalité sous toutes ses formes.

Joseph Amara DEMBELE

Dr. Amidou Tidiani : « C’est du fait que l’AES ait permis à ses États membres de résister collectivement face à la CEDEAO qu’a résulté l’idée d’en faire un outil politique et idéologique ».  

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont crée l’Alliance des Etats du Sahel, devenue confédération AES en juillet 2024. De quoi raviver le rêve fédéral du Mali. Dr Amidou Tidiani, enseignant-chercheur à l’Université Paris 13, répond à nos questions. Propos recueillis par Mohamed Kenouvi.

65 ans après l’échec de la Fédération du Mali, la Confédération AES pourrait-elle aboutir à une Fédération des États du Sahel ?

Par comparaison à la fédération du Mali, l’AES a une construction paradoxale. Initialement, il s’agissait d’une alliance d’infortune et de circonstance, dans un contexte d’opposition à la CEDEAO. Cette alliance n’avait initialement aucune consistance politique, ni idéologique.

C’est du fait que l’AES ait permis à ses États membres de résister collectivement face à la CEDEAO qu’a résulté l’idée d’en faire un outil politique et idéologique. On est ainsi passé d’une alliance de protection de régimes militaires à un projet politique.

Aujourd’hui, force est de constater que ce projet se renforce, se concrétise et prend un air beaucoup plus concret. Cependant, on est encore loin d’un véritable État fédéral comme le Mali d’il y a 65 ans.

En tant que précurseur de l’aspiration fédérale sous Modibo Keita, quel rôle pourrait jouer le Mali dans la concrétisation d’un État fédéral sahélien ?

Le Mali fait déjà office de locomotive de l’AES. C’est le précurseur de la résistance d’un régime militaire issu d’un coup d’Etat face à la CEDEAO. Les autres ont capitalisé sur l’expérience malienne. À cet égard, le Mali détermine le tempo de l’Alliance. Tant que l’AES restera gouvernée par des régimes militaires comme c’est le cas aujourd’hui, la dynamique malienne perdurera.

La consistance politique et idéologique de la fédération au sens de Modibo Keita est totalement différente de celle de Assimi Goita. Mais il me semble effectivement que l’AES inspire l’intégration sous régionale, idée chère à Modibo Keita.

Aujourd’hui, un peu plus d’un an après la création de la Confédération AES, quel regard portez-vous sur son évolution ?

S’il faut faire bilan, force est de constater que l’AES a réussi son  premier combat : celui de la résistance de ses membres face à la CEDEAO.

Cependant, le second volet sur lequel s’est construite l’AES (le volet sécuritaire) offre un bilan assez mitigé. La communication est importante mais les résultats restent à percevoir. Si l’AES atteint l’objectif de la sécurisation des territoires de ses Etats membres, elle s’inscrira définitivement dans le décor institutionnel sous-régional comme un acteur incontournable et attirera alors de nouveaux membres.

 

La Fondation Orange Mali ouvre des bourses d’excellence pour les lauréats du DEF 2025

La Fondation Orange Mali a annoncé le lancement de la première phase de son programme Orange Excellence, un dispositif de soutien destiné aux lauréats du Diplôme d’Études Fondamentales (DEF) 2025 ayant obtenu la mention Bien ou Très Bien. L’initiative s’inscrit dans le prolongement de son engagement en faveur de l’égalité des chances et de l’accompagnement des jeunes.

Les bénéficiaires de ce programme auront accès à une bourse de scolarité complète, à un programme de mentorat personnalisé, à des formations complémentaires ainsi qu’à des stages pratiques. L’objectif est de permettre aux élèves retenus de poursuivre leurs études dans de meilleures conditions et de renforcer leurs compétences académiques et professionnelles.

Pour déposer leur candidature, les élèves doivent remplir un formulaire en ligne disponible sur le site dédié (msurvey.orange.com/Orange_ExcellenceDEF). Ils sont tenus de joindre une copie scannée de leurs bulletins de notes de l’année scolaire, une pièce d’identité et une photo récente. La Fondation précise que les dossiers incomplets ne seront pas examinés.

La date limite de dépôt est fixée au dimanche 21 septembre 2025. Au-delà de cette échéance, les candidatures ne seront plus prises en compte.

Créée en 2006, la Fondation Orange Mali mène ses actions dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la culture, de la solidarité et de l’employabilité. Elle travaille en collaboration avec les autorités et des organisations de la société civile afin de contribuer à des initiatives durables au service du développement humain.

