Délestages : Un programme aléatoire

Malgré les annonces, la société EDM-SA peine à rassurer les consommateurs. Rendu public à la veille du début du mois de Ramadan, son programme de délestages fait couler beaucoup d’encre. Entre incompréhension et non respect, l’amélioration espérée n’est pas encore au rendez-vous.

« Nous attendons d’y voir plus clair pour pouvoir nous prononcer », déclare le responsable d’une association de consommateurs. Dans un communiqué rendu public le 12 mars 2024, la société EDM-SA est montée au créneau pour dénoncer une fausse annonce, via les réseaux sociaux, d’un nouveau programme de délestages concernant le mois de Ramadan. En invitant les consommateurs à s’en tenir au programme déjà publié via son site ou la chaîne nationale ou l’AMAP, elle se réserve le droit de poursuivre les auteurs de tels actes.

Dans une dynamique de communication pour tenter de rassurer sa clientèle, la société de fourniture d’électricité n’a cependant pas convaincu concernant sa capacité à juguler la crise dans un avenir proche.

Constat d’impuissance

En effet, le programme annoncé est loin de la réalité sur le terrain. De la promesse de 12 heures d’électricité en 2 tranches de 6 heures, nous sommes passés à une fourniture très aléatoire. Faisant dire à certains qu’ils préfèrent l’ancien système. C’est-à-dire pas de programme, l’électricité par moments en attendant une sortie du tunnel.

Dans un point de presse organisé le 7 mars 2024, le Directeur Général de la société a expliqué les causes profondes de la crise. Revenant sur les enjeux de la crise actuelle et les mesures prises pour l’atténuer, il a fait un état des lieux plutôt alarmant. Avec un doublement des besoins tous les 7 ans et les « retards » dans les investissements, le décalage entre la demande et la disponibilité de l’énergie s’est amplifié au fil des ans, avec des déficits dans tous les domaines.

En 2002, alors que les besoins en électricité étaient estimés à 600 millions de Kwh, aujourd’hui ils s’élèvent à 3 milliards 200 millions de Kwh, selon le Directeur Général d’EDM-SA. Dans le même temps, et contrairement à la croissance des besoins, les investissements n’ont pas suivi et le mix énergétique a migré vers un système dépendant des hydrocarbures, dont les coûts, que nous ne maîtrisons point, sont aussi en nette augmentation. Ainsi, il y a 20 ans la production hydroélectrique représentait 83%, contre 17% pour la thermique. Mais, à ce jour, la part de la thermique est de 70%.

Outre la résolution de ses problèmes financiers, EDM-SA envisage une révision de la politique tarifaire, une perspective que les clients appréhendent fortement.

Chiffres

Déficit : 27 millions de Kwh

Besoins en carburant 2024 : 500 millions de litres

Coûts : 309 milliards de francs CFA

Mahmoud Dicko : Un retour au Mali compromis

Le gouvernement de transition a annoncé le 6 mars 2024 la dissolution de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’Imam Mahmoud Dicko, quelques jours seulement après l’annonce de son retour imminent de l’Algérie, où il séjourne depuis plusieurs semaines. Directement dans le viseur des autorités de transition, pour lesquelles ses « activités subversives » sont susceptibles de troubler l’ordre public, l’Imam de Badalabougou pourrait être contraint de repousser son « come-back » au Mali.

S’il fallait encore un épisode pour confirmer la rupture totale entre les autorités actuelles de la Transition et l’Imam Mahmoud Dicko, il est assurément là. Après le 14 janvier 2023, quand le cortège venu l’accueillir à son retour d’Arabie Saoudite avait été pris pour cible par les forces de l’ordre, et le retrait de son passeport diplomatique le 22 juin 2023, la dissolution annoncée le 6 mars dernier en Conseil des ministres  de la Coordination, mouvements, associations et sympathisants de l’ancienne « autorité morale » du M5-FP, a définitivement sonné le glas du « poumon politique » de l’Imam.

Créée en 2019 pour, entre autres, promouvoir le renforcement de la démocratie, la promotion de la bonne gouvernance, de la paix et de la cohésion sociale et la consolidation de la paix, la CMAS était devenue en effet au fil des années un regroupement de poids, qui conférait à Mahmoud Dicko une grande légitimité dans l’arène politico-sociale. Pour justifier sa décision de dissolution, le gouvernement de transition a non seulement mis en avant certains manquements de l’association mais aussi incriminé son parrain, Mahmoud Dicko.

« La CMAS, créée en vue d’œuvrer pour la stabilité et la paix sociales, s’est transformée en un véritable organe politique de déstabilisation et de menace pour la sécurité publique, comme en témoignent la sortie médiatique de son Coordinateur général le 7 octobre 2023, suite à l’annonce du léger report de l’élection présidentielle, et la tenue de propos de dénigrement des autorités de la transition sur une chaîne de télévision privée », a indiqué le communiqué du Conseil des ministres.

« En outre, le parrain de la CMAS s’adonne clairement à des activités subversives susceptibles de troubler l’ordre public, notamment à travers ses récentes visites à l’extérieur et ses rencontres officielles avec des personnalités de puissances étrangères sur des questions d’intérêt national sans l’autorisation des autorités du Mali », poursuivait le communiqué.

La CMAS, de son côté, a indiqué le 11 mars 2024 surseoir à toutes activités politiques, sociales et humanitaires jusqu’à nouvel ordre à compter du 12 mars 2024 et se réserver « le droit d’user de tous les moyens juridiques et légaux pour l’annulation de sa dissolution, qui s’inscrit dans une violation flagrante de la loi N°04-038 du 5 août 2004 relative aux associations ».

Avertissement ?

Déjà taxé « d’hostile » à la Transition et accusé de « trahison » par les autorités de Bamako après sa rencontre le 19 décembre 2023 avec le Président algérien Abdelmadjid Tebboune, l’Imam Dicko serait-il menacé d’éventuelles prochaines poursuites judiciaires à son retour au Mali ?  La dissolution de la CMAS est-elle un avertissement dans ce sens pour le parrain de l’association ?

« Je ne pense pas en tant que tel. La dissolution, c’est juste pour mettre un frein à l’activité de la  CMAS », répond Boubacar Bocoum, analyste politique. « Je pense que cette dissolution n’est pas totalement liée à la posture de Dicko et n’est pas forcément un avertissement à son égard. Si les autorités ont pris une telle décision, c’est qu’elles ont suffisamment d’informations, en dehors de l’aspect visible, notamment via les services de renseignement à leur niveau », soutient-il.

Le politologue Bréhima Mamadou Koné partage le même avis. Pour lui, on ne peut pas établir de lien direct entre cette dissolution de la CMAS et les  rencontres de l’Imam Dicko en Algérie, non appréciées pas les autorités de transition. « Mais ce qui est évident, c’est que beaucoup d’observateurs, aussi bien que les autorités de la Transition, se sont  interrogés sur les réelles motivations qui ont fait que l’Imam, qui  n’est ni une autorité politique, ni administrative du Mali, ait été reçu par les autorités algérienne pour parler du Mali », glisse-t-il.

Dans une vidéo enregistrée le 25 décembre 2023, Mahmoud Dicko avait démenti toutes les accusations portées sur lui dans le cadre de son déplacement en Algérie, expliquant que les groupes armés rebelles ainsi que les autorités de transition avaient été tous conviés en même temps que lui par le Président algérien.

« J’ai compris à mon arrivée en Algérie que les représentants de Bamako devaient aussi venir. Mais ayant appris que j’étais invité et que je venais aussi, ils ont donc annulé leur déplacement pour ensuite me tendre un piège. À mon arrivée, ils ont annoncé qu’un imam du pays était actuellement en Algérie, qu’il s’entretenait avec les groupes armés rebelles et leur distribuait de l’argent », avait révélé l’Imam Dicko.

« Moi, je ne peux pas être de ceux qui trahissent notre pays. Pour quel intérêt trahirais-je le Mali ? (…) Dieu sait que je ne trahirai jamais mon pays, car je lui dois tout ce que je possède », avait-il ajouté.

Retour « avorté » ?

Même si dans sa vidéo du 25 février 2024, où il annonçait son retour imminent au Mali, l’Imam Mahmoud Dicko n’avait pas précisé de date, le fait qu’il soit directement  incriminé dans la dissolution récente de la CMAS pourrait l’amener à revoir ses plans de retour au pays, au risque, selon certains analystes, de se « jeter dans la gueule du loup ».

« Il me semble clair que par prudence l’Imam ne reviendra pas dans ce contexte aujourd’hui, quand on sait que les militaires peuvent l’interpeller à tout moment. À mon avis, il risque de prolonger encore son séjour algérien un certain temps », confie un analyste qui a requis l’anonymat.

Mais pour Bréhima Mamadou Koné, le retour annoncé au Mali de l’Imam Dicko n’est pas pour autant compromis, parce que « malgré tout ce qui peut être dit, aujourd’hui aucun mandat d’arrêt international n’a été émis contre lui et les autorités n’ont jamais signifié dans leur communication qu’il serait poursuivi par la justice dès son retour au Mali ».

Toutefois, nuance le politologue, l’Imam Dicko  pourrait être entendu par la justice sur  les contours de son séjour en Algérie, où il a été reçu par les autorités algériennes pour parler de l’Accord pour la paix « alors qu’il n’est pas une autorité officielle pour aller porter la voix du Mali ». « Cela peut constituer une charge contre lui, mais pour le moment le gouvernement ne s’est pas prononcé sur la question ».

Timing interrogateur

La décision de dissolution de la CMAS est intervenue 10 jours après l’annonce du retour de l’Imam Mahmoud Dicko au pays, alors que cette association, qui est entre-temps devenue d’ailleurs le fer de lance de la « Synergie d’action pour le Mali », qui s’oppose clairement à la transition, s’apprêtait à lui réserver un accueil en grande pompe.

Les autorités de transition ont-elles voulu couper l’herbe sous les pieds de toute contestation populaire naissant avec la « bénédiction » de l’Imam Dicko, principale figure de proue de la chute du précédent régime ? Pour notre interlocuteur, la réponse est positive. « La Synergie d’action pour le Mali projetait d’organiser des manifestations pour demander une transition civile. Si l’Imam revenait et se mêlait à la danse en appelant à la mobilisation aujourd’hui, dans un contexte où de plus en plus de Maliens semblent à bout par rapport à la crise énergétique que les autorités de transition n’arrivent pas à résoudre, cela risquerait de troubler le sommeil des autorités actuelles. Je pense que tout cela a plus ou moins pesé dans le timing de l’annonce de la dissolution de la CMAS », avance-t-il.

