Kayes : des citernes détournées de leur circuit officiel

La brigade régionale du Commerce et de la Concurrence a intercepté, le 16 novembre, plusieurs camions-citernes engagés sur un trajet qui ne correspondait pas à leur destination déclarée. L’opération survient dans un contexte de pénurie persistante, alors que les autorités tentent de rétablir un approvisionnement régulier.

À Kayes, les agents de la Direction régionale du Commerce et de la Concurrence ont constaté que les citernes interceptées ne se dirigeaient pas vers la station de vente annoncée par l’importateur. Selon les informations communiquées, les cargaisons avaient été déclarées comme destinées à un point de distribution officiel, mais leur orientation effective s’écartait du circuit prévu. Les équipes de contrôle ont redirigé les véhicules vers la station concernée et procédé à l’interpellation des personnes impliquées.

Cette intervention intervient dans une période où la disponibilité du carburant reste limitée dans plusieurs localités du pays. Les stations fonctionnent de manière irrégulière depuis plusieurs semaines et les volumes reçus ne permettent pas toujours de répondre à la demande. Les difficultés d’approvisionnement ont entraîné une hausse des prix et des files d’attente récurrentes.

Quelques semaines avant cette opération, un camion transportant quarante-cinq mille litres de gasoil avait déjà été saisi dans la même région lors d’un transvasement vers un autre véhicule. Les éléments recueillis avaient montré que le chargement avait été revendu en dehors du circuit initialement déclaré, entraînant la saisie du carburant et l’interpellation des personnes en cause.

Les opérations successives menées dans la région illustrent le renforcement des contrôles autour de la distribution de carburant, alors que les autorités affirment maintenir leurs efforts pour stabiliser la situation et assurer l’acheminement des produits vers les stations autorisées.

Kayes : des citernes détournées de leur circuit officiel

Kayes : des citernes détournées de leur circuit officie

La brigade régionale du Commerce et de la Concurrence a intercepté, le 16 novembre, plusieurs camions-citernes engagés sur un trajet qui ne correspondait pas à leur destination déclarée. L’opération survient dans un contexte de pénurie persistante, alors que les autorités tentent de rétablir un approvisionnement régulier.

À Kayes, les agents de la Direction régionale du Commerce et de la Concurrence ont constaté que les citernes interceptées ne se dirigeaient pas vers la station de vente annoncée par l’importateur. Selon les informations communiquées, les cargaisons avaient été déclarées comme destinées à un point de distribution officiel, mais leur orientation effective s’écartait du circuit prévu. Les équipes de contrôle ont redirigé les véhicules vers la station concernée et procédé à l’interpellation des personnes impliquées.

Cette intervention intervient dans une période où la disponibilité du carburant reste limitée dans plusieurs localités du pays. Les stations fonctionnent de manière irrégulière depuis plusieurs semaines et les volumes reçus ne permettent pas toujours de répondre à la demande. Les difficultés d’approvisionnement ont entraîné une hausse des prix et des files d’attente récurrentes.

Quelques semaines avant cette opération, un camion transportant quarante-cinq mille litres de gasoil avait déjà été saisi dans la même région lors d’un transvasement vers un autre véhicule. Les éléments recueillis avaient montré que le chargement avait été revendu en dehors du circuit initialement déclaré, entraînant la saisie du carburant et l’interpellation des personnes en cause.

Les opérations successives menées dans la région illustrent le renforcement des contrôles autour de la distribution de carburant, alors que les autorités affirment maintenir leurs efforts pour stabiliser la situation et assurer l’acheminement des produits vers les stations autorisées.

Diaspora malienne au Maroc : une semaine d’échanges et de diplomatie communautaire avec l’AESM

Du 19 au 26 octobre 2025, une délégation de l’Association des Anciens Étudiants et Stagiaires Maliens du Maroc (AESM) a mené une mission de terrain auprès de la diaspora malienne, à l’invitation de la COMAMA. Une série de rencontres institutionnelles et communautaires a permis d’aborder les conditions de vie des ressortissants maliens, les opportunités socio-économiques au Mali et les dispositifs d’assurance volontaire.

La mission, conduite à Casablanca, Rabat et Tanger, s’est inscrite dans un contexte de mobilité croissante des Maliens vers le Maroc, devenu ces dernières années un important pôle d’accueil pour les étudiants, les travailleurs migrants et les familles installées durablement. La délégation de l’AESM a été reçue par plusieurs institutions clés : l’Ambassade du Mali à Rabat, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’Agence nationale des Marocains résidant à l’étranger (ANRE), l’ISESCO, ainsi que l’École nationale supérieure des mines de Rabat. Ces rencontres ont permis de faire le point sur les défis administratifs, éducatifs et socio-professionnels auxquels la diaspora est confrontée, notamment l’accès à la régularisation, à la santé ou à l’emploi formel.

Face à des communautés souvent confrontées à la précarité, à la pression migratoire ou à des parcours académiques exigeants, l’AESM a présenté les opportunités offertes par le Mali dans les domaines de l’entrepreneuriat, de l’innovation, de l’agro-industrie et des services. Une attention particulière a été portée au régime d’assurance volontaire de l’INPS, présenté comme un levier essentiel pour garantir une couverture sociale aux travailleurs indépendants, aux commerçants et aux expatriés installés hors du territoire national.

Dans les trois grandes villes visitées, la délégation a rencontré des associations locales, des leaders communautaires et des familles maliennes. Les échanges ont porté sur la scolarisation des enfants, les conditions de logement, la protection consulaire, ainsi que les difficultés rencontrées dans les démarches administratives marocaines. Des jeunes diplômés ont également exprimé leurs préoccupations concernant l’insertion professionnelle et les perspectives de retour au pays.

La mission s’est achevée le 26 octobre par une cérémonie de lecture de Coran pour la paix et la stabilité du Mali, organisée à l’Ambassade du Mali à Rabat, en présence de diplomates, de responsables communautaires et de nombreux ressortissants. Ce moment spirituel a marqué la volonté collective de resserrer les liens entre le Mali et sa diaspora, alors que la communauté malienne du Maroc continue de jouer un rôle croissant dans les échanges économiques, culturels et éducatifs entre les deux pays.

« La légitimité traditionnelle reste le dernier espoir de la société malienne »

À l’occasion de la Journée nationale des légitimités traditionnelles célébrée le 11 novembre, Mohamed Ben Chérif Diabaté analyse la place actuelle des autorités coutumières, les défis de leur reconnaissance et leur rôle dans la cohésion nationale. Dans cet entretien, il revient sur l’importance de les former, de mieux les encadrer et de créer un cadre national de coordination.

Comment définiriez-vous la place de la légitimité traditionnelle dans la société malienne aujourd’hui ?

Pour moi, la légitimité traditionnelle occupe la place d’espoir. La population malienne place beaucoup d’attentes en elle : elle la consulte, s’y réfère, et la considère comme un véritable fusible social. Dans une société aux références multiples, les légitimités incarnent encore le recours naturel lorsqu’un problème se pose ou lorsqu’une orientation est nécessaire. Leur rôle reste fondamental.

À quoi sert concrètement la Journée nationale du 11 novembre, si sa portée reste encore peu visible dans l’espace public ?

Ceux qui ont initié cette journée méritent d’être salués. Mais pour que l’adhésion soit totale, il faut expliquer le mobile : pourquoi cette journée a été créée, ce qu’elle vise, et pourquoi elle concerne toutes les communautés.
Nous vivons dans un pays où plus de 90 % de la population est analphabète. Avec une diversité culturelle immense — un Malinké de Kangaba n’est pas identique à un Malinké de Bafoulabé, un Peul du Fouta n’est pas le même qu’un Peul du Macina — il est essentiel d’informer, de sensibiliser, d’expliquer. Si cela est fait, le peuple s’engagera et s’impliquera. C’est le seul moyen pour que cette journée prenne tout son sens.

Pourquoi l’État reconnaît-il aujourd’hui les légitimités traditionnelles, alors qu’une partie de la société semblait s’en détacher ?

Depuis l’époque du Soudan, les légitimités traditionnelles ont gouverné nos villages, nos fractions, nos royaumes et nos empires. Elles étaient là bien avant l’État moderne, et c’est ce système que le colonisateur a trouvé en arrivant.
Se détacher d’elles, c’est perdre ses repères. Ceux qui les reconnaissent aujourd’hui savent ce qu’elles représentent. Mais une partie de la population ne connaît pas son histoire, ne sait pas ce que les légitimités ont apporté. C’est cette méconnaissance qui explique parfois le détachement. Ceux qui ont reconnu leur importance ont bien réfléchi et ont eu raison.

Dans le contexte actuel des conflits et fractures sociales, quel rôle les chefs traditionnels peuvent-ils jouer dans la médiation et le rétablissement de la confiance ?

Ils ont un rôle déterminant, mais il faut les former. Le monde évolue, les réalités changent, et ce qui était valable hier ne l’est pas forcément aujourd’hui.
Les légitimités doivent être formées aux techniques de résolution des conflits, aux mécanismes de cohésion sociale, au programme national d’éducation aux valeurs. Elles doivent aussi travailler en synergie avec l’administration, les services judiciaires et les communautés.
Avec cet accompagnement, elles peuvent jouer un rôle majeur dans la médiation et la reconstruction de la confiance.

Que faudrait-il mettre en place pour que les légitimités redeviennent des acteurs structurants de l’éducation civique, de la cohésion et de la transmission des valeurs ?

Il faut créer un cadre national : un cadre de formation, de coordination, d’information et de sensibilisation.
Je propose la mise en place d’une Coordination nationale des légitimités traditionnelles, dotée d’un contenu administratif et juridique solide, s’appuyant autant sur les compétences modernes que sur le savoir endogène positif.
Avec ce cadre, les légitimités pourront contribuer efficacement à l’éducation civique, à la cohésion sociale, à la consolidation de la paix et à la construction nationale.

Réfugiés : le Mali accueille plus de 230 000 Burkinabè et Nigériens

Publié le 31 octobre 2025, le rapport conjoint du gouvernement malien et du HCR confirme une hausse marquée des arrivées de réfugiés burkinabè et nigériens dans plusieurs régions du pays. Le document montre l’ampleur d’un mouvement de population étroitement lié à la crise sécuritaire qui frappe le Sahel.

Depuis début 2024, le Mali est devenu l’un des principaux territoires d’accueil pour les populations fuyant les violences au Burkina Faso et au Niger. Selon les données officielles, 150 300 Burkinabè et Nigériens ont été enregistrés au 31 octobre 2025, tandis qu’environ 83 400 personnes supplémentaires de ces deux nationalités n’ont pas encore pu être enregistrées, faute d’accès ou en raison de déplacements récents. Le total estimé dépasse ainsi 230 000 réfugiés, concentrés notamment dans les régions de Gao, Ménaka, Ansongo, Tombouctou, Gourma-Rharous et Niono.
Les causes de cet afflux sont clairement identifiées dans le rapport : attaques contre des villages, incursions répétées de groupes armés, intimidations, enlèvements, affrontements entre acteurs armés non étatiques et forces engagées dans des opérations contre les groupes radicaux. En un peu moins de deux ans, 154 637 nouveaux arrivants ont été recensés, avec un pic exceptionnel dépassant 120 000 personnes en un seul mois lorsque les violences se sont intensifiées dans le Sahel burkinabè.
Ces mouvements touchent des populations particulièrement vulnérables. Les femmes représentent 56 % des réfugiés enregistrés, les hommes 44 %, et les enfants constituent une proportion très importante dans les tranches d’âge 0–17 ans. Le rapport identifie également plus de 41 000 personnes ayant des besoins de protection spécifiques, qu’il s’agisse de femmes exposées aux risques, de personnes âgées vulnérables, de personnes vivant avec un handicap, d’enfants non accompagnés ou de cas médicaux critiques nécessitant une prise en charge urgente.
Les opérations conjointes d’enregistrement menées par l’État et le HCR ont permis de structurer la réponse, mais de nombreuses zones restent difficiles d’accès en raison de l’insécurité. Cela explique la présence d’un nombre élevé de personnes non enregistrées et complique l’évaluation précise des besoins, notamment en matière de santé, d’abris, de protection et d’aide alimentaire. Le HCR souligne que les chiffres disponibles pourraient être en deçà de la réalité, compte tenu de la dynamique encore active des déplacements.
Cet afflux s’ajoute à une situation interne déjà tendue. Le Mali compte par ailleurs plus de 400 000 déplacés internes, principalement dans le nord et le centre, où les populations subissent les effets conjugués des violences, de l’effondrement des services sociaux de base et des chocs climatiques. Les régions d’accueil doivent ainsi gérer des besoins croissants dans un contexte de ressources limitées, ce qui renforce la pression sur les mécanismes humanitaires et institutionnels.
Le rapport appelle à un renforcement de l’enregistrement, de la protection et de l’assistance, tout en soulignant la nécessité de maintenir un accès humanitaire régulier dans les zones concernées. Il insiste sur l’importance des efforts conjoints entre les autorités et les partenaires humanitaires pour faire face à une situation qui évolue rapidement et dont les implications touchent autant la stabilité locale que la cohésion des communautés.

« Il faut d’abord restaurer la confiance entre l’État et les communautés » Ag Mehdi

À l’occasion de la Journée nationale des légitimités traditionnelles, célébrée le 11 novembre 2025 à Bamako, l’Amenokal Alhaj Alhassane Ag Mehdi, Président du Conseil supérieur des Imiticha, revient sur l’affaiblissement des autorités traditionnelles, leur rôle dans la paix et la manière de reconstruire la cohésion sociale. Dans cet entretien, il livre une analyse franche, appuyée sur son discours officiel et ses propos recueillis.