 

 

Guinée : Campagne close avant le scrutin sur l’avenir institutionnel

La campagne pour le référendum constitutionnel en Guinée prend fin ce jeudi 18 septembre, à 3 jours du scrutin prévu le dimanche 21 septembre. Le projet soumis aux électeurs vise à remplacer la Constitution de 2020 et intervient dans un climat politique marqué par la suspension de partis majeurs et des appels au boycott.

Le texte renforce nettement les prérogatives de l’Exécutif. Il prévoit un mandat présidentiel de sept ans renouvelable une seule fois et accorde au chef de l’État le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale dans plusieurs hypothèses, notamment en cas de motion de censure. La création d’un Parlement bicaméral est introduite, avec un Sénat dont un tiers des membres sera nommé directement par le Président. Le projet supprime également l’interdiction de candidature imposée aux membres des autorités dans la Charte de transition, ouvrant ainsi la voie à une éventuelle candidature du Président de la Transition, Mamadi Doumbouya. Ce dernier avait promis de restituer le pouvoir à un gouvernement civil fin 2024, mais ce calendrier n’a pas été tenu. Par ailleurs, la Constitution ne pourra pas être révisée avant une période de trente années après sa promulgation, verrouillant durablement l’architecture institutionnelle.

La Loi L/2025/012/CNT encadrant le scrutin établit que le « Oui » l’emporte si la majorité absolue des suffrages exprimés est atteinte. Les résultats provisoires devront être publiés dans les trois jours suivant la réception des procès-verbaux et tout recours être déposé dans les 72 heures auprès de la Cour suprême. Un décret institue la Direction Générale des Élections (DGE) chargée d’organiser le référendum, de gérer le fichier électoral et de représenter la Guinée auprès des instances internationales. Les deux têtes de cette institution seront nommées par décret présidentiel.

Depuis le 23 août, trois partis politiques d’opposition, dont l’UFDG de Cellou Dalein Diallo et le RPG de l’ancien Président Alpha Condé, ont été suspendus pour 90 jours, les empêchant de participer à la campagne. En exil, Cellou Dalein Diallo et d’autres figures de l’opposition ont appelé au boycott du référendum. Plusieurs organisations de défense des droits humains signalent également des restrictions de l’espace civique, avec des médias suspendus et un contrôle soutenu de l’information.

Alors que la campagne s’achève, les observateurs estiment que le rapport de force penche en faveur du « Oui », en raison de l’absence de mobilisation effective du camp opposé et du contexte institutionnel mis en place durant la Transition.

MD

Premier Forum agricole de l’AES : Une synergie autour des défis communs

Le Mali accueille le premier Forum sur le développement de l’agriculture dans l’espace AES du 18 au 20 septembre 2025. C’est une opportunité pour les trois pays de mettre en synergie leurs atouts afin de résoudre des défis communs.

L’agriculture occupe environ 80% des actifs de la population dans les trois pays de l’AES (Burkina Faso, Mali et Niger). Elle contribue significativement au PIB et reste confrontée aux mêmes défis, notamment la crise climatique et les difficultés d’accès aux intrants. Le forum est donc une occasion de prendre en compte toutes les dimensions de l’agriculture. Il peut aboutir à un renforcement des bonnes pratiques culturales et de commercialisation.

Si la création de l’AES a d’abord mis l’accent sur les défis sécuritaires, l’organisation du Forum sur l’agriculture « vient à point nommé » pour atteindre la sécurité alimentaire dans les trois pays, touchés par des problématiques similaires.

Parmi ces contraintes figurent la faible fertilité des sols, la persistance des aléas climatiques et l’accès aux intrants. Il est donc attendu de la réunion des experts des réponses sur la restauration des sols, l’adaptation au changement climatique et l’accès aux intrants de qualité. Ce cadre d’échanges doit également servir à un partage des connaissances sur les techniques culturales et la conservation des produits agricoles.

Économies similaires

Selon la Banque mondiale, l’agriculture a représenté 33,45% du PIB du Mali en 2024, contre 32,49% en 2023, avec une production céréalière de 10,4 millions de tonnes, soit 5% de plus que la moyenne des 5 dernières années.

Au Burkina Faso, la part de l’agriculture était de 18,59% en 2024, contre 16,33% en 2023. Le coton était la principale culture d’exportation.