VBG : de plus en plus de victimes

En 20 ans, entre 2002 et 2022,  le nombre de  victimes de violences basées sur le Genre (VBG), très majoritairement des femmes, a explosé, passant de 2 283 à 14 264 cas, selon les chiffres du ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Une tendance alarmante qui souligne l’ampleur croissante de ce fléau social au Mali.

Il existe 6 différents types de VBG : le viol, l’agression sexuelle, le mariage d’enfants,  le déni de ressources, d’opportunités ou de services et les violences psychologiques ou émotionnelles. Selon le Bulletin statistique annuel 2021 de la Direction nationale de la population (DNP), parmi les types de VBG rapportés en 2021, les données montrent une prédominance des violences sexuelles (38%), dont 23% de viols. Pour le reste, 20% sont des agressions physiques et des violences psychologiques, 15% sont des agressions sexuelles, 12%, des dénis de ressources et 10% des mariages précoces.

Parmi les 14 264 cas de VBG enregistrées au Mali en 2022, 14% étaient des violences sexuelles et 12% des victimes étaient des enfants de 12 à 17 ans. Si les statistiques de l’année 2023 ne sont pas encore publiées, au Programme national pour l’abandon des VBG on craint des chiffres plus élevés que ceux de 2022. Selon une source au sein de la structure, entre janvier et juin 2023 plus de 7000 cas avaient été déjà enregistrés.

Les agressions sexuelles en hausse

Selon le Bulletin annuel de la DNP, les statistiques de 2021 montrent une tendance à la réduction des cas de violences sexuelles de 3% (23% en 2020 contre 20% en 2021). Par contre, les cas d’agressions sexuelles sont passés de 15% en 2020 à 34% en 2021. La même tendance à la hausse se poursuit pour les cas de violences physiques, qui sont passés de 20% en 2020 à 27% en 2021, soit un taux d’augmentation de 7%.

« Pour le mariage d’enfants, le taux est resté inchangé (de 10% à 2020 il est resté le même en 2021). Le déni de ressources, d’opportunités ou de services a connu aussi une évolution de 6%. De 12% en 2020 il est passé à 18% en 2021. Seules les violences psychologiques ou émotionnelles ont connu une baisse significative : elles passent de 20% en 2020 à 11% en 2021 », indique le bulletin.

Si les VBG se multiplient au fil des années au Mali, il n’existe toujours pas de loi spécifique pour lutter contre le fléau. Plusieurs tentatives d’adoption d’une loi spécifique ont échoué par le passé, mais la réforme du Code pénal en cours devrait permettre de prendre les VBG en compte dans le nouveau texte.

Femmes dans la transition : encore du chemin à faire

Malgré certaines avancées dans  la promotion du Genre ces dernières années, les femmes restent peu représentées dans les organes de prise de décision sous la transition. Si elles ne sont pas complètement en marge du processus de refondation, elles peinent à peser dans les différentes instances.

La faible représentativité des femmes au sein du Comité de pilotage du Dialogue inter-Maliens, mis en place le 31 janvier 2024, est venue confirmer une tendance globale depuis le début de la Transition. La loi  N°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant les mesures pour promouvoir le Genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives peine à être respectée lors des nominations aux postes de responsabilité. Sur 140 membres qui composent ce comité, seulement 28 sont des femmes.

À l’instar du Comité de pilotage du dialogue inter-Maliens, les femmes restent sous-représentées dans toutes les organes de la Transition et au niveau d’autres importantes instances, à commencer par le Gouvernement, où elles ne sont que 6 membres sur 28, soit une représentativité de 21,42%. Plus alarmant, seule une femme est Secrétaire générale au niveau des différents départements ministériels, selon le Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires ( REFAMP).

Le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif de la Transition, ne compte de 42 femmes sur 147 membres (28, 57%) et dans la Commission de finalisation de l’avant-projet de nouvelle Constitution mise en place en janvier 2023, les femmes n’étaient que 11 sur les 69 personnes désignées (15,94%). Même constat à  l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), installée le 10 janvier 2023 et qui ne compte que 4 femmes sur ses 15 membres, soit une représentativité féminine de 26,66 %. Au Conseil économique, social, environnemental et culturel, seulement 15 femmes sont présentes sur 68 membres. Par ailleurs, à en croire les données de l’Institut d’études de sécurité (ISS), au sein de l’Administration générale en 2021, lors du début de la 2ème phase de la Transition, les femmes constituaient  15% seulement des directeurs et directrices des services centraux et 11% des ambassadeurs et ambassadrices.

« Les chiffres parlent. Nous avons encore du chemin à faire. Je pense que les femmes sont impliquées dans la conduite de la Transition, mais pas à hauteur de souhait. Le gouvernement a fourni des efforts, mais il faut encore une forte volonté politique pour améliorer la participation et la représentativité des femmes  au niveau des différents organes », souligne Mme Fomba Fatoumata Niambaly, Secrétaire générale adjointe du REFAMP.

Actives malgré tout

Malgré le tableau peu reluisant de leur représentativité au sein des instances de décision, les femmes du Mali ne sont pas restées en marge du processus de refondation enclenché depuis le début de la Transition. Tout en menant des plaidoyers pour l’application effective de la loi 052, elles se sont impliquées à divers niveaux dans les grands rendez-vous décisionnels de la Transition.

« Les femmes ont joué et continuent de jouer un rôle important dans le processus de paix et de réconciliation pour la refondation du Mali. Elles sont très impliquées dans les différents mouvements de gestion de crise, jouent des rôles stratégiques et sont très actives dans la société civile. Grâce à des organisations de femmes, leur rôle est reconnu dans la gestion des crises et elles sont présentes dans les différentes instances de la Transition », rappelle Mme Doumbia Fatoumata Koité, Présidente du Consortium des femmes leaders du Mali.

Ce consortium, constitué de la Plateforme des femmes leaders du Mali, du Réseau paix et sécurité des femmes de l’espace CEDEAO (REPSFECO), du Réseau des femmes leaders du Mali (AWLN-Mali), du Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires (REFAMP) et du Réseau plaidoyer et médiation, a contribué à la mise en place d’un mécanisme cohérent pour la participation des femmes aux réformes de refondation du Mali.

« Nous avons travaillé entre autres pour la prise en compte des besoins spécifiques des femmes dans toutes les décisions concernant la refondation du Mali, pendant la Transition et au-delà, pour faire connaitre leur rôle incontournable dans la vie de la Nation et dans la reconstruction de la cohésion sociale et du vivre ensemble et pour exiger leur présence, à travers des expertes, dans les équipes de réflexion, de rédaction et de proposition des textes devant régir la Transition », affirme Mme Doumbia.

Loi 052, l’interminable  combat»

« À l’occasion des nominations dans les institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30% », stipule l’article 1er de la Loi N°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant les mesures pour promouvoir le Genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.

Pour la Secrétaire générale adjointe du REFAMP, le non-respect des dispositions de cette loi ne peut s’expliquer en partie que par une absence de volonté politique, parce « qu’il y a des femmes compétentes qui peuvent mieux jouer leur rôle que certains hommes ».

Mme Maiga Oumou Dembélé est du même avis. Pour la Présidente du Cadre de concertation des femmes des partis politiques (CCFPP), également, la faible représentativité des femmes au sein des instances de prises de décisions n’est liée qu’à la volonté et à une décision politique de la part des autorités dirigeantes.

« Les décisions politiques n’émanent pas de nous. Il faut que les décideurs aient la volonté de changer les choses pour que cela bouge. Nous, en tant que femmes, nous pouvons juste mener des plaidoyers pour que la loi soit respectée », avance-t-elle.

Mais, à en croire Mme Fomba Fatoumata Niambaly, l’argument de la non disponibilité de femmes compétentes ressort souvent pour justifier leur faible représentativité dans les instances. Face à cela, le REFAMP, explique-t-elle, a initié des projets pour identifier les femmes cadres afin d’avoir un répertoire pour faire des propositions lors des nominations. « Nous allons redynamiser ce cadre d’identification pour réactualiser ce répertoire de toutes les femmes qui peuvent occuper des postes », assure-t-elle.

Si la volonté politique est remise en cause pour l’application de la loi 052, les femmes reconnaissent également des pesanteurs sociales qui freinent leur participation dans ces instances. « Il arrive que les maris s’opposent aux nominations de leurs épouses et les obligent à se désister », se désole la Secrétaire générale adjointe du REFAMP, soulignant qu’il faudrait donc agir à deux niveaux.

« Nous devons plaider d’une part au niveau du gouvernement et d’autre part agir à notre niveau en tant que femmes pour mieux nous  préparer. Il est incompréhensible que nous nous battions pour avoir des postes et que dans le même temps certaines femmes qui sont désignées se désistent », admet-elle.

« Nous sommes à pied d’œuvre pour renforcer  les capacités des femmes,  pour qu’elles puissent être à la hauteur, parce qu’il ne s’agit pas seulement de désigner, il faut savoir qui désigner. Il faut que les femmes qui sont désignées puissent bien jouer leur rôle », insiste Mme Fomba.

En attendant une totale application de la loi 052, les femmes ont plaidé et obtenu une disposition dans la nouvelle loi électorale adoptée en 2022. L’article 78 de ladite loi est sans équivoque : « les listes de candidatures présentées par les partis politiques, groupements de partis politiques ou candidats indépendants sont irrecevables lorsqu’elles présentent plus de 70% de femmes ou d’hommes ».

Primature : Choguel Kokalla Maiga sur un siège éjectable ?

La crise au sein du M5-RFP a pris de nouvelles proportions le 5 mars 2024,  avec la révocation de Choguel Kokalla Maiga de la tête du Comité stratégique par la tendance Imam Oumarou Diarra. Alors qu’il a été nommé Premier ministre en juin 2021 en tant que Président de ce Comité stratégique, le chef du gouvernement est-il désormais menacé à la Primature ?