Quel rôle concret les légitimités traditionnelles doivent-elles jouer aujourd’hui dans la paix au Mali ?

Les légitimités traditionnelles sont plus anciennes que l’État moderne. Elles ont toujours géré et stabilisé leurs communautés grâce à des mécanismes culturels, historiques, éthiques et moraux capables de prévenir le conflit et de consolider la paix. Elles peuvent continuer à jouer ce rôle, mais seulement si elles sont revalorisées et si on leur rend leur identité et leur autorité dans le temps.
Aujourd’hui, elles ont été réduites au simple rôle de relais administratif, ce qui les vide de leur essence. Si on leur redonne les moyens et la reconnaissance nécessaires, elles peuvent stabiliser le pays, car elles connaissent les populations et possèdent l’expérience du dialogue.

Comment restaurer cette autorité dans les zones où elle est contestée ?

L’affaiblissement est général. Il n’existe plus aucune zone où les légitimités conservent l’autorité qu’elles avaient autrefois. Elles ne sont plus écoutées, leur parole n’est plus déterminante, et beaucoup vivent dans une grande précarité. Une autorité sans moyens ne peut pas exercer son autorité.
Pour restaurer leur place, il faut améliorer leurs conditions de vie, mener des réformes administratives et politiques, et leur rendre leur rôle historique. Sans cela, l’autorité restera affaiblie et contestée.

En quoi les valeurs et pratiques traditionnelles peuvent-elles compléter la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ?

La Charte aurait dû être élaborée d’abord par les légitimités traditionnelles. Elles ont l’expérience et l’expertise pour proposer un document véritablement enraciné dans les réalités du pays.
Aujourd’hui, elles sont invitées dans les consultations, mais on ne les écoute pas. Pour qu’elles contribuent réellement, il faut leur remettre la Charte afin qu’elles se l’approprient, l’amendent et l’adaptent aux spécificités de chaque région. Les réalités de Kidal ne sont pas celles de Kayes ou Sikasso. Toutes les propositions fondées sur l’expérience et la connaissance du terrain doivent être prises en compte.

Comment éviter l’instrumentalisation politique des chefferies et légitimités traditionnelles ?

C’est l’un des problèmes les plus graves. Les chefferies étaient autrefois des autorités reconnues, mais aujourd’hui elles sont instrumentalisées et réduites à un rôle de transmission administrative.
Or leur rôle est double : relais de l’administration, mais aussi conseillères de l’État. Ce second rôle, essentiel pour la paix et la stabilité, n’est plus exercé. Tant que l’État n’écoutera pas les légitimités et ne prendra pas en compte leur expertise, l’instrumentalisation continuera.

Quelles mesures urgentes recommanderiez-vous pour relancer la confiance entre les communautés ?

La première mesure, c’est le dialogue. Mais un dialogue fondé sur la vérité, le courage, l’intérêt général et un climat apaisé.
Cependant, la crise la plus profonde n’est pas d’abord entre les communautés. Elle est entre l’État et les communautés. Tant que cette confiance supérieure n’est pas restaurée, toutes les autres réconciliations seront difficiles.
Une fois que l’État et les communautés renouent la confiance, la cohésion locale suit naturellement, et le travail des autorités traditionnelles devient plus facile.

Un dernier mot sur la Journée nationale des légitimités traditionnelles ?

Cette 5ᵉ édition doit être un tournant. Elle doit ouvrir la voie à la redynamisation des autorités traditionnelles à tous les niveaux territoriaux, à la promotion du dialogue intra et intercommunautaire, au renforcement de leur leadership, à l’amélioration de leurs conditions de vie et à la mise en œuvre d’un plan d’action national ambitieux.
C’est ainsi que les légitimités traditionnelles pourront jouer pleinement leur rôle dans l’éducation, la gouvernance et la construction du Maliden Kura.

Besoins humanitaires : un premier semestre alarmant

Publié en juillet 2025, le rapport de l’OCHA sur la réponse humanitaire au Mali dresse un bilan sévère du premier semestre. Dans un contexte de violences persistantes, de déplacements massifs et de financement insuffisant, les besoins dépassent largement les capacités de réponse des acteurs humanitaires.

Depuis le début de l’année 2025, le contexte humanitaire au Mali demeure extrêmement fragile. Dans le nord et le centre du pays, des millions de personnes continuent de subir les effets des violences armées, des conflits armés, des chocs climatiques et des urgences sanitaires. Les infrastructures civiles, les réseaux de transport et les moyens de subsistance sont régulièrement ciblés ou détruits, réduisant l’accès des communautés aux services sociaux de base. Face à cette dégradation, les populations vulnérables n’ont souvent d’autre choix que de fuir. Plus de 400 000 déplacés internes, dont près de 60 % de femmes et d’enfants, sont recensés selon la dernière matrice conjointe du Gouvernement et de l’OIM, principalement dans les régions de Gao, Ménaka, Mopti, Bandiagara et Ségou.

La planification humanitaire pour 2025 avait estimé que 6,4 millions de personnes avaient besoin d’assistance urgente, pour un budget global de 771,3 millions de dollars américains. Mais la période janvier-juin a été marquée par des réductions majeures des financements, plusieurs donateurs ayant gelé ou diminué leurs contributions. Au 30 juin, seulement 8 % du budget annuel était financé, contraignant les partenaires à suspendre des interventions vitales ou à se retirer de zones où l’aide restait pourtant indispensable. Les conséquences opérationnelles sont nettes : effondrement des indicateurs multisectoriels, perte d’accès humanitaire dans certaines localités, réticence accrue des communautés face à l’absence de continuité de l’assistance.

Le rapport montre que, sur les 4,7 millions de personnes ciblées, moins d’un million ont effectivement reçu une aide durant le premier semestre, soit 21 % des objectifs. En matière de protection, 20 578 violations des droits humains et atteintes graves ont été documentées en six mois, un chiffre supérieur à celui de l’année précédente sur la même période. Dans le domaine de l’éducation, la situation reste particulièrement critique : plus de 2 000 écoles demeurent non fonctionnelles, privant 610 800 enfants d’enseignement et affectant plus de 12 000 enseignants.

La crise alimentaire continue également de s’aggraver. Plus de 1,4 million de personnes se trouvent en situation de crise alimentaire (IPC 3+), dont environ 2 600 en phase de catastrophe (IPC 5) dans certaines zones du nord. Les partenaires du secteur ont pu assister environ 453 000 personnes, un chiffre très en deçà des besoins. Dans le domaine de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement, seule une personne sur dix ciblée a pu être soutenue, alors que 27 % des enfants restent exposés à des pénuries d’eau et que des milliers de puits et de latrines endommagés n’ont pas encore été réhabilités.

Les secteurs abris et biens non alimentaires figurent parmi les plus touchés par le sous-financement. Plus de 770 000 personnes étaient identifiées comme ayant besoin d’un soutien d’urgence, mais 7 % seulement ont été assistées, laissant 93 % des besoins non couverts. Le soutien en cash a également reculé, faute de partenaires opérationnels et de ressources suffisantes.

À la lumière de ces données, l’OCHA insiste sur l’urgence d’un renforcement des financements, d’une amélioration de l’accès humanitaire et d’une stabilisation des engagements des partenaires. Sans ressources supplémentaires et sans continuité de l’action, avertit le rapport, les progrès réalisés ces dernières années risquent d’être durablement compromis, laissant des millions de personnes sans assistance dans un contexte où les besoins ne cessent de croître.

11 novembre : la tradition reconnue, trois voix pour la cohésion

La journée du 11 novembre célèbre désormais les autorités et légitimités traditionnelles au Mali, une reconnaissance voulue par le Président de la Transition pour réaffirmer leur rôle dans la stabilité sociale. À Fadjiguila, trois figures de générations différentes expliquent la portée de cette date et les défis qui persistent sur le terrain.

Instituée par les autorités de la Transition, la journée du 11 novembre rend hommage au rôle historique des autorités traditionnelles dans la cohésion et la médiation sociale. Elle s’inscrit dans un contexte où l’État cherche à consolider les repères communautaires, dans un pays marqué par des tensions sécuritaires, une urbanisation rapide et un affaiblissement progressif de la transmission intergénérationnelle.

À Fadjiguila, quartier emblématique de la Commune I de Bamako, cette reconnaissance nationale donne un nouvel écho à des missions souvent exercées dans l’ombre : gérer les conflits locaux, maintenir les liens entre familles, accompagner la jeunesse et veiller à la continuité des valeurs communautaires.

Le regard du chef de quartier : “Une reconnaissance enfin assumée”

Pour Abdou Diarra, chef de quartier de Fadjiguila, la journée du 11 novembre a la valeur d’un symbole majeur.

« Cette journée est une marque de reconnaissance nationale. Grâce à la volonté du Président de la Transition, le général Assimi Goïta, le rôle historique des autorités traditionnelles est clairement affirmé. Pour nous, c’est une grande fierté de voir notre mission reconnue à sa juste valeur ».

Si la reconnaissance morale progresse, elle ne se traduit pas encore suffisamment dans les procédures administratives.

« Sur le terrain, certaines structures continuent de sous-estimer notre rôle. Nous souhaitons que cette valorisation nationale s’accompagne d’un appui concret pour mieux servir la population ».

Dans les relations avec la jeunesse, il observe des changements.

« Les jeunes sont davantage tournés vers la modernité, parfois au détriment des repères traditionnels. Mais beaucoup reviennent à leurs racines, surtout depuis que les autorités reconnaissent l’importance de la tradition. Cela nous encourage à créer plus de liens entre les générations ».

La médiation reste au cœur de son action quotidienne.

« Nous privilégions la parole, l’écoute, le dialogue. Avant d’aller à la justice formelle, les citoyens viennent d’abord chez le chef de quartier. Nous travaillons avec les imams, les notables, la mairie, parfois la police, pour trouver des solutions pacifiques ».

Pour renforcer le rôle des autorités traditionnelles, il insiste sur la nécessité d’un appui continu :

« Il faut institutionnaliser davantage notre rôle et nous doter de moyens matériels et logistiques. Et surtout, il faut maintenir la reconnaissance de l’État pour que notre travail soit durable ».

La voix du doyen : “La journée du 11 novembre redonne confiance aux anciens”

Imam Salia Sanogo, conseiller du chef de quartier, voit dans cette célébration un moment essentiel pour relancer la transmission des valeurs.

« Nous transmettons par les cérémonies, les associations, les causeries. Mais ce n’est plus aussi fluide qu’avant. La reconnaissance de nos légitimités par le Président est une opportunité : elle redonne confiance aux anciens pour continuer à parler aux jeunes ».

Pour lui, le malaise moral observé dans la société s’explique par un déséquilibre entre modernité et valeurs traditionnelles.

« La modernité a pris le dessus sans équilibre. L’individualisme, la recherche du gain rapide et l’influence étrangère ont fragilisé notre identité. Cette journée nous rappelle que nos repères culturels doivent rester la base du vivre-ensemble malien ».

La place des conseils des anciens demeure, mais s’effrite.

« Certaines familles écoutent encore, mais de moins en moins. Or c’est dans l’écoute des anciens que réside la sagesse. Nous espérons que cette reconnaissance nationale encouragera les familles à renouer avec cette habitude de respect ».

Sur la paix, son avis est clair : les autorités traditionnelles restent essentielles.

« Nous sommes les gardiens de la parole et de la réconciliation. Si on nous donne les moyens, nous pouvons aider à restaurer la confiance au niveau local. La paix commence toujours au niveau du village, du quartier, de la famille ».

Pour mieux jouer leur rôle, il appelle à un appui concret : « Nous avons besoin d’espaces de dialogue intergénérationnels et surtout d’une écoute constante des autorités publiques. La reconnaissance doit s’accompagner de politiques publiques en faveur des légitimités traditionnelles ».

La perspective de la jeunesse : “Allier technologie et tradition”

Pour N’tji Diarra, conseiller communal de la jeunesse en charge de la citoyenneté, de l’environnement et de la santé, la marginalisation historique des autorités traditionnelles explique une partie du recul de leur influence.

« Pendant longtemps, les structures modernes ont mis les cadres traditionnels de côté. Mais aujourd’hui, grâce à la reconnaissance du Président de la Transition, on assiste à un retour progressif de ces valeurs. À nous, jeunes leaders, de poursuivre ce travail de valorisation ».

Le fossé technologique reste un obstacle majeur. « Les jeunes sont dans le numérique, les anciens dans la tradition orale. Il faut créer des espaces de dialogue modernes — radios communautaires, plateformes numériques, réseaux sociaux — pour faciliter la transmission. L’État doit soutenir ces initiatives ».

Les réseaux sociaux, selon lui, sont ambivalents : « Ils peuvent détruire comme renforcer le respect. Certains messages propagent le mépris, mais si on les utilise bien, ils peuvent promouvoir nos valeurs. C’est à nous de les transformer en instruments d’éducation »

Pour donner de la force à cette journée nationale, il appelle à un véritable programme annuel.

« Il faut que chaque 11 novembre soit marqué par des conférences, des sensibilisations, des distinctions et une forte participation des jeunes. Cela renforcerait le lien entre les légitimités traditionnelles et l’État ».

L’avenir, selon lui, repose sur une complémentarité assumée : « Il faut utiliser la technologie pour préserver la culture : créer des contenus numériques sur nos coutumes et nos langues. Avec l’appui de l’État et des collectivités, nous pouvons bâtir un Mali moderne, mais enraciné dans ses traditions ».