Au Niger, l’agriculture pesait 40% du PIB et mobilisait 80% de la population active, dominée par l’élevage et les cultures vivrières, en 2024.

Malgré leurs ressemblances, des particularités existent et certaines économies ont connu des avancées dans certains domaines, comme au Mali en matière de culture cotonnière. Ces connaissances doivent être mutualisées, suggère Dr Abdrahamane Tamboura, économiste. En outre, ces pays peuvent faire face ensemble à la demande internationale de certains produits pour combler les manques à gagner et avoir une offre significative.

La Confédération AES, créée en juillet 2024, couvre une population de 71,4 millions d’habitants, avec un PIB nominal de 62,38 milliards de dollars en 2024. La croissance a atteint 9,9% au Niger, 5,5% au Burkina Faso et 3,8% au Mali en 2024.

Le forum s’inscrit dans la continuité d’une intégration qui se traduit par plusieurs initiatives, dont la création d’une force conjointe de 5 000 hommes, d’une Banque d’investissement et de développement et, en juillet 2025, de l’Alliance des Producteurs de Semences Agricoles du Sahel (APSA-Sahel).

Fatoumata Maguiraga

Fleuve Niger : Une richesse vitale menacée par la pollution

Le fleuve Niger, principale source d’eau potable de Bamako, est menacé par les rejets massifs d’eaux usées, les déchets plastiques et les activités de dragage. Cette pollution croissante fragilise la santé publique et ruine la pêche et l’agriculture, au-delà de la problématique de gestion collective d’une ressource vitale qui irrigue tout le bassin ouest-africain.

Environ 611 548 m³ d’eaux usées, soit plus de 600 millions de litres, sont déversés chaque jour dans le fleuve à Bamako, selon une étude du projet Cart’Eau. À ces rejets s’ajoutent l’invasion des sachets plastiques et les activités de dragage, en violation du Code minier, qui menacent la faune aquatique et la santé des populations.

Long de 1 700 kilomètres au Mali, le fleuve traverse la capitale mais perd sa vitalité. Sa couleur jaunâtre témoigne de la contamination causée par le déversement anarchique de déchets domestiques et industriels. Sur les berges, les plastiques s’accumulent et des tonnes de détritus s’entassent dans ses fonds, augmentant le risque de débordement pendant l’hivernage. La fermeture du site de Noumoubougou, seul espace d’enfouissement final des ordures, aggrave encore la situation.

L’absence de station de traitement des boues de vidange contribue au problème. Les eaux usées sont déversées à ciel ouvert avant de rejoindre le Niger par ruissellement. La ville compte 94 collecteurs d’eau, dont plus de la moitié se jettent directement dans le fleuve. Conçus pour évacuer les pluies, ils servent désormais d’égouts et de dépotoirs, provoquant une raréfaction des poissons et menaçant le revenu de centaines de pêcheurs.

Les conséquences sanitaires sont lourdes. Une étude de 2023 souligne que l’eau non traitée favorise choléra, bilharziose, typhoïde et diarrhées, tandis que le paludisme est aggravé par la stagnation des eaux polluées. Le fleuve, censé être une source de vie, devient un vecteur de maladies.

Sur le plan économique, la riziculture irriguée et le maraîchage autour de Bamako sont affectés par la baisse de qualité de l’eau. La pêche décline, privant des familles de leur revenu principal, tandis que le traitement de l’eau potable devient plus coûteux.

Ressource transfrontalière, le Niger traverse six pays. Sa dégradation à Bamako a des répercussions en aval. L’Autorité du Bassin du Niger (ABN), basée à Niamey, appelle régulièrement à une gestion concertée, mais ses recommandations peinent à s’imposer.

Adopté en août 2023, le nouveau Code minier interdit le dragage aurifère, mais son application reste difficile. L’Agence du Bassin du Fleuve Niger (ABFN), qui sensibilise et alerte, n’a aucun pouvoir de sanction. Son Directeur général adjoint, Moussa Diamoye, plaide pour une taxe « pollueur-payeur » et un plan d’aménagement des berges, rappelant que malgré son interdiction le dragage continue de menacer la ressource.

Joseph Amara Dembélé

Du rêve de Modibo Keita à la Confédération AES : Le Mali entre souveraineté nationale et fédération sahélienne

Soixante-cinq ans après l’éclatement de la Fédération du Mali et l’indépendance de la République du Mali, l’histoire semble offrir une seconde chance aux pays du Sahel central. Le rêve fédéral de Modibo Keita, brisé par les rivalités politiques et l’absence de compromis, trouve aujourd’hui un écho dans la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui, au-delà des impératifs sécuritaires, incarne une quête renouvelée d’unité et de souveraineté.