Lors de sa conférence de presse du 2 mars 2024, le Comité stratégique du M5-RFP tendance Imam Oumarou Diarra avait donné un ultimatum de 72 heures à Choguel Kokalla Maiga pour « rassurer face aux graves accusations de manipulation qui pèsent sur lui et sur sa responsabilité éminente dans la situation actuelle ».

« À défaut, il sera purement, simplement et démocratiquement démis de ses fonctions de Président du Comité stratégique et ramené au niveau de militant à la base, sans qu’il soit besoin de suspensions ou d’exclusions, qui restent les armes des faibles », avait avertit l’Imam Oumarou Diarra, épaulé par d’autres figures du mouvementn à l’instar de Me Mountaga Tall et de Jeamille Bittar.

De la parole ils sont passés à l’acte le mardi 5 mars, après une réunion extraordinaire tard dans la nuit, à l’issue de laquelle ils ont annoncé avoir démis Choguel Maiga de ses fonctions de Président du Comité stratégique.

« Réunis en session extraordinaire ce mardi 5 mars 2024 pour examiner les suites réservées par Choguel Kokalla Maiga aux demandes l’invitant à se hisser à la hauteur de ses responsabilités, constatant l’expiration du délai qui lui a été imparti pour ramener la cohésion et la sérénité au sein du mouvement M5-RFP, regrettant au contraire les propos injurieux et diffamatoires de ses porte-voix attitrés, décident de révoquer purement, simplement et démocratiquement le mandat de Président du Comité stratégique initialement confié à Choguel Kokalla Maiga » ont-ils déclaré.

Secousses à la Primature ?

Si cette révocation de Choguel Maiga de la tête du Comité stratégique est un « non-évènement » pour le camp qu’il incarne, parce que « la plupart de ceux qui ont pris la décision ont été déjà suspendus du Comité stratégique », pourrait-elle toutefois avoir des conséquences sur le Premier ministre pour la suite de la Transition ?

Lors d’une intervention, le 1er mars dernier, le chef du gouvernement lui-même avait déclaré être la cible de certains militaires qui mettent tout en œuvre pour l’affaiblir. « Il y a des militaires qui veulent affaiblir le M5. Ils font des réunions toutes les nuits, appellent des membres du M5 et leur disent qu’ils ne savent pas si je veux devenir Président ou pas. Donc, pour m’affaiblir, il faut qu’ils disent qu’ils ne veulent plus de moi et quand je serai faible je vais me rendre », a-t-il révélé.

Pour certains observateurs, la crise au sein du M5 fragilise incontestablement le Premier ministre et cela pourrait lui coûter son départ de la Primature. « Sa base solide était le M5. Il menaçait et parlait au nom du M5. Si ce mouvement se trouve aujourd’hui en lambeaux, les militaires en face sauront que le Premier ministre n’a plus d’arrière-garde. Il est forcément plus affaibli et devient une proie facile », confie un analyste.

Mais, pour un autre analyste politique, Boubacar Bocoum, le « cinéma » de certains membres du comité stratégique du M5-RFP ne devrait pas remettre en cause le poste de Premier ministre de Choguel Kokalla Maiga. « Ce n’est pas le Comité stratégique du M5-RFP qui gère le pays, mais plutôt le Colonel Assimi Goïta et ses collègues. Tant que le Président voudra de Choguel Maiga en tant que chef du gouvernement, il va le garder », soutient-il.

Même son de cloche chez une source proche du M5-RFP, tendance Boubacar Karamoko Traoré, qui a requis l’anonymat. « Tant que les militaires reconnaitront le seul Comité stratégique qu’incarne Boubacar Traoré, le Premier ministre ne pourra pas être inquiété. La preuve, quand d’autres sont partis créer un autre mouvement, cela n’a eu aucun effet », glisse-t-elle.

Sénégal : l’élection présidentielle se tiendra finalement le 24 mars

Le président sénégalais Macky Sall a fixé la tenue de l’élection présidentielle au 24 mars, a déclaré mercredi le gouvernement dans un communiqué. Ce scrutin était initialement prévu le 24 février, et son report avait provoqué une vague de manifestations parfois violentes à travers le pays.

L’annonce de cette nouvelle date a été effectuée dans la foulée de la dissolution du gouvernement par le chef de l’Etat, qui a remplacé le premier ministre Amadou Ba par le ministre de l’Intérieur, Sidiki Kaba, afin qu’Amadou Ba, le candidat de la coalition au pouvoir pour l’élection présidentielle, puisse se focaliser sur sa campagne, a précisé le bureau de la présidence.

La journée avait déjà été marquée par le veto opposé par le Conseil constitutionnel à la proposition de la commission du dialogue national d’organiser l’élection présidentielle le 2 juin. Le Conseil a jugé que le scrutin ne pouvait avoir lieu deux mois après la fin du mandat de Macky Sall, le 2 avril. Un degré de confusion persiste cependant sur la date précise, la présidence annonçant que le 1er tour aurait lieu le 24 mars. Un deuxième tour, probable en l’état actuel des candidatures, mais pour lequel aucune date n’a été communiquée, se tiendrait avant ou après le 2. Cependant, une décision du Conseil constitutionnel publiée mercredi dit que, dans la mesure où le premier tour aurait lieu avant la fin du mandat, le président Sall resterait à son poste jusqu’à l’installation de son successeur.

Par ailleurs, mercredi soir, le Parlement a approuvé un projet de loi d’amnistie voulu par Macky Sall dans le but d’apaiser les tensions politiques causées notamment par l’annonce du report des élections.

Le projet amnistie tous les délits ou crimes, jugés ou non, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 et « se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques ».

Le Sénégal a connu entre 2021 et 2023 différents épisodes d’émeutes, affrontements, saccages et pillages déclenchés notamment par le bras de fer entre l’opposant Ousmane Sonko et le pouvoir.

Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle en 2019 et candidat déclaré en 2024, est détenu depuis juillet 2023 et a été disqualifié de la présidentielle dont il était l’un des favoris.

L’amnistie pourrait cependant ouvrir la voie à sa sortie de prison ainsi que celle de son numéro deux, Bassirou Diomaye Faye, désigné pour le suppléer par leur parti et qui pourrait mener campagne comme le réclament à cor et à cri ses partisans au nom de l’égalité entre candidats.

CMAS : le gouvernement annonce la dissolution de la coordination

Au cours du conseil des ministres de ce mercredi, le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation le Colonel Abdoulaye Maiga, a annoncé la dissolution de la « Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de l’Imam Mahmoud DICKO (CMAS) ».

Pour cause, selon le compte rendu du conseil, depuis un certain temps, la CMAS s’adonne à des activités contraires à ses objectifs de départ et à son statut. Selon le Chef de l’Administration territoriale, la CMAS, créée en vue d’œuvrer pour la stabilité et la paix sociales, s’est transformée en un véritable organe politique de déstabilisation et de menace pour la sécurité publique suite au « léger » report de l’élection présidentielle.

Il est reproché également au parrain de la CMAS, l’imam Mahmoud Dicko, de s’adonner clairement à des activités subversives susceptibles de troubler l’ordre public.

Cette dissolution fait également suite à des récentes visites à l’extérieur de l’Imam Dicko et ses rencontres
officielles avec des personnalités de puissances étrangères sur des questions d’intérêt national sans l’autorisation des autorités du Mali. Cette circonstance, selon le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, constitue un manquement aux dispositions statutaires de la CMAS et une atteinte aux intérêts supérieurs du pays selon le communiqué.

La dissolution intervient également alors que le retour de l’imam Dicko à Alger depuis plusieurs semaines est annoncé pour bientôt. Pour certains analystes, c’est un avertissement qui lui est lancé. La CMAS a réagi dans la foulée, assurant ne pas être surprise et appelant ses membres à garder leur calme en attendant que la décision leur soit formellement notifiée. Les dissolutions d’association deviennent récurrentes.  Pour rappel, L’ Observatoire pour les Élections et la Bonne Gouvernance et l’Association  Solidarité pour le Sahel (SOLSA), ont été également dissoute.

La dissolution la plus récente est celle de, L’association Kaoural Renouveau qui a été dissoute le mercredi dernier lors du conseil des ministres. L’association est accusée d’avoir orchestré une campagne de dénigrement contre la transition en place. Le président de l’association aurait tenu des propos diffamatoires et subversifs visant à discréditer les autorités et à semer le trouble dans l’ordre public.

La commission nationale des droits de l’Homme CNDH se dit préoccupée face aux menaces sérieuses pesant sur l’exercice de certains droits civiques et politiques, notamment la liberté d’association. Elle s’indigne contre la tendance systémique de dissolution et/ou de suspension de partis politiques et/ou d’associations.

Elle a par ailleurs rappelé les responsabilités de l’État sur la protection des citoyens, et sur la garantie des libertés fondamentales comme la liberté d’association, conformément à la réglementation, en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance.

M5-RFP : La guerre des clans bat son plein

Le M5-RFP est au bord de l’implosion. Déjà diminué par le  départ de certains de ses cadres, réunis depuis au sein du M5-RFP Malikura, le mouvement continue de traverser des remous internes. Depuis  quelques semaines, deux tendances opposées à l’intérieur du Comité stratégique se battent pour son contrôle.

Le malaise interne au M5-RFP depuis plusieurs semaines a fini par se révéler au grand jour le 22 février 2024, lors de la réunion ordinaire hebdomadaire marquée par des invitées inhabituelles : les forces de l’ordre.

Si cette présence de la police à une réunion ordinaire du Comité stratégique n’a pas été du goût de certains membres opposés à la gestion du Vice-président Boubacar Karamoko Traoré, qui l’ont donc boycottée, pour les partisans de ce dernier elle est était justifiée.

« C’est parce que le Vice-président a reçu des informations selon lesquelles les jeunes se préparaient à venir le faire sortir de force qu’il a demandé à la police de venir sécuriser la réunion », confie un membre du Comité stratégique proche de lui.

Deux « Présidents » à bord

Suite aux évènements du 22 février, le Comité stratégique présidé par Boubacar Karamoko Traoré a décidé dans la foulée de suspendre « jusqu’à nouvel ordre » certains membres dudit Comité pour, entre autres, la « gravité des incidents et des agissements » qu’ils ont posés lors de la réunion, les « atteintes graves à la cohésion et la violation de l’esprit d’union sacrée autour des idéaux du peuple malien portés par le M5-RFP » et « leur mépris à l’endroit des forces de l’ordre ».

