Guillaume Ngefa : « Notre rôle, c’est d’établir la vérité »

 La Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la MINUSMA est un pilier fondamental de la mission onusienne. Les personnes qui y travaillent assurent la protection et la promotion des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national. La découverte récente de fosses communes dans la région de Kidal et la libération de 9 enfant soldats enrôlés dans les mouvements armés ont, pour un temps, mis sur le devant de la scène cette division très informée et qui cultive la discrétion. Guillaume Ngefa, son Directeur, a répondu aux questions du Journal du Mali sur son travail quotidien dans un contexte de violence et d’insécurité.

Quel est le rôle de la division des Droits de l’Homme de la Minusma ?

C’est la composante de la mission qui a reçu mandat de surveiller la situation des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national, d’aider à enquêter sur les abus et les violations des droits de l’homme, de les documenter et de les rendre publics et de contribuer au renforcement des capacités des institutions nationales, ainsi que des organisations non-gouvernementales. Nous aidons aussi à l’administration de la justice.

Faites-vous aussi de la sensibilisation ?

Le volet sensibilisation est une composante essentielle de notre travail. Nous conduisons une série de formations des forces de défense et de sécurité maliennes, en coopération avec l’EUTM et l’EUCAP, qui forment la police et la gendarmerie. Nous avons des programmes de renforcement des capacités des organes chargés de l’administration de la justice. Chaque année nous organisons une formation avec l’institut des droits de l’homme de Strasbourg sur le droit international, les droits de l’homme et le droit humanitaire, nous en sommes à la quatrième.

Quel est votre rôle face à des abus et des violations graves des droits de l’homme ?

Les violations du cessez-le-feu peuvent s’accompagner d’abus ou de violations des droits de l’homme. Nous devons enquêter, faire la lumière et rendre nos conclusions accessibles au public via un rapport. Nous recevons toutes sortes d’allégations, de plusieurs sources : victimes, chefs de villages, sources journalistiques, témoins. Nous les vérifions pour les corroborer, voir si elles sont vraisemblables. Car elles peuvent être fictives, minimisées, exagérées ou utilisées à des fins totalement politiciennes. Vu la complexité de certaines situations, on déploie d’abord une mission d’investigation. Quand on a assez d’éléments, on déploie une mission d’établissement des faits pour les vérifier et les déterminer. Ce devoir de vérification permet aux victimes de connaître la vérité et à la justice d’ouvrir des enquêtes pour que les auteurs répondent de leurs actes.

Comment cela s’est- il passé pour les fosses communes découvertes dans la région de Kidal ?

Nous documentons et suivons cela depuis juillet 2016, lorsque les affrontements ont commencé entre le Gatia et la CMA. Après vérification, nous sommes arrivés à 67 allégations de violations des droits de l’homme. C’est dans l’établissement des faits que nous avons découvert deux fosses communes et deux tombes individuelles. Jusqu’à maintenant, nous avons 34 cas d’abus sérieux qui ont été commis aussi bien par le GATIA que par la CMA. Les conclusions de nos enquêtes sont partagées avec les groupes armés. Le but est qu’ils assument la responsabilité de ce qui s’est passé. Les faits commis peuvent faire l’objet d’enquêtes judiciaires.

Comment faites-vous pour ne pas être manipulés par les uns ou les autres ?

On tente de nous manipuler, ça fait partie du jeu, mais les informations sont collectées, vérifiées. On ne s’appuie que sur des fait établis. Si ce n’est pas vérifié, on parle d’allégation. Il y a eu un mois d’enquête en ce qui concerne les fosses communes de Kidal. Les 33 allégations qui restent doivent passer par tout ce processus. L’enquête doit continuer, il y a des éléments manquants.

Une fois les responsabilités établies, que va-t-il se passer ?

Nos enquêtes ne sont pas des enquêtes criminelles. Ce sont des informations mises à la disposition de la justice pour qu’elle ouvre une enquête criminelle. C’est à elle de dire le droit, de qualifier les faits et de déterminer la sanction prévue par la loi malienne. Il est important que la justice fasse son travail.

 La justice s’est-elle saisie de précédents rapports que vous lui avez transmis ?

Nous avons produit trois rapports, sur Kidal et Tin Hama notamment. Ils ont été transmis à la justice. Maintenant, il faut leur poser la question. Notre travail est important dans le processus de paix, ça rassure les gens, au moins ils savent que l’impunité ne continue pas.

Kidal : Cessez-le-feu dilatoire

Un accord de cessez-le-feu entre le GATIA et la CMA sera-t-il  juste un intervalle entre deux guerres ? La question mérite d’être posée tant ces deux mouvements convergent dans leur volonté réciproque de cesser les hostilités et de faire avancer la paix, tout en excellant en manœuvres dilatoires pour ne pas y parvenir, comme si l’arrêt des hostilités et le retour de Kidal dans le giron de la République n’étaient pas leurs seules priorités.

Dimanche 13 août en soirée, dans un communiqué, la Plateforme, « soucieuse du rétablissement de la paix et de la sécurité au Mali », déclarait « la cessation unilatérale des hostilités à compter du lundi 14 août à midi ». Une déclaration attendue, un ticket pour prendre « le train en marche », dont la locomotive est tractée depuis juillet par la CMA, sortie vainqueur des combats qui ont embrasé la région de Kidal. Forte de ses victoires écrasantes sur le terrain, la Coordination s’est enhardie, rajoutant une condition « non coercitive » à un possible accord. « Nous souhaitons que chacun retourne dans les positions du cessez-le-feu de 2014. Nous capitalisons sur notre position de force, c’est un peu logique », explique ce cadre du HCUA, renvoyant la balle dans le camp adverse.

Pour Fahad Ag Almahmoud, Secrétaire général du GATIA, on ne peut pas poser de nouvelles conditions car les conditions sont déjà posées par l’accord. « L’Accord lui-même est un cessez-le-feu. La communauté internationale a fait pression sur nous pour que nous fassions une déclaration de cessez-le-feu, on a renoncé à toutes les hostilités qui pourraient compromettre la mise en œuvre de l’Accord. Ceux qui veulent encore signer un cessez-le-feu prouvent leur mauvaise volonté ! ». Un avis que partage cet ex-membre de la CMA, observateur désabusé de ces revirements successifs, « Vous savez, personne ne fait la paix dans l’humiliation, donc je ne vois pas le GATIA signer un document qui n’apporte rien de nouveau ». À la CMA, on soutient que ce serait « un engagement formel au lieu d’un simple communiqué » entre les deux belligérants.

Si les deux camps s’accordent, chacun de leur côté, sur la nécessité de mettre en place le MOC à Kidal et de favoriser le retour de l’administration, la question du chronogramme reste posée. « Nous acceptons que le gouverneur aille rapidement à Kidal, dès demain s’il le faut », répond Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Une acceptation difficile à concrétiser, puisque ce grand commis de l’État, membre de la Plateforme, a déjà signifié qu’il ne se rendrait pas à Kidal si sa sécurité est assurée par la CMA. Autre difficulté, installer un MOC avec 3 parties et faire cohabiter ces ennemis de toujours au sein des mêmes patrouilles. « On ne peut pas mettre ensemble des hommes qui se tiraient dessus il y a peu. Aucune mesure de confiance n’est entamée pour cela » affirme le porte-parole de la CMA. Sur le cantonnement des mouvements armés, la Plateforme demande, conformément à l’accord, qu’une fois le MOC et les patrouilles mixtes installés, tous les groupes soient désarmés et rejoignent leur site de cantonnement. Une mesure qui semble déranger la CMA, qui s’inquiète des conditions logistiques et d’hébergement de ses troupes et tourne son regard vers Gao. « On accepte ce pré-cantonnement même si c’est problématique, mais est-ce que les autres vont nous accompagner ? Il ne faut pas qu’il y ait un précédent spécifique à Kidal, il faut donc que soit aussi pré-cantonnées les forces de Gao. On accepte mais à condition qu’il en soit de même pour elles », déclare ce cadre de la CMA

Pourtant, la Coordination a plusieurs fois donné son accord pour qu’une fois le MOC installé à Kidal, tous les groupes armés rejoignent leurs sites de cantonnement. « Ils parlent du MOC, du cantonnement mais ils le veulent dans un autre format. La durée du MOC est prévue pour 45 jours. Celui de Gao a déjà un an et a coûté, selon le gouvernement, au contribuable malien, près de dix milliards, on a perdu beaucoup de temps. Chacun peut faire son chronogramme, mais on sera de toute façon amenés à élaborer un document consensuel », souligne le Secrétaire général du Gatia. « Si l’Accord est appliqué, nous sommes sûrs de recouvrer Kidal, parce que dès qu’il y aura des élections libres, nous allons les gagner. Le maire est de chez nous, le député aussi. Nous n’avons rien à craindre, nous sommes de Kidal, nos familles sont à Kidal, c’est notre fief ! Ce sont eux qui ont peur que nous revenions », affirme Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads. « On va constater sur le terrain si cette déclaration de fin des hostilités est suivie d’effet, on va rester vigilants et attendre de voir s’ils vont poser des actes », avertit Ilad Ag Mohamed.

On peut en effet se demander si cette nouvelle tentative de remettre sur les rails le processus de paix fonctionnera après autant de déraillements. « À Bamako, les dirigeants de la CMA font tout pour avoir un cessez-le feu et essayer de négocier les doléances que Mahmoud Dicko a rapporté. Ce qui les arrange, c’est que les gens du Gatia ne fassent pas parti du MOC, qu’ils ne viennent pas troubler leurs affaires. À Kidal, la plupart des gens pensent que ce n’est pas la fin mais peut-être le début de grandes hostilités. Ici, tout est communautarisé, les armes, les véhicules, sont payés par les communautés, par les chefs de fraction, les notabilités. Tant que les Imghads seront en guerre contre les Ifoghas, tant que la CMA n’aura pas réglé ses différents avec le GATIA, je ne vois pas comment ils pourraient cohabiter, peut-être seulement sur le papier », ironise cet habitant de Kidal.

L’ONU enquête sur de possibles fosses communes au Nord Mali

La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a fait savoir samedi qu’elle enquêtait sur l’existence de fosses communes et sur de nombreuses accusations de violations des droits de l’homme par des groupes armés tentant de contrôler la région.

Dans un communiqué, la Minusma indique avoir été informée « d’allégations d’abus et de violations graves des droits de l’homme, imputées respectivement (aux) mouvements signataires » de l’accord de paix signé en mai-juin 2015 entre les groupes armés pro-gouvernementaux, réunis au sein de la « Plateforme », et les groupes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg). Cet accord de paix est régulièrement violé depuis juin.
La Minusma a annoncé samedi avoir déployé « des équipes de la Division des droits de l’homme et de la protection, afin d’enquêter et de documenter ces éventuels abus et violations, notamment à Anéfis (région de Kidal, NDLR), où l’existence de charniers a été rapportée », ajoute le communiqué.
« Sur les 67 allégations, 34 ont pu être corroborées et confirmées, parmi lesquelles figurent notamment des disparitions forcées d’individus, y compris celles de mineurs, des cas d’enlèvement et de mauvais traitements, ainsi que des cas de destructions, d’incendie et de vols », rapporte la Minusma.
Les équipes de la Minusma ont « constaté sur place l’existence de tombes individuelles et de fosses communes », sans être en mesure d’établir pour le moment le nombre de personnes enterrées et les circonstances de leur décès, poursuit le communiqué, qui ajoute que les enquêtes vont se poursuivre notamment sur le sort des personnes disparues.
La Minusma s’est dite « aussi extrêmement préoccupée de la possible présence de mineurs dans les rangs des mouvements signataires, ce qui constitue de graves violations des droits de l’enfant en période de conflit armé ».
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda à la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.

Gao : La Plateforme veut appliquer l’Accord pour ramener la paix

Dans le cadre de trouver une solution idoine aux affrontements récurrents entre la CMA et la Plateforme, le gouvernement du Mali a désigné l’imam Mahmoud Dicko à la tête d’une mission de bons offices devant se rendre à Kidal. Malgré des protagonistes aux regards divergents, avec la présence de l’imam sur le terrain, les espoirs sont permis.

Le président du Haut Conseil Islamique du Mali, l’Imam Mahmoud Dicko s’est rendu le lundi 29 juillet dernier à Kidal avec une délégation, dans l’objectif d’apaiser les tensions entre la CMA et la Plateforme et obtenir un cessez-le-feu durable entre ces deux protagonistes, signataires de l’Accord pour la paix et de la réconciliation. Après avoir entendu les propositions des chefs de tribus et de fractions, le président s’est rendu mardi 1 août à Gao, pour rencontrer les leaders de la Plateforme, les chefs coutumiers, religieux des fractions et villages de Kidal résident à Gao.

La Plateforme des mouvements signataires du 14 Juin a formulé sept propositions qu’elle juge favorables pour le retour de la cohésion sociale, le vivre ensemble et la sortie de crise. Pour la Plateforme, la résolution de la crise passe par un retour immédiat de tous les combattants à leurs positions du 18 juin 2017 et l’arrêt des hostilités. La mise en place immédiate du Mécanisme Opérationnelle de Coordination (MOC) dans le format et les conditions prévues par l’Accord d’Alger ; l’opérationnalisation des patrouilles mixtes ; le cantonnement immédiat de tous les groupes armés de la région ; le désarmement et démobilisation des combattants non impliqués dans le MOC et dans les sites prévus à cet effet ; le retour et l’installation du gouverneur de Kidal avec toutes les directions régionales des services techniques et sociaux de base. En plus de ces différentes propositions soulignées par la Plateforme, est aussi prévu le redéploiement de l’Armée nationale, refondée et reconstituée ; la mise en place et l’exécution d’un programme de rencontre inter et intra communautaire pour régler tous les conflits et enfin, la Plateforme affirme sa volonté de prendre part à la gestion politique et administrative de la région de Kidal. Ces sont là entre autres, les conditions de sortie de crise qui ont été proposés à l’Iman Dicko.

Dans le procès verbal de la rencontre tenue à Gao le même jour, sous la présidence de l’honorable Ahmoudéne Ag Ikmass et du Maire de Kidal, la coordination régionale de la société civile de la 8eme région, affirme solennellement sa ferme volonté de vivre en paix à Kidal et l’intérêt qu’elle accorde à l’application immédiate de l’Accord d’Alger. De même, la coordination a affirmé de façon solennelle son appartenance à la région de Kidal, qui selon elle, est son « seul et unique terroir ».

Avec ces échanges , il est permis d’espérer qu’une paix durable et sincère pourra se construire entre la plateforme et la CMA en général et les deux communautés en particulier.

Kidal, Anéfis, Ménaka : enjeux d’une partie d’échec

Mercredi 26 juillet, des affrontements ont de nouveau éclaté entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (coalition de mouvements pro-gouvernementaux), les deux frères ennemis, qui se sont soldés par une nouvelle défaite de la Plateforme. Deux jours après les combats, la CMA, à la surprise générale, a repris Ménaka et domine à présent le terrain avec les coudées franches pour négocier un cessez-le-feu qui pourra entériner ses positions actuelles, face à une Plateforme affaiblie par deux défaites consécutives, mais qui ne semble pas vouloir s’avouer vaincue.

À Bamako, tout est bloqué depuis le 19 juillet dernier, date à laquelle le cessez-le-feu devait être signé entre la CMA et la Plateforme. À la dernière minute, la Plateforme qui la veille avait validé le document, a refusé de le signer et ainsi d’acter la fin des hostilités, condition préalable à une seconde phase qui pourrait remettre sur la table l’installation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et le retour de l’administration malienne dans la région de Kidal. Depuis le 11 juillet dernier en effet, les conditions de cessez-le-feu exigées par les uns, refusées par les autres, à l’image des différents qui les opposent et qui se concrétisent violemment sur le terrain, mettent en échec de façon quasi-systématique les tentatives mises en place pour parvenir à un consensus. Loin de ces tractations politiques, dans la région de Kidal devenue une sorte d’échiquier régional, si pendant une semaine la quiétude du désert n’a pas été rompue par le feu des combats, un second round s’est discrètement mis en place, pour l’obtention de positions dominantes.  « Les gens qui rejettent le cessez-le-feu à Bamako, vous pouvez bien comprendre que sur le terrain ils ne vont pas être pacifiques. Donc, parallèlement au rejet du cessez-le-feu, la Plateforme a continué de faire des mouvements de troupes en direction de Takelote, Aghelhok, Anéfis, Tessalit et mercredi dernier, ils sont allés provoquer la CMA jusqu’à une trentaine de km de Kidal. C’est le geste qui a mis le feu aux poudres », relate cet employé humanitaire de la région.

C’est ainsi qu’aux alentours de 7 heures du matin, mercredi 26 juillet, de nouveaux combats violents ont éclaté entre la CMA et la Plateforme, comme l’explique cet habitant de Kidal joint au téléphone : « Les troupes de la Plateforme se trouvaient, depuis une semaine, à une quarantaine de kilomètres de Kidal. La CMA est partie les attaquer sur deux points chauds. Le GATIA (principale composante armée de la Plateforme) a eu le dessus jusqu’à environ 11 heures avant que des renforts de la CMA, menés par Rhissa Ag Bissada, viennent en appui d’Anéfis et parviennent à faire reculer la Plateforme vers Amassine ». La CMA a ensuite poursuivi les troupes de la Plateforme sur environ 100 km en direction de Ménaka. « De notre point de vue, c’était une défaite presque totale pour la Plateforme », déclare satisfait cet officier de la CMA. Dans l’après-midi de ce funeste mercredi, après la violence et la fureur des combats, c’est un bilan lourd en vies humaines et en dégâts matériels, qui résultait de ce nouvel affrontement. Selon un cadre militaire de la CMA, 5 morts et 5 blessés étaient à déplorer de leur côté, contre une vingtaine de morts pour la Plateforme, des dizaines de prisonniers et 22 véhicules saisis par la coordination. « Une dizaine de morts tout au plus et 9 prisonniers ! », rectifie ce sympathisant du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIAqui tient à souligner que parmi les nombreux prisonniers annoncés par la CMA, beaucoup étaient des civils pro-GATIA pris dans la brousse, notamment dans la zone de Takalote.