Une date symbolique, mais un chantier encore ouvert

Pour les acteurs traditionnels de Fadjiguila, la journée du 11 novembre représente bien plus qu’un hommage : elle est un appel à consolider la cohésion sociale par la reconnaissance, le dialogue et la transmission. La parole des anciens, la médiation locale et l’engagement des jeunes dessinent une même ambition celle de construire un Mali où tradition et modernité se renforcent au lieu de s’opposer.

France : trafic de déchets vers l’Afrique

Le tribunal correctionnel du Havre a rendu son jugement le 13 novembre 2025 dans une affaire d’exportation illégale de déchets dangereux. Cette procédure met en évidence l’ampleur des flux de matériels usagés à destination de l’Afrique de l’Ouest, en particulier du Mali, où les capacités de contrôle et de traitement sont très limitées.

Le justice française a condamné sept prévenus et deux sociétés impliqués dans un système d’exportation de déchets dangereux depuis le port du Havre. Les cargaisons, déclarées sous de faux motifs, contenaient des pièces automobiles non dépolluées, des réfrigérateurs hors d’usage, des batteries usées et divers appareils électroménagers irrécupérables. Elles prenaient la direction du Mali, de la Côte d’Ivoire ou du Nigeria. Les douanes avaient intercepté près de cinquante tonnes de vieux réfrigérateurs, compresseurs et batteries lors des contrôles. Entre 2023 et 2025, environ 1 300 tonnes de déchets dangereux ont été bloquées avant leur expédition vers l’Afrique et l’Asie.

L’enquête a mis au jour un système organisé reposant sur des factures falsifiées de dépollution destinées à faire passer des pièces automobiles encore chargées en huiles usagées et fluides toxiques pour des éléments traités. Pour l’électroménager, l’une des sociétés déclarait les conteneurs comme des « effets personnels », une pratique déjà documentée par Europol et Interpol dans d’autres dossiers similaires. Ces méthodes témoignent des difficultés persistantes à distinguer les équipements d’occasion encore utilisables des déchets destinés au recyclage, alors même que les ports européens constituent l’un des premiers maillons du contrôle.

Au Mali, destination régulière de ces flux, les institutions internationales dressent un constat préoccupant. Selon le Global E-Waste Monitor 2024, le pays ne recycle formellement moins de 1 % de ses déchets électroniques. Plus de 95 % du traitement se déroule dans l’informel, principalement à Bamako, où adultes et adolescents démontent les appareils sans protection. Les équipements classés comme « seconde main » arrivent fréquemment en réalité en fin de vie, et le Mali ne dispose d’aucune installation publique de dépollution pour absorber ces volumes. Les substances manipulées – plomb, mercure, huiles usées, retardateurs de flamme – figurent parmi les plus dangereuses identifiées par l’Organisation mondiale de la santé.

La situation est aggravée par la structure du parc automobile. L’ONU-Environnement souligne que plus de 60 % des véhicules ajoutés chaque année en Afrique de l’Ouest proviennent d’importations d’occasion, une proportion qui atteint parfois 90 % dans plusieurs pays de la région. Pays enclavé, le Mali dépend entièrement des ports voisins pour ses approvisionnements et suit la même dynamique. Une part importante des véhicules qui y sont introduits arrive en fin de cycle, générant un flux continu de batteries usées, pièces non dépolluées et huiles moteur difficilement gérables par les structures locales.

Ces flux sont pourtant théoriquement interdits. Le Mali est signataire de la Convention de Bamako, adoptée le 30 janvier 1991 et entrée en vigueur le 22 avril 1998, qui proscrit l’importation de déchets dangereux sur le continent africain. Mais le manque de moyens de contrôle aux frontières et l’arrivée de conteneurs accompagnés de documents falsifiés rendent l’application de cette convention particulièrement complexe. Les interceptions menées au Havre montrent que la lutte la plus efficace contre ces trafics se joue souvent dès les ports d’origine, bien avant que les cargaisons n’atteignent les États destinataires.

La décision du 13 novembre 2025 ne met pas fin au phénomène, mais elle rappelle la responsabilité des pays exportateurs dans la prévention de ces trafics et souligne la vulnérabilité des États destinataires. Sans infrastructures adaptées, ni véritables capacités de dépollution, le Mali continuera de recevoir des flux de matériels dont le traitement dépasse largement ses ressources, exposant la population aux risques sanitaires et environnementaux d’un commerce international dont le coût réel reste largement occulté.

Justice : la rentrée judiciaire centrée sur les finances publiques

La cérémonie solennelle de la rentrée judiciaire s’est tenue jeudi à Bamako autour d’un thème consacré au contrôle juridictionnel des finances publiques. Elle a marqué l’ouverture officielle de l’année judiciaire 2025-2026 et a rappelé le rôle central des institutions chargées de veiller à la régularité de la gestion publique.

La séance s’est déroulée sur le thème « Le contrôle juridictionnel des finances publiques : facteur de bonne gouvernance », présenté comme un axe de réflexion scientifique pour la famille judiciaire. Selon les informations communiquées en Conseil des ministres, cette orientation s’appuie sur des travaux de recherche consacrés à la mission des juridictions financières dans le suivi des ressources de l’État. La cérémonie a ouvert l’année judiciaire conformément aux dispositions de la loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement et la procédure devant la Cour suprême.

Cette rentrée intervient dans un contexte institutionnel marqué par la création de la Cour des comptes, chargée d’assurer un contrôle renforcé de l’usage des deniers publics. Cette nouvelle institution vise à améliorer la transparence, la discipline budgétaire et la crédibilité du système de gestion publique. Le choix du thème s’inscrit dans cette dynamique en mettant en avant les instruments juridiques destinés à garantir la rigueur financière et la régularité comptable.

La cérémonie a aussi rappelé le rôle des Cours et Tribunaux dans la consolidation de l’État de droit, notamment à travers la prévention des irrégularités, l’examen des comptes et la sanction des fautes de gestion lorsque les textes le prévoient. La rentrée judiciaire demeure un rendez-vous majeur du calendrier institutionnel et marque le lancement officiel de l’année 2025-2026 pour l’ensemble des juridictions.

Finances publiques : l’État arrête ses comptes définitifs pour l’exercice 2024

La loi de règlement 2024 présente des recettes supérieures aux prévisions et une exécution des dépenses inférieure au plafond voté. Ce texte clôture officiellement la gestion budgétaire de l’année écoulée.

Le Conseil des ministres du 12 novembre a adopté la loi portant règlement définitif du budget de l’État pour l’exercice 2024. Selon les chiffres communiqués, les recettes prévues à 2 387,871 milliards FCFA ont finalement atteint 2 642,542 milliards FCFA, soit 110,67 % de réalisation. Les dépenses, arrêtées à 3 138,642 milliards FCFA, ont été exécutées à 2 844,422 milliards FCFA, correspondant à 90,63 % d’exécution.
La loi de règlement, prévue par la législation financière, permet de constater les encaissements et les ordonnancements effectifs, de régulariser les ouvertures de crédits et les dépassements justifiés, et d’annuler les montants non consommés. Elle arrête également les comptes et les états financiers de l’État, tout en rendant compte de la gestion de la trésorerie et du tableau de financement.
L’adoption de ce texte intervient à la fin d’une année marquée par de fortes contraintes économiques et logistiques, notamment en matière d’approvisionnement en carburant, qui ont affecté plusieurs secteurs d’activité. Le règlement définitif permet désormais de disposer d’une situation arrêtée des finances publiques pour 2024 et de mesurer l’exécution réelle des programmes budgétaires inscrits.
Par cette adoption, le gouvernement transmet un état complet et consolidé des comptes de l’État pour l’exercice 2024, conformément aux obligations prévues pour les lois de finances.

Légitimités Traditionnelles : Une œuvre inachevée pour la paix

Cette année, la Journée nationale des légitimités traditionnelles, célébrée chaque 11 novembre depuis son instauration par décret en 2022, est passée presque inaperçue, malgré sa promesse de renforcer le rôle des autorités traditionnelles dans la réconciliation nationale. Si cette reconnaissance symbolique est un pas en avant, elle demeure insuffisante face à la réalité du terrain, où leur autorité reste souvent marginalisée.

Les légitimités traditionnelles maliennes, bien que célébrées et reconnues par l’État, n’ont toujours pas un cadre juridique et fonctionnel solide dans la gestion de la paix et de la réconciliation. Leur contribution est déterminante mais leur capacité à agir efficacement demeure encore limitée. Cette réalité a été soulevée par plusieurs acteurs de terrain, qui estiment que malgré le décret de 2022 leur rôle est encore insuffisamment valorisé.

Si la Journée nationale des légitimités traditionnelles, instaurée par décret en 2022 et célébrée chaque 11 novembre, marque un tournant symbolique, elle souffre cependant d’une insuffisance d’explications sur son objectif concret. Selon Mohamed Ben Chérif Diabaté, expert en gouvernance traditionnelle, cette initiative aurait gagné en légitimité si elle avait été accompagnée d’une sensibilisation plus approfondie des populations. La diversité culturelle et régionale du Mali nécessite en effet une approche plus inclusive et plus explicite pour garantir son efficacité. De plus, il rappelle que cette reconnaissance ne suffit pas à restaurer l’autorité réelle des légitimités traditionnelles, souvent fragilisées par un manque de ressources et un rôle réduit à celui de simples relais administratifs.

Cadre flou

Les textes législatifs tels que l’article 179 de la Constitution de 2023 et la Charte nationale pour la paix de 2025 évoquent leur reconnaissance, mais aucun cadre juridique précis ne leur confère un pouvoir réel dans la gouvernance ou la résolution des tensions locales. L’Accord d’Alger de 2015, qui les avait intégrées dans le processus de médiation, a perdu de son efficacité en janvier 2024, laissant place à une incertitude croissante quant à leur rôle dans les mécanismes de paix.

Les légitimités traditionnelles occupent une place stratégique dans la société malienne, mais leur rôle reste flou faute de cadre juridique solide. Leur autorité, bien que reconnue par l’État, est souvent éclipsée par l’absence de moyens adaptés pour agir. Les chefs traditionnels, qui exercent un pouvoir informel mais essentiel dans les communautés rurales, sont souvent réduits à des rôles administratifs de peu d’envergure. Ils sont pourtant vus par la population comme un « fusible » permettant de prévenir l’explosion de tensions sociales. Comme l’explique Mohamed Ben Chérif Diabaté, ces autorités représentent un espoir pour la population malienne, qui les consulte fréquemment pour résoudre les conflits avant qu’ils ne dégénèrent. Le président du Conseil Supérieur des Imiticha, El Hassan Ag Elmehdi, souligne que les légitimités traditionnelles, bien que profondément ancrées dans l’histoire du Mali, ont été marginalisées par les politiques de centralisation, ce qui a affaibli leur autorité dans les processus de médiation.

Exemples réussis sous d’autres cieux

Les exemples d’autres pays africains montrent que les légitimités traditionnelles peuvent être un atout pour la paix et la réconciliation, à condition qu’elles soient intégrées dans un cadre juridique formel. En Afrique du Sud, la Constitution de 1996 a accordé un rôle aux chefs traditionnels, leur permettant de participer aux décisions concernant les terres et les affaires communautaires. De même, au Ghana, les Houses of Chiefs jouent un rôle crucial dans les négociations de paix. Ces exemples montrent qu’un cadre légal clair et un soutien constant permettent à ces autorités de jouer un rôle central dans la gouvernance et la réconciliation.

Malgré leur rôle fondamental, la légitimité de ces autorités est contestée, notamment dans un contexte où les jeunes générations semblent se détourner des valeurs traditionnelles au profit de modèles plus modernes. L’évolution rapide de la société malienne et les influences extérieures, notamment numériques, ont créé un fossé entre les générations. Le Chef de quartier de Fadjiguila à Bamako, Abdou Diarra, souligne cependant que de nombreux jeunes reviennent vers leurs racines lorsque l’État reconnaît et soutient l’importance de la tradition. Cette évolution pourrait offrir un terrain fertile pour restaurer le lien intergénérationnel et renforcer la place des autorités traditionnelles. Abdou Diarra insiste sur le fait que la reconnaissance des légitimités traditionnelles doit être accompagnée de mesures concrètes, comme la mise à disposition de moyens matériels et logistiques pour qu’elles puissent remplir efficacement leur rôle de médiation.

Modernité et tradition

El Hassan Ag Elmehdi, Président du Conseil Supérieur des Imiticha, abonde dans ce sens en rappelant que les légitimités traditionnelles sont plus anciennes que les États modernes et ont toujours joué un rôle important dans la gestion des conflits. Cependant, leur autorité a été affaiblie par des politiques de centralisation, qui ont marginalisé ces leaders, les transformant souvent en simples relais de l’administration centrale. Pour qu’elles jouent leur rôle historique dans la médiation et la réconciliation, Ag Elmehdi appelle à une revalorisation de leur fonction à travers des réformes administratives et politiques. Il souligne également la nécessité de leur donner des moyens d’action et de leur conférer un véritable pouvoir d’intervention.

Les chefs traditionnels, comme l’Imam Salia Sanogo, Conseiller du Chef de quartier de Fadjiguila, mettent également l’accent sur l’importance du dialogue dans la résolution des conflits. Selon lui, leur rôle de médiateur est essentiel dans la restauration de la paix, surtout au niveau local. L’Imam note que la reconnaissance des légitimités traditionnelles par l’État et la mise en place d’espaces de dialogue intergénérationnels sont des éléments cruciaux pour garantir la stabilité sociale et le respect des coutumes. Dans ce contexte, la création de cadres de concertation nationale, comme le propose Mohamed Ben Chérif Diabaté, apparaît comme une solution potentielle pour renforcer leur efficacité et leur intégration dans les mécanismes de gouvernance.