Parmi les membres du Comité stratégique suspendus figurent entre autres le Coordinateur du mouvement EMK, Tiémoko Maïga, le Président du Pôle politique du consensus (PPC) et Porte-parole du M5, Jeamille Bittar, Paul Ismaël Boro, membre du FSD ou encore Ibrahim Traoré dit Jack Bauer, membre de la Coordination des jeunes du M5.

Mais ces derniers et d’autres membres du Comité stratégique issus de diverses entités ont également annoncé le 23 février avoir mis « un terme, avec effet immédiat, à la mission de Boubacar K. Traoré comme Vice-président du Comité stratégique du M5-RFP » et désigné « à titre d’intérimaire l’Imam Oumarou Diarra, 3ème Vice-président, en qualité de Vice-président du Comité stratégique jusqu’à  nouvel ordre ».

Pour le camp Traoré, la destitution du Vice-président est sans effet. « Ils ont tenté de destituer Boubacar Karamoko Traoré mais ils ne le peuvent pas. Non seulement ils n’ont pas la majorité, mais ils ne peuvent pas destituer quelqu’un étant suspendus », argue une source interne du Comité stratégique.

Mais, dans une déclaration en date du 26 février 2024 signée du Président par intérim désigné, l’Imam Oumarou Diarra, cette tendance du M5 a qualifié de « puéril, enfantin et dérisoire » le communiqué de « l’ancien Vice-président » portant  suspension de certains membres du Comité stratégique.

Elle a également demandé au Premier ministre, Président du Comité stratégique, de « sortir sans délai de son mutisme pour rassurer face aux graves accusations de manipulation qui pèsent sur lui »

Quête d’intérêts ?

À en croire des membres du Comité stratégique que nous avons approchés, la situation actuelle au sein du M5-RFP résulte de la quête d’intérêts personnels de certains. « Certains responsables du M5 qui étaient nommés comme chargés de mission dans certains ministères ont perdu leurs fonctions ces derniers temps. C’est eux qui sont en train de nourrir la protestation », accuse un membre du Comité stratégique proche de Boubacar Karamoko Traoré.

« Si vous regardez bien les visages, ce sont des gens soit qui ont été limogés, soit qui voulaient des postes ou des marchés, en plus de quelques jeunes qui demandaient à avoir du boulot mais qui n’en ont pas eu », appuie pour sa part un autre proche du Premier ministre.

Des accusations que Jeamille Bittar réfute. Lors de la lecture de la déclaration destituant le Vice-président, le Porte-parole du M5 a affirmé que ni les questions de poste ni les calculs politiques ne motivaient leur démarche.

Toutes nos tentatives pour avoir les versions de cette tendance sur les causes de la situation actuelle au sein du M5-RFP ont été sans suite. Elle prévoit une conférence de presse ce jeudi 29 février, où « aucune question ne sera taboue », assure M. Bittar.

13ème conférence ministérielle : l’OMC joue les prolongations

Alors que la cérémonie de clôture était prévue hier jeudi 29 février à 20h (locale-16h GMT), l’organisation mondiale du commerce joue les prolongations afin que les membres parviennent à un accord. Ainsi, la clôture de la conférence ministérielle a été repoussée une première fois à minuit, heure des Emirats Arabes Unis. Les traits déjà tirés face à l’intensité des négociations, délégués et journalistes ont été informés quelques heures avant minuit d’un nouveau report pour le vendredi 1er mars à 14h locale. « Les ministres continuent d’être engagés dans d’intenses discussions sur un ensemble d’accords à adopter lors de la CM13. En conséquence, afin de donner plus de temps aux négociations, la séance de clôture officielle de la CM13 a été reportée au vendredi 1er mars à 17 heures (heure des Émirats arabes unis) » a déclaré durant la journée Ismaila Dieng, le porte-parole de l’OMC. Deux autres reports ont suivi cette annonce, la cérémonie est pour l’heure programmée à 22h locale. Si ces reports incessants en déconcertent plus d’un, d’après des responsables de l’OMC qui rappellent que les précédentes conférences se sont poursuivies au-delà de la date de clôture convenue, c’est le « fonctionnement » normal. Les positions divergentes, le manque d’accord expliquent en grande partie les reports. Les négociations se poursuivent entre les délégations. D’après un expert « les thématiques sont liées. Si un Etat est prêt à lâcher du lest sur un dossier, il veut une garantie sur un autre » ce qui complexifie les discussions. L’Inde par exemple dont la présence est très remarquée durant cette conférence a fait savoir par la voix de son ministre du Commerce, Piyush Goyal, son pays n’envisage pas de « finaliser » de nouveaux accords tant que les Etats-Unis bloquent l’organe d’appel du mécanisme de règlement des différends. Washington est également pointé du doigt pour bloquer des accords sur l’agriculture, notamment le coton. Les pays du C4+ (Mali, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire) militent pour réforme des subventions de l’or blanc. Ces subventions accordées en « masse » par les Etats-Unis, ou encore la Chine permettent à ces derniers de proposer des prix plus bas sur le marché ce qui plombe le groupe du C4+ qui dénonce une distorsion et une concurrence déloyale. En cette année électorale, de l’analyse d’un des experts qui prend part aux discussions, il semble peu probable que les Etats-Unis acceptent un compromis sur une fin des subventions. « Le lobby des farmers est très puissant » aux Etats-Unis, précise-t-il. A défaut donc d’un abandon, les pays du C4+ seraient dans la dynamique de proposer aux Américains de réduire les subventions. Mais, pour l’heure, rien n’est encore gagné.

France – Mali : les conséquences de la dénonciation de la convention fiscale

Le 5 décembre 2023, le Mali a dénoncé la convention fiscale qui le liait à la France depuis le 22 septembre 1972. Une convention qui visait à éviter notamment la double imposition des personnes et des entreprises dans chacun des deux États. La fin de cette convention fait donc de lourdes conséquences pour certains.

Dans un communiqué conjoint, les deux gouvernements du Mali et du Niger ont dénoncé les conventions tendant à éviter la double imposition signées respectivement entre le Mali et la France le 22 septembre 1972 et entre le Niger et la France en 1965. Les deux pays dénoncent l’attitude hostile du gouvernement français et le déséquilibre découlant de ces conventions « causant un manque à gagner important » pour eux. Cette dénonciation intervient dans un contexte de tension exacerbée entre la France et ces pays, réunis depuis le 16 septembre 2023 au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES) avec le Burkina, qui a lui aussi dénoncé en août 2023 une convention de même type signée avec la France en 1965.

Ces conventions de non double imposition visent en principe à éviter la double imposition sur le même revenu ou les mêmes actifs pour une personne ou une entreprise résidant dans l’un des pays. Un outil qui permet donc a priori de faciliter le développement des échanges internationaux et de favoriser les investissements, notent les spécialistes.

Pour le Mali et le Niger, ces conventions, qui visaient à renforcer les liens de coopération, ne répondaient plus à leurs objectifs et n’étaient plus compatibles avec la défense des intérêts de leurs peuples. En décidant de mettre fin à ces conventions dans « un délai de trois mois », le Mali et le Niger entendent « préserver les intérêts des deux pays ».

Démarche politique ?

Aux termes de l’article 44 de la Convention fiscale Mali – France, à partir du 1er janvier de la sixième année suivant l’entrée en vigueur de la convention, celle-ci peut être dénoncée par l’un ou l’autre Gouvernement entre le 1er janvier et le 30 juin de chaque année, par notification écrite transmise par la voie diplomatique. La convention cessera alors de s’appliquer à partir du 1er janvier de l’année suivante. La dénonciation de la convention ayant été communiquée courant décembre semble donc être hors de l’intervalle temporel prévu par le dispositif, relèvent les spécialistes. Son effectivité à partir de janvier 2024 pose donc problème d’après eux.

S’il semble logique que des conventions qui ont plus de 40 ans d’existence fassent l’objet de relecture, la démarche choisie par le Mali et le Niger, dont les conventions n’ont pas été signées aux mêmes dates, interroge. Pour certains observateurs, elle relève plus d’une démarche politique que d’une mesure fiscale ou économique. Mais cette dénonciation pourrait être un couteau à double tranchant pour les deux pays. En effet, les investisseurs potentiels pourraient se demander s’ils ne seraient pas doublement imposés en y investissant. Pourtant, la possibilité de revoir certaines dispositions de l’accord qui ne correspondaient plus à la réalité, existait, selon les observateurs. Elle aurait pu permettre aux différentes parties de prendre des dispositions afin de communiquer sur des situations précises, d’échanger des informations ou encore de prendre des décisions concernant les contribuables, personnes physiques ou morales.

Outre le ralentissement des installations réciproques d’entreprises dans les pays, suite à des conditions qui n’inciteraient pas les investisseurs, la fin de cette convention pourrait impacter les particuliers. Pour les Maliens, visiblement plus nombreux à s’installer en France que les ressortissants français au Mali, les bénéficiaires de rentes viagères ou les étudiants recevant de l’argent de leurs proches installés au Mali, dont les revenus n’étaient pas taxés, pourraient perdre ce privilège en raison de la fin de la non double imposition. La fin de la convention impliquera aussi la fin de la coopération en matière fiscale ainsi que dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale.

Faibles impacts ?

La conséquence principale et la plus immédiate d’une telle dénonciation est l’application sans restriction des règles de droit commun, en l’occurrence les dispositions du Code général des impôts (CGI) aux contribuables percevant des revenus dans l’un et l’autre des États parties, note Fatoumata Diarra, fiscaliste. Ainsi, en ce qui concerne le Mali, vont s’appliquer pleinement les dispositions de l’article 44 du CGI qui dit : « sous réserve des dispositions des conventions internationales dûment ratifiées par le Mali et relatives aux non doubles impositions, l’impôt est dû à raison des bénéfices réalisés au Mali par les personnes physiques ou morales y exerçant une activité, quel que soit leur statut juridique et quelle que soit la validité des opérations réalisée au regard de la législation autre que fiscale ».