Parmi les victimes des affrontements, deux chefs militaires appartenant aux deux camps, Rhissa Ag Bissada du Mouvement National de Libération de L’Azawad (MNLA) et Ahmed Ould Cheikh surnommé Intakardé (en référence aux amulettes de protection qu’il portait en combat, censées le rendre invincible). Ce combattant du MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) pro-Mali, ancien officier de l’armée malienne, qui a été membre du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) à sa création, passé ensuite à la Plateforme et devenu bras droit du général Gamou, combattait sans merci ses ennemis qui pouvaient aussi être des parents. « On a essayé de le dissuader plusieurs fois, mais rien n’y a fait. Pour des histoires d’intérêt lié au narcotrafic, il a dévié de la ligne du mouvement et il a rejoint les militaires qui continuent à servir ce même narcotrafic. Quand on parle d’une guerre fratricide, ce n’est pas un vain mot et cela montre la gravité de ce conflit », lâche amer, ce cadre de la CMA, parent de ce défunt grand combattant de la Plateforme.

La perte d’un parent ou d’un proche qui a eu le malheur de s’engager dans l’autre camp, n’est pas rare dans les affrontements qui opposent ces Touaregs issus de la même région, de la même ville ou de la même famille. « On avait beaucoup de gens dans l’armée régulière, ils disent qu’ils sont restés loyaux au gouvernement malien, qu’ils répondent au commandement du général Gamou », poursuit ce même cadre de la coordination. « Pour nous, ce sont des satellites pro-gouvernementaux, qui ne sont pas d’accord avec le concept de l’Azawad, ils nous le disent carrément,  »nous, on est malien à part entière et on veut rien entendre de l’Azawad ». La cassure est là. Sans vraiment dire que ce sont des patriotes, nous sommes persuadés qu’ils servent des intérêts occultes, le grand banditisme, le narcotrafic, en tout cas, c’est loin d’être du patriotisme sincère », confie-t-il.

Mais au-delà des nombreux morts tombés aux combats, la Plateforme a aussi perdu l’enjeu principal de ces guerres, à savoir les positions qu’elle occupait autour de la ville de Kidal et dans la région, permettant ainsi à la CMA de dominer le terrain.

Le grand échiquier « À différents niveaux, dans les différentes parties, il y a ceux qui veulent avoir des positions de force, mais qui se sentent en position de faiblesse à chaque fois qu’ils veulent négocier des choses, c’est valable pour la partie gouvernementale, c’est valable pour la Plateforme et c’est valable aussi pour le CMA. Donc, gagner des positions sur le terrain permet de négocier plus fortement autour de la table à Bamako », analyse cet officiel malien proche du dossier.

Cette guerre de positionnement que se livrent les deux frères ennemis suspend, pour le moment, tout accord de cessez-le-feu qui, une fois signé, entérinera les positions sur le terrain des belligérants qui devront rester inchangées. Les deux camps se livrent donc à des opérations de reconquête ou de maintien de position, dont la ville de Kidal reste l’enjeu principal et qui permettront à celui qui dominera le terrain d’imposer ses conditions pour la paix.

Avant la signature de l’Accord d’Alger en juin 2015, c’était la CMA qui occupait Anéfis, par la suite la Plateforme a repris cette ville à la coordination et le gouvernement a laissé faire. La CMA considère que ses positions sur le terrain doivent être conformes à celles qu’elle occupait au moment où l’accord de paix a été signé. Pour elle, Anéfis doilui revenir de droit. « La Plateforme doit certainement juger qu’ils sont défavorisés parce qu’ils prétendent avoir perdu Anéfis qui était une position de la CMA lors du cessez-le-feu de 2014. Nous ne pensons pas qu’ils sont défavorisés par rapport à ça dans la mesure où Anéfis est juste une position qui ne devait pas être entre dans leur main et qui nous revient », affirme ce cadre du HCUA, qui ajoute, sibyllin, « je me demande si la CMA va accepter un cessez-le-feu maintenant qu’elle est carrément en position dominante. La Plateforme qui s’est engagée dans cette opération aurait dû prendre cela en compte, avec une probabilité principale, celle de sortir encore plus affaiblie ».

Selon nos informations, depuis les combats du 26 juillet, les unités de la Plateforme auraient convergé vers Tabankort, d’autres unités se trouveraient non loin d’Anéfis, désertée par la CMA après les combats du 26 juillet. « Ils sont en train de se regrouper à Tabankort pour préparer une nouvelle offensive. Aujourd’hui, ils ont de nombreuses unités qui sont concentrées dans la zone », confirme cet officier du MNLA bien renseigné sur les mouvements du camp adverse dans la région. « Je pense que ce n’est pas un retrait, je pense qu’ils veulent se regrouper pour ensuite former un seul front pour attaquer Kidal. Reste à savoir si Barkhane et la Minusma laisseront faire », poursuit-il.

Main basse sur Ménaka, Toujours est-il que 48 heures après avoir défait la Plateforme dans la région de Kidal, vendredi 28 juillet, La CMA mettait en branle une force constituée de « 50 à 100 véhicules », selon certaines sources, qui est arrivée à Ménaka en fin de journée. Cette colonne de la CMA a pu pénétrer, sans un coup de feu, dans cette ville stratégique que la coordination avait perdu face à la Plateforme à l’été 2016. « Nos éléments qui sont entrés à Ménaka appartiennent à la tribu Ichinidharen, ils sont de la région de Ménaka, ils avaient été chassés il y a quelques mois par l’alliance GATIA-MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad – ndlr), alors qu’ils étaient venus visiter leur campement vers Tin Fadimata. Tout s’est passé dans le calme, tout est rentré dans l’ordre », affirme ce gradé du MNLA joint au téléphone et qui a suivi, heure par heure, le retour de de ses troupes dans la ville.

Pourtant, l’arrivée « en force » des troupes de la CMA a suscité crainte et tension dans la ville, poussant le chef de cabinet du gouverneur de Ménaka à se réfugier avec son administration dans le camp de la Minusma et mettant en alerte les FAMA qui eux aussi se sont retranchés dans le camp de la mission onusienne. Le samedi matin, la confusion passée, des discussions entre la CMA, les FAMA, le MSA et la Minusma ont permis d’établir un partage équitable concernant la sécurisation et la gestion de la ville. La CMA occupe désormais le Nord de Ménaka, tandis que le MSA est chargé du sud et les FAMA sécurisent le centre où se trouve le gouvernorat. Cette nouvelle alliance de circonstance entre la CMA et le MSA pose néanmoins certaines questions quant aux relations futures du mouvement de Moussa Ag Acharatoumane avec le GATIA et sa cohabitation avec la CMA, même si sur place, on explique qu’« ils ont un objectif commun, une même volonté de sécuriser les populations et d’aider à la gestion de la ville », un leitmotiv que le MSA partageait, déjà, il y a encore quelques jours avec le GATIA.

Une partie loin d’être finie À Bamako, l’entrée de la CMA à Ménaka a été jugée par le ministère de la Défense comme un acte « contraire à l’Accord de paix ». Le Ministre de la défense, Tiena Coulibaly, a d’ailleurs rencontré, samedi 29 juillet en matinée, tous les partenaires, CMA , Plateforme, Minusma et Barkhane, pour tenter de « trouver une solution et ramener les belligérants dans l’Accord ».

Sur un autre front de négociation, à Kidal, la mission de bons offices menée par l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, et diligentée par le gouvernement pour négocier le retour de l’administration malienne, a rencontré jeudi 27 juillet, la société civile, les chefs de fractions et les notables de la région, pour recenser les conditions qui permettraient d’y parvenir. La nomination d’un gouverneur neutre, contrairement à l’actuel jugé trop proche du GATIA, la mise en place du MOC à Kidal avec seulement 200 éléments des FAMA et 200 éléments de la CMA, sans les éléments du GATIA dont la participation se voit conditionnée à un hypothétique apaisement de la situation dans le futur, la prise en compte des Accords d’Alger par l’amendement de la Constitution du Mali et enfin un retour aux dispositions du cessez-le-feu signé par les différentes parties le 20 juin 2015. Tels sont,  au sortir de ces concertations, les préalables à un retour de l’administration malienne et de la paix dans la région. « La médiation de Dicko qui favorise la CMA, c’est une nouvelle raison qui va pousser le GATIA à aller à la guerre. Ce document ce n’est pas la paix, on fait la paix avec tout le monde et pas comme ça. Pour moi, il a été influencé par Mohamed Ag Intalla et les vraies raisons de son déplacement à Kidal, ce n’est pas ce qui a été dit dans son document, c’est plus pour essayer d’avoir un lien avec Iyad et négocier », maugrée cet officier du MNLA, qui craint que la situation continue de s’envenimer. « D’une façon, oui, nous avons inversé le rapport de force sur le terrain, mais c’est encore trop tôt pour crier victoire. Le GATIA a subi beaucoup de pertes ces dernières semaines, à Ménaka, dans la région de Kidal et lors des deux derniers affrontements. Ils ont perdu beaucoup d’hommes, morts aux combats ou fait prisonniers, beaucoup de véhicules, c’est conséquent. Mais les  choses sont claires, pour eux et donc pour nous, et je suis sûr que la partie n’est pas finie », conclut notre interlocuteur.

Ménaka, nouvelle prise stratégique de la CMA

Les affrontements entre la CMA et le GATIA, qui avaient repris le mercredi 26 juillet 2017 à une quarantaine de kilomètres de Kidal se sont transportés jusque dans la région de Ménaka. Le vendredi dernier, aux environs de 18 heures, une vingtaine de véhicules de la CMA sont rentrés dans la ville sans violence, le GATIA ayant plutôt déserté la ville la veille.

L’échec de la signature d’un cessez le feu, mercredi 19 juillet dernier, à Bamako, entre la CMA et la Plateforme, a fait place aux combats dans plusieurs localités de la région de Kidal. Le GATIA à l’issu de ces affrontements a enregistré des lourdes pertes, avec notamment des prisonniers aux mains de la CMA. Les combattants du GATIA auraient abandonné la région pour se replier sur la région de Gao. C’est dans ces conditions de défaite que la CMA, galvanisée par ses succès remportés, a pris le contrôle de la ville de Ménaka, vendredi 28 juillet aux environs de 18 heures sans combat.

Le gouverneur de la région Daouda Maiga a été évacué de la ville par un avion de la MINUSMA avant l’arrivée des combattants de la CMA. D’après des témoignages collectés sur place à Ménaka, la CMA est rentrée dans la ville sans opposition, « aucune balle n’a été tirée » nous confie un habitant. Dans la nuit de vendredi, un silence de mort régnait sur la ville. Personne ne circulait dans les rues. Une atmosphère de crainte et de peur avait gagné la plupart des populations.

Le président de l’autorité régionale Abdoulwahab Ag Ahmed Mohamed a rencontré samedi matin les responsables de la CMA. Ceux-ci ont fait savoir qu’ils sont venus pour protéger la population et récupérer leurs anciennes positions. Ils ont également affirmé qu’ils n’ont pas de problèmes avec les FAMA mais avec le GATIA auquel ils prendraient désormais la place. Aucune remise en cause de l’Accord d’Alger n’a été formulée par les responsables de la CMA. Entre temps, les combattants du GATIA, d’après une source sur le terrain, auraient pris le contrôle d’Anefif dans la region de Kidal, aux environs de 14 heures ce même samedi. Une nouvelle qui aurait motivé le départ de la CMA de Ménaka. «  Ils se sont retirés de la ville, c’est les FAMA et la MINUSMA qui sécurisent la ville » témoigne un habitant joint ce soir. « Aujourd’hui, les gens vaquent à leurs affaires,tout est calme » rassure un jeune à Ménaka contacté. Dans tout les cas, la situation est loin de se normaliser même si la CMA a quitté Ménaka, car la hache de guerre entre celle-ci et le GATIA n’est pas encore enterrée.

 

 

Secrétaire général du MPSA : « Kidal ne peut pas prendre les autres régions en otage »

Le Mouvement Populaire pour le Salut de l’Azawad, mouvement membre de la Plateforme, a organisé, mercredi 26 juillet, une conférence de presse à la Maison de la presse, pour dénoncer les lenteurs dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Une menace de « bloquer l’accès de la ville de Tombouctou aux officiels de l’Etat et des forces étrangères » a été lancée par le Secrétaire général du Mouvement Boubacar Sadigh Taleb Sidi Ali.

Dans la déclaration signée du secrétaire général du mouvement, Boubacar Sadigh Taleb Sidi Ali  «  les trois parties qui se disputent cet Accord ont démontré leur incapacité à avancer dans son application ». Le retard dans la mise en œuvre de l’Accord est l’une des causes qui ont poussé le mouvement à monter au créneau. « La prise en otage du processus d’Alger par un groupe ou par une région est inadmissible », souligne la déclaration. Des griefs contre le gouvernement et la médiation internationale qui sont  « lresponsables de cette dégradation de la situation sécuritaire jamais vécu auparavant au Mali. » lit –on dans ladite déclaration.

Pour le secrétaire général, que nous avons joint après la conférence de presse, rien aujourd’hui ne doit empêcher la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord. Mais « A chaque fois on nous dit nous attendons Kidal, alors que nous sommes cinq région au Nord ». «  Nous, à Tombouctou, nous sommes prêts à cantonner, nous sommes prêts a faire le DDR, nous sommes prêts à chercher la paix » affirme t-il. Les problèmes de Kidal ne doivent pas être une entrave à l’Accord selon le Secrétaire général « si les gens de Kidal ont des problèmes ce sont des problèmes qui leurs sont spécifiques. Kidal ne peut pas prendre les autres régions en otage ! » a t- il asséné.

Pour le MPSA, il ne devrait même plus y avoir de guerre après la signature de l’Accord, il faut seulement remplir les conditions pour que Kidal rentre dans le giron du Mali. Dans sa dénonciation, le secrétaire général du MPSA ne comprend pas pourquoi il n’y a pas de MOC à Tombouctou et à Taoudéni, même les autorités intérimaires installées ne disposent pas des ressources pour mettre en œuvre leurs plans d’action. Elles « sont juste des photos » ironiste-t-il. L’attente et la lenteur de l’Accord agacent aussi le secrétaire général, «  ça fait deux ans qu’ils nous disent le 20 de tel mois, quand on arrive au 20 il y a des problèmes, ils disent qu’il y a une guerre entre a plateforme et la CMA ». Pour lui, il n’a pas des problèmes ni avec la CMA ni avec la Plateforme, « je ne suis pas de cette guerre et je considère que c’est une guerre tribale qui doit s’arranger entre deux tribus ».

Le secrétaire général du MPSA, pense que les forces internationales présentes au Mali « ont des missions obscures qui nécessitent d’être clarifiées », «  nous, on est jamais arrivé à comprendre l’agenda de la France, tout ce qu’on sait, ce qu’ils terrorisent nos populations et arrêtent des innocents. Il y a des gens qui ont déformé mes mots mercredi en disant que je les ai qualifiés d’organisation terroriste» clarifie Boubacar Sadigh Taleb Sidi Ali.

Bien que cette question divise, Boubacar Sadigh Taleb Sidi Ali, pense qu’il faut négocier avec les Maliens qui sont dans les mouvements djihadistes et « trouver un terrain d’entente avec eux ». Pour lui, « tout est négociable », mais la priorité c’est l’application de l’Accord, car, interroge-t-il, « comment organiser des élections alors qu’il y a deux régions qui sont sans collectivités territoriales, alors que les réfugiés sont toujours dehors ? ». Par rapport à l’utilisation des moyens, mêmes les plus extrêmes pour empêcher l’accès aux officiels de l’État et des forces étrangères, Boubacar Sadigh reste claire : «  Nous sommes un mouvement politico-militaire, nous ne sommes pas un parti politique ». « Nous allons organiser des marches, des journées ville morte, nous allons utiliser tout, avant d’arriver à la violence et s’il faut utiliser les armes nous allons les utiliser » précise le secrétaire général.

Pour montrer son mécontentement, le MPSA prévoit de bloquer, dans deux semaines, les accès de la ville de Tombouctou à tous les officiels de l’État et des forces internationales, si d’ici là aucune solution pour remédier aux « lacunes » dans la mise en œuvre de l’Accord n’est trouvée.

 

 

 

 

 

Mahmoud Dicko : « Je fais cette mission pour mon pays, c’est tout »

Président du Haut Conseil islamique du Mali, Mahmoud Dicko a été récemment désigné par le gouvernement pour mener une mission de bons offices dans la région de Kidal, où l’administration et l’armée malienne ne sont pas encore revenues. Mission à la fois difficile et symbolique pour ce leader religieux, qui avait entrepris en 2012 de négocier avec les djihadistes, notamment Iyad Ag Ghaly, la libération de plusieurs soldats maliens. Journal du Mali vous propose une interview inédite de cet homme influent qui revient sur les attentes par rapport à cette mission et à la situation politique actuelle du pays.

Vous avez été désigné par le gouvernement pour être à la tête de la mission de bons offices à Kidal. Pourquoi vous ?

Je précise que la demande ne vient pas de moi. Maintenant, pourquoi moi ? Je ne saurais répondre à cette question. Il faudrait la poser au gouvernement. Au-delà de ça, je suis un citoyen, comme tout le monde, bien que je sois le Président du Haut Conseil islamique (HCI), institution qui sert d’interface entre le gouvernement et la communauté musulmane. Si on estime que je peux apporter mon aide à la recherche de la paix au Mali, cela ne peut être qu’un honneur pour moi. Je le fais donc avec plaisir, car c’est un devoir citoyen et religieux. Je tiens à préciser la chose suivante: cette mission, je ne l’ai pas acceptée pour sauver la tête de quelqu’un ou un régime. Je la fais pour mon pays, c’est tout. Je ferai donc tout ce qui est à mon pouvoir pour réussir.

Justement, en quoi consiste cette mission ?

Elle consiste à ramener sur la table des négociations les différents groupes armés en conflit dans la région de Kidal, afin d’obtenir, de façon définitive, un cessez-le-feu. Le but est de permettre à l’administration malienne de retourner à Kidal. Notre mission est aussi de faire en sorte que la population participe et adhère aux échanges pour faciliter la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, notamment à travers la mise en place du MOC et des autres mécanismes.

Comment parvenir à rassembler les gens alors qu’il existe des tensions entre les communautés dans cette région ?

Je n’ai pas encore été à Kidal, c’est vrai. Mais je suis actuellement, ici, à Bamako, avec les responsables des groupes armés. Nous sommes toujours en pourparlers. Il y a des moments où les échanges semblent aboutir. Souvent, aussi, on revient en arrière. C’est cela une négociation. Nous continuons donc notre tâche en restant optimistes.

Vous êtes sept pour cette mission, mais toutes les régions ne sont pas représentées, notamment Ménaka et Kidal. Pourquoi?

Toutes les régions sont concernées et peuvent être représentées au sein de la mission. Pour l’instant, nous sommes à Bamako afin de trouver un terrain d’entente avec les groupes concernés. Après, nous irons dans chaque localité de la région afin de sensibiliser et d’échanger avec les populations sur l’importance d’aller à la paix.