N’tji Diarra, Conseiller communal de la Jeunesse en Commune I, souligne quant à lui l’importance de redonner de la place aux légitimités traditionnelles, en particulier dans un contexte où les structures modernes ont marginalisé ces autorités. Il note que la reconnaissance du Président de la Transition a permis un retour progressif des valeurs traditionnelles dans le débat public, mais qu’il est nécessaire d’aller plus loin. Pour cela, N’tji Diarra plaide pour l’utilisation des espaces de dialogue modernes, tels que les radios communautaires, les plateformes numériques et les réseaux sociaux, afin de mieux transmettre les valeurs traditionnelles et de renforcer la transmission intergénérationnelle. L’État, selon lui, doit appuyer ces initiatives pour faciliter ce retour aux racines culturelles.

Défis persistants

La réconciliation entre les générations et la réhabilitation du rôle des légitimités traditionnelles passent également par la formation continue de ces leaders. Comme le souligne M. Diabaté, la formation en médiation, gestion des conflits et cohésion sociale est indispensable pour que ces autorités puissent exercer pleinement leur rôle de réconciliation. De son côté, M. Ag Elmehdi va plus loin en proposant l’instauration d’un cadre juridique pour coordonner l’action des légitimités traditionnelles, pour leur permettre ainsi de mieux structurer leurs interventions et de participer activement aux processus de gouvernance et de réconciliation nationale.

Les légitimités traditionnelles, malgré leur statut symbolique, ont un rôle clé à jouer dans la paix et la réconciliation au Mali. Toutefois, leur pleine reconnaissance passe par une révision du cadre juridique qui les encadre et par un soutien institutionnel renforcé. Si l’État souhaite véritablement capitaliser sur le potentiel des chefs traditionnels pour renforcer la cohésion sociale et restaurer la confiance entre les communautés, il est impératif de leur fournir les moyens nécessaires pour tenir ce rôle central. En l’absence de ces ajustements, leur influence restera limitée à des fonctions administratives et la réconciliation sociale, pourtant indispensable à la paix, sera inachevée.

Massiré Diop

BAMEX 2025 : Un renforcement stratégique de la coopération militaire au Mali

Le Salon BAMEX 2025, qui se déroule à Bamako du 11 au 14 novembre, marque la première édition de cet événement consacré à la défense et à la sécurité. Dans un contexte de réorientation des partenariats militaires, le Mali renforce ses liens avec des puissances telles que la Turquie, la Russie, la Chine et l’Iran, pour sécuriser sa souveraineté face aux menaces croissantes dans la région.

Ce salon, qui se déroule en deux phases, a débuté par une exposition au Parc d’Exposition de Bamako et se poursuit avec des démonstrations pratiques au Centre Boubacar Sada Sy de Koulikoro. Il offre ainsi une occasion unique de découvrir des équipements de pointe, présentés par plus de 30 entreprises internationales, principalement turques, mais aussi russes et chinoises. Parmi les principaux exposants, des entreprises de renom telles que ASELSAN, Baykar, Roketsan, MKE, et STM Savunma ont dévoilé leurs dernières innovations en matière de défense. Les équipements présentés comprennent des drones de combat, des systèmes de défense aérienne, des armes lourdes, ainsi que des technologies spatiales et satellitaires.
La Turquie, invitée d’honneur de cette première édition, a particulièrement marqué les esprits avec la présentation de ses drones Bayraktar TB2 et AKINCI, des plateformes reconnues pour leur efficacité dans la lutte contre le terrorisme. Le Premier ministre malien, dans son discours d’ouverture, a salué la contribution de la Turquie à la sécurité de la région, soulignant le rôle clé d’Ankara dans l’exportation d’équipements militaires et dans la coopération militaire avec les pays africains. Il a également mis en avant l’importance de ce partenariat stratégique, qui ne repose pas seulement sur des livraisons d’armement, mais sur des modèles de coopération industrielle et de cofinancement, en opposition aux traditionnelles aides militaires extérieures.
La coopération entre le Mali et la Turquie ne se limite pas aux échanges d’équipements. En effet, des discussions ont eu lieu pour renforcer les capacités de formation des forces armées maliennes, dans le but de créer une défense autonome et plus efficace face aux groupes terroristes qui sévissent dans le Sahel. Ces formations concernent non seulement les aspects militaires, mais aussi la gestion des ressources de défense, un domaine clé pour assurer une sécurité à long terme.
Le salon a également permis de renforcer la position de la Russie et de la Chine dans les affaires sécuritaires du Mali. Ces deux puissances, qui ont récemment intensifié leurs engagements militaires en Afrique, ont présenté leurs systèmes d’armement, allant des systèmes de communication militaires aux véhicules blindés et hélicoptères de combat. Ces nouvelles collaborations sont devenues cruciales pour le Mali, qui cherche à diversifier ses sources de soutien pour répondre aux défis sécuritaires croissants, notamment face à la montée en puissance des groupes terroristes dans la région.
Au-delà de l’aspect matériel, BAMEX 2025 a permis de poser les bases de futures collaborations en matière de sécurité, avec des discussions sur des accords de coopération à long terme, notamment sur la formation des forces de sécurité, la fourniture d’équipements de haute technologie et l’intensification des échanges entre les industries de défense des pays participants. Plus de 50 pays ont été invités à participer, ce qui témoigne de l’ampleur internationale de l’événement et des ambitions du Mali de jouer un rôle clé dans la sécurité régionale.
Ce salon est bien plus qu’un simple événement d’exposition. Il représente un moment stratégique dans la politique de défense du Mali, un pays qui, après avoir longtemps été dépendant des anciennes puissances coloniales, se tourne désormais vers des partenariats plus autonomes. Cette évolution s’inscrit dans une dynamique plus large de renforcement de la souveraineté des États africains, qui cherchent à bâtir des architectures de sécurité régionales solides, capables de répondre aux défis contemporains tels que le terrorisme, la criminalité transnationale et l’instabilité politique.
Avec des événements comme BAMEX 2025, le Mali se positionne comme un acteur clé dans la construction d’un avenir sécuritaire pour l’Afrique. La coopération avec la Turquie, la Russie et la Chine redéfinit les relations géopolitiques du pays, avec l’objectif de renforcer son indépendance stratégique tout en soutenant la stabilité régionale. Ce salon, en réunissant des acteurs majeurs, favorise la création de partenariats solides et durables, essentiels pour la sécurité du Sahel et au-delà.

Kayes : enlèvement de cinq techniciens indiens sur un chantier d’électrification 

Cinq techniciens indiens ont été enlevés le 6 novembre dans la zone de Kobri, à une cinquantaine de kilomètres de Kayes, alors qu’ils se rendaient sur un site d’intervention dans le cadre d’un projet d’électrification rurale.

L’incident intervient dans une région où les mouvements de travailleurs étrangers font déjà l’objet de restrictions et de dispositifs de sécurité renforcés en raison d’attaques répétées contre les chantiers et les convois techniques.
Selon plusieurs sources locales, le véhicule transportant les techniciens a été intercepté sur un axe secondaire reliant Kayes à Bafoulabé, un itinéraire où les mouvements sont désormais régulièrement ciblés. Les autres membres du personnel présents dans la zone ont été regroupés puis transférés vers Bamako dans le cadre des procédures de sécurisation mises en place par l’entreprise en charge du projet. Les autorités locales n’ont pas donné de détails sur la progression des recherches, mais les premières évaluations s’orientent vers des groupes affiliés au JNIM, dont les unités opèrent dans les secteurs boisés et les zones de piste entre Diéma, Kayes et Kita.
Cet enlèvement s’ajoute à celui survenu le 1ᵉʳ juillet dans la même région, lorsque trois ressortissants indiens employés par Diamond Cement Mali avaient été capturés lors d’une incursion autour de l’usine située près de Bafoulabé. Les techniciens enlevés étaient alors identifiés comme P. Venkataraman, originaire de Ganjam dans l’Odhisha, Prakash Chandra Joshi, 61 ans, de Jaipur au Rajasthan, et Kurakula Amaralingeswara Rao, du Telangana. Leur capture avait conduit à l’arrêt temporaire de certaines unités de production et à la réorganisation des équipes présentes sur site, avec un renforcement des escortes et des mesures de déplacement à horaires restreints.
Au cours de la même année, des travailleurs chinois d’un complexe agro-industriel sucrier dans la région de Ségou avaient également été enlevés lors d’une attaque visant directement les installations du site. Depuis, plusieurs entreprises étrangères présentes dans l’énergie, la cimenterie ou l’agro-transformation ont revu leurs plans opérationnels, passant de déplacements routiniers non escortés à des schémas de mobilité sous coordination sécuritaire, avec des horaires réduits et des regroupements de personnel dans des zones considérées comme plus contrôlées.
Une évolution se dessine dans les cibles visées. La quasi-absence de cadres occidentaux sur les sites industriels depuis 2023 a déplacé les stratégies d’enlèvement vers les équipes venues d’Inde, de Chine ou d’autres pays engagés dans des projets techniques. Dans certaines opérations recensées plus au nord du Sahel, des ressortissants émiratis travaillant sur des chantiers d’ingénierie ont également été visés, signe d’une adaptation continue du ciblage vers les professionnels indispensables au fonctionnement de secteurs clefs comme l’électricité, la production de matériaux ou la maintenance industrielle.
La région de Kayes demeure par ailleurs affectée par des contraintes logistiques durables. Un couvre-feu local est en vigueur depuis juillet, tandis que des ruptures intermittentes d’approvisionnement en carburant perturbent les déplacements, l’acheminement des équipements et la continuité des chantiers. Ces éléments limitent la marge d’action des équipes sur le terrain et compliquent les réponses d’urgence en cas d’incident.
Pour l’heure, aucune revendication n’a été enregistrée. Les procédures de coordination entre les autorités maliennes, l’ambassade de l’Inde et les sociétés concernées sont activées. Les discussions portent à la fois sur la localisation des otages et sur les ajustements nécessaires à la sécurisation des travaux industriels dans l’ouest du pays.

L’Union africaine appelle à une réponse urgente à la crise au Mali

Face aux attaques récurrentes et aux blocages qui perturbent l’accès aux biens essentiels, l’Union africaine exprime son inquiétude et appelle à une mobilisation internationale coordonnée. Le contexte sécuritaire demeure sous fortes tensions dans plusieurs régions du pays.

Depuis Addis-Abeba, le Président de la Commission de l’Union africaine, Mahmoud Ali Youssouf, a fait part le 9 novembre de sa préoccupation concernant l’aggravation de la situation au Mali, marquée par des blocus imposés dans certaines zones, la perturbation des approvisionnements et une pression croissante sur les civils. L’organisation souligne que ces attaques visent directement les populations et affectent l’accès aux produits essentiels, aggravant une crise humanitaire déjà fragile.
L’Union africaine condamne également les récents enlèvements, dont celui de trois ressortissants égyptiens, survenus dans un contexte où plusieurs travailleurs étrangers ont été ciblés depuis le début de l’année. Elle demande leur libération immédiate, rappelant que ces actes constituent des violations graves du droit international humanitaire.
Dans son communiqué, la Commission appelle les partenaires régionaux et internationaux à renforcer leur coordination, notamment à travers le partage de renseignements et le soutien aux dispositifs de sécurité déjà existants. Le rappel fait référence à la résolution adoptée lors de la réunion ministérielle du Conseil Paix et Sécurité du 30 septembre 2025, qui prévoyait une assistance accrue aux pays du Sahel.
L’Union africaine réaffirme enfin sa disponibilité à accompagner les autorités maliennes et les États voisins dans leurs efforts de stabilisation, estimant que la lutte contre les groupes armés nécessite à la fois des moyens sécuritaires et un appui durable aux populations affectées.

Tombouctou : exécution publique de la créatrice de contenus Mariam Cissé à Tonka

Mariam Cissé, créatrice de contenus originaire de Tonka, a été enlevée le jeudi 6 novembre 2025 à la foire d’Echel, dans le cercle de Goundam, avant d’être exécutée publiquement le vendredi 7 novembre. Les faits se sont déroulés dans une zone où des groupes armés affiliés au JNIM exercent un contrôle territorial et social constant.

Mariam Cissé a été capturée le jeudi 6 novembre 2025 à la foire d’Echel, un marché hebdomadaire situé à environ vingt kilomètres au nord-ouest de Tonka, dans le cercle de Goundam, région de Tombouctou. Elle y participait aux activités commerciales lorsqu’un groupe d’hommes armés l’a contrainte à les suivre. Le vendredi 7 novembre, elle a été exécutée publiquement dans une localité sous l’influence directe des groupes armés opérant dans la zone, en présence d’habitants rassemblés.

Tonka est située à environ 38 kilomètres de Goundam et à un peu plus de 120 kilomètres au sud-ouest de la ville de Tombouctou. Depuis plusieurs mois, la zone est placée sous l’autorité effective de combattants affiliés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM). Ces groupes y organisent des patrouilles, contrôlent les axes et encadrent les marchés, les déplacements inter-villageois ainsi que certaines pratiques sociales.

Dans les jours ayant précédé son enlèvement, une vidéo montrant la présence d’hommes armés avait circulé localement après avoir été filmée par Mariam Cissé dans un contexte non précisé. Ce contenu, largement relayé dans la région, a été présenté par plusieurs habitants comme l’élément ayant attiré l’attention des groupes armés sur son activité. Ces informations circulent dans les échanges communautaires depuis l’annonce de sa mort et n’ont pas fait l’objet d’un communiqué officiel.