Face au constat que la législation fiscale malienne réduit les bénéfices passibles de l’impôt à ceux réalisés dans les entreprises exploitées au Mali, ainsi que ceux dont l’imposition est attribuée au Mali par une convention internationale relative aux non doubles impositions, « concernant cet impôt en particulier, la convention a eu probablement peu d’impact sur les recettes fiscales, à l’exception notable de la situation des compagnies aériennes de l’un et de l’autre État ». L’article 12 de la convention Mali – France dit que les revenus provenant de l’exploitation en trafic international de navires ou d’aéronefs ne sont imposables que dans l’État contractant où se trouve le domicile fiscal de l’entreprise.

Par contre, les redevances et autres rémunérations de prestations de services échappaient, du fait de l’application de la convention, à la retenue à la source applicable suivant le droit commun (au taux effectif actuel de 15%). Ainsi, avec la dénonciation de la convention, ces exemptions sont supprimées.

Dans la pratique, malgré la dénonciation, la convention devrait continuer à produire effet en ce qui concerne les revenus dont le fait générateur est antérieur à l’effectivité de la dénonciation. En clair, en ce qui concerne les redevances et rémunérations de prestations de services, les revenus inscrits au crédit des comptes de résidents français jusqu’au 31 décembre 2023 ne devraient supporter aucune retenue à la source au Mali, même si le paiement effectif des revenus concernés intervient dans les années à venir.

Revoir toutes les conventions

Dans la foulée de la dénonciation de cette convention fiscale entre le Mali et la France, certains observateurs ont attiré l’attention sur le contenu des différentes conventions que notre pays a signées. En effet, outre la France, le Mali a diverses conventions avec d’autres pays, dont la Tunisie, le Maroc, la Russie, Monaco ou encore les pays membres de l’UEMOA.

Si l’on peut signaler les incohérences et l’inadaptation des dispositions de cette convention aux réalités actuelles, il faut regarder au-delà et revoir toutes les conventions qui lient le Mali à d’autres pays pour remettre au centre la sauvegarde de nos intérêts économiques, suggère un analyste.

Il faut signaler qu’il existe dans plusieurs conventions d’investissement dans les domaines des mines, du pétrole ou des infrastructures des clauses de stabilisation qui garantissent les avantages fiscaux, en dérogation aux règles existantes, consentis aux sociétés au moment de la signature des conventions. Des dispositions qui protègent les investisseurs contre d’éventuels changements des règles applicables. Ces dispositions pourront-elles servir pour protéger des effets de la dénonciation ? C’est l’une des interrogations posées par les observateurs. Des réponses pourraient découler des éclairages futurs que les autorités fiscales devront apporter sur les conséquences de la dénonciation.

Certains acteurs du secteur minier suggèrent ainsi qu’en lieu et place d’exonérations fiscales l’État prévoie des investissements pérennes, issus des revenus de l’exploitation. Des investissements durables qui pourront servir les communautés après l’arrêt des exploitations.

Coton : Le Mali plaide à l’OMC pour une fin des subventions

Alors qu’il ne reste que quelques heures avant la clôture de  la 13ème Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Abu Dhabi du 26 au 29 février, le C4+, groupe dont fait partie le Mali continue à plaider pour une fin des subventions. Mais, les négociations sont très difficiles. 

« La question du coton est l’un des dossiers chauds ». Présent à la 13ème Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Moussa Alassane Diallo, ministre de l’Industrie et du commerce du Mali, a planté le décor. Alors que la conférence n’a officiellement débuté que le 26 février, lui se trouvait à Abu Dhabi, ville hôte, depuis une semaine. Il a participé le 24 février à une session spéciale organisée par l’OMC et la FIFA sur le secteur de l’or blanc pour le compte du groupe Coton4+ (C4+). Composé de 4 pays producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) et mis en place en 2003, il a été rejoint par la Côte d’Ivoire pour devenir le C4+. Ces pays militent depuis 20 ans pour une réforme des subventions, qui entraînent selon eux une distorsion des marchés mondiaux. En effet, la Chine et les États-Unis, ainsi que des pays européens tels que la Grèce et l’Espagne, allouent des subventions importantes à leurs producteurs. Grâce à ces aides, le coton provenant de ces pays est vendu moins cher sur le marché. À la Conférence ministérielle de Nairobi, en 2015, le secteur du coton avait bénéficié de l’accord visant à éliminer les subventions à l’exportation de produits agricoles, mais les lignes n’ont toujours pas bougé. Ahmat Abdelkerim Ahmat, ministre du Commerce et de l’industrie du Tchad et Coordonnateur du C4+, a lors de la Conférence plaidé pour ne plus « diluer » le coton dans le « paquet de l’agriculture ». En sus, il a affirmé que le groupe avait soumis un projet de décision ministérielle, avec des « modalités réalistes pour plafonner et éliminer progressivement les subventions », mais « qui n’a pas été pris en compte », selon lui. Face aux positions tranchées, le C4+ a proposé aux États concernés d’adopter une flexibilité qui permettrait au groupe d’avoir un meilleur accès au marché, un soutien interne et une concurrence à l’exportation plus avantageuse.

La FIFA comme alternative

Alors qu’en coulisses les délégués et experts ne sont pas enthousiastes sur un hypothétique accord sur les subventions au coton, l’OMC essaye de trouver une alternative auprès de la FIFA. Les deux institutions ont signé en septembre 2022 un protocole d’accord portant sur une réflexion sur les moyens de faire du football un outil au service de l’inclusion économique et du développement. Le Président de la FIFA, Gianni Infantino, a participé à la session spéciale du 24 février, au cours de laquelle le groupe C4+ a présenté ses opportunités d’affaires en lien avec le coton. Le Président de la FIFA avait expliqué un peu plus tôt que le football représentait un marché de près de 270 milliards de dollars, dont 70% générés en Europe. En développant l’économie du football sur d’autres continents, cette valeur pourrait augmenter de près de 500 milliards de dollars et profiter à d’autres pays, notamment ceux du C4+. « Le Mali accueille favorablement l’accord OMC – FIFA. Le développement durable et inclusif se fera avec le coton », a affirmé Moussa Alassane Diallo. Ce développement, selon le chef du département du Commerce, passera par l’accroissement du taux de transformation sur place alors que 98% du coton malien est exporté, ce qui soumet les producteurs maliens aux risques de fluctuation des cours du produit sur le marché mondial. De leur côté, La FIFA et l’OMC veulent contribuer à créer et à améliorer la chaîne de valeurs du coton. « Les grands pays et les grands clubs ont leurs propres producteurs d’équipements, mais beaucoup d’autres à travers le monde ont du mal à trouver des acteurs économiques pour produire leurs maillots. Nous pensons que ce partenariat avec l’OMC peut les intéresser », a assuré le Président de la FIFA, avant d’ajouter « nous avons aussi de nombreux projets à travers le monde. Football for Schools est un projet éducatif qui constitue un débouché pour les équipements sportifs que nous commanderons aux pays du C4+ ».

Le blocage des États-Unis

Cet accord OMC-FIFA se présente pour l’heure comme la meilleure option des pays du C4+ vu l’évolution des négociations. Le porte-parole de l’OMC, Ismaïla Dieng, a confié que les discussions, qui se sont prolongées tard dans la soirée, ont été difficiles. Si difficiles que celui qui pilote le dossier de l’agriculture a proposé de « réduire la voilure » du texte. Selon l’un des experts du C4+ qui participent aux échanges, ce n’est pas lors des rencontres formelles que les lignes « bougent » mais plutôt durant les échanges bilatéraux. « Les pays peuvent se parler directement, faire des propositions concrètes, pour aboutir à des concessions ».

Dans ce sens, le groupe C4+ a rencontré des délégations de la Nouvelle-Zélande, des États-Unis et du Pakistan. Selon l’expert, ce sont les États-Unis qui bloquent pour l’heure tout accord, alors que la Chine et l’Union européenne, qui accordent également des subventions à leurs producteurs, seraient prêtes à faire des concessions. Pour la suite des négociations, le C4+ devra faire sans son Coordonnateur, le ministre du Commerce et de l’industrie du Tchad Ahmat Abdelkerim Ahmat, qui devait quitter Abu Dhabi ce mercredi, à la veille de clôture de la Conférence ministérielle, qui pourrait être prolongée. Les échanges continueront en présence de la délégation malienne, pour laquelle le coton est plus qu’une priorité.

Pour la CMDT, « le coton contribue à lui seul pour 15% du PIB national et fait vivre directement ou indirectement 4 millions de personnes ». Et selon les dernières prévisions du Comité de pilotage du Programme régional de production intégrée du coton en Afrique (PR-PICA), la plus haute instance sous-régionale de gestion des questions liées à la filière coton, la production du Mali est estimée en 2024 à 690 000 tonnes de coton graine, contre 480 000 pour la campagne précédente. Si ces chiffres se confirment, ils relègueraient le Bénin, avec 553 787 tonnes, en deuxième position.

OMC : au dernier jour de la conférence ministérielle, l’organisation appelle les membres à rapprocher leurs positions

Le temps presse. 24h après avoir lancé cet appel aux chefs de délégation, la directrice générale de l’organisation mondiale du commerce, Dr Ngozi Okonjo-Iweala, l’a de nouveau retirée ce jeudi matin, dernier jour de la 13ème conférence ministérielle de l’OMC qui se tient à Abu Dhabi. Lors d’une rencontre avec les organisations de la société civile, elle a exhorté les différents membres de l’organisation à avancer sur les dossiers pour un avoir un résultat positif. Si, sur certains dossiers, les négociateurs se montrent optimistes notamment celui sur les subventions à la pêche, sur d’autres, les négociations sont beaucoup plus dures. Depuis maintenant plusieurs années, l’agriculture fait partie des épineuses questions. Rebecca Miano, secrétaire de cabinet au ministère des Investissements, du Commerce et de l’Industrie du Kenya, facilitatrice des négociations sur l’agriculture a assuré que les membres étaient conscients de la nécessité de produire des résultats lors de cette conférence, alors que lors des deux dernières, les positions tranchées des différents avaient bloqué les différentes initiatives. « Cela fait plus de deux décennies que les discussions sur l’agriculture sont difficiles, elles le sont de nouveau cette année » a reconnu la Directrice de l’OMC. « Mais, les échanges se poursuivent, mon travail est de créer une balance » a-t-elle ajouté. Pour l’heure, selon des experts engagés dans les négociations, les positions des Etats-Unis ou encore l’Inde empêchent tout accord sur le commerce. D’après un responsable de l’OMC, le dernier jour est souvent mis à profit pour mettre un peu de pression afin d’obtenir des accords. La Directrice générale a toutefois précisé qu’elle « n’interfère » en rien dans les discussions. « Nous aidons les délégations à se parler ». Outre le commerce, plusieurs pays ont fait part de leur déception sur le peu de progrès réalisés sur la réforme de l’OMC, une des thématiques phares de cette 13ème conférence ministérielle. Espen Barth Eide, ministre des Affaires étrangères de la Norvège qui a animé une séance thématique sur la question a confié que les membres pourraient ne pas être en mesure de terminer les travaux sur la réforme du règlement des différends lors de cette conférence. L’organe de règlement des différends de l’OMC permet à un Etat se sentant lésé par un autre de porter plainte, en cas de litige, sur des subventions ou des obstacles techniques au commerce. Ce mécanisme est en suspens depuis plusieurs années parce que les Etats-Unis bloquent la nomination des membres de l’organe d’appel. « Il y a trois ans, nous n’avions aucune discussion sur cette réforme, les Etats ne se parlaient pas, mais des discussions sont engagées cette fois-ci, c’est déjà à souligner » a-t-elle commenté. Cette dernière journée de conférence s’annonce longue, les discussions pourraient durer jusqu’à tard dans la soirée. Dans les coulisses, certains évoquent qu’en cas de désaccord trop flagrant, la conférence pourrait être prolongée de quelques jours afin d’aplanir les angles, mais rien n’est encore acté.