Dès l’aube des indépendances, le Mali, alors Soudan français, a cherché à dépasser les frontières héritées de la colonisation. En janvier 1959, la Fédération du Mali a vu le jour, regroupant le Soudan français et le Sénégal, avec l’ambition d’incarner une Afrique unie, forte et souveraine.

Portée par deux figures charismatiques, le Malien Modibo Keita et le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, cette fédération représentait un véritable élan panafricain. Le projet impliquait initialement la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) et le Dahomey (actuel Bénin), avant leur retrait. La Fédération fut rapidement reconnue par la France et par les Nations unies, ce qui constituait une première tentative concrète d’intégration politique en Afrique de l’Ouest francophone.

En juin 1960, elle proclama son indépendance fédérale, mais ses fragilités apparurent vite. Le 20 août 1960, à peine deux mois plus tard, le Sénégal se retira brusquement, entraînant l’éclatement de l’union et laissant le Soudan français poursuivre seul sa marche sous le nom de République du Mali.

Les causes profondes de l’échec de 1960

Très vite, des divergences politiques et idéologiques se sont manifestées. Senghor défendait une coopération étroite avec l’ancienne puissance coloniale et un modèle libéral, tandis que Keita privilégiait une orientation plus radicale, fondée sur la souveraineté économique et une planification socialiste.

Ces différences s’accompagnaient de disparités économiques et sociales, que les leaders utilisaient davantage pour diviser que pour unir. Les clivages linguistiques, les écarts de développement entre les régions et les rivalités institutionnelles fragilisaient la cohésion fédérale. La précipitation institutionnelle a aussi joué un rôle fatal, dans la mesure où la fédération a été proclamée sans que ses structures aient eu le temps de se consolider.

Cet échec reste une marque profonde dans l’histoire politique africaine, en rappelant qu’aucun projet fédéral ne peut prospérer sans compromis durables entre dirigeants nationaux.

L’émergence de la Confédération AES

Six décennies plus tard, l’idée fédéraliste refait surface, dans un contexte radicalement différent. En effet, le 16 septembre 2023, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont signé la Charte du Liptako Gourma, instituant l’Alliance des États du Sahel (AES), un pacte de défense mutuelle. Le 6 juillet 2024, les trois pays ont franchi une étape supplémentaire avec le traité instituant la Confédération des États du Sahel, en vue d’évoluer vers une fédération.

Contrairement au projet panafricain de 1959, l’AES naît d’une nécessité stratégique puisque, face à l’insécurité chronique, aux pressions économiques et aux sanctions internationales, les trois États ont choisi de mutualiser leurs efforts. En 2025, ils ont annoncé la création d’une force unifiée de 5 000 hommes, dotée de moyens terrestres, aériens et de renseignement, pour incarner cette intégration sécuritaire.

Parallèlement, les discussions portent sur une monnaie commune, la libre circulation et l’interconnexion énergétique, ce qui traduit une volonté d’aller au-delà du tout militaire. À ces initiatives s’ajoute l’annonce de la mise en place d’une Banque Confédérale pour l’Investissement et le Développement (BCID-AES). Ces projets, encore à l’état embryonnaire, visent à donner à la Confédération une dimension économique et sociale durable.

Les principes de la Confédération

Le traité fondateur de l’AES fixe, à travers ses articles 3 et 4, les principes et compétences partagées. L’article 3 insiste sur la souveraineté, l’intégrité territoriale, la solidarité confédérale et la défense des intérêts des populations. L’article 4 précise que chaque État conserve son indépendance, sauf dans les domaines délégués à la Confédération, tels que la défense et la sécurité, la diplomatie et le développement. Un protocole additionnel prévoit d’élargir ces compétences si nécessaire, afin d’éviter les erreurs de précipitation institutionnelle du passé.

Similitudes et différences

Si l’on compare la Fédération du Mali et la Confédération AES, des similitudes apparaissent, mais les différences sont tout aussi instructives. Dans les deux cas, il s’agit de dépasser les frontières coloniales afin de renforcer la solidarité et la capacité d’action collective.