Mariam Cissé était suivie pour ses vidéos mêlant humour, témoignages du quotidien et promotion culturelle de Tonka. Sa présence en ligne lui avait valu une audience importante parmi la jeunesse de la région de Tombouctou et dans la diaspora. Son exécution a suscité une profonde émotion sur les réseaux sociaux et dans les localités du cercle de Goundam, où elle était largement reconnue.

Les proches de la jeune femme et les relais communautaires de Tonka organisent les rites funéraires selon les usages locaux. Les autorités administratives et sécuritaires n’avaient pas publié de communication publique au moment de la rédaction de cet article.

Moctar Ousmane Sy : « Sécuriser les corridors ne signifie pas forcément déployer davantage de troupes »

Acteur de la société civile, Moctar Ousmane Sy propose depuis un certain temps des analyses sur la crise du carburant et ses répercussions sur la vie quotidienne. Dans cet entretien, il avance des solutions à court terme fondées sur la coordination des acteurs et la sécurisation des axes d’approvisionnement. Propos recueillis par Massiré Diop.

Comment renforcer la sécurité des corridors sans alourdir la charge de l’armée, déjà mobilisée ailleurs ?

Sécuriser les corridors ne signifie pas forcément déployer davantage de troupes. Il s’agit aussi de reconnaître les efforts déjà fournis et de sécuriser les axes prioritaires de manière ciblée. Cela passe par une meilleure coordination des forces engagées, par la circulation de l’information au niveau local et par l’identification des zones les plus exposées. Le but n’est pas d’ajouter de la pression à une armée déjà mobilisée sur plusieurs fronts, mais de rendre plus efficaces les dispositifs existants. L’essentiel est de renforcer les dispositifs existants sur les axes prioritaires sans créer de pression supplémentaire sur les unités déjà engagées ailleurs. Il s’agit d’optimiser les ressources, pas de les disperser.

Quelles alternatives le Mali peut-il envisager face à sa dépendance aux ports d’Abidjan et de Dakar ?

Diversifier les itinéraires et les points de stockage est une piste importante. La dépendance à un seul axe ou à un seul port fragilise l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Si des voies alternatives sont identifiées et rendues opérationnelles, même de manière progressive, cela peut réduire les risques de rupture. Ce processus de diversification ne peut se faire que progressivement. Cette diversification est une question de stratégie logistique.

Dispose-t-on réellement des moyens pour créer de vraies réserves stratégiques de carburant ?

Renforcer les réserves stratégiques est une nécessité pour faire face aux périodes de tension. Cela demande une planification et une anticipation. Même si les ressources sont limitées, la construction progressive de capacités de stockage est possible si elle s’inscrit dans une logique d’État, avec des objectifs clairs et un suivi régulier.

Comment impliquer concrètement les transporteurs et les autorités locales dans la gestion de cette crise ?

Il faut associer de manière active les transporteurs, les autorités locales et les acteurs du secteur. Ils sont au cœur du terrain, ils connaissent les routes, les risques et les réalités quotidiennes. Le dialogue avec toutes les parties prenantes, y compris dans les zones affectées, peut faciliter le passage des convois et réduire les risques d’incidents. La coordination est la clé.

Crise énergétique : Le Mali replonge dans le noir

Après quelques mois d’amélioration dans la fourniture d’électricité, les coupures intempestives reviennent en force à Bamako et dans les régions, paralysant l’économie du pays.

Depuis le début du mois de septembre, la fourniture d’électricité au Mali s’est brutalement dégradée. Les longues heures d’obscurité, qui rappellent les pires moments de 2023 et 2024, sont de retour.

À Bamako, les habitants n’ont désormais droit qu’à quelques heures d’électricité par jour. Dans le quartier de Niamakoro, en Commune VI du District de Bamako, les foyers passent la plupart de leurs soirées à la lueur de lampes rechargeables.

Fatoumata Keïta raconte : « depuis septembre, on dirait qu’on est revenu en arrière. Avant, on avait au moins douze heures de courant par jour. Aujourd’hui, c’est seulement six. Quand l’électricité revient, c’est un ouf de soulagement, mais elle ne dure pas ».

Même scénario dans la plupart des quartiers de la capitale, avec des coupures continues d’environ douze heures désormais devenues la norme.

Les régions à l’agonie

Dans les régions, la situation est encore plus dramatique. « Avant le mois de septembre, on avait seize heures d’électricité par jour. Aujourd’hui, c’est quatre heures tout au plus. Et, depuis deux semaines, les groupes de la centrale sont éteints, faute de carburant. Nous vivons dans le noir total », témoigne un habitant de Douentza.

À Ansongo, où les habitants bénéficiaient encore de seize heures d’électricité quotidiennes jusqu’à fin octobre, la ville est de nouveau plongée dans l’obscurité depuis début novembre, en raison d’un manque de gasoil dans la centrale locale d’Énergie du Mali (EDM-SA).

Dans d’autres localités, comme Mopti, les délestages atteignent parfois vingt heures d’affilée. Ségou, pour sa part, s’en sort un peu mieux. Selon des informations recueillies sur place, la ville continue de bénéficier d’environ six heures d’électricité par jour, tout comme Bamako.

Le système électrique malien repose encore en grande partie sur des centrales thermiques alimentées en gasoil et en fuel, ce qui rend l’approvisionnement énergétique très dépendant de l’importation d’hydrocarbures et du fonctionnement continu des corridors routiers.

À Kayes, la situation diffère légèrement de celle observée dans d’autres régions. Plusieurs habitants et transporteurs interrogés indiquent que la ville connaît moins de ruptures d’approvisionnement en carburant et des coupures d’électricité moins fréquentes que Bamako ou Mopti. Cette situation serait liée au fait que Kayes constitue le premier grand point de stockage sur le corridor Dakar – Bamako et que certains convois hésitent désormais à poursuivre leur route au-delà, en raison des risques d’attaques sur l’axe menant vers l’intérieur du pays.

Sans confirmation officielle à ce stade, cette perception locale illustre néanmoins l’impact direct de l’insécurité sur la circulation des produits énergétiques.

Le choc pour les « petits » métiers

À Bamako, la crise énergétique a profondément transformé le quotidien des artisans et des petites entreprises. Les ateliers tournent au ralenti, les machines restent muettes et les pertes économiques s’accumulent.

Chez les boulangers, la situation est critique. « Avant, on faisait trois fournées par jour, aujourd’hui à peine une seule », se désole Abdoulaye Keïta, propriétaire d’une petite boulangerie à Faso Kanu. « On a un groupe, mais il ne tourne plus régulièrement, parce que se procurer du gasoil est devenu très difficile », poursuit-il, désabusé.

Même impasse du côté des soudeurs. À Sogoniko, dans un atelier poussiéreux, les travailleurs sont assis devant leurs postes éteints. Moussa Diarra, la quarantaine, confie : « depuis près de deux semaines, on ne travaille presque plus. La soudure dépend du courant et le groupe est en panne. Avant, je pouvais gagner 10 000 à 15 000 francs CFA par jour. Aujourd’hui, c’est à peine la moitié. »

Le constat est identique chez les tailleurs. Issa Samaké, couturier aux Halles de Bamako, peste contre la situation : « les clients viennent avec des habits à confectionner, mais sans courant comment faire ? Les machines à coudre électriques sont à l’arrêt pendant des heures. On fait ce qu’on peut à la main, mais ce n’est pas rentable. »

Dans le secteur du froid, les pertes sont tout aussi considérables. Adama Coulibaly, vendeur de poissons et de poulets congelés à Faladié, montre ses congélateurs dégivrés. « Mes produits pourrissent sans électricité. J’ai perdu beaucoup d’argent ces derniers temps. Même alimenter le groupe électrogène est devenu difficile », se plaint-il.

Mariam Doumbia, propriétaire d’une crèmerie à Sogoniko, vit pratiquement la même situation : « mes congélateurs tournent au ralenti et une grande partie des glaces fond. Les clients se plaignent, certains vont ailleurs. »

Un impact économique dévastateur

En plus des petits métiers du secteur informel, les PME et PMI sont les premières à encaisser le choc. Selon des économistes, les coupures actuelles entraînent d’importantes pertes.

« La crise énergétique a un impact direct sur les revenus des PME-PMI et cela va se prolonger sur l’employabilité au Mali. Des études récentes ont montré que nombre d’entreprises sont à la porte de la fermeture ou ont mis une partie de leurs employés en chômage technique », souligne Dr Abdoulaye N’Tigui Konaré, économiste.

Il explique que même les entreprises ayant investi dans des groupes électrogènes ou des panneaux solaires ne sont plus aussi rentables qu’avant, le coût du thermique étant devenu exorbitant.

Des organisations professionnelles, dont la CNPM et la CCIM, alertent sur les délestages prolongés qui fragilisent fortement les petites et moyennes entreprises, entraînant pertes financières, ralentissement de la production et risque accru de fermeture ou de chômage technique.

Restructuration et diversification énergétique

Depuis le déclenchement de la crise énergétique, en 2022, le gouvernement a multiplié les mesures pour tenter de stabiliser l’approvisionnement en électricité. En décembre 2023, une décision importante a été prise : la réduction du nombre de fournisseurs de carburant d’EDM-SA, jugé trop élevé et source de retards dans les livraisons. Cette rationalisation visait à sécuriser davantage l’approvisionnement en fuel, à réduire les coûts et à limiter les interruptions dans les centrales thermiques.

En mars 2024, une convention a été signée entre la Société nigérienne du pétrole (SONIDEP) et l’Office malien des Produits Pétroliers (OMAP) pour la livraison de gasoil en provenance du Niger, ouvrant une nouvelle route d’approvisionnement. Parallèlement, la Russie a livré environ 20 millions de litres de gasoil, un appui ponctuel destiné à atténuer la pression sur les stocks.

Dans le même temps, la viabilité financière d’EDM-SA est restée un défi central. Le 7 mars 2024, une convention de restructuration de la dette bancaire de l’entreprise, évaluée à près de 300 milliards de francs CFA, a été conclue avec plusieurs banques. Elle prévoyait un étalement des remboursements sur dix ans, dont une année de différé, afin de renforcer la trésorerie de la société et de lui permettre de maintenir un minimum d’exploitation. Cette mesure s’inscrivait dans un plan de redressement plus global visant la maîtrise des coûts, l’amélioration du recouvrement et l’optimisation de la gouvernance.

Le pari du solaire et les mesures d’urgence

Sur le plan structurel, le gouvernement a lancé, entre fin mai et début juin 2024, la construction de centrales solaires à Safo (100 MW), Sanankoroba (200 MW) et Tiakadougou – Dialakoro (100 MW). L’objectif affiché est de réduire la dépendance au thermique et d’augmenter progressivement la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national.

En parallèle, en juin 2024, le Président de la Transition a remis 25 groupes électrogènes à EDM-SA pour atténuer les délestages et assurer un soutien temporaire aux réseaux urbains et régionaux, en attendant la mise en service des installations solaires.

En février 2025, le gouvernement a instauré un Fonds d’appui aux infrastructures de base et au développement social. Le 14 juillet, 24 milliards de francs CFA sur les 34 milliards mobilisés ont été alloués à EDM-SA pour garantir l’achat de carburant et stabiliser l’exploitation des centrales. Il était également prévu dans les mois suivants la livraison de 160 000 à 200 000 tonnes d’hydrocarbures importés de Russie afin de sécuriser l’approvisionnement.

Ces efforts témoignent d’une volonté de rompre avec la dépendance au fuel importé, mais la crise actuelle montre les limites du système. Entre centrales thermiques à l’arrêt faute de carburant et projets solaires encore en phase de construction, le pays est confronté à une équation énergétique qui pèse sur l’ensemble de l’économie.

Mohamed Kenouvi

Chauffeurs routiers : retour au dialogue après la polémique

À la suite d’un reportage télévisé perçu comme mettant en cause les chauffeurs dans les difficultés d’approvisionnement en carburant, des tensions sont apparues au sein du secteur du transport routier. Le Premier ministre a reçu les syndicats ce jeudi 6 novembre 2025 pour apaiser le climat et clarifier les engagements de part et d’autre.

Depuis la mi-septembre, l’acheminement du carburant est perturbé par les attaques visant des convois de camions-citernes sur certains axes du pays, entraînant des retards et des difficultés d’approvisionnement dans plusieurs localités. Dans ce contexte, un reportage diffusé récemment sur la chaîne nationale a suscité la réaction des chauffeurs routiers, ces derniers estimant que la présentation des faits laissait entendre qu’ils porteraient une part de responsabilité dans la persistance de la pénurie. Plusieurs syndicats ont fait valoir que les conducteurs sont, au contraire, directement exposés aux risques liés aux trajets et supportent les contraintes de sécurité qui allongent les délais de livraison.
C’est dans ce climat que le Premier ministre, le Général de Division Abdoulaye Maïga, a reçu, le jeudi 6 novembre 2025, une délégation de la Coordination nationale des syndicats et associations des chauffeurs et conducteurs routiers. « Nous sommes prêts à tout donner. Nos ressources, notre énergie. Nous nous battrons corps et âme », a déclaré Marafa Touré, Secrétaire Général de la Coordination, rappelant la volonté des professionnels du secteur de poursuivre les livraisons malgré les difficultés rencontrées sur les corridors.
Au cours de cette rencontre, les chauffeurs ont formulé plusieurs demandes, parmi lesquelles l’application complète de la convention collective, la réduction des contraintes aux postes de contrôle et l’amélioration du système d’assurance maladie pour les conducteurs. Ils ont souligné la nécessité de conditions de travail adaptées aux risques encourus sur les axes d’approvisionnement.
Le Premier ministre a reconnu les efforts fournis par les chauffeurs depuis les attaques de mi-septembre et a salué leur rôle dans le maintien de la circulation des produits stratégiques. Il a assuré que les doléances seront examinées par les ministères concernés, avant d’appeler à l’unité et à la coopération pour assurer la continuité des approvisionnements.
La rencontre s’est tenue en présence des ministres en charge du Travail, du Transport, de l’Industrie et du Commerce, ainsi que du ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille.