Des initiatives de ce genre ont déjà été entreprises à Kidal. Toutes ont jusqu’ici échoué. Pouvez-vous assurer au peuple que cette fois-ci peut être la bonne ?

Je ne peux rien assurer. Je dis tout simplement que je suis optimiste. On m’a confié une mission et je compte bien la remplir. Je ne peux pas dire que, parce qu’elle est compliquée, je n’arriverais pas. Sinon, à quoi cela servirait-il ? Je suis un croyant. Je me confie à Dieu et j’attendrai la fin de la mission pour tirer des conclusions, pas avant. Pour l’instant, nous n’avons pas rencontré d’opposition. C’est un bon signe.

Êtes-vous la solution de la dernière chance pour la région de Kidal ?

Je ne peux pas affirmer cela. Les choses ont fait qu’aujourd’hui c’est moi qui ai été choisi pour mener cette mission. Demain, ça peut être quelqu’un d’autre. Il y a plein de personnes dans ce pays qui peuvent jouer ce rôle. Le Mali ne se limite pas à Dicko. Je ne suis donc pas la dernière solution, mais je m’efforcerai d’apporter une solution définitive à cette situation.

Les frais de fonctionnement de la mission sont pris en charge par le budget national. Avez-vous donc une obligation de résultats ?

Qu’il y ait un budget ou pas, le plus important est que j’ai une responsabilité en tant que président du HCI et le devoir d’apporter des résultats. La confiance et l’estime placées en moi pour cette mission sont plus importantes que le budget auquel vous faites allusion. Si c’est cela que vous appelez avoir une obligation de résultats, oui je l’ai. Ceux qui aujourd’hui souffrent de cette crise sont nos frères, nos sœurs, nos enfants… Avec tout ça, vous pensez que je ne vais pas m’investir afin de trouver une solution ? Avant que le budget ne soit là, nous avons posé des actes pour la cohésion et la paix sociale. Nous continuerons à le faire.

Quel délai vous donnez-vous pour exécuter cette mission ?

Je ne me donne aucun délai. J’essaie de faire ce que je dois faire le plus vite possible. Dieu décidera du reste. Maintenant, l’Accord pour la paix et la réconciliation est là, ainsi que le mécanisme pour sa mise en œuvre. Notre rôle est un rôle de facilitation, c’est tout. Cela prendra le temps qu’il faut.

Vous aviez déjà émis le souhait de négocier avec Iyad Ag Ghaly. Cette option est-elle toujours d’actualité ?

La feuille de route qui m’a été donnée dans le cadre de cette mission ne mentionne ni Iyad Ag Ghaly ni Amadou Kouffa. Elle concerne plutôt des régions : Kidal, le Delta central et la Boucle du Niger. Nous n’avons jamais parlé d’Iyad Ag Ghaly, ni verbalement, ni dans la feuille de route.

En même temps, c’est quelqu’un d’incontournable si on veut aller à la paix. Est-ce que cela ne remet pas sur le tapis la négociation avec lui si on veut que les choses se passent sereinement ?

Je ne saurais répondre à cette question. Ce que je sais, c’est que j’ai une mission qui est bien définie et que je compte agir conformément à la feuille de route qui m’a été remise.

Vous avez souvent prôné le dialogue avec les djihadistes, pourquoi? Peut-on discuter avec des gens qui tuent régulièrement des Maliens ?

Si on ne négocie pas avec eux, qu’allons-nous faire, Si l’on avait les moyens qu’il faut pour éradiquer ce problème, on l’aurait fait depuis longtemps. Mais on ne peut pas rester sans rien faire. Ces djihadistes sont des Maliens comme nous-mêmes. Ce sont juste des brebis égarées. Il faut donc essayer de les faire revenir à la raison.

Avez-vous déjà été en contact avec Iyad Ag Ghaly de quelque manière que ce soit ?

Je vous ai dit avant votre arrivée qu’il y a des questions auxquelles je ne répondrai pas. Je suis dans une mission de bons offices. Pour plusieurs raisons, je suis obligé d’avoir un devoir de réserve sur certains sujets. Votre question m’oblige à en user.

Selon vous, les djihadistes sont-ils de véritables musulmans ?

Je n’ai aucun droit de dire que telle personne est un bon musulman ou pas. Je ne suis personne pour me permettre cela. Maintenant, je peux condamner certaines pratiques en tant que musulman.

Pour certains, les djihadistes sont soutenus par les pays occidentaux, notamment la France. Quel est votre avis ?

Je n’ai aucune preuve pour affirmer que c’est la France ou un autre pays occidental qui est à la base de cette crise. Si je le faisais, ce serait complètement insensé de ma part. Je peux ne pas être d’accord avec leurs façons de faire ou analyser les choses, mais ça s’arrête là.

Un mot sur la révision constitutionnelle. Vous semblez ne pas vous intéresser à ce sujet ?

Dans un tel débat, que voulez-vous que je dise ? En tant que citoyen, j’attends le moment où on sera appelé à aller aux urnes. Là, je voterai en fonction de ma conviction. Nous sommes dans un pays démocratique. L’opposition est là et joue son rôle d’opposant, la majorité continue d’appliquer ce qu’elle pense être bon pour le pays. Maintenant, entre les deux, moi je n’ai pas à me prononcer. Je ne m’intéresse pas à ce débat. Il faut qu’on fasse attention, sinon on risque de nous entraîner dans un faux débat. Tant qu’on ne touche pas à nos valeurs sociétales et à notre religion, je n’ai pas à prendre position.

Que pensez-vous de la création d’un Sénat ?

Je n’en pense rien. Je vous l’ai dit, je ne rentrerai pas dans ce débat. Il faut poser ces questions aux hommes politiques.

Vous avez au moins une position claire. Êtes-vous pour ou contre le texte de la révision constitutionnelle ?

Je le dirai lorsque je serai appelé à aller voter, comme tout le monde.

Le Chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Kéïta, aurait promis des postes de sénateurs à plusieurs leaders religieux. En faites-vous partie ?

En tout cas pas, à moi. Il ne m’a jamais parlé de Sénat ni fait une proposition de ce genre. Jamais au grand jamais!

Accepteriez-vous un tel poste si on vous le proposait ?

On verra au moment opportun.

Un religieux peut-il ou devrait-il prendre la tête de ce pays un jour ?

On est dans une république démocratique. Le peuple malien a décidé que le Mali soit un pays laïc. J’ai le devoir d’accepter cela. Si cela doit changer demain, ce n’est pas à moi Dicko de le dire.

Souhaitez-vous être Président de la République du Mali ?

(Il rit) C’est quand même extraordinaire. Rarement je m’asseois avec des hommes de média sans qu’on ne me pose cette question. Moi-même je me demande souvent ce que j’ai posé comme acte pour qu’on pense que je peux avoir des ambitions de ce genre. Moi, je suis président du HCI, c’est tout. Je n’ai jamais demandé à être maire ou député. Je n’ai jamais eu d’ambition pour aucun poste électif en dehors du HCI. Alors qu’on arrête enfin. Je n’ai aucune ambition politique.

Le Président IBK peut-il encore compter sur le soutien des religieux comme ce fut le cas en 2013 ?

On n’est pas encore en 2018. Il faut donc attendre. Et puis ce n’est pas à moi de décider de cela.

Dans certaines régions, les écoles fondamentales ont fermé leurs portes tandis que le nombre d’écoles coraniques a explosé. Ne pensez-vous pas la réouverture de ces écoles marque aussi le retour de l’administration malienne et que la solution de cette crise se trouve aussi dans l’instruction des enfants ?

L’explosion du nombre des écoles coraniques ne date pas d’aujourd’hui. Tous les grands hommes dont on chante les louanges aujourd’hui sont passés par là. L’école coranique est liée à notre histoire culturelle et religieuse. C’est donc une valeur, une identité culturelle pour nous. Maintenant, les écoles coraniques ont été victimes d’un désintérêt de la part de nos autorités, qui ne les ont ni accompagnées ni améliorées. Nous sommes en train d’en payer les conséquences aujourd’hui. C’est pourquoi beaucoup de nos jeunes qui sont allés dans ces écoles se sont égarés dans leur volonté de s’affirmer. Concernant l’école fondamentale, il est important que les classes ouvrent à nouveau leurs portes dans les localités où elles ont été fermées pendant la crise. Car nous avons besoin de ces écoles pour instruire nos enfants et construire l’avenir. Aucune religion ne demande de détruire un temple du savoir, quel qu’il soit.

Quelle lecture globale faites-vous de la situation actuelle du Mali, tant au niveau sécuritaire, que politique, social et économique ?

Nous sommes en train d’essayer de régler les conséquences de faits passés en oubliant leurs causes. La crise que nous vivons aujourd’hui est la conséquence de faits passés. Au Mali, notre problème, c’est que les gens ne veulent jamais reconnaitre leurs erreurs ou faire leur mea-culpa. Il faut qu’on regarde, dans notre parcours démocratique, ce qui a été fait ou pas afin d’en tirer toutes les leçons. Dans les domaines de la gouvernance, de la sécurité, de la religion et d’autres, nous pouvons trouver des réponses à nos problèmes actuels. Il faut juste regarder en arrière pour s’en rendre compte.

Un mot sur l’état de la démocratie au Mali…

Le Mali a connu beaucoup de ruptures. L’indépendance a été pour nous une rupture, parce qu’on nous a imposé le socialisme, qui était différent de nos réalités sociales, culturelles, linguistiques, religieuses et politiques. Nous n’avons pas eu le temps de véritablement implanter ce régime qu’un coup d’Etat est survenu. Ici aussi c’était une rupture, parce que c’étaient des militaires novices qui ne connaissaient pas grand chose à la politique. Des années après, au moment où eux aussi commençaient à avoir des expériences dans le domaine, nous sommes entrés de façon désordonnée dans un système démocratique. Je veux dire que nous ne sommes pas entrés dans la démocratie de façon graduelle, comme cela est recommandé. Et cela continue aujourd’hui. Le problème du Mali est entre les élites et la classe politique. La démocratie ne peut donc qu’en payer le prix.

 

Kidal, l’enjeu d’un cessez-le-feu à plusieurs inconnues

Depuis le 11 juillet dernier, Il n’y a plus d’affrontement armés entre la Plateforme et la CMA à Kidal. La coordination contrôle la capitale de l’Adrar des Ifoghass ainsi qu’Anéfis où est rassemblé une grande partie de ses troupes. Si les fusils se sont relativement tût, vols, représailles et exactions visent les civils et servent, en photo ou vidéo, la guerre d’image et d’information que se livrent les deux camps. Sur la ligne de front située à une centaine de kilomètres de Kidal, chaque mouvement continue de tenir ses positions, essayant le plus possible de suivre les directives émanant des chefs politiques tous réunis à Bamako. « Ceux qui sont sur le terrain ne discutent même pas. Pour eux s’ils sont suffisamment préparés, ils peuvent décider d’attaquer, si les autres ne les attaquent pas avant », confie cette source proche des mouvements. « On ne sait pas ce qui va se passer, mais ici on ne parle même pas des pourparlers de Bamako, ce dont on parle, c’est la ligne de front », poursuit-il.

De la ligne de front justement, parviennent des nouvelles sporadiques et de nombreuses rumeurs, notamment d’Anéfis, revenu dans le giron de la CMA. Cet ex-fief de la Plateforme, sans réseau électrique et téléphonique depuis plus de 10 jours, vit coupé du monde, aux mains de ses nouveaux geôliers. Pour beaucoup à Kidal, cette ville est tenue non seulement par la CMA mais aussi par les djihadistes. « Ils sont allés là-bas deux à trois jours avant les combats, ce sont eux qui sont rentrés en premier dans Anéfis. Les gens à Kidal ont vu tous les renforts arrivés. D’abord des motos qui sont venus à côté de la ville, après c’était des convois de véhicules lourdement armés qui étaient stationnés à quelques kilomètres, ils étaient avec le noyau dur du HCUA. Le fait que la CMA, auparavant confinée à Kidal soit sortie brusquement attaquer le GATIA, ça a donné la puce à l’oreille à tout le monde ici », explique cet humanitaire de la région.

De guerre lasse Baba Ould Sidi El Moctar, maire d’Anéfis, aujourd’hui simple citoyen exilé à Bamako, tente comme il le peut d’obtenir des nouvelles de la situation sur place et affirme ne pas avoir entendu parler de djihadistes à Anéfis. « On sait seulement qu’il y a des hommes armés à l’intérieur de la ville, on suppose que ce sont des gens de la CMA. Ils ont le même comportement que le GATIA, ils sont là avec leurs fusils, ils aiment faire la loi, s’imposer, montrer que ce sont eux qui administrent », décrit-il. Selon lui, rares sont les véhicules qui peuvent sortir et rentrer dans la ville, une situation qui pose des problèmes aux populations en termes de ravitaillement. Les vivres et les dons des ONG sollicités par la population sont bloqués, quand d’autres ne partent même pas par peur d’être attaqué. « Nous ne sommes pas du tout contents, ni avec la CMA, ni avec la Plateforme, il est tant que tout ça finisse. On veut des solutions qui soient appliquées. Mais à chaque fois qu’il y a une décision prise, elle n’est pas appliquée, c’est ça le problème. Il faut la paix maintenant, vraiment. Il faut que la CMA et la Plateforme se retire, que le MOC fonctionne et que l’administration revienne », s’agace notre interlocuteur.

Tractations à plusieurs inconnues Cette supplique du maire d’Anéfis, qui en appelle à un retour de l’armée et de l’administration malienne, est au coeur des discussions à Bamako, où les leaders des mouvements armés, le gouvernement, la médiation internationale et la mission de bons offices emmener par l’Imam Mahmoud Dicko, tente de trouver une porte de sortie. Des discussions que certains, désabusés, jugent stériles : « Il y a deux choses à savoir, les trafiquants veulent que la guerre continue pour préserver leurs routes de trafic, les terroristes pour continuer leurs opérations, donc, leurs intérêts convergent. La Plateforme, le général Gamou, la majorité des Imghads, ils vivent aussi de la guerre contre nous. Donc, arrêter la guerre veut dire porter atteinte a l’intérêt de tout ce petit monde », lâche cet officier de la CMA qui ne croit plus à un cessez-le-feu durable. Pour Fahad AlMahmoud, un cessez-le-feu ne devrait pas être une condition à la mise en œuvre de l’Accord. « On a signé l’Accord, on était en guerre, on a fait le MOC à Tombouctou, à Gao, sous le feu. Tout ce qu’on a fait pour cet accord, il n’y avait pas de cessez-le-feu entre la CMA et la Plateforme. Je ne vois pas pourquoi maintenant on en fait la condition siné qua non pour la mise en place du MOC à Kidal», s’exclame-t-il, ajoutant que ce fief de la CMA reste le blocus principal et que « tant que la Plateforme n’est pas à Kidal, on ne fera la paix avec personne ».

La capitale des Ifoghass, dominée par cette communauté touareg qui refuse de partager le pouvoir avec les Imghads, pourtant majoritaire dans la population, est encore et toujours le point névralgique de la discorde, le générateur d’affrontement, que le brouhaha des négociations à Bamako peine à solutionner. « La Plateforme, la CMA, le gouvernement malien ne pense qu’à Kidal, ils ne pensent qu’à ça ! Nous on ne soutient pas particulièrement les uns ou les autres, on veut empêcher un massacre pour cette ville, c’est tout » déclare cet officiel français proche du dossier, qui affirme que dans ce conflit entre Ifoghas et Imghad, entre touareg et touareg de la même région, il est très difficile pour la France d’oeuvrer à l’organisation de la représentation et du partage du pouvoir  « avec des gens qui se battent entre eux depuis des générations ».

Pour le moment, à Bamako, la question du cessez-le-feu et du possible retour de l’administration malienne dans la région, est suspendue aux accords et désaccords entre les différentes parties. Les documents de cette nouvelle « trêve » existent mais sont souvent sujet à modification. Le week-end dernier, une énième clause a été soumise par la Plateforme au gouvernement, à destination de la CMA, proposant la signature d’un cessez-le-feu immédiatement suivi de l’installation du MOC et du départ des groupes armés vers les sites de cantonnement. Pour l’heure si on ne connaît pas la réponse de la CMA, on est en droit d’espérer que ces deux mouvements « indéfectiblement » attachés à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu, pourront, rapidement, parvenir à un consensus.

Azaz Ag Loudag Dag : « Quand les gens sont attaqués, ils se défendent »

Ce jeudi 20 juillet, le MOC devait être installé à Kidal. Les récents affrontements entre la Plateforme et la CMA ont renvoyé à une période, pour le moment indéterminée, la mise en œuvre de ces dispositions de l’Accord. Pendant qu’au Nord les deux mouvements belligérants occupents leurs lignes de front, à Bamako des médiations et négociations tentent de trouver une solution. Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads, qui participe activement à ces tractations a donné son point de vue au Journal du Mali, sur cette situation qui, une fois de plus, menace le processus de paix.

 Pensez-vous qu’une solution puisse être trouvée pour faire cesser les affrontements entre la Plateforme et la CMA dans le Nord ?

Je suis à Bamako donc je ne peux pas être précis sur ce qui se passe sur le terrain. Ce que je sais c’est que les gens de la Plateforme estiment qu’ils ont été attaqués dans leur fief aux alentours d’Anéfis, alors qu’ils ne s’attendaient à rien. Ils ont été contraints de se retirer sur Tabankort. Nous sommes en train de lancer des appels pour qu’il n’y ai pas de nouvel affrontement mais nous ne sommes pas sûrs que nous allons être écoutés parce que les éléments sur le terrain ont été frustrés d’avoir été attaqués et je ne peux pas donc garantir qu’il n’y aura pas d’affrontement. On est en train d’appeler les gens pour voir comment on peut résoudre le problème par le retour des patrouilles mixtes, du MOC à Kidal et le retour de l’administration. Mais ce n’est pas facile car sur le terrain les gens ne sont pas très disciplinés. Le gouvernement et la communauté internationale sont en train de déployer des efforts, il y a des commissions de médiation sous l’égide du religieux Dicko. Je ne sais pas ce que ça va donner mais je ne suis pas assuré que cela puisse marcher.

 Un nouveau chronogramme, pour la fin septembre, a emmergé des rencontres qui ont lieu à Bamako entre les différentes parties. Êtes vous en accord avec ces nouvelles dates ?