Cependant, alors que la Fédération reposait sur l’enthousiasme idéologique des indépendances, l’AES procède d’un calcul pragmatique face à l’urgence sécuritaire et à l’isolement diplomatique. La première avait été fragilisée par le face-à-face entre deux dirigeants aux visions opposées, tandis que la seconde réunit trois régimes de transition animés par des orientations convergentes et un rejet commun des pressions extérieures. Enfin, là où la Fédération avait voulu aller trop vite en proclamant un État sans institutions solides, l’AES adopte une démarche progressive, en commençant par une confédération pour envisager ensuite une fédération.

Le poids du contexte diplomatique

L’AES s’inscrit aussi dans un contexte géopolitique marqué par le retrait des trois pays de la CEDEAO et du G5 Sahel, au profit d’un cadre inédit de coopération. Isolés par les sanctions, Bamako, Ouagadougou et Niamey ont resserré leurs liens, notamment avec Conakry, qui soutient leur démarche souverainiste. Cette réorientation diplomatique, accompagnée d’un rapprochement avec de nouveaux partenaires comme la Russie, la Turquie et la Chine, illustre l’ambition de bâtir une alternative régionale face aux pressions extérieures.

Les conditions d’une réussite durable

La consolidation de l’AES pourrait, à terme, passer par une évolution vers une véritable fédération. Plusieurs éléments créent aujourd’hui un terrain propice. La convergence politique des régimes de transition à Bamako, Ouagadougou et Niamey limite le risque de divergences idéologiques. L’existence d’un ennemi commun, le terrorisme, contribue à renforcer la cohésion stratégique entre les trois États. S’y ajoute un appui populaire confirmé par des enquêtes comme Afrobarometer, qui révèlent qu’une majorité de Maliens soutient l’AES et approuvent la sortie de leur pays de la CEDEAO.

Mais des défis, demeurent dont la faiblesse structurelle des économies, la dépendance extérieure, la difficulté d’abandonner une partie des souverainetés nationales, les pressions internationales et la nécessité de bâtir des institutions stables et inclusives.

Selon Abdoul Sogodogo, enseignant-chercheur et Vice-doyen de la Faculté des Sciences administratives et politiques de l’Université Kurukanfuga de Bamako, « le passage à la fédération implique nécessairement la perte de la souveraineté des États unitaires pour son éclosion ». « En même temps, cela réduit la menace de retrait d’un État membre de l’Alliance, puisque le retrait de tout État fédéré nécessiterait dès lors un référendum dans l’État concerné », ajoute-t-il.

Il estime toutefois que la construction d’une fédération rencontrerait « des réticences et résistances de certains acteurs politiques et des entrepreneurs de la violence armée ». Ces résistances ne se limiteraient pas aux groupes armés, mais concerneraient aussi des acteurs politiques et économiques qui tirent profit des souverainetés nationales.

Mais l’universitaire insiste également sur les avantages stratégiques : « la fédération a l’avantage d’unifier les terroirs des trois entités, leurs forces armées et leurs économies. L’unification des territoires priverait les groupes terroristes et sécessionnistes de bases arrières et fera de la zone des trois frontières un espace géographique continu, sans rupture induite par des frontières ».

Une aspiration ravivée

À l’heure où le Mali s’apprête à commémorer le 65ème anniversaire de son indépendance, ce 22 septembre 2025, l’aspiration profonde du pays à un État fédéral sahélien, voire africain, qu’incarnait Modibo Keita, semble retrouver vie. Un peu plus d’un an après la création de la Confédération AES, les avancées en matière d’intégration sont réelles. L’enjeu est désormais de transformer cette flamme ravivée en réalité, en bâtissant une fédération sahélienne capable de résister aux vents contraires et de donner à l’Afrique un exemple durable d’intégration politique réussie.

Mohamed Kenouvi

Le Sahel central en crise prolongée selon OCHA

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) alerte dans son rapport couvrant la période de janvier à août 2025 sur la gravité de la situation au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Le document indique que les besoins humanitaires sont importants alors que les financements restent très limités.

Près de trois mille incidents sécuritaires ont été enregistrés au cours des huit premiers mois de l’année, entraînant des déplacements massifs. Plus de 2,7 millions de personnes sont aujourd’hui déplacées internes et environ 390 000 ont trouvé refuge à l’étranger, soit une hausse de 14 % depuis janvier. Au Mali, l’éducation est particulièrement touchée avec plus de 2 036 écoles fermées en juin, ce qui concerne plus de 610 000 élèves et 12 216 enseignants.