Festival Nord du Mali : La 2ème édition révèle l’inestimable héritage septentrional

Après le succès de sa première édition, le Festival Nord du Mali revient pour la deuxième, transformant l’esplanade du Stade du 26 Mars à Bamako en un véritable carrefour culturel du 6 au 9 novembre 2025.

L’initiative, portée par Aboubacar Sako dit Plaisir, se positionne comme un événement d’envergure nationale entièrement dédié à la valorisation des cultures du Nord. Elle ambitionne de faire de Bamako le théâtre d’une richesse culturelle qui, comme le souligne son initiateur, « nous rassemble au-delà des différences ».

Le budget prévisionnel de cet événement, affiché à 50 806 850 francs CFA, est à la mesure de l’ambition affichée pour cette nouvelle édition, qui s’annonce « plus riche en rencontres, concerts, expositions, panels et moments de partage ».

La scène musicale accueillera une pléiade d’artistes emblématiques, symboles de la diversité et de la profondeur du répertoire du Nord. Le public aura l’occasion d’y retrouver de grands noms tels que Thialé Arby, Oumar Konaté, Kader Tarhanine, Afel Bocoum, ainsi que HB Ardo et Denis Almaloum. La présence du groupe Songhoï Blues et d’artistes comme Mc Flow et Abocar Madjou parachève cette affiche, promettant un panorama complet des sonorités qui font vibrer le Nord du Mali.

Au-delà de la musique, cette deuxième édition est marquée par des innovations majeures, ancrées dans la volonté d’honorer l’histoire et l’identité du Nord. L’une des plus marquantes est la reproduction en grande taille du monument Alfarouk de Tombouctou. Cette initiative représente un hommage concret aux racines et un puissant moyen d’affirmer la richesse du patrimoine de la région.

En prélude au festival, un Challenge Vidéo Officiel a été lancé autour de la chanson Festival Nord du Mali du groupe Bifenix. Le concours invite le public à publier sur les réseaux sociaux des vidéos créatives- danse, playback ou sketch- avec, à la clé jusqu’à 100 000 francs CFA et des tickets gratuits pour les concerts. Son objectif est de mobiliser la jeunesse et de populariser la musique du festival. Les participations sont ouvertes jusqu’au 1ᵉʳ novembre 2025.

La deuxième édition a été annoncée le 18 octobre 2025, au CICB, lors d’une conférence de presse. Les organisateurs ont reconnu que le principal défi cette année était la mobilisation du public, rendue difficile par la crise nationale du carburant. Malgré un contexte difficile qui complique la circulation et la logistique, les organisateurs affichent leur détermination à maintenir l’événement.

Pour M. Sako, le Festival Nord du Mali n’est pas qu’une manifestation culturelle, mais également un acte d’unité, de résistance et d’espoir, symbole de la foi, de la solidarité et de la créativité qui font vivre la culture malienne.

Massiré Diop

Décès de l’ancien ministre Oumar Hamadoun Dicko à Abidjan

L’ancien ministre malien Oumar Hamadoun Dicko est décédé le 4 novembre à Abidjan, où il résidait depuis plusieurs années selon sa famille. Figure connue de la scène politique nationale, il avait occupé plusieurs fonctions gouvernementales au début des années 2000 et plus récemment en 2019.

L’annonce du décès d’Oumar Hamadoun Dicko a été confirmée par ses proches, puis relayée par de nombreuses sources. L’ancien ministre est décédé à Abidjan, où il séjournait régulièrement depuis sa retraite politique. Les circonstances exactes de sa mort n’ont pas été publiquement détaillées, mais des sources familiales évoquent un décès naturel.
Natif de Nara, Oumar Hamadoun Dicko s’est fait connaître dans les années 1990 dans les milieux associatifs et politiques, avant d’occuper des responsabilités gouvernementales sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré puis celle d’Amadou Toumani Touré. Il est nommé le 16 octobre 2002 ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, chargé des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine. Le 2 mai 2004, il prend la tête du ministère des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration africaine, un portefeuille sensible en raison de la place de la diaspora dans l’économie nationale et des enjeux frontaliers dans la sous-région. Son action avait notamment porté sur les dossiers de migration, les retours assistés, et la coopération institutionnelle entre États ouest-africains.
Après plusieurs années d’éloignement des affaires publiques, il revient brièvement au gouvernement en mai 2019, à la faveur de la formation de l’équipe dirigée par Boubou Cissé. Il y occupe le poste de ministre du Dialogue social, du Travail et de la Fonction publique. Son passage à ce poste intervient dans un contexte national marqué par des revendications salariales persistantes, des tensions avec plusieurs syndicats et la nécessité de rétablir des cadres de négociation entre administration et organisations socioprofessionnelles.
Oumar Hamadoun Dicko avait également été actif au sein de partis politiques et de structures de concertation nationale, sans occuper de fonction médiatique ces dernières années. Plusieurs responsables politiques maliens ont salué la mémoire d’un homme « engagé dans le service public » et d’un acteur ayant pris part à plusieurs phases de la vie institutionnelle du pays, notamment lors de la consolidation de l’intégration régionale ouest-africaine.
Sa disparition intervient dans un contexte où le rôle de la diaspora, les équilibres diplomatiques et les dynamiques politiques internes demeurent au cœur des débats nationaux. Aucune information n’a pour l’instant été communiquée concernant le programme officiel des funérailles. Selon sa famille, la dépouille pourrait être rapatriée au Mali pour l’inhumation.

Suspension des cours : Une mesure diversement accueillie

Face aux perturbations dans l’approvisionnement en carburant, les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur ont annoncé la suspension des cours du 27 octobre au 9 novembre 2025. Une mesure exceptionnelle qui suscite des réactions mitigées au sein de la communauté éducative.

Le communiqué conjoint publié le 26 octobre 2025 par les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a mis fin aux rumeurs : les cours sont suspendus sur toute l’étendue du territoire national jusqu’au dimanche 9 novembre inclus.

« Les cours reprendront le lundi 10 novembre 2025 », précisent les deux départements ministériels, qui justifient cette décision par « les perturbations dans l’approvisionnement en carburant qui affectent les mouvements des acteurs de l’école ».

Depuis plusieurs jours, la rareté du carburant a fortement entravé la mobilité, à Bamako comme à l’intérieur du pays. Un grand nombre d’élèves et d’étudiants peinent à se rendre dans leurs établissements, tandis que des enseignants se retrouvent bloqués à plusieurs kilomètres de leur lieu de travail.

« Il devenait pratiquement impossible d’assurer la régularité des cours, surtout dans les établissements éloignés de la ville », souligne un responsable scolaire de Ségou, saluant une mesure « réaliste dans les circonstances actuelles ».

Cependant, d’autres acteurs du secteur éducatif craignent un nouvel allongement du calendrier académique. « On venait à peine de retrouver un rythme normal après les retards de la rentrée. Deux semaines d’interruption, c’est un vrai défi pour achever les programmes à temps », alerte Adama Diarra, enseignant dans un lycée de Bamako.

Les parents d’élèves, quant à eux, oscillent entre compréhension et appréhension. « On comprend que les conditions ne sont pas réunies pour continuer les cours, mais on espère que le gouvernement tiendra sa promesse de réaménager le calendrier afin que les enfants ne soient pas pénalisés », plaide Mamadou Keïta, un parent.

Le communiqué précise en effet que des dispositions sont en cours pour réaménager les calendriers scolaire et universitaire afin d’assurer la continuité pédagogique et l’exécution des programmes. Les autorités affirment par ailleurs tout mettre en œuvre pour un retour rapide à la normale dans l’approvisionnement en carburant.

En attendant, les établissements scolaires et universitaires sont contraints de fermer leurs portes, plongeant des milliers d’élèves et d’étudiants dans l’incertitude. Cette suspension, bien qu’annoncée comme temporaire, illustre une fois de plus la vulnérabilité du système éducatif national face aux crises conjoncturelles qui continuent de perturber son fonctionnement régulier.

Mohamed Kenouvi

Alexis Kalambry : « Une guerre ne se gagne pas uniquement par les armes »

Dans cet entretien, le journaliste Alexis Kalambry analyse la dynamique actuelle des groupes armés au Mali et les raisons profondes de leur enracinement. Il estime que seule une réponse combinant sécurité, justice, développement et discours religieux inclusif peut ramener la stabilité durable. Propos recueillis par Mohamed Kenouvi.

Est-ce que l’on comprend clairement aujourd’hui ce que veulent les jihadistes ?

On doit d’abord se poser la question : que veulent-ils ? Parce que, visiblement, ils ont les mêmes attitudes que des terroristes classiques. On ne peut pas dire qu’ils défendent une idéologie précise, puisqu’ils ne conquièrent ni villages ni contrées. Ils viennent, sèment la terreur, puis s’en vont. Ils profitent surtout de la faiblesse et de l’absence de l’État pour s’imposer localement. Ils avancent masqués derrière des causes religieuses, mais leurs motivations réelles sont souvent opportunistes, liées au contrôle social et économique local.

Pourtant, à leurs débuts leurs revendications semblaient plus claires…

Effectivement. En 2012, leur discours portait sur le départ des Occidentaux. Ils disaient : « si la France s’en va, nous n’avons plus de revendication ». Mais aujourd’hui, la France et la MINUSMA sont parties et les jihadistes sont toujours là. Ils continuent de combattre, tout en renouvelant sans cesse leurs prétextes. On ne peut donc plus dire avec certitude ce qu’ils veulent réellement. Aujourd’hui, leurs revendications changent au gré des circonstances. Cela prouve qu’ils s’adaptent plus qu’ils ne défendent une cause fixe.

Comment expliquez-vous alors leur capacité à se maintenir ?

Ils exploitent les divisions communautaires et les différends non résolus par la justice : conflits de terres, oppositions entre éleveurs et sédentaires, rivalités entre villages. Ils s’enracinent en tissant des alliances locales, parfois en se mariant dans les familles de chefs. La crise actuelle, avec son lot de frustrations et de misère, nourrit leur discours. Ils se présentent comme des sauveurs dans un contexte où l’État est absent. Quand la justice n’existe pas ou qu’elle est perçue comme partiale, ces groupes deviennent des arbitres de proximité, ce qui renforce leur ancrage.

Quelle réponse pourrait inverser cette tendance ?

Quelle que soit notre puissance militaire, une guerre ne se gagne pas uniquement par les armes. Il faut le développement, le dialogue et surtout la présence effective de l’État. Mais cela ne suffit pas. Les jihadistes s’appuient sur une idéologie religieuse. Nous devons donc construire un discours religieux alternatif, tolérant et rassembleur. C’est seulement ainsi que nous pourrons espérer une solution durable à cette crise. Il faut une réconciliation locale capable de restaurer la confiance et de combler les vides.

Transition : La descente aux enfers des hommes politiques

Depuis le début de la Transition, plusieurs personnalités politiques et figures publiques font face à la justice. Arrestations, mandats d’arrêt internationaux et condamnations se succèdent, dans un climat de méfiance et de crispation politique.

L’ancien Premier ministre Moussa Mara a écopé le 27 octobre 2025 de deux ans de prison, dont un ferme, pour des faits qualifiés « d’atteinte au crédit de l’État », liés à des propos diffusés sur les réseaux sociaux en juillet dernier.

Quelques semaines plus tôt, le 19 août, Choguel Kokalla Maïga, lui aussi ancien Premier ministre, avait été placé sous mandat de dépôt dans le cadre d’une enquête portant sur des soupçons « d’atteinte aux biens publics, faux et usage de faux ».

En parallèle, plusieurs anciens ministres sont visés par des mandats d’arrêt internationaux. Tiéman Hubert Coulibaly, ancien ministre de la Défense, fait l’objet depuis juillet 2022 d’un mandat international pour « crime de faux, usage de faux et atteinte aux biens publics », dans une affaire d’achats d’équipements militaires datant de 2015. Les mêmes accusations concernent l’ancien Premier ministre Boubou Cissé et Mamadou Igor Diarra, ex-ministre de l’Économie et des Finances.

Des affaires successives

D’autres personnalités notables alimentent également ce panorama judiciaire. Mohamed Youssouf Bathily, dit Ras Bath, est détenu depuis le 13 mars 2023 pour des propos jugés diffamatoires. Condamné en appel à 18 mois de prison, dont 9 avec sursis, il reste détenu dans le cadre d’autres procédures en cours.

L’activiste et ancien membre du Conseil national de Transition Adama Diarra, alias Ben le Cerveau, a été reconnu coupable en septembre 2023 « d’atteinte au crédit de l’État » et purge une peine de deux ans, dont un an ferme. Sa demande de libération provisoire a été rejetée en février dernier.

Issa Kaou N’Djim, également ancien membre du Parlement de la Transition, a pour sa part été condamné le 30 décembre 2024 à deux ans de prison, dont un ferme, pour offense publique et injures via les systèmes d’information.

Le Président du parti dissous Alternative pour le Mali Mamadou Traoré, surnommé Le Roi, a été condamné le 19 juin 2025 à un an de prison ferme pour « atteinte au crédit de l’État » et « diffusion de fausses nouvelles ».