Non je ne peux pas vous confirmer que nous sommes en accord avec ce nouveau chronogramme. Nous sommes toujours en négociation à ce sujet. Il y a ceux qui pensent que ça peut être mis en place pour le 20 septembre, il y a ceux qui ne veulent pas s’y plier parce qu’il y a trop de tensions. Nous, à la Plateforme nous sommes parfaitement prêts à appliquer le chronogramme initial. S’il y a un retard ce n’est pas de notre faute.

La communauté internationale est pointée du doigt par votre mouvement comme étant un facteur qui envenime la situation en ne vous accordant pas l’accès à Kidal. Est-elle responsable selon vous ?

Cette situation est tellement ambiguë et incompréhensible qu’on ne sait plus qu’en dire. Barkhane est censée traquer les terroristes, en même temps beaucoup de gens disent que la base des terroristes se trouve à Kidal. La CMA est un peu liée à Iyad Ag Ghaly, mais moi je n’ai pas de preuves de ça. Barkhane prétexte qu’elle craint qu’il y ait des dégâts collatéraux sur la population, mais on ne voit pas pourquoi elle accepte alors que les troupes de la CMA sortent de Kidal pour aller nous attaquer sous leurs yeux. Il doit y avoir une certaine complicité, certaines accointances. On ne peut pas être formel mais c’est tout de même frappant.

Il y a aussi des informations visant la Plateforme, cette fois-ci, disant que ses unités sont soutenues et armées par le gouvernement ?

C’est de bonne guerre ! Vous savez, nous nous sommes armés pendant la crise au moment où il y avait un vide de l’administration et que nous ne voulions pas abandonner nos terres. Nous avons dû trouver le moyen de nous défendre par nous-mêmes car nous étions des loyalistes du côté du gouvernement et que cela faisait de nous des ennemis. A l’époque, plusieurs fois, la CMA a quitté ses positions pour venir nous attaquer alors que l’armée malienne était tout près d’eux. Depuis la signature de l’Accord, jamais la CMA ne s’est attaquée aux troupes gouvernementales. Nous par contre ils nous attaquent depuis la signature jusqu’à aujourd’hui. Vous savez la Plateforme s’entend bien avec la CMA, on n’a pas de problèmes avec tous les gens qui ne sont pas Ifoghas.

Elle a eu des problèmes avec la communauté Idnanes récemment.

Non c’est un problème entre la tribu Imghad et la tribu Ifoghas. Il y a des gens que les Ifoghas utilisent pour nous affronter et là nous sommes obligés de nous défendre d’eux. On a eu maille à partir avec les Idnanes ces derniers temps parce qu’ils ont été envoyés par les Ifoghas pour nous attaquer. Il semble y avoir une déconnexion entre ce qui est décidé politiquement à Bamako par les leaders des mouvements et le terrain. Qui dirige vraiment, qui peut tout lancer où tout arrêter côté CMA comme côté Plateforme ? C’est vrai, pour les Imghads c’est le Conseil supérieur des Imghads et pour la CMA c’est Alghabass Ag Intalla. Je suis moi-même un doyen du Conseil supérieur. Mais malgré ça, il y a quand même parfois de l’indiscipline. Quand les gens sont attaqués, ils se défendent. Quand ont les appellent pour leur dire qu’on ne leur a pas demander d’attaquer, ils invoquent la self-défense et ils disent que quand ils sont en self-défense ils ne peuvent entendre les ordres de Bamako, c’est ce qu’on nous répond. La situation est complexe mais je suis un homme d’espoir, donc je reste optimiste.

 

Evelyne Decorps : « Nous sommes là pour accompagner le processus de paix, non pour le diriger »

Dans l’entretien qu’elle a bien voulu accorder au Journal du Mali, l’Ambassadrice de France, Mme Evelyne Decorps, évoque les difficultés liées à la mise en œuvre de l’Accord et du rôle de la communauté internationale et de la France dans la paix au Mali.

Concrètement, que fait la France pour accompagner le Mali dans le processus de paix ?

Nos armées travaillent ensemble dans la lutte contre le terrorisme. Nous avons également, à travers le Conseil de paix et de sécurité, joué un rôle important dans les deux dernières résolutions : celle sur la force conjointe et celle sur le mandat de la MINUSMA. Nous sommes présents quotidiennement sur l’application de l’Accord de paix. Nous parlons avec le gouvernement, avec les différents représentants des mouvements, à l’intérieur et en dehors du CSA. Nous sommes engagés dans le financement d’actions de développement. Nous avons dépensé depuis 2013 plus de 100 millions d’euros uniquement dans le Nord et dans le Centre en actions d’urgence.

Deux ans après la signature de l’Accord de paix, on est toujours dans l’impasse. Selon vous, à quoi est-elle due et que peut faire la communauté internationale ?

Moi je ne parlerai pas d’impasse, c’est un mot que je refuse. L’Accord est un processus et nous savons très bien que les processus prennent du temps. Il y a eu des avancées fortes et puis, ensuite, on est revenu en arrière. Je crois que le vrai fondement pour l’avancée de l’Accord, c’est la confiance entre les interlocuteurs, c’est-à-dire la confiance des mouvements vis-à-vis du gouvernement et la confiance entre les mouvements eux-mêmes. Quels que soit les reproches que les parties peuvent se faire, chacune d’elles a ses propres responsabilités. Les conditions de la paix sont liées au DDR, qu’il va falloir mettre en place. Elles sont liées à la décentralisation accrue et poussée. Que les gens fassent ce qu’ils se sont engagés à faire, qu’ils se désarment, parce qu’à l’heure actuelle nous avons des mouvements armés signataires qui se promènent avec des armes. Il faut vraiment la bonne volonté de tout le monde.

Au sujet des armes justement, nous sommes dans une explosion d’insécurité depuis la signature de cet Accord…

Là aussi je voudrais que les gens se souviennent de ce que c’était avant, quand Tombouctou, Gao étaient sous la coupe des djihadistes. Il faut faire attention aux phrases toutes faites. Il y a eu les autorités intérimaires, la Charte pour la paix. Il y a des négociations quotidiennes entre les mouvements et le gouvernement. La médiation internationale est là, mais il y a des forces contraires qui sont là aussi. Il y a encore une vague terroriste résiduelle importante moralement. Les mouvements entre eux n’ont pas encore réglé leurs problèmes. Je réfute le mot explosion mais c’est vrai qu’il y a encore de l’insécurité.

Il y a également un problème de sanctions. Comment faire en sorte que les mesures de l’Accord soient réellement appliquées par des groupes qui ne s’y conforment pas vraiment lorsque personne ne leur tape sur les doigts ?

Les sanctions sont importantes. Simplement, personne ne sait qui sera touché. Nous sommes là pour apporter des éléments de sécurité, mais nous ne sommes pas là pour remplacer l’action ni du gouvernement ni des représentants des mouvements. Nous ne sommes pas des pompiers.

C’est pourtant comme ça que vous êtes considérés.

Nous essayons tout le temps d’éteindre des feux, mais nous n’avons pas la main sur ceux qui les allument. On nous demande tout le temps de jouer le pompier alors même qu’on ne maîtrise pas tous les éléments. Nous sommes là pour accompagner un processus, non pour le diriger. Les directives et les mesures à prendre dépendent du gouvernement du Mali et des groupes. Il faut que les mouvements et leurs leaders soient de bonne foi.

Il y a des affrontements entre les groupes signataires, alors que nous sommes à quelques jours du 20 juillet, date prévue pour le retour de l’administration et de l’installation des autorités intérimaires à Kidal qui suivra. Selon vous, ce chronogramme est-il tenable ?

Nous ne pouvons pas faire la paix à la place de tous les Maliens. Si les gens qui ont signé ce chronogramme, que je trouve un peu optimiste, ne se mettent pas d’accord pour l’appliquer, comment voulez-vous que nous le fassions ? Ce sont des problèmes intra Maliens que nous ne pouvons pas régler. La contrainte par la force ne peut pas être le moyen de la mise en œuvre de l’Accord. Nous ne pouvons que faire pression politiquement. Pour que les choses s’arrangent, il faut une volonté réelle de trouver les voies et moyens de régler les problèmes.

La plateforme estime que la France favorise la CMA à Kidal. Quelles relations entretenez-vous avec ce mouvement armé ?

Moi, j’entretiens des relations avec tous. Ils ont tous accès à mon bureau. Simplement il a été décidé en CTS que les groupes armés pouvaient circuler avec des armes de petits calibres, les armes lourdes ne sont pas autorisées. On confisque ces armes, surtout si elles montent à Kidal. On le fait autant pour la Plateforme que pour la CMA, mais cette dernière ne dit rien. Quand on contribue au processus de paix, ce sont toujours les mêmes groupes qui protestent.

Y a-t-il une sorte de lassitude de la communauté internationale ?

S’il y a une certaine lassitude, elle vient du fait qu’on a été peut être un peu optimiste sur la mise en œuvre de l’Accord. Mais je dirais qu’on n’a pas le droit à la lassitude. Il y a les populations du Nord, il y a le terrorisme à combattre. Si on abandonne, c’est le terrorisme qui va gagner. Je n’oublie jamais une chose, c’est que quand on se concentre sur des choses qui à mon avis pourraient être réglées beaucoup plus vite, les autres font ce qu’ils veulent et ça c’est le plus grave. Ce n’est pas de savoir si le chronogramme va être appliqué le 20 juillet à Kidal qui est important mais de savoir comment on applique l’Accord dans tout le pays et comment on lutte contre le terrorisme et là-dessus les mouvements ont une vrai responsabilité.

 

Mise en œuvre de l’Accord : La paix au Mali à bout de bras

Après deux ans et les nombreux efforts consentis, les résultats de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, peinent à se faire sentir. Si la communauté internationale préfère parler de « retard » plutôt que de panne, elle en appelle à la responsabilité des parties signataires, car, si elle est garante du processus, c’est aux « Maliens de faire la paix ».

Pour accélérer la mise en œuvre de l’accord, les parties signataires, la communauté internationale et les partenaires du Mali se sont réunis à Bamako, du 17 au 19 juillet 2017, pour valider la Stratégie spécifique de développement intégré des régions du Nord, destinée à « hisser les régions du Nord au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs du développement et ce dans un délai n’excédant pas une période de 10 à 15 ans ».

S’il n’est pas dans une impasse, l’accord signé il y maintenant deux ans « connaît des retards » dans son application, reconnaît ce haut diplomate français. D’autant que certaines dispositions, comme la mise en place du programme DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion), censé être effectif au cours des six premiers mois après la signature de l’accord, ne sont toujours pas mises en œuvre. « Je ne suis pas aveugle. Je crois que la lassitude vient du fait qu’on a été un peu optimiste sur la mise en œuvre de l’accord. Aujourd’hui, on est confronté à la réalité. Il faut la prendre en compte et continuer d’avancer », note cet interlocuteur, ajoutant que « nous n’avons pas droit à la lassitude, car les populations du Nord sont dans l’attente et qu’il y a le terrorisme à combattre.

Autre difficulté, la complexité de l’accord, selon l’Ambassadeur allemand au Mali, Monsieur Dietrich Becker, une difficulté qui n’empêche pas cependant que soit mis en œuvre ce document de référence. D’autant que l’accord « n’est pas fait seulement pour Kidal, Ménaka ou Gao. Il y a des choses pour tout le Mali, notamment la décentralisation, qu’il faut mettre en œuvre au plus vite ».

L’épreuve du terrain Annoncées pour ce 20 juillet, la mise en place du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et celle des autorités intérimaires, le 31 juillet, à Kidal, est remise en cause, dû aux affrontements opposant sur le terrain les groupes signataires depuis le 6 juillet. Ce regain de tension est « compliqué par une nouvelle donne, la dimension communautaire. Vous savez, dans les conflits communautaires, la raison n’est plus là, ce sont les sentiments qui dirigent. Nous disons au gouvernement, aux groupes armés, hâtons le pas pour accélérer la mise en œuvre de l’accord », déclare le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations unies, Mahamat Saleh Annadif, chef de la MINUSMA.

Un avis que partage Ahmed Boutache, président du CSA, qui estime que la solution à la crise, qui est encore bien loin d’être totalement résorbée, se trouve dans l’Accord de Paix. « Il n’y a tout simplement pas d’autre alternative comme en attestent les déclarations récurrentes des parties signataires au sujet de leur attachement à l’Accord et à sa mise en œuvre ».

Pointée du doigt pour son immobilisme ou même sa partialité, la MINUSMA fait l’objet de nombreuses critiques, comme lors de la manifestation organisée le 14 juillet, après le début des affrontements à Kidal. Garante du respect des termes de l’accord, la mission de l’ONU appelle cependant les parties à prendre leurs responsabilités. « Il y a une véritable crise de confiance entre les parties signataires. Au départ, c’était deux mouvements qui étaient ensemble jusqu’aux évènements de Kidal en 2016. Le gouvernement a traîné le pas. On a pris des libertés sur certaines choses. Aujourd’hui, dans cette nouvelle phase, ce sont deux mouvements qui se font face dans une confrontation armée ».

Pourtant, la MINUSMA reste très attendue par tous les acteurs, y compris le gouvernement, qui a sollicité en juin dernier un mandat « plus  robuste » pour permettre à la mission de faire face aux menaces multiformes auxquelles elle est confrontée sur le terrain. Et en dépit de ses faiblesses, la MINUSMA reste indispensable pour la stabilité au Mali, note le diplomate allemand, qui reste convaincu que la mission améliorera son efficacité grâce aux mesures qui seront envisagées par son leadership. Une exigence que Dietrich Becker souhaite voir observée de la part du gouvernement, pour améliorer la gestion des ressources humaines au sein des forces armées et de sécurité.

La MINUSMA n’est cependant qu’une force d’interposition, destinée à maintenir la paix entre les différents protagonistes. Et si la communauté internationale est garante de la mise en œuvre de l’accord, c’est aux parties maliennes de mettre en œuvre leurs engagements, renchérit le Haut représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), Monsieur Pierre BUYOYA. « Il faut que les parties s’engagent à appliquer l’accord, ce qui demande une confiance mutuelle qui n’est pas toujours là. Parce que la mise en œuvre de l’accord est l’affaire des parties. La communauté internationale est là pour soutenir, pour accompagner. Il s’agit de paix, c’est un processus long », conclut-il.

Regrettant le fait « qu’à chaque fois qu’une avancée se fait jour, et qu’il semble qu’un consensus soit trouvé sur telle ou telle question, de nouvelles difficultés surgissent, comme c’est le cas avec les affrontements à Kidal », l’ambassadrice de France au Mali met en garde « les responsables de ces violations répétées de l’accord de paix et leur rappelle qu’au delà de leurs différends communautaires et intérêts économiques, c’est la liberté de leur région et l’intégrité du Mali qui sont en jeu, ainsi que les vies humaines qui continuent d’en payer le prix ».

L’œil du cyclone Pourquoi alors ne pas sanctionner ceux qui violent l’accord ? « Parce que les sanctions constituent le dernier recours et qu’après il faut toujours négocier pour trouver un terrain d’entente », soutient le Haut représentant de l’Union africaine. Si son gouvernement est pour le principe des sanctions, l’Ambassadrice de France, Mme Evelyne Decorps, estime qu’avant de les évoquer, « il faut adopter une attitude responsable, il faut rétablir la confiance entre les uns et les autres. Et, pour cela, il faut un arbitre. Même si les groupes armés et le gouvernement le demandent, la communauté internationale ne peut pas être cet arbitre. Elle est là pour apporter la sécurité, elle n’est pas là pour remplacer l’action du gouvernement ou des groupes armés. C’est leur bonne foi à eux qui doit être totale ».

Continuer donc à mettre en œuvre l’accord dans ses dispositions qui peuvent l’être et à Kidal, « quand elle sera prête », c’est aussi l’option préconisée par l’ambassadeur d’Allemagne, pour qui Kidal doit cesser d’être « le fétiche du gouvernement dans ce processus de paix ». D’autant que « toute personne qui croit qu’elle peut conquérir ou garder Kidal par la force se trompe. Ils (les signataires) seront obligés de s’asseoir pour parler », déclare le chef de la MINUSMA. Un énième chronogramme consensuel sera donc nécessaire pour que toutes les parties acceptent enfin le retour de l’administration à Kidal. C’est en tout cas l’une des recommandations de la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), partie prenante de la médiation internationale.

Mettre en œuvre l’accord en l’état suppose du pragmatisme et un volontarisme sans faille. Maintes fois repoussée, l’installation des autorités intérimaires à Kidal semble être un véritable goulot d’étranglement au processus.

En attendant, le temps joue contre le processus de paix. Ce temps profite aux groupes extrémistes désireux d’étendre leur influence. Le retard dans le processus a une autre conséquence : provoquer la lassitude de la communauté internationale, qui le finance et le supervise. « On a laissé trop d’espace pour les jeux politiques entre Maliens et, un jour, on sera fatigué de ces jeux », tranche Dietrich Becker, qui ajoute que la MINUSMA est financée par des milliards d’euros qu’il vaudrait mieux investir dans le développement.

 

 

Développement des régions du Nord : une stratégie à peaufiner

Le gouvernement souhaite injecter près de 2 000 milliards de francs CFA dans le cadre d’une Stratégie de développement des régions du Nord. Un ambitieux projet dont les contours doivent cependant être définis.

« Hisser les régions du Nord au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs de développement et ce dans un délai n’excédant pas une période de 10 à 15 ans ». C’est en ces mots que le Dr Boubou Cissé, ministre de l’Economie et des Finances, a analysé la Stratégie de développement des régions du Nord lors de l’ouverture des travaux de l’atelier qui a planché sur la question les 17, 18 et 19 juillet. L’annonce est forte. Pour ce faire, 2 194 milliards de francs CFA devraient être mobilisés pour mener à terme cet ambitieux projet, qui va s’articuler autour de trois axes majeurs : l’amélioration de la gouvernance, l’accès aux services sociaux de base et le renforcement des infrastructures.

« C’est une bonne chose, c’est une thématique importante de l’Accord de paix. Toutes les composantes de l’Accord étaient représentées, pour que l’on soit certain de ne rien omettre » assure Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Le gouvernement malien s’est engagé à décaisser 100 milliards de francs CFA par an durant trois ans. Pour le reste, l’Etat mise sur l’apport des partenaires techniques et financiers.

« Il faut absolument qu’il y ait une transparence dans le financement. La question est de savoir comment seront injectés ces fonds et quelles seront les procédures. Il ne faut pas confondre les appuis budgétaires aux Etats et ceux qui seront injectés dans ce pourquoi ils ont été sollicités » prévient le Gouverneur de la région de Ménaka, Daouda Maïga.