Dans l’ensemble de la région, plus de 8 200 écoles sont non fonctionnelles et plus de 900 centres de santé hors service. L’alimentation reste un point sensible avec 8,26 millions de personnes classées en phase de crise et 906 000 enfants admis pour malnutrition aiguë sévère.

Le financement disponible reste faible par rapport aux besoins. Sur 2,1 milliards de dollars recherchés pour 2025, seuls 379 millions ont été mobilisés à la mi-septembre, soit 18 % du total. Ces chiffres s’appuient sur plusieurs sources regroupées par OCHA, dont ACLED pour les incidents sécuritaires, UNICEF pour la nutrition et le Cluster Éducation pour la scolarité.

Le rapport souligne enfin que sans un renforcement rapide des financements, la réponse humanitaire restera limitée face à l’ampleur des besoins, laissant des millions de personnes sans assistance dans le Sahel central.

 

 

AES : réunion des ministres de la Justice à Niamey

Les ministres de la Justice du Burkina Faso, du Mali et du Niger se sont réunis à Niamey du 15 au 17 septembre 2025 pour la deuxième réunion ministérielle de l’Alliance des États du Sahel. Les travaux, ouverts par le ministre d’État nigérien Mohamed Toumba au Centre international de conférences Mahatma-Gandhi, ont porté sur l’intégration juridique et judiciaire entre les trois pays.

Dans leur communiqué final, les ministres ont indiqué avoir proposé aux chefs d’État de l’Alliance de réexaminer la coopération pénale internationale et d’accélérer la mise en place des instances juridictionnelles prévues par le traité constitutif signé en septembre 2023. Ce texte fondateur prévoit notamment la création d’une Cour de justice de l’Alliance. Les discussions ont également porté sur le renforcement de l’entraide judiciaire et la mutualisation des moyens de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Cette rencontre s’inscrit dans le prolongement du sommet des chefs d’État tenu à Niamey en juillet 2025, qui avait validé l’accélération de la mise en place des institutions communes. Les ministres ont précisé que les textes relatifs aux organes judiciaires seront transmis aux chefs d’État pour examen et adoption lors d’une prochaine session.

L’article 127 du Statut de Rome encadre toute décision de retrait de la Cour pénale internationale et prévoit qu’une telle démarche prend effet un an après notification au Secrétaire général des Nations unies. À ce jour, aucune notification n’a été rendue publique. La réunion de Niamey marque une nouvelle étape dans la construction institutionnelle de l’Alliance, qui entend doter la région d’organes communs de justice et de mécanismes propres de coopération judiciaire.

Le Festival au Désert annoncé pour 2026 à Merzouga

L’ambassadeur du Royaume du Maroc au Mali, Driss Isbayene, a reçu à Bamako, le 17 septembre, Manny Mohamed Ansar, co-fondateur et directeur exécutif du Festival au Désert, pour discuter du lancement d’une nouvelle édition prévue en 2026 à Merzouga, dans le sud-est marocain.

Né en janvier 2001 à Tin Essako, puis installé à Essakane et Tombouctou, le Festival au Désert a rassemblé pendant plus d’une décennie des milliers de spectateurs venus du monde entier. Il a accueilli de grandes figures de la musique sahélienne et internationale, parmi lesquelles Tinariwen, Tartit, Ali Farka Touré, Manu Chao ou Robert Plant. Plus qu’un rendez-vous culturel, il était devenu un moteur économique et touristique pour la région de Tombouctou. L’insécurité grandissante dans le nord du Mali a cependant conduit à l’interruption de l’événement en 2012.

Pour préserver son esprit, des éditions « en exil » ont ensuite été organisées au Burkina Faso, au Maroc, en Europe et aux États-Unis. Le choix de Merzouga, au pied des dunes de l’Erg Chebbi, s’explique par sa renommée internationale, ses infrastructures touristiques et sa capacité à accueillir de grands rassemblements. Le site est déjà un lieu prisé pour des festivals mêlant culture nomade et musique contemporaine.

La relance à Merzouga représente une opportunité de maintenir la visibilité du Festival au Désert, d’offrir une scène internationale aux artistes sahéliens et de renforcer les liens historiques et culturels entre le Maroc et le Mali. Les organisateurs insistent sur le caractère transsaharien du projet, destiné à préserver un patrimoine musical unique tout en l’ouvrant à de nouvelles générations de musiciens et de publics.