En juin 2024, onze responsables politiques avaient été interpellés à Bamako après avoir tenu une réunion jugée illégale par les autorités. Parmi eux figuraient trois anciens ministres – Mohamed Aly Bathily, Yaya Sangaré et Moustapha Dicko – ainsi que plusieurs Présidents de partis dissous. Ils ont été poursuivis pour « atteinte à la sûreté de l’État » et « troubles à l’ordre public » avant d’être libérés le 5 décembre 2024.

Le dossier de Clément Dembélé, figure connue de la lutte contre la corruption, s’ajoute à cette longue liste. Interpellé en novembre 2023 alors qu’il devait animer une conférence de presse sur la gouvernance et la crise énergétique, il a été accusé d’avoir proféré des menaces contre le Président de la Transition et son entourage.

Appels à la libération

La multiplication de ces procédures inquiète les organisations de défense des droits humains. Amnesty International, Human Rights Watch et d’autres organisations internationales ont appelé à la libération des détenus politiques et au respect des droits de la défense.

L’Union européenne a de son côté insisté sur la nécessité d’une transparence totale dans le traitement des affaires judiciaires, ainsi que sur le respect des standards internationaux relatifs à la liberté d’expression et à la détention.

« La condamnation et la peine prononcées à l’encontre de Moussa Mara illustrent le mépris persistant des autorités pour les obligations du Mali en matière de droits humains, conformément à la Constitution et aux traités internationaux ratifiés par le pays », a déclaré Marceau Sivieude, Directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Selon lui, « au lieu de museler les voix critiques, les autorités doivent mettre fin à la répression croissante de l’opposition pacifique et libérer immédiatement les personnes détenues pour le simple fait d’avoir exprimé leur opinion ».

Un analyste politique malien ayant requis l’anonymat abonde dans le même sens : « ces détentions répétées de responsables politiques, d’activistes et de figures publiques envoient un signal inquiétant. Elles restreignent la liberté d’expression et créent un climat de peur dans l’espace public ».

Mohamed Kenouvi

Otages et rançons : un marché qui alimente la violence

Deux ressortissants émiratis enlevés fin septembre près de Bamako ont été libérés le 30 octobre après un mois de captivité. Derrière cette libération, des transactions financières qui risquent de nourrir durablement les circuits du terrorisme au Sahel.

Les enlèvements ont eu lieu sur le terrain d’un aéroclub situé à une quinzaine de kilomètres de Sanankoroba, au sud de Bamako, appartenant à l’un des otages, un homme connu pour ses actions caritatives dans la région. L’aéroclub, doté d’une piste de 800 mètres, accueille depuis plusieurs années des apprenants en pilotage d’ULM. Une vidéo diffusée peu après sur un canal lié au JNIM montrait des hommes armés parlant en fulfuldé, confirmant la piste d’un rapt jihadiste.

Ce cas illustre l’évolution du phénomène : au début des années 2000, les otages étaient principalement des Occidentaux, souvent libérés contre des rançons versées par des États ou des intermédiaires. Mais selon l’International Crisis Group, l’Observatoire sahélien des droits humains et le Centre d’études stratégiques de Dakar, la majorité des rapt-contre-rançon enregistrés depuis 2020 visent désormais des ressortissants régionaux, expatriés africains, commerçants et agents publics.

Le groupe JNIM, affilié à Al-Qaïda, a fait de la rançon une de ses principales sources de revenus, aux côtés de la contrebande de carburant, de l’orpaillage artisanal et de l’extorsion sur les axes routiers. D’après un rapport du Conseil de sécurité des Nations unies, les montants versés pour les libérations d’otages dans le Sahel entre 2015 et 2025 dépassent 400 millions de dollars, contribuant directement à la résilience financière des réseaux jihadistes.

La libération des deux Émiratis, pour laquelle plusieurs sources évoquent un paiement d’environ 50 millions de dollars, confirme la persistance de ce schéma. Derrière la compassion légitime, ces transactions renforcent la capacité logistique des groupes armés et pérennisent un système économique parallèle où la peur, l’argent et la négociation deviennent les leviers d’une guerre sans fin.

Financement humanitaire : le Mali face à une baisse historique des contributions

Au 31 octobre 2025, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) constate un effondrement du financement humanitaire au Mali. Moins de 16 % des besoins sont couverts, un recul de plus de moitié par rapport à 2024 alors que la crise s’aggrave dans le pays.

Le Financial Tracking Service (FTS) d’OCHA, plateforme mondiale de suivi des financements, indique que le Plan de réponse humanitaire 2025 du Mali, chiffré à 771,3 millions de dollars — soit environ 468 milliards de francs CFA — n’a mobilisé que 120,5 millions de dollars, soit 73 milliards de francs CFA. Ce taux de couverture de 15,6 % est l’un des plus faibles enregistrés depuis plus de dix ans.

En 2024, le plan d’aide du Mali, évalué à 751 millions de dollars (456 milliards CFA), avait été financé à hauteur de 269 millions (163 milliards CFA), soit 36 % des besoins. En un an, les financements ont donc chuté de plus de 55 %, alors que les besoins ont, eux, légèrement augmenté, traduisant un désintérêt progressif des bailleurs pour les crises prolongées du Sahel.

À l’échelle mondiale, seulement 35 % des besoins humanitaires ont été couverts en 2025, selon OCHA, contre plus de 50 % en moyenne au cours de la décennie précédente. Cette baisse est liée à la multiplication des crises simultanées, au ralentissement économique mondial et à la redirection de l’aide vers l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient.

Sur le terrain, les conséquences sont tangibles et mesurables. Le secteur de la sécurité alimentaire, qui absorbe la plus grande part du plan, n’a reçu que 22,2 millions de dollars, soit environ 13 milliards de francs CFA, sur 423 millions demandés (254 milliards CFA). La nutrition, deuxième priorité, affiche un financement de 16,6 millions de dollars (9,9 milliards CFA) sur 68,6 millions attendus, soit 24 % de couverture. Les programmes de santé, eux, n’ont reçu que 6,3 millions de dollars (3,7 milliards CFA) sur 38,3 millions demandés, tandis que l’éducation d’urgence plafonne à 4,4 millions de dollars, soit à peine 11 % de son objectif.

Le secteur eau, hygiène et assainissement (WASH), pourtant vital dans un contexte de déplacement massif et de contamination des nappes, n’a mobilisé que 3,5 millions de dollars (2,1 milliards CFA) sur 34,5 millions requis. La protection des civils, la réponse aux violences basées sur le genre et l’appui logistique affichent également des niveaux critiques, tous inférieurs à 20 % de couverture.

Les principales zones affectées demeurent les régions du Centre (Mopti, Ségou) et du Nord (Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka), où les organisations signalent des ruptures d’approvisionnement dans les entrepôts du Programme alimentaire mondial (PAM) et des interruptions de programmes communautaires soutenus par l’UNICEF et le HCR.

Les principaux bailleurs — Union européenne, Allemagne, États-Unis, Royaume-Uni, Canada et Italie — maintiennent leurs contributions, mais sans rehaussement. Le PAM, par exemple, n’a pu distribuer que 60 % des rations prévues en octobre, tandis que certaines ONG locales rapportent la suspension de projets d’eau potable dans le delta intérieur du Niger faute de financements supplémentaires.

À deux mois de la clôture budgétaire, les acteurs humanitaires préviennent que plus de la moitié des programmes prévus pour 2025 risquent d’être suspendus, accentuant les vulnérabilités dans un pays où plus de 7 millions de personnes ont besoin d’assistance, dont plus de 400 000 déplacés internes et 250 000 réfugiés étrangers.

 

« L’ECO doit renforcer la souveraineté économique des pays africains » – Modibo Mao Makalou

L’économiste Modibo Mao Makalou revient sur les enjeux du passage à la monnaie unique de la CEDEAO prévue pour 2027. Il analyse la position du Mali entre l’UEMOA et l’AES, ainsi que les défis d’une souveraineté monétaire réelle pour les États africains.

Le débat sur le FCFA s’intensifie au moment où la région connaît de fortes recompositions politiques. Quelle lecture en faites-vous ?

 Modibo Mao Makalou : En effet, il existe présentement 2 zones monétaires à l’intérieur de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui disparaîtront avec le lancement de la monnaie unique de la CEDEAO, l’ECO qui est prévu pour 2027.  Il existe 8 monnaies en Afrique de l’Ouest pour 15 pays : les 8 pays membres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) qui possèdent une monnaie commune, le franc CFA (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger Sénégal et Togo), et les 7 autres pays membres de la CEDEAO qui possèdent une monnaie nationale : le cédi au Ghana, le dalasi en Gambie, le dollar libérien au Libéria, le franc guinéen en Guinée, le leone en Sierra Leone, le naira au Nigeria, et l’escudo au Cap-Vert verront leur monnaie disparaitre au profit de l’ECO en 2027. Ces monnaies nationales à l’exception de l’escudo du Cap-Vert sont regroupées au sein de la Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) et ne sont pas convertibles entre elles, ce qui augmente les coûts de transactions et tend à défavoriser les échanges commerciaux formels. L’UEMOA et la ZMAO utiliseront la monnaie unique ECO lorsqu’elle sera lancée à l’horizon 2027 car le FCFA et les 7 autres monnaies pourront disparaitre même si l’idée d’une monnaie commune parait plus probable.

Le Mali, membre de l’UEMOA mais aussi de l’AES, peut-il durablement concilier les deux cadres ?

MMM : Une union économique et monétaire pourrait favoriser une utilisation plus efficace des ressources et stimuler la croissance économique. Les 3 pays membres de la Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ; Burkina Faso, Mali et Niger sont aussi membres avec 5 autres pays (Bénin, Cote d’ivoire, Guinée Bissau, Sénégal, et Togo), de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) qui est une organisation d’intégration économique et monétaire régionale établie par le Traité de Dakar du 10 janvier 1994. Parmi les objectifs de l’UEMOA on peut citer la création d’un marché commun avec la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux, du droit d’établissement aux personnes pour les activités libérales et les salariés ainsi que l’amélioration de la compétitivité, de la concurrence, et de la convergence des politiques économiques et sociale, de même que l’élaboration d’un tarif extérieur commun (TEC) à l’encontre des non-membres, et l’adoption d’une politique commerciale et des politiques sectorielles. A priori, aucune incompatibilité n’existe pour le moment entre l’AES et ‘l’UEMOA même si l’AES ambitionne d’être une union économique et monétaire à terme.

Quels seraient les avantages et inconvénients pour le Mali d’une monnaie nationale indépendante ?

Le futur Eco pourrait-il renforcer la souveraineté économique des pays africains ou simplement rebaptiser le FCFA ?

MMM : La création d’une monnaie nationale est une décision politique qui doit répondre à des impératifs techniques de fixation du taux de change (quantité de monnaie nationale qu’on peut échanger contre une unité de monnaie étrangère) pour faciliter les échanges avec les principaux partenaires commerciaux tout en assurant la stabilité des prix donc d’assurer le maintien du pouvoir d’achat des citoyens. La création d’une monnaie nationale implique la création d’un institut  d’émission qui servira de banque centrale nationale. Celle-ci agira principalement comme une banque pour les banques commerciales en contrôlant les flux de monnaie et de crédits dans l’économie, de manière à assurer son premier objectif, en l’occurrence, la stabilité des prix.

Les banques commerciales pourront alors solliciter des prêts auprès de la Banque Centrale (des réserves de banque centrale), qui leur servira en grande partie à couvrir des besoins de liquidités à très court terme. Le principal instrument dont dispose la Banque Centrale pour réguler le crédit dans l’économie et pour contrôler la quantité de monnaie en circulation et, par conséquent, la demande de réserves de banque centrale émanant des banques commerciales, consiste à fixer les taux d’intérêt (le coût du crédit).

La création d’une monnaie doit se faire en fonction de la quantité et de la qualité de la production de biens et services dans notre économie et de nos échanges de biens et services avec nos principaux partenaires économiques et commerciaux. Il est surtout crucial d’avoir une banque centrale autonome qui aura les fonctions suivantes : assurer la stabilité des prix ; gérer les réserves officielles de change ; veiller à la stabilité du système bancaire et financier ; promouvoir le bon fonctionnement et assurer la supervision du système financier et bancaire ; et assurer la sécurité des systèmes de paiement.

La monnaie joue un rôle très important pour ce qui concerne les objectifs de la politique économique non seulement pour préserver le pouvoir d’achat des citoyens mais aussi pour les transactions économiques d’un pays avec les autres pays. Rappelons que la solidité d’une monnaie est établie selon les normes internationales lorsque les avoirs extérieurs nets (liquidités disponibles en or et devises) de la Banque Centrale peuvent couvrir 3 mois d’importations. Il est important de souligner que l’ECO sera une monnaie ouest africaine émise par une banque centrale fédérale dont le taux de change sera flexible et adossé à un panier de monnaies internationale. Les pays de l’Afrique de l’Ouest qui respecteront les critères de convergence macroéconomiques de la CEDEAO seront éligibles pour adopter l’EC0 en 2027 selon la CEDEAO.

Quel rôle le secteur privé peut-il jouer dans cette transition monétaire et financière ?

MMM : Afin d’accélérer l’intégration régionale et le développement de nos pays, la politique monétaire ne peut se substituer à une politique de développement holistique et durable. Les pays de l’UEMOA doivent donc continuer à améliorer la viabilité des finances publiques et financer davantage les économies nationales. Le secteur privé est un moteur de la croissance économique, cependant il fait face à des difficultés de financement surtout pour les investissements nationaux ou sous régionaux. Il importe donc de mobiliser l’épargne à travers la création des marchés financiers et baisser les taux d’intérêt  et augmenter la durée des prêts auprès des banques et établissements financiers pour ce qui concerne le financement des investissements productifs mais aussi sociaux et environnementaux.