OMC: Grâce au cadre intégré renforcé, le Mali veut améliorer ses filières porteuses

Au troisième jour de la conférence ministérielle de l’OMC qui se tient à Abu Dhabi, les négociations se poursuivent et sur certains dossiers les positions sont toujours tranchées. En outre du coton qui constitue l’épine dorsale de sa présence, le Mali participe à d’autres échanges notamment ceux sur le cadre intégré renforcé (CIR). Ce programme d’aide a été mis en place en 1997 et élargi en 2006. Il est destiné aux pays les moins avancés (PMA) afin d’utiliser le commerce comme moteur de développement et de réduction de la pauvreté. Le CIR est présent au Mali depuis 2005 où les autorités se sont engagées dans une dynamique de valorisation des produits locaux.  Parmi elles, la mangue, la gomme arabique, le sésame et le karité, ou encore la filière bétail-viande. Chacune étant capable d’apporter un plus au développement économique. La mise en œuvre du CIR est assurée par l’Unité de mise en œuvre du Cadre intégré (UMOCI). Actuellement, elle est sur 3 projets dont le lancement a été effectué le 27 septembre 2022 : le projet de soutien à la durabilité, le projet de développement de la filière karité et le projet de développement des capacités productives et commerciales de la filière gomme arabique.

L’objectif du premier est d’améliorer les offres des produits maliens sur les marchés internationaux afin d’en tirer le meilleur parti. Quelques actions ont été menées, dont l’accompagnement d’acteurs privés pour des manifestations commerciales et la formation en qualité en 2022.

Pour le développement de la filière karité, dont l’objectif est l’amélioration des conditions de vie des acteurs, l’exportation des produits et l’exploitation rationnelle des ressources, des actions ont été entreprises pour renforcer les compétences des acteurs et les soutenir grâce à la construction de magasins de stockage et d’entrepôts. Selon le coordinateur national du CIR Dansiré Coulibaly, 3 millions de femmes maliennes interviennent dans la filière karité, le Mali est le deuxième producteur au monde derrière le Nigéria. « Avec le CIR, nous avons voulu organiser et améliorer des secteurs qui ne l’étaient pas avant » explique M.Coulibaly. Ainsi, selon un document officiel, le soutien du CIR a contribué à l’augmentation des exportations de mangues fraîches et transformées, qui ont atteint 28 983 tonnes en 2017, pour un total d’environ 13 millions de dollars américains. La filière gomme arabique, qui vise les mêmes objectifs, a permis notamment d’augmenter les exportations de 2 475 tonnes en 2015 à 11 870 en 2020. Le Mali est l’un des bons exemples selon les responsables du CIR où le gouvernement injecte de l’argent dans les projets. Une contribution à hauteur de 2 millions de dollars par an est apportée notamment à la filière gomme arabique. Les discussions du CIR se tiennent alors que l’Union européenne menace de suspendre ses financements, mais rien n’est encore acté. D’un autre côté, d’autres pays ont promis plus d’argent, le Royaume-Uni s’est engagé sur 1 million de dollars alors que les Émirats Arabes Unis ont évoqué trois millions de dollars lors d’échanges hier mardi.

Football : les U-17 Maliens s’exportent bien

La brillante prestation des Aiglonnets en Indonésie fin 2023 n’est pas passée inaperçue aux yeux des nombreux recruteurs du monde entier.

Watford, club de Championship (D2), a annoncé le 19 février la signature de Mamadou Doumbia. Le jeune attaquant de 18 ans (1m 92), qui avait inscrit quatre buts lors de la Coupe du monde et manqué plusieurs matchs après une expulsion face à l’Espagne, rejoindra les Hornets à partir du 1er juillet. Avec cette signature, Doumbia, qui évoluait jusqu’alors à l’AS Black Star de Bamako, va entrer dans une nouvelle dimension, même s’il devra d’abord s’aguerrir dans les équipes de jeunes avant de s’attaquer au rude championnat anglais. D’après une source, il va d’abord se rendre en Italie, du côté d’Udinese, club qui avec Watford est propriété de la famille Pozzo. Le Capitaine de cette fabuleuse sélection U-17 des Aigles, Ibrahim Diarra, est au FC Barcelone pour parfaire sa formation. D’après de nombreux médias catalans, les dirigeants barcelonais, impressionnés par les qualités techniques et physiques de l’ancien de l’Africa Foot, lui feront signer un contrat en décembre 2024, lorsqu’il aura atteint sa majorité. Joueur décisif de la Coupe du monde U17 avec 5 buts et 4 passes décisives délivré, il a assisté des tribunes du stade olympique Lluis Companys, qui accueille les matchs du FC Barcelone en attendant la fin des travaux du Camp Nou, à la victoire 1-0 des Blaugrana contre Osasuna, le 31 janvier dernier. Dans quelques années, sur les pelouses espagnoles il pourrait bien retrouver son ancien coéquipier Mahmoud Barry, qui évolue désormais à Villarreal. L’ancien joueur de l’Étoile du Mandé, qui avait remplacé au pied levé Doumbia lors de sa suspension en inscrivant 3 buts, est l’un des « cracks » de cette génération. Le talentueux Hamidou Makalou, auteur d’un magnifique but face à l’Argentine pour sécuriser la troisième place du Mali lors du Mondial, est fortement courtisé par le RB Salzburg. Entre le club autrichien et les jeunes joueurs maliens notamment ceux de l’académie Jean-Marc Guillou, c’est une longue histoire d’amour. Makalou, que beaucoup comparent au Français N’Golo Kanté pour son activité et sa technique, est aussi promis à un brillant avenir s’il garde une certaine constance dans son jeu, affirme un analyste sportif.

OMC : un accord sur la facilitation de l’investissement pour le développement qui va bénéficier aux pays les moins avancés

En 2017 à Buenos Aires en Argentine, 70 pays membres de l’OMC ont approuvé une Déclaration ministérielle conjointe sur la facilitation de l’investissement pour le développement lors de la 11ème conférence ministérielle de l’organisation. En marge de l’ouverture officielle des travaux de la 13ème conférence ministérielle à Abu Dhabi, ce sont 123 Etats membres sur les 164 de l’OMC dont le Mali qui adhèrent à l’initiative. Cet accord vise à accroître la participation des pays en développement et des pays les moins avancés aux flux d’investissement mondiaux afin de promouvoir un développement économique durable. Selon un document de l’OMC, l’accord peut permettre de générer au niveau mondial, des gains compris entre 295 et 1041 milliards de dollars dont l’essentiel reviendrait aux pays à faible revenu. Les améliorations induites par l’accord pourraient atteindre jusqu’à plus de 130% pour les pays africains à faible revenu d’après l’OMC. Plus concrètement, l’accord vise à créer un cadre réglementaire plus transparent, plus efficace au niveau national en vue d’encourager l’investissement. L’accord exclut toutefois l’accès aux marchés, la protection de l’investissement et le règlement des différends entre investisseurs. La délégation malienne présente à Abu Dhabi, conduite par le ministre du Commerce, Moussa Alassane Diallo enchaîne les réunions avec de potentiels investisseurs et différentes entités de financement afin de présenter la destination Mali et les opportunités d’affaires qu’elle offre. Le ministre sud-coréen du Commerce Inkyo Cheong a qualifié l’accord d’historique. « Lorsqu’il sera mis en œuvre, il apportera de nombreux avantages notamment aux pays en développement » a-t-il ajouté. Même si 75% des membres de l’OMC dont la Chine, la Russie ou encore l’Arabie Saoudite souscrivent à l’accord d’autres pays restent encore à convaincre, les Etats-Unis et l’Inde notamment. « L’accord ne force pas à investir, il facilite plutôt. Les objections reposent sur une compréhension erronée de l’accord, nous allons nous atteler à convaincre les autres membres » a ajouté le ministre sud-coréen. La prochaine étape des discussions est d’intégrer cet accord à l’annexe 4 de l’accord de Marrakech instituant l’OMC, ce qui permettrait que les procédures d’acceptation suivent leur cours en vue d’assurer son entrée en vigueur en temps voulu. Bien que l’accord sur la facilitation de l’investissement pour le développement soit plurilatéral (il ne lie que les membres qui l’acceptent), il est ouvert à l’adhésion de tous les membres de l’OMC.

OMC : lors de la 13ème conférence ministérielle, la question des subventions divise les membres

Plusieurs questions vont occuper les discussions lors de la 13ème conférence ministérielle de l’organisation mondiale du commerce qui se tient à Abu Dhabi du 26 au 29 février. Parmi ces questions, celle sur les subventions oppose les membres.