Sur les ondes de la radio RFI, le premier Vice-Président des autorités intérimaires de Kidal, Abda Ag Kazina, a également émis certaines réserves. « Si on construit une école là où il n’y a pas d’eau… Pour la région de Kidal, transporter de l’eau, c’est un projet de 30 milliards. Ce n’est pas la mer à boire pour un pays ». Il déclare être « fatigué des petits projets de gouvernance » sans réel impact.

Ce ne sont pas les seules épines sur la route de ces projets de développement. « On ne peut mettre en œuvre ces projets sans l’implication effective des autorités locales. Il faut préalablement que les élections régionales se tiennent et que le Président du Conseil consultatif soit élu. La crise est d’abord politique, donc les populations locales doivent se sentir concernées » martèle le porte-parole de l’ex-rébellion.

Quid de l’insécurité ? Rendre effective cette Stratégie de développement du Nord dans des zones non sécurisées relève pour l’heure de l’utopie. Mais, à en croire Ilad Ag Mohamed, la problématique sécuritaire serait relative. « Aucun des acteurs de l’insécurité ne peut s’opposer au fait que de l’eau soit apportée dans les régions. Avec les moyens que nous avons, nous devons imaginer comment faire pour concilier développement et insécurité. Nous allons tout faire pour ».

Une vision partagée par le Gouverneur de Ménaka. « Si nous attendons la fin totale de l’insécurité, le point où on n’entendra plus une seule rafale, nous pouvons attendre 20 ans. Ce n’est pas souhaité » conclut-il.

 

 

Le chef de la Minusma face à la presse

Après le renouvellement de son mandat le 29 juin 2017, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali a tenu une conférence de presse, mardi 18 juillet, à la Maison de la presse à Bamako. Animée par le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Mali et chef de la MINUSMA M. Mahamat Saleh Annadif, accompagné d’une délégation dont son adjointe Madame Mbaranga Gasarabwe . L’objectif de cette conférence était d’informer la presse sur les priorités stratégiques du nouveau mandat de la Mission consacré dans la résolution 2364 du Conseil de Sécurité de Nations Unies.

Intervenant au Mali depuis 2013 par la  résolution 2100 du 25 avril de la même année, le conseil de sécurité de Nations Unies a renouvelé encore une fois le mandat de la mission le 29 juin dernier.

C’est suite à ce renouvellement que le secrétaire général des Nations Unies a souhaité échanger avec la presse sur le mandat de la Minusma, la situation actuelle qui sévit dans le pays, le processus de paix encours et autres développements connexes qui concernent le pays.

Le chef de la MINUSMA a remercié la presse pour avoir répondu à l’invitation, et a situé le contexte dans lequel cet échange intervient. Pour lui, l’échange intervient après trois semaines du renouvellement du mandat de la MINUSMA, il intervient aussi au moment où l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger a dépassé ses deux ans. La rencontre intervient également après la résolution 2359 qui annonce la mise en place d’une force conjointe des pays du G5 Sahel, une force saluée par le conseil de sécurité des Nations Unies, selon son représentant spécial.

Les éléments novateurs dans le nouveau mandat de la MINUSMA sont entre autres : la volonté des chefs d’Etat du G5 sahel à mettre en place une force conjointe soulignée pour la première fois dans la résolution, le processus électoral au Mali et le soutien réaffirmé par la résolution aux Forces de Défenses et de Sécurité Maliennes en lui donnant un soutien conséquent. « La MINUSMA est entrain de finaliser un protocole qui la liera avec les Forces de Défenses et de Sécurité Malienne », ajoute le représentant spécial.

Concertant le retour de l’Administration à Kidal prévu ce 20 juillet, M. Annadif estime que l’Accord a accusé un retard énorme. «  L’accord pour la paix et la réconciliation se définit par un certain nombres d’actions à mener pendant la période intérimaire, parmi lesquelles le retour de l’administration à Kidal. Il y a eu énormément de retard pour mettre en place ces mesures, qui sont des mesures pour restaurer la confiance, parmi lesquelles les autorités intérimaires et ce qui s’ensuit » a souligné le chef de la MINUSMA. « Mais depuis un certain temps les parties maliennes ont un cadre formel pour discuter entre elles. Le CSA intervient seulement quand il y a des blocages a précisé M.Annadif.

Les affrontements entre la CMA et la Plateforme interviennent aussi alors que le retour de l’Administration était prévu pour ce 20 juillet à Kidal. « Les discussions continuent entre les mouvements et le gouvernement pour annoncer un cessez-le-feu et acter de façon définitive ce chronogramme. » Le représentant spécial tout en reconnaissant la lenteur dans la mise en œuvre de l’Accord, regrette que les deux ans soient écoulés sans qu’on puisse installer les mesures intérimaires. Mais de même le secrétaire général reste optimiste même s’il estime l’Accord complexe et difficile. « Tant qu’il y a des discussions, tant que le dialogue existe on peut dépasser ces difficultés » temporise t-il. Pour lui la crise du Nord n’est pas née en 2012, c ‘est depuis les années 60 qu’elle existe. « l’Accord de paix est parrainé pour la première fois par la communauté internationale et tous les pays voisins du Mali », assure M. Annadif

Le commandant de la force a fait état de la nature du soutien de la MINUSMA aux Forces des Défenses et de Sécurité Malienne. Il y aura un partenariat avec les forces de défenses et de sécurité maliennes, des opérations, la coordination des opérations, échange de renseignements, soutien logistique, soutien à la formation et à l’entraînement, évacuation médicale etc.

Le chef de la MINUSMA a rappelé que la MINUSMA n’a pas pour mission de lutter contre le terrorisme. Elle a une mission de stabiliser. La force du G5 Sahel qui aura pour mission de lutter contre le terrorisme, contre la criminalité organisée et le trafic de drogue est une décision africaine et qui a été soutenue par le Secrétaire général des Nations Unies. Mais les attentes par rapport aux financements n’ont pas été comblées par le conseil de sécurité de l’ONU.

Sur le sujet qui divise le plus les Maliens aujourd’hui, le représentant spécial du secrétaire général parlant de la constitution dira que « la constitution c’est un débat interne aux Maliens » , « mais depuis quelques temps nous avons constaté qu’il y a deux camps qui ont commencé à se former ». C’est dans ce cadre que la MINUSMA a discuté avec la majorité présidentielle et les parties de l’opposition démocratique pour renouer le dialogue et trouver un consensus autour de la constitution. « Nous suivons les débats, nous essayons d’apaiser la tension » a indiqué M. Annadif. Il a aussi évoqué l’impartialité de la MINUSMA entre les groupes armés «  quand vous êtes accusés par les uns et les autres cela veut dire que vous faites votre travail de façon impartiale » a-t-il souligné.

M. Annadif n’a pas manqué d’évoquer le terrorisme qui ne connaît pas de frontière. Pour lui  «  La lutte contre le terrorisme est un phénomène plus complexe » et « sa réponse devrait être collective » a-t-il martelé. Répondant aux manques des sanctions vis-à-vis de ceux qui violeraient l’Accord, le chef de la MINUSMA pense que les sanctions constituent le dernier recours.

Annadif a appelé a « sauvegarder l’Accord avec beaucoup de précaution » car dira t-il les problèmes maliens sont un problème politique, la crise malienne n’a pas de solutions militaires.

Sirakoro, la petite Kidal de Bamako

Situé à la périphérie sud du District de Bamako, ce nouveau quartier en construction est depuis 2013 le centre d’attraction de la communauté touarègue.

La guerre au nord du Mali a occasionné un déplacement massif des populations touarègues, notamment de Kidal, vers la capitale malienne. Tous ceux qui y atterrissent préfèrent construire ou habiter à Sirakoro, un site de brousse autrefois, qui offre désormais le visage d’un quartier où la vie serait belle.

Dès l’entrée, en dépassant la cité BMS, au sud-est de la Tour d’Afrique, des villas, des maisons à étages, d’autres en construction s’offrent déjà aux regards. Par endroit, la verdure rappelle la période hivernale tant appréciée au nord, où l’eau c’est la vie. Dans les rues, on aperçoit des enfants, souvent en petits groupes, l’air joyeux.

Havre de paix Des femmes touarègues, arborant leurs voiles et d’autres accessoires culturels, sont aussi remarquables. Souvent, en fin d’après-midi, on les trouve assises devant leurs maisons, sur des chaises, des nattes ou à même le sable, faisant leur traditionnel thé des braises. Il en est de même pour les hommes, toujours enturbannés et habillés richement, satisfaits de l’air et de l’espace dont ils profitent.

« Ici, nous nous sentons bien. Les gens ont quitté leur région parce qu’il n’y avait plus de paix. Ici, il y a la paix », témoigne une jeune fille assise sous un arbre. Une autre confirme la présence significative des Touaregs dans le quartier : « les habitants d’ici appellent Sirakoro, « Sourakabougou », en faisant référence à nous » (terme générique faisant référence aux Maures, les Touaregs étant appelés en bambara « Bourdamé, ndlr). Les ressortissants du Nord, surtout de Kidal, et des habitants issus du Sud ou du Centre du pays cohabitent en symbiose à Sirakoro.

« Petit Kidal » est l’autre surnom de «Sourakabougou » où les Touaregs sont clairement plus nombreux qu’ailleurs à Bamako. « On ne peut pas faire trois rues sans rencontrer un Tamasheq ici. Nous-mêmes quittons souvent Faladié ou d’autres quartiers de Bamako pour venir ici », affirme un jeune touareg. Pendant les fêtes et autres cérémonies, comme les mariages et baptêmes, on se croirait presqu’à Kidal. Les festivités artistiques avec guitares et tendé sont célébrées comme dans le terroir natal. Une atmosphère qui témoigne d’une réelle nostalgie d’un retour chez soi. Un jeune Kidalois explique ce sentiment: « Ici ne peut pas être Kidal. Tu le sais, chez toi, ce n’est pas comme ailleurs. C’est là que tu es né. Tu as la nostalgie de certains oueds, de certains marigots. On a tous la nostalgie de chez nous ».

Les répercussions sociales de la crise qui a commencé en 2012 ont contraint certains Touaregs à quitter la capitale. Mais, après l’orage, c’est maintenant la petite Kidal leur lieu de prédilection. « Depuis que nous sommes revenues, nous nous sentons à l’aise ici, Dieu merci! Nous aurions préféré être chez nous. Mais, en vérité, chez nous tout est détruit » regrette cette Touarègue.

 

CMA vs GATIA : Dominer le terrain pour mieux contrôler la paix

La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et le Groupe d’Autodéfense des Touaregs Imgad et alliés (GATIA) se sont à nouveau confrontés dans des combats violents, mardi 11 juillet,  à une dizaine de jour du retour programmé de l’administration malienne dans la région. Nul ne sait si le chronogramme, validé par les deux mouvements belligérants, sera effectif, mais beaucoup pensent que le conflit actuel vise à dominer le terrain pour contrôler au mieux de ses intérêts, l’application du processus de paix dans la région.

Dans la région de Kidal, mardi 11 juillet, deux groupes signataires de l’accord de paix, la CMA et Plateforme, se sont de nouveau affrontés dans une localité appelée Lalaba et à Tigachimen, des combats intenses sur deux fronts distincts. « Une trentaine de véhicule du GATIA se sont positionnés à Lalaba et une autre unité de la Plateforme composée de 14 pickups a quitté Takalote et s’est positionnée à Tigachimen, ils ont ainsi créé deux fronts, une sorte de ligne de défense », décrit cet officier de la CMA, qui de Kidal a participé à la supervision de l’offensive des troupes de la coordination, forte de plus d’une quarantaine de véhicules et qui rassemblaient des éléments du HCUA (le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad ), du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad ) et du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad). Dans la capitale du Nord, cette offensive n’a pas surpris, les intenses préparatifs qui l’ont précédé cette dernière semaine avec l’arrivée de renfort étaient annonciateurs d’une attaque d’envergure.

Selon ce même officier de la CMA, les combats ce sont déroulés durant un peu plus d’une heure. Sur le front de Lalaba, la CMA a eu le dessus tandis qu’elle a dû battre retraite sur le front de Tigachimen. « La trentaine de pickup menée par le chef des opérations du GATIA a dû se replier sur Anefis, nous les avons poursuivit et ils n’ont pas eu les temps de prendre position une fois arrivé là-bas. Un de nos éléments a pu récupérer une de leur radio ce qui nous a permis de suivre leur mouvement. Ils ont continué jusqu’à leur fief de Tabankort et nous avons interrompu la poursuite à 5km de la ville pour revenir sur Anéfis, que nous tenons depuis mardi soir », indique-t-il. Sur le front de Tigachimen, les forces de la Plateforme seraient parvenues à faire reculer les forces de la CMA sur une trentaine de kilomètres puis ce seraient repliées sur Takalot.

A l’issu des combats il était très difficile d’établir un bilan. La CMA qui dit avoir perdu 2 hommes dans les combats et avoir 4 blessés, affirme qu’il y aurait 9 morts du côté de la Plateforme, 4 combattants faits prisonniers et 4 pickups équipés de mitrailleuses lourdes auraient été saisies par ses forces. La Plateforme, pour sa part, affirme qu’aucun mort ne serait à déplorer de leur côté, quelques combattants auraient été fait prisonnier et seulement deux véhicules aurait été récupéré par la CMA qui aurait perdu, selon ce cadre du GATIA, 5 hommes et 4 véhicules. « En tout cas, il n’y a plus aucune unité du GATIA à moins de 150 Km de Kidal » se félicite ce même officier, qui ajoute cependant, « on ne peut pas dire que nous sommes victorieux, on va voir dans les jours qui viennent ce qui va se passer, personne n’est gagnant pour le moment ».

Un avis que partage ce sympathisant de la Plateforme à Kidal, qui malgré ce succès militaire, sait que toutes les forces du GATIA n’étaient pas présentes lors des combats. « Une unité du GATIA qui était à Takalot n’a même pas combattu, il y a avait aussi une unité du GATIA à Ménaka qui n’a pas bougé parce qu’ils ont été dépêché pour poursuivre les auteurs de l’embuscade tendu aux FAMA, donc le compte n’y est pas », souligne-t-il.

Pour ce combattant du MNLA, une riposte du GATIA pleine et efficace dans la situation actuelle semble difficile. « Une reprise du terrain par le GATIA semble compliqué, sauf si les Arabes du MAA pro-Bamako envoient des renforts, mais même s’ils le font, ça ne sera pas la fin du monde. Le GATIA ne peut rien attendre du MSA qui n’ira jamais combattre des gens de la CMA, et les exactions, les vols, les pillages et spoliations de biens les ont coupé de leur soutien populaire. Au moins nous quand on capture leurs combattants on en fait des prisonniers, eux, les exécutent », affirme-t-il.

Anéfis, la prise de guerre Symbole de cette victoire militaire de la CMA, la prise d’Anéfis. Mais si ce bastion de la Plateforme est revenu dans le giron de la CMA, combien de temps le restera-t-il ? « Pour moi il ne faut pas tenir Anéfis , il faut laisser la ville à la population et ne pas essayer de se positionner. Il faut que cette prise soit symbolique pour les rassurer et leur montrer qu’on est pas venu pour faire des razzias. Il faut que nous restions en unité mobile qui font des opérations de pointe et qui utilise le terrain, mais ne pas se concentrer sur l’occupation du terrain, ce n’est pas le moment », explique cet officier en charge des opérations au MNLA, qui ajoute, « La Plateforme pourrait reprendre Anéfis, sans tirer une balle, parce qu’on ne pourra pas la tenir, il faut du temps et des moyens pour cela ».

Selon cette même source, quelques 72 véhicules seraient présents à Anéfis pour maintenir la position de la coordination. Pour les deux camps, cette ville revêt une importance stratégique, que ce soit pour se replier ou se réapprovisionner. « La majorité de la population est en grande partie acquise à la Plateforme et ne porte pas la coordination dans son coeur mais le clan des patriarches de la ville d’Anéfis verse du côté de la CMA », explique cette humanitaire touareg, fin connaisseur de la région.

Cette prise de guerre de la CMA a beaucoup fait réagir les partisans des deux camps, qui annonçaient soit la reprise de la ville par la Plateforme ou réfutaient ses assertions. Le réseau ayant été coupé à Anéfis, la veille des combats, toute vérification s’avère difficile. Certains au GATIA ont même indiqué que pendant 1h, « le drapeau noir des islamistes flottait au-dessus d’Anéfis », un détail d’importance qui ne semble pas surprendre cet habitant de Kidal. « Nous les citoyens on sait que les djihadistes soutiennent la CMA et qu’ils étaient à leur côté lors de combats, si on le sait on imagine que Barkhane et la Minusma le savent aussi. Les djihadistes les soutiennent en homme et en équipement. Iyad ne va pas laisser ses parents se faire laminer par les combattants de la Plateforme sans lever le petit doigt », confie-t-il.

La Minusma et Barkhane pointé du doigt La Minusma, par l’entremise de son chef, Mahamat Saleh Annadif, a appelé les parties « à la retenue et au respect du cessez-le-feu » et a prévenu les protagonistes que « la Minusma est prête à prendre ses responsabilités si les affrontements ne cessent pas sur le terrain ». On ne sait pas quelle « responsabilités » pourrait prendre la Minusma alors qu’Ahmed Boutache affirmait chez RFI, ce même mardi, n’avoir aucun moyen concret de faire respecter un éventuel cessez-le-feu et que les hypothétiques sanctions évoquées de toute part n’étaient pas prête d’être mises en œuvre. Sur place la population ne s’étonne plus « des déclarations de ceux qui restent terré dans leur camp ».  Pour ce sympathisant du GATIA à Kidal, les choses sont clairs : « La position de la communauté internationale, c’est juste d’observer, il n’y a pas une force d’interposition, rien. Le favoritisme de la France, de Barkhane et de la Minusma est limpide. La CMA peut rentrer à Kidal se reposer sous bonne protection. Toutes les fois où nous avons chassé les troupes de la CMA, nous avons été stoppé par la Minusma ou Barkhane, c’est très flagrant », s’exclame-t-il.

Reste maintenant la paix, la grande absente, occultée par la fureur des combats et la détermination de chaque camps à vouloir dominer le terrain, alors que la mise en œuvre de son processus devait débuter dans la région, le 20 juillet prochain. « Le chronogramme pour le retour de l’administration n’est pas forcément perdu, c’est celui qui sera en position de force qui pourra imposer son point de vue. Si l’un des deux camps arrivent a prendre le dessus sur l’autre, alors il sera le maître de la région et dans ce cas il pourra accepter le retour de l’administration malienne sous son contrôle et ses conditions. Tout va dépendre de qui l’emportera dans les jours à venir », explique cette source proche des mouvements

En attendant, à Kidal, la population abasourdie, observe, silencieuse spectatrice d’une situation qui n’a depuis longtemps plus rien de normal. « Que ce soit la CMA ou la Plateforme, la population n’a plus confiance. Tant que l’administration nationale malienne ne sera pas de retour rien ne sera possible. Tout ça dépend maintenant de ce qu’ils vont décider. Alors que de toute façon, les populations ne savent plus quoi faire », lâche mi-fataliste, mi-résigné cet habitant de Kidal.