Enfin, pensez-vous que les citoyens comprennent vraiment les enjeux autour du FCFA ?

MMM : La BCEAO est l’Institut d’émission commun des Etats membres de l’UMOA et de l’UEMOA, chargé notamment d’assurer la gestion de leur monnaie commune, le Franc de la Communauté Financière Africaine (FCFA), de leurs réserves de change et de mettre en œuvre la politique monétaire commune. L’Accord de Coopération monétaire signé entre l’UMOA et la France en décembre 1973 a été modifié en décembre 2019 avec des révisions importantes y compris la fermeture du compte d’opérations de la BCEAO auprès du trésor français. La France devient toutefois le garant de dernier ressort du FCFA  pour assurer la convertibilité illimitée du FCFA en euro et maintenir sa parité fixe avec l’euro, cependant les représentants français ne siègent plus dans les organes de gouvernance de la BCEAO (conseil d’administration, comité de politique monétaire et commission bancaire). Notons par ailleurs que la pérennité des accords de coopération monétaire après la mise en place de l’euro est garantie par la décision du conseil européen du 23 novembre 1998 n° 98/683/CE “concernant les questions de change relatives au franc CFA et au franc comorien”.

Crise du carburant : Le pouvoir d’achat des Maliens à rude épreuve

Les effets de la crise du carburant que traverse le Mali depuis plusieurs semaines s’étendent à tous les secteurs d’activité. Perturbant profondément le système d’approvisionnement du pays, elle provoque une hausse des prix et fragilise davantage un pouvoir d’achat déjà affaibli.

Depuis près d’un mois, le Mali vit une pénurie d’hydrocarbures qui impacte durement la vie économique et sociale. Transport, commerce ou encore éducation, les effets de la crise se font sentir partout. Alors que les autorités tentent d’organiser la distribution du peu de carburant disponible, les consommateurs redoutent les conséquences d’une situation qui menace directement leur quotidien.

« Depuis le 20 octobre, nous avons dû arrêter toutes nos activités, faute de gasoil », explique M. Touré, responsable d’une compagnie de transport interurbain. Une situation difficile pour le personnel et les usagers, contraints à un arrêt total des activités pendant une semaine, du transport de voyageurs au fret. Ce n’est qu’après la décision gouvernementale de ravitailler en priorité certains véhicules, dont ceux du transport public, que la compagnie a pu obtenir du carburant pour un premier bus et relancer sa ligne Bamako – Mopti le 27 octobre. Un signe d’espoir que le responsable souhaite durable, alors que le reste du parc attend toujours d’être ravitaillé. « Nous n’avons pas modifié nos tarifs, car nous obtenons le gasoil au même prix », précise-t-il.

Transports perturbés et prix en hausse

Mais cette stabilité ne se vérifie pas partout. Dans la capitale, les principaux moyens de transport, notamment les minibus SOTRAMA et les moto-taxis, ont augmenté leurs tarifs. Sur certains axes, les trajets sont passés de 300 francs CFA à 400 ou 500 francs. Les moto-taxis facturent désormais entre 1 500 et 4 000 francs CFA chaque trajet, parfois le double du tarif habituel. Certains conducteurs justifient ces hausses par le prix du carburant, vendu au marché noir jusqu’à 4 000 ou 5 000 francs CFA le litre. Dans plusieurs quartiers périphériques de Bamako, comme Kalaban, Faladié ou Baco-Djicoroni, les longues files de véhicules créent des embouteillages jusqu’à tard dans la nuit, perturbant le ramassage scolaire et la distribution des produits alimentaires.

La crise touche aussi les activités de transport de marchandises. Les maraîchers, livreurs de pain et transporteurs de produits frais peinent à acheminer leurs denrées, ce qui entraîne des pertes économiques importantes. Dans plusieurs marchés de Bamako, le prix de la tomate, de l’oignon ou du piment a doublé en une semaine. Les longues files d’attente dans les stations aggravent le désordre : des conducteurs de moto-taxis dorment sur place, à des kilomètres de leur domicile, pour espérer quelques litres d’essence.

Dommages collatéraux

L’école, elle aussi, subit de plein fouet les conséquences de la crise. La pénurie de carburant perturbe les déplacements des enseignants et des élèves. Le 26 octobre 2025, dans un communiqué conjoint lu à la télévision nationale, le ministre de l’Éducation et son homologue de l’Enseignement supérieur ont annoncé la suspension des cours dans tous les ordres d’enseignement du 27 octobre au 9 novembre 2025. La mesure s’explique par les difficultés de transport engendrées par la pénurie. Certaines écoles avaient déjà anticipé une suspension depuis au moins une semaine et d’autres tentaient de fournir du carburant à leurs enseignants pour maintenir les cours dans une année déjà menacée par des grèves.

Pour beaucoup de parents, cette mesure a été un soulagement, car ils peinaient à assurer le déplacement de leurs enfants. Mais elle révèle aussi l’ampleur d’une crise qui paralyse la vie nationale. Si le télétravail reste une alternative pour certaines entreprises, d’autres se retrouvent bloquées : l’électricité est rationnée et les groupes électrogènes tournent au ralenti faute de gasoil.

Boubacar Sacko, cadre dans une banque de la place, témoigne : « la semaine dernière, nous avions encore du carburant, mais cette semaine, nous travaillons depuis la maison parce que notre stock est épuisé ». Le 28 octobre, la ville de Bamako s’est transformée en une immense file d’attente. L’arrivée d’un convoi de citernes, la veille, a permis de livrer certaines stations, mais les bouchons étaient tels que ses automobilistes ont préféré passer la nuit sur place. Fonctionnaires, conducteurs de motos-taxis ou livreurs de pain : tous sacrifient leur confort pour continuer à « tenir ».

Prix sous tension

La maîtrise des prix constitue l’un des défis les plus redoutés de cette crise. Malgré les assurances du Gouvernorat du district de Bamako sur la disponibilité des produits et la stabilité des tarifs, les inquiétudes demeurent. Lors d’une réunion tenue le 27 octobre, les autorités locales ont rappelé que les prix du riz, du mil et du maïs n’avaient pas changé. Mais sur le terrain la situation évolue vite.

Fortement dépendant des importations pour ses biens de consommation courants, le Mali est vulnérable à toute perturbation logistique. « Nous importons presque tout ce dont nous avons besoin, ce qui nécessite des moyens de transport et d’énergie conséquents », explique le Dr Sékou Diakité, enseignant à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FSEG). Le manque de carburant, souligne-t-il, perturbe dangereusement la chaîne d’approvisionnement et crée un effet domino sur les prix.

« La rareté du carburant, associée à la mauvaise habitude d’augmenter les prix même sans raison, entraîne une hausse quasi inévitable », poursuit le chercheur. Le retard des livraisons perturbe la loi de l’offre et de la demande, provoquant une inflation progressive. Même si le prix officiel à la pompe est inchangé, les longues heures d’attente et les surcoûts du transport augmentent indirectement les prix finaux.

Certaines structures comme les boulangeries, qui fonctionnent au gasoil en l’absence d’électricité, ont réduit leur production, tandis que d’autres ont relevé leurs prix. L’électricité, elle-même tributaire du carburant, voit son coût grimper, entraînant une hausse des charges dans les petites entreprises artisanales et industrielles. Sur le marché, les prix du sucre, du riz et du mil restent officiellement stables, mais les commerçants et consommateurs s’interrogent : jusqu’à quand ? Face à l’ampleur de la pénurie, plusieurs associations de consommateurs ont demandé au gouvernement de publier un calendrier clair de distribution et d’intensifier la communication sur les volumes disponibles afin d’éviter la désinformation.

Trouver l’équilibre

Pour gérer l’urgence, « il faut explorer toutes les voies d’approvisionnement », recommande le Dr Diakité. Il plaide pour un approvisionnement rapide et encadré, tout en imposant des règles strictes aux opérateurs économiques. À long terme, il suggère la construction d’une raffinerie nationale afin d’importer du pétrole brut et d’augmenter les capacités de stockage. Il estime également nécessaire de constituer un stock de sécurité pour les forces armées, afin de préserver leur mobilité opérationnelle.

L’extension rapide de Bamako complique encore la situation. Ses habitants, installés toujours plus loin du centre, dépendent des transports motorisés pour travailler, étudier ou commercer. « Cette crise peut être l’occasion pour l’État de reprendre le contrôle du circuit du carburant et de réduire la mobilité des groupes armés terroristes », estime Mahamadou Beïdaly Sangaré, enseignant-chercheur à la FSEG. Selon lui, elle devrait pousser le Mali à diversifier ses sources d’approvisionnement et à relancer le dossier des biocarburants, un secteur prometteur encore peu exploré.

Pour les observateurs, cette crise agit comme un révélateur des fragilités structurelles du pays, entre dépendance extérieure, manque d’infrastructures, déficit de coordination et de communication entre acteurs publics et privés. Elle souligne aussi la nécessité d’une planification durable pour éviter que les crises logistiques ne se transforment en crises sociales.

Départs de ressortissants : Aly Tounkara appelle au discernement

Alors que les États-Unis, l’Italie, l’Allemagne et l’Australie ont appelé leurs ressortissants à quitter le Mali, les autorités maliennes observent une prudente réserve. Ces appels interviennent dans un climat marqué par la pénurie de carburant, la multiplication des attaques contre les convois et une tension sécuritaire croissante autour de Bamako.

Les ambassades concernées évoquent une dégradation rapide de la sécurité et une imprévisibilité accrue des conditions de déplacement, notamment sur les grands axes. Les représentations américaine et italienne ont explicitement recommandé un départ « immédiat » par vols commerciaux, tandis que Berlin et Canberra déconseillent tout voyage vers le Mali, citant la menace terroriste, les enlèvements et la crise énergétique. Les alertes s’ajoutent à celles déjà émises par les Pays-Bas et le Royaume-Uni, qui classent le pays en zone rouge sur leurs portails de sécurité.

Dans une analyse publiée le 29 octobre 2025, le Dr Aly Tounkara, enseignant-chercheur et expert au Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel (CE3S), estime ces appels « hâtifs » au regard du contexte malien. Selon lui, le Mali ne saurait être comparé à la Syrie, en raison de la différence des structures armées, de la sociologie du pouvoir et du maillage territorial assuré par les Forces armées maliennes. Il rappelle que l’armée bénéficie d’un équipement aérien renforcé, de formations diversifiées depuis 2012 et d’une forte résilience populaire face à la menace jihadiste.

L’expert souligne que, si chaque État a le devoir de protéger ses ressortissants, les véritables partenaires d’un pays se mesurent dans les périodes de crise aiguë. Il invite à relativiser la gravité du risque en soulignant la capacité de l’État malien à garantir une certaine continuité territoriale et la détermination des populations à défendre leur souveraineté.

Pour finir, Aly Tounkara interroge la portée politique et symbolique de ces retraits : que restera-t-il de la perception du Mali si « l’apocalypse prédite » ne se produit pas ? Et quelle légitimité accorder aux groupes armés dont la violence, loin d’inspirer la confiance, alimente le rejet populaire ?
Pour lui, la crise actuelle exige plus de discernement que d’alarmisme, dans un pays où la fragilité coexiste avec une résilience éprouvée.

Axe Ségou–Bamako : deux commerçants égyptiens enlevés, la piste jihadiste évoquée

Deux ressortissants égyptiens, présentés comme commerçants ambulants, ont été enlevés le mardi 28 octobre 2025 sur la route reliant Ségou à Bamako. Selon plusieurs sources locales et sécuritaires, l’incident s’est produit en pleine journée dans une zone régulièrement ciblée par des groupes armés.

Les victimes, identifiées par des sources non officielles sous les noms de Saleh Samir et Abdelazim Morsi, circulaient à bord d’un véhicule utilitaire lorsqu’elles auraient été interceptées par des hommes armés non identifiés. Un interprète malien, Houssam Diko, aurait également été enlevé au même moment. Si aucune revendication n’a été formulée, des sources de sécurité évoquent la possible implication du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), actif dans le centre du Mali et le long des grands axes commerciaux.
L’incident intervient dans un contexte de recrudescence des enlèvements visant des étrangers et des travailleurs expatriés. En juillet, trois ressortissants indiens avaient été enlevés lors d’une attaque contre l’usine Diamond Cement dans la région de Kayes. Quelques semaines plus tard, deux citoyens chinois avaient été kidnappés à Narena, dans le sud du pays, au cours d’une attaque contre un site minier. En septembre, des informations faisaient état de l’enlèvement de deux Émiratis et d’un Iranien dans les environs de Bamako. Ces incidents illustrent la montée des risques sécuritaires pour les travailleurs étrangers, en particulier sur les axes économiques stratégiques.
Depuis plusieurs mois, la route Bamako–Ségou est l’une des plus exposées du centre du Mali, avec des embuscades récurrentes, des poses d’engins explosifs et des enlèvements ciblés. Les forces armées maliennes ont renforcé leurs opérations de ratissage et de contrôle dans la zone, sans pour autant parvenir à neutraliser complètement les cellules mobiles qui y opèrent.
À ce stade, ni les autorités maliennes ni l’ambassade d’Égypte à Bamako n’ont confirmé officiellement les identités des victimes ni communiqué sur les recherches en cours. Les services de sécurité restent mobilisés pour tenter de localiser les otages et retrouver leurs ravisseurs. Cet enlèvement rappelle l’extrême vulnérabilité des civils et des travailleurs étrangers sur les principaux axes économiques du pays, où les groupes armés cherchent à exercer un contrôle territorial et financier.