Alors que les délégués des différents pays enchaînent les réunions et les négociations lors de la 13ème conférence ministérielle de l’OMC ouverte hier lundi à Abu Dhabi, la question des subventions divise les Etats. Ce mardi, l’OMC a organisé trois conférences sur l’environnement, et la dernière consacrée à la réforme des subventions des combustibles fossiles a mis en évidence une partie du fossé entre les membres. Todd McClay, ministre du commerce de la Nouvelle-Zélande dont le pays fait partie des co-parrains de cette initiative espère qu’une partie de ce fossé sera réduit à l’issue de la conférence. 48 pays sur les 164 de l’OMC sont membres de cette initiative. « 24 trillions de dollars ont été dépensés ces dernières années pour subventionner les énergies fossiles. Éliminer ces subventions pourraient permettre de réduire de 3% les émissions de gaz à effet de serre » a affirmé M. McClay. Comme très souvent, ces textes peinent à avancer, bloqués par des pays qui se sentent menacés. La Chine ainsi que les Etats Unis, les deux plus grands pollueurs de la planète ne souscrivent pas à l’initiative d’une réforme des subventions des combustibles fossiles. Selon un délégué rencontré dans les coulisses, une telle réforme « voudrait dire pour la Chine qui est l’usine du monde devra réduire sa capacité de production, ce qui pour l’heure n’est pas encore envisageable ».

Lors de la cérémonie d’ouverture de la 13ème conférence le 26 février, la Directrice générale de l’OMC, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala s’est réjouie qu’un accord soit proche sur les subventions à la pêche alors que la question est débattue depuis 2001.  Un accord a déjà été adopté par consensus lors de la 12ème conférence ministérielle de l’OMC (CM12), tenue à Genève du 12 au 17 juin 2022 qui fixe de nouvelles règles multilatérales contraignantes pour lutter contre les subventions préjudiciables. Les membres s’étaient entendus en outre pour poursuivre les discussions lors de la 13ème conférence en vue de faire des recommandations. La Directrice générale a formulé le vœu d’une entrée en vigueur de cet accord d’ici son anniversaire le 13 juin prochain. « Lorsque nous y parviendrons, ce sera l’entrée en vigueur la plus rapide de tous les accords de l’OMC et je sais que nous y parviendrons », a-t-elle ajouté.

Une autre question de subvention à laquelle le Mali est directement concerné est également débattue durant cette semaine. Le groupe du Coton-4+ (Mali, Tchad, Bénin, Burkina Faso) ainsi que la Côte d’Ivoire militent pour une réforme des subventions qui entraînent selon eux une distorsion des marchés mondiaux depuis 20 ans. La Chine et les Etats-Unis ainsi que des pays européens tels la Grèce et l’Espagne allouent des subventions importantes à leurs producteurs. Grâce à ces subventions, le coton provenant de ces pays est vendu moins cher sur le marché. Ahmat Abdelkerim Ahmat, ministre du Commerce et de l’industrie du Tchad et coordinateur du C4+ a assuré que le groupe a soumis un projet de décision ministérielle pour cette conférence  « qui n’a pas été pris en compte » selon lui.

OMC : l’organisation veut des résultats probants à l’issue de sa 13ème conférence ministérielle

« A la croisée des chemins ». Le Dr Thani Bin Ahmed Al Zeyoudi, ministre du commerce extérieur des Emirats Arabes Unis n’aurait pas pu trouver meilleure formule pour décrire la situation de l’organisation mondiale du commerce. Celui qui est également président de la 13ème conférence ministérielle de l’OMC qui s’est ouverte à Abu Dhabi ce lundi et se tiendra jusqu’au jeudi 29 février a exhorté à l’issue des travaux à montrer au monde « que l’OMC est vivante et pleinement capable de produire des résultats ». Cette semaine de négociations qui démarre s’annonce difficile pour les délégués des plus de 160 pays membres de l’OMC présents à Abu Dhabi. Dans un contexte géopolitique très tendu, les délégués devront s’entendre afin de dégager un consensus pour adopter les décisions. « Que ce soit le pays le moins avancé ou le plus puissant, chacun à son mot à dire, c’est ce qui fait le charme de l’OMC et rend aussi complexe les négociations » a reconnu la Directrice générale de l’organisation, la Nigériane, Ngozi Okonjo-Iweala, première femme et première africaine à occuper ce poste.  Agriculture, commerce électronique, environnement ou encore l’épineux dossier de la réforme de l’OMC pour le règlement des différends sont entre autres au menu de cette conférence. Les pays étalent pour l’heure leurs différences.  L’organe de règlement des différends de l’OMC est en panne. Ce dernier permet à un Etat se sentant lésé par un autre de porter plainte, en cas de litige, sur des subventions ou des obstacles techniques au commerce. Ce mécanisme est en suspens parce que les Etats-Unis bloquent la nomination des membres de l’organe d’appel.

Optimisme modéré 

Face à ces écueils, la directrice de l’OMC est d’un « optimisme modéré », même si elle assure être confiante en la capacité des pays à faire « les bons choix ».  Motif de satisfaction pour elle, durant la conférence, les ministres ont approuvé l’accession à l’OMC des Comores et du Timor-Leste, un État insulaire d’Asie. Les chefs d’Etat de ces pays ont salué cette décision. Les Comores ont déposé leur demande d’adhésion en 2007 alors que  le Timor Leste a attendu huit ans pour voir sa demande approuvée. 22 autres pays tapent à la porte pour intégrer l’organisation, une preuve selon Ngozi Okonjo-Iweala que l’OMC fonctionne et est résiliente. En sus, elle s’est réjouie qu’un accord soit proche sur les subventions à la pêche alors que la question est débattue depuis 2001.

Le Coton 4 veut des résultats

Le coton occupe une place importante dans les négociations de l’OMC depuis 2003. Le groupe Coton-4 composé du Mali, du Burkina Faso, du Tchad, du Bénin, auxquels s’est ajoutée la Côte d’Ivoire militent pour réformer les subventions au coton qui entraînent une distorsion des marchés mondiaux selon eux. La délégation malienne qui comprend le directeur commercial de la CMDT, des conseillers techniques est conduite par le ministre du Commerce, Moussa Alassane Diallo. Un événement spécial regroupant le Coton-4, l’OMC, la FIFA a été organisé le 24 février dernier autour du « Partenariat pour le coton ». Un appel a été lancé à de nouveaux investissements des secteurs public et privé dans le coton africain pour améliorer la chaine de valeur de l’or blanc. Le C4 qui a qualifié ce partenariat de mariage de raison s’est toutefois désoler des progrès lents réalisés dans l’atteinte de leurs objectifs à appeler à plus de soutiens internes.

Naira, Cédi, Franc guinéen : Des fortunes diverses

Le Naira a atteint un niveau historiquement bas ce 20 février 2024. Il fallait 1 712 unités pour un dollar sur le marché officiel. Même si les autorités de la banque centrale assurent que les devises en monnaie étrangère s’améliorent, le Nigeria est confronté à une pénurie de dollars qui pousse sa monnaie locale à la baisse. De la même manière, d’autres pays d’Afrique de l’Ouest qui disposent de leur propre monnaie ont également été confrontés à une crise.

La crise d’argent liquide a coûté à l’économie nigériane un montant estimé à 20 000 milliards de nairas, en raison de la paralysie des activités commerciales, de l’étouffement de l’économie informelle et de la contraction du secteur agricole, a déclaré l’organisation pour la promotion des entreprises privées du pays. Elle a aussi estimé que la situation avait réduit le nombre de travailleurs et d’entreprises dans un pays où 63% de la population est pauvre et 33% est au chômage.

La plus grande économie du continent fait face à une inflation record, 29,9% en janvier, jamais connue depuis 1996. La population, confrontée à la hausse du prix du gaz suite à l’arrêt des subventions, manifeste son mécontentement. Le Nigeria, dépendant des importations pour satisfaire ses besoins, est vulnérable aux chocs externes.

Premier producteur africain d’or, le Ghana est également confronté à une grave crise économique. Sa monnaie, le Cedi, a perdu environ 81% de sa valeur fin 2022. Une baisse significative qui la classe au 4ème rang des 20 monnaies africaines les moins performantes, après la Sierra Leone (6èmeet le Nigeria (12ème). Selon la Banque mondiale, le pays est devenu le 8ème pays plus endetté du continent, avec une dette publique estimée à 90,7% du PIB fin 2022. Le Ghana, talonné par l’Angola au classement des monnaies les moins performantes, traverse une grave crise malgré sa richesse en matières premières. La faute à une mauvaise gouvernance et à peu de diversification, surtout pour l’Angola.

Dans ses perspectives économiques d’octobre 2023, la Banque africaine de développement note que la croissance, estimée à 4,4% en 2022, contenue d’être soutenue par la production minière et la résilience en Guinée. L’inflation a baissé à 12,2%, contre 12,6% en 2021. « Importée (elle) est partiellement compensée par l’appréciation du Franc Guinéen ». La croissance du PIB devrait atteindre 5,6% en 2024 grâce à la production minière et la disponibilité en énergie. L’inflation est prévue à la baisse à 9,9% en 2024.

Mais le faible regain d’activités dans les branches non extractives, les effets de la crise russo-ukrainienne et la faible mobilisation des ressources internes (12,6% du PIB en 2022), contre 20% dans la Zone CEDEAO, et les tensions sociopolitiques, continueront d’être des risques pour une croissance durable.

Dialogue inter-Maliens : Le comité de pilotage à pied d’œuvre

Nommés par le décret N°2024-0062/PT-RM du 2 février 2024, puis installés trois jours plus tard, le 5 février par le Président de la Transition, les membres du Comité de pilotage du dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale s’activent depuis pour mener à bien leur mission de préparer les conditions favorables à un dialogue direct entre Maliens, sans aucune interférence extérieure.

Lors d’une conférence de presse tenue le 20 février 2024 à la Maison de la Presse, le Président du Comité de pilotage, l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maiga, a fait le point des différentes actions menées depuis son installation et des prochaines étapes de l’organisation du dialogue inter-Maliens.

À l’en croire, les travaux ont débuté dès le 6 février avec l’installation dans un premier temps de trois commissions de travail consacrées aux termes de référence, au règlement intérieur et à la communication.

Cinq autres commissions thématiques ont par la suite été constituées : Paix, Réconciliation nationale et Cohésion sociale, Questions politiques et Institutionnelles, Économie et Développement durable, Questions sécuritaires et de Défense du territoire, Géopolitique et environnement international.

Un dialogue de plus ?