 

Nord-Mali : L’Algérie exhorte les signataires de l’accord de paix à privilégier le dialogue (MAE) 

ALGER – L’Algérie a exhorté samedi les responsables des  mouvements signataires de l’accord de paix au Mali à privilégier le « dialogue et la concertation » et à « intensifier » les efforts visant à « surmonter les difficultés sur le terrain ».

« L’Algérie exhorte les responsables des mouvements signataires de l’accord de paix à assumer pleinement leur responsabilité et à agir promptement afin que cessent ces agissements, à privilégier le dialogue et la concertation et à intensifier les efforts visant à surmonter les difficultés sur le terrain », a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali-Cherif dans une déclaration à l’APS.

Benali-Cherif a ajouté que l’Algérie suivait avec « attention les derniers affrontements armés » qui ont fait des morts, jeudi , à Aguelhok, dans la région de Kidal, au Nord du Mali, soulignant que « ces affrontements qui ont opposé des éléments appartenant à des groupes armés signataires de  l’Accord de paix au Mali, issu du processus d’Alger, constituent des violations graves  des termes de cet accord et affectent l’esprit d’entente qui anime les différentes parties maliennes dans sa mise en oeuvre  effective ».

Le porte-parole du MAE a souligné que ces « développements négatifs, qui  profitent en premier lieu aux activités des groupes terroristes et au crime organisé dans la région, risquent de porter atteinte à la crédibilité des mouvements signataires de l’accord de paix et à leur engagement de manière  résolue dans le processus de paix ».

Fahad Ag Almahmoud : « C’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA »

Des affrontements violents ont éclaté jeudi 6 juillet dans le nord du Mali près de Kidal entre des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA). Ces combats, qui viennent à nouveau violer le cessez-le-feu entre ces deux mouvements, pourraient aussi perturber le retour, à la fin du mois, de l’armée et de l’administration à Kidal. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA, a livré au Journal du Mali sa version des faits et pointe du doigt, comme facteurs générateurs de conflit, certaine mesures de l’Accord de paix non appliquées, ainsi que la responsabilité de la communauté internationale qui, selon lui, entretient un climat de tension entre les deux mouvements belligérants concernant Kidal.

Pourquoi la CMA et le GATIA se sont-ils encore affrontés alors qu’à Bamako les différentes parties travaillent ensemble à la préparation du retour de l’armée et de l’administration à Kidal ?

La CMA devrait répondre à cette question puisque c’est elle qui a attaqué nos positions à 80 km de Kidal alors que nous avons des positions à 15 ou 20 km de la ville. La position qu’ils ont attaqué a été presque entièrement désarmée, quelques jours avant, par Barkhane. Ils ont saisi les armes lourdes et ils nous ont dit que la CMA n’allait pas nous attaquer. Le jeudi, la CMA a quitté Kidal devant Barkhane et ils sont venus nous attaquer.

Vous pensez réellement que la force Barkhane a voulu aider la CMA ?

Comment penser autrement ? C’est Barkhane qui a désarmé l’ennemi d’un autre, ça n’a même pas besoin d’explication. Nos 3 éléments qui sont morts jeudi ont été tués par une roquette de mortier alors que nos roquettes ont été prises par Barkhane et ce sont le même type de roquette qui nous ont attaqué. Nous avons l’interdiction d’en posséder mais pour la CMA c’est permis. Je pense que cette attaque sur nos positions a pour but de perturber l’installation du MOC le 20 juillet prochain.

La CMA dit aussi que vous souhaitez perturber le processus de paix.

Quoiqu’on dise il y a le bon sens. Il faut dans ce cas expliquer pourquoi nous ne pouvons pas rentrer à Kidal. La communauté internationale a conditionné notre retour à Kidal à celui du gouvernement malien. Une fois que le MOC sera installé, Kidal fera son retour dans le giron de la République. Cela veut donc dire que tous les citoyens pourront, s’ils le souhaitent, s’y rendre. Donc je ne vois pas pourquoi, nous qui souhaitons y retourner, nous voudrions perturber le retour du MOC et de l’administration à Kidal.

Pourtant les tensions entre vos deux mouvements sont récurrentes et éloignent d’autant la paix, malgré l’accord que vos deux mouvements ont signé. L’attaque de jeudi en est une nouvelle preuve.

Comme je vous l’ai dit, on a été attaqués jeudi à 80 km de Kidal et j’ajoute que c’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA une fois qu’elle est à Kidal. La CMA est libre de se réorganiser et de venir nous attaquer. Nous, on ne peut pas les attaquer à Kidal. Si on était tous hors de Kidal, ou qu’on s’affrontait, on aurait pu avoir la paix depuis très longtemps. C’est la communauté internationale qui crée cette situation en sécurisant la CMA à l’intérieur de Kidal une fois qu’elle revient. Elle prétexte qu’elle fait ça pour protéger la population. Elle appelle la CMA, population. Cette situation offre à la CMA le luxe d’avoir l’usage de tous ces bras valides. La Minusma et Barkhane sont là pour sécuriser leurs biens, leurs armes lourdes, leurs engins. La base principale de la CMA et même des organisations terroristes aujourd’hui c’est Kidal, tout le monde le sait.

Vous voulez dire que les terroristes ont une base importante dans la ville de Kidal ?

La base principale de l’organisation de Iyad et de ses alliés, c’est Kidal. Tout ce qu’il a comme armement est à Kidal. C’est connu de tout le monde, y compris des officiers français.

Un certain Ahmedou Ag Asriw, serait un acteur principal de ce conflit. La CMA le tient pour responsable de nombreuses exactions sur les populations. Qui est-il ?

Ahmedou est le chef des opérations du GATIA, c’est un personnage connu là-bas, donc on peut lui prêter n’importe quelle réputation, ce sont les paroles des ennemis. Ni la Minusma ni les Nations unies n’ont envoyé de commission d’enquête sur les exactions qui ont eu lieu et n’ont pas confirmé que c’est lui qui les auraient commises. Ce ne sont que les paroles des ennemis.

On entend beaucoup parler au Nord de milices qui seraient aux ordres de Bamako et qui commettraient des exactions. le GATIA est-il une de ces milices ?

Si milice veut dire un groupe armé piloté par le gouvernement pour faire le sale boulot, on n’est pas une milice. Si une milice c’est un groupe armé qui répond d’une communauté, on est une milice. Tous les groupes armés sur le terrain ont une connotation tribale, c’est un fait. Je pense que Bamako lutte pour le retour de l’État et de l’administration à Kidal et ce n’est pas ces derniers événements qui vont en faciliter le retour. Ce que le Mali a fait pour la CMA du 20 juin 2015 à nos jours, il n’en a pas fait un dixième pour la Plateforme. Il y a des responsables de la CMA, malgré qu’ils véhiculent des messages anti-républicains, qui sont en passe d’avoir des passeports diplomatiques de la part du gouvernement.

Vous avez des noms ?

Je ne répondrai pas à cette question.

Ce nouveau conflit entre CMA et GATIA risque-t-il, selon vous, de mettre en péril le chronogramme qui débute le 20 juillet prochain et qui doit ramener l’armée et l’administration à Kidal ?

J’oseespérer, avec les démarches qui sont en train d’être mise en place que ce ne sera pas le cas. Une délégation de Touaregs du Niger sera à Bamako lundi 10 juillet pour une médiation, parallèlement à la mission de bons offices dirigée par Mahmoud Dicko. J’espère que cela pourra ramener le calme et nous aider les uns et les autres. Si on veut avancer, on peut, mais tant qu’il y a des gens qui ont pour mission de perturber la paix à l’intérieur du processus, qui sont connus des acteurs du processus, qui font tout pour les ignorer et que le gouvernement fait tout pour les amadouer, il n’y aura pas de paix.

Vous êtes conscient que tout cela entame considérablement la confiance des Maliens envers les groupes armés et fait fortement douter de la capacité de ces mouvements à être des interlocuteurs valables et fiables. N’est-ce pas un risque pour la CMA comme pour vous ?

Si les Nations unies donnaient un mandat à la Minusma pour désarmer tout le monde, ce serait un plaisir pour moi. Tout ce qui peut contribuer à l’avènement de la paix chez nous on est pour. Cette paix ne sera réalisable que quand les groupes armés seront désarmés. Le gouvernement est en train d’essayer d’appliquer les textes et autres de l’Accord sans parler de l’essentiel : le désarmement et le cantonnement des groupes armés. Les autorités intérimaires, la révision de la constitution, tout ça doit intervenir après le désarmement des groupes armés. Tout ce que j’espère, c’est que la communauté internationale prenne ses responsabilités pour permettre aux uns et aux autres d’aller vers la mise en œuvre de l’Accord.

Kidal : Regain de violence avant le retour de l’administration malienne

La région de Kidal renoue avec les affrontements intercommunautaires qui se sont soldés par des affrontements entre groupes armés jeudi 6 juillet dans la région de Kidal.

Tout est parti de la localité de Djounhan dans la région de Kidal, le mois de juin dernier. Ce jour-là, des éléments de la tribu Idnane très proche de la Coordination des Mouvements de l’Azawad ont attaqué des Imghads, très proche de la Plateforme et particulièrement du GATIA. Ce fut le début de multiples exactions commises de part et d’autre. Les images qui avaient circulé sur les réseaux sociaux, et ce, malgré le mois de Ramadan, témoignaient de leurs violences et des manifestes violations des droits de l’Homme.

Après une courte trêve, les affrontements entre la CMA et le GATIA ont repris, hier jeudi 6 juillet, aux environs de 5 heures du matin dans la localité d’Ibdakane, située à 80 kilomètres à l’ouest de Kidal.

Ce que l’on sait

Tout serait parti d’une embuscade tendue par des éléments de la CMA visant un certain Ahmedou Ag Asriw et ses hommes, qui serait, selon nos informations, un financier du GATIA et un trafiquant de drogue notoire, responsables de nombreuses exactions sur la population de la région. 14 véhicules du GATIA seraient tombés dans l’embuscade tendue par les 11 véhicules de la CMA. Après d’âpres combats, Le GATIA renforcé par l’arrivée de 15 véhicules est parvenu à contraindre les combattants de la CMA à se replier vers le sud-est, à Intachdayt. À l’issue de ce énième affrontement de l’année, des pertes en vie humaine et des dégâts matériels ont été enregistrés. Selon des sources à la CMA, le bilan provisoire de ces combats se porterait, côté CMA, à 1 mort et six blessés, qui ont été transportés à Kidal le même jour. Côté GATIA, on dénombrerait six morts, laissés sur place avec deux véhicules, dont un, avec une 12,7 (mitrailleuse lourde). Le GATIA se serait retiré à Tibardjaten, à environs 65 kilomètres au sud d’Anefif pour attendre l’arrivée des renforts en provenance de Gao, au moins dix (10) vehicules et Takalot au moins quatorze (14) autres. L’accrochage selon le chef d’Etat major du HCUA, Chafagui Ag Bouhada, a duré au moins trois heures de temps. « Ce qui se passe entre la Plateforme et la CMA ne date pas d’aujourd’hui mais les affrontements ne concernaient que les groupes armés. Les civils jusque-là épargnés ne le sont plus, car ils sont la cible des exactions », a-t-il souligné.

Des versions qui différent

Selon Ilad Ag Mohamed, porte parole de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), «  une patrouille de la CMA était dans la zone d’Ibdakane pour aller constater les dégâts causés par Ahmoudou Ag Asriw. Elle était partie pour rassurer les populations, car elles pensent qu’elles sont abandonnées à leur sort. Cette colonne a rencontré Ag Asriw et ses hommes et les affrontements ont commencé », justifie le porte parole de la CMA.

Dans le camp du GATIA, on affirme que c’est la CMA qui a attaqué, alors que leurs éléments étaient désarmés. «  Nos combattants qui ont été désarmés il y a trois jours par Barkhane ont été attaqués par la CMA. Donc nous disons qu’il y a connivence entre Barkhane et la CMA pour nous attaquer », affirme cette personnalité proche du GATIA. Le bilan diverge de part et d’autre, car selon notre interlocuteur, le GATIA a enregistré 1 mort et trois blessés, et la CMA a laissé sur ses positions trois morts et trois véhicules récupérés par le GATIA.

Selon des dernières informations, chaque groupe a fait appel à des renforts et la situation reste très préoccupante dans la zone.

La CMA a publié un communiqué, le 06 juillet, dans lequel elle informe la Médiation Internationale, le gouvernement du Mali, l’opinion nationale et internationale d’une attaque menée ce même jour dans la matinée « contre une de ses positions basée à une dizaine de kilomètres à l’ouest d’Intachdayt, par une colonne du Gatia venue d’Anefif sous la conduite d’un certain Akhmadou Ag Asriw.» Dans ce même communique, la CMA «  regrette et condamne cette violence qui lui est imposée depuis le début du processus de Paix par une organisation qui ne s’est jamais inscrite dans la logique de la Paix. » Toutefois la CMA «  demeure attachée à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu » poursuit le communiqué.

De son côté, la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger a publié un communiqué le même jour, dans lequel elle informe le chef de file de la médiation internationale, le représentant spécial du secrétaire général de Nations Unies à Bamako, les autorités du Mali et toutes les parties prenantes à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger du fait que «  le 06 juillet 2017 à l’aube, une patrouille de la Plateforme a été la cible d’une embuscade de la part d’un autre convoi de la CMA qui quittait Kidal, à Tahalte, 90 kilomètres au nord-ouest de la ville ». Au même communiqué d’avertir que « si aucune disposition n’est prise pour abréger les souffrances des populations, elle ne pourra continuer à croiser les bras face à cette situation » précise le communiqué.

La MINUSMA elle aussi, dans un communiqué a condamné ce qu’elle considère comme des « violations de l’Accord de paix et des résolutions du Conseil sécurité. » Des violations qui pourraient être une réelle menace pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. « Si elles persistent, elles affecteront non seulement la mise en œuvre de l’Accord de paix, profitant ainsi au terrorisme pour gagner davantage du terrain » a souligné Mahamat Saleh Anadif, le chef de la MINUSMA.

Selon d’autres sources bien introduites ces affrontements viseraient à perturber, une fois de plus, le chronogramme de l’installation du MOC le 20 juillet prochain et des autorités intérimaires, le 31 juillet, dans cette région qui échappe depuis plusieurs années à la souveraineté de l’État et où se croisent, groupes armés, djihadistes et trafiquants de drogues.

Bons offices à Kidal : Délicate mission pour Mahmoud Dicko

Annoncée par le premier ministre Abdoulaye Idrissa MAÏGA, la mission des Bons Offices chargée de faciliter le retour de l’administration dans le septentrion malien a pris son bâton de pèlerin.

Conduite par le président du Haut Conseil Islamique du Mali (HCI), Mahmoud DICKO qui a pris ses derniers conseils auprès du premier ministre ce 03 juillet 2017 avant d’entamer sa délicate et exaltante mission. Convaincre les groupes armés qui occupent le terrain à renoncer à la violence et permettre le retour de l’Etat. Le Coordinateur de cette mission, Mahmoud DICKO qui en mesure les enjeux reste convaincu de sa nécessité. Car il faut « faire en sorte que les frères se retrouvent ». « Nous allons à Kidal et dans le Delta Central du Niger pour voir dans quelle mesure les services sociaux de base peuvent être installés », ajoute Mahmoud DICKO confiant et rassuré « que le Mali va se retrouver dans le Mali ».

Même si cette mission voulue par l’Etat et composée par plusieurs autres personnalités de la société, n’est pas la première de Mahmoud DICKO, elle intervient dans un contexte différent. On se souvient qu’il avait pris l’initiative d’une médiation avec Iyad Ag GHALY (Chef de la coalition djihadiste Nosrat al-Islam wal Mouslimine) au plus fort de la crise. Le chef islamiste avait accepté de remettre au HCI plusieurs militaires maliens faits prisonniers pendant la crise en 2012.

Les enjeux de la présente mission sont de donner un coup de pouce au processus de mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation signé entre le gouvernement du Mali et les groupes armés il y a maintenant 02 ans. L’espoir c’est de pouvoir rendre effective l’installation des autorités de transition pour le retour de l’administration. L’installation de celles de Kidal étant prévu pour ce 20 juillet.

Ilad Ag Mohamed : « Les forces présentes dans l’Azawad se protègent elles-mêmes alors que ce n’est pas l’objectif »

À partir du 20 juillet prochain le MOC sera installé à Kidal et 10 jours plus tard les autorités intérimaires et le gouverneur lui emboîteront le pas. À Bamako, les différentes parties se concertent pour parvenir à concrétiser cet ambitieux chronogramme. Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA a répondu aux questions du Journal du Mali sur les négociations et obstacles concernant l’application de ces mesures du processus de paix dans la région.

Où en est-on concernant le retour de l’administration et de l’armée Kidal ?

Dans ces prochains jours, cette semaine, il va y avoir à Bamako une rencontre à laquelle doivent participer les responsables militaires et politiques de la CMA. Cette réunion va permettre de caler le calendrier et déterminer les modalités pratiques de l’opérationnalisation du MOC à Kidal à partir du 20 juillet prochain, car c’est une date butoir. Il y a des travaux techniques à faire avec les ministères, les politiciens, pour pouvoir établir un chronogramme bien détaillé, aussi clair que possible et travailler au retour de l’administration à Kidal à partir du 30 juillet, autre date butoir. J’ajouterai que pour le moment, il n’y a aucun signe pouvant être un facteur bloquant ou de ralentissement sur ces sujets-là, je crois que nous sommes dans une bonne dynamique

Sur le terrain à Kidal est-ce que les travaux du camp 1 et ceux du gouvernorat seront achevés à temps pour accueillir l’administration et le MOC ?

Sur ce plan, les choses sont extrêmement lentes et je sais que ce n’est pas pour demain que l’on va réhabiliter tout ça. Je crois qu’une fois que les parties ont la volonté de faire quelque chose, on pourra trouver les moyens de faire avec ce que l’on a. Si toutes les questions sont réglées et débloquées en dehors des questions logistiques, on aura le moyen d’abriter le MOC en attendant que le camp soit opérationnel. Pour le gouvernorat, ce ne sera pas pour demain parce qu’il est en très mauvais état, mais il n’y aura pas de problèmes a abrité une administration de ce genre. Ce n’est pas ça qui va nous empêcher d’avancer.

Bilal Ag Chérif est actuellement à Bamako, il a rencontré Mohamed Ag Najim, chef d’État-major du MNLA, de la communauté Idnane. Tous deux sont là pour tenter de faire cesser les affrontements récurrents entre le GATIA et la CMA, se dirige-t-on vers une paix entre ces deux mouvements ?

Ce sont des questions qui seront aussi abordées lors de la rencontre dont je vous ai parlé. Le problème c’est qu’il y a des antécédents, je pense qu’on est arrivé à un point ou l’État lui-même ne les contrôle pas suffisamment, la situation est compliquée. Mais je crois qu’une fois que l’État, ses milices et la CMA arriveront à s’asseoir pour élaborer un programme commun, on pourra faire quelque chose. Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra trouver un début de solution pour un retour effectif de l’administration et même pour la mise en œuvre de l’Accord. C’est une question qu’il nous faut régler.

Ce retour de l’administration et de l’armée risque de poser des problèmes sécuritaires à Kidal, comme on a pu le voir avec l’attaque du MOC à Gao, comme comptez-vous gérer cela au niveau sécuritaire ?

Oui en effet, si il y a beaucoup de problème autour de l’installation de ce MOC, c’est parce que nous voulons un maximum de garanti pour éviter tout problèmes. Vous savez l’attentat de Gao a été un choc énorme et l’est encore aujourd’hui. On éprouve des difficultés, à cause de cela, à réunir des soldats, parce que ça a été traumatisant. Dans tous les cas, je crois qu’il faut y faire face, on n’a pas le choix, mais il faut avoir une stratégie, mettre en place le MOC à Kidal mais aussi envisager des ceintures de sécurité pour l’appuyer. En attendant de voir où on va et si l’armée peut faire son retour dans sa dimension générale. Ce sujet fera aussi parti des discussions de la réunion qui aura lieu cette semaine.

Donc le MOC, censé sécuriser devra lui-même être protégé par d’autres forces ?

C’est un problème. Les forces qui sont présentes actuellement dans l’Azawad œuvrent à se protéger elles-mêmes alors que ce n’est pas l’objectif, c’est valable pour tout le monde en réalité, la Minusma comme bientôt pour le MOC. Si une force reste enfermé dans son camp, elle n’a plus de raison d’être en réalité, donc, autant ne pas en former.

KIDAL : Installation du MOC et retour de l’administration à partir du 20 juillet

Pour accélérer la mise en œuvre de l’accord dans le cadre de la feuille de route remise au premier ministre, Abdoulaye Idrissa MAÏGA a regroupé les parties maliennes (CMA, Plateforme et institutions chargées de la mise en œuvre de l’accord) lors d’une journée d’évaluation de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale.

Le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) sera présent à Kidal ce 20 juillet. Cette force constituée de 600 hommes sera composée par 200 Hommes de chaque partie prenante, à savoir, la CMA, la Plateforme et l’armée malienne. Une décision issue de la journée d’évaluation de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali tenue le 23 juin à la Primature. Une étape essentielle dans le processus du retour de l’administration dans le Nord du Mali où Kidal reste la dernière ville à recevoir les autorités intérimaires. D’autant que cette étape doit être suivie de l’installation du gouverneur de Kidal (Sidi Mohamed Ag Ichrach, résidant actuellement à Gao) le 31 juillet et celle des autorités intérimaires. Seront ensuite installés le gouverneur ainsi que les autorités intérimaires de Taoudénit.

De l’espoir et des inquiétudes

Cette rencontre entre Maliens (la CMA, la Plateforme et la partie gouvernementale) suscite en tout cas l’espoir des autorités. Le premier ministre Abdoulaye Idrissa MAÏGA estime qu’ « il est vital que les Maliens se parlent, car nous défendons la même cause ensemble, le Mali ». Avant d’ajouter la nécessité de surmonter les blocages et autres incompréhensions pour aboutir à la paix.

Mais ce nouveau calendrier ne rassure pas tout le monde. Selon Oumar Alassane Touré du réseau des patriotes du Nord « on ne peut pas retourner à Kidal comme ça. Il faut une commission de retour de l’administration indépendante du gouvernement et de la primature, qui est rattachée au président de la République qui sera composée de l’ensemble des mouvements et d’experts qui peuvent mettre en place une stratégie ».

Azarock Ag Innaborchad, président du congrès pour la justice dans l’AZAWAD, souhaite que l’on envisage le retour de la paix au delà du retour symbolique de l’administration à Kidal. « C’est vrai que Kidal symbolise le retour de la souveraineté de l’Etat. Mais il n’y a pas qu’à Kidal que l’Etat n’est pas souverain. Il faut faire ce que l’on peut faire facilement et attendre quand les échéances arrivent pour Kidal, faire Kidal, il faut essayer de reprendre stratégiquement les choses en main, pas seulement à Kidal. », conclut-il.

Retour de l’administration à Kidal : Un problème de calendrier ?

Annoncé pour le 20 juin 2017, le retour effectif de l’administration dans la ville de Kidal n’aura pas eu lieu. Selon le chronogramme annoncé par la médiation internationale à l’issue de la 18è session du Comité de suivi de l’accord, c’est à travers le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), chargé de sécuriser la ville et sa région, que devait avoir lieu le redéploiement de l’État dans la ville occupée par les groupes armés depuis 2014. Sur place, à Kidal, ce report n’est pas une surprise, la situation de tension actuelle générée par le conflit intercommunautaire entre les Imghads du GATIA et les Idnanes n’a pas encouragé la CMA à adhérer à un chronogramme dont elle dit « ne pas être associée ». La coordination a rappelé ses forces à Kidal tandis que celles du GATIA sont à présent positionnées à une dizaine de KM de la ville. L’un des premiers grand défi de l’installation du MOC à Kidal sera de faire collaborer ces deux camps hostiles au sein des patrouilles mixtes.

D’autres raison moins vérifiables ou avouables à ce report sont aussi avancées. « la CMA doit envoyer des signes positifs d’avancement à la communauté internationale mais en même temps elle doit ménager les djihadistes qui ne veulent pas un retour de l’administration et de l’armée à Kidal. Beaucoup ici disent que c’est Iyad Ag Ghaly qui pilote les décisions importantes », affirme cette source proche des mouvements. Pour elle, le MOC, les autorités intérimaires, tout serait possible et faisable dans les délais. « Les véhicules du MOC pour les FAMA et la Plateforme sont déjà prêt, il ne manque plus que la CMA. Avec l’insécurité qui règne en ce moment à Kidal, le MOC et ses patrouilles seraient le bienvenue », ajoute-t-il. Selon Pierre Buyoya, cité le 20 juin par Studio Tamani, ce report est dû à un « problème de calendrier », il assure que le retour effectif de l’administration se fera dans les prochains jours. Comme en réponse, la fête de l’Aid qui se fêtera ce dimanche partout sur le territoire Malien sera célébrée un jour plus tard à Kidal, selon le calendrier imposé par la CMA, qui ne tient pas à fêter la fin du ramadan en même temps que le Mali.

Kidal : Des luttes fratricides perturbent la mise en œuvre de l’Accord

Selon le chronogramme élaboré lors de la 18e session du CSA, les autorités intérimaires, le gouverneur et le MOC devraient être mis en place d’ici le 20 juin prochain. Mais cette planification ambitieuse semble se heurter à la réalité du terrain et aux événements d’une rare violence qui, actuellement, secouent le septentrion malien.

« Les choses se passent globalement bien. Nous avons une participation assidue de l’ensemble des membres du CSA. […] Nous sommes confiants quant à l’avenir », se réjouissait Ahmed Boutache, président du Comité de suivi de l’accord (CSA), le 5 juin dernier, lors de la clôture de la 18e session du comité. Un certain nombre d’actions à mettre en œuvre avant le 20 juin ont été décidées lors de cette session : l’installation des autorités intérimaires, du gouverneur et du MOC à Kidal. Un chronogramme ambitieux dénoncé, dès le 12 juin par la CMA, dans un communiqué indiquant que ce chronogramme est « loin de refléter le résultat des pourparlers convenus entre la CMA et les différents acteurs impliqués » en vue d’un retour de l’administration à Kidal et que la CMA, « nullement engagée par ce document, appelle tous les acteurs crédibles à une concertation rapide pour élaborer un chronogramme réalisable » et à « mener des actions consensuelles sans absurdités pour réussir une paix effective ».

Poudrière Si à Bamako on parle chronogramme, charte de la paix ou révision constitutionnelle, à Kidal, où les travaux du camp 1 ont commencé depuis plus d’une semaine et ou le gouvernorat, aux bâtiments vétustes, n’est pas en mesure d’accueillir le gouverneur, il en est tout autrement. Depuis le 4 juin, des événements très préoccupants retiennent toutes les attentions et focalisent craintes et inquiétudes. « Les gens ne sont pas du tout sur les annonces de Bamako. Ce qui se passe ici est très grave ! Les Imghads chassent la communauté Idnane. Depuis une semaine il y a eu presque une trentaine de morts, des dizaines d’otages, des dizaines de véhicules enlevés, des motos brûlées, des centaines de personnes déplacées qui ont tout laisser derrière elles. À la mosquée, dans les rues, les grins, les gens ne parlent que de ça, parce que c’est vraiment préoccupant », témoigne cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Tout a commencé au début du mois de juin, quand des Idnanes du MNLA ont mené une attaque contre des éléments du GATIA, puis ont pillé un village près d’Aguelhok, brûlant des boutiques et s’en prenant à la population. Vengeance et représailles ont mis le feu aux poudres. Les deux camps, qui s’accusent mutuellement d’être à l’origine des exactions, se livrent à des tortures et des assassinats, sans que les forces internationales ne lèvent le petit doigt. En l’espace d’une semaine, exécutions sommaires, saccages, pillages et vols ont quotidiennement été signalés dans la région. « Où les Idnanes sont, il y a eu des motos qui sont parties. Ce sont des jeunes Imghad fougueux. On les appelle ici les « mafias ». Ils s’en sont pris aux populations idnanes. Cela s’est passé un peu partout autour de Kidal, ça s’est propagé jusqu’à Tessalit. Ça pourrait se propager aux autres ethnies et fractions et devenir incontrôlable. On est en plein mois de carême ! C’est du jamais vu ! », s’exclame cet employé humanitaire de la région.

Depuis que cette chasse aux Idnanes a commencé, beaucoup se sont réfugiés dans le camp de la Minusma à Kidal et ont été ensuite transportés par avion à Gao. « Il y a toutes une zone abandonnée par des familles entières, qui ont fui par peur d’être exécutées. Toute la zone à l’ouest de Kidal, la zone d’Anéfis, la zone d’Aguelhok, ont été abandonnées par les populations Idnanes, beaucoup ont traversé la frontière algérienne », poursuit ce même humanitaire.

 Le MNLA, dominé majoritairement par les Idnanes, est particulièrement impliqué dans cette situation, le jeune fils de Moussa Ag Najim, officier au MOC de Gao et frère de leur chef militaire, Mohamed Ag Najim, ayant été exécuté par des éléments du GATIA la semaine dernière. « Les forces armées du GATIA et leurs officiers sont responsables ! Ils escortent les convois de drogue et utilise la méthode des exactions sur les populations au sud de Kidal pour couvrir le passage de leurs convois et dégager la zone », lâche cet officier du MNLA. Selon lui, L’argent du trafic de drogue jouerait un rôle capital dans l’insécurité et l’alimentation des conflits résiduels et les choses ne seraient pas prêtes de s’arrêter, car les trafiquants pour conserver à tout prix la route des trafics font tout pour saboter le processus de paix. « Il ne veulent pas des forces légales ! faire perdurer l’instabilité leur garantit de pouvoir continuer leurs trafics. Donc, quand ils voient arriver la paix avec un autre camp, ils alimentent les tensions. La paix les dérangent. ! » affirme-t-il, amère.

Une avis que partage cette source sécuritaire très au fait des rapports de force et d’influence dans la région. « Le trafic de drogue infectent les différents mouvements armés, les officiers militaires touaregs et arabes dans l’armée malienne ainsi que les services de renseignement des pays du G5 comme le Mali. Certains services vendent même des informations sensibles à ces trafiquants qui peuvent compromettre des opérations du G5 et de leurs alliés. Il est clair que les trafiquants ne veulent pas d’une stabilité dans la région, elle empêcherait le transit de leur cargaison qui passent par l’extrême nord de la région de Tombouctou, traverse le Telemsi à l’extrême sud de la région de Kidal, une zone occupée par le GATIA depuis juillet 2016 et où l’on constate des conflits entre mouvements armés et des violences sur les civils », souligne-t-il.

Une situation qui ferait le jeu des djihadistes, qui approcheraient cette communauté pour leur proposer de les aider à se défendre, puisque personne ne le fait pour eux, « Un changement de rapport de force terrible », confie cette source bien introduite dans le milieu des mouvements armés, « Les opérations djihadistes contre le GATIA ont pour but de montrer à la population agressée que les moudjahidines, contrairement aux forces internationales, maliennes et la CMA, peuvent les protéger. Ce qui les renforce socialement et facilite le recrutement. Ça légitime, aussi, pour les populations, la thèse selon laquelle les forces internationales sont une force d’occupation qui sont venus comme bouclier de défense de la famille bambara qui dirige à Bamako et non pour leur mission de sécurisation, sans distinction, des populations et de leurs biens ». Un prosélytisme qui semble faire son chemin comme l’explique cet habitant de la région sous anonymat. « Quand les djihadistes étaient là et qu’ils occupaient le territoire, tu étais soit avec eux ou contre eux mais il n’y avait pas toutes ces choses, aucun autre qu’eux ne s’en prenait à la population. Ces exactions, avec ces milices qui ont cartes blanches, ça ne se serait pas produit avec les djihadistes ».

Défiance Dans le contexte actuel, l’installation future du MOC et des patrouilles mixtes n’est, paradoxalement, pas jugée comme un facteur rassurant. « Le MOC, ici, on n’y croit pas trop. À Gao, il a créé plus d’insécurité qu’autre chose, à Kidal ça risque d’être la même chose. On sait que la CMA ne désire pas le MOC. Ils voient ça d’un mauvais œil, parce que des éléments de la Plateforme, notamment ceux du GATIA vont être là », explique ce Kidalois proche des mouvements. « En réalité ils se sont engagés, mais ils n’en veulent pas, ils ont peur que les gens du GATIA saisissent cette opportunité pour prendre Kidal. Surtout quand on sait que le chef du MOC, le colonel Alkassim Ag Oukana, est un membre de ce mouvement. Il est de la tribu Irrédjénaten de Tessalit, il fait partie de l’aile qui se reconnaît plus dans les Imghad, il a fait défection du HCUA l’année dernière pour rejoindre Gamou », poursuit cette même source, qui confie, « Ici, il y a des gens qui s’organisent pour que les femmes marchent contre toutes ces installations, je ne peux pas dire de façon exacte ce qui se passera dans la mise en œuvre de l’accord, mais la situation actuelle ne donne pas de belle perspective pour l’avenir ».

Trois casques bleus tués dans une attaque à Kidal

Trois casques bleus ont été tués, jeudi soir, dans le nord-est du Mali lors d’une attaque combinée qui a également fait huit blessés, a annoncé, vendredi 9 juin, la Mission des Nations unies (Minusma) dans un communiqué.

« Hier, le camp de la Minusma à Kidal a été la cible de tirs intensifs de roquettes » qui ont fait cinq blessés parmi le personnel de la Minusma, selon le texte.

« Les informations préliminaires indiquent qu’une dizaine d’obus de différents calibres ont ciblé le camp », ajoute la Mission de l’ONU, précisant que « quelques-uns ont atterri dans les quartiers avoisinants le camp ».

« Peu après, une position de la Force a été attaquée à l’extérieur du camp. Trois casques bleus ont été tués et trois autres blessés », selon le communiqué, qui ne donne aucune indication sur leur nationalité. Les contingents guinéen et tchadien forment l’essentiel des troupes de l’ONU à Kidal.

Un habitant de la région avait fait part à l’AFP jeudi soir de tirs d’une dizaines d’obus en début de soirée, sans autre indication.

« La Minusma condamne dans les termes les plus vigoureux ces attaques lâches et abjectes contre son personnel et la mise en danger de la population civile. Elle exhorte les parties présentes à Kidal à assumer leur pleine responsabilité pour identifier les responsables afin d’assurer leur traduction devant la justice », dénonce le communiqué.

 

Charia : Une réalité malienne

Le 16 mai dernier à Taghlit, entre les localités d’Aguelhoc et Tessalit, une femme et un homme auraient été lapidés par des islamistes qui leur reprochaient d’avoir violé la charia, la loi coranique, parce qu’ils vivaient en concubinage. La véracité de ce triste évènement, relayé par les médias nationaux et internationaux, reste à démontrer, certains affirmant même avoir vu quelques jours plus tard la jeune femme vivante à Aguelhoc. Pour autant, la rumeur de cette lapidation, inédite depuis les jours sombres de la crise de 2012, pose la question de la présence de ces forces djihadistes dans certaines zones du pays qui échappent toujours aux forces maliennes et étrangères, et de leur capacité à faire peser leur vision étriquée de la loi divine sur le caractère laïc du pays, s’ils parvenaient à propager leur foi rigoriste.

« Oui la charia est appliquée dans certaines zones de la région de Kidal ! », déclare sans ambages Abinaje Ag Abdallah, maire d’Aguelhoc. « Ils interdisent l’alcool, les cigarettes. Il faut s’acquitter de la zakat (l’aumône). Ils font appliquer toute la charia qui est de leur portée et on constate de plus en plus qu’ils ont le contrôle de certaines localités », ajoute-t-il. À Taghlit, Abeïbara, au nord et nord-est de la région de Kidal, dans la région de Tombouctou, Taoudéni, Ségou, Mopti, nombreux sont ceux qui attestent de la présence des islamistes dont les forces se sont redéployées et contrôleraient des zones entières qui échappent aux autorités. Dans ces zones désertées par la République, où même parfois les groupes armés ne vont pas, les djihadistes à moto font respecter leurs lois, maintenant les populations dans la crainte. « Aujourd’hui, dans la région de Kidal, de Gao ou de Tombouctou, les campagnes sont occupées par des groupes terroristes. Dans la zone de Ménaka, il y a le groupe d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui qui se renforce jour après jour. Au nord de la région de Kidal, trois katibas appliquent la charia partout dans les brousses, même à Tinzawatène. Dans la zone de Gao à Almoustarat, il y a l’armée mais il y a aussi des djihadistes en ville qui prêchent le djihad ouvertement le soir dans la mosquée, pendant que l’armée est dans la caserne », confie ce cadre militaire du MNLA qui a eu maintes fois maille à partir avec les djihadistes.

Dans certains villages, ces groupes ont imposé leur charia aux villageois qui ne sont plus autorisés à pratiquer certaines coutumes devenues « haram ». « Il faut les écouter et faire ce qu’ils disent, ça s’est sûr ! », lâche cet employé du CICR de la région de Kidal. « Quand nous partons en mission dans ces zones, on retrousse nos pantalons au-dessus des chevilles, on ne fume pas, on se tient éloignés des femmes et on évite d’y aller avec des véhicules arborant le logo du CICR, parce que les gens considèrent la croix comme un signe chrétien. On doit se conformer, c’est automatique », poursuit-il.

 Vivre sous la charia Dans ces zones, la peur tient les populations qui redoutent de se voir infliger ces actes barbares que les islamistes considèrent comme les punitions issues de la charia : couper la main du voleur, lapider des coupables d’adultère, sanctionner par le fouet les libertins. Ces pratiques qui ont eu cours au nord du Mali durant la crise, ont normalement cessé depuis 2013 et la fin de l’occupation. « Les mains coupées pour un voleur, les coups de fouets, c’est très rare depuis 2012, parce que les gens se sont conformés à leur loi. Mais si tu commets un acte contraire à la charia, ils vont prendre les choses en main et t’envoyer un message par un intermédiaire pour te convoquer. Dans un premier temps, ce sera une mise en garde. Donc, après cet avertissement, soit tu quittes la ville, soit tu t’y conformes. Si tu continues, ils vont appliquer sur toi le châtiment de la charia. Ça se passe comme ça. Ils ont des informateurs dans tous les villages, donc les gens sont tenus dans la crainte et font ce qu’on leur dit », affirme cet habitant de Kidal.

Pour la majorité des musulmans, il est difficile de s’opposer à la charia, les thèses prônées par les islamistes ne séduisent pas les populations maliennes très attachées à la tolérance et éloignées de l’application qu’en font les salafistes. « La population ici est à 100 % musulmane. Elle ne peut pas réprouver la charia en tant que telle, mais les gens disent que ce n’est pas la méthode. La plupart des chefs djihadistes, ce sont des Algériens, des Mauritaniens, des gens qui viennent d’ailleurs. On a nos propres imams et marabouts qui nous expliquent la religion, alors pourquoi nous conformer à des gens qui amènent une doctrine venue d’ailleurs ? Avec les attaques, les attentats suicides, les gens ne sont pas avec eux mais ils sont contraints d’observer ou d’adhérer par la force », explique ce journaliste de Douentza. « Si leur but est de créer une république islamique, notre histoire et nos croyances sont trop anciennes pour que ça marche. Ils ne peuvent pas venir comme ça imposer ça chez nous ! », s’exclame-t-il.

 Frapper les fourmilières djihadistes Par leurs diktats religieux, les djihadistes, sous l’impulsion du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, tentent de tisser une toile pour le moment encore disparate. Leur mobilité et leur capacité à se fondre au sein des populations les rendent insaisissables, leur permettant de perdurer et d’imposer par la force leurs préceptes religieux. « Si l’autorité de l’État s’étendait à l’ensemble du territoire, l’État pourrait être interpellé en cas d’application de la charia. Mais c’est l’Occident qui a dit « je m’installe dans le nord ». Barkhane est là-bas, la MINUSMA est là-bas. Cette zone dans laquelle s’est produite la lapidation n’est pas sous contrôle de l’armée malienne », objecte un officiel malien. Cependant, la force française, devenue elle aussi la cible privilégiée des djihadistes, semble inefficace à pouvoir stopper cet état de fait.

« Depuis 2015, les opérations terroristes ne visent pas à faire la guerre. Ils font des opérations de récupération de matériel, ils se réorganisent et se renforcent. Ils ont récupéré, depuis fin 2016, plus de 30 pick-up, des armes et des munitions. À Taoudéni, ils ont des bases fixes, ils créent des souterrains, y mettent des groupes électrogènes, des citernes d’eau pour 2 mois ou 3 mois, tout pour vivre et tu ne vois rien. Ils attendent que l’armée malienne se remette en place, que le désarmement soit effectif après ils vont occuper les campagnes, et nous, nous restons là, à compter ce qu’ils ont récupéré », s’emporte cet officier du MNLA. « Les djihadistes ont très bien compris comment les forces françaises fonctionnent. C’est une armée conventionnelle, avec des véhicules vieillissants, peu rapide. Au moindre mouvement ils bougent à moto. À chaque fois que tu pars vers l’est, ils partent vers l’ouest et vice-versa », poursuit-il. « Il faut créer des unités d’élite contre les terroristes, former des gens en local et intervenir avec l’appui aérien français. Pour cela, il faut plus de confiance entre les différents acteurs, arrêter les hostilités, suivre l’Accord de paix, reconstituer l’armée et envoyer des militaires appuyés par des forces locales. Il n’y a pas d’autres solutions, sinon on retournera à la situation de 2012 ». Un avis partagé par cette source sécuritaire malienne, qui estime que « la lutte antiterroriste demande la complicité et l’aide des populations locales, du renseignement, puis une connaissance du terrain. Malheureusement, ni les forces étrangères ni l’armée malienne n’ont cela ».

Dans la région de Kidal, certains ont commencé à se résigner à un retour des djihadistes. « C’est Iyad le commandant de bord à Kidal. Il détient toujours la réalité du terrain. C’est pour cela que les gens ne dénoncent pas. Si tu dénonces, demain tu seras le seul perdant. Barkhane, malgré l’arrivée du nouveau président français, ne fera rien pour nous, la MINUSMA non plus. Donc on se tient à carreau », résume, philosophe, ce commerçant de la région. Seul répit provisoire mais attendu, le ramadan, période de trève où les djihadistes suspendent leur activité, pour s’adonner pleinement à la religion. Mais d’autres en redoutent déjà la fin. « Beaucoup de gens ont peur qu’après le ramadan il y ait une grande offensive. C’est très possible avec tout le matériel que les djihadistes ont obtenu dans leurs attaques à Almoustarat et ailleurs au Mali et au Niger. Ils ont à peu près les mêmes moyens qu’avant l’intervention de Serval ».

 

Almou Ag Mohamed : « Aucune injonction ne va nous amener à nous précipiter pour libérer le camp 1 de Kidal »

La médiation internationale via le président du CSA, Ahmed Boutache, a adressé une lettre à la CMA lui intimant de libérer le camp 1 de Kidal, retenu pour abriter le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC), et menaçant, si la CMA n’obtempérait pas, de subir des mesures contraignantes pouvant aller jusqu’à une suspension des indemnités de leurs représentants au sein du CSA et des sous-comités thématiques. Almou Ag  Mohamed, porte-parole du HCUA, actuellement à Kidal avec la délégation du DDR, a expliqué au Journal du Mali, les raisons qui empêchent la CMA de libérer immédiatement le camp 1 de Kidal.

Pourquoi la libération du camp 1 de Kidal n’est toujours pas effective ?

Pour nous cette lettre d’Ahmed Boutache, président du CSA est tombée un peu comme un cheveu dans la soupe. Nous l’avons jugée complètement inopportune, nous sommes à Kidal avec une délégation conduite par le président de la Commission DDR, Zahabi Ould Sidi Mohamed, depuis 3 jours. Cette lettre est tombée pendant que nous étions dans le camp 1 avec cette délégation, la Minusma, Barkhane et la CMA et on était justement en train de discuter de cette question.  Si cette lettre n’était pas arrivée, on aurait trouvé une solution avant la tombée de la nuit, hier soir. Concernant le camp 1, il est situé dans un point névralgique de la ville de Kidal dont la sécurisation, jusqu’à preuve du contraire, revient à la CMA et pour que la CMA quitte ce camp, il faut qu’il y ait une garantie que ce point névralgique soit sécurisé. Pour l’instant, on nous demande de l’abandonner pour faire des travaux mais tant que nous n’avons pas la garantie qu’il sera sécurisé nous ne pouvons partir.

Pourtant un contingent du MOC de Kidal, composé de FAMA et d’éléments de la Plateforme se trouve dans le camp de la Minusma à Kidal et pourrait en assurer la sécurité.

Les gens qui disent ça ne sont pas au fait des réalités du terrain. Autour de Kidal aujourd’hui, la majeure partie des points de défense sont sécurisés par la CMA et la sécurisation à l’intérieur de la ville de Kidal incombe à la CSMAK. Comme je vous l’ai dit, la sécurisation de la ville incombe à la CMA et s’il se passe quelque chose on dira que la CMA n’a pas su sécuriser ses positions. Quant à la Minusma, elle ne sort quasiment pas de son camp et quand elle sort c’est avec ses blindés pour des patrouilles. Dans tous les points névralgiques le de la ville nous avons 5 à 6 pickups qui sont positionnés pour qu’il n’y ait pas d’infiltration et pour que les citoyens dorment tranquillement. Quand le MOC se mettra en place nous lui céderont tous les postes possibles. Nous somme prêt, en accord avec la Minusma, à ce que nos éléments gardent un petit coin du camp le temps que les travaux se fassent. Il y a aussi la possibilité que nos éléments désignés pour faire parti du MOC restent dans le camp en attendant. Nous exposons cela dans la réponse que nous avons fait parvenir à Mr Boutache.

Donc, vous ne pouvez pas dire à quelle date vous pourrez libérer le camp 1 ?

Pour nous, aucune lettre ou aucune injonction ne va nous amener à nous précipiter pour libérer le camp 1 et mettre en péril la sécurité que ce soit de Kidal ou de toutes les autres villes de la région. Encore une fois, pour l’instant il est difficile de satisfaire cette demande au niveau technique et au niveau sécuritaire. Nous attendons de voir comment le MOC va se mettre en place, on prendra le temps s’il le faut tout en sécurisant la ville au maximum.

Quels dangers craignez-vous concernant la sécurité de Kidal ?

Toutes agressions extérieures ! J’ajouterai qu’à Kidal, il y a plusieurs camps et on ne voit pas pourquoi la libération ou non du camp 1 par la CMA pourrait constituer un point de blocage dans la mise en œuvre de l’Accord. Il y a des blocages plus graves. Dès qu’il ne fera aucun doute que le camp 1 sera sécurisé, la CMA ne verra pas d’objection à l’installation des soldats du MOC.

Le bilan de l’installation du MOC à Gao et un peu mitigé, il y a des vols de véhicules et des braquages, comptez-vous prendre des mesures pour éviter cela au MOC à Kidal ?

En tout cas en ce qui concerne la CMA, nous avons pris des mesures par rapport aux éléments qui étaient impliqués dans ces vols de voiture, nous avons tout simplement radié ces éléments, mais d’autres parties sont aussi impliquées dans ces vols de voitures. Je rappelle que le véhicule du Chef du MOC a été enlevé par un membre du GATIA, les autres voitures c’était un élément de la CMA avec un élément du GATIA, puis un élément des FAMA avec un élément du GATIA  et ensuite un élément de la CMA avec un élément du GATIA. Donc, je pense qu’en prenant rapidement les dispositions qui s’imposent, comme l’a fait la CMA, tout ça ne se déroulera plus.

2 Casques bleus tués dans une attaque dans le Nord

Deux Casques bleus ont été tués au Mali et un troisième blessé mardi dans une embuscade tendue aux environs d’Aguelhok (nord-est), près de la frontière algérienne, a annoncé la Mission des Nations unies (Minusma).

Ils effectuaient une patrouille à pied vers 06H30 GMT à 5 km d’Aguelhok, a précisé la force de l’ONU dans un communiqué, sans révéler leur nationalité. Une source militaire au sein de la force de l’ONU a affirmé à l’AFP qu’ils appartenaient au contingent tchadien.

« Cette attaque s’ajoute à une vague de violences qui, au cours des dernières semaines, a ciblé sans distinction les populations civiles, les forces armées maliennes et les forces internationales », a souligné le chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif, cité dans le texte.

« Ces violences ne visent qu’à ébranler les efforts du camp de la paix pour ramener la stabilité et l’unité au Mali », a-t-il estimé, réaffirmant le soutien de la Minusma aux « efforts du gouvernement malien et des autres parties signataires ainsi que du peuple du Mali dans la mise en oeuvre de l’accord » de paix.

Un Casque bleu libérien avait été tué le 3 mai dans une attaque contre le camp de la force de l’ONU à Tombouctou (nord-ouest).

Cette attaque, comme la plupart de celles perpétrées ces dernières semaines au Mali, avait été revendiquée par le « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans », alliance jihadiste récemment créée, sous le commandement du chef islamiste touareg malien Iyad Ag Ghaly.

Déployée depuis juillet 2013, la Minusma est la mission de maintien de la paix de l’ONU la plus coûteuse en vies humaines depuis la Somalie en 1993-1995, avec plus de 70 Casques bleus tués en opération.

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda à la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.

Ces groupes en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire internationale, qui se poursuit actuellement.

Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes et étrangères, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix, censé isoler définitivement les jihadistes, dont l’application accumule les retards.

Le nouveau président français, Emmanuel Macron, a exhorté le 19 mai toutes les parties prenantes et les pays voisins à « accélérer » le processus de paix, lors d’une visite de la base militaire française de Gao, principale ville du nord du pays.

« On sait où sont les difficultés principales et ce que nous devons faire. Faisons-le sans barguigner », a-t-il lancé, en présence de son homologue malien Ibrahim Boubacar Keïta.

A l’approche du deuxième anniversaire de cette signature, les progrès « ont jusqu’à présent été inégaux et nombre de dispositions importantes de l’accord, y compris des mesures prises à titre provisoire essentielles d’ordre politique et sécuritaire, ne sont toujours pas appliquées », regrette le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans son dernier rapport trimestriel sur le Mali.

La croix rouge suspend ses activités à Kidal

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a décidé de suspendre temporairement ses activités dans la région de Kidal, dans le nord du Mali, en raison de l’insécurité, selon un communiqué publié hier.

Lundi, 24 avril, aux alentours de 4 heures du matin, des hommes non encore identifiés ont cambriolés les locaux de la Croix Rouge dans la région de Kidal.

«Considérant qu’il s’agit du deuxième cambriolage en moins de trois mois, nous pensons qu’il s’agit d’un problème général de sécurité dans l’environnement de Kidal. Face à cette situation d’insécurité, nous avons décidé de suspendre temporairement nos activités dans la région de Kidal » déclare Jean-Nicolas Marti, chef de la délégation du CICR au Mali. Cet arrêt provisoire annoncé « ne touche pas les activités urgentes, notamment à l’hôpital, car une suspension à ce niveau aurait de graves conséquences humanitaires », précise-t-il. Le nouveau gouverneur de la région de Kidal Sidi Mohamed Ichrah s’est indigné de ce retrait « c’est une grosse perte pour la région, un drame pour la population locale et c’est très malheureux pour les acteurs qui prétendent assurer la sécurité des populations civiles ». Effectivement, le CICR demeure l’une des rares organisations présentes sur place à fournir une assistance humanitaire selon son chef de la délégation dans le pays.

Dans un communiqué publié mardi, l’ONU a déploré la recrudescence des actes de violence contre les organisations humanitaires au Mali. Selon son bureau en charge de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 38 incidents ayant freiné l’accès des populations à l’aide humanitaire ont été répertoriés au Mali depuis le début de l’année. « Les deux tiers de ces cas sont des actes de violence perpétrés contre le personnel, les biens et les installations des organisations humanitaires. Le plus souvent, il s’agit de braquages et de vols de véhicules ».

L’organisation humanitaire est plusieurs fois menacée dans ses activités. Il y’a un an, en avril 2016, trois personnes travaillant pour le CICR avaient été enlevées toujours dans la même région de Kidal par le groupe Ansar Dine d’Iyad Ag Ahly avant d’être libérées une semaine plus tard. En début d’année 2017, un humanitaire a été assassiné dans la région de Gao.

 

Keltoum célèbre la musique Touarègue

Keltoum Walet sort son premier album professionnel intitulé «Yana ». Ressortissante de la région de Kidal, elle célèbre la musique locale dans ces dix nouveaux titres dont la sortie est prévue en mars 2017.

Assise confortablement sur une chaise artisanale, la tête recouverte de voile, Keltoum Maïga Sennhauser, alias Keltoum Walet, d’un mouvement désinvolte de la main gauche, chatouille une castagnette. D’une voix suave, elle prononce avec fidélité chaque note des dix titres qui composent son nouvel album intitulé « Yana », qui signifie «Ô ma mère » en tamasheq. Dans sa villa sise au cœur du quartier résidentiel de Badalabougou, Keltoum est en répétition avec son équipe, deux fois par semaine. Originaire de la région de Kidal, elle est une figure emblématique de la musique malienne. Peintre, poète et chanteuse, Keltoum est artiste depuis toujours. « Je chante depuis toute petite mais je voulais devenir peintre », explique celle qui estime que « ce sont deux choses complémentaires. La musique est une inspiration importante pour la peinture ».

Chanter pour résoudre En 1994, elle sort un album de six titres avec une amie. Elle l’intitule « Chatma » qui signifie « Mes sœurs ». Son objectif à l’époque était de calmer les ardeurs belliqueuses après le second conflit touareg. « Il fallait sensibiliser nos frères sur les méfaits de la guerre », dit-elle. Cet album qui ne sera pas vendu, est dédié à la population locale. Quelques années plus tard, Keltoum, qui poursuit sa route, se fait connaître du grand public comme la productrice du premier album du célèbre groupe touareg Tinariwen, mais aussi pour ses tableaux. Sa musique, quant à elle, dépasse les frontières de sa terre natale et séduit Boncana Maïga alias « Maestro ». Ce dernier convainc l’artiste d’entrer en studio, vingt-trois ans après le début de sa carrière. « C’est un nouveau départ pour moi et ma carrière musicale », se réjouit Keltoum, dont l’album est un pur produit solo : « je ne chante que quand il y a des problèmes. Tout le monde ne pense pas pareil, c’est pourquoi je chante généralement seule ». Le lancement de l’album « Yana », qui comprend dix titres chantés en français et en tamasheq, est prévu pour ce mois de mars 2017. Une tournée devrait suivre dans la foulée, au cours de laquelle on pourrait la retrouver sur scène avec Boncana Maïga pour une collaboration inédite.