Pour certains, après la tenue de plusieurs dialogues et concertations par le passé, le dialogue inter-Maliens prôné par le Président de la Transition s’apparente à un dialogue de plus. Mais les membres du Comité de pilotage s’inscrivent en faux contre ce point de vue.

« Ce sera un dialogue innovant. Quelque chose de nouveau va être réalisé cette fois-ci parce que ce sont les Maliens entre eux, sans interférence, qui vont se parler pour trouver des solutions à leurs problèmes », clame Ousmane Issoufi Maiga.

« Pour une fois, tout le processus va se dérouler entre Maliens uniquement et exclusivement et ne se concentrera sur aucune ressource humaine ou financière extérieure, ni pour nous aider à préparer, ni pour mettre en œuvre le dialogue, encore moins pour la mise en œuvre des recommandations », appuie Boubacar Sow, Rapporteur général du Comité de pilotage.

« En organisant ce dialogue nous n’y allons pas en anticipant ce qui doit être dit. Le dialogue sera largement ouvert à tous les intervenants. Il s’agit pour nous, non pas de guider ceux qui vont venir pour les concertations, mais de les laisser parler le plus librement possible », poursuit-t-il.

« Sans tabou »

À l’instar du Dialogue national inclusif, les discussions du dialogue inter-Maliens vont se dérouler au niveau de toutes les communes du Mali ainsi que dans tous les pays de grande concentration de Maliens établis à l’extérieur. À en croire le Président du Comité de pilotage, aucun sujet ne sera tabou, à l’exception de l’unicité, de la laïcité et de l’intégrité du territoire, qui ne feront pas partie des sujets de discussions, comme l’a souligné le Président de la Transition lors de l’annonce du dialogue inter-Maliens, le 31 décembre 2023.

« Tout sera mis sur la table, sans tabou. Tout ce qui fâche sera dit, mais dans la convivialité, dans le respect, sans que les gens s’insultent. Il faut avoir un débat civilisé, d’hommes responsables. Et nous irons dans toutes les communes du pays, à l’intérieur comme à l’extérieur, pour organiser ce dialogue entre les Maliens », assure l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maiga. Quant à la participation des terroristes et des groupes armés rebelles à ce dialogue, il indique qu’ils seront les bienvenus, mais sous certaines conditions.

AES : Vers la création d’une monnaie commune ?

Le 15 février 2024, plusieurs ministres de l’Alliance des États du Sahel (AES) se sont réunis à Ouagadougou. Suite à la réunion des hauts fonctionnaires et en prélude à la rencontre des chefs d’État, ils ont recommandé la validation de l’architecture institutionnelle pour la nouvelle confédération. Avec pour ambition d’élargir les objectifs de l’Alliance aux domaines diplomatique et économique, les États de l’alliance souhaitent concrétiser des mesures et visent à terme une union économique et monétaire. Une monnaie commune est-elle envisageable, quel délai pour son émission, quels atouts et quels risques? Ce sont quelques-unes des questions posées à notre interlocuteur Mohamed Diarra, économiste financier au cabinet d’études et conseils Nord Sud Multiservices Consulting.

Une sortie des États de l’AES de la Zone CFA est-elle inévitable ?

Cette sortie est envisageable. Mais en ce moment la Zone AES n’est pas forcément prête à sortir de la Zone CFA. Les États peuvent sortir de la Zone CEDEAO, qui est un espace économique, et rester dans l’UEMOA, qui est une zone monétaire. Ce sont des entités différentes. Ces pays vont mettre un peu de temps et devront réfléchir, parce qu’il y a beaucoup d’instruments à mettre en place. Présentement, beaucoup d’États sont en train de se financer sur le marché monétaire des titres de l’UEMOA, ce qui est une méthode de gestion budgétaire. Il semble un peu prématuré que ces États sortent de cette zone.

Une monnaie commune à l’AES est-elle possible ?

Complètement. Il suffit que les États se mettent d’accord pour le faire, mettre en place un système de banque centrale et lui donner l’autorisation d’émettre la monnaie de l’AES. Naturellement il y a d’autres aspects techniques qui précèdent sinon a ma connaissance Il n’y aucune clause ou contrainte juridique qui leur interdit de le faire. Bien entendu il y a d’autres aspects qu’il faut voir, notamment sur plan international avec la Banque de Règlements Internationaux sis a Bale en Suisse, bien que mineur. Mais lors de la création ils devront par exemple régler leurs dettes au niveau de leur compte d’opération. À part cela, il n’y a pas de problème juridique, ils peuvent librement créer leur monnaie.

Combien de temps peut prendre la création de cette monnaie ?

L’émission d’une monnaie propre à l’AES dépend des États. Décider d’émettre une monnaie est une question de convention entre eux. Il suffit d’en prendre la décision en un jour ou deux. Il s’agit de créer le cadre conceptuel et juridique et d’émettre la monnaie. C’est une question d’accord. Mais je ne pense pas qu’ils veuillent le faire tout de suite. Parce qu’il y a un certain nombre de mesures à mettre en place, qui, a ma compréhension ne le sont pas encore, une façon de dire qu’il ne faut surtout pas se précipiter.

Quels seront les facteurs de réussite de cette monnaie ?

Les facteurs de réussite d’une monnaie résident dans la capacité de gestion de cette monnaie. C’est-à-dire le sérieux que l’on met dans sa gestion. Cela signifie d’abord la maîtrise des déficits budgétaires, de l’inflation. Il y a aussi la capacité de production c’est dire le revenu réel des Etats (PNB), le taux d’inflation, la gestion des taux
d’intérêt à court et moyen terme et le maintien d’une relation stable des taux d’intérêt. En d’autres termes le respect et la maitrise de l’évolution de certains agrégats macroéconomiques. Ceux-ci sont des aspect très importants a prendre en compte.

Les pays de l’AES peuvent-ils réunir ces conditions ?

Oui.

À quelle monnaie pourrait s’arrimer cette nouvelle monnaie ?

Si on décide de créer une monnaie, il ne faut pas penser à la faire s’arrimer à une autre (ce que l’on appelle dans le jargon Currency Bord). Parce que cela veut dire laisser sa souveraineté monétaire à une autre monnaie. L’AES peut créer sa monnaie et ne pas l’arrimer. Il y a la possibilité de production de ces États, que ce soit les matières premières ou autre chose. La viabilité d’une monnaie réside dans sa bonne gestion et la capacité de production de cette zone monétaire. Arrimer sa monnaie signifie qu’on ne peut pas bien la gérer, qu’on ne peut pas la supporter. Je préfère parler de garantie. Elle peut être l’étalon or qui garantissait d’ailleurs toutes les monnaies avant la modification a travers les accords de la Jamaïque des statuts de FMI pour prendre le dollar comme monnaie de référence. Aujourd’hui presque 80% de l’affacturage international est fait en Dollar US. La valeur de la monnaie par rapport à une autre dépend de la capacité de production du pays. Donc la capacité de production de
l’AES va déterminer la puissance de sa monnaie., pour garantir le dollar par exemple. Les monnaies d’ailleurs se donnent leur valeur sur le marché monétaire. Cela veut dire qu’elles doivent trouver un espace de fluctuation. Elle ne doit pas avoir normalement, comme ce que l’on a fait avec le franc CFA et l’euro une partite fixe qui,
au demeurent ne favorise pas trop le développement de nos économies. Cette parité fixe donne même une certaine contrainte pour ne pas dire asphyxie à l’égard de nos économies. Bien entendu il y a des défenseurs de la théorie de la parité fixe. Je peux d’ailleurs m’hasarder a dire que la valeur réelle du CFA aujourd’hui est surévaluée.

La parité fixe n’est donc pas un facteur de stabilité ?

Ce sont des facteurs que l’on peut envier. Mais, en réalité, je dirais que le franc CFA est surévalué. Une monnaie se donne de la valeur en fonction de la production du pays ou des groupes de pays qui l’émettent. Je préfère une monnaie qui n’a pas de parité fixe, qui flotte en fonction de l’offre et de la demande, plutôt que la parité factuelle que nous avons entre le franc CFA et l’euro. C’est un facteur de stabilité macroéconomique. Mais que vaut cette stabilité si les peuples qui vivent dans cette zone sont pauvres?

Quels sont les éléments déterminants d’une monnaie ?

Les déterminants d’une monnaie forte dépendent de la demande. Si beaucoup d’acteurs économiques demandent cette monnaie sur les marchés, dans un premier temps cela peut lui donner de la puissance. Il y a aussi la maîtrise de l’inflation, qui est un facteur important. Le taux directeur de la banque centrale, la croissance économique de la zone qui émet la monnaie ainsi que sa balance commerciale (ses échanges), peuvent rendre une monnaie forte.

Les problèmes de sécurité ne jouent-ils pas en défaveur des États de l’AES ?

Que ce soit pour la monnaie ou pour le commerce, le problème de sécurité est un facteur de risque, mais cela n’impacte pas du tout l’émission d’une monnaie. Il faut seulement maîtriser l’inflation et faire une bonne gestion.

L’Eco(monnaie commune de la CEDEAO) est prévu pour être lancé en 2027. Cela ne posera-t-il pas un problème, sachant que les pays qui l’adopteront seront les plus nombreux en Afrique de l’Ouest ?

Non, je ne pense pas que cela puisse poser un problème. La Gambie a sa monnaie, la Sierra Leone et la Guinée aussi. Même si l’Eco était lancé, cela ne posera aucun problème de confrontation. La réussite de la monnaie réside essentiellement dans la bonne gestion macroéconomique. Il n’y a pas de crainte vis-à-vis de la Zone Eco. Il pourra y avoir des relations monétaires pour faciliter les échanges entre les deux zones, qui sont obligées de vivre ensemble.

Quels sont les atouts de pays de l’AES ?

Ils disposent de matières premières et de pierres précieuses, d’uranium, de lithium, d’or ou encore de pétrole. Ils ont aussi un potentiel dans l’agriculture. Il leur suffit d’accroître la productivité pour assurer l’autosuffisance alimentaire à l’interne, ce qui leur permettra de réduire leurs importations de denrées alimentaires. Les pays de l’AES disposent donc d’atouts pour lancer une zone monétaire. Des atouts qui peuvent permettre de gérer leurs économies et de créer une zone de prospérité